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[RP] Pages de vie à un disparu

Isleen
Sur la première page, un prénom écrit en grand, qui n'est pas celui de l'irlandaise, puis plus bas quelques mots écrits en français :

Les pages qui suivent écrites en gaélique, m'appartiennent, merci pour le cas ou j'aurais le malheur de les perdre, de les rendre à leur propriétaire : Isleen O'Brain, Montpellier, Rue de Traverse

A défaut merci de les remettre à (passage rayé ) Enzo et Gabrielle Montbray-Sempère de Montbazon-Navailles, Montpelier, ils seront quoi en faire.(fin du passage rayé) Lambach, Montauban




[La vie ne cesse de basculer, et de bousculer à tout va, c’est cela qui lui donne son charme, son sel.]


12 février 1461, Rodez, Comté du Rouergue

Assise là dans ce coin de taverne, avec ce livre aux pages vierges dont je viens de faire l’acquisition, avec cette plume qui en entame la conquête, le faisant mien, je suis là, et mes pensées nostalgiques et tristes, comme depuis plusieurs jours maintenant vont vers toi, toi qui fut tant pour moi, toi qui n’est plus, et toi à qui j’aurais tant de choses à dire, à confier, encore plus aujourd’hui qu’hier. Tu as toujours su m’écouter. Me comprendre, je ne sais pas, mais être là pour moi sans relâche, sans jamais me rejeter, depuis ce jour ou du haut de mes douze printemps ma vie a croisée la tienne.

Et cette rencontre fit basculer ma vie sans jamais que je ne le regrette.

Je t’ai cherché longtemps dans tous ces endroits ou nous allions, ne pouvant croire, ne voulant admettre la vérité que mon géniteur m’a assené ce soir là, avec ce petit air satisfait, m’annonçant ton trépas. Cela m’était impossible à admettre, tu ne pouvais être mort, pas toi. Je n’ai voulu le croire, et la douleur ressenti à l’époque, la rage, sont de celles qui m’étreignent le cœur en ce moment, de ce sentiment, que non cela c’est terminé bien trop tôt, qu’il y avait encore tant de choses à faire, à vivre.

Et de ce moment, ma vie bascula à nouveau et j’ai le regret de t’avoir perdu.

Tu ne liras jamais ces mots, je ne pourrais jamais te les dire, mais c’est à toi pour autant que je les adresse, comme si tu étais toujours auprès de moi, vivant à m’appeler de cet insupportable surnom « lassìe »* qui me faisait tant réagir et qui t’amusait. J’ai bien grandit depuis.

Il s’en est passé des choses depuis mon arrivée involontaire sur les côtes bretonnes, de mon errance à ma rencontre avec Enzo, Gabrielle, Audoin, jusqu’à mon installation en Languedoc et tous les derniers événements. Oui j’en aurais des choses à te raconter mais je vais en passer la plus part, pas qu’ils ne soient pas importants. Mais en un sens aujourd’hui cela n’a plus d’importance que je te narre comment je me suis retrouvée sur ce rafiot à destination de la France, mon errance sur les routes du royaume à mes débuts, pas plus que ma rencontre avec Gabrielle, Enzo, comment je me suis retrouvé au service de ce dernier, pour quelques mois plus tard en être virée, comment naturellement, je me suis bien entendue avec Gabrielle, au point qu’elle soit devenue mon amie. Non tout cela n’est pas nécessaire dans l’immédiat, pas plus que ma rencontre avec Philibert à la Cour des Miracles. Ce dernier s’emporterait surement de croire qu’il n’est pas assez important pour que je t’en parle plus, il aurait tort, à écouter mes envies, l’attirance que j’ai eu de lui, il fut mon premier et seul amant jusqu’à présent, ce qui n’est pas rien. Je ne peu m’empêcher de sourire lorsque je repense à lui, il avait cette gaieté, cette joie de vivre, cette exubérance, à la fois charmante et énervante, tout semblait si simple avec lui. Mais tu sais comme les choses peuvent vite se compliquer, à me demander trop de marque de tendresse, à me couver comme de l’huile sur le feu, à me croire faible femme, à ne pas essayer de comprendre ce besoin d’indépendance, cette difficulté à me lier, à ne pas me donner du temps pour peut être en venir à ressentir vraiment ce qu’il ressentait, à doucement évoluer vers ce que je suis devenue en partie aujourd’hui, il m’a éloigné de lui doucement. Au final, je n’ai même pas pu essayer plus longtemps de faire l’effort qu’il me demandait, son Très Haut l’a rappelé à lui. En un sens, peut être est ce mieux ainsi, je n’aurais pu devenir celle qui voulait aussi rapidement qu’il le voulait, je ne le voulais pas, il me fallait du temps….nous n’avons pas pu nous déchirer plus, comme ce fut le cas avec Audoin ou Osfrid.

De là ou tu es, tu dois surement te dire « quoi encore deux autres ! » Oui je sais ça doit te faire drôle, moi qui ne m’intéressais à aucun homme de cette façon, il aura fallu le sol Français pour que mon regard évolue, que je grandisse au final, que d’une gamine, d’une jeune fille, je devienne une femme, avec ses désirs, ses envies et ses sentiments. Rétrospectivement, à la lumière du peu vécu, j’ai la nette impression que je ne sais pas choisir vers qui vont mes sentiments, qu’il y a un truc qui cloche profondément en moi pour en venir à aimer, désirer des hommes qui me tuent. L’Amour ne doit pas être fait pour moi, et je crois que je vais m’en passer dorénavant.

Que te dire ? Audoin fut une erreur. Après coup il est plus évident de le dire, de me l’avouer. En acceptant que ce qui nous avait rapproché, que l’entente simple qui existait entre nous évolue vers autre chose, j’ai gâché l’amitié. Je regrette cette perte, l’absence qui en a suivi, nous sommes tous les deux responsables de cela, lui par son absence, son silence, et moi par mon indépendance, pour avoir naïvement dit oui, sans prendre plus de recul, en laissant mon cœur s’illusionner. J’avais ce besoin de stabilité et il me l’apportait en un sens, ce besoin de présence, ce besoin d’échange, de partage, de faire selon mes envies. Suis-je trop exigeante ? Je ne pense pas, j’avais besoin de confiance aussi, un besoin primordiale, je pensais qu’il savait que je ne trahirais pas le « oui » donné malgré son absence, que je n’étais pas de ces écervelées, de ces femmes volages donnant un « oui » et levant la jambe avec un autre l’instant d’après.

Toi tu le sais. Ma parole, je la respecte. Mes décisions une fois prises, le sont définitivement, je ne fais pas machine arrière. Ma force et ma perte.

Je dois te dire que suite à ça, je me suis posée bien des questions, je me suis rendue compte de certaines, et c’est aussi ce qui a fait que par la suite, j’ai encore plus souffert. Mais je te l’écrirais une autre fois, Gabrielle, Enzo, viennent d’entrer, suivi de Bowie, seule personne intéressante de cette déprimante ville. Pour poser les mots, la solitude m’est nécessaire.



*fillette
Isleen
Le 13 février 1461, Villefranche de Rouergue, Comté du Rouergue

Cette ville n’est guère plus animée que la dernière, heureusement que je suis avec mes amis, Manon, des personnes que j’apprécie, cela aide à passer le temps agréablement lorsqu’ils sont là, pour le reste les corvées au campement, les tours de garde occupent. Je t’expliquerais plus tard, le pourquoi de cette route me menant vers les zones de combats, prête à y participer pour peut être y perdre la vie. Est-ce cela que je cherche ? Je ne sais trop, en un sens me confronter avec la mort et repartir vers la vie.

Aujourd’hui dans la solitude de cette taverne, j’ai envie de te parler du danois, Osfrid. J’ai ce sentiment d’inachevé lorsque je pense à lui, à ce wiking venu du froid, qui un jour est entré dans ma vie, m’a écrit, ma soutenu, moi qui ne demandait rien. Ce danois, pour qui j’ai commencé a éprouver de l’amitié puis doucement une attirance, jusqu’à ce que mon cœur s’emballe malgré moi. J’ai été là pour lui d’abord, tout comme il fut là pour moi, amicalement, et petit à petit j’ai découvert l’homme, ses faiblesses, ses doutes, ses angoisses, sa gentillesse aussi, son coté rude, sa force et plus encore. Doucement, il m’a amené à me confier, moi qui ne le fait jamais ou presque, à dire ce qui me touche vraiment. Je me suis laissée emporter bien malgré moi, et consciemment aussi, plus loin dans notre relation, alors qu’il aurait fallu que je sois forte, que je dise "non" pour éviter la souffrance d’aujourd’hui. Mais vois tu, il me plaisait et pas qu’un peu, j’avais parfois l’impression de sentir ce qu’il ressentait, de deviner ses doutes, ses craintes, il ne disait rien et pourtant dans ses silences, il y en avait des mots, des interrogations, des questionnement, des doutes. Ce qu’il était me parlait, me parle encore, il m’a été impossible de dire "non" lorsque ses lèvres sont venues chercher les miennes.

Gabrielle m’a il y a peu demandé comment j’avais fait pour résister, pour ne pas devenir sa maitresse. Il y a eu ma volonté et la sienne là dedans, certains soirs cela aurait pu être simple, il suffisait d’un geste, d’une main qui ne lâche pas celle de l’autre au moment de se quitter pour la nuit et nous aurions franchis le pas, pour autant ni lui ni moi ne l’avons fait. Surement que pour lui comme pour moi, les fantômes de son passé étaient encore trop présents, la perte de sa femme, de son fils si douloureuse encore à son esprit, à son cœur, et j’ai appris ensuite la culpabilité de cette perte qui le rongeait. Il n’est pas possible de luter contre ça, je le savais, j’espérais juste une place, qu’il ne m’a pas faite pour tellement de raisons qui sont lui.

J’ai la douleur qui m’étreint des sentiments que je ressens, de la volonté qu’il a eu de couper tous les ponts entre nous, de la cruauté dont il a fait preuve ensuite, je m’attendais à tout de lui, surtout après mes propres mots à lui envoyé, mais pas à ça, pas à cette haine diriger vers moi. Je l’ai découvert cruel, et je ne le savais pas ainsi. Je n’arrive même pas à décrire ce que j’ai ressenti alors lorsqu’il a souhaité me voir morte, l’image qui me vient : le sol qui se dérobe sous mes pieds, le ciel qui me tombe sur la tête, les murs qui se referment sur moi l’impression qu’une main se plonge dans ma poitrine pour en extraire avec violence mon cœur battant, c’est cela que je ressens et plus encore. Et pourtant, je ne peux que lui souhaiter qu’il soit le plus heureux possible dans la vie qu’il s’est choisi, cela malgré les derniers mots échangés, les derniers mots que j’ai provoqué.

Je me guérirais de lui, cela risque de me demander du temps, mais je me guérirais de lui.

J’ai voulu croire à tort qu’il aurait pu savoir lui aussi, écouter, et devenir ce confident que tu étais, au moins être juste ça si je ne pouvais avoir plus de lui, aujourd’hui je sais qu’il n’y a que toi à qui je peu tout confier, que toi qui sait et saura tout de moi, car plus jamais je ne livrerais de ce passé qui me ronge, de ces douleurs qui sont miennes, et permettre ainsi de m’en poignarder cruellement brisant la confiance, brisant l’amitié, brisant les sentiments ressentis. Non plus jamais, je ne donnerais ces armes à quiconque.

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Isleen
"Les femmes détestent les hommes trop prévisibles, elles adorent un certain coefficient de surprise. "
de Antonio Lobo Antunes


Le 14 février, Cahors, Duché de Guyenne

Aujourd’hui, jour soit disant des amoureux (comme s’il fallait un jour spécial pour offrir à la personne aimée un présent, un jour spécial pour déclarer sa flamme, ça me dépasse un peu) et bien aujourd’hui, j’ai été de surprise en surprise, et pour une fois, elles ne furent pas désagréables, cela fait du bien.

