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[RP] Où est le patte' (ét)ernel ?!

Ernst.
La taverne avait retrouvé un semblant de calme. Le tavernier était affairé au rangement de divers ustensiles et autres tonneaux. Jusoor de Blanc-Combaz et Ernst von Zweischneidig avait repris leur conversation "médicale". Trop absorbés, ils n'avaient pas remarqué l'entrée d'une jeune femme. Ils se contentaient de boire à petites gorgées leur breuvage et à discuter. Il était question de plantes et de cueillette. Il était question de technique, de possibilité, d'hypothèse. Il était question des futures études de Jusoor et de l'ouverture d'un cabinet médical commun. Tout ceci se mettrait en place une fois que la guerre se finirait, peut-être.

La conversation battait bon train lorsqu'un mouvement brusque les coupa net. La jeune femme, qu'ils n'avaient pas vu entrer, venait de se laisser tomber sur une chaise à leurs côtés. Elle était, visiblement, mal en point et semblait chercher un médicastre. Ernst se redressa légèrement et avisa l'inconnue. En ces temps de conflit, il aurait pu devenir paranoïaque et penser qu'il s'agissait d'un assassin ennemi venu mettre fin à la vie des médecins adverses. Le germain prit quelques secondes afin de détailler leur nouvelle interlocutrice. Elle était pâle, très. Sa tenue et sa façon de tenir son bras semblaient indiquer qu'elle avait été attaquée il y avait peu. De nombreux voyageurs s'étaient fait agresser par les armées qui se disaient saintes. Le germain eut vite fait de penser qu'il s'agissait là d'un des nombreux méfaits du camp teutonique. Il se tourna afin de faire face à la brune mal en point.


- Je suis médicastre. Quant à la générosité, je pense que par les temps qui courent, elle s'impose d'elle-même.

Après un léger temps de pause, le germain ajouta.

- Je m'appelle Ernst von Zweischneidig. J'imagine que vous avez fait une mauvaise rencontre, dit-il en montrant le bras qui semblait blessé.

Ernst avait , volontairement, tu le nom de celle qu'il accompagnait. Dans le doute quant à l'identité de celle qui semblait blessée, il ne pouvait pas courir le risque de mettre la vie de la princesse en danger. Il était peut-être médicastre mais, avant tout, son garde du corps.

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Cillien
[Même jour même heure même po... euh taverne.]

Et la brune zyeutait davantage le blond que sa compagne. Attendant le verdict. Ce n'était pas terrible comme entrée en matière. Mais elle n'avait pas trouvé mieux. Et puis mentir pour parvenir à savoir ce qu'elle désirait, c'est sa grande et seule amie Gypsi qui le lui avait appris. Elle avait fonctionné ainsi pour trouver un précepteur à Spirit. Alors, Cillien en était quitte pour se faire passer pour une pauvre brune. Et de plus prêt, la brune était encore davantage convaincue qu'il n'avait pas changé. Ou plutôt si... Il semblait parfaitement sobre et c'était aussi bien. Que sa fille rencontre un ivrogne de bas étage... A cette pensée la brune plisse le nez tandis que le blond prend la parole. Observée elle l'a été. On est méfiant par ici. Les temps l'oblige. Et Cillien peut affirmer être certaine qu'on ne la pas reconnu. Un léger sourire en coin vient étirer ses lèvres avant de disparaître rapidement.

Les hommes ont tendance à ne pas aimer ce qui s'impose.

Oui... Mais mon grand tu vas devoir aimer celle qui va s'imposer d'ici peu. Si tu ne veux pas finir hâché menu. Et LA confirmation du jour est faite. La brune hoche lentement la tête. Un nom pareil ça ne s'oublie pas. Elle n'avait d'ailleurs jamais été capable de le prononcer. Enfin, il faut avouer également qu'elle avait eu peu de temps pour s'entrainer à le faire. La suite de la phrase laisse la brune dubitative. Il est blond, effectivement. En temps normal elle aurait répondu : "perspicace.". Mais ce n'était pas un temps normal, dans un lieu quelconque avec des gens quelconques. C'était LE grand jour. Avec l'abruti qui l'avait mise en cloque avant de disparaître. Néanmoins si intérieurement c'était la tempête, l'orage prêt à exploser avec toute la violence de sept années contenues, dehors, la brune restait impassible. Jouer un rôle, jouer un rôle, jouer un rôle... Elle devait tenir ce rôle. Parce qu'après tout, s'il pouvait la soigner avant de savoir qui elle était et savoir qu'il n'aurait peut-être pas dû tant elle souhaite lui pourir la vie... C'était toujours quelque chose de pris. Mais là, cruel dilemme qui s'offre à elle, tandis que le silence s'allonge suite à la présentation du dit Ernst. S'il ne se souvenait pas de son apparence, se souviendrait-il de son nom ? La brune secoue lentement la tête et repose ses prunelles sur lui en lâchant :

Ravie de vous rencontrer.
Ironique ? Mais non voyons, quelle idée !
Je suis Cillien Kenway.
Bref silence et elle regarde avec attention si une réaction moindre fait surface sur le visagedu gentil médicastre. Mais quelle idée ! Saoûl on ne retient encore moins les noms que sobre nan ? A moins que... Pour couper au cours aux possibles réminiscence elle enchaîne :
Effectivement, une mauvaise rencontre. Le lieu s'y prête bien je crois.

Nouveau silence, tandis que la brune baisse les yeux pour fixer... le pied de table. Elle respire, inspire, expire, en tentant de se maîtriser. De garder son calme face à cet homme qui a gâché sa vie. Sans le savoir, sans le vouloir, sans s'en rappeler. A nouveau elle lève les yeux vers lui, des yeux dans lesquels brillent une lueur nouvelle. Une sorte de lueur de défis. Annonce d'un mauvais présage, mais elle sourit faiblement, prenant un air de lassitude profonde avant de reprendre d'une voix calme - et presque douce.

Auriez-vous du temps pour soigner... elle ne termine pas sa phrase. C'est pour l'effet pathétique. Non et puis il faut dire qu'elle souffre la brune. Le bras en charpie, la fatigue. Et cette lutte contre ses sentiments. Non vraiment ce n'est pas évident.
_________________
Spirit_a.
Attendre... c'est une joyeuse perte de temps.

