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[RP] Ankaa : Quand une Averroïste renaît de ses cendres.

Nalyss
Sa petite main dans la sienne, ils marchaient tranquillement sur le trajet menant à la maison dans laquelle ils allaient s’établir. Nalyss s’adaptait au pas de Yaël se laissant aller à ses pensées de temps en temps. Il y avait des semaines qu'il n'y avait plus eu autant d’exaltation dans sa vie retraçant mentalement le voyage de l’Osmanlı İmparatorluğu - où plus communément nommé Empire Ottoman - jusqu'au Royaume de France qui avait à lui seul pris des semaines. Alterner trajets en mer et ceux sur terre qui prenaient autant d’heures n’avait pas été facile mais comme à son habitude, elle avait fait face à cela sans se plaindre.

D’ailleurs sa situation ne lui permettait pas d’agir ainsi mais de toute manière, elle n'en avait pas vraiment parlé n'ayant pas de compagnons de voyage en qui elle avait confiance. Elle n’avait eu que l’Unique pour écouter ses confessions et ses prières pour se libérer de quelques confidences et délivrer ses espoirs. Nalyss avait ressenti de la lascivité, celle de ne pas parler la plupart du temps sa langue, celle de s’être arrachée sans ménagement aux terres de France pendant des années laissant aussi ce qu’elle y avait de plus cher à ses yeux et la fatigue s'était attachée à elle ne la quittant que par de rares occasions, son attention allant en grande partie à Yaël. Finalement, ils avaient réussi à atteindre le Royaume de France un petit matin de décembre et cela au terme de sacrifices, de fatigue et de frayeurs.

Un peu perdue en rentrant en France après un peu plus de deux années à l’étranger - Yaël n’ayant jamais marché sur cette terre auparavant - Nalyss s'était rendue naturellement au Sud du royaume vers le seul repère qui lui était resté en tête : Castelnaudary, ville où elle y avait un pied-à-terre avant de partir ainsi qu'un atelier déserté rappelant néanmoins l'activité de tisserande qu’elle y exerçait. Malgré cela, elle était certaine qu'il ne lui restait que des lambeaux de vie là-bas et c'était sans entrain qu'elle y avait été.


Renaissance en la Ciutat des Saules. Ville qui n'était vraisemblablement qu'une étape de plus dans leurs vies car Nalyss ne s'attendait clairement pas à l'accueil qu’ils recevraient de la part de certain(e)s Montalbanais(es). Elle avait reçue rapidement une invitation à passer les festivités de Noël dans cette cité. Bien qu’elle n’ait pas dans ses habitudes les célébrations de cet ordre là, elle acceptait avec plaisir se disant que ce serait l’occasion de présenter à Yaël certaines traditions du Royaume de France. Il n’avait jusqu’à présent pas eu la chance de connaître la magie et l’ambiance si particulière que dégageait cette période du mois de décembre.

L’esquisse d’un sourire vint ornée ses lèvres lorsque le souvenir de la neige qui s’offrait pour la première fois à leur vue avait littéralement marqué Yaël qui n’avait jamais vu ce spectacle auparavant. Ils avaient par la suite fait leur première bataille de neige pendant l’un de leur trajet. Yaël s’était esclaffé d’une manière qu’elle ne connaissait pas jusqu’alors quand il avait mis ses mains dans la neige et qu’il avait aussitôt senti la fraicheur qu’elle transmettait et qui le traversait de part en part avec vitesse. Un instant qu’elle avait vite retranscrit dans le carnet qu’elle tenait pour lui depuis qu’il était entré dans sa vie. Bien plus que quelques lignes sur des feuillets. C’était un témoignage d’amour, de craintes mais aussi d’interrogations auquel elle se consacrait et qu’elle lui délivrerait dans l’avenir.

C'est donc avec le sentiment d'une continuité logique des choses retrouvée qu'elle s'était installée avec Yaël dans l'une des auberges en attendant d'avoir une maison. Elle avait consacré une semaine à la recherche d’une habitation qui leur correspondrait et au jour d’aujourd’hui, elle en avait fait l’acquisition. Ainsi ils marchaient à nouveau main dans la main, ils longeaient la Garrigue gelée par les températures jusqu’à atteindre le chemin de Capelas. Beaucoup auraient pu penser qu’ils partaient de Montauban mais ce n’était pas le cas.