Les hommes sont pleins de surprises, je le découvre de plus en plus chaque jour.

La première m’est arrivée de Christopher : une rose jaune à mon réveil, accompagnée d’un petit mot. Un geste galant et amical de sa part. Sa délicate attention m’a mise de bonne humeur pour la journée entière, c’est assez stupide, mais cette simple rose amicalement donnée, c’est un petit bonheur léger, comme il m’est arrivé peu ces derniers temps, et dont j’ai profité de manière parfaitement égoïste.

Je l’apprécie cet anglais. Oui oui je sais il est anglais, il est donc censé être mon ennemi, mais tu sais combien je me moque des guerres idiotes et des querelles de nos dirigeants, je me fais toujours mon propre avis sur les personnes que je croise. Et il est bien ce Christopher, si si je t’assure, il a ce charme naturel et un rien sophistiqué par moment, surement son éducation qui veut ça, et d’autres fois, il est aussi cru que les matelots des navires qui débarquent. Il me fait sourire, il a de l’esprit et de l’humour, il semble être un livre ouvert, annonçant clairement la couleur de ce qu’il est : un armateur et grand amateur de femmes, fréquentant le bordel avec assiduité et constance, retournant celle qui lui demandera. Pour autant, il est reste mystérieux par bien des égards, et je suis sure qu’il s’en cache des choses derrière son regard vairon. Il me plait d'arriver doucement à le connaître, à le découvrir plus, à devenir amis. Je suis sure que tu l'aurais surement l'apprécié, tout anglais qu'il est.

Les hommes sont pleins de surprises, tu le sais mieux que bien.

La seconde est venue d’Enzo, figure toi, qu’il m’a offert de nouvelles bottes. Ce n’est pas le premier cadeau qu’il m’offre, pour la fin de l’année, il m’a envoyé de l’autre bout de la taverne ou il se situait un sachet rempli de gourmandises, sans compter la cotte de mailles qu’il m’avait fait faire, alors que j’étais toujours à son service. Il arrive à m’étonner, il est hautain fait celui qui s’en moque, se contre fiche des autres, de ce que je peu être, penser, dire, mais toutes les fois ou j’ai été mal, il a été là, à sa façon brusque et militaire.

La première fois ça a été lorsque j’ai un peu trop abusé du poteen, et trop régulièrement, je dois dire que l’engueulade que j’ai prise en pleine taverne ce jour là, m’a plus que surprise, ça m’a laissé pantoise même, je m’attendais à ce que ça vienne d’autres personnes mais pas de lui. Sais tu qu’il a même menacé de m’en coller une si je ne me reprenais pas en main, je dois dire que depuis je ne bois plus de la même manière.

La seconde fois, c’est il y a peu, lorsque j’ai reçu cette lettre d’Osfrid, cette lettre définitive. Un sentiment d’oppression, d’étouffement me prenait, je n’étais plus moi même, l’émotion violente qui était mienne m’avait conduite à m’isolée en taverne, et c’est là qu’il est venu m’y chercher pour m’emmener courir tout mon saoul, encore et encore jusqu’à ce que je m’en puisse plus, que je lui cri que je les détestait tous, lui, le danois, les hommes en général, même toi à ce moment là, j’en suis venu à te détester d’être mort. Il n’a rien dit, il était là, et après l’humiliation d’avoir pleurée, souffert, vomie devant lui, il m’a simplement raccompagné à la taverne de Traverse. Je me souviens encore des mots qu’il a adressé à celui qui se trouvait avec moi en taverne ce soir là, mots que j’ai entendu alors que je franchissais la porte : "elle est importante".

Un jour je lui ai assené qu’il n’était qu’un grand con arrogant qui ne se souciait pas du mal qu’il faisait, je crois bien que c’est le jour ou il m’a viré. En y repensant, ça me fait sourire, il m’a viré et je me suis retrouvée à nouveau libre de mes mouvements, je me suis retrouvée à nouveau moi même, alors que je m’étais perdue à être ce que je n’étais pas. D’un certain coté, il est tout ce que j’ai dit, mais il y a bien plus aussi et c’est ça qui le rend particulier. Je ne regrette pas au final, être entrée dans cette cathédrale en flammes pour venir l’y chercher.

Les hommes sont pleins de surprises, vous êtes parfois imprévisibles.

Ha j’aurais voulu te parler de Manon et Gabrielle, mais se sera pour une prochaine fois, la taverne se remplie, l’heure tourne, bientôt il nous faudra prendre la route pour Montauban surement. Va savoir ou nous nous arrêterons pour des soucis de sécurité seul Enzo le sait, peut être Gabrielle aussi.

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Isleen
Avoir peur c'est aimer. Donner peur c'est haïr.
Félix Leclerc


Le 15 février 1461, Mautauban, Duché de Guyenne

Et nous voici donc à Mautauban, comme d’habitude c’est d’un coin de taverne que je t’écris. Les villes passent et se ressemblent, le même vide partout ou presque. Oh parfois un ou deux autochtones osent entrer en me voyant seule en taverne, ou parfois même lorsque Gabrielle est avec moi, mais bien peu au final, j’en viens à me demander si je ne fais pas peur, moi une petite rouquine ! Hilarant comme idée, généralement c’est l’inverse qui se produit, tu le sais mieux que quiconque, vu le nombre de fois ou l’on m’a ignoré, me prenant pour quantité négligeable, ne focalisant l’attention que sur toi, pensant que le danger de venait que de toi.

Non la vérité est plus simple, plus banal, les habitants sont le plus souvent atteint de ce handicap qu’est la timidité, la peur de l’autre, ou de cette terrible maladie : la tamagoïte aïgue. Enfin bon, je n’imagine même pas ce que donnerais un voyage pareil si j’étais seule, de quoi en venir à souhaiter qu’un hystérique curé se réveille, me prenne pour une créature du Sans Nom et souhaite me bruler. Oui je sais, je suis quelque peu extrême, mais ça en devient déprimant à force, au moins ça mettrait un peu d’animation. Je suis certaine que Gabrielle adorerait ça, pas de me voir bruler rassure toi, mais l’animation causée par un curé fou ça oui, Manon je suis moins sure. Je la vois déjà bien froncer légèrement le nez, rien qu’à l’idée que ça arrive puis croiser les bras au devant de sa poitrine, l’air pas contente. Cette pensée me tire un sourire, je la revois petite faire ça, lorsqu’elle n’obtenait pas ce qu’elle voulait tout de suite. On change et pas au final.

Je ne devrais ressentir que de la joie de l’avoir près de moi, qu’elle m’ait rejoint en France, que nous soyons toutes les deux, pourtant ce n’est pas le cas, et je m’en veux de ça, je m’en veux de ne pas ressentir que cela, d’éprouver aussi de la tristesse. D’avoir cette retenue parfois avec elle.

Comment t’expliquer ? Avoir Manon avec moi, ça me replonge en Irlande, dans cette enfance qui était la mienne, vers mes souvenirs, ça me ramène vers toi, et nos moments passés, ça me rappelle que tu n’es plus là, que l’équilibre qui était le mien à cette époque a volé en éclat. Je l’avais elle et je t’avais toi. Vous étiez deux parties importantes de ma vie.

Avec elle, j’étais la grande sœur qui console, apprend, encourage, la sœur qui montre ce qu’il faut faire et pas, qui protège et je m’efforçais de le faire du mieux possible alors qu’elle me regardait avec ses yeux émerveillés et confiants, avec cet amour inconditionnel qui vous transcende et vous rend meilleur. A Manon, je me montrais sous mon meilleur jour, je dissimulais tant que je pouvais la jalousie éprouvée de la voir avoir ce que je n’aurais jamais, l’amour de notre père, l’amour d’une mère, une place. Je l’aimais, je l’aime toujours, en dehors de ma mère dont je me plais à imaginer son regard débordant d’amour la première et surement dernière fois ou elle posa les yeux sur moi, Manon fut la première à m’aimer pour moi, sans condition, comme cela, j’étais sa sœur, son modèle et elle m’aimait.

Avec toi, j’étais tout autre, je pouvais laisser exprimer autant ma joie, que ma rage, ma colère, ma haine, et ma douleur, mes faiblesses aussi, tu m’apprenais à les canaliser, à les exploiter, à en faire des forces, tout en me protégeant, en m’entourant de ta présence. Avec toi, je pouvais me laisser aller peut importe la manière. Je me souviens encore des douleurs des entrainements que tu m’imposais, tu me poussais à bout, et moi je les faisais du mieux possibles, les répétait encore et encore, pour te montrer que oui j’étais capable, pour voir cette lueur, je crois, de fierté dans ton regard. M’as tu aimé un peu ? Surement, nous n’avons jamais dit ce genre de chose toi et moi, la pudeur nous a toujours retenue. Je ne sais et ne saurais jamais pourquoi tu m’as permis de rester près de toi lorsque je venais, me montrant, m’apprenant ce que tu savais, ce que tu as vu en moi le jour de notre première rencontre.

A cette époque, j’étais double, deux mondes aussi nécessaires l’un que l’autre. Je passais entre vous, jouant l’équilibriste, prenant soin qu’il n’y ait aucun contact entre. Tu n’étais pas dupe de ça, et mon père ne fut pas dupe longtemps non plus. Et tout a volé en éclat, tu as disparu, l’équilibre c’est rompu, j’ai bien tenté de le garder, mais rien n’était plus pareil sans toi. Et il y a eu la mère de Manon, un mensonge, plusieurs et je l’ai perdu elle aussi. Puis, la volonté de mon père de me donner-marier, pour payer une dette, je me moque de ce qu’était cette dette mais j’ai fait ce qu’il fallait, j’ai préféré la prison à un mariage et c’est ainsi qu’il m’envoya en France discrètement un matin pour éviter le déshonneur sur le clan. Et j’ai alors perdu mes racines, mon pays.

J’ai perdu tout ce que j’avais, l’un après l’autre, je vous ai perdu, et il a fallu que j’apprenne à vivre sans vous, à n’exister que par moi même, j’ai du faire ce deuil de vous, de mon pays. Cela n’a pas été évident, j’ai erré et mis du temps avant d’y arriver, avant de ne faire plus qu’un, d’accepter ses deux cotés de moi, de les faire se réunir et plus ou moins cohabiter. C’est pendant cette errance que j’ai rencontré Enzo, Gabrielle et Audoin, peut être un jour , je te raconterais cette rencontre.

Alors oui je suis heureuse que Manon soit venu à moi, de la revoir, de pouvoir à nouveau la prendre dans mes bras, de savoir qu’elle a finalement assez de caractère pour s’être enfuit et elle aussi ne pas subir. Mais l’avoir avec moi, ça me rappelle ton absence. L’avoir avec moi, c’est l’inquiétude, la peur qui revient, qu’il lui arrive quelque chose, de la perdre encore à nouveau, l’avoir près de moi, c’est un peu de l’ancienne Isleen qui revient et je ne le veux pas, plus. Il me faut me faire à l’idée que nous ne sommes plus celles que nous étions elle et moi, que je ne suis plus là pour la protéger systématiquement, qu’elle doit faire ses choix, les assumer, même si je ne serais jamais bien loin pour veiller sur elle et être là si elle me le demande. Je dois pouvoir lui montrer celle que je suis vraiment, sans avoir à craindre de perdre son amour, sa fierté et sa confiance.

Mais j’ai ce nœud au creux du ventre, de cette peur.

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Isleen
"Le souvenir, c'est la présence invisible."
Victor Hugo


Le 1er mars 1461, à nouveau à Montauban, Duché de Guyenne

Pour une fois, je ne suis pas assise au fonds d’une taverne, dans un coin tranquille, mais en pleine campagne, le dos appuyé contre un arbre, éloignée du campement et de l’agitation des hommes qui s’entrainent, s’ennuient, un coin de campagne guyennoise, emmitouflée dans ma cape, le regard qui se perds de temps à autre sur cette campagne endormie puis sur ces pages que je noircie, ce lien que je continue entre toi et moi comme si nous allions nous retrouver.