[Pendant ce temps là... A Sémur, dans les rues]

Cillien les avait envoyé bien tôt dehors. Elle ne craignait pas pour les deux gosses. Elle les savait débrouillard après tout. Spirit avait le don d'attirer la sympathie et la gentillesse des gens. Petite fille douce, et bavarde, curieuse de tout et drôle à ses dépends tant elle ne connaissait rien à la vie en extérieur. Même si peu à peu, au fil des rencontres elle apprenait des choses. Des bonnes, comme des qu'on devrait taire à une enfant. Par exemple elle connaissait une grande liste des synonymes pour désigner les "valseuses" des hommes. Les brigands ça apprend des tas de choses que les autres gens veulent pas expliquer à des mômes. Et c'est pour ça que c'est "vachement cro cro chouette'". Plus elle voyageait plus elle connaissait de choses. De gens. Pourtant, elle gardait toujours cette petite tête avec ce regard tendre et émerveillé pour un moindre petit détail. Ce matin là, même si elle avait mal à la tête et à la jambe, elle était sortie toute souriante. Après tout, ils étaient arrivés. Son chevalier en revanche ronchonnait comme à son habitude. Il avait mal et il n'avait pas envie de marcher. Il était fatigué pis c'était trop nul ici d'abord. Bref, Lénaïc tout craché. Mais c'est aussi ce qui faisait son charme.

La blondinette ne répondait rien aux gémissements de son copain. Pas parce que ça ne l'intéressait pas, mais simplement parce qu'elle ne savait pas quoi lui dire. Il était là pour elle après tout. Elle aussi était fatiguée, blessé et tout ce qui va avec. Mais, elle avait la carotte au bout de la journée, pour lui faire garder le sourire. Alors, comme bien souvent elle avait pris la main de son jeune copain - pour se rassurer parce que Spirit est une froussarde qui ne veut surtout pas se perdre seule dans les ruelles de Sémur - et pour calmer son 'naic adoré. Et ils déambulaient - ou flânaient - dans les rues de cette ville encore inconnue. Et Spirit parlait énormément.


Oh regarde ! t'as vu comme elle est bizarre c'te maison !

Oui, elle regarde tout, sans rien observer réellement au final. Elle voit des passants avancer bras dessus, bras dessous, ou main dans la main. Elle regarde un peu partout. Et elle parle

T'as vu, ça doit n'être des n'amoureux !
Et si ça s'trouve on croise mon papa là ! Tu crois c'est qui ?


Oui, Lénaïc semblait peu enclin au jeu, avec sa réponse dans le genre "j'sais pas moi.". Mais rien ne venait entaché l'entrain de la gamine. Elle avait hâte ce matin. Ils étaient arrivés, c'était le grand jour. Et soudain le ventre grogne. Gargouille. Ils avaient faim tous les deux. Regard à droite, regard à gauche, on bave un peu devant les miches chaudes d'un étale... Parce que Spirit est adoratrice du pain. Elle ne mangerait que ça à longueur de journée tant elle aimait le pain. Et puis, frais ou sec ! Elle n'était pas difficile ! Alors la blondinette se souvient du jeu d'Eve. La belle et gentille brigande qui l'appelait "princesse". Celle qui lui avait envoyé une joli carte et un joli message que Luisa lui avait volé. Tout un tas de péripétie cette histoire là encore. Et pourtant l'enseignement - pas tout à fait terminé de la belle Eve revenait en mémoire de la Spirit affamée. Et elle proposa à son copain de jouer à ce jeu là. Juste pour rigoler... Voler des bourses. Façon morveux maladroit, et pas du tout fait pour ça. Ils se font prendre une fois, deux fois, trois fois... Bref ils se font bien enguirlander. Une fessée, deux, trois... On ne les compte plus. Les larmes aux yeux non plus. Et pourtant la matinée passe. Mais les gosses ont toujours faim.

On n'est cro nul ! Faut j'retrouve Eve qu'elle m'apprenne mieux ! Pfff

Finalement ils s'asseoit sur un péron quelconque. Mais au bout de quelques minutes la môme lâche, presque en choeur avec Lénaïc :

J'm'ennuieuh !!! C'est pas drôle ! Qu'est c'qu'on fait ? On peut jouer à quoi tu crois ?

La suite au prochain épisode.
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Ernst.
Cillien Kenway ... Ce nom résonna comme un lointain souvenir. Non pas qu'il s'en était souvenu, non, loin de là. Une simple résonance. Il s'en était souvenu comme l'on se souvient, parfois, d'un vieux théorème. Quelque chose de vague. Quelque chose d'approximatif. De ces souvenirs qui nous reviennent, parfois, d'un lointain passé, comme sortis d'un brouillard inextinguible. Un bref haussement d'épaulement. Un simple "bof" peut-être que ...

Le germain haussa le regard vers la brune et n'abdiqua que d'un :


- Cillien? ... Je crois avoir connu une Cillien ... Rien de bien marquant ... Je n'en suis même pas sûr.

Ernst se tourna alors vers le bras ensanglanté. Il fit mine de vouloir le prendre entre ses mains et ajouta :

- Puis-je?

Dans un réflexe, il se tourna vers le tavernier.

- Un peu d'eau, je vous prie ... Et du linge propre ... Si vous avez ...Ah oui, et de l'alcool, une liqueur, n'importe quoi, pourvu que ça désinfecte.
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Cillien
Léger frémissement quand celui-ci évoque le fait que le nom semble lui rappeler quelque chose... Avant de... Ouh ! Il a le don de l'énerver ! Rien de bien marquant ? Mon pauvre Ernst, vous allez vous souvenir de Cillien Kenway cette fois. Parole d'Austérienne. La blessera-t-il et la ridiculisera-t-il encore longtemps ? Aucune délicatesse. Non aucune. Et c'était "ça" le géniteur de sa fille... Comment avait-elle pu tomber dans ses bras ? Un soupir est retenu, tandis qu'elle rétorque à la première phrase un ironique :

Le prénom doit être fait pour qu'on ne laisse pas de traces.

Elle le regarde alors s'approcher, faire un geste et l'arrêter pour poser une question ridicule. Faire des simagrées. Elle pense fortement : "mais c'est pas possible, ma parole il est idiot !". Mauvaise comédienne l'Austère peut-être. Ou alors elle avait face à elle un véritable blond. Elle se contente d'un discret "Bin oui" tout en hochant la tête lentement. Et elle l'écoute réclamer des objets d'utilité au tavernier... Elle avale avec difficulté sa salive, tout en le regardant. Et là voilà qui lâche :

Cela vous dérange si nous parlons un peu pendant la... enfin... Pour m'occuper, je préfère ne pas trop regarder.

Au fond elle s'étonne elle-même de sa politesse et du calme apparent. Pourtant, pour un être un tant soit peu attentif, une certaine animosité à son égard pouvait se ressentir dans l'atmosphère ambiant. Faux-cul ? On le sentait. Pourtant elle continuait de parler, parce qu'au fond peu lui importait la réponse du blond, fouinant à sa façon.

Vous êtes médicastre alors. Et ... marié.
Un bref regard est lancé à la femme discrète et muette toujours assise à sa place.
Des enfants peut-être ? Vous aimez les enfants ?
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Ernst.
- Le prénom doit être fait pour qu'on ne laisse pas de traces.
- Mmh ... Possible ...

