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[RP] Pour pouvoir voler, vous devez croire à l'invisible.

Fleur_des_pois
Some nights, I wish that this all would end
Cause I could use some friends for a change
*

Le soleil de cette fin d'après-midi était éblouissant. Le quartier des halles bruissait toujours d'activité bien que dans deux heures tout au plus, il ferait nuit. La ville de Paris était toujours animée. Cela changeait agréablement de ces villages morts et mornes que Fleur-des-Pois avait traversés depuis quelques jours.
Ici, il y avait de la vie. Et c'était précisément ce dont elle avait besoin. Parce qu'avec la vie il y avait l'argent. Et qu'avec l'argent... Un sourire satisfait se peignit sur son visage halé. La nouvelle robe qu'elle avait « trouvé » était parfaite. D'une jolie teinte grenat aux manches raportées indigo, et taillée dans une riche étoffe. Avec la chaude chemise blanche qu'elle portait en dessous, Fleur était à la fois à l'aise et au chaud. Et cela lui allait très bien. A sa ceinture de cuir pendait une bourse en daim, malheureusement un peu plate. Qu'à cela ne tienne ! Qui vole une robe pouvait voler une bourse. Non ?

Tout en se glissant parmi les badeaux, la brune étudiait les possibilités. Un vieillard, ici, à moitié aveugle. Victime parfaite, toute désignée. Malencontreusement, elle trébucha juste à son niveau. Malencontreusement, elle dut se ratrapper à lui. Malencontreusement, ses doigts agrippèrent sa taille. Le rose lui monta aux joues. Un sourire ravissant et ravageur étira ses lèvres pleines et ourlées. Le vieux bonhomme secoua la tête, abasourdi et enchanté de son sort, sans s'apercevoir qu'il était plus léger de dix écus.
Sautillant d'un pas léger, Fleur répéta son manège plusieurs fois, visant toujours les hommes. Qu'ils soient jeunes ne lui posaient pas de problème. Il suffisait de se coller un peu plus près. Les hommes étaient si faciles à duper que cela en perdait presque son intérêt.

S'arrêtant dans un coin, elle transvasa le contenu des quatre bourses dans la sienne. D'une couleur bleue, elle y avait brodé quelques étoiles argentées, et l'affectionnait particulièrement.
Ramenant sa masse de cheveux noirs dans son dos, Fleur examina les lieux. Les étals étaient bondés et il devenait difficile de circuler. Elle se mit à rire toute seule, quand une grande matronne vêtue d'une ample robe s'arrêta devant un marchand de curiosités. Un nain s'en extirpa en la houspillant et s'en fut, vexé. Parfois, Fleur regrettait de ne pas pouvoir partager ce genre de choses avec une amie. Mais sans famille, elle avait dû se débrouiller seule très tôt. Trop tôt. Reccueillie à l'âge de sept ans par une guérisseuse qui l'avait sorti de l'orphelinat, elle avait appris avec elle le secret des plantes. Mais au lieu de soigner et guérir, la jeune femme préférait empoisonner et intoxiquer. Isolda la Guérisseuse l'avait chassé de chez elle quand elle l'avait découvert. Mais Fleur avait appris à ne plus souffrir de l'abandon.
Et puis, bizarrement, les gens se méfiaient d'une empoisonneuse. Ils n'osaient jamais rien boire, manger ou toucher, en sa présence.
Un gamin la bouscula, la faisant sortir de ses pensées.


Sale mioche ! hurla-t-elle en levant le poing. Si je te retrouve, t'auras plus l'occasion d'aller chialer dans les jupes de ta mère !

Mais l'enfant était loin, et elle n'avait pas fini sa tournée. Quittant son coin, Fleur réintégra la foule pressée. Sa prochaine prise fut aussi simple que les autres. Elle décida brusquement de pimenter le jeu. Une femme, il lui fallait une femme. Au hasard, comme de coutume. Elle en aperçut une. Elle regardait Dieu sait quoi, mais ça, Fleur n'en avait rien à faire. Elle ne ferait pas commerce avec sa victime. Sa main agile se tendit légèrement et le bout de la lame de son poignard fit son apparition. Dans un mouvement de maladresse parfaitement simulé, elle s'écrasa contre la femme. Les cordelettes furent tranchées rapidement tandis que la brune se confondait en excuses. Sans s'attarder plus qu'il n'était nécessaire, Fleur s'éloigna promptement butin en main. De nouveau elle se coula hors de la foule pour remplir sa propre bourse. Trente écus ? La journée avait été plus que satisfaisante.





Titre : Citation de Richard Bach
* Some nights - Fun
Certaines nuits, j'aimerais que tout cela s'arrête
Parce que des amis, ça me ferait du bien pour une fois

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Enjoy
    Le quartier des Halles, un bien étrange endroit. Il n'est pas dans la coutume de la voir y fureter. A vrai dire, elle préfère largement les cloaques miteux qui peuplent les bas fonds de Paris. Mais elle entretient encore plus un goût immodéré pour les bouges lorsqu'ils ne sont pas issus de la capitale. Son aversion pour Paris est réelle. Comment peut-on aimer cette ville ? Tout est disproportionné. Les ruelles sont les rues des patelins qu'elle arpente. Les caniveaux dégueulent d'une puanteur exécrable à croire que toute la vomissure et la fange de la faune locale sévissent par ici. Les volets claquent sous les assauts répétés du vent en colère, l'épiderme des murs souffre de l'humidité et se craquelle par endroits jouant de reflets noirâtres et verdâtres. Les rats se faufilent au milieu de cette piètre populace. Et dans ce décor morbide des gamins des rues s'amusent dans leur quartier-dortoir tandis que le jour, pour ne pas crever de faim, ils font l'aumône dans les zones plus huppées. Et c'est justement au sein des Halles qu'ils tendent leurs petites mains crasseuses pour obtenir l'obole qu'ils n'ont pas nécessairement mérités.

    La Mustélide peut se targuer d'avoir survécu à travers ce monde que par elle-même. A la dur sans l'aide de personne. De son périple en pleine nature forgeant son caractère de sauvage jusque dans les arrières-cour des tavernes pour asséner ses pauvres victimes de quelques coups de poings bien sentis. De quoi raviver la hargne et de ressentir avec un plaisir non dissimulé la douleur qui envahit ses phalanges meurtries lorsqu'elles entrent en contact avec les dents d'un pourceau en mal de sensation forte. Elle sait se battre mais depuis qu'elle a croisé le destin de ses cousines, elle s'abstient. Elle est telle une guerrière qui a remporté tellement de batailles qu'elle peut désormais se reposer sur ses lauriers et profiter pleinement de la vie. Ou presque. Du moins c'est l'idée qu'elle aimerait donner aux choses. Hélas, même si l'argent s’amoncelle en cette heure, il ne suffit pas de se baisser pour le ramasser. Cela nécessite de faire fondre sa matière grise et éponger son front en sueur suite à une dure journée de labeur. Les honnêtes gens ne se rendent pas bien compte du travail que cela demande de piller une mairie. C'est toute une préparation en amont, un repérage, une concertation, vivre au quotidien avec ses semblables n'est pas toujours de tout repos et lorsque l'attaque aboutit, une fois passée le frisson. Il faut encore se torturer les muscles à soulever les coffres afin de les charger dans la charrette. Une vraie sinécure.

    Le crime est comme l'amour. Des préliminaires langoureux et passionnés. Puis on passe au plat de résistance, l'action pure. Lorsque les corps s'entremêlent, que les pulsions prennent le pas sur la Raison et que l'instinct surgit n'ayant que pour point d'orgue le son guttural d'un râle suite à une jouissance parfois bien trop hâtive. Quelques minutes de plaisir qui restent gravées là quelque part au sein d'une mémoire qui en contient des milliers. Alors on se sent repue mais aussi lasse et parfois sale. Fatiguée par tant de mouvements fugaces et quand on y songe bien futiles. Puisque si éphémères... Le brigandage est semblable en tout point. Une fois rassasiée, il faut recommencer et on ne peut se contenter de peu, l'appétit dévore nos âmes et chaque repas doit être un festin. Son dernier en date lui avait permis de se vêtir confortablement, de se nourrir avec ce qu'il se faisait de mieux. Une vraie aubaine, une vie de luxe pour celle qui sort des sentiers battues. Née dans son Ecosse froide et inhospitalière. Évoluant désormais dans le repère de la bourgeoisie Parisienne.