Aujourd’hui, je me suis promenée, un besoin de solitude, de m’éloigner, et une odeur d’iode ou l’impression de cette odeur peut être, nous sommes bien trop dans les terres pour que l’air chargé des embruns viennent vraiment jusqu’à moi, mais cette dernière accompagnée de celle d’une fournée tout juste sortie du four du boulanger m’a ramenée l’espace d’un moment sur les falaises non loin de Bun an Tabhairne *. J’ai revue devant moi les étendues vertes balayées par le vent chargé d’embruns iodés et frais de l’océan, les falaises plongeant abruptement dans la mer, les vagues se fracassant à nos pieds pendus dans le vide, tandis que nous partagions notre barmbrock* assis, le regard tourné vers l’immensité de l’étendue bleue, après nos entrainements.

Je ferme les yeux et je nous y revois encore croisant nos lames, nos dagues. J’entends encore les bruits des chocs, des bâtons qui s’entrechoquent, mes gestes incertains du départ et de plus en plus assurés au fil des mois. Je me revois tomber encore et encore dans l’herbe fraiche de la rosée et l’odeur de celle ci suite à un coup bien placé de ta part, j’entend encore nos souffles courts et rapides sous l’effort, je revois encore les mouvements de nos armes, les goutes de sueurs sur ton visage, les miennes, je ressens encore la chaleur des entrainements, la fatigue des efforts consentis pour aller jusqu’au bout de moi même, pour voir dans ton regard, ce que je n’arrivais jamais à voir dans celui de mon propre père, et ce malgré tous mes efforts : la fierté de me voir réussir, de m’y avoir aidé, de me voir progresser encore et encore. Je retrouve cette volonté déterminée, d’apprendre, de réussir, d’y arriver, d’aller au delà de moi même, pour moi, pour toi, pour voir cette lueur et plus dans ton regard. Tes azurs, ils en contenaient des choses, certaines dont je ne saurais jamais le sens, si tu savais comment ton regard m’a en partie aidé, comment il m’a rempli jusqu’au plus profond de moi de cette assurance, cette certitude que je n’étais pas rien. Je retrouvais une partie de cette lueur dans celui de Manon.

Ces moments me reviennent si clairement, qu’ils me donnent l’impression que c’était hier, mes yeux se ferment et c’est comme si demain, je savais que j’allais laisser la ville, puis les fermes, les champs plus en retrait dans la baie, et remonter le sentier jusqu’en haut des falaises, pour t’y voir bien droit campé sur tes pieds, m’attendant avec cette assurance, cette prestance, qui souvent m’impressionnaient, tourné vers le large, n’ayant aucun doute sur ma venue. Je revois tout cela, je ressens encore tout cela. Mais je sais, à peine mes prunelles ouvertes sur ce paysage si loin de ce qu’est notre Irlande, que cela ne sera plus, plus jamais, la vie a eu cette injustice de te retirer à moi.

Je suis là, et tout ça me manque terriblement, nos discussions, nos rires, les cris des mouettes, les voiles brumeux se déchirant sur les pleines, les landes, dégageant une impression de mystère, de magie, le bruit des vagues se brisant sur les falaises en contre bas, le vent si frais chargés du sel de l’océan se mêlant si étroitement et si parfaitement à celle de notre terre créant cette odeur si caractéristique qu’il m’est impossible de décrire, l’odeur de l’Irlande.
Nous avions, j’ai cette impression, le Monde à nos pieds, il me semblait alors que tout m’était possible, j’étais sale, fatiguée et épuisée de nos entrainements, mais une plénitude, une appartenance me remplissait comme jamais, j’étais à tes cotés et toi aux miens, et je n’aurais voulu être nul part ailleurs, avec certitude je savais que ma place était là.

Je n’ai jamais retrouvé ce sentiment, cette certitude de savoir que là est ma place, ce sentiment d’appartenir à un endroit, une personne, d’être importante, d’avoir une place à part entière comme je le ressentais avec toi.

J’ai bien une place auprès de Gabrielle, d’Enzo, ceux sont mes amis et j’ai une certaine importance pour eux, tout comme ils en ont une pour moi, mais ça n’a pas cette intensité, cette force. Et en ce moment, je les évite un peu, je ne supporte plus de les voir se déchirer, pas plus que je supporte de les voir s’aimer, surement est ce du à la fatigue des derniers temps, la jalousie aussi un peu de ce qu’ils ont, de ce que j’ai pensé atteindre et que je n’ai pu avoir, et aussi à cette perte de confiance que j’ai de moi. C’est terrible qu’après toutes ces années mon père arrive encore à peser sur moi ainsi, que ses mots me blessent au plus profond, qu’ils arrivent à me faire douter encore de ma valeur, de mon importance, alors que je t’ai eu toi, Manon, pour me prouver le contraire et aujourd’hui, mes amis. Donc je les évite tous pour éviter de leur faire subir mon humeur morose.
Rassure toi, tu me connais, je ne vais pas me laisser aller très longtemps, ou peut être encore un peu, avant de me reprendre, d’enfouir au plus profond ce mal et de redevenir celle que tout le monde connaît.

Dis moi, crois tu que j’arriverais un jour à avoir cette chance ? Celle de savoir avec certitude, que là est ma place et nul par ailleurs, ce sentiment de plénitude, d’être entière, ce sentiment d’appartenance ? Crois tu qu’un jour un homme me fera ressentir cela, ou dois je dès à présent me faire une raison, et ne me contenter que d’amitié ? Enzo a peut être raison au final, pourquoi demander plus lorsque l’on a déjà des amis ? Me contenter uniquement de cela...

Non c’est peut être égoïste, c’est peut être utopique, c’est peut être orgueilleux de ma part, mais je veux tout cela et plus. Je veux qu’un homme m’aime non pas malgré le fait que je sois énervante, que j’ai la fâcheuse manie de laisser trainer mes mains partout ou de m’emporter pour un oui et un non, ou encore cette indépendance farouche, cette volonté parfois d’être seule, ou ce besoin important de présence, celle envie de parler à tout rompre ou au contraire de me taire, de ne rien dire, mais qu’il m’aime pour tout cela et plus encore. Oui c’est peut être utopique, mais j’ai le droit d’avoir cela moi aussi.


"Dieu a donné une soeur au souvenir et il l'a appelée espérance."
Michel-Ange


*irlandais : Crosshaven
*barmbrock est un pain au levain avec des raisins secs

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Isleen
Montauban, le 08 mars 1461

Il me semble possible de tout perdre, de les perdre, si jamais il en venait à mettre sa menace à exécution. Je n’aimerais pas en venir là, mais il ne touchera pas à un seul cheveu de Manon pour se venger de ce qu’il croit que je suis capable de faire.

On ne touche pas à ma sœur !

Je crois bien que ses réactions m’amusent, c’est peut être pour cela que je les provoque, même si je connais son caractère violent. Que je prenne moi pour mes actions, mes idées loufoques, stupides, mes provocations, c’est normal, j’assume les conséquences de mes actes, mais qu’il n’en vienne jamais à mettre la main sur Manon, jamais, pour se venger de moi, ça en serait fini. Je les perdrais, je le sais, mais je ne le laisserais pas rester impuni de ses actions. Oh bien sur, il ne m’en croit pas capable, ou il croit parfaitement pouvoir dominer la situation de sa haute taille et de sa force. Moi la petite rouquine, je ne fais pas le poids sur un corps à corps, je ne fais pas le poids dans un combat armé, je le sais, et il le sait, je ne m’en sortirais pas indemne. Mais s’il a la lâcheté de s’en prendre à ma sœur, je n’hésiterais pas à lui envoyer une de mes dagues dans le dos, le bras ou n’importe quel endroit de sa personne selon ce qu’il lui aura fait subir, nul besoin d’un corps à corps pour cela, il suffit juste de savoir lancer, et je sais très bien le faire, mais ça il ne le sait pas.

On ne touche pas à celle que j’aime.

Si on en venait à ça, je perdrais l’amitié de Gabrielle, ça ne fait aucun doute pour moi, et je ne peux que le comprendre, elle l’aime, d’un amour absolu et réaliste, mais je sais qu’elle ne me pardonnerait pas de ça. Je perdrais aussi son amitié à lui, si un tant soit peut il en éprouve pour moi. D’ailleurs, j’ai bien du mal à le considérer comme véritablement un ami, c’est différent de cela ce qui me lie à lui, ce qui nous lie, d’une certaine manière ça s’en rapproche et pas, mais je ne sais pas ce que c’est exactement. Je les perdrais, alors que je tiens à eux. Oui je tiens à eux, et je ne sais s’ils se rendent compte que ce n’est pas rien, que ce n’est pas juste un sentiment comme cela, que je serais tout à fait capable de la même chose que pour Manon. Il m’est assez difficile de l’admettre, mais je supporterais pas non plus que l’on s’en prenne à eux. Oh bien sur, ils sont parfaitement capable de se défendre, lui particulièrement, mais c’est ainsi, on ne choisi pas ce que l’on ressent, ni comment on le ressent.

On ne touche pas à ceux que j’aime.

Tout cela parce qu’il me croit capable de le dénigré, qui plus est devant Gabrielle, moi qui ne fait ni l’un ni l’autre. Je n’approuve pas toujours ce qu’il est, sa façon de se comporter, d’exiger. Je n’approuve pas ses récentes escapades dans les bordels, mais ça ne me regarde pas, je n’en parle pas plus que cela, voir pas du tout. Il devrait savoir que lorsque j’ai quelque chose à lui dire, je ne me gêne pas pour le faire, ou le lui faire comprendre, je ne crache pas sur les gens derrière leur dos, encore moins des personnes dans lesquels je tiens. Il a une piètre opinion de moi, et c’est blessant.
Il n’a pas besoin de moi pour cela, il se suffit à lui-même, Gabrielle est réaliste sur l’homme qu’elle a épousé, amoureuse mais réaliste, et je ne fais qu’approuver ce qu’elle peut dire de lui, je ne vais pas non plus m’amuser à le défendre lorsqu’elle me dit qu’il est arrogant, ignoble et j’en passe, faut pas pousser non plus. Je le ferais que ça ne sonnerais pas réaliste, elle me croirait malade.
Et c’est vrai, c’est ignoble, c’est un manque de respect, que de revernir vers sa femme au petit jour, puant l’alcool et les femmes, l’air de rien, avec l’arrogance et l’exigence, lui faisant parfaitement comprendre ou il a trainé. Il va se perdre entre les cuisses de catins, délaissant Gabrielle, une femme magnifique et amoureuse, il l’aime, et il va voir les catins. A croire qu’il les préfère. Ca me dépasse. Oui, je ne comprends pas. Tu comprendrais toi ? Surement, mais tu ne m’expliquerais pas, tu éluderais, je le sais. C’est bien un sujet que nous n’avons jamais abordé. Quand aux bordels et tout ce qui y ressemble, c’est bien des endroits, des lieux que tu as pris grand soin d’essayer de me faire éviter avec plus ou moins de succès. J’ai grandi sans m’intéresser à cela, et à l’âge ou les filles pensent garçons, futurs maris, commencent à découvrir l’émoi des sens, moi, je volais, escaladais les façades de maison, ouvrais les serrures, et j’en passe, là était mon exaltation. Je crois bien que tu as fait tout pour que je ne t’en parle jamais, que je n’évoque pas ce sujet avec toi, que je sois tellement occupée, pour n’avoir jamais le temps de poser mon regard vraiment sur les hommes, tu accaparais mon attention, mon temps, mon esprit. Pourquoi ? Ca restera hélas toujours un mystère pour moi, tu n’es plus là pour répondre à mes questions. Il a fallu attendre mon arrivée en France, ma rencontre avec Philibert pour que tout cela change, que je perdre une partie de mon innocence sur ce sujet.