Le germain ne faisait pas vraiment attention à la brune. Il ne savait rien d'elle ou très peu. Pour tout dire, il était plus concentré sur l'espèce de bandage qui recouvrait la blessure que sur le reste. Le tavernier approcha avec ce que lui avait demandé Ernst. Il pouvait s'atteler à la tâche. Le blond commença par déchirer complètement le bout de chemise qui servait de manche. Il entreprit, alors, de défaire le pansement. Bien sûr, le sang avait séché. Le tissu et la plaie avaient eu le temps de s'incruster. Ernst prit toute les précautions du monde afin d'ôter le bandage sans trop faire de mal. Ca accrochait par moment, on pouvait voir la plaie s'étirer, se remettre à saigner.

En faisant fi des réactions de Cillien, Ernst déboucha la bouteille de liqueur qu'il goûta.

- Trop sucré, il me faut une eau-de-vie, rien de plus, je ne vais pas désinfecter avec de l'Hypocras non plus. Ernst reporta enfin son attention sur la brune. Mmh, parlons, c'est une bonne idée, ça occupe.

Le tavernier revint avec une seconde bouteille qu'il échangea contre la précédente. Ernst recommença à goûter. Il plissa légèrement les yeux et toussota.

- Ca ... C'est parfait.

Le blond avala une nouvelle gorgée puis trempa un bout de linge dans l'eau. La désinfection attendrait un peu. Le blond nettoya les contours de la plaie et épongea, délicatement, le sang qui s'écoulait lentement.

- Je ne suis pas marié, non. Je n'ai pas d'enfants non plus. J'ai longtemps préféré festoyer que m'occuper d'une famille. Il paraîtrait qu'il n'est jamais trop tard. Allez savoir ... Un jour, peut-être.

Le germain reposa le chiffon sur la table et s'essuya les mains.

- Vilaine blessure, vous aurez besoin de points de suture. Je vous conseille de vous rendre à un des campement de blessé de Sémur. Un barbier s'occupera mieux de vous.

Une fois qu'il obtint un aspect qui lui parut présentable, il imbiba un autre linge mais cette fois, avec de l'eau-de vie.

- Ca risque de piquer un peu.

Evidemment, il n'avait pas attendu de finir sa phrase pour plaquer l'alcool au contact de la plaie.
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Cillien
Indifférence. Ignorance. Au fond, Cillien est marquée par l'attitude du blond à son égard. Et, telle sa fille - héritage à l'envers ?! - elle plisse le nez. Il ne savait rien d'elle. Ou très peu. Et au fond, il ne voulait rien savoir. Sauf que... Il allait bientôt se prendre un aller simple de sa main sur sa joue. De ses mots dans sa tête de blond. Et peut-être aussi de ses mots dans son coeur et sa fierté d'homme. Et, le tout commence en silence. Et elle souffre la brune. Le pansement collé... Déconseillé ! Elle serrait le rebord de la chaise de sa main libre, y plantant ses ongles avec toute la force que la douleur lui fournissait. Et des noms d'oiseaux fleurissaient dans sa tête à l'égard d'Ernst. Qui ne franchissaient pas ses lèvres, closes par la douleur. Et il semble prendre plaisir à la faire souffrir. Il y va lentement. Elle aimerait lui dire d'arracher, de tirer d'un coup sec. Mais sa bouche reste pincée, tant et si bien que les lèvres disparaissent presque. Le sang coule, chaud, et enfin la pause apparaît. Respirer. Et parler pour... Parler. Tandis que le dit médicastre picole. Un murmure s'échappe de ses lèvres :

on ne change pas les vieilles habitudes hein...

Oui, comme il est aisé de voir en l'autre tous les défauts qui soient et de les amplifier. Cillien s'en donne à coeur joie. Hochement de tête hypocrite tandis qu'il goutte, et parle... Un peu. La grimace qu'il fait en gouttant la seconde bouteille n'a rien de rassurant. Et la brune pâlit. Oui, elle est sensible à la douleur. Bien qu'elle tente de le cacher. Elle écoute attentivement tandis qu'un chiffon humide vient éponger les perles de sang. Elle n'a rien le temps de dire. Rien le temps de penser même que le blond enchaîne. Un barbier... Et... La douleur est poignante. Le cri que la brune lâche alors tout autant :

Ah !!! Mordiable ! Chiabrena ! Gumpf...

Et la brune de se mordre la lèvre pour ne pas entamer des insultes directement à l'égard du dit blond avant qu'il n'ai fini de désinfecter. Et quand vient la fin de la souffrance, la main austérienne lâche le rebord du siège pour venir s'abattre avec une douce et surprenante brutalité sur la joue d'Ernst. Elle peut lire la surprise sur les visages. Sa façon de remercier ? Pourquoi pas. Les yeux ne se baissent pas. Elle soutient à merveille les regards qui se posent sur elle. Un bref silence pour mieux laisser paraître le geste et tout ce qu'il implique. Et Cillien prend la parole.

ça, c'est pour vous remercier d'prévenir après coup. Mais surtout, Surtout !

Nouveau silence et la tension s'installe. Oui, surtout ? Et bien quoi ? Tu le craches le morceau ?!

Rien d'bien marquant... Sottard, sombre idiot alcoolique ! Oh ça, non vous n'avez pas changé. Festoyer hein... Qui mieux que moi le saurait...

Les prunelles se font sombres. Perçantes. Menaçantes. Elles lancent des éclairs. Des flèches. Si elle pouvait le percer de toutes parts elle s'en donnerait là encore à coeur joie.

Je vous confirme que vous avez bel et bien connu une Cillien. Vous pouvez en être sûr et certain. C'était moi-même. Mais je vais tenter de vous rafraîchir la mémoire. Bien que je doute que vous réussissiez à vous remémorer quoi que ce soit. Boire est une chose. Supporter la boisson une autre sans doute. Franche-Comté, il y a 7 ans. En Février pour tout vous dire. Une foire. Vous. Et la "Cillien qui n'a rien de bien marquant".

La tête se penche légèrement sur le côté, pour observer les réactions du concerné.

Moi je n'ai pas oublié. Et pour cause. Vous m'avez offert le bel et doux déshonneur de me laisser un souvenir... matériel.

Elle n'en dit pas plus. Elle s'arrête là. Et laisse le silence reprendre ses droits tandis que la révélation reste suspendue dans l'air. Blond ? Ou assez intelligent pour comprendre de quoi il retourne ? Oui, tout ceci est difficile à croire. Les pulsations de son coeur se ressente dans le bras blessé de la brune. Elle a mal. Pourtant elle se lève, se plantant bien droite devant lui et lâche les derniers mots, en les appuyant intensément :

Toutes mes félicitations. Vous êtes l'heureux géniteur d'une petite fille de 6 ans.

