Navigius
Le Soleil s'était enfuit derrière les collines romaines, une autre journée s'achevant lentement sur la cité Éternelle. Une légère brise bruissait dans les rideaux de velours de la grande fenêtre du bureau du Primat de France, que l'occupant gardait ouverte en quasi permanence, désireux d'éloigner toute mauvaise humeur qui pourrait mettre en danger sa santé chancelante. La pression sur sa fonction était grande, déjà qu'il se devait de conserver un semblant de discipline en une assemblée disparate où chacun semblait faire à sa tête. Il devait équilibrer les demandes de la Curie, ménager les différentes fonctions et parfois, réagir aux idioties qui pouvaient émaner de certains prélats cherchant plus à causer du trouble qu'à faire autre chose.
Le Primat était attablé à son bureau, terminant une énième missive en direction de la Bourgogne, endroit qui réquisitionnais son attention de manière grandissante lorsque Lorenzo, l'un de ses secrétaires, vint lui annoncer que la jeune clerc d'Anjou avait rallié Rome et lui demandait audience. Il répondit prestement à l'homme de la faire entrer, l'on ne faisait point patienter une personne venant d'aussi loin. Il se leva, choppant sa canne au passage, afin de se diriger vers la porte de son bureau, entendant les pas se dirigeant vers icelle. Après trois toquements, il ouvrit la porte, révélant la jeune demoiselle. Se voulant rassurant, il lui sourit largement avant de l'inviter à prendre place dans l'un des deux fauteuils près de l'âtre.
- Ah! Chère amie, quel plaisir de faire votre connaissance! Je suis Monseigneur Navigius, Primat de France et Archevêque suffragant d'Avignon! Ma foy, Monseigneur Minlawa me vantait vos multiples talents et je dois admettre que de vous extirper d'une zone de guerre comme l'Anjou et rallier Rome en dépit de tous le chaos qui règne dans le Royaume de France aussi prestement relève de l'exploit. Aimeriez-vous un rafraichissement où une petite grignotine?
Il sourit à la jeune demoiselle, prenant lui même place dans l'autre fauteuil, se saisissant du tisonnier et assénant aux buches dans l'âtre quelques coups pour revigorer le feu.
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Archevêque Suffragant d'Avignon
Primat de France
"Sic nos sic sacra tuemur"
aeline
Monseigneur Navigius n'étais pas exactement comme dans ses souvenirs le temps ne se figeant que dans les mémoires,, mais le voir à Rome en tant que Primat était à la fois étrange et sympathique. Deux personnages qui avaient chacun fait leurs chemin qui de fait se croisaient à nouveau dans un bureau romain. Visiblement il ne se souvenait pas d'elle, mais qui pourrait lui reprocher ? Elle avait beaucoup grandit, et lui avait dut voir tant de monde. Comme il l'invitait à s'asseoir, elle se reposa sur le fauteuil en souriant, avant de répondre.
Bonsoir Monseigneur, je suis ravie de vous revoir .
Et pour faire suite à son invitation,
Je voudrais bien un verre de jus de fruits. Je ne suis pas vraiment gourmande, mais j'ai une attirance pour le sucré qui me jouera des tours d'après ce que disent les professeurs de médecine angevins.
Elle sourit de nouveau.
J'ignore si vous vous en souvenez, mais j'ai été une de vos élèves en pastorale, à La Flèche.
Quant à mes talents, il suffit d'avoir un peu de motivation et beaucoup de foy pour passer au travers des lignes françaises.
Elle fixa le feu affaibli, puis le ciel romain qui se laissait gagner par la nuit. Rome était une cité qui la ravissait toujours. Le poids de l'histoire, ses origines avec lesquelles elle n'avait jamais eu vraiment de liens mais qui siégeaient dans son nom.
Navigius
L'avignonnais fixa la jeune demoiselle pendant quelques instants, reconnaissant finalement ses traits. L'âge, la mémoire, tout cela était relié, mais lorsqu'il avait lu l'acte de nomination de Monseigneur Minlawa, il avait cru y lire le nom d'une Demoiselle Auréline, alors qu'il avait enseignée à cette dite demoiselle, sous le pseudonyme d'Aeline. Voilà qui était source de confusion pour le vieil homme mais il n'en fut rien pour l'empêcher de se réjouir de cette retrouvaille. Souriant, il répondit!
- Oh mon dieu! Chère amie, pardonnez ma confusion, pardonnez-moi. Vous avez grandie et changée au point de confondre mes pauvres yeux. La Flèche, ma foy, je me souviens de cette jolie cité! Terrible, Terrible ce qui arrive à l'Anjou. Mon coeur saigne devant les souffrances de votre duché.
Il fit un léger geste vers son secrétaire, qui se chargea d'aller chercher un jus de pomme avant de s'éclipser. Voyant sa convive équipée de son breuvage, il se saisit lui même d'une petite théière dans laquelle il déposa un peu de sauge, avant de replacer le tout sur un crochet surplombant le feu.
- Chère amie, je vous ai fait venir ici parce que nous sommes dans une situation plutôt difficile. Voyez-vous, Monseigneur Minlawa, évêque du Mans, à outrepassé ses droits en procédant à votre nomination comme archidiacre d'Angers. Canoniquement et selon nos statuts, il n'a point le droit de procéder à une nomination dans un autre diocèse que le sien, si bien que votre nomination est nulle. Avant de la déclarer comme telle, je tenais toutefois à vous rencontrer, pour que vous compreniez bien la situation et ne l'appreniez point par une simple missive. Toutefois, je comptes bien confirmer de façon orthodoxe votre nomination à cette fonction, mais il me faudra, je le crains, quelques temps pour régler la situation qui est, légalement, difficile.
Il expliqua à la jeune femme le noeud du problème.
- Voyez-vous, l'Évêché d'Angers étant présentement vacant, le pouvoir de l'Évêque est assumé par l'Archevêché Métropolitain dont relève le diocèse. En le cas présent, l'Archidiocèse de Tours. Toutefois, Monseigneur Clodeweck est présentement en froid avec l'Église, mais n'a pas été révoqué. Il revient donc à statuer si le Primat de France peut outrepasser les prérogatives de l'Archevêque de Tours pour vous nommer à cette fonction. Plusieurs écoles de pensées s'affrontent sur la situation et dans la situation actuelle, il est bien difficile de s'écarter de nos statuts, l'Église étant critiquée de toute part. Je suis donc devant ce noeud gordien. Par contre, si je ne puis vous nommer pour le moment archidiacre, je puis par contre vous donner autorisation de célébrer les sacrements, sauf l'ordination, dans les paroisses du diocèse d'Angers, ce par quoi je comptes commencer, le temps que la situation se résorbe. Est-ce que celà vous serait agréable?
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Elle avait écouté sagement les propos du Primat. Sa nomination était caduque pour une sorte de vice de forme. Elle se doutait bien que cela arriverait. Cependant la suite n'était pas aussi claire que l'introduction. Lorsque le noeud du problème fut évoqué, une nuée de question lui montèrent à l'esprit.
Eh bien, le plus inquiétant à vous entendre, c'est qu'en l'état actuel, absolument personne n'est en mesure de nommer qui que ce soit en Anjou et que nous somme pas près de voir du sang neuf dans notre beau diocèse. Car le véritable intérêt était là.
Pour le reste eh bien...
Elle eut un petit sourire triste
Je ne suis pas sure d'avoir compris.
En tant que Primat, vous ne pouvez pas outrepasser le pouvoir de l'archevêque pour me nommer, mais m'autoriser à officier sur l'ensemble du diocèse sans même le consulter est dans votre droit ?
Je vous avoue que tout n'est pas très clair pour moi. Pour être honnête, j'espère ne pas faire n'importe quoi, je suis là pour les paroissiens de tout l'Anjou, je n'ai pas attendu d'être nommée archidiaconesse pour officier dans tout le diocèse. Monseigneur Clodeweck m'avait en effet autorisé à le faire par lettre cardinalice avant cela.
Cela dit, je ne veux pas vous attirer d'ennuis, ni m'en attirer non plus, si il faut que je suspende ou stoppe mon activité je le ferai à contre coeur. Je sais que la situation à Rome est délicate, je l'ai vu jusque sur la place d'Aristote.
J'aime ce que je fais, je vois ce que j'apporte aux gens, je sens la portée de mon action, parfois même je regrette de ne pas avoir fait d'étude de théologie. Si j'avais rencontré plus de clerc pour me guider, je crois que c'est ce que j'aurai fait, car Dieu ne vient pas aux hommes, ce sont les hommes qui vont à lui. Moi j'attendais qu'il m'apparaisse, ou de mourir pour lui poser mille questions, mais comme le disais Aristote :
"Si Dieu s'était imposé aux Hommes, alors, nous n'aurions été que de braves moutons. Qu'il nous ait laissé dispenser Sa volonté à nos pairs nous prouve qu'il croit en nous, et par conséquent, qu'il nous considère comme Ses enfants, capables d'apprendre et de comprendre."
Elle pris une gorgé de jus de pomme. Il était bon, bien que la saison était quelque peu passée.
Navigius
L'ecclésiaste italien écouta les paroles de la perspicace jeune demoiselle, qui visiblement était consciente du sac de vipères que représentait sa situation d'un point de vue canonique. Homme peu enclin à sortir des sentier battus, l'avignonnais avait grande difficulté à trouver une solution créative à cette situation inusité, qui survenait par temps de très grandes tensions. Il fit un bref sourire, puis répondit à la jeune demoiselle.
- Soyez sans crainte, la situation sera résorbée sous peu. J'ai mandé l'avis d'éminents experts canoniques afin de pouvoir déterminer ce qu'il nous est possible de faire dans votre situation. Comme vous m'annoncez avoir l'autorisation de célébrer dans le diocèse d'Angers, dûment obtenue, il n'y a donc aucune entrave à ce fait. Quant à votre nomination, j'ai bien l'intention de la reconduire, dès que j'aurai l'opinion légal que j'attends à ce sujet.
Il tendit à la jeune demoiselle un parchemin.
- J'ai fait placardé ce parchemin d'appel de candidatures à l'évêché d'Angers. Si vous connaissez des clercs qui seraient désireux de tenter l'aventure, par tout les Saints, poussez-les à appliquer. Il m'attriste grandement de savoir Angers sans prélat en ces temps difficiles.
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