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[RP] Ne crains pas...

Alix_ann
« ... crois seulement ! »
Marc, 5, 36

Alix était un petit être extrêmement complexe, enchaînée à son faible carcan, désireuse d'en apprendre tellement sur la vie mais réduite à ce dernier. C'était pas son instant de bonheur, à la Fadette avait son teint exsangue. Elle regrette Jean-Baptiste. Ses oreilles d'un blanc impur qui semblaient l’appeler au moindre tressaillement. Ses pattes qui rebondissaient si gracieusement au dessus du sol en dessinant de de gracieuses cardioïdes dans le ciel. Qu'est-ce qu'il est agile, qu'elle aurait pu songer si il était là à essayer de grignoter chaque passerelle de cette nouvelle chambre, qu'est-ce que ça me plairait de pouvoir faire ça, alors qu'il bond hors du lit et qu'elle est affalée et qu'elle mange des madel... et qu'elle mange rien du tout, et qu'elle a les yeux bloqués sur le mur d'en face à fabuler.

Pas qu'on s'amuse pas à Lyon. D'ailleurs avec Alix elles vont bientôt intégrer l'équipe de sâoule. Même que c'est vrai et qu'elles allaient tout dégommer. Mais pour le moment elle restait là, nostalgique. Avec un pléthore de questions habituelles qui se bousculaient dans sa tête. A savoir si Yolanda allait bien, si Alienor n'avait pas choppé une extinction de voix (elle voulait pas rater ça le jour où ça arriverait), si aucun des chiens à Château-Gontier s'était enquérir des chaleurs de sa chienne Titania (avec de la chance, si elle a la chance d'en avoir), ou bien si Anaon avait pas périt sous l'assaut des griffes de son foetus. Un long soupir vient conclure le chapitre sur Château Gontier. Mais y'avait aussi son frère qui lui manquait, terriblement, et si il avait pu être là... si Maman était en vie, si Papa lui répondait. Il avait peut-être trouvé un marâtre, comme celle que va avoir Alix. La Fadette ne disait rien, mais elle était jalouse, terriblement jalouse de la Baccard et de son jumeau, et de sa future marâtre.

Et il restait quoi à une gamine désœuvrée à deux trois de la déshydratation? Quand on a plus une lettre de sa marraine qui était partie en cure détox chez les moines avec son frère? Ou bien quand son père ne répondait à aucunes lettres et ne donnait aucun signe de vie? Ou que Maman était partie mourir et avait préférée rejoindre son frère de cette manière au paradis du soleil.
On comptait sur sa vieille tata, la jumelle de feue la madré mais en... comment dire... plus... un tantinet... vous verrez par vous même.

C'est la lettre d'une enfant en pleine déroute qui vît le jour, alors.


Citation:
Faict à Lyon le vingt huitième jour de janvier de l'an de grâce mille quatre cent soixante et un,

    A Elisabeth de Kermorial
    D'Alix Ann de Montfort Kermorial,


Salut,


Je vous écris pour prendre de vos nouvelles. Je sais que c'est pas un truc que je fais souvent mais pour ma défense, vous non plus. Mais je vous excuse, je pense que depuis le décès de maman vous êtes triste comme je le suis, d'une douleur qui t'afflige et te laisses sur le carreau. Moi, j'ai toujours pas trouvé la solution magique qui va me faire cesser de ressasser avec avidité ce terrible fait : Elle n'est plus. Elle ne vit plus. Elle ne me prendra pas davantage dans ses bras, ne me couvrera plus d'aucun baiser. Je ne relirais pas son écriture fine, je ne la verrait pas vieillir, elle ne m'accompagnera plus.
C'est fini. C'est tôt, c'est triste. Je ne m'y fait pas. J'ai cet espoir de recevoir un billet qui me conviera à Cucé pour la retrouver. Mais ça ne vient pas.
Si je me rends à Cucé tout ce que je risque de trouver pourrait bien être l'intendant que Maman...

Pour nous l'a t'on arraché? Pourquoi est-elle morte? Était-elle si malade que ça? Qu'est-ce qui s'est passé moered?
Je comprends rien. J'ai la fâcheuse impression que les forces supérieures se joue de moi. Je vais vous confier quelque chose, j'ai cessé de croire en le Doué, il y a quelques temps, jusqu'à je me repente et me positionne dans une position agnosticisme. Mais je me suis bien vite rendue compte que nous pouvait pas échapper à la fatalité, qu'il fallait convenir à des puissances supérieurs qui régenterait nos faits et gestes. Ai-je tord?