Alors, heureux ?
Non Ernst Von Zweischneidig, il n'est jamais trop. La rumeur est confirmée. Il est même souvent trop tôt. Alors "un jour peut-être". Le jour est venu. 6 ans de répis. Avez-vous bien profité ? Etes-vous prêt ? Spirit Kenway Von Zweischneidig... Elle lui ressemble tant qu'il est impossible de nier l'évidence. L'évidence. Cillien n'a offert son corps qu'une seule et unique fois. D'ailleurs, Ernst est le seul homme, en dehors de son cher cousin et de son père a avoir pu poser ses mains sur elle. Et à le pouvoir encore. Parce qu'aussi contradictoire que cela puisse paraître, la brune ne supportait plus qu'on la touche. Pourtant elle l'avait laissé la soignée, sans la moindre gêne. On n'efface pas le passé. Il avait déjà tout eu, alors un peu plus, un peu moins...

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Ernst.
- Aïe ! Qu'est-ce que ...

Bizarrement, le germain avait oublié que la douleur octroie certains réflexes malencontreux. Comme on dit, celle-là, il ne l'avait pas vu venir. Il aurait pu s'attendre à ce que la main s'abatte sur sa joue au moment de la douleur. Là, elle avait pris son temps. C'était une fois le calme semblait être de mise que la tempête s'était déclenchée. La surprise avait bien failli le faire chuter de sa chaise. après un léger déséquilibre, Ernst avait ouvert des yeux effarés vers Cillien, tout en se tenant la joue. Etait-elle folle? Elle n'avait pas tort. Il l'avait prévenu en retard. C'était voulu. Il avait pensé que l'effet de surprise jouait en sa faveur. Ce qu'il ne savait pas, c'était que la surprise allait être pour lui. La claque eut le bon effet de lui éclaircir les esprit. Elle accorda à Cillien toute l'attention du blond.

Et là, ce fut le drame. Les paroles de la brune fusaient. Ernst avait un peu de mal à suivre.

- Sottard, sombre idiot alcoolique !

La première constatation était qu'elle devait, effectivement, le connaître. Ernst n'était pas un modèle de sobriété. Il avait, certes, quelque peu changé avec le temps. D'aucun diront qu'il s'était mis misérable il y avait peu encore. Cependant, la guerre était venue. Bien qu'Ernst avait pris la sécurité de Jusoor de Blanc-Combaz au sérieux. Les évènements récents avaient tout changé. Le danger était réel. Le jeune bourgeois insouciant s'était mué en soldat. La vie fastueuse et sans soucis était devenue une sorte de sacerdoce voué à la simple et unique sécurité de celle qui commençait à hanter la moindre de ses pensées. Le monde éthylique d'Ernst avait basculé.

Pourtant, cette Cillien le connaissait de sa vie d'avant. Elle le confirma.

- Franche-Comté, il y a 7 ans. Une foire.

Remettre ses souvenirs en ordre de marche. La Franche-Comté, Ernst ne s'y était rendu qu'une seule et unique fois. Un foire, oui, une foire. Il avait accompagné son père a une sorte de congrès. Un rassemblement des plus grand négociants d'Europe. Le paternel von Zweischneidig avait tenu à l'y emmener. Ernst était l'héritier. Il devait savoir comment fonctionnait le métier. Il y rencontrerait des clients et fournisseurs actuels et potentiels. Le "vieux" avait usé de tous les arguments possibles afin de traîner son fils à cette réunion. Bien sûr, Ernst n'en avait cure. Il avait la petite vingtaine et ses préoccupations étaient loin de tout ça. Il n'avait vu, dans ce déplacement, qu'une simple occasion d'assouvir son goût immodéré pour l'alcool. Il avait même sourit, à l'époque, en pensant aux rencontres féminines qu'il pourrait y faire.

Il y avait bien eu cette jolie brunette. Celle avec qui il avait partagé une danse et quelques chopes. Elle lui avait plu. Elle sortait du lot. Bien sûr, la naïveté dont elle avait semblé faire preuve n'était pas étrangère à cela. Cependant, Elle avait une sorte d'étincelle de vie dans le regard. Ils avaient bu et terminé la soirée ensemble. Ernst s'était réveillé dans la nuit. Il devait reprendre la route pour Koblenz. A cette époque, le blond ne faisait pas dans les sentiments. Il était parti comme un voleur.


Le germain regarda la brune qui lui faisait face. Elle avait tellement changé. La petite brunette souriante avait laissé place à une furie. La situation l'expliquait. Ernst se souvint alors de ce regard presque éteint qui s'était posé sur lui il y a encore quelques secondes de cela. Comment aurait-il pu la reconnaître?

Les mots continuèrent à claquer. Un souvenir matériel ... Le silence de la brune laissa le temps à mille idées de naître dans l'esprit du blond. Il ne lui avait pas laissé un morceau de vélin avec son nom et son adresse. Il n'y avait pas trente-six solutions. La réponse était évidente. Et la réponse ne se fit pas tant attendre que ça.

- Toutes mes félicitations. Vous êtes l'heureux géniteur d'une petite fille de 6 ans.

Ca pour une surprise ! La main d'Ernst glissa le long de sa joue pour venir se poser sur ses jambes. Machinalement, la bouteille de gnôle avait fini par se vider d'une partie de son contenu dans le gosier du germain. Ernst reposa la bouteille, abasourdi. Il se mit à articuler la seule réponse correcte qui lui passa par la tête.

- Hein?

Après toutes ces années de rébellion face à l'image paternelle, Ernst se voyait propulser en digne fils de son père. Junior ne valait donc pas mieux que senior. Certes, lui n'était pas marié avec, déjà, un enfant. Il avait cependant semé au vent l'héritage de ses ancêtres. Etait-ce simplement possible? Bien sûr, et il le savait pertinemment. Ses souvenirs se remettaient en place, petit à petit. Le puzzle de cette soirée et de cette nuit se faisait de moins en moins brouillon. Ernst n'avait pas connu beaucoup de femmes. En tout cas, il n'avait couché qu'avec très peu d'entre elles. C'était donc si facile de faire un enfant. Ernst en aurait presque perdu le peu de lucidité qu'il lui restait sur le moment.

Une petite fille de 6 ans ... Ernst se mit à chercher du regard à travers la pièce. Il n'avait pas remarqué d'enfant présent. Il n'en remarquait pas plus. Il regarda Cillien. Son regard fouilla la pièce à nouveau. Il en oublia complètement le reste du monde qui l'entourait. Il ne put que balbutier.

- Je ... Heu ... Qui? Où? ... Enfin ...

Ernst but une nouvelle rasade d'eau-de vie. Il reposa la bouteille et regarda le sol. Il devait se ressaisir. La nouvelle était difficile à encaisser mais il devait, à tout prix, se ressaisir. Le germain se redressa.