Ironiquement, Gabrielle en connait plus sur la question que moi. Je ne savais même pas que des " bains bordels" existaient ! Heureusement que je sais ouvrir mes yeux et mes oreilles, cela me permet de découvrir au fil du temps toutes ces choses que je ne connaissais pas, pour autant ça n’aide pas à comprendre.

Tout cela parce que j’ai eu l’idée amusante de dire que j’emmènerais bien Gabrielle dans un établissement comme celui qu’il fréquente avec Christopher. Si tu avais vu sa tête sur le moment, ça valait tous les détours, un peu plus et il s’étouffait. Après tout quoi de mal ? Il y va bien lui, il consomme qui plus est, pourquoi ne pourrais je y aller avec Gabrielle ? Provocation. Tu me connais. Ce n’est que de la provocation à laquelle il répond. Et tu sais comment ? Par la violence, et un stupide ordre :"Isleen O'Brain si jamais tu me dénigres devant Gabrielle, que tu oses l’emmener dans un de ces lieux ou en parler avec elle, je te le ferais payer. Je m'en prendrais à la petite rousse qui te tiens lieu de sœur". Oui un truc de ce genre qu'il m'a sorti en m'empoignant le bras. Là je dois te dire que j'ai nettement moins aimé. S’il savait qu’elle et moi on a déjà plus d’une fois abordé le sujet, je crois qu’il m’aurait tordu le cou hier au soir. Il semble que dans le mariage, les choses amusantes de soient que dans un sens , rappelle moi de ne jamais me marier avec un homme comme lui, voir de ne jamais me marier tout court, si une femme doit supporter les infidélités de son mari, lui obéir, je crois bien ne pas être faite pour ça.

Une chose est certaine, Il ne touchera pas à ma sœur !

Et pas parce que je vais lui obéir, mais parce que je ne le laisserais tout simplement pas faire. Je fais ce que je veux, je dis ce que je veux, je ne suis pas sous ses ordres, je n’y suis plus ! Il a peut être l’habitude d’exiger et de se faire obéir depuis l’enfance, d’obtenir les choses rien qu’en claquant les doigts, mais pas avec moi ! Je ne supporte pas les ordres, j’en ai une sainte horreur. On me demande, mais on n’exige rien de moi.

Je crois qu’une chose vient de changer, je ne sais si c’est en bien ou en mal, mais ce n’est déjà plus pareil.

Je vais rester dans cette armée, jusqu’à la fin, nous rentrerons à Montpellier avec Manon, mais après, après ce n’est peut être plus dit que je les suive, après j’aviserais. Après est un autre jour, mais après sera différent de ce que je pense qu’il aurait pu être avant notre départ.

On ne touche pas aux personnes que j’aime, on ne les menace pas.
Isleen
Montauban, 22 mars 1461

Ces derniers temps, j’ai plus d’une fois pris ma plume, plus d’une fois trempée dans l’encre dans le but d’écrire, de te dire, te raconter ce que je suis devenue, ce qui m’arrive, me plais, m’exaspère, m’énerve ou encore me procure de la joie, et plus d’une fois j’ai suspendu mon geste, sans arriver à poser les mots.

Quand on rencontre quelqu'un la première fois dans une journée, tu peux être sur à chaque fois ou presque avoir le droit à un "bonjour, comment va ?" Sympathique question pour laquelle il m’est devenu de plus en plus difficile de répondre.

Répondre "oui " et je mens, cela ne serait pas la première fois, ça permets juste de ne pas avoir à expliquer pourquoi on répond "non" ou "on fait aller", de ne pas envoyer balader les gens lorsque l’on ne veut pas expliquer ce qui nous préoccupe. C’est ce que je fais le plus souvent, un oui et un sourire, ou tout simplement une absence de réponse, et une question en retour. C’est pratique et usité.

Répondre "non" serait mentir aussi, je vais relativement bien et on peut pas dire que ça aille mal vraiment. Il n’y a rien de catastrophique qui se soit passer dernièrement dans ma vie, qui me touche au point que je réponde "non", rien d’irrémédiable. Il me faut remonter jusqu’à Osfrid, pour trouver une blessure profonde, récente, une blessure telle qu’elle m’ait fait douter de ce que je suis, m’a fait me remette en cause au point que j’en étais venue à me demander si mon père dès l’origine n’avait pas vu en moi ce qui clochait, s’il n’avait pas raison de me détester plutôt que de m’aimer. Je t’arrête tout de suite, je sais tu serais là, j’aurais droit à une bonne tape sur la tête ou un bon coup dans l’épaule pour me remettre les idées d’aplomb. Ce que je veux dire, c’est que je douterais toujours de moi, de ma valeur, quand bien même je deviendrais importante pour quelqu’un, quand bien même je suis importante pour mes amis, ma sœur, je douterais toujours me demandant à quel moment ils se détourneront de moi. Je douterais et cela même si je n’en donne pas l’air, même si je fais l’irlandaise sure d’elle. Dissimuler mes failles est devenu un réflexe. Cela sera toujours ainsi. Mais là n’est pas la question, tout cela fait parti de moi, je m’y suis faite, je vis avec, ça n’explique pas ce que je ressens actuellement.

En fait, je ne sais pas si je vais bien ou mal, j’ai pas de raison de mal aller, et j’ai tout un tas de raisons pour bien aller, ma sœur est avec moi en bonne santé, mes amis sont là en partie, et j’ai fait quelques rencontres intéressantes. Mais non, je ne vais ni bien, ni mal, je me sens juste à quelques rares exceptions près, indifférente à ce qui m’entoure, à ceux qui m’entourent. Assez en forme, il m’arrive d’émettre un intérêt poli, mais, il me manque ce quelque chose qui donne un intérêt à ma vie actuelle, un challenge, un but, une exaltation, un frisson, un feu. C’est comme si je n’étais plus qu’une petite flammèche brulant avec difficulté, attendant un peu de bois pour reprendre flammes, un bon bois sec qui ranimerait le tout. J’en viendrais presque à désirer haïr le premier qui passe, rien que pour ressentir avec force, avec virulence, au moins ça serait éprouver autre chose que ces sentiments tièdes qui m’habitent.

Un amant pour ranimer la flamme ?

C’est ce que Gabrielle m’a conseillé, et je la cite plus ou moins "tu t'ennuis, tu mets les mains dans ses braies, ça occupe", j’avoue qu’en y repensant ça me fait sourire et je m’imagine assez mal faire ça, peut être parce que je n’ai personne. Je ne vais quand même pas prendre n’importe qui. Elle a aussitôt affiné son propos en me conseillant de ne surtout pas en tomber amoureuse, c’est là que ça fou la mer.de d’après elle. Je ne suis pas loin de le penser, même si je n’ai pas été amoureuse de l’unique amant que j’ai eu, et que le seul que j’ai aimé vraiment ne l’a pas été. C’est un regrets et pas. Moi je te le dis, je suis mal barrée. Mais bon peut être que je m’y essayerai si je rencontre un célibataire pas trop mal avec un minimum dans la tête, un qui éveille un rien mon intérêt, remarque à défaut, je pourrais bien trouver Christopher, il ne dirait pas non lui. Quoi qu’avec lui tout est possible, l’homme est plus complexe que cela, il serait bien foutu capable de me dire non lorsque je serais décidé à dire "oui".

Une bagarre pour ranimer la flamme ?

L’occasion s’est présentée, lorsque Enzo et le Vicomte Orandin se sont battus. Je te passe les raisons, j’estime juste que l’un et l’autre ont mérité les coups mutuels qu’ils se sont donnés. J’ai peu être du apparaitre bizarre d’être si calme en les regardant se battre, de les laisser faire et même d’aider à ce qu’ils fassent le moins de dégâts possible en poussant quelques tables et chaises, quand je repense à la pauvre tavernière toute jeunette, toute paniquée derrière son comptoir et à mon calme, le contraste est saisissant. Je dois t’avouer que mon sang irlandais a du chanter à ce moment là, j’ai senti un regain de vie, une légèrement appréhension de ce qui allait se passer, mais positive cette appréhension, je n’arrive pas bien à l’expliquer, peut être les voir cela m’a tout simplement rappelé les souvenirs de nos pubs irlandais.
Ils voulaient se battre, je n’allais certainement pas les en empêcher, on ne se met pas en travers deux hommes bien décidés à se taper dessus, on se pousse, on regarde, ou on s’en va, à moins de vouloir prendre part à la bagarre ! J’avais dit de ne pas s’approcher, un mauvais coup est si vite arrivé, et forcément c’est ce qu’il s’est passé lorsque Gabrielle a voulu empêcher Enzo de frapper plus le Vicomte déjà au sol et dans les vapes. Moi, j’ai opté pour la chope en traitre sur le crane, il n’y a rien de tel surtout lorsque l’homme reste sourd à vos demandes. Et franchement, sur le coup j’ai éprouvé autant de plaisir qu’une certaine gène à la lui fracasser. Je l’ai soigné, malgré ce qui c’est passé récemment avec lui, il n’en reste pas moins que je tiens à lui, à Gabrielle….Gabrielle qui m’a répondu qu’elle allait bien lorsque je lui ai posé la question, alors qu’elle avait le crane ouvert. Comment voulais tu que je vois le sang qui coule dans la masse de cheveux ? Forcément, je me suis donc occupé de soigner son mari…qu’elle ne me dise plus "ca va" si ce n’est pas vraiment le cas, et que je l’apprenne ensuite, sinon je crois bien que j’hurlerais…je me suis d’ailleurs légèrement emporté, oui un peu plus qu’un peu, lorsque Christopher est venu nous retrouver avec Enzo. Ses mots résonnaient comme un reproche qu’on est pas fait plus attention à elle, même s’il affirmait le contraire.

M’engager dans un groupe de bandits ?

D’une rencontre et d’une discussions sans détour en taverne, j’ai eu une proposition pour en rejoindre un. J’en ai éprouvé du plaisir sur le coup. Le chef semble me vouloir et être sérieusement accroché, je reçois du courrier de sa part ainsi que d’un de ses membres. C’est plaisant qu’on me veuille ainsi, ça flatte mon égo, faut bien prendre les compliments d’où qu’ils viennent. Mais je déteste les ordres, les seuls que j’arrive un tant sois peu à prendre sans me braquer, se sont les tiens, alors pas dit que j’arrive à intégrer un groupe quel qu’il soit. Tiens figure toi que j’ai essayé de m’engager dans l’armée du Languedoc ! Tu peux rire, mais j’ai vraiment voulu y aller, Enzo en était le capitaine à l’époque, mais j’ai été rebuté par le lieutenant et ses propos Hautement RéPréhensible. Là ce n’est pas vraiment pareil, je me moque du Roy, de Rome et de leur conflit, je ne suis là que pour Enzo et Gabrielle et aussi pour me défouler, chose que je n’ai pas pu encore faire. Et puis en ce moment, la question ne se pose même pas, je me suis engagée dans cette armée de volontaires, j’y reste jusqu’au bout. Après est après et je verrais bien ce que je décide ou non. Peut être ma vie changera-t-elle encore radicalement de sens.

Profiter des rencontres ?

C’est ce que j’essaye de faire, mais les rencontres intéressantes comme Xenor et sa Fraise, ne sont pas si courantes. Deux voyageurs que j’espère bien revoir un jour, peut être recevrais je une invitation à un mariage s’il se décide à lui faire sa demande. Ha ces deux là, ils ne le savent pas mais ils m’ont fait passer de bons moments récemment, l’exubérance, la gentillesse, et ce quelque chose qui fait que j’ai tout de suite accroché. Ce Xenor a une décente digne d’un irlandais, faut dire il est russe ça aide. Il arriverait à en mettre plus d’un au tapis, et moi j’ai honte de te l’avouer, je n’ai pas tenu la distance. J’en ris mais sais tu comment il m’a ramené plus ou moins jusqu’au campement, alors que la tête me tournait sacrément ? Je te le donne en mille, il m’a carrément prise dans ses bras et m’a envoyé sur son épaule comme un vulgaire sac. Sur le coup, me sentir projetée en l’air m’a fait sacrément drôle, mais ce qui m’a plus, c’est la simplicité, le naturel avec lequel il l’a fait, sans se poser de question aucune. Hop, la rouquine sur son épaule et en avant ! Tu me connais, je suis vite passée sur son dos, l’épaule c’est tout simplement inconfortable J’ai donc testé un nouveau moyen de locomotion le "A dos de Xenor " ! Et m’a fois, je trouve ça pas si mal.

Ha, il m’en faudrait plus des rencontres comme celle-ci. Je vais prendre les choses, les gens comme ils viennent, mélanger si je peu toutes les solutions et voir si je peu me créer mon exubérance, si je peu ranimer moi-même le feu. D’ailleurs, je vais aller de ce pas agiter mes doigts agiles en ville et sur le marché, que je me donne l’envie, l’envie d’avoir envie, que je rallume ma vie !*


*Adaptation de l’Envie de Johnny Halliday
Isleen
Nouvelle technique : on passe pour des cons, les autres se marrent, et on frappe. C’est nouveau. […] Ah non, ça c’est que nous. Parce qu’il faut être capable de passer pour des cons en un temps record. Ah non, là-dessus on a une avance considérable.
Kaamelott, Livre I, La Dent de requin, Arthur et Guenièvre.

Montauban, le 29 mars 1461

Ah le printemps! La nature se réveille, les oiseaux reviennent, on crame des mecs,* on tape, on castagne. Si seulement cela pouvait être vrai, au moins j’aurais l’impression de faire quelque chose, de ne pas ressentir cette impression d’être à nouveau prisonnière, à nouveau entraver dans mes mouvements, dans mes désirs.
J’ai a nouveau perdu ma liberté, et définitivement je n’aime absolument pas cela. Tu me diras "qui aime ?" Personne, tout le monde n’aspire qu’à être libre, à le rester, à faire ce qu’il veut. Mais je te répondrais que certains ne sont pas plus embêtés que cela, de subir la contrainte liée à un ordre, à un chef, à une autorité. Etre dans une armée, obéir à son Capitaine, attendre les ordres en patientant de n’importe qu’elle manière possible, ou simplement faire partie d’une mesnie, faire chaque jour les taches assignées, et celles que le maitre de maison ou la maitresse te donnent au dernier moment, être toujours près à les attendre…pour certains c’est une vie dont ils se satisfont très bien, une vie qui leur convient. Mais pas pour moi. Définitivement, je ne suis pas faite pour être contrainte très longtemps, pour voir ma liberté enchainée, pour m’abandonner entièrement à la volonté d’un autre, à ses désirs, dépendre de son bon vouloir, quand bien même cet autre je le connais, je lui fais confiance. Ma liberté m’est primordiale, je veux pouvoir partir sur un coup de tête, pouvoir faire ce que je veux lorsque je le veux, faire selon mon envie, mes envies.

Toi qui me connais, sais tu si j’arriverais un jour à m’abandonner entièrement à la volonté d’un autre, à ses désirs, sa volonté, à accepter la perte de contrôle et les surprises qui vont avec, à me sentir libre tout en ne l’étant pas, à aliéner mes désirs à ceux d’un autre, sans crainte, avec confiance ?

Et pourtant, cette fois ci, à la différence de la dernière, je l’ai volontairement perdue, cette liberté que je chérie, je l’ai perdue lorsque je suis entrée dans cette armée, lorsque je l’ai intégrée, j’ai fait ce choix en le sachant pertinemment que je devrais attendre des ordres, obéir. Je ne me suis pas engagée à la légère, j’ai réfléchi longuement avant de donner ma réponse, avant de la prendre. Je ne pensais pas alors que nous attendrions si longtemps sur Montauban que les adversaires fassent un pas, qui ne fut jamais fait.

Une guerre étrange entre Rome et le Roy, une guerre dont je me fou complètement, je me moque royalement, c’est le cas de le dire, du Roy, de Rome, et de leur conflit. Ce serait moi, on aurait mis en lice d’un coté le Roy, de l’autre le Pape, ils se seraient battus une bonne fois pour toute, nous aurions regardé le spectacle avec amusement, très certainement, et en grignotant des douceurs, mais au moins nous serions chez nous à l’heure actuelle, ou du moins nous serions libre d’aller et venir comme bon me semble.*

Je l’imagine très bien moi le combat entre ces deux là, depuis le temps que nous attendons, j’ai eu moults fois le temps de l’imaginer, ça débuterait par un bel échange d’amabilités, oui faut pouvoir se mettre en jambe, se motiver, un truc du style :

- J'suis chef de guerre moi, j'suis pas là pour s'couer des drapeaux et jouer d'la trompette... alors on s’met dessus et plus vite que ça, j’ai un inquisiteur à envoyé en Helvétie, paraît qu’y a des possédés du fromage !
- Décarre tes troupes de chez moi ou j'crame ton pays. C'est assez simple comme vocabulaire ? Et fissa, j’ai pas qu’ça à carrer j’suis pressé !
- Non mais vous croyez pas que j'vais marcher au sifflet ! Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre de vos horaires ? J'arrive quand j'arrive et puis c'est tout.
- En garde, espèce de vieille pute dégarnie !
- Quoi ? Qu'est-ce qu'y a ? On cherche la marave ?
- Oui ! Prêtez l'oreille sans ristourne ! La religion c'est le bordel, admettez-le ! Alors laissez-moi prier c'que j'veux tranquille et barrez vous !
- Mais c'est pas vrai mais c'est pas vrai mais c'est pas vraiiiiiiii !
- En garde, espèce de vieille pute dégarnie ! J’vais t’faire sortir les pieds d’vant moi , toi et tes hommes !
- SI VOUS VOULEZ QU'ON SORTE LES PIEDS DEVANT, FAUDRA NOUS PASSER SUR L'COOOORPS !*

Et de là, une magnifique bagarre entre un Roy et un Pape, j’avoue que ça aurait vraiment du chien, ça resterait dans les annales pour les siècles à venir un truc pareil, les troubadours s’en donneraient à cœur joie pour raconter ce mémorable combat, détaillant, amplifiant, déformant pour faire entrer le tout dans la légende. Avoue que ça serait bien ! Au lieu de ça on s’emmerde ou presque, on s’entraine, on s’occupe, chacun à sa manière, certains vont aux bordels quand d’autres perdent leur solde dans les jeux, chacun sa façon de faire, et on recommence encore et encore. J’avoue qu’au départ, la vie en camp ne me plaisait pas trop mal, mais à force la routine me pèse. Quitte à la subir, autant être chez soi, ou du moins ce qui l’a été jusque là, mince, surtout que Manon est là, j’aurais tellement d’autres choses à faire avec elle, que le planton dans une armée immobile.

D’ailleurs Manon m’inquiète un peu, j’ai l’impression que la situation lui pèse encore plus qu’à moi, je la sens perdue, elle qui a toujours été habituée à son confort, à la protection des murs de la demeure familiale, celle du clan, protégée, couvée, choyée, aimée. Et à l’époque, lorsque je passais du temps avec elle, je n’étais là que pour elle. Aujourd’hui, le contraste doit être saisissant, je suis là, mais j’ai aussi ma vie, mon attention n’est pas entièrement tournée vers elle, et celle des autres encore moins. Mais, je ne m’en fais pas trop, elle a comme moi, l’Irlande dans les veines, la fierté, l’arrogance, la ténacité, sans compter le caractère, elle surmontera les obstacles et fera sa place ici. Une chose est certaine, si un jour, elle retourne auprès de ses parents, du clan, ce n’est plus la même qu’ils verront arriver, et ce n’est pas plus mal. Nous n’avons que trois années d’écart et parfois j’ai l’impression que c’est une dizaine qui nous sépare. En venant jusqu’à moi, elle a grandement réduit cet écart.

Nous allons bouger, lever le camp. Où ? Ca c’est le mystère du jour, mais bon une chose est certaine Enzo, ne nous ferrait pas bouger juste pour le plaisir, juste pour vérifier que l’on sait plier les tentes, ranger tout l’matériel et mettre l’armée en route en un temps record…lui, non, mais ceux dont il tient "ses ordres" j’ai des doutes, savent-ils ce qu’ils font ? Je te le dis, si on bouge, juste pour faire un tour sur nous même et planter nos fesses à un autre endroit et ne pas vraiment castagner du Grecs, de l’Espagnol, ou un malheureux qui passe, je prend mes affaires et je reviens chercher Manon, à Montauban, on rentre à Montpellier ! Raz le bol de passer pour des cons !


* dans l'ordre :
*tiré et adapté de Kaamelott
*le « me semble » est parfaitement volontaire
*Les dialogues sont très largement inspirés et tirés de Kaamelott

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Isleen
« L’ennui suit l’ordre et précède la tempête. »
L. Langanesi

Vendredi 5 avril 1461, Bazas

Je suis sur les nerfs. Oui vraiment. De plus en plus, et ça commence à me bouffer de l’intérieur. Je n’ai jamais autant été en colère, je n’ai jamais autant quitté les tavernes dans un claquement de porte qu’en ce moment, ça bouillonne en moi, et je sens l’explosion toute proche. Pourquoi ? Peut être tout simplement pour une raison purement physique, prosaïque…pas la bonne période du mois….mouais, explication très foireuse. Tu me connais, et moi aussi, il y a de ça, mais il y a plus aussi, en fait l’armée commence par me sortir par tous les orifices de la peau, je commence à ne plus la supporter, la promiscuité avec tous les soldats, le bordel de campagne qui s’est installé non loin, les histoires à tout va de catins, les drames perpétuels, cette impression que tout tourne en rond et j’en passe, sans compter cette fichue inaction.

Dire que je suis coincée ici, pour m’y être engagée. Je ne reviendrais pas dessus, sauf contrainte et forcée, mais bordel qu’est ce que je me fais chier ! Tu me l’as assez répété : la parole est une chose importante, peut importe l’origine, en la parole donnée et respectée on reconnaît les hommes et femmes de valeur, sur lesquels on peut compter vraiment. Oui et bien, aujourd’hui, la respecter me pèse et pas qu’un peu. Je voudrais pouvoir retrouver Manon, partir faire un tour en Vendée, en Bretagne, sur les cotes normandes pourquoi pas, me rapprocher de notre Irlande, retrouver un peu de fraicheur, de vent, la mer. Partir à l’aventure, et peut être sur la route, j'arriverais à croiser Mordric, histoire de le bousculer un peu, de lui faire reprendre un peu du poil de la bête, son dernier courrier m'a inquiété, et je n'ai plus de nouvelles.

Donc me voilà passablement à fleur de peau, prête à étriper le premier venu, je me retient encore et, j’arrive à ne pas jeter de chopes au visage d’Enzo, mais c’est très limite. Mais bordel, comment veux tu que j’arrive à rester calme, alors que lorsque je rentre en taverne, ils se taisent, lui et Gabrielle. J’interrompt une conversation le temps d’être polie, normal quoi, et puis le silence ou presque. Je lance la conversation ou du moins j’essaye, quelques phrases en réponses et de nouveau le silence, une question, et un vulgaire "ehm", un haussement d’épaules. C’est compliqué de faire une phrase pour tout simplement dire, "je n’ai pas envie de répondre" ? Je crois pas . Bon ça peut en amène d’autres auxquelles il ne voudra pas plus répondre comme celle là, la typique : "pourquoi vous voulez pas" et là on peut obtenir le traditionnel "parce que". Mais bon, on peut aussi avoir un détournement de conversation, et là justement peut commencer vraiment une discussion intéressante. Mais non rien, et après c’est limite si on me reproche de me taire, et d’écrire en taverne !