Je me suis rendue compte, avec la perte de ma mère, que j'étais peu proche de la famille, que ce soit des Montfort ou bien les Kermorial, et que je connais peu l'histoire de notre famille si ce n'est les noms de l'arbre généalogique quoique je n'ai jamais pu assimiler tout ceux qui figure sur l'arbre Montfort et ses quatre ou cinq branches ou l'arbre Dénéré. J'aimerais que vous me parliez de votre mère, à vous et à ma mère. De vos enfances respectives. J'aimerais en savoir plus.

Je ne sais plus en quoi croire. Que ce soit en l'Aristotétilisme ou concernant Maman. Je la connaissait à peine. Ces morts sont toutes injuste, je ne peux même pas me soulever, rien n'y fait, l'Ankou ne peut pas se terrasser, peut-être même que ce sera à Maman ou à Alesius qui auront la tâche de venir me faucher. Je suis jalouse qu'on me l'ai prise alors que je n'ai pas eu le temps de la connaître, que je suis partie trop vite. Je suis jalouse de tous ces gens, de tous ses amis qui ont eu cette opportunité là peut-être même à mes dépends.
Je me sens lésée, est-ce égoïste? Est-ce une raison suffisante pour cesser de croire avec une foi aveugle?

Bien à vous,
d'AAdMK

_________________

« L'homme n'amène pas son propre malheur, et si nous souffrons, c'est par la volonté de Dieu, bien que je n'arrive pas à comprendre pourquoi il se croit obligé de tellement en remettre. »
Else
Ciel d’encre. Les façades rennaises ronflent faiblement, tout de guingois, affalées les unes contre les autres comme une brochette d’ivrognes ; mais l’unique spectatrice n’a pas le goût des rapprochements cocasses. Kermorial, alanguie sur son fauteuil, traverse une nouvelle insomnie. Heureusement, il n’y a personne dans la bâtisse pour s’en inquiéter ; son amour-propre ne le supporterait pas. De temps à autres, guidé peut-être par le reflet d’un carreau myope, son regard glisse sur la solide table en bois de chêne, juste sous la fenêtre, où la lettre d’Alix attend patiemment les premiers rayons du jour.
Les gosses, quelle plaie…

Pour être parfaitement honnête, en neuf ans d’existence, la petite blonde n’avait pas encombré sa tante outre mesure. Un moment, juste après la mort de Marie, Elisabeth avait pensé récupérer Alix ; mais à tout prendre, une place au service de la môme Josselinière convenait davantage à une fille de marquise que la modeste maison d’une misanthrope notoire. Chacun son monde, et les mioches seraient bien gardés. Tante Elisa, quant à elle, n’avait qu’à se tenir prête pour le jour où l’enfant voudrait causer de sa mère.
Le jour vient. Dès qu’il sera levé, foi de Kermorial, elle s’y collera, puisqu’il le faut.


Citation:
A Rennes, le cinquième de février
A Alix Ann de Montfort Kermorial
D’Elisabeth Kermorial


Ma nièce,

Tu ne m’écris évidemment pas pour prendre de mes nouvelles. C’est égal. Il n’y aurait rien à en dire.


Bien. Bien bien bien. La même, mais pour une gosse de neuf ans, maintenant.

Citation:
Ma nièce,

Voilà deux ans que je m’attends à recevoir la lettre qu'on m'a remise hier. Seule surprise : sa provenance. Je ne pensais pas que tu eusses quitté Château-Gontier. Étant donné le goût angevin pour les conflits armés, cependant, je ne parviens pas à le déplorer ; je préfère te savoir préservée des inégalités d’humeur de ces gens-là.


Vous dites ? Si elle… ? aime cette gamine ?

C’est fini, de dire des grossièretés, oui ?


Citation:
Deux ans, donc. Marie est morte tôt. C'est triste. Tu ne t’y feras pas. Nos morts nous laissent dans le corps un vide qui ne se résorbe jamais complètement. Cette perspective te désespère-t-elle ? Songe donc : le poids de leur absence est le signe, infaillible, qu'ils n'ont pas complètement disparu. Et avec de la volonté, avec de la patience, tu apprivoiseras son absence.


Kermorial ne saurait dire exactement à quel moment vivre sans elle est redevenu un vivre avec. Vivre avec le manque d’elle. Déplacement. Adaptation, là où l’acceptation est intolérable. Comprends-tu, enfant, que l’absence peut devenir une compagne ?