- Moi? C'est sûr? ... Hum ... question stupide ... Je veux dire ... Pourquoi tout ce temps? Pourquoi maintenant?
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Cillien
Et la brune savour le moment de perdition et de flou total qui semble s'emparer du dit géniteur. De la main sur la joue, dû principalement à la surprise, bien que l'Austère n'y soit pas aller de main morte, elle se porte à la bouteille. Et la bouteille est portée aux lèvres. Cillien laisse s'échapper de ses lèvres un profond soupir, qu'il n'entend pas, trop absorbé dans l'essai de reconstitution d'un passé plutôt vieux. Et pour toute réponse, un "hein". Non pas un, Ernst, mais unE. Désolée, pour l'hériter on repassera plus tard. La colère monte encore, et Cillien serre le seul poing qu'elle peut encore fermé sans se faire plus mal que nécessaire. L'envie de le rabaisser, de le mettre plus bas que terre ne manque pas. Les insultes pourraient sortir nombreuses. Pourtant, c'est dans des phrases plus calmes mais tout aussi blessante que la brune trouvera les mots pour faire mal. Au moins un peu, l'espère-t-elle.

Elle sent pourtant ce regard qui pèse sur elle. Ce regard qui a changé. Et heureusement. Remet-il derrière l'apparence froide, hautaine et sévère actuelle le visage naïf, souriant et plein de vie de sa jeunesse ? Oui, Cillien a excessivement changé. Le blanc est devenu noir. Elle est passée de la joie de vivre au dégoût des Hommes. Du sourire au sarcasme. De la naïveté à une vision péjorative et pessimiste. Sa pâleur augmente encore ses traits qu'elle a pris au cours des sept dernières années. Sa fille pourtant, Spirit, avait énormément de traits de caractère de sa mère à son âge. Pleine de vie, et de joie. Curieuse de tout, et heureuse de vivre malgré tous les évènements qui secouaient sa pauvre enfance. Revoir Ernst en chair et en os permettait à la brune de se rendre compte d'une chose. Physiquement, Spirit était le portrait craché de son père. Si Cillien avait eu la joie de la voir naître brune, elle avait aussi connu la déception de voir sa chevelure devenir au fil des jours, au fil des ans, blonde. Du même blond que celui de son père. Et si l'enfant avait hérité de la forme du visage de sa mère - un visage aux traits fins - elle avait le regard de son père, la bouche de son père, le nez de son père. Modèle réduit et féminin du dit géniteur. Ce qui contribuait à augmenter la douleur pour Cillien de voir en elle, chaque jour, une remémoration de ses fautes passées. De voir en elle l'homme qui avait brisé sa vie et sa réputation.

Et elle le voit commencer à chercher un peu autour de lui. Perdu. Amplement perdu. Bafouiller sans comprendre, sans mesurer réellement l'ampleur de la révélation. Elle le voit et elle secoue la tête. Sévère. Injuste même. Elle avait eu de longs mois pour se faire à l'idée qu'elle attendait un enfant. Et lui devrait accepter l'idée en un instant. Sans être sûr au fond qu'elle soit véritablement sa fille. Mais Cillien savait que lorsqu'il la verrait, les doutes disparaîtraient. Pourtant, à présent qu'elle était face à lui, elle n'était plus si certaine de vouloir lui laisser Son enfant. SA fille. A elle. Non pas à lui. Pendant 6 ans il n'avait rien été. Et l'idée qu'il puisse devenir plus important aux yeux de Spirit que sa mère qui l'avait élevé - certes mal mais à la façon désordonnée d'une mère désabusée, blessée, reniée... Un rictus vient un instant déformer le visage de la brune. Tandis qu'entre deux gorgées de boisson le brun bafouille des questions à la chaîne, sans aucun lien logique entre elles. Blond. On vous le répète. Et aucune réaction de sa part ne pourra être perçu, ce jour-là comme positive de la part de Cillien.


Reprenons donc dans l'ordre. Pour un médicastre vous ne semblez pas très ordonné, Ernst.

Et le nom persiffle entre ses lèvres, avec une connotation péjoratif, un reproche à peine contenu, qui en dit plus long que tous les autres mots que Cillien pourrait prononcer.

Elle s'appelle Spirit. Elle a 6 ans donc. Elle doit jouer dehors actuellement. Vous la rencontrerez plus tard. Vous n'êtes plus à quelques jours prêt.

La phrase est lâchée, plus par envie de le voir cogiter, se poser des questions, et peut-être attendre la rencontre que pour signifier une réelle attente. Elle sait que Spirit ne lui laissera aucun instant de répis tant qu'elle n'aura pas vu son "papa". Oui mais elle joue. Insidieusement. Elle s'amuse, à sa manière. Elle profite de pouvoir agiter momentanément les émotions d'Ernst.

Et cela, parce que je ne souhaite pas que ma fille aie une image de son père comme un alcoolique qui sème à tout va. Doublé d'un abruti qui semble avoir du mal à suivre une histoire pourtant peu compliquée.

Peu compliquée, peu compliquée... Il faut le dire vite. Parce qu'après tout, 7 ans se sont écoulés. Le temps a passé. Mais Cillien avait agit ainsi dans le but de préserver sa fille. Elle avait, en outre, grandit aux côtés de son grand-père qui avait joué le rôle de père. La présence masculine n'était pas tant à regretter. C'est à la mort du dit grand-père que Spirit s'était faite plus pressante, plus curieuse au sujet de son père. Plus envieuse aussi. La petite princesse du chevalier Lénaïc avait insisté, prenant le risque de s'opposer - pour la première fois de sa vie - à sa mère. Cillien avait alors souhaité rencontrer Ernst en première. Elle ne voulait pas que sa fille qui rêvait cette rencontre depuis de longs mois soit déçue. Déçue de voir un père abasourdi plutôt que consacré à elle. Déçu de voir peut-être qu'il n'avait rien de roi qu'elle rêvait. Elle tentait de la protéger. Parfois mal. Parfois bien. Aujourd'hui, à ce moment précis, elle ne regrettait pas son choix. Les sentiments de la brune envers sa fille évoluait peu à peu, se rapprochant lentement mais surement d'une véritable relation mère-fille. Une esquisse de sourire vient subrepticement adoucir le visage de Cillien. Sourire qui s'effaça dès que les prunelles se reposèrent sur Ernst.

Oui, c'est certain. C'est vous.
Et tout ce temps. Voyons comment vous expliquez... Vous êtes parti comme un voleur. Voleur que vous êtes d'ailleurs. Vous avez disparu dans la nature, sans vous soucier de rien. Une grossesse on ne s'en rend pas compte au lendemain de la soirée. Il m'a fallut un mois et demi, deux mois pour m'en rendre compte, figurez-vous. Ensuite, ...