Comment tu veux que je reste calme ? Impossible.

J’en viendrais presque à regretter Lambach. Oui j’ai pas peur de l’écrire, l’avouer par contre, jamais ! Mais au moins je ne l’aime pas, il le sait, et ça avait au moins l’avantage de diriger mes sentiments négatifs vers quelqu’un. S’il était là, je pourrais continuer de ne pas l’aimer, de le lui dire et ça me calmerait un rien. Oui mais voilà, il est je ne sais ou et je n’irais certainement pas demander après lui, faut pas exagérer non plus.

Vous êtes rarement là quand il faut, vous les hommes.

Tiens c’est comme Christopher, il est rarement là, ou du moins si, mais jamais trop aux mêmes horaires que moi, c’est dommage. Parce que s’il y en a un dont j’apprécie vraiment la compagnie en ce moment, c’est bien lui, avec lui je sais que je passerais un bon moment, pas de prise de tête, pas de complication, il prend les choses comme elles viennent, il te prend tel que tu es et c’est agréable, pas de jugement hâtif, et un humour à tout épreuve. Oui franchement, j’apprécie les rares moments passés avec lui, j’éprouve même une tendresse particulière à son égard, et je ne le réalise vraiment que maintenant, en te l’écrivant. Mais bon, il a ses occupations autant liées à l’armée, qu’à son bon plaisir, c’est un oiseau de nuit pour partie, alors on ne se voit que très peu et c’est comme cela.

Oui oui je t’entend déjà me dire "tu n’as qu’à t’occuper, de trouver un but" ! Ben tiens, elle est facile à dire celle là. Tu ne crois pas que j’ai essayé ? Les parties de cartes, les entrainements, sans compter la ville que je commence à bien connaître, mes petits tours productifs et pas dans les poches des autres, j’essaye même de m’intéresser à la vie locale, c’est dire que frise l’ennui le plus abyssal. Résultat : ils ne veulent plus jouer avec moi aux cartes, je gagne trop à leur gouts, et jouer honnêtement m’ennuie, Dudule et les autres n’ont pas que ça à faire que de m’aider à passer mes nerfs et ils me l’ont clairement fait comprendre, les histoires de catins je veux bien mais à petit dose seulement, quant aux poches intéressantes, elles ont déjà été faites, me reste les histoires locales, dont pour la plus part je me fou royalement.

Je fais quoi ?

Je tue quelqu’un pour passer le temps ?

Si tu as la solution ou que tu sois envoies là moi et vite !

Je la prends !

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Isleen
"Celui qui ne peut plus éprouver ni étonnement ni surprise est pour ainsi dire mort : ses yeux sont éteints."
Albert Einstein.


Mont-de-Marsan, lundi 15 avril 1461

Je me suis réveillée avec le souvenir de mes pleurs, avec les traces salées sur mes joues preuve de leur réalité, avec ce sentiment au creux du ventre, au plus profond du cœur et de mon être d’une tristesse infinie, d’une douleur qu’il me semble impossible de faire disparaître. Elle m’a laissé le temps du réveil clouée sur ma couche telle une pauvre malade souffrant d’un mal inconnu, paralysée par ses assauts , engourdie par un froid interne. Le souvenir des images de la nuit s’estompaient doucement mais leur conséquences demeuraient encore mêlées à d’autres plus anciennes. Je serais restée là sans bouger, si je n’avais entendu les bruits désormais familier du tintement des armes, des bâtons qui s’entre choquent, des odeurs de nourritures, des hommes discutant de leur famille ou de la greluche, la catin du coin qu’ils ont retournés, de tout et n’importe quoi pour s’accrocher à la vie…. Oui je n’aurais tout simplement pas bougé un seul petit doigt, attendant que la nuit revienne pour moi, que mes yeux se referment sur d’autres images, qu’elles m’emportent loin de toute cette réalité, vers un imaginaire aseptisé.

Oui mais voilà, tous ces bruits je les ai entendu, toute cette vie est venue dans une symphonie de sons et d’odeurs jusqu’à moi me forçant à prendre pied dans cette réalité dont au final, je ne veux pas, plus vraiment. Ils m’ont bousculé, malmené, toute cette vie si exubérante m’a fait mal, en comparaison avec les souvenirs de la mort, avec le froid qui m’envahi, il me semblait alors être presque prête à passer les rives sacrées de l’autre monde. Et ton regard mécontent c’est imposé à moi, une image sorti des souvenirs, tes yeux sombres telles deux colères à moi destinées, nos discussions sont revenues également jusqu’à mon esprit...la dualité de la vie, ne jamais s’arrêter à la face sombre, ou à la face lumineuse, vivre, ressentir, vibrer, exister avec autant de passion, de folie, d’exubérance, de totalité, avec un absolu, vivre pleinement sa vie, savoir rire et pleurer avec la même violence, la même force, savoir autant aimer que détester, vivre tout, pleinement même l’obscurité, savoir la faire sienne, l’apprivoiser pour ne jamais s’y laisser sombrer par facilité. Ne jamais renoncer à l'existence quelqu'elle puisse être.

Aujourd’hui, cela m’a semblé dur de vivre, j’ai repoussé la couverture, je me suis levée difficilement, cherchant les moments de lumières dans ma vie, essayant d’écarter l’obscurité de mon cœur, mon esprit, tenter de faire briller ce soleil qu’on m’a dit un jour être. Honnêtement, à ce moment là, j’avais tout d’un soleil noir, cela a été difficile, plus que je ne saurais l’écrire, le décrire, chaque pas, chaque salut, chaque esquisse de sourire, mouvement quotidien de vie m’a semblé ce jour là plus difficile que tous les autres, comme si en une nuit j’avais vieillie de plusieurs décennies, me retrouvant comme une vieille couvertes de rhumatismes éprouvant la douleur au moindre mouvement. Je connais la mort, je l’ai donné en naissant puis plus tard par nécessité, elle fait partie de ma vie depuis le début, mais cette nuit, sans l’avoir donné, ni reçue, j’ai vu le début du... pire.

Tout ceci n’est hélas qu’un commencement.

Pour l’avidité, les idéaux, les convictions de quelque uns, beaucoup vont mourir d’un camp et de l’autre, et je crois bien que mes larmes ont été autant pour eux que pour moi. A chaque lame mortelle enfoncée, un bout de soit meurt, il n’y a rien d’anodin à prendre une vie, et j’implore les Dieux qu’ils me permettent de garder une partie de moi intacte, que je puisse m’émerveiller de la beauté de la nature au petit matin, d’un enfant jouant, d’un rire, des petites choses de la vie, qu’elles me surprennent encore, que je ne devienne jamais insensible à la mort d’un homme, à la douleur d’un autre, comme certains soldats, que jamais je n’en vienne à poser cette question horrible que l’un d’eux à posé : "alors combien vous en avez tué ? " palmarès, concours, tout cela me retourne l’estomac, fait monter la bile acide à mes lèvres.

De là ou tu es, prie les Dieux je t’en prie, que je ne devienne jamais ainsi, je ne le supporterais pas.

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Isleen
« La pire saloperie que puisse vous faire un cauchemar, c’est de vous donner l’illusion de sa propre conscience et de continuer à en être un ! »
Daniel Pennac


Dax, dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1461

Dormir d’un sommeil de plomb, telle une morte, sans mouvement, ni agitation, reposer l’âme, le cœur et le corps, voilà ce que je veux. Dormir, m’allonger, fermer les yeux et ne me réveiller qu’au matin, au chant du coq ou aux sons des entrainements matinaux des soldats. Je le veux terriblement, qu’on m’assomme, qu’on me drogue… mais qu’on fasse quelque chose, je veux dormir, trouver Morphée et ses bras solides et protecteurs, pour ne jamais en partir. Je me sens tellement à bout que je suis prête à tout essayer pour trouver ne serait ce qu’une nuit le repos véritable. Pourquoi faut-il que je n’ai jamais ce que je veuille vraiment ? Suis-je maudite dès la naissance, pour que tout ce que je désire le plus s’éloigne de moi avec force, me repousse, me rejette ? Pourtant là, je ne demande rien d’autre que d’arriver à dormir, ce n’est pourtant pas la lune ! Mais il faut croire que les Dieux sont retors, que c’est encore trop, au lieu de ça, chaque nuit depuis plusieurs semaines, je suis extirpée des bras de cet homme bienfaiteur, pour me retrouver assaillie par d’étranges visions, images, certaines très agréables, d’autres troublantes, blessantes, effrayantes.

J’angoisse de plus en plus au moment de me coucher, la peur me tiraille de ce qui m’attend à nouveau, et cette nuit, je suis fatiguée de lutter contre ces cauchemars, ces rêves dont je ne comprends pas la signification, ils me tuent doucement, irrémédiablement à m’empêcher de dormir. Tu le sais j’en ai toujours eu, mais sur de courtes périodes. Ils étaient là, je les avais, ils me réveillaient mais je me rendormais avec plus ou moins de réussite. Une fois, la période passée, je reprenais ma vie sans me poser plus de question, en les oubliant vite.

Ca dure depuis trop longtemps, et là je sens désormais ma tête qui se vrille, se tord, tantôt sous la douleur vive tantôt sous une plus diffuse et continue, causées par ces nuits trop courtes. Je pense avoir l’air d’aller pas trop mal, du moins je m’emploie à le laisser croire autant que je peu, ils me prendraient tous pour une folle, une sorcière ou que sais je, si je leur avouais que toutes les nuits je suis en proie à ces étranges images, pour être honnête avec toi, je crois avoir peur de leur réaction, alors je laisse croire à de simples insomnies. Je sais, c’est un rien lâche comme réaction, au final, je le suis totalement lorsqu’il s’agit de me protéger, même à tort, mais laissons cela, ce n'est pas le problème du moment.

Doucement je m’épuise, je le sens, si je n’arrive à trouver la clé du sommeil et le pourquoi de toutes ces visions, viendra le moment ou je tomberais, sans me relever…et qui sera là pour m’aider ? Qui sera là pour me soutenir, me dire que je compte pour lui vraiment ? Je….et mer.de…tu vois j’en viens à écrire des bêtises, c’est ce foutu manque de sommeil, ça me fait douter de moi, de mes amis, de ma sœur, de ma valeur, déjà qu’en temps ordinaire ce n’est pas tellement ça, coté confiance en moi, mais là c’est pire. Bien sur qu’ils seront là, s’ils le peuvent : Manon, Gabrielle, Enzo… peut être Christopher et d’autres dont je ne soupçonne pas qu’ils me soutiendraient si j’avais besoin.

Je ne sais plus mo chara*, je veux juste dormir, c’est tout ce que je demande, j’ai besoin de ton aide, de l’aide de qui veux, mais j’ai trop peur pour la demander et expliquer, j’ai besoin de plonger sous les couvertures et de dormir, de ne plus me sentir en dehors de mon corps dans la journée, d’être bien présente, de comprendre vraiment ce qui se dit, de pouvoir suivre une conversation sans prendre deux heures pour la comprendre, de ne plus voir mes mains trembler alors que j’écris, quand je les glisse dans des endroits inconnus…je n’en peu plus.

Cette nuit, j’ai été une fois de plus réveillée en sursaut, je suis sortie du camp, cape et besace sur les épaules, j’ai erré dans les rues et je me suis installée dans une auberge au calme, près d’un feu, loin du camp, des catins et de l’auberge ouverte par Enzo. Je voulais y être au calme, y poser les mots sans être dérangée, et je t’écris à la lueur des bougies et du feu dans l’âtre , espérant que poser tous les mots, les idées, en te racontant les images qui reviennent le plus souvent, je comprenne, et qu’enfin je dorme.

Par quoi commencer ? Je ne sais trop, le coté agréable et frustrant de ces images régulières ou les plus horribles, les plus terribles ? Les dernières, je pense que j’arriverais à me faire à la frustration des premières, je te les raconterais plus tard…




Le froid. Cela commence toujours ainsi, avec ce froid glacial, qui s’incruste en moi profondément, mortellement insinuant en moi cette impression qu’une chose terrible va arriver, va se passer…

L’obscurité aussi, je ne vois rien, mais j’entend des bruits, des sifflements inquiétants, autour de moi, près de moi…

Soudain, je ne sais comment, je me retrouve à marcher dans un bois, ou entre de grands buissons… éclairée par une faible lueur, je ne sais pas ou je me trouve, je ne reconnais rien mais j’ai l’impression que jamais je n’arriverais à voir le bout de ces étroits couloirs de pierres, ils se ressemblent tous, je me sens prise au piège, comme une prison, un labyrinthe dont je n'arriverais jamais à sortir…

L’angoisse grandit en moi doucement, surement, avec force et expansion, accélérant les battement de mon cœur, rendant mon souffle court, rapide.

Je sens une présence, Je le sais elle est là toute proche. J’ai peur. Je ne la vois pas, ne l’entend pas, mais j’ai la certitude qu'elle est là, présente prête à fondre sur moir. Je ne sais pas comment mais je le sais, tout comme je sens une colère qui enfle, qui s’amplifie me faisant trembler de tout mon être, j’essaye de me contrôler et je continue de marcher pour sortir de ces couloirs. Les murs sont si hauts, si froids, tout est si sombre, que j'ai l'impression angoissante, qu'ils vont se refermer sur moi …

Soudain j’entend les bruits d'une conversation, d'une dispute même. Je m’arrête, je tend l'oreille pour savoir d'ou elle vient …j’ai l’impression qu’il s’agit de Gabrielle, d’Enzo, je crois même reconnaître l’accent anglais de Christopher, et la voie légère de ma sœur…j’appelle mais personne ne répond, sauf l’écho de ma peur qui se répercute sur les murs…

Les minutes se passent, j'avance encore, la boule au ventre, je dois sortir, il le faut. Et un cri effroyable traverse l’air me saisit d’angoisse, je me mets à courir, et la panique me gagne quand j’entend des bruits de course derrière moi, Il est après moi, Il va me rattraper, je le sens…j’ai …peur. Je t’appelle, j’appelle à l’aide mais personne n’entend, ne me répond, personne ne vient, je suis seule, je cours à perdre haleine je me cogne au murs de pierres, j’ai mal, mes pieds, mes jambes, mes bras tout en moi semble souffrir à chaque pas supplémentaire, je tombe plusieurs fois au sol, me relève encore et encore, je ne veux pas mourir …et puis, je me redresse et devant moi : plus rien qu’une étendue d’herbe.

Je me retourne brusquement, cherchant à savoir d’ou je suis venue, mais rien…je suis au milieu d’un champ d’herbe… il fait toujours aussi sombre, c’est la nuit et seul la lune éclair de son croisant descendant, elle est si haute dans le ciel, pourtant j’ai l’impression que je pourrais l’atteindre rien qu’en tendant ma main. Je me sens moins opprimée, presque soulagée sous cette lumière, et brusquement un nouveau cri fend l’air, suivi d’autres, je n’ai qu’une envie fuir loin, mais je ne sais pas pourquoi, malgré moi, je cours dans leur direction…jusqu'à un homme, grand, immense devant moi, une épée à la main, il me tourne le dos. Je m’arrête…à ses pieds, je viens de reconnaître…Gabrielle étendue son visage exsangue tournée vers moi, ses yeux m’attirent à elle, fixés dans la terreur, ils semblent me crier de m’enfuir loin, mais je ne peu pas, j’avance vers elle, vers cet homme j’ai l’impression de le connaître, je suis morte d’angoisse, de peur, mais j’avance et je les vois tous légèrement en contre bas …Manon, Christopher, Lambach, Alessa, Dudulle, la catin blonde, les soldats que j’ai côtoyé, et d’autres, des armoiries, des blasons, des couronnes cassés, brisés, déchirés, les corps meurtris, pourfendus, décapités…

La mort lugubre dans son silence et son sang…je ressers les bras sur moi, des larmes coulent le long de mes joues sans que je puisse les en empêcher, la douleur de les voir là, ainsi me noue l'estomac, je me mords les lèvres pour ne pas crier…

"Par tous les Dieux, qui a pu faire ça, qui a pu être si horrible ?"

Les mots sortent de ma bouche malgré moi rompant le silence…c’est alors qu’il se tourne, dévoilant à mes onyx son visage….Enzo…un instant je me sens soulagé et puis je plonge mon regard dans le sien…et la terreur revient décuplée, je tremble comme une feuille…ses yeux sont rouges tels le sang, froids, glacials…ils me semblent si inhumains….et sa voix, la sienne sans l’être, lorsqu’il me répond, tel un possédé , levant son arme légèrement, un sourire presque démoniaque sur le visage.

"c’est moi, Isleen, fille des Tuatha Dé Danann, c’est moi qui ait fait ça "

"Pourquoi ?"

J’ai peur, je tremble, j'en bégaie même un peu, mais je veux comprendre pourquoi ? pourquoi les a-t-il tous tués ? Pourquoi alors qu’il aime Gabrielle, que Christopher est son ami, qu’il apprécie Lambach et les autres….pourquoi ?

"Tu n’étais pas là, plus là, ceci est ta faute Isleen, maintenant c’est à ton tour "

Non ce n'est pas vrai, non ça ne peut pas être de ma faute, je n'y suis pour rien, tout mon être veut le crier ce "NON", mais rien ne sort à l'exception d'un son inarticulé. Je suis morte de peur comme je ne l'ai encore jamais été, j’essaye de reculer d’un pas, de plusieurs, je veux courir m’enfuir loin, le plus loin possible, de lui, de cette horreur, mais je n’y arrive pas, mes yeux sont rivés aux siens, je ne peu m’en détacher, il va me tuer et il va le faire avec plaisir et sadisme, je le vois dans son regard. E je suis incapable du moindre mouvement, du moindre son, il me tient en son pouvoir…prisonnière de ses yeux rouges, inhumains et maléfiques tels ceux des fomoires, sa lame se lève pour me pourfendre une première fois, dans un rictus mauvais…

Une main me saisie le bras, me tire en arrière, m'ôtant à la lame, tandis qu'une voix masculine à mon oreille murmure, juste avant que je ne me réveille en sursaut, le souffle court et le cœur battant à tout rompre, ces quelques mots :

"Reste pas là Rousette, c’est dangereux"


*mon ami
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Isleen
Si tu veux voir l’âme de quelqu’un, demande lui à quoi il rêve.
Arizona Dream, Axel.

Campement de l'Armée "de Sang et de Feu", aux portes d'Auch, 12 mai 1461

Il semble que les rêves soient le reflet de l’inconscient et de l’âme. Je ne sais pas quel est l’imbécile qui à un jour dit ça, mais j’aimerais bien lui dire deux mots, voir un peu plus, histoire qu’il m’explique pourquoi les miens sont si tordus, si étranges et parfois si réels que je me réveille avec la sensation étrange que mon rêve était vrai, que la réalité dans laquelle je suis n’est elle qu’un rêve.

Je ne t’en est raconté qu’un seul pour le moment, et j’hésite à coucher les autres, à poser par des mots ce qui en soit n’a pas de cohésion réellement, à border les images de la nuit. Certaines me font rougir des sensations qu’elles provoquent en moi et de la frustration qu’elles me donnent, et quand je repense à d’autres, j’en suis à me traiter d’imbécile, de femme stupide. Pourtant je vais le faire, t’en raconter un nouveau fait récemment, et si j’en crois ce qu’à dit l’idiot, c’est un peu de mon âme que je vais te livrer. J’en souris, depuis le tout début, là bas en Irlande, c’est mon âme et ma vie que je t’ai confiées, en toute confiance et sans retenue, pourquoi cela changerait aujourd’hui ? Il n’y a aucune raison. Vois comment je suis fatiguée, j’en oublie l’important.

J’ai donc fait un nouveau rêve il y a cinq jours, et je me suis dit chouette je vais être débarrassée de tous les autres, qu’ils soient bons ou pas, mon sommeil reprend ses droits. Erreur, colossale erreur, en voilà juste un petit nouveau à rajouter à la liste :

De la première image dont je me souviens, je me vois avec d’autres dans un camp militaire – même dans mes rêves me voilà poursuivi par l’armée - sauf qu’ici celui là et entouré d’une palissade en bois censée nous protéger de nos ennemis…attention, 50 centimètres de haut la palissade…50 centimètres, elle nous protégera des lilliputiens ! J’ai beau savoir qu’elle est trop petite, je suis certaine qu’elle nous protège – quand je te disais qu’ils sont très cons mes rêves parfois - donc je suis là, avec d’autres, j’ai l’impression de les connaître, mais je suis incapable de reconnaître leur visage, de mettre un nom dessus. Je tourne en rond tel un animal sauvage en cage, j'attends, nous attendons tous, mais j’ai l’impression d’être plus impatiente que les autres, eux ils discutent, aiguisent leurs armes, passent le temps, en attendant je suppose qu’un ordre vienne, nous dise à tous quoi faire. Et soudain, il y a ce brun que je remarque, je ne l’avais pas vu avant, lui aussi j’ai cette même impression tout au fond de mes tripes de le connaître, mais je ne me souviens plus, je ne sais qu’une chose, il m’attire de manière irrésistible. C’est tel que je m’approche de lui sans vraiment m’en rendre compte. Il ne se préoccupe pas de moi, je suis là derrière lui, je sens l’aura de sa force, de la chaleur qu’il dégage, je n’ai qu’une envie le toucher, poser mes mains sur lui et ne jamais les ôter. Mais lui ne fait pas attention à moi, il parle avec un soldat du rendez-vous qu’il va avoir en ville d'ici peu, dans une échoppe.

A la mention de ce rendez-vous, c’est comme si un déclic c’était fait en moi, comme si j’attendais cela pour bouger, la seule pensée cohérente qui me vient alors est que je dois aller en ville, c’est important et primordiale pour la sécurité. De qui, de quoi ? Ça je n’en sais rien, je me retrouve juste à sauter rapidement la palissade d’un petit bon, avant qu’on ne me rattrape – ça me fait rire, le saut d’obstacle vu ma taille, ce n’est pas là que j’excelle, mais il semble que dans mes rêves j’en profite pour me rattraper.

Me voilà en ville à regarder autour de moi. Je ne me souviens plus trop de ce qui se passe, juste qu’à un moment donné, je remarque l’enseigne dont le brun parlait et je m’en rapproche, j’y rentre même. Je ne sais même pas quel type de commerce c’est, je serais incapable de te dire. Il y a un comptoir en face de la porte d’entrée, à peine à 4-5 pas de la porte, en bois brut, marqué de coups, de lames semble t-il, un comptoir qui a du vécu. Un peu en retrait de celui ci, sur la droite, deux tables et des chaises autour. A la plus éloignée des tables, un homme trapu, pas très grand, le nez tordu, surement cassé dans une ancienne bagarre, il fait celui qui ne s’intéresse pas, mais il me regarde la tête légèrement penchée en avant, je vois ses yeux verts tels un marécage nauséabonde, qui me regardent par dessous ses épais sourcils noirs, noir corbeaux comme ses cheveux attachés par un simple lien. A la plus proche, deux hommes identiques, même blond passé dans les cheveux, même regard clair et glacial, visages, corps fins et allongés, deux fouines, ils parlent avec celui qui semble être le patron. De ce dernier, je ne me vois que de dos, musclé, en force, grand et baraqué, cheveux châtains coupés courts. Il semble plus soigné que les autres et ça me semble détonné dans ce lieu. - Tu remarques, je ne sais pas quel type d'enseigne c'est, mais j'ai noté tout le reste, ou va se nicher le détail dans les rêves !

Mes yeux sont fixés sur le dos du patron, je n’arrive pas à m’en détacher. Au delà dans le prolongement, au fond de la petite pièce, je remarque une porte rouge fermée. Je ne sais pas ou elle mène, je ne veux même pas le savoir, un frison me remonte l'échine. Deux mots s’imposent à moi, alors que le patron se retourne, et que je croise son regard aussi sombre que le mien : Danger ! Piège !
Un instant, je reste fixée, prisonnière dans ces lacs sombres, avant d’arriver à m’en détacher, de me précipiter sur la porte, de l’ouvrir à la volée, et de m’enfuir dans les rues. Je dois prévenir mon brun, il va aller droit dans un piège. Je les sens derrière moi, je les entend crier, j’essaye de les semer dans le marché, renversant les fruits sur les étales, allant à droite, à gauche, je cours encore, et encore, mais je les sens se rapprocher de plus en plus. Je ne pense qu’à une chose, je dois le prévenir de ne pas y aller, c’est important, il ne doit pas y aller, je ne pense qu’à ça. Et puis soudain, une main s’abat sur mon épaule alors que je suis si proche du camp, mon bras s’étend vers ce dernier comme pour l’atteindre, le prévenir, tenter de le faire, un cri sort de ma bouche : "Osfrid !"

Et je me réveille, assise la main tendue devant moi après avoir prononcé ce prénom que jamais je ne pensais redire un jour. Et je me traite d’imbécile tu sais, cela n’a ni queue ni tête, il est blond pas brun le danois. Pourquoi alors que cela fait plus d’un an maintenant qu’il est parti, que nous nous sommes déchirés, avons tirés un trait sur ce qui nous liait lui et moi, pourquoi maintenant vient-il dans mes rêves ? Franchement, je n’avais pas besoin de ça, et le pire c’est que je ne peu pas m’empêcher de m’inquiéter pour lui, alors que là ou il est, il doit se foutre comme d’une guigne de ce que j’ai pu devenir. Honnêtement, je crois que je ne cesserais jamais d’avoir une pensée pour lui, pour Audoin et pour Philibert.

N’empêche, c’est totalement stupide, il ne peut être ce brun, c’est forcément un autre que lui, un brun que je connais…oui mais lequel ?


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Isleen
[Le temps qui passe un un remède lent].

J’ai tué, je crois une enfant …et te l’avouer me fais honte….j’ai mis du temps avant d’arriver à poser ces deux mots et demi si lourds. Une petite fille aux boucles blondes, un visage d’ange sur un champ de bataille, que faisait-elle là ? Quel est l’être inconscient qui l’a amené ici sans prendre de précaution ? Comment peut-on être assez stupide ? Je ne le saurais jamais, toi même malgré tous les situations périlleuses que nous avons vécues, tu ne m’a jamais amené dans ce genre de situation avant que j’y sois prête. Toujours là pour veiller sur moi. De belles années qui me manquent, mon insouciance du moment, ma volonté de vouloir être la meilleur possible y sont surement pour quelque chose. Je souris en repensant à certaines situations.

Elle n’a pas eu ma chance.

Je ne parviens pas à croire que je peu être coupable de cela, je le suis pour beaucoup de choses, mais pas de cela, je ne peux m’y résoudre….pourtant je n’en ai aucun souvenir. J’ai essayé depuis, souvent, lorsque je me réveille brusquement sans espoir de me rendormir j’y repense, je retourne ces moments dans ma tête, je tente de m’en souvenir, mais rien n’y fait. Je ne vois que le début des combats, Christopher non loin, et puis le noir absolu, jusqu’à la vision de cette petite fille aux boucles blondes, le visage si pâle, étendue sur le sol, moi non loin d'elle….et moi l’épée couverte de sang à la main, avec ce sentiment d’horreur .

Je ne l’ai dit à personne, mais ce jour là, j’ai senti, l’étreinte mortelle et glaciale de Taranis autour de moi, un baiser, un souffle sur ma joue, telle une promesse à venir, et je me suis surprise à la désirer, à la fois effrayée et impatiente….mais déjà, il avait emporté dans son royaume les disparus du jour.

Dis moi que je ne l’ai pas tué . Dis moi que tu le sais, que tu me connais, même sous l’emprise d’une drogue, ou d’une quelconque transe, dis moi que je n’aurais pas été capable d’une pareille infamie.
J’aurais aimé qu’on me le dise, ils l’ont peut être fait, je ne m’en souviens plus, je ne voulais surement pas entendre, trop proche de l’horreur, sous le choc aussi. J’ai cessé d’en parler, j’ai gardé pour moi, et n’ai embêté personne avec cela. Ou si un seul : Lambach. Il m’a accueilli quelques nuits sous sa tente, a subit mes réveils brutaux sans rien dire, il a soit le sommeil extrêmement lourd et véritablement je ne l’ai pas dérangé, soit je ne l’ai réveillé, et il n’en a rien laissé paraître. Il m’a permis de reprendre du repos, de me réveiller et de me rendormir.... je n’étais pas seule, sa présence avait quelque chose d’apaisant. Je me suis demandée pourquoi à l’époque il m’avait accueilli. Aujourd’hui, je me doute, même si je n’ai aucune certitude, j’ai arrêté d’en avoir au sujet des hommes, après expérience, je ne suis manifestement pas douée pour savoir ce qu’ils pensent, ressentent et désirent.

Toujours est-il que sans que je m’en rende compte, il a réussi à ce que mon regard sur lui change véritablement.

Il faudrait que je t’en parle plus longuement, mais plus tard, j’ai du mal aujourd’hui à vraiment savoir ou j’en suis, ma garde arrive et il me faut plus de temps que j’en ai actuellement pour poser les bons mots, ceux qui traduiraient au plus proche ce que je ressens.

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Isleen
Lundi 10 juin 1461, Toulouse

Je me suis promenée, songeant à l'avenir, à ce que je voulais, désirais, et toi de mon passé tu es revenu, accompagné de mots il y a longtemps prononcés. La vie donne et reprend, et j'ai compris je crois qu'il faut savoir prendre ce qu'elle nous donne, savoir saisir, ne pas le laisser passer, sous peine de le regretter amèrement lorsque cette garce vient et qu'en traitre vous ôte tout, trop tôt parfois, beaucoup trop tôt. Profiter, se créer les souvenirs heureux de moments passés qui viendront éclairés les moment immanquablement de douleurs.

Je t'ai pleuré, je t'en ai voulu, je t'ai détesté, j'ai crier silencieusement sur un avenir qu'on nous prenait, sur des souvenirs qui n'existeront jamais, j'ai bataillé contre moi même, et me suis fermée à ce que je ressentais, mais que les Dieux m'en soient témoin, ce que je t'ai aimé.

Aujourd'hui, je garde les souvenirs emprunts de nostalgies, et pose les mots qu'il y a longtemps j'ai prononcé :


Je suis un mécanisme cassé
Un rouage qui ne fonctionne plus,
Je me sens brisée,

Le temps s’arrête sur la peine et la douleur,
En un instant suspendu au chant d’un oiseau,
Au souffle du vent dans les arbres en fleurs,
Je suis là et il me semble qu’il n’y ait plus grand malheur

Je me sens étrangère à tout,
Déconnectée de ce monde, sortie des lieux, de l’espace et du temps,
L’impression d’être un nuage qui passe au dessus de tout,
Poussé, malmené par le vent.

Je suis un cœur brisé
Sur la douleur de ta perte
Sur tout ce que tu ne seras, ne deviendra jamais
Sur tout ce que nous ne serons, ne pourrons être

Ce que la vie m’ôte ? Me prend…
Toi, mon ami, toi qui est tant…
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Isleen
[Comté d’armagnac et Commingues, en pleine campagne, le 18 juin 1461]

Immanquablement le temps passe et continue sa route, on aimerait le retenir, faire pause et rester sur ces moments de bonheurs si simples et si agréables dont on ne profite jamais assez, que jamais il ne file, nous amenant les autres, froids, mortels, douloureux, mais il est implacable, jamais il ne recule, n’effectue de marche arrière. Si cela m’était possible, referais-je marche arrière dans le temps pour en changer le cours, sachant ce qu’a été mon avenir jusque là ?

A mon arrivée sur les côtes françaises, pendant mon errance et ma découverte solitaire de ce royaume, je t’aurais répondu " OUI , je veux revenir en arrière, je veux retrouver ce que j’avais", rien n’était alors plus important que ce que j’avais perdu : toi, ma sœur, nos amis, l’Irlande.

Aujourd’hui, je ne pourrais que te répondre "non". Pas que je ne veuille pas te retrouver, t’avoir dans ma vie, j’adorerais, je pourrais tuer pour ça, mais la vie m’a apporté de très belles rencontres, elle ma amené des joies et des douleurs, dont je ne veux me défaire, elle m’a donné et repris, et de tout ça je n’en garde que peu de regrets, la plus part sont dus à mes erreurs, mes doutes, mes peurs. Je ne t’en ferrais pas la liste, à quoi bon ? Ils sont, et je vivrais avec, certains me sont plus douloureux que d’autres, je m’en suis on va dire accommodé moi et ma conscience, moi et mon cœur.

Nous avons combattu cette nuit, peut être est cela qui me rend nostalgique alors que je suis seule adossée à un arbre, pas trop loin du campement, mais assez pour avoir un peu de calme. Je n’ai jamais aimé donner la mort, même lorsque cela s’avère nécessaire, chaque vie est précieuse au moins au yeux d’une personne, et …je fais vraiment une piètre militaire, même si cette nuit, j’ai fait ce que je devais faire, que ma lame c’est enfoncée prenant la vie. Demain, peut être est ce ma vie qui sera prise par la lame ennemie, ou celle d’êtres qui me sont chers à présent : Lambach, Gabrielle, Enzo, Christopher.. Je ne souhaite jamais voir ce jour arriver.

Ce qui est arrivé devait être, pour que j’en arrive là ou j’en suis aujourd’hui, et ce qui arrive nous conduit tous vers notre futur dont nous ignorons tout et c’est cela qui rend la vie si précieuse dans tous ses moments.

J’aime mon présent actuel, et c’est bien parce que Lambach en fait parti, que je l’apprécie autant. J’ai l’impression de revivre, de ressentira à nouveau les émotions, les désirs, les sensations pulsées en moi, avec plus de vigueur, d’entrain, de joie, je m’énerve, et exalte avec autant de vigueur, je désir, j’aime et je déteste avec, j’ai l’impression, plus de force, et même mon indifférence est différente.

Je ne sais si je ressent avec la même intensité que lui, mais il me semble aujourd’hui, qu’il est celui que je voulais, que j’attendais . Il a eu la patience d’attendre que je m’en aperçoive, me poussant ainsi à faire les pas vers lui, à dépasser mes craintes, mes peurs, mes douleurs, mes doutes et à véritablement le vouloir lui.

Il me fait sortir de l’hiver, il est mon printemps, toujours changeant, surprenant et pourtant toujours le même, un printemps mystérieux, qui se dissimule derrière les mots et les silences, même s’il se défend du contraire. J’aime son petit grain de folie, sa façon de jouer avec les mots, tout autant que parfois cela m’énerve et m’exaspère. Il n’est pas là , et il me manque. Ses baisers, tout son corps me retournent avec délice. Je me surprend, lorsque nous sommes en taverne, à aimer le toucher, avoir juste ma main dans la sienne, à jouer simplement avec une mèche de ses cheveux, à avoir même un minuscule contact avec lui, juste pour garder un lien physique entre nous. Il est là avec moi, sans être étouffant, il est là sans être absent, il est là sans chercher à s’éloigner.

Nous ferrons route ensemble autant que la vie nous le permettra, l’avenir nous dira en jours, en mois, en années ? Nous verrons, mais une chose est certain, je compte bien profiter de chaque moment avec intensité, et prendre tout ce qu’elle me donnera.

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