Marquant un arrêt et laissant la valise à ses pieds, Nalyss et Yaël faisaient face à la parcelle sur laquelle s’établissait leur maison. Elle serrait davantage la main de Yaël. A cet instant, elle mesurait l’impact que cette installation à Montauban aurait sur leurs vies. Elle n’avait pas caché aux Montalbanais(es) qu’elle était Averroïste ce n’était pas nécessaire à ses yeux. Par le plus grand des hasards, elle se disait que la Ciutat des Saules était la plus à même de l’accueillir, elle avait appris qu’il y vivait déjà pas mal de Réformés. Ils avaient probablement les mêmes aspirations à savoir vivre leur vie comme ils l’entendaient.

Pendant un instant seul de la vapeur d’eau s’échappait des lèvres de Nalyss, elle s’abaissa à hauteur de l'enfant qui la dévisageait. Elle passa sa main autour de la hanche de Yaël, l’enserra affectueusement avant de parler. Voilà notre maison : Ankaa. Les Averroïstes ont pour coutume de bénir du nom d’une étoile les lieux qui les représenteront et qui honoreront l’Unique. Ankaa est l’étoile la plus brillante de la constellation du Phénix. Souviens-toi que l’étoile est toujours notre fil conducteur qui bien plus qu’un nom symbolise tes origines et ton histoire mon fils. Nalyss passa sa main sur une mèche rebelle des cheveux de Yaël.

Le Phénix était un oiseau incroyable qui vivait plusieurs siècles, unique en son espèce, il se brûlait lui-même sur un bûcher et renaissait de ses cendres. Majestueux et fabuleux aux yeux des gens si on écoute ce qu’on nous conte toujours. Plus tard, tu apprendras grâce à notre carnet la signification mais aussi l’impact que cela à sur ma vie autant que la tienne. Et Nalyss l’embrassa avec tout l’amour et la bienveillance qu’elle lui consacrait depuis qu’il avait fait basculer sa vie. Repensant à ses explications, son passé d’Astrologienne puis de Prima l’avait rapidement rattrapé. Elle enchaîna ainsi par des paroles d’une autre teneur à destination de leur habitation.

L’Unique, père des étoiles.
Bâtisseur de notre Foi qui constitue cette maison qui est faite des pierres et du ciment de nos principes, de nos bonnes volontés. Cette construction gracieuse ne repose pas sur rien et les maçons qui l'ont construite savent manier le fil à plomb de la droiture, l'équerre de l'honneur, le compas de la réflexion.

Il n’y a d’Unique que l’Unique,
Il n’y a de Très Haut que le Très Haut,
Aristote est son Interprète,
Averroès est son Messager,

Celui qui, de son savoir, fait ce que nous sommes aujourd'hui.


Sur ces mots, l’Averroïste se redressa avec satisfaction mais aussi soulagement d’avoir accompli cela dans la tradition. Elle mit doucement deux doigts sur son front puis ils terminèrent leur chemin sur son cœur avant qu’elle ne s’incline un peu en direction de leur habitation. Yaël qui avait grandi dans la foi Averroïste, avait fait preuve d’une grande attention. Elle l’attrapa dans ses bras, passa sa main au visage de l’enfant qui malgré la fraicheur hivernale avait respecté la bénédiction de leur maison avant d’agripper la valise de sa main libre et de traverser une petite partie du jardin jusqu’à la maison d’un pas ne cachant pas l’exaltation et l’excitation qu’ils ressentaient l’un et l’autre.

Nul doute que cette journée est considérée comme un jour de fête pour eux.
Nalyss
Quand les premières lueurs de la matinée s’installèrent dans la maison, Nalyss s’éveilla tranquillement. Restant un peu dans la chaleur de ses draps, ses yeux regardèrent avec tendresse l’enfant près d’elle. Une habitude qu’elle avait vu naître quand ils vivaient au delà des terres de France, elle prenait le temps chaque matin d’apprécier ce qu’elle avait d’inestimable dans sa vie : la chair de sa chair qui grandissait à chaque instant. Sa main s’attardait dans les cheveux de Yaël, une cascade de spirales brunes emmêlées les unes dans les autres. Yaël avait les mêmes cheveux qu’elle à sa naissance. Avec une certaine habileté Nalyss suivait les traits du visage de l’enfant. Elle les connaissait par cœur. Les yeux clos de son petit bonhomme où de longs cils les ornaient, cachaient la teinte bleue de ses iris. Ses joues légèrement rosées par la chaleur s’alliaient à la couleur de ses lèvres dont les courbes bien dessinées étaient similaire à celle de Nalyss.