Citation:
N'en déduis pas qu'il te suffit d'attendre et d'espérer, pour que la délivrance te tombe sur la tête. Vivre est le fruit d'un effort. Pas d’une obsession pour la mort, mais d’un élan vers la vie. Ne ressasse pas. Ne t’enferme pas. Ne dilapide pas tes jeunes années à attendre quelque chose sans y croire ; car en n’y croyant pas, tu l’empêches de t’atteindre.

Je ne prétends pas que c’est simple, rien ne l’est. Le combat que l’on mène contre soi-même est rude. Le monde est vaste, et nombreuses les difficultés qui se présenteront à ton entendement. Tu auras à lutter contre le désespoir, contre le nihilisme, contre le dégoût et le fatalisme, et tous les fantômes qu’ils agitent devant tes yeux. Ils voudront t’écraser. Ils feront porter la responsabilité sur le monde lui-même et sur le Très Haut, pour t'ôter tout recours. Ne te laisse pas abuser. Le mal dont tu parles, c’est précisément l’un des monstres contre lesquels la foi nous arme. Mais j’y reviendrai.


La soudaine révolte religieuse d’Alix chatouille l’intérêt de Kermorial tante. S’inquiète-t-elle ? Point trop. L’enfant est jeune, égarée, visiblement mal instruite des choses de la foi. Rien n’est perdu encore. Les erreurs se réparent, le droit chemin se retrouve, la jeunesse se guérit, et Dame pieuse connait la chanson. Vous pensez si elle en a croisé, des dubitatifs… Elle-même, à neuf ans, avait Archibald pour la guider ; aujourd’hui, forte et libre, c’est son tour d’aider une gamine. Alors au travail.

Citation:
J’ignore ce que c’est que de perdre une mère – je n’en ai jamais eu.


Et pan. Un coup de savate dans une plaie mal refermée. C’est le prix à payer. En toute chose, de la méthode ; le mal ne s’extrait qu’en l’arrachant à la racine, et Kermorial ne renoncera pas pour la seule raison qu’elle s’y brûle un peu les doigts.

Citation:
Puisque l’histoire t’intéresse, la voici. Aline Anne de Kermorial était jadis politicienne, et pas malaimée en Bretagne, à ce que l’on dit. Elle devint grosse de sa liaison avec un Dénéré. L’affaire pouvait encore être étouffée : elle se retira dans un couvent, où elle devait donner naissance à son enfant ; il serait immédiatement remis à un prêtre franc-comtois, et emmené loin de Bretagne. C’est précisément ce qui se produisit. Mais sitôt que le prêtre eut disparu avec son fardeau, les douleurs de l’enfantement reprirent la mère.
Personne n’avait prévu qu’il y aurait deux enfants. On voulut rattraper le prêtre ; il avait si bien obéi au commandement de discrétion qu’on ne put le trouver. Il fallut donc imaginer une autre solution. Le temps qu’on la trouve, je gage qu’Aline Anne s’était attachée à son enfant, car elle la garda finalement auprès d’elle et renonça pour toujours à la politique. Elle ne quitta plus le couvent. Six ans plus tard, la maladie l’emporta, et elle laissa Marie seule.

Sans doute n’est-ce pas précisément ce que tu attendais, en me demandant de te raconter Aline Anne. Comme tu vois, je ne l’ai pas connue. Je ne peux faire que des conjectures à son sujet. De Marie, en revanche, je peux parler mieux et plus longuement, car entre tous, c’est elle que je connais le mieux.


Ça n’avait pourtant rien d’évident au départ. Les deux donzelles qui, à seize ans, dans une bicoque étriquée de la côte bretonne, posèrent pour la première fois les yeux sur un autre elles-mêmes, n’avaient guère de commun que leur minois juvénile. Et encore ! L’une était aussi douce et curieuse que l’autre rude et méfiante. Mystères de la gémellité, supposera votre ami narrateur, qui se laisse volontiers aller à la paresse lorsque son entendement se heurte à ce genre de problèmes insolubles. Et il assume.

Citation:
Je t’en parlerai, un jour. Cela ne remplacera pas les moments que tu n’as pas eus avec elle. Peut-être aussi m’en voudras-tu – je ne t’en tiendrais pas rigueur. Pour lors, sache ceci : ta mère a souffert, souvent. Le responsable ? Non pas "le monde", qui a bon dos, mais les hommes, qui sont toujours responsables. Marie avait de la force, de la volonté, mais les coups durs ont abîmé son corps et son esprit. Je ne sais si la jeunesse et la vigueur l'auraient sauvée ; sincèrement, je ne le crois pas.
Était-il juste qu'elle tombe malade ? Non. Pas injuste non plus. La vie n'est une récompense, la mort n'est une punition que pour la justice des hommes ; le monde, lui, tourne autrement. Encore une fois, je ne te demande pas de l'accepter ; et Marie me manque terriblement. Mais il est faux de dire qu'elle nous fut arrachée.