    Le temps est une chose qu'elle affectionne et qu'elle use. Si bien que la fraîcheur qui prend la tête du convoi d'une nuit annoncée la rappelle à l'ordre comme toujours. Alors que ses pupilles babillent devant des articles de qualités. Malgré l'écrasement d'une foule bien trop dense à son goût, elle reste concentrée sur l'objet de ses désirs. Soudain, son espace vitale est flouée, violée. Une jeune femme à la longue chevelure brune la percute, elle n'a à peine que le temps de l'entrapercevoir que les excuses pleuvent et que tout est déjà fini. La mustélide retourne alors toute son attention vers le marchand qui lui fait face. Elle pose sa main à l'endroit où se trouve habituellement sa bourse et là, stupeur, elle répond aux abonnés absents. Une chaleur désagréable parcourt sa nuque. Des picotements. Une réaction normale suite à cette mauvaise surprise. La Corleone est loin d'être une idiote. Pourtant, elle vient de se faire avoir comme une bleue. Elle si prévoyante d'habitude n'avait pas songé qu'on puisse lui faire les poches ici même. Grave erreur. Elle regarde autour d'elle en fronçant le museau. C'est alors qu'elle observe la brunette se carapater au milieu de la foule. Se faufilant telle une anguille. La Furette abandonne alors sa convoitise pour une autre, elle la suit le plus rapidement possible, bousculant les gêneurs sur son passage. Chaque choc est une montée d'adrénaline, un germe de colère qui traverse son esprit. Elle va lui faire la peau. Même si au fond, elle n'a aucune certitude que la donzelle soit réellement la coupable. Chez les Corleone, la justice est expéditive. On se préoccupe peu des détails et encore des plaidoiries de la défense. On observe, on juge et on tue. Pas de sentiments avec l'ennemi. Il n'en fera pas avec vous.

    La masse de gens s'étiole au fur et à mesure que les pas augmentent. Bientôt, elles se retrouvent à l'écart. Enjoy ralentit sa démarche se faisant prédateur. A l'affût, elle guette sa future proie qui affiche un sourire satisfait transvasant le contenu de la bourse dérobée dans une autre au cuir bleuté. Se faufilant rapidement derrière elle, sa dague est de sortie et va se pointer sur la gorge de la voleuse. Ses pieds font un demi-cercle en se chevauchant pour qu'elle se retrouve face à face avec la jeune femme, la lame toujours pointée sur la peau. La mustélide lui assène alors un regard foudroyant qui en dit long. Une envie de l'étriper est bien présente mais des sentiments divergents apparaissent subrepticement alors que ses prunelles croisent ceux de l'escamoteuse. Si jeune et à la fois si vieille. Talentueuse à ne pas en douter. Le poids de ses années, même si encore peu nombreuses, est son meilleur argument. Enjoy se tient bien droite, le bras tendu et les muscles bandés. Prête à sanctionner le moindre faux mouvement de son vis à vis.


    La journée a été bonne...

    Dit-elle en jetant un oeil au contenu qui recouvre la main de la brune. Ses yeux retrouvent les siens affichant un air hautain. Pas forcément des plus approprié.

    Quel est ton nom ?

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Fleur_des_pois
La main au collet *

Si une minute seulement auparavant Fleur-des-Pois se réjouissait du résultat de sa journée, ce n'était plus le cas maintenant. Le couteau sous la gorge, elle tentait de comprendre ce qui lui arrivait. D'habitude on ne la prenait pas. Elle s'en était toujours sortie. Et la jeune femme en face semblait assez remontée pour lui trancher la gorge.
Cette « proie » avait été une erreur. Mais trop tard pour regretter. Il lui fallait s'en sortir. De chasseuse, Fleur était passée à chassée. Et elle n'aimait ça pas du tout. Rétablir la situation, vite !
Levant lentement une main, elle afficha un sourire destiné à détendre l'atmosphère. Délicatement, elle glissa un doigt sur la base de la lame. Ne lui restait plus qu'à faire comme toujours. Esquiver. Faire comme si tout était normal. Décontractée et culottée.


Bonne journée, je dois l'admettre. Ma dernière prise était des plus satisfaisantes.

Une ombre de clin d'oeil passa sur sa paupière. Si Fleur avait retenu quelque chose de sa vie de débrouillardise, c'était bien de ne jamais montrer sa peur. T'as peur, t'es mort. C'était le dicton de la rue. La règle première qu'elle avait retenue.
Elle était dans une position délicate. Mais elle avait confiance en elle. Elle pouvait s'en sortir. Restait à savoir comment.
Avant de répondre à sa question, Fleur prit le temps d'examiner la jeune femme. Elle ne pouvait pas s'empêcher d'être admirative. Elle l'avait attrapé. C'était tout nouveau pour la brune. Elle avait traversé de nombreux villages en dérobant autant comme autant sans jamais être soupçonnée. Et voilà qu'une inconnue comme une autre mettait la main sur elle. Comme si elle n'avait été qu'une débudante. D'ailleurs, elle avait fait une erreur de débutante. Elle aurait dû s'arrêter bien plus loin.

Ses yeux bruns détaillèrent les traits réguliers de la propriétaire de la bourse gisant à ses pieds. Courbes volupteuses. Grande. Brune comme elle. Richement vêtue. Fleur la devinait puissante et redoutable. L'inconnue ne ferait qu'une bouchée d'elle si elle le voulait. Fleur était taillée pour trancher les bourses et manier le poison. Pas pour tenir une masse d'armes ou une lourde épée. Elle maniait relativement bien le poignard quand il le fallait. Mais c'était tout. Ce n'était pas pour sa force musculaire qu'on était tenté de la craindre. Davantage pour son côté retors et joueur. Pour les chausses-trappes qu'elle glissait dans les énigmes qu'elle posait à ses victimes. Trouve la bonne réponse à ma question et je te donne l'antidote au poison que tu viens de boire. Echoue et je te regarde mourir. C'était ça son jeu. C'était cruel et froid. C'était traitre. Si Fleur avait dû être comparée à un animal, ç'aurait été à une vipère. Elle n'y pouvait rien. Elle était née comme ça. Ou la vie l'avait rendu comme ça. Ce qui revenait au même, l'un dans l'autre.

Mais ce n'était pas le meilleur moment pour s'analyser, songea-t-elle. L'index toujours posé sur la lame, la brune tentait doucement mais sûrement, de se dégager du danger. Cause perdue, l'inconnue ne la lâcherait pas. C'était fâcheux. Autant répondre à la question, puisqu'elle n'avait rien d'autre à faire.
A cette question, d'habitude, elle relevait le menton et répondait qu'elle pouvait s'appeler comme son interlocuteur voulait. Mais cette fois, ce n'était pas ce qu'il convenait de faire.


Eh, ta mère t'a jamais appris que dans une conversation polie, on colle pas les couteaux à beurre sous le menton de son compagnon de parlotte ?

Ce n'était pas forcément la chose à dire. Etait-ce son imagination ou la lame s'était faite plus mordante ? Fleur poussa un soupir résigné.

Fleur-des-Pois. Je m'appelle Fleur-des-Pois.

Puis, comme d'habitude lorsqu'on lui demandait son nom, la brune se sentit obligée d'expliquer.

Parce qu'on m'a retrouvé nouvellement née au beau milieu des pois de senteurs un jour d'été. Et faut croire que j'avais pas une tête à m'appeler Marie.

La jeune fille tenta encore de repousser l'arme, sans succès.

Et toi c'est quoi ton nom ? Et t'es au courant que ton truc, il picote ?


* Film d'Alfred Hitchcock, sorti en 1955.