C’était la première nuit qu’ils passaient dans la maison, ils étaient restés l’un près de l’autre. Un temps d’adaptation était nécessaire autant à Nalyss que Yaël. Leur vie avait été relativement déroutante pour Yaël et il faisait connaissance avec une autre culture et elle, elle était aujourd'hui plus mère que femme. Nalyss apprenait à nouveau à penser un peu à elle. Maïssa, je t’aime tant… Il n’y avait que dans ces instants-là que Nalyss l’appelait ainsi : quand il n’était pas nécessaire de mettre sa carapace, quand elle était seule avec elle-même et davantage quand elle avait le père de Yaël dans ses pensées. Maïssa évoquait les astres. Symboles de la beauté et surtout - selon le Kitab al-Kutub autrement dit le Livres des Livres, - témoins de la grandeur de l’Unique qui en a orné le ciel pour le bonheur des hommes. Bien plus qu’un surnom pour l’Averroïste.

Elle n’avait jamais eu l’appel de la maternité et quand elle avait appris que la vie grandissait en elle, Nalyss avait préférée partir - n’avertissant aucuns de ses ami(e)s ni même celui qu’elle aimait et qui partageait sa vie - en n’emmenant que le nécessaire. C’est de cette manière tout-à-fait indélicate et maladroite qu’elle avait mis du jour au lendemain un terme à ce qu’elle vivait sachant que ce qu’elle perdait l’était certainement à jamais. La fuite était une de ses amies assurément pas la meilleure mais l’erreur était humaine bien qu’impardonnable parfois. L’Averroïste était ainsi partie avec ses interrogations et surtout ses doutes. Puis une nuit de décembre à Jérusalem, il avait fait apparition dans sa vie. Cette nuit-là, elle s’était révélée à elle-même tenant le plus beau des cadeaux dans ses bras. Elle l’avait baptisé Yaël en hommage à la femme qui l’avait pris sous son aile quelques semaines et qui l’avait accompagné dans son accouchement et les premières étapes de sa vie de mère.


Nalyss se leva en espérant ne pas déranger Yaël et réajusta l’épaisse laine qui le gardait au chaud. Elle l’embrassa sur la tête sentant au passage l’agréable parfum de ses cheveux. Ces petits bonheurs quotidiens - si simple soient-ils - la comblaient de joie, la vie était belle et la matinée commençait avec légèreté. Elle passa un châle sur ses épaules, se chaussa et s’arrêta à la fenêtre. Il y avait autant de neige que la veille mais déjà les lueurs du soleil dissipaient la brume matinale. Elle s’en alla dans le jardin se dirigeant de suite vers la Garrigue qui passait à quelques pas de sa maison. La brise caressait les traits de Nalyss mais ce n’était pas désagréable. Elle s’installa sur la rive, plongea sans hésitation ses mains dans l’eau glacée du ruisseau l’amenant par la suite jusqu’à son visage. La température de l’eau lui arracha une exclamation mais elle enchaina en se débarbouillant des mains jusqu’aux coudes et des pieds jusqu’aux chevilles en serrant néanmoins la mâchoire. Elle terminait ses ablutions la purifiant pour la première prière de la journée arrêtant ses mains sur sa tête.