La brune se rasseoit, tout en gardant une posture bien droite. Une lueur triste apparaît dans ses yeux, tandis que son regard descend pour se figer sur les chausses d'Ernst. Et la voix, monotone, triste reprend lentement, en appuyant sur certains mots toujours :

Ensuite, j'ai subi moult' désagrément. Père m'a puni autant que protégé. Et il s'est pris d'une haine contagieuse pour vous. De sorte que s'il vous retrouvait, vous seriez mort sur l'instant.

Les mirettes reviennent brutalement sur le visage masculin, toute lueur ayant disparu. Le visage austérien retrouve toute son impassibilité. Et elle poursuit par des mots forts qu'elle appuie :

Tant que père était là, Spirit n'avait nullement besoin de vous. D'ailleurs, longtemps elle a pensé que vous étiez Mort. Bref silence pour laisser le mot bien pénétré dans la tête blonde et elle reprend Père n'étant plus... Il m'a fallu quelque temps pour retrouver votre trace. Sous la demande de Spirit. Sachez bien que je n'aurais jamais entrepris la démarche par moi-même. Selon moi elle n'a pas besoin de vous. Elle s'est accomplie d'ailleurs sans vous. Mais le fait de rencontrer son père est un droit que je ne saurais lui refuser.

Pas de demande dans le sens inverse. Il la rencontrera. Qu"il le veuille ou non. Elles n'ont pas fait tout ce chemin pour rien. Cillien n'a pas perdu l'usage momentanée de son bras pour des broutilles. Elle s'offre d'ailleurs le plaisir de lâcher :

Devant elle, si vous la rencontrez, ne buvez pas. Chose certainement ô combien difficile pour vous. Mais tâchez de ne pas réduire à néant les croyances et les espérances de votre fille, comme vous avez gâché ma jeunesse, et ma vie.

A ces mots, la brune se relève, et leur tourne décemment le dos pour se diriger à pas hésitant vers la porte. Faible. Elle l'est. Et l'envie de voir la réaction d'Ernst étant passé, plus rien ne la maintient réellement sur pied. Elle tremble en avançant avant de se coller au mur pour reprendre ses esprits un instant. Nouveau soupir exaspéré qui s'échappe des lèvres austériennes. Exaspérée de sa propre condition. Faudrait-il qu'elle soit toujours faible face à lui ?
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Ernst.
Elle semblait avoir le don de toucher au but. A bien y repenser, elle n'avait pas tellement changé que ça. Bien sûr, elle n'avait plus la naïveté ni l'innocence dont elle avait pu faire montre des années auparavant. Cependant, elle avait toujours cette audace qui lui avait tant plu. C'était, peut-être même, ce qui l'avait séduit chez elle. Bien sûr, il n'avait pas assumé. Il s'était enfui. Il s'était persuadé que c'était par obligation. Il y avait, sans doute, une part de vérité. Ils avaient bu, surtout lui. Ils s'étaient amusés, surtout lui. Comment pouvait-il lui expliquer? A l'époque, il avait tous les espoirs de son père sur les épaules. Il n'était pas innocent, non, loin de là. La finalité était la même. Il avait abandonné Cillien à son sort sans plus de considération.

Le ton de la brune était blessant, les mots acérés. Ernst aurait pu s'en offusquer, se braquer. Il n'en était plus question à présent. Les prémiers émois étant passés, il était redevenu le germain stoïque que la plupart connaissait. Ils se ressemblaient plus, à présent, qu'ils n'auraient pu l'admettre. Ernst encaissait les coups. Certains étaient bas mais il les méritait, au fond.

Elle s'appelait donc Spirit. Il avait un prénom à mettre sur un visage qu'il ne connaissait pas encore. Il n'était pas à quelques jours prêts, non, évidemment. Qu'aurait-il pu objecter à cela? Elle avait six ans. Quand on a vécu plusieurs années sans père, que peuvent représenter quelques jours? C'est ce qu'il se disait en pensant comme un adulte. Un enfant n'avait pas, nécessairement, les mêmes priorités.

Les mots suivants firent mouche. Cillien le voyait comme elle l'avait vu sept ans plus tôt. A l'époque, il n'était qu'un jeune homme un peu fou et insouciant. Il avait changé, du moins, il l'espérait. Oui, au fond, il avait changé. Pour tout un tas de raisons. Il avait hérité d'une fortune colossale et devait gérer les affaires de son défunt père. Il avait, surtout, pris conscience des responsabilités que cela engendrait. Il avaitla vie de plusieurs personnes entre ses mains. De sa gestion des affaires paternelles dépendait la vie, voir la survie, de nombreuses familles. Il n'en avait pris consciece que tardivement, après une mauvaise opération qui avait coûté leur travail, et donc leur gagne-pain, à plusieurs d'entre eux. Il lui arrivait encore de boire, de temps en temps. Là encore, la vie lui avait donné d'autres priorités. Il y avait Jusoor de Blanc-Combaz. Jamais il ne l'aurait laissée le voir dans un piteux état. Maintenant, il avait une fille. Ernst regarda la bouteille posée sur la table et la repoussa d'un geste de la main. Non, bien sûr que non, elle ne le verrait pas boire.

Ernst se rendit rapidement compte que cette soirée, cette badinerie, avait eu des conséquences qu'il n'avait pas mesuré. Le mal était fait. Il ne pourrait pas remonter dans le passé. il pourrait, tout au plus, assumer ce qu'il n'avait pas assumé pour le moment. En même temps, il ne savait pas, maigre consolation. Cillien s'éloigna puis chancela. Ernst se leva. Il ne put que tenter une approche, probablement vaine vu l'état d'esprit dans lequel semblait être la brune.


- C'était il y a de nombreuses années. Les gens changent, aussi difficile à croire que cela puisse être.

En la voyant s'adosser au mur, Ernst fit un simple pas en avant.

- Puis-je vous aider?
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Cillien
Tandis que la faiblesse la marque à nouveau, il s'avance. Et il parle. Il parle sans dire un seul mot du sujet principal. Une lueur de déception traverse un instant son regard. Les années, le changement. Elle le sait, fortement. Elle est consciente de son propre changement. Mais lui... Elle ne perçoit pas tellement de changements dans sa personne. D'un côté c'est ainsi qu'il l'avait séduite. Et d'un autre côté... C'est ainsi qu'elle avait appris à le haïr. Il paraissait néanmoins plus sérieux. Plus sombre aussi en quelque sorte. Une part d'insouciance et donc de légèreté, de folie l'avait quitté. Cillien le regarde des pieds à la tête.

Je sais que les gens changent. Mais je n'ai encore pas vu de changement en vous. Je protège Ma fille.

Les lèvres se pincent tandis qu'il fait un pas en avant. Adossée au mur, elle porte la main à sa tête. Dégluttit difficilement, avant de tendre la main devant elle pour l'empêcher d'approcher davantages. Le temps passe, les gens changent. On ne touche plus Cillien Kenway. Et la question. Un léger et bref rire sarcastique s'échappe de ses lèvres, tandis qu'elle rétorque :

Vous en avez déjà assez fait pour moi.