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Enjoy
    La réponse prend la place de l'insolence. L'escamoteuse ne manque pas de culot. Pourtant la situation est loin d'être à son avantage. La lame de la mustélide se fait plus mordante, plus agressive au fur et à mesure que le flot de paroles déborde de la bouche de l'impétueuse. Surtout quand son index tente d'écarter le poignard. Ses réactions sont teintées de fierté et de ruse. Être fière lorsqu'on est au fond du trou ou pas loin est un signe révélateur. A l'orée de la mort, le linceul immaculé resplendit de l'honneur dont seuls ceux qui ont la fameuse étincelle peuvent se targuer. Et la ruse, c'est une compagne des résidents de la rue. Un cumul fort intéressant. Mais la Furette ne laisse rien transparaître. Aucune émotion positive, aucune faiblesse apparente. Une fois que la diatribe de son interlocutrice s'achève, elle n'offre qu'un froncement de sourcils visiblement fort agacée. La répartie est un art à user jusqu'à l'excès. Mais elle ne désire pas en faire la démonstration. Pas aujourd'hui. Puis parfois, il faut savoir se taire. Le silence a ses avantages qui ne sont pas dénués de sens. La Fougueuse comme on la surnomme parfois enfonce légèrement la pointe de sa dague sur la gorge de sa proie. Une goutte, puis un maigre filet de sang s'écoule lentement à l'endroit de la pression. Sa victime n'en gardera pas la moindre trace, ce n'est qu'une égratignure. Une petite coupure sans conséquence. Les lèvres de la Corleone s’entrouvrent et laissent échapper un son. Une suite de mots qui forme une phrase piquante sur l'autel de la rosserie.

    Ma mère est morte. Je l'ai étranglée avec mon cordon ombilical....

    Elle relève légèrement le menton se donnant volontairement un air supérieur. Puis son regard se porte de nouveau vers la bourse pleine. Sa main cède un peu de terrain laissant ainsi un peu de répit à la voleuse. Quel est son nom ? Cela dépend des jours, des endroits et des situations. En ce moment, elle s'annonçait de par son patronyme « Macdouggal » descendante d'un clan de guerriers écossais. Naître pour mourir. Vivre pour se battre. Ne rien lâcher, ne jamais renoncer. Toujours avancer. Les phrases se succèdent au sein de son esprit. Son éducation est une suite d'expressions qui prônent la motivation. Qui inculquent les bases de la "non peur" et ainsi accepter son sort lorsqu'une épée transperce le corps des malheureux. Même sur leurs lits de mort, ces Écossais tiennent fermement leurs armes et ne quittent pas des yeux leurs armoiries. Mais son travail, sa raison d'exister était tout autre. Elle évolue au sein d'un groupe qui inspire le respect, avec une histoire qui en impose. Et même si certains omettent leurs racines, elle, s'en souvient. La mustélide connait son histoire. Et s'est en retirant habilement l'arme du cou de l'ardente qu'elle rétorque.

    Mon nom est Enjoy Corleone.

    Sa posture se fait de nouveau plus souple, plus détendue. Ses prunelles s'égarent lentement autour d'elle alors que le jour s'éclipse rapidement. Elle n'ira pas réclamer ses écus. Tant pis, son attention avait qu'à être plus forte. Son vis à vis mérite son dû. Une fois la colère passée, c'est la curiosité qui s'exprime. Une jeune femme qui fait les poches. D'une part, cela lui rappelle quelqu'un. D'autre part, elle a un certain talent. Peut être y a-t-il quelque chose à en retirer ? Peut être. Peut être pas. L'évocation et la justification de son prénom la laisse perplexe. Abandonnée enfant dans les pois de senteur. Ainsi donc dérober autrui a un parfum. Et c'est celui des fleurs. La mustélide n'ira pas lui faire la remarque qu'elle possède un surnom de catin qui pourrait officier à la cour des miracles. Pour deux raisons. Le sien n'est guère mieux à ce niveau. Et ensuite, elle trouve les invectives sur les filles de joie d'un banal affligeant. Ce sont souvent les propos d'hommes frustrés de sentir la puissance de leur phallus s'estomper comme lors d'un ébat où l'impuissance sévit. L'injure des faibles. De toute façon, les insultes appartiennent aux esprits faibles. Il n'est pas donner à tout le monde d'agonir son prochain avec style et verve. Reculant d'un pas, ses doigts remettent en place une mèche folle qui court sur ses yeux.

    Tu gagnes donc ta vie de la sorte... Quel manque d'ambition. Je pourrai t'offrir autre chose. Mais je ne sais pas si tu as le talent pour en être. Espérer la Gloire des siens. Protéger ses compagnons jusque dans la tombe et mourir jeune sans avoir honte de rejoindre ses aïeux. Penses-tu posséder ces aspirations ?

    Elle la toise quelque peu. Tandis qu'un gamin des rues passe à proximité pour ensuite disparaître dans une rue en arrière fond. La furette plante alors ses noisettes dans ceux de la Fleur. En attente d'une acceptation ou bien d'un refus. Mais quand un ou une Corleone propose une place pour piller, truander voire tuer. En principe, on ne fait pas la fine bouche et on se contente d'acquiescer en suivant le reste du clan. Mais encore faut-il correspondre aux attentes de ce dernier. Ne jamais renier les siens, s'exprimer et être fier des autres comme si on gonflait son propre ego. Un ajout afin de la tester. Une éternelle remise en cause. Comme des loups se battent et grognent au sein de la meute pour marquer leur territoire et faire ressortir une hiérarchie.

    Il existe une multitude de métaux. Je suis de l'or. Peut être n'es-tu que du fer ? Et le fer, cela rouille...

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Fleur_des_pois
Donne-moi du poison pour mourir ou des rêves pour vivre. *

La première réplique de la grande brune fit papillonner les cils de Fleur. Elle devait bien s’admettre étonnée. Et ravie. Ce n’était pas tous les jours qu’on lui faisait pareille réponse. Un sourire amusé fendit ses lèvres. Elle qui ne respectait personne était tentée de faire une exception.
L’arme s’éloigne de son cou sans le quitter pourtant. Que faire quand elle sera libérée ? Fuir lui semble être la solution. La volée risquait de lui réclamer son bien. Et Fleur en avait besoin. Pas pour faire don à un orphelinat. Loin de là. Elle avait repéré un superbe mortier en acajou. Et naturellement il le lui fallait.
Fleur eut une brusque pensée pour l’une des fioles au fond de sa besace. Le moindre contact lingual entrainait une morte rapide. Il lui suffisait juste de se débrouiller pour le lui faire boire. Comment, cela restait la question.

La brune n’eut pas le temps de se pencher sur la problématique. La jeune femme daigna enfin se présenter. Et la libéra du même coup. Fleur esquissa un mouvement de côté. Elle n’aurait peut-être pas besoin de poison. Enjoy Corleone ? Peut-être avait-elle entendu parler des Corleone. Vaguement, distraitement. Fleur n’avait pas l’habitude d’écouter les autres. Les conversations étaient souvent insipides. Comme un gruau sans lait. Les paysans parlaient terres, cultures, bétails. Les nobles parlaient domaines, argent, serfs. Les mêmes choses. Avec des termes différents. Elle-même n’avait rien de tout cela. Alors pourquoi aurait-elle écouté ?

Les Corleone. A ce qu’on se murmurait, c’étaient des brigands. En majeure partie. Voler une voleuse. Cela ne lui était jamais arrivé. Un sourire plus large se dessina sur ses lèvres. C’était comme de piquer le diable avec sa propre fourche. Où avait-elle entendu ce nom ? Fleur ne s’en souvenait pas. Elle était distraite. Ou plutôt inattentive.
Lentement, elle se passa la main sur le cou. Une trainée de sang tâchait l’extrémité de ses doigts. La brune grimaça. Elle ne supportait pas qu’on attente à sa beauté. Si son esprit lui permettait de s’en sortir, son corps la garantissait des soupçons. Elle avait remarqué qu’on faisait plus confiance aux belles femmes qu’aux laides. Les hommes étaient faits ainsi. Ce n’était pas sa faute. Elle ne faisait qu’en profiter.

Enjoy lui reprocha bientôt son manque d’ambition. Fleur fronça les sourcils, blessée dans son orgueil. Les Corleone évoluaient en bande. Elle était seule. C’était aisé de dire cela quand on était protégée. Presque distraitement sa main glissa dans sa besace. Ses doigts se refermèrent sur une fiole. Trois gouttes dans un puit anéantiraient un village entier. Manquait-elle encore d’ambition ? La brune releva le menton, dédaigneuse. Manquer de talent ? Elle ? Sa colère s’enflamma comme un parchemin dans un feu de joie.