Elle se releva gagnant rapidement la partie sud du jardin - car c'est du Sud qu'est venu le Messager – d’où elle savait que des champs s’étendaient à perte de vue. L’Averroïste releva sa chemise de nuit et s’agenouilla dans la neige qui la mordait sans détour des pieds aux genoux. L'Unique est le Créateur de toutes choses. Averroès est l'Annonciateur, celui qui L'a révélé. Au nom de l'Unique, que les bénédictions et les salutations sur les hommes se répandent au nom d'Averroès. Unique, guide nous. Les bras écartés et légèrement levés vers le haut, la Gardienne de la Foi s’inclina par la suite jusqu’à sentir la neige au bout de son nez. Elle se redressa, resserra le châle sur ses épaules et se releva à la hâte ses cheveux libérant la neige qu’ils avaient récupérés pendant son inclination. Heureusement qu’elle n’aurait pas à faire sa prière de cette manière là les autres matins car c’était une réelle épreuve avec un temps pareil. Celle-là était particulière c'était la première, les prochaines se passeraient dans leur habitation.


La chaleur d’Ankaa caressa le visage de Nalyss. Elle attisa les braises dans l’âtre qui réchaufferaient davantage l’air ambiant avant de préparer un peu de thé à la menthe et le petit déjeuner de son fils. Yaël se leva quelques instants plus tard, réclamant les bras de sa mère. Ses lèvres s’étirèrent lorsqu’elle découvrit la bouille encore ensommeillée de son fils et comme d’habitude, il avait la chevelure littéralement en bataille. Elle l’attrapa, le cala chaudement entre elle et le châle et s’installa sur une chaise près de l’âtre. Elle l'embrassa et passa sa main avec tendresse sur la tête de l’enfant. Nalyss le câlinait le temps qu’il émerge tranquillement, ils aimaient ses retrouvailles matinales qui n'appartenaient qu'à eux. Il y avait tant de satisfaction dans ces habitudes qui ne changeaient pas peu importe l'endroit où ils se trouvaient, ils étaient inséparables.
Nalyss
[30 décembre : Quand un cadeau va où il espère un jour trouver un plus grand cadeau.]


Paisiblement assise sur une chaise près de l’âtre, l’Averroïste avait un exemplaire du Kitab-al-Noor - plus communément nommé le Livre de la Lumière - dans les mains. Elle cherchait le chapitre qui illustrerait au mieux l’instant qu’elle s’apprêtait à vivre car aujourd’hui ce n’était pas un jour ordinaire. Deux ans auparavant et après quelques heures de travail, elle avait eu Yaël au creux de ses bras pour la première fois. De sa naissance, Nalyss avait eu une renaissance. Elle maitrisait relativement bien le Kitab-al-Noor, elle n’était pas Gardienne de la Foi par hasard elle aimait cette activité qui lui permettait de partager auprès des autres ses aspirations ainsi que sa Foi. Bien qu’elle ne pratiquait plus qu’auprès de Yaël la plupart du temps, elle n’avait pas perdu la ferveur avec laquelle elle en parlait. Elle s’arrêta au chapitre 8 « du Ciel, des Astres et des Signes », laissa un marque-page sur ce qui l’intéressait avant de refermer délicatement le livre.

Un sourire espiègle vint orner le coin de ses lèvres, elle lui réservait une petite surprise. C’était un cadeau qui marquerait à jamais les deux ans de Yaël et qui lui serait probablement important dans l’avenir de part l’impact qu’il pourrait avoir. Il n’y aurait pas de grande fête d’anniversaire aujourd’hui, juste un instant qui écrirait un autre chapitre de leur histoire. Mais d'ici quelques semaines l’anniversaire se passerait à la Ciutat des Saules en compagnie des gens qu’ils appréciaient et qui étaient indispensable tant ils faisaient aujourd'hui partie intégrante de leurs vies.

Elle le regardait, il crapahutait rapidement sur la laine épaisse sur laquelle il jouait avec le cheval de bois qu’il chérissait tant. Elle l’entendait émettre plein de petits bruits pour animer ses aventures. Nalyss se leva gardant le livre dans la main, de l’autre elle attrapa une petite boîte qui attendait patiemment sur la cheminée et s’installa en tailleur sur la laine laissant ce qu’elle avait dans les mains près d’elle. Mama ? Yaël la regarda avec ses grands yeux. Elle acquiesça en souriant, il savait ce que cela signifiait et il allait rapidement près d’elle en sautant dans ses bras. Elle embrassa chaque parcelle de sa peau qu’elle avait près de ses lèvres tandis qu’il riait à n’en plus finir. Puis elle mit un de ses doigts sous le menton de son petit bonhomme pour lui relever la tête dans sa direction et lui dit sereinement. J’avais tant d’interrogations et en cette nuit de décembre tu as fais apparition. J’ai rapidement compris que tu étais la plus belle surprise de ma vie.