Ironique. Et pourtant, c'était aussi sa façon de lui dire merci pour le bras désinfecté. Il était temps, enfin. Même si le remerciement passerait inaperçu. Elle l'avait fait. La main revient se poser à plat contre le mur. Inspiration, Expiration. L'Austère ferme les yeux.

C'est elle qui importe maintenant. Alors concentrez-vous sur Elle.

Nouveau silence. Et Cillien garde toujours les yeux fermés. Est-ce elle qui devient sentimentale ? Ou devrait-il poser des questions concernant sa fille, et l'éventualité de la rencontre... Si cela l'intéressait un tant soit peu, n'aurait-il pas demander où et quand il pourrait la voir ? Non, il n'avait pas changé. Seule sa personne comptait. Sa petite personne. Et les gens autour de lui ? Des poussières. S'ils étaient là tant mieux, sinon, tant pis. Parfois même, s'ils étaient là, tant pis aussi... La brune serre les dents, la mâchoire se crispe. Et elle reprend la parole.

Si vous voulez la voir, soyez ici, en début de soirée. Je vous laisse deux soirs pour être présent, concédant à l'étonnement de notre arrivée un petit temps d'organisation. Si dans ces deux soirs nous ne vous voyions pas, nous repartirons. Et pour Spirit, Ernst - son géniteur - sera mort à la guerre, pauvre chevalier sans talent qu'il était.

Et la brune de rouvrir les yeux, les fixant avec autorité sur le dit géniteur. Sourcils froncés. Presque menaçante. L'air de lui dire que s'il ne vient pas, il aura des grands problèmes. Cillien n'a rien d'impressionnant face à lui. Et pourtant, elle ne fait pas rire. Du moins le pense-t-elle. En poussant légèrement de sa main sur le mur, elle fait à nouveau quelques pas vers la porte, s'arrêtant, la main posée sur la poignée.

Au fait, où puis-je trouver ce "barbier" ?
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Ernst.
Ernst ne savait pas trop sur quel pied danser. Elle paraissait aussi agressive qu'elle semblait, par moment, l'inverse. Il avait bien compris qu'il avait tout à prouver. Il avait bien compris, également, qu'il n'avait pas son mot à dire. Il la regarda et l'écouta sans vraiment réagir. Cillien semblait vouloir se lancer dans une sorte de rapport de force. Du moins, c'est ce qu'il ressentait.

Il l'écouta, donc , attentivement. Elle lui proposait un rendez-vous, plutôt un ultimatum. Il devrait être présent, point. Elle voulait protéger sa fille, leur fille apparemment. La brune semblait vouloir lui imposer de voir une petite qui était de lui. Elle l'imposait mais l'appelait sa fille, à elle. Il se renfrogna légèrement. Il verrait la petite Spirit, oui. Il verrait sa réaction. Ils parleraient, peut-être, sans doute. Il aviserait ensuite.

Le germain se contenta de tourner les talons et, sans regarder Cillien, il lui dit :


- Pour le barbier, vous trouverez sans problème une tente médicale à la sortie de Sémur.

Il fit une courte pause. Il prit le temps de s'asseoir. Il tourna la tête vers Cillien.

- Je serais là.

Il n'argumenta pas plus, cela n'aurait servi à rien.
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Jusoor
Que faire maintenant ? Ou plutôt que dire ?

Jusoor serrait toujours entre ses doigts l'anse de la tasse de vin chaud. Chaud, il ne devait plus l'être tant que ça. Elle avait assisté à toute la scène, témoin privilégié par sa proximité des protagonistes. Elle laissa vagabonder un regard gêné sur Ernst.

Elle avait ressenti à plusieurs reprises le besoin irrépressible de se lever et de ne pas assister à l'échange, par pure discrétion, mais elle avait été happée et bien que ce besoin lui chatouillait les côtes pour ne pas se faire oublier, elle avait oublié elle, comment on faisait pour se lever de sa chaise, un peu hagarde des surprises provoquées par l'échange : le ton résolu et stoïque de l'étrangère d'abord, la gifle ensuite, les insultes persiflées, les sous-entendus lourds de reproches... Un climat qui l'avait captivée à contrecoeur.

Ainsi il avait une fille. Jusoor savait qu'Ernst n'était pas un blanc agneau, et à la réflexion, elle ne devrait pas être surprise. Pourtant, elle l'était, et l'empathie dont elle était capable avec lui l'y aidait grandement. Elle devinait que la raison d'Ernst devait chanceler après un tel échange et que contre elle se fracassaient certainement des sentiments violents qui étaient à la fois tout et son contraire. Il devait être perdu.

Elle n'avait rien à lui dire qui puisse le soulager comme elle le voudrait. Il n'y avait rien à dire en fait. Sinon ceci...
Je peux être là Ernst le soir où tu la verras. Comme je peux ne pas l'être si tu le souhaite ainsi.

Façon détournée de lui dire qu'il pouvait aussi compter sur elle, même si les rôles étaient définis autrement.
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Spirit_a.
[Le soir venu, THE taverne, THE Soir S]

Cillien les avait retrouvé en milieu d'après-midi, dans la taverne où ils avaient somnolé la veille. Les enfants étaient fatigués, et Cillien avait les traits tirés d'avoir rencontré le barbier qui avait "réparé" son bras. Elle était plus pâle encore qu'à l'ordinaire. Et Spirit eu peur pour sa mère un instant. En la voyant arriver, elle s'était d'ailleurs levée d'un bond pour courir vers elle en lâchant un : " ça va maman ?!. Maman... Un mot qui avait franchi ses lèvres spontannément. Pourtant Cillien lui avait toujours appris à l'appeler par son prénom, la gifflant quand elle osait l'appeler "maman". Elles se disaient d'ailleurs "vous". Non, Spirit et sa mère n'était pas du tout proche l'une de l'autre. La petite pensait que sa mère la détestait et avait par conséquent une peur bleue d'elle. Pourtant, le voyage entrepris pour rencontrer son père avait permis à la gamine de se rendre compte des efforts de Cillien. Et le fait qu'elle soit la seule adulte présente aidait certainement. Cillien avait d'inombrables défauts. Qui se trouvait toujours amplifier face aux autres. Froide, réservée, cynique, désabusée. En somme, la belle brune austère qui lui servait de mère avait tout de la femme que les hommes haïssent. De la femme "associale" par excellence. Et pour cause, Cillien ne supportait que très peu d'humain. Et même sa fille ne faisait pas exception à la règle.

Néanmoins, peu à peu, de cotoyer d'autres adultes, plus souriant, plus doux, plus tendres, plus attentionnés envers elle, la petite Spirit s'était épanouie. Lentement mais surement. De la miocharde elle était passée à la puce de Colombe, au lapin pour le conteur, à la chevalière-pirate pour naic, et même à la princesse pour Eve. Une évolution incroyable et épatante pour celle qui avait dû se trouver un prénom elle-même. Cillien la rabroua gentillement, et Spirit retourna s'asseoir prêt de son copain, attendant quelques instants que sa mère prenne la parole. Et comme seul le silence régnait... Assourdissant. Spirit s'agita un peu, liant ses mains dans tous les sens possibles. Et finalement :


C'est quand que j'le vois ?!

Et la réponse était tombée. Une réjouissance pour Spirit. Elle avait sourit et était restée silencieuse quelques instants, essayant d'imaginer sa rencontre tant attendue et espérée avec son père ! Enfin ! Le sourire s'estompa tandis que la mioche partait dans des rêves enfantins de grandeur, et de merveilles. Elle rêvait d'un père prince, magnifiquement vêtu, à la belle chevelure blonde. Un père qui serait beau, fort, merveilleux, fantastique, et gentil. Avec elle. Un père qui l'aimerait. Qui la prendrait dans ses bras. Qui s'occuperait d'elle. Un père qui ne la quitterait plus. Elle rêvait d'un père chevalier qui lui apprendrait à se battre. Un père qui pourrait la protéger contre les méchants. Elle rêvait d'un père - doux mélange du prince Arzur, de la douceur de Thomus, de l'humour et du talent de Dom, et chevalier par dessus tout ça - tel Lénaïc mais pas en modèle réduit. Un père qui pourrait lui apprendre plein de choses. En somme elle rêvait de l'homme et du père parfait. Comme toute bonne petite fille. Et la question s'échappa de ses lèvres :

C'est dans longtemps qu'on n'y vaaaa ?!
Oui.

Cillien était toujours très bavarde et expressive. Elle expliquait et détallait à merveille les choses. Pourtant le temps passait lentement. Très lentement. Trop lentement. Et Spirit demandait toutes les 5 minutes : "et maintenant, c'est encore dans longtemps ?". Et Cillien tentait de maîtriser à la fois ses nerfs et sa fatigue. Et la puce se mettait à poser tout un tas de questions :

Il est comment ? Comment j'va l'reconnaître ? Il est beau ? Et dis, il est gentil ? Il est content d'me voir ? Et tu crois y m'aim'ra bien ? On n'y va quand ? Faut pas arriver trop tard hein ! Sinon y va partir sans j'l''ai' vu ! Et pis pourquoi y nous z'a laissé ?

Et finalement, au bout d'un moment, Cillien se lassa des questions répétitives et innombrables qui s'échappait de la bouche impatiente et joyeuse de Spirit. Spirit qui osait enfin demander des informations à sa mère. Grand jour. Réellement. Bouleversement dans la vie de la blondinette. Après des réponses brèves, et peu claire pour la puce, Cillien lui fit une longue recommandation, et ils allèrent dans la taverne où la rencontre devrait avoir lieu si le dit paternel daignait venir et ne pas détruire les doux rêves de sa gamine tombée du ciel. Et une fois dans la taverne, Spirit se mit à tourner en rond autour de la salle, vide à cette heure, tandis que lénaïc roupillait dans un coin, et que Cillien l'observait en silence. Le soir venait lentement. La lumière baissait petit à petit. On alluma quelques bougies. Spirit poussa un soupir en demandant :

T'es sûre qui va viendre ?

Et le temps passa encore un peu, tandis que la petite commençait à se dandiner sur place. Quand Cillien lui fit remarquer que les latrines n'étaient pas loin la blondinette hésita. Et si elle râtait l'entrée de son père ? Pourtant l'accueillir en étant toute mouillée et puante ce n'était pas une bonne idée non plus... Elle voulait qu'il l'aime un peu. Alors finalement elle sortit pour aller aux latrines. Aurait-elle une surprise à son retour ?
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Ernst.
Bien sûr qu'il avait accepté. Bien sûr qu'il la voulait près de lui. Comment aurait-il pu en être autrement? La simple présence de la Princesse le rassurait. Pas qu'il ait peur, loin s'en fallait. Il n'était pas père, ne l'avait jamais été. Elle, Jusoor, était mère. Elle était à même de comprendre certaines choses que lui, germain, barbare, ne comprendrait peut-être pas. Et, par dessus tout, elle était une femme. Sa fille, il devait prendre l'habitude de ce mot, sa fille serait, probablement, rassurée de voir une femme. Le germain se sentait mal, pataud. Il ressentait une grande nervosité. Lui, le stoïque, celui qui avait pris l'habitude d'analyser. Il n'analysait plus, là, sur le chemin de la taverne. Bien sûr, il y avait pensé toute la journée. Comment était-elle? Lui ressemblait-elle? L'aimerait-elle? L'aimerait-il? Il en était venu à se demander s'il avait bien fait de se rendre au rendez-vous. En marchant dans les rues de Sémur, son esprit se vidait. Il s'était bien souvenu de Cillien. Il avait mis du temps mais il s'était souvenu. Alors oui, Spirit était très probablement sa fille. Il le saurait en la voyant. Il n'en doutait pas. Elle aurait, inévitablement, quelque chose de lui. Ca ne pouvait pas être autrement.

Ils approchaient de la taverne. Elle avait la main sur son bras et il enserrait celle-ci dans la sienne. Comme pour se rassurer. Machinalement, à mesure que la taverne grossissait, il serrait, un peu plus, la main princière. Les pas du blond ralentirent. Une forte appréhension le saisit alors. L'aimerait-elle? Il n'avait plus que cette question en tête. Il avait chassé toutes les autres. Il s'était résolu à être père. Il s'était convaincu du bonheur que cela pouvait être. Mais elle? L'aimerait-elle? Ca en devenait presque ridicule tellement cette idée l'entêtait. Il porta son regard sur la Princesse. Il était son garde du corps et pourtant, ce soir-là, c'était elle qui semblait remplir ce rôle. Ernst reprit un semblant de contenance. Il devait être pâle.

Ils arrivèrent à la porte. Le germain l'ouvrit, regarda rapidement à l'intérieur. Il ne voyait que la brune et un gamin blond qui semblait dormir. Aucun danger pour son Altesse. Malgré l'aspect personnel du moment, il n'en perdait pas ses précautions de garde. Il laissa Jusoor de Blanc-Combaz entrer avant lui. Son regard se porta, à nouveau, vers le gamin assoupit. On aurait dit un garçon. Elle lui avait pourtant bien parlé d'une fillette de six ans. Il s'y était préparé. Pourquoi ressemblait-elle à un garçon? Les jambes molles, Ernst approcha de la table. Il regarda Cillien et lui montra la tête blonde juste à côté. Il parla à mi-voix.


- Spirit dort?
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