Comment t’oses dire que j’ai pas d’ambition et pas de talent ? C’est quoi, ton but, dans la vie ? Te cacher derrière un groupe et ne pas agir seule ? Et ton talent, c’est de coller des poignards sous le gosier des filles ?

L’éducation de la rue parlait à travers elle. Fleur cracha aux pieds d’Enjoy. A ses risques et périls.

Je peux tuer plus de gens que toi en moins de temps. Je sais peut-être pas tenir une épée, mais je fabrique des poisons, moi.

L’orgueil transpirait dans ce « moi ». L’orgueil et la conviction d’être meilleure. Fleur ne s’était jamais mesurée à personne. Elle se doutait bien ne pas être la seule à manier les poisons. Mais n’ayant jamais vu personne d’autre le faire elle n’avait pu juger de sa supériorité ou son infériorité. Elle en avait donc conclu être la meilleure en son domaine.

Mais l’offre d’Enjoy n’était peut-être pas si mauvaise après tout. Mourir ne lui avait jamais fait peur. Elle l’avait trop regardé dans les yeux pour la craindre. Elle la serrait actuellement dans la main. Quant à rejoindre ses aïeux… Orpheline, elle n’en avait pas. Et c’était pour cette raison qu’elle fréquentait un Cercle Druidique. On lui avait pris que les âmes étaient immortelles. Fleur n’avait donc rien à craindre. Espérer la gloire des siens ? Pourquoi pas. Fleur ne savait pas trop ce que cela signifiait. Appartenir à un groupe ? Ne jamais être seule ? Avoir des amis ? Concept étranger à la brune qui avait toujours été seule. Ou presque.

La dernière réplique d’Enjoy la fit de nouveau sourire. Un éclat de rire mourut sur ses lèvres. Rejetant sa longue et brillante chevelure brune en arrière, elle répondit d’une voix mordante d’insolence.


Du fer ? Non. Plutôt un diamant. Aspect brillant, cœur charbonneux. Quant à l’or…

Fleur sortit enfin la main de son sac de cuir. Entre son pouce et son index brillait une petite fiole de verre. Le contenu était d’une étonnante couleur violette.

Je le ronge avec ça.

Un sourire légèrement cruel se peignit sur ses lèvres. Le message était clair. Le territoire délimité comme les chats le faisaient avec leur urine aux senteurs âcres. Sauf que dans le cas de Fleur, c'était avec le poison. Qui aussi horrible que cela puisse paraître, ne sentaient pas mauvais.
Son poing se referma sur la fiole.


Tu maintiens ta proposition ?

* Gunnar Ekelöf

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Enjoy
    Insolente, orgueilleuse et passionnée. Son crachat est un exemple probant. Mais il en faut plus pour la faire réagir. Sa dernière question ne provoque qu'un haussement d'épaules de la part de la Corleone. Elle range définitivement sa dague dans son fourreau en cuir. Habillement dissimulé sous une extension en tissu. Sa tête se tourne alors vers l'horizon où ne figure désormais qu'une foule clairsemée. Son attention s'éloigne tout doucement de son interlocutrice qui termine de palabrer. Ses mots glissent et n'effritent pas la moindre parcelle d'amour-propre de la mustélide. Qui écoute sans vraiment chercher à répondre. Visiblement absorber par autre chose. Comme si l'insignifiance de la présence de l'escamoteuse n'avait que pour résultante de vouloir l'ignorer. Fleur se voulait forte mais elle semblait aussi terriblement seule. Même si on ne peut lui retirer le fait qu'elle a su grandir sans aucune aide. Il lui manquait un joyau que des milliers de personnes convoitent sans jamais pouvoir le toucher.

    La furette était comme elle à ses débuts. Qui restent relativement récents. Mais elle avait appris à mettre de l'eau dans son vin. L'expérience est de se retrouver face à un animal blessé qui fera tout pour s'en sortir. Prêt à mordre pour tuer. C'est ce que l'on nomme l'instinct de survie, le principe de préservation de soi. Et si au début, on peut sentir son ego émoussé face à une jeune femme qui appuie sur un manque d'ambition. C'est parce qu'il transpire la solitude. La Fougueuse le sait pertinemment. On ne fait rien seul. Pour détrousser quelques deniers voire plus, avec de la chance, sur une place de marché, on peut éventuellement s'adosser la compagnie de son ombre. Mais pour ce qui est de brigander à une plus grande échelle, celle qui rapporte vraiment. Les convois de marchandises, les voyageurs qui espèrent un lieu plus propice pour s'installer et se déplacent avec des coffres pleins à ras bord. Pour ce qui est de prendre une mairie, piller ses coffres, détenir le pouvoir suprême. Il est nécessaire, vital d'être entouré. Et ça Fleur semble ne pas encore le concevoir ou bien feint-elle de ne pas l'admettre. Mais à se borner à vouloir jouer d'une toute puissance en étant esseulée, son ambition atteindra bien vite les limites d'une étroite et courte ruelle. Alors qu'elle peut espérer s'emparer d'une ville, d'un territoire ou encore d'un duché entier si la chance lui sourit.

    En attendant la Rose affiche un sourire narquois. Ce qui n'inspire qu'un profond dédain s'exprimant par un long soupir. Les étoiles pointent doucement le bout de leurs nez et la Lune monte avec un certain manque d'enthousiasme sur son trône. Alors que le Soleil souffle ses dernières bougies avant d'aller rejoindre sa couche pour un repos bien mérité. La Corleone dépose brièvement ses yeux vers l'empoisonneuse. Puis elle fait un pas vers elle, empoignant sa main détenant la fiole la serrant bien fort. Elle la fixe alors d'un regard glacial. Aucune haine. Juste une forme de détermination, une absence d'âme et surtout cette quiétude face à la mort. Ses doigts impulsent encore plus de tension. Elle sent la main de Fleur qui résiste. La fiole pourrait éclater à tout moment et le liquide se répandre sur leurs épidermes. Si cela peut ronger de l'or qu'adviendra-t-il de la chair. Cela n'a que peu d'importance. Jouant de force, elle plaque son poignet sur la poitrine de l'impétueuse. Toujours avec un faciès d'une froideur à faire pâlir la grande faucheuse. La mustélide la relâche soudainement et passe à côté d'elle, silencieuse, en direction des établissements encore éveillés de la ville. Au sein de ce Paris qui ne dort jamais.


    Viens !

    Visiblement, il ne s'agit plus d'une demande, ni d'une proposition mais bel et bien d'un ordre. Au fond d'elle, l'espérance jaillit. L'envie qu'elle la suive sans réfléchir. Mais peut être ne le fera-t-elle pas. Enjoy pense bien qu'au fond elle n'a pas réellement le choix. Du moins, si elle avait été à sa place, elle aurait emboîté le pas. Certes blessée au sein de cette forme impalpable où les cicatrices ne se referment jamais. Mais pour l'instant aucune réaction de la part de cette autre. Peut être va-t-elle en profiter pour lui lancer dans le dos un récipient au contenu corrosif ? Peut être va-t-elle juste partir à l'extrême opposé ? Sa démarche s'accélère tout en conservant cette allure féline. L'empoisonneuse reste prostrée. Espérons qu'elle ne subisse pas le courroux de la Méduse à rester figer telle une statue. Même si la joliesse éclaire sa personne. Cela serait dommageable. La Corleone continue d'avancer sans se retourner. Juste une pensée l'envahit en cet instant : « Suis-moi... Allez ! »

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Fleur_des_pois
Elle part à gauche, je la suivrai
Si c'est à droite... attendez-moi !
*

Une phrase. Un mot. Viens. Et Enjoy se mêla aussitôt à la foule. Sans se soucier de savoir si oui ou non Fleur la suivait. Celle-ci hésitait. Lentement, elle fit quelques pas. S'éloignant de ce fait de la grande brune. Il lui suffisait de courir. Ou d'attendre. Bientôt elle ne distinguerait plus la silhouette de la Corleone.
Fleur avait le choix. Comme toujours quand on est seule. Se fondre dans la masse. Retrouver sa vie faite de vol à la tire et d'énigmes empoisonnées.
La brune se massa la main douloureuse. La poigne d'Enjoy lui avait fait mal. Avec un sourire amusé, elle rangea la fiole dans son sac. Elle avait menti. Celle-ci ne contenait rien d'autre qu'un extrait d'iris. La brune mélangeait souvent ses poisons avec des décoctions inoffensives. Voire consommables. En plongeant la main dans sa sacoche, elle ne savait jamais ce qu'elle en sortirait. Elle l'avouait parfois à ses victimes : il n'y avait aucune différence visuel entre une liquide mortel et un autre qui ne l'était pas. Fleur seule savait qui faisait quoi. Maîtresse en toutes choses. Toujours.

Maîtresse de sa vie. Mais seule. Et après tout, la protection d'un clan ne pouvait lui faire de mal. Cela lui faisait autant de personnes auxquelles ne pas faire de mal. Mais le jeu en valait la chandelle. Enjoy s'enfonçait parmi la foule. Dès qu'elle tournerait à l'angle de la rue, Fleur ne pourrait la retrouver. Et adieux, rêves d'amitiés ! La brune se mit à courir. Bousculant sur son passage hommes et femmes. Ignorant les insultes. Elle se faufilait entre eux. Comme un serpent entre les feuilles. Fleur courut si vite qu'elle manqua de percuter Enjoy.
Reprenant son souffle, l'empoisonneuse la suivit. Son guide semblait connaître son chemin. Fleur eut l'étrange sentiment d'être quelqu'un d'important. Comme toutes les orphelines elle avait un jour rêvé d'être la fille d'une jolie princesse. C'était l'effet que ça lui faisait de suivre Enjoy. C'était comme si elle marchait vers son destin. Comme si Enjoy allait lui offrir un royaume.

La Corleone poussa une porte. Comme au hasard. Celle d'une taverne comme Fleur s'en rendit bientôt compte. Ni trop clinquante, ni trop crasseuse. Le genre de lieu qui accueillait aussi bien un aisé bourgeois qu'un simple cultivateur de maïs. Aussi bien un marchand ambulant qu'un brigand de passage. Un endroit neutre.
Elles prirent place à une table. Fleur se coula souplement entre la table et le banc collé contre le mur. Qu'allait lui dire Enjoy ? Qu'allait-elle proposer ? Lui demanderait-elle une preuve ? Une démonstration ? Du coin de l'oeil, Fleur se choisit une victime. Au cas où. Cet homme, là-bas. Avec un nez en bec d'aigle et un regard vicieux. Il s'imaginait être le pire être de cette taverne. Il ne pouvait pas soupçonner qu'une Corleone et une empoisonneuse venaient d'entrer.


Alors ? Tu m'amènes ici pour faire quoi ? Si on boit, je paye. J'ai récemment reçu un don d'une trentaine d'écus.


Patrick Bruel - On s'était dit rendez-vous dans 10 ans

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Laell
Chope à la main, comme souvent. La taverne était bien trop fréquentée au goût de l'Italienne. Paris, ville vivante qu'elles avaient rejointe pour saluer une morte.
Paris... La dernière fois qu'elle y avait mit les pieds, plus d'un an auparavant happée par une nouvelle relayée aux quatre coins du royaume, lui avait fait découvrir la cour des Miracles. Lieu qui lui convenait tellement mieux. Mais Enjoy avait voulu profiter de leur présence en ville pour faire un tour. Les étals n'intéressaient que très peu la brune. Elle avait préféré aller s'enterrer dans un bouge qui finalement n'en était pas un. Trop de gens bien habillés fréquentait ce lieu qui aurait pu être sordide si sa faune avait été différente. La bière y était bonne et la chaleur dégagée autant par le feu dans l'âtre que par la foule suffisait à la Corleone pour y rester.

Dans son coin, elle observait. La pénombre du soir gagnait du terrain alors même qu'on avait fait allumer quelques bougies, faisant danser les silhouettes dissolues sur les murs. Paris ne dormait jamais, mais Paris s'assombrissait, laissant enfin libre court à ses envies les plus noires. La lueur dégagée par la cheminée à sa droite rendait les ombres qui l'entouraient plus mordantes, la laissant libre d'examiner chaque trait, chaque attitude, s'imaginant la vie de chacun sans être remarquée.

La porte s'ouvrait et se fermait, les visiteurs changeaient d'apparence, plus de voyageurs, moins de bourgeois. Les rires devenaient plus gras à mesure que la bière arrosait les gosiers. Pieds sur la chaise voisine, adossée à la sienne, son regard se posait d'un badaud à un autre. Qu'on était loin du calme habituel des tavernes campagnardes. Aucun besoin de se présenter, anonyme parmi les autres. Pas d'ivrognes en quête d'amour éphémère. Aucune catin jouant de ses charmes sur un pauvre paysan aigri par une journée trop froide. Les hauts quartiers étaient trop lisses, bien que la nuit leur apportait quelques mouvances venues des bas fonds.

Un courant d'air parvint jusqu'à elle, la porte avait été poussée une nouvelle fois, contemplative du mélange d'autochtones et de visiteurs, Laell laissa vagabonder son regard vers l'entrante. Un sourire non dissimulé éclaira son visage, une femme, vêtue de noir et de sang venait de faire son entrée.
Sa Brune était de retour. Sa croisée Cossaise, rencontrée quelques mois auparavant dans une taverne saumuroise. Le temps avait passé, les rapprochant peu à peu, jusqu'au rapprochement suprême quelques part entre Joinville et Toul. Des nuits d'ivresse de l'esprit qui avait fait découvrir à l'Italienne de nouveaux horizons. Sa Brune, responsable de l'affolement de ses sens.

Joie qui s'étiole sur son visage, qui se ferme rapidement. Regard s'assombrissant sur la brunette qui la suivait, lui glissant même quelques mots. Le brouhaha ambiant empêchait ces paroles de parvenir jusqu'à elle. Elles s'installèrent. Les sourcils de l'Italienne se froncèrent, elle ne l'avait pas vu... Ou alors elle n'avait pas voulu la voir. Jalousie qui revient en courant dans l'esprit Corleonien. Certes elles s'étaient données rendez vous ici et Laell n'avait pas précisé qu'elle y serait dès le départ d'Enjoy mais sa raison ne laissa aucune prise à cette idée trop fugace.
La chaise fut repoussée et elle se planta devant le duo.

C'est qui elle ?

Air dédaigneux sur son visage, elle était vexée et la nouvelle l'apprendrait bien vite. Sortant sa main de sous sa cape, laissant entrevoir la hache qui côtoyait sa hanche, elle tira une chaise et s'y installa, détaillant la brune inconnue. Qu'avait elle d'intéressant pour qu'Enjoy lui porte attention, allant jusqu'à l'embarquer avec elle. Elle n'avait pas l'allure d'une commerçante.
Encore une brune, plus jeune qu'elles à première vue. Une légère entaille à sa gorge intrigua Laell mais son regard se porta vers sa compagne.

C'ça qu't'étais partie chercher ?

Elle insista bien sur le "ça". L'inconnue aurait sans doute droit à un peu plus d'égard dans le futur mais pour le moment, rien n'importait plus aux yeux de la Corleone que marquer son mécontentement.