Elle l’embrassa sur la tête avant d’attraper d’une main le livre et de l’ouvrir au chapitre souhaité. Chapitre 8 : du Ciel, des Astres et des Signes, Verset 3 : Et c'est l’Unique qui fait que la nuit couvre le jour. Il a créé le soleil et la lune, les grands luminaires du jour et de la nuit. Ils sont complémentaires comme le sont l'homme et la femme…
Je veux te conter une histoire pour que tu comprennes ce que ces mots signifient.
Elle mit le livre près d’elle avant de commencer son récit plus ou moins ludique pour son fils.

Le soleil besogne toute la journée. Il a beaucoup de choses à illuminer sur cette terre et ses rayons de lumière sont utiles, une réelle nécessité à tout le monde. A la fin de la journée, il est très fatigué et il n’a qu’une envie, celle de se coucher. Une fois qu’il est au lit, la lune se lève. Elle aussi, elle a beaucoup de travail. Chaque nuit, elle doit éclairer les pas de ceux qui rentrent tard par exemple, le trajet des chevaux qui emmènent des voyageurs vers d’autres destinations ou lancer un joli rayon de lumière blanche, à travers les fenêtres des enfants, pour qu’ils n’aient pas trop peur du noir vois-tu. Elle eut un petit sourire.

Quand le soleil se lève le matin, la lune disparaît. Quand la lune se lève le soir, le soleil disparaît. Afin d’amener plus de réalisme au récit, elle mimait l’action du soleil et de la lune avec ses mains. Un jour, le soleil entendit parler de la lune. Il ne savait pas que dès qu’il se couchait, elle apparaissait pour éclairer la nuit. Quant à la lune, elle entendit parler du soleil. Elle non plus ne savait pas que chaque jour, il illuminait la terre entière.

Le soleil eut évidemment envie de rencontrer la lune. Tous les matins, il se dépêchait de se lever pour essayer de la voir. Mais à chaque fois, il arrivait trop tard, elle était déjà partie se coucher. Le soleil était désespéré. Il voulait vraiment connaître la lune ! Il décida d’aller demander conseil aux étoiles car les étoiles ne dorment jamais, elles sont toujours là, le jour et la nuit. Donc, elles connaissaient la lune.

Le soleil demanda à l’une d’entre elle :
« — Dis moi l’étoile, comment puis-je faire pour rencontrer la lune ? »
« — C’est très simple, lui répondit-elle, demain matin, à 10h, elle sera très exactement à cet endroit. Tu n’as qu’à venir et tu la verras. »
«— Merci beaucoup ! lui répondit le soleil ».

Le lendemain, à 10h précise, le soleil était au rendez-vous. Là, il vit la lune qui dormait.
«— Ooooh ! dit-il, émerveillé »
La lune se réveilla.
« — Qu’y a-t-il ? dit-elle en ouvrant les yeux. Ooooh ! dit-elle à son tour. Monsieur le soleil ! C’est vous ! »
« — Comme vous êtes jolie ! dit le soleil, votre clarté est si douce ! »
«— Et vous, comme vous êtes beau ! lui répondit la lune, votre lumière est si chaleureuse ! »


Nalyss passait d’une intonation à l’autre ce qui maintenait relativement bien l’attention de Yaël. Elle s’amusait vraiment de cette fascination émanant d’un enfant avec tant de rapidité quand il était captivé. Mais ce jour là, sur terre, il se passa quelque chose d’exceptionnel. Bien que ce fût le jour, il faisait sombre comme si c’était la nuit.
Depuis, à chaque fois que le soleil et la lune se retrouvent, l’espace d’un instant la vie n’est plus la même c’est comme-ci le temps s’arrête, les personnes ne sont plus éclairées par le soleil car celui-ci est trop occupé à discuter avec la lune. On a même donné un nom à cette rencontre : l’éclipse.
*

L’Unique a dit que le soleil et la lune sont complémentaires comme le sont l'homme et la femme. Lorsque ces deux derniers se rencontrent et surtout, s’unissent pour n’être plus qu’un, un petit être comme toi vient au monde. Tu me combles de bonheur. Tu es comme cette éclipse : précieux et unique. Elle eut les larmes aux yeux et le serra un peu plus dans ses bras s’empêchant de craquer. Elle n’aimait pas se laisser aller à ses sentiments, à ce vague à l’âme passager. Mais il avait remarqué les yeux légèrement embués de sa mère et Yaël l’embrassa comme elle le faisait quand il pleurait pensant que cela lui serait d’une aide.