La colère, la rancœur ou la peine ne font pas de toi une égoïste. Ils peuvent, en revanche, t’empêcher d’envisager le monde avec le sang froid nécessaire pour le comprendre. Voilà ton ennemi. Non pas les illusions que ta douleur conjure, mais l'aveuglement lui-même. Le Très Haut a donné aux hommes des yeux et une tête : c’est pour qu’ils s’en servent, et non qu’ils restent dans l’ombre de quoi que ce soit. N’oublie jamais cela : la foi n'est pas, ne doit pas être aveugle. Dans le Livre, c’est même le premier enseignement que le Très Haut ait dispensé à ses créatures : elles ont la force de répondre elles-mêmes aux questions qu’elles posent. Elles peuvent se tromper, elles peuvent poser les mauvaises questions, mais la clef de tout, c’est cette force qui nous rend libres.


La théologie pour les nuls, c'est son dada. Non, vraiment. Le pur plaisir d'instruire la gosse en ces matières lui ferait presque oublier, presque, que celui à qui l'on tend le bras pour le sauver de la noyade est bien foutu de vous flanquer à la baille. N'empêche. On ne laisse pas les hommes sur le carreau, c'est pas propre.
Miséricordieuse, Elsa ? Bornée. Intransigeante. Mais aristotélicienne. Et Alix est la chair de sa chair.


Citation:
Il n’y a pas de fatalité. Pas de puissances sans nom ni raison, pas de vaste farce du monde. La peur, l’erreur, la colère, la paresse d’esprit et de corps nous contraignent et nous enchaînent bien davantage que la matière. Tu les vaincras peut-être un jour. En attendant, il te faudra apprendre à faire la part des sentiments fondés en raison, et des parasites adjurés en débit du bon sens. Ce ne sera pas facile. La liberté est un fardeau. Mais elle donne un sens à toute notre existence. Et elle est toute entière entre tes mains.

De la foi ou de Marie nous parlerons encore ; mais j’en ai déjà beaucoup écrit, trop peut-être, et les choses de l’esprit réclament du temps. Songe. Repose-toi. Vis, surtout ; non pas pour t'enivrer d'un flot d’évènements, mais parce que vivre est notre nature et notre destinée. Pour finir, les seuls mots peut-être qui te rasséréneront, ou pas : ta mère t’a aimée au-delà de tout. Nul dans son cœur n’a jamais pris autant de place que toi et ton frère.

Écris-moi encore, parfois.

Elisabeth Kermorial


Le soleil s'est encore élevé dans le ciel. Il est neuf heures. Kermorial n'avait plus quitté sa maison si tard depuis bien longtemps.
Alix_ann
Assise sur sa petite chaise après avoir écrit à sa marraine, rassurée d'avoir de ses nouvelles, Alix, pas peu heureuse de l'avoir retrouver remit les pieds sur terre. La pièce lui semblait lugubre, peu accueillante. L'endroit n'était pas très bien peuplé en enfants et elle ne savait vraiment pas quoi faire. Alors elle reprit sa plume, son encre et tout le tralala et réécrit une nouvelle lettre.

Citation:
    A Elisabeth ma bien-aimée tata,


Salut,

Je t'écris de je sais pas vraiment trop où. Je crois que je suis en Touraine par contre. Où es-tu? Que deviens-tu? Tu me manques, je m'ennuie terriblement.

Il est arrivé beaucoup de choses. Il y a quelques jours Yolanda nous annonçait à toute qu'on allait quitter l'Anjou parce qu'elle est tombée amoureuse d'un garçon, il s'appelle Clotaire. Et puis c'est le seul moyen pour elle de se marier avec lui et d'être heureuse. Mais moi je sais pas ou aller. Je vais perdre mes amies, elles vont partir et puis aussi Yolanda qui est amoureuse et pense à ses futurs enfants. J'ai peur qu'elle nous ait oublié, mais j'y crois pas beaucoup. Pourtant hier alors qu'on allait partir j'allais seulement prendre quelques bouts de pain en plus pour essayer de rendre le voyage un peu moins inconfortable et quand je me suis retournée elles étaient partis ! Heureusement j'ai réussi à trouver des gens gentils pour me prêter une chambre dans une auberge.

En espérant recevoir de tes nouvelles plutôt très vite,
Alix Ann


Et à Alix de se lever et de mettre quoi se couvrir pour aller porter son appel au secour à un pigeon à même d'aller jusqu'à la Bretagne.
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« L'homme n'amène pas son propre malheur, et si nous souffrons, c'est par la volonté de Dieu, bien que je n'arrive pas à comprendre pourquoi il se croit obligé de tellement en remettre. »
Else
Blanc.
Blanc comme le teint de Kermorial tante, au moment d’achever la lecture du billet. Blanc comme la peur, glacée et crayeuse. Blanc comme les éclairs dans un ciel d’orage. Une chambre, dans une auberge, prêtée par « des gens ». Josselinière partie. Sans remarquer qu’elle n’y était plus. Partie ! et heureusement, « heureusement » ! qu’il s’est trouvé des gens.

Rouge.
Rouge comme ses joues, au terme de trois ou quatre va-et vient le long des lignes enfantines. Rouge pivoine d’une colère non contenue – le chat Constance en est seul témoin. Rouge incendiaire, comme la lettre qu’elle entame sur le champ à l’attention de la gardienne oublieuse – mais la plume ripe sur le parchemin dans un crissement colérique. Où l’envoyer ?

Noir.
Noir comme l’œil placide du pigeon qui saura retrouver sa nièce – seul au monde. Noir, comme les gouffres de l’incertitude qu’un coup de vent révèle. Hier, ce matin encore, la blonde croyait Alix en parfaite sécurité, qui se trouvait déjà au beau milieu de nulle part. Trou noir sur la carte. Il était dit qu’Elsa se sentirait impuissante devant le destin des enfants.

Vert.
Vert comme la nausée qui monte, qui monte. Vert de rage revigorée, à la pensée de l’autre petite écervelée. Qu’elle veuille vivre d’amour et d’eau fraiche, passe ! tant mieux pour elle. Mais oublier sa nièce ? Josselinière a négligé son devoir vis-à-vis de la chair Kermorial. Plus tard, sans doute, Élisabeth se calmera, et admettra que les accidents arrivent. Mais pas tout de suite.

A peine une heure après s’être posé, le volatile reprend son envol, chargé de deux plis et de l’angoisse d’une blonde.


A la hâte, Kermorial a écrit:
Ma nièce,

Il faut tout d’abord que tu obtiennes le nom de la ville où tu te trouves, ou que tu gagnes la plus proche. Sitôt que je saurai, je viendrai te chercher. Si tu ne sais pas où aller, moi, je le sais : à Vannes, où je me trouve désormais, et où je serai certaine que l’on ne t’oublie pas sur la route. Je n’ai point encore de toit, et loge auprès de Chimera de Dénéré-Malines, que tu connais peut-être ; mais je devrais pouvoir trouver rapidement de quoi nous établir.

S’il est possible, j’aimerais que tu viennes à ma rencontre : les gens qui t’ont trouvé une chambre, sont-ils les aubergistes, ou des voyageurs ? se trouve-t-il près de toi quelqu’un de recommandable qui te pourrait accompagner, au moins un bout de chemin, vers la Bretagne ? Je n’aime pas te savoir seule.

Si Josselinière te retrouve avant moi, remets-lui le billet qui accompagne celui-ci. Puisque ses mésaventures ont bouleversé ses projets, et apparemment la sécurité qu'elle peut offrir à des jeunes filles, il est temps pour toi de revenir en Bretagne.

Sois prudente, Alix.

Elisabeth



Sur le second pli, dont elle ignore s'il arrivera à destination, elle a écrit:
A Yolanda Isabelle de Josselinière,
D’Elisabeth Kermorial,

Salut,

Alix m’écrit que vous avez ces temps des préoccupations qui vous détournent de vos pupilles. J’aimerai lors la faire revenir auprès de moi, à Vannes, où je suis installée et saurai l’établir comme il convient. Je suis certaine que l’éducation qu’elle a reçue auprès de vous lui fut fort profitable ; mais les circonstances étant ce qu’elle sont, je préférerai la savoir avec moi.

Mes félicitations pour votre futur mariage.

Elisabeth Kermorial


Et tandis que le bestiau disparaît dans le lointain, elle s'avise que ce n'était peut-être pas l'idée du siècle ; mais l'inquiétude est trop forte encore pour qu'elle prenne l'exacte mesure de sa décision. Quand on vous dit que les mômes lui en font voir de toutes les couleurs...
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