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Enjoy
    La rencontre fut vive. La séparation presque brutale. Heureusement qu'elles ne restèrent pas sur un malentendu. Les pas de la mustélide la conduisaient inexorablement à des lieux de cette fleur mortelle. Elle avait parié à une table où les jeux sont rudes. Aucune certitude. Elle en a jamais à vrai dire. Puis des bruits de talons claquent et résonnent au creux de ses oreilles. Sa proie a mordu à l'appât d'un mystère qui inonde les esprits. En juste quelques regards, la furette avait su décelée un pan d'une histoire qui aurait pu être la sienne. L'empoisonneuse ne pouvait aisément refuser une offre pareille. Ou peut être le pouvait-elle en sachant que son orgueil se faisait dévorer par une passion incontrôlable. Il n'y avait qu'à constater sa réaction lorsqu'une réplique fut lancée. On aurait dit une assoiffée. Un animal, certes mordant, mais qui meurt de ne pouvoir s'abreuver de l'essentiel. Aussi, si un autre peut lui offrir ce qu'elle attend à savoir quelques gouttes d'un élixir pour qu'elle remanie l'essence de son existence. Et qu'elle prenne les rênes d'une destinée qui ne peut que se révéler grandiose. Pourquoi se feindrait-elle de désintérêt ? L'aura des Corleone sublime les êtres. Si elle se revendique tel un diamant, elle en sera le plus précieux car taillé des mains des orfèvres du crime. Sa fierté n'en sera que plus grande. Celle de ne plus marcher seule mais entourée des siens. Ne plus avoir peur de ressentir le poignard des heures solitaires. Puis si elle se débrouille bien. Un jour, peut être, aura-t-elle l'honneur de mourir en ayant son nom gravé dans le marbre de l'Histoire. Là où réside désormais l'exemple de toute une famille; Sadnezz.

    La bise glaciale est à l'image des émotions qu'elle abandonne de temps à autres à sa "suivante". Rien ne peut laisser supposer la moindre pensée, la moindre sensation de satisfaction d'ouïr leur marche silencieuse se faire échos sur les pavés d'un Paris qui se transforme en une bête de la nuit. Elle sait pertinemment où elle va. Leur destination est une taverne au ton neutre. L'envie n'est pas à contraster avec la noblesse, ni de tenir la dragée haute auprès d'une bande de soiffards. Le long manteau de l'obscurité inflige une fraîcheur qu'arbore tout particulièrement la mustélide. Son museau rougissant et ses mains s'engourdissant à son contact. La lourde est ouverte franchement. Une bouffée de chaleur se répand immédiatement sur son corps frigorifié. Fleur ferme le convoi et la porte claque faisant valser les chevelures brunes des deux comparses. Les habitués tiennent les premiers rôles auprès du tavernier qui essuie son comptoir dégueulant de liquides alcoolisés. Le reste de la faune locale se surprend à quelques éclats de rires et des regards lubriques des plus malvenus. La chaleur offre à l'ambiance un voile de convivialité. Les deux jeunes femmes s'installent à la première table que leur offre un coin. L'endroit est choisi pour sa particularité à donner un point de vue important sur le reste de la pièce. De là, elle peut tout observer, tout surveiller. Bien entendu son invitée ne se dérange pas pour tenter de la vanner. Elle y prend un malin plaisir. Ce qui n'est pas pour déplaire à Enjoy qui savoure l'insolence comme d'autres aiment profiter du calme. Elle y répond du tac-o-tac avec un sourire amusé.


    C'est parce que tu fais pitié qu'on te fait la charité.

    Les choses sont dites. La Rose noire n'en restera sans doute pas là. Une oeillade est lancée au maître de maison. Leur commande ne devrait pas tarder. Pour elle, une tisane. Pour ceux qui l'accompagnent une bière ou un quelconque tord-boyaux. Pas besoin de régler pour celle qui se targue de ses trente malheureux écus. Le tout sera sur son ardoise. De toute façon, si le séjour ne lui convient guère. La menace de voir un établissement sans relief, ni réputation se transformer en tas de cendres n'est pas à exclure. Une Corleone paie ou vole. Si elle ne fait ni l'un, ni l'autre, il est temps de craindre le pire. L'idée de la tester lui a traversé l'esprit en chemin. Mais les sujets présents ne représentent que peu d'intérêt. C'est comme demander à un expert en mathématique de compter jusqu'à deux. Non. Il est nécessaire de voir ses limites, de trouver ce qui la rebute, ce qu'elle ne peut décemment faire. La mise en pratique va bientôt être usitée alors qu'elle dépose ses prunelles noisettes dans celles de Fleur. L'échange aurait pu être relativement long s'il n'avait pas été interrompu par l'arrivée d'une sublime actrice dans cette pièce de théâtre improvisée. Deux interrogations aux senteurs de reproches ou quelque chose qui s'en rapproche tombent aussitôt. Elle esquisse juste un large sourire à l'attention de l'Italienne.

    Elle, c'est Fleur des Pois. Une pauvre mendiante avec laquelle je me suis délestée d'une trentaine d'écus. Tu connais ma grande bonté... Dire que j'escomptais acheter de quoi te faire saliver à la place je me suis offerte...autre chose...

    Ce dernier mot laisse entrevoir bien des supputations. Comme si l'autre chose en question prenait des allures d'investissement. Juteux et profitable pour les deux parties. Ses lippes expriment tout son contentement. Une belle prise aux possibilités forts intéressantes et en prime un zeste de jalousie de la part d'une Belle. Que rêver de mieux ? Hélas, la dernière protagoniste a débarqué bien trop en avant dans la scène. Aussi, Enjoy n'eut le temps de lancer son défi à la Fleur. Qui n'aurait été rien d'autre qu'un ordre. Qui aurait été donné à la suite d'un regard appuyé et d'un mordillement de lèvres provocant : « Embrasse-moi ! » Mais désormais ce n'est plus à faire. Surtout avec la dominatrice de son palpitant qui automatiquement est en émoi lorsqu'il entend chantonner celui de son âme soeur. Parce que même les coeurs ont du coeur. Et les leurs sont criblées des flèches de Cupidon. Elle lui désigne une chaise en guise d'invitation.

    Prends place. Je pense que Fleur pourrait nous apporter beaucoup. Et ceci serait bien entendu réciproque.

    Confirme-t-elle pour la probable future recrue. Les boissons arrivent à point nommé. Chacune est servie avec rapidité et dextérité. La mustélide garde bien son eau chaude aux vapeurs d'herbes tout en lorgnant sur le contenu des chopines voisines. Un geste malencontreux n'est pas interdit. Peut être serait-il à prévoir ? Histoire d'animer la soirée. Qui débute de fort belle manière.

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Fleur_des_pois
I was afraid of the dark but now it's all that I want, all that I want, all that I want *

Tout s'enchaina vite. Enjoy l'insulta à demi. Et presque aussitôt une nouvelle venue faisait son apparition en l'insultant tout à fait. L'envie prit à Fleur de se lever et de partir. On était venu la chercher. Elle n'avait rien demandé. Rien promis. Elle n'avait pas à se laisser rabaisser.
Une autre idée effleura la brune. Leur donner de sérieuses crampes d'estomac en rajoutant à leur breuvage quelques gouttes de ceci ou de cela. Mais ce ne serait pas très malin. Or l'empoisonneuse se targuait d'être intelligente.
Fleur respira profondément. Elle ne devait pas se laisser envahir par les sentiments. Fut-il de la colère. Froide. Toujours. Elle leva son minois au teint halé vers la nouvelle venue. Faisant comme si elle n'avait pas entendu Enjoy lui répondre.


Trop tard, cette dame me fait déjà la charité. Elle aura pas les moyens de t'entrenir ce soir en même temps que moi.

Les relents âcres de la jalousie planaient déjà autour de l'inconnue. Et indéniablement, cela faisait le bonheur de Fleur. Elle aimait ces ambiances tendues. L'agitation des hommes et des femmes la ravissait. La rancune, la haine, la violence. Cela faisait toujours son affaire. Elle se gorgeait de ces bassesses humaines. Comme d'une eau pure. Le mieux était quand elle en était responsable. Des rumeurs chuchotées à celui-ci à propos de celle-là. Fleur jurait parfois même sur la Croix. Aucune importance, ce n'était pas ce Dieu qu'elle adorait. Les siens étaient multiples. Et aucun n'était crucifié.

Fleur examina tantôt la Corleone, tantôt l'inconnue. Etaient-elles de même famille ? Amies de longue date ? Non pas que cela inquiètât Fleur outre mesure. Il s'agissait juste de curiosité.
Sa boisson reposait devant elle. Fleur n'avait pas encore bu la moindre gorgée de son hypocras. Elle remédia à cet oubli malheureux. Et maintenant ? Que faire ? Que dire ? Ses ongles tapotèrent le dessus de la table.
Enjoy venait de dire que leur association pourrait être bénéfique. Pour elle comme pour elles. Fleur aurait aimé poser quelques questions mais la présence de l'Autre la rendait muette. Non pas de peur. Fleur n'avait peur de rien. Mais pouvait-on lui faire confiance ? D'ailleurs pouvait-elle faire confiance à Enjoy ? Cela restait à voir. Comment être sûre ? Autant demander directement. Quant à l'autre... L'ignorer.


Tu m'as fait venir ici, pourquoi ? Qu'attends-tu de moi exactement ?

* Maroon 5 - Daylight
{J'avais peur du noir mais maintenant c'est tout ce que je veux,
Tout ce que je veux, tout ce que je veux}

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Laell
Instant de flottement. Comme si elle avait interrompu un instant précieux. Le visage de la Brune se ferme encore plus aux paroles d'Enjoy.
Comment ça elle s'était offert autre chose... Vague submergeant toutes pensées possibles, le dard de la jalousie venait de piquer une fois de plus. Imagination qui s'emballe. Qu'il est facile de dire à celle qu'on aime qu'elle est libre. Mais qu'il est difficile d'y être confronté. Cruelle, l'Ecossaise savait comment attiser la jalousie de sa belle et en jouait à chaque occasion. Elle s'était offert une autre brune, pour une trentaine d'écus seulement...

Trop tard, cette dame me fait déjà la charité. Elle aura pas les moyens de t'entrenir ce soir en même temps que moi.

Elle avait de la répartie la petite, premier bon point pour elle, mais Laell n'était pas prête à les compter pour l'instant. Il fallait bien faire comprendre à la gamine qu'elles n'étaient pas que de simples compagnes de beuverie et que sa présence ici n'était pas nécessaire.

Elle a pas b'soin d'écus pour m'entret'nir, elle saura m'donner c'que j'veux c'soir quand on se s'ra débarrassé d'toi.

Comme si Enjoy la gardait prisonnière avec quelques écus. Non, elle avait conquît son coeur à la longue. S'insinuant doucement entre chaque défense que la Corleone avait pourtant érigée depuis bien longtemps.

A peine était-elle assise que l'Ecossaise en rajoutait une couche, insinuant qu'elles pourraient la garder plus longtemps que la soirée. Un regard dédaigneux vers la frêle jeune femme. L'Italienne ne voyait vraiment rien en cette jeune femme qui puisse leur être utile. Oui la famille avait toujours besoin de bras, mais de bras qui puissent être utilisés pas de choses encombrantes qu'il faudrait nourrir et défendre en cas d'attaque.

Elle attrapa la chope servie, en avalant une gorgée silencieusement. L'amertume du houblon fit frémir ses papilles. Son regard se posa à nouveau sur la nouvelle. Etait-elle vraiment une menace... Pour sûr qu'elle lui ferait sauter plus d'une dent si elle le souhaitait. Et puis elle avait du répondant, de quoi occuper quelques soirées en taverne si l'ennuie venait à pointer. Après tout, si elle avait réussit à délester Enjoy de sa bourse, peut être qu'elle pouvait avoir une ou deux qualités à démontrer. Elle l'avait suivit jusque là, ne craignant pas une revanche qui pourrait pourtant lui laisser les tripes sur le sol. Courage ou folie, ça restait néanmoins un autre bon point, elle était peut être à considérer avec un peu plus d'attention. Mais ça ne serait pas pour tout de suite, si elle voulait faire partie du Clan elle devrait s'accrocher et montrer sa détermination.

La Corleone se fît silencieuse, gardant le regard fixé sur "l'autre". Sa Brune l'avait ramenée, à elle de répondre à ses interrogations.

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Enjoy
    « Ma fleur, tu es une Rose,
    Piquante de tes épines moroses,
    La senteur de ton pistil,
    Est le prisme qui me brûle les pupilles, »

    La rencontre du trio était entrain de faire des étincelles. Il ne manquait plus qu'un quatrième élément et nous aurions droit à la constitution des « trois mousquetaires » avec deux cents ans d'avance dans une version féminine. Mais il ne suffisait pas d'être impétueuse et de lancer quelques petites répliques acerbes pour faire partie de la famiglia. Même si ce genre de profil aidait bien plus qu'on ne pouvait l'imaginer. La mustélide déteste fortement les gens mielleux même si quand on y pense, les plus grands l'étaient à leurs débuts. L'évolution psychologique construit les personnalités de certains. Quand d'autres se détériorent. La sienne avait été façonnée par son enfance en terre hostile avec l'ajout de ce matronyme qui était son fléau. Une marque au fer rouge sur les fesses bombées d'une jeune donzelle qui déjà à sa seizième année se targuait d'être une Corleone.

    Elle les regarde tour à tour. L'ambiance est pesante. Ceci ne la dérange aucunement, bien au contraire. On peut ouïr des rires gras et quelques hurlements d'une bande proche de l'âtre. Cela frappe des mains, des pieds. Des jouvenceaux se dévorent bien plus que des yeux. Leurs préliminaires sont plus qu'entamés, il ne manquerait plus que le stupre vienne à ponctuer cette soirée.


    Je reviens.

    Elle se lève doucement et se dirige vers le comptoir. Un appel est lancé pour quémander de quoi écrire. Une plume ravage le vélin de piètre qualité. Juste quelques mots étendus par une pointe râpeuse. Un crachat d'encre occasionne un léger pâté. Tant pis. La forme importe peu. Juste le contenu. Provocant. Une agression aux bonnes moeurs.

    « Embrasse-moi afin de voir si tes lèvres ont le goût du poison. »

    Revenant à leur tablée, non sans avoir fait tourner des têtes sur son passage. Elle s'assoit gentiment et glisse le papier plié en un minuscule rectangle à la concernée. Fleur. Son visage s'embellit à la suite de cette proposition, puis elle croise les jambes en les observant de nouveau. S'adressant à sa cousine.


    Cette jeune femme me fait penser à quelqu'un. J'y décèle quelques qualités. Il serait peut être bon qu'elle nous rejoigne. La confiance prend du temps à être accordée. Le respect encore plus. Ceci dit, nous pouvons lui donner l'occasion de faire ses preuves...

    La mustélide achève sa justification concernant la présence de l'empoisonneuse ici bas. Puis retourne toute son attention vers cette dernière.

    Tu seras payée selon ce que nous récolterons. Cela va sans dire. Et... Bien entendu, je te dois d'être claire sur nos activités. Nous sommes des Corleone. Des pilleurs de mairies, des brigands, des gredins, la lie de l'humanité. Nous faisons le Mal et nous le faisons bien.

    Un étrange silence s'instaure à l'évocation de leur nom. Un peu à la manière d'un blasphème en plein milieu de l'office dominical. Une hérésie au milieu de ces bourgeois. Si bien que certains d'entre eux quittent la taverne sans sourcilier. Une habitude pour elles. C'est une tradition de voir les gens s'éclipser dès qu'elles posent un pied dans un lieu de beuverie. La même chose se produit lorsqu'elles arrivent en ville. Les remparts se gonflent sans raison.

    Elle s'humecte les lèvres dans l'attente de sa demande. Qui a des allures de mise à l'épreuve. Rien ne serait plus adéquat que de la tester de cette manière. Au risque que cela la fasse fuir ou bien égratigne la fierté de son Italienne. La Furette l'aime. Elle pourrait s'arracher le coeur pour lui offrir, si cela était nécessaire. Pourtant, ce n'est pour ça qu'elle n'avait pas le droit de s'adonner à de nouvelles expériences. Sa curiosité est à son image. Insatiable, irraisonnée.


    As-tu des questions ?

    On lui cède la possibilité d'en émettre. Par contre, les conditions sont prohibées. La Suprématie Corleonienne est un régime qui n'a rien de démocratique. L'entrevue est bien longue. Sa journée a été éreintante. Sa bourse pleure encore de ne pouvoir se plaquer contre sa ceinture. La faute à une main bien habile. Finalement, sans attendre, elle se redresse et quitte sa chaise avec l'intention de prendre la direction de sa chambre, qui se trouve à l'étage. Femme est changeante, paraît-il. Peut être que cette compagnie la lasse ou bien attend-t-elle qu'on lui arrache ce désir avoué par des écrits. Prise de force, plaquée contre une poutre avec ardeur. Ou bien n'est-ce juste qu'une suggestion qui ne s'encombre pas de la mesure du temps. Et que son ancienne proie, à la gorge perlée de sang, se l'appropriera ultérieurement. Juste avant de s'éloigner une nouvelle et hypothétique dernière fois, elle déclare sur un ton sec.