Ton père n’est physiquement pas à nos côtés bien que je le vois tous les jours en toi dès que mes yeux croisent les tiens. Tu t’illumines dès que tu souris tout comme lui dans mes souvenirs. Il vit en moi, en toi lorsque je te conte quelques récits de notre vie, souviens-toi en toujours mon fils. Puis elle prit près de son genou la petite boîte en osier. C’est pourquoi en ce jour exceptionnel, je veux t’offrir quelque chose qui le représente pour que tu le portes près de toi, pour qu’il comprenne celui que tu es si un jour tu veux le voir. Quelques mots sortirent de ses lèvres en un murmure. Un souffle d'espoir. Nul doute que l’Unique le remette sur notre route.

Elle ouvrit le coffret pour en sortir un pendentif. Au bout d’une chaine se balançait une médaille argenté - sur laquelle au dos on pouvait lire la phrase suivante : « Epris de Liberté… » - enrichie d'une étoile de nacre. Nalyss passa ses bras autour de la nuque de Yaël et attacha la médaille qu’Avyd avait accepté de réaliser à partir de ses explications. Un travail délicat qui lui avait pris quelques semaines mais elle n’avait pas eu de craintes sachant qu’il réussirait cette tâche car il s’appliquait dans ce qu’il entreprenait. Maïssa, je te souhaite un Bon Anniversaire. Nalyss souriait à n’en plus finir. Sache que cet anniversaire sera retranscrit dans le carnet qui le rappellera à ta mémoire. Cet instant à jamais marqué sur le papier autant que dans sa vie et la sienne. Tu le reliras quand tu auras quelques années de plus. Sur ces paroles, elle prit le visage de Yaël entre ses mains et mit son front contre le sien quelques secondes.


*Quand le soleil rencontre la lune, de Lina Carmen avec quelques changements de ma part.
Nalyss
[4 bougies pour un espoir, le pilier de notre monde.]


La nuit avait gagnée la campagne Montalbanaise, au dessus d’Ankaa il n’y avait que les astres qui illuminaient les cieux. A l’intérieur, c’était à la lueur des flammes qui s’animaient dans la cheminée qu’ils étaient en train de se prélasser sur l’épaisse laine qui les préservait de la fraicheur des pavés. Après un regard à la fenêtre, l’Averroïste alla auprès de l’âtre s’affairant à l’installation de petits chandeliers qui accueillaient quatre bougies. Yaël, quant à lui, chevauchait le cheval à bascule - cadeau qu’il avait eu par Marie pour son anniversaire et qu’il avait rapidement aimé - en tenant sa petite épée dans la main. Nalyss le regardait en souriant, il avait l’air d’un Lion d’Antioche, cavalier Averroïste avec sa tunique venue d’ailleurs et le tissu qu’elle avait installé autour de ses nombreuses boucles brunes lorsqu’il lui avait demandé de l’aide. Quant au cheval, il n’avait des airs de Pur-Sang Arabe que dans leurs imaginations pour l’instant mais dans quelques années, il en réclamerait certainement un.

Elle plaça un à un les chandeliers par terre sur une ligne droite. Les bougies souvent considérées comme un solide lien entre le monde et l’Unique auraient cette nuit un rôle encore plus symbolique qu’à l’accoutumée. Elle prit le briquet à silex entre ses doigts, plaça un bout d’amadou qui se transforma rapidement en une petite braise quand les étincelles des pierres la frappèrent. Une légère expiration de la part de Nalyss sur l’amadou pour raviver la braise et elle l’installa au bout d’une allumette qui s’embrasa l’instant suivant. Elle les alluma les unes après les autres et quatre flammes se dressaient fièrement devant ses yeux. Yaël arrêta de se balancer la regardant avec une curiosité indescriptible, un sourire vint orner ses petites lèvres lorsqu’il comprit que l’heure était venue d’entendre une nouvelle histoire.

Nalyss essayait de lui enseigner une partie de l’Averroïsme de manière intéressante, cela faisait partie de l’éducation qu’elle souhaitait qu’il ait. Attirer l’attention d’un enfant n’était pas ce qu’il y avait de plus dur, entretenir et cultiver cette dernière sur plusieurs minutes étaient une autre étape mais elle maitrisait cela avec une certaine aisance. Elle n’avait jamais manqué d’imagination bien au contraire. Elle avait appris rapidement dans son apprentissage de Gardienne de la Foi que les prêches de l’Eglise Aristotélicienne se suivaient et se ressemblaient en règle générale - cela n’aidait vraisemblablement pas à remplir leurs églises de plus en plus désertes - et ayant assistée plus d’une fois à l’originalité des prêches Averroïste, c’étaient ceux-là même qui avaient façonnés sa manière d’interagir avec ses semblables et l’aidait dans l’éducation de Yaël.

Après être descendu du cheval, Yaël alla d’un pas sage jusqu’à Nalyss qui était assise en tailleur face aux chandeliers, il s’installa chaudement dans le creux de ses bras. Il n’y avait pas de plus belle place que celle d’être au plus près de sa mère. Avec le châle qu’elle avait sur les épaules, elle l’enserra affectueusement. D’une main, elle attrapa le Kitab-al-Noor qui était - à son habitude - près d’elle. Elle le plaça sur l’une de ses jambes tandis que Yaël attrapa avec assurance le marque page qui gardait le chapitre qu’elle avait marqué et qui était en quelque sorte l’introduction de son histoire. Chapitre 3 : Le Destin, Verset 4 : L'Unique a doté l'Homme de nombreuses facultés. Il lui a accordé la volonté. Et, il a choisi de lui donner la liberté d'agir car tel est son bon plaisir.

Sur ces mots, je veux te conter une nouvelle histoire ce soir. Une histoire qui concerne ces bougies.
Nalyss les désigna d’un signe de la main en souriant. Es-tu prêt à l’entendre ? Ses yeux se posèrent ensuite sur son fils - toute ouïe dehors - qui lui répondit d'un petit signe de tête.

Quatre bougies brûlaient lentement les unes près des autres. Dans la pièce, il régnait un tel silence que l'on pouvait entendre leur conversation. L’esquisse d’un sourire en coin puis, elle mit son doigt sur ses lèvres. Il n’en fallait pas plus à Yaël qui l’imita et qui passait avec rapidité des bougies au visage de Nalyss qu’il détaillait.

La première bougie dit :
« — Je suis la Paix ! Malgré cela personne n'arrive à me maintenir allumée. Je crois bien que je vais m'éteindre… »
Sa flamme diminua peu à peu jusqu’à disparaître.
Elle prit l’éteignoir entre ses doigts et éteignit tout doucement la première bougie.

La deuxième bougie poursuivit ensuite :
« — Je suis la Foi ! Au jour d’aujourd’hui, les gens se déchirent entre eux et même s’entretuent en mon nom. Ça n'a pas de sens que je reste allumée plus longtemps… »
Et sitôt qu'elle eut fini de parler, une brise légère vint sur elle et l'éteignit.
Ses lèvres se rejoignirent légèrement et un souffle doux comme une brise éteignit cette deuxième bougie. Yaël qui n’avait pas senti le souffle de sa mère sursauta quand il vit celle-ci s’éteindre.

La troisième bougie prit la parole à son tour :
« — Je suis l'Amour ! Mais je n'ai plus de force pour rester allumée. Les gens me laissent de côté et ne saisissent pas mon importance. Ils oublient même d'aimer leur prochain. »
Ainsi sans un bruit, elle s'éteignit à son tour.
Ils se penchèrent ensemble vers cette troisième bougie et elle fit signe à son fils de l’éteindre. Ce qu’il fit dans la minute qui suivie. Bien qu'il fut court, le souffle suffit à l'éteindre d'un coup.