    Déplie le mot, s'y trouve la destination de notre prochain lieu de villégiature. Tu n'auras qu'à t'y rendre, si tu désires être des nôtres. Sache une chose. La seule, la plus importante de toutes. Soit tu es avec nous, soit tu es contre nous. Retiens-le bien.

    Elle tourne les talons et file vers les escaliers. Qu'on la rattrape ou pas, est à l'appréciation des deux autres protagonistes. Il y avait encore de quoi s'esclaffer, l'interloquer voire même lui infliger une contrepartie physique.

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Fleur_des_pois
Nectar poison or delicious ?
That, my sweet, you will discover
Fairy foe, or fairy lover ?
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Fleur ne savait plus où donner de la tête. Entre l'Autre qui lui cherchait des misères, et le silence d'Enjoy. La brune trouva étrange, soudain, d'être ici en présence de ces deux femmes. Ce n'était pas ses endroits favoris, les tavernes « neutres ». Elle aimait mieux la classe inférieure. Parfois un groupe de troubadours jouaient des airs sur lesquels elle pouvait danser et rire. Elle aimait leur tenue bariolée et leur musique entrainante. Ses boucles brunes volaient alors autour de son visage. Ses yeux se fermaient. Ses jupes tourbillonaient. Elle avait l'impression que si elle allait plus vite encore, elle finirait par s'envoler. Comme les oiseaux.
L'Autre l'ennuyant, la brune fit comme si elle n'existait pas. C'était souvent ainsi qu'elle réglait ses problèmes. En les ignorant. Parfois, cela fonctionnait. Brusquement, Enjoy se leva. Promit un retour prompt. Fleur haussa légèrement les épaules. La Corleone était libre de ses actes.

Elle en profita pour observer ce qui se tramait derrière la fenêtre. La nuit s'était abattue sur la ville. Les étals avaient disparu. Les braves gens aussi. Un petit chien noir et blanc reniflait le sol dallé. La brune remarqua qu'il n'avait que trois pattes. Un mince sourire se dessina sur ses lèvres ourlées. L'animal venait de trouver quelque chose à manger, visiblement. Il se terra sous un porche.
Le retour d'Enjoy interrompit la contemplation de Fleur. Elle se retourna, toute ouïe. Le parchemin glissa vers elle. Ses doigts fins s'en emparèrent sans le déplier toutefois.

Enjoy parlait d'elle comme si elle n'était pas là. La brune se contraignit au silence. Tout écouter. Tout retenir. La Corleone parlait de confiance. Voilà une chose qui était étrangère à la Fée brune. Elle n'avait jamais fait confiance qu'à une personne. Elle-même. Se reposer sur quelqu'un d'autre ? Remettre sa vie en des mains étrangères ? Cela lui semblait aussi possible de se s'arrêter de respirer durant des heures. Mais peut-être qu'à force de temps et de preuves, Fleur changerait d'avis. Elle était prête à défendre. Mais pas à être défendue.
Puis la Corleone exprima clairement les activités de sa famille. Piller, brigander, dérober... Tuer à l'occasion, peut-être. Enjoy ne semblait pas honteuse de cela. Fleur ne l'était pas davantage sur ses propres forfaits. Mais c'était différent de vivre cela en bande plutôt que seule. Parfois, elle rêvait d'un compagnon pour partager ses aventures. Etait-ce l'occasion ? En acceptant d'entrer dans ce groupe de voleurs, renoncerait-elle à sa liberté ? Son regard brun observa avec une acuité accrue sa « victime » de tout à l'heure. Enjoy ne semblait pas manquer de liberté.

Un instant de silence plus tard, la Corleone lui demandait si elle avait des questions. Non, Fleur n'en avait pas. Mais Enjoy ne lui aurait de toute façon pas laissé le temps de les poser. Elle se levait de nouveau. Entretien clos visiblement. Une dernière remarque au sujet du parchemin et la voilà qui s'éloignait.
Rapidement, la brune déroula le velin. Les quelques mots qui y étaient inscrits lui firent hausser les sourcils. Etrange demande. Elle ne put retenir un léger rire et étala le mot devant elle. L'embrasser ? Pour connaître le goût de ses lèvres ? Fleur n'était pas contre embrasser une femme. Elle l'avait déjà fait une ou deux fois. L'étrangeté de la requête demeurait dans la façon de s'y prendre. Pourquoi par écrit ? Fleur coula un regard vers l'Autre. Cela aurait-il un rapport avec elle ?
Souriant toujours, elle tapota le morceau de parchemin. Et pour la seconde fois s'adressa à l'Autre.


Eh bien, voici un itinéraire qui me parait des plus... attrayants. Qui sait s'il ne me mènera pas vers d'autres... activités plus poussées ?

Pouffant à demi, elle fit pivoter l'espace d'une seconde le parchemin vers sa compagne de tablée. Puis se leva en ramassant le velin qu'elle serra dans son poing.
En quelques pas rapides elle eut tôt fait de rattraper Enjoy. Sa main se posa fermement sur l'épaule de la Corleone. Avec toute la force dont elle était capable, elle la força à s'adosser au mur. Ses yeux bruns se plantèrent dans ceux de Joy. Un léger sourire étira les lippes de la petite Fée. Son nez n'était qu'à un pétale de celui de la jeune femme.


T'embrasser ? Pour que tu connaisses le goût de mes lèvres ? murmura-t-elle. A présent, sa bouche n'étaient qu'à une tige de celles d'Enjoy. N'as-tu pas peur... de finir empoisonnée ? Son sourire s'accentua et elle poursuivit dans un souffle. Je crois bien que tu n'es pas encore prête pour jouer avec les fleurs. Pas encore. Non, pas encore...

Vivement, Fleur bondit en arrière dans un éclat de rire joyeux. Son regard se fit espiègle. Son sourire insolent. Et même sa courbette dégageait l'ironie. Elle tourna les talons dans un pas de danse guilleret. Même une froide empoisonneuse avait le droit d'être gaie.
Parvenue au milieu de la salle commune, Fleur se tourna vers Enjoy et cria assez fort pour qu'elle l'entende clairement :


C'est d'accord, au fait. Je consens.

Sourire accroché aux lèvres, Fleur sortit. L'air frais lui fit du bien après la chaleur de la taverne. Elle ne comptait pas s'éloigner. Juste se rafraichir. Et réfléchir sur ce qu'elle venait de faire. Avait-elle pris la bonne décision ? Elle ne doutait pas du contraire. Car avec un groupe on était toujours plus fort. Et au moins si on l'égorgeait dans un coin sombre, quelqu'un s'inquièterait.
La Fée plongea la main dans sa sacoche. Elle en sortit un couteau grossier et un bout de saucisson. Elle avait faim. Un jappement à ses pieds lui rappela la présence du chien estropié. S'asseyant à même le sol froid, Fleur partagea son repas frugal avec le chien. Elle n'aimait pas particulièrement les bêtes. Mais celui-ci était différent. Il n'était pas très beau et il lui manquait une patte. Il n'était pas parfait. Et Fleur avait toujours bien aimé les êtres biscornus.

S'adossant au mur, Fleur leva les yeux vers le ciel. Elle contempla les étoiles. Les doigts glissés dans la fourrure du chien. La brune venait de prendre une décision qui changerait sa vie à tout jamais. Elle se doutait qu'elle devrait prouver sa valeur. Mais elle n'avait pas peur. Elle, Fleur-des-Pois l'orpheline, venait d'accepter de faire partie d'un groupe. D'une famille, d'une certaine façon. Et au fond, elle en était ravie. Peut-être lui donnerait-on l'occasion de s'adonner plus encore à la confection de poisons ?
Le chien posa le museau sur sa cuisse. Fleur sourit largement, le nez toujours en l'air. Sa vie ne serait plus jamais la même.




* Dance of the wild faeries
Du nectac empoissonné ou délicieux ?
Cela, ma chère, tu le découvriras
Ennemi des fées, ou amoureux des fées ?

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