Alors entra un enfant. Ce dernier vit de suite les trois bougies éteintes.
Triste, il dit en direction des bougies :
« — Vous avez cessé de brûler. Pourquoi êtes-vous éteintes ? Vous deviez rester allumées jusqu'à la fin ! »
Une larme roula le long de sa joue.
De sa main, elle effleura le visage de Yaël qui la regardait avec ses grands yeux bleus, de ce regard qui lui filait la chair de poule tant il lui rappelait celui qui l’avait marqué à jamais. Il y avait un brin de mélancolie et beaucoup d’amour qui transparaissaient à travers ces yeux là.

Et ensuite ? Les mots de son fils l’incitèrent à poursuivre. Mine de rien.

Alors la quatrième bougie murmura :
« — N'aies pas peur. Tant que j'ai ma flamme, nous pourrons rallumer les autres bougies. Je suis l'Espérance ! »
Les yeux brillants, l'enfant prit la bougie de l'Espérance et alluma à nouveau la Paix, la Foi et l’Amour.
Elle passa sa main sur la main de Yaël qui saisirent ensemble le chandelier de l’Espérance où vrillait une puissante flamme qui leur permettait de raviver celle des trois bougies éteintes.

Après cela, Nalyss l’entraina sur la laine et ils se retrouvèrent nez à nez. Elle le regardait en souriant tandis qu’il était en train de rire surpris par cette action soudaine. En appui sur l’un de ses bras, elle passa sa main dans la chevelure de Yaël - libérant au passage ses cheveux retenu par le fameux turban qu’il arborait avec joie quand il jouait au chevalier - avant d’attraper sa petite main qu’elle porta à ses lèvres et qu’elle embrassa avec tendresse. Cet enfant a eu la liberté d’agir. Du haut de ses jeunes années, c’est ce qu’il a fait en pensant à préserver avant tout son prochain, à croire en ces choses si précieuses pour notre équilibre sur terre. Que l'Espérance ne s'éteigne jamais en nous, en nos cœurs et que chacun de nous puisse être l'outil nécessaire pour maintenir les flammes de l'Espérance, de la Foi, de la Paix ainsi que de l'Amour.


*Histoire des 4 bougies légèrement revisitée.
Nalyss
[Voyage au bout de la nuit.]


L'un dans les bras de l'autre, c'était ainsi que Nalyss s'apprêtait à mettre Yaël au lit. Ils étaient particulièrement affectueux l'un envers l'autre; elle n'avait jamais eu de mal à parler de ce qu'elle ressentait - ni à en faire la démonstration d'ailleurs - quand il s'agissait de lui et il y avait des instants dans leur vie qui leur étaient indispensables, celui-ci en était un. Aujourd'hui, quelqu'un qui fait partie de ta vie a souhaité t'écrire une lettre, l'une des premières lettres qui n'est destiné rien qu'à toi. Il m'est d'avis que cela va te plaire car tu as l'habitude de me réclamer sa présence et là, tu as la chance d'entendre ce qu'elle a à te dire avant de passer une belle nuit. Maïssa, j'aimerais vraiment être à ta place. Un peu espiègle, elle ne put s'empêcher de lui sourire et de poursuivre lorsqu'elle vit les yeux de son fils empreint d'une telle émotion qu'ils brillaient d'une autre manière à la lueur de la lanterne placée près d'eux. Veux-tu que je te lise cette lettre ? Il acquiesçait en inclinant la tête sans délaisser le visage de Nalyss. Elle attrapa la lettre et l'amena dans les mains de Yaël - ainsi il la tiendrait - avant qu'elle n'entame la lecture.

« Pour toi petit homme, mon petit Roy,

Tu es aujourd'hui un être si fragile et tendre. Chaque jour plus fort et demain le meilleur reste à découvrir, à vivre pour toi. Le meilleur tu sais c'est aussi aujourd’hui et ce sera encore demain.
En venant au monde Yaël tu as donné la vie à ta maman. Elle sait déjà qu'elle aime un être autre qu'elle-même. Ecoute laisse-moi te parler d'elle.

Tu sais, elle t'apprend déjà l'intelligence et le courage, car elle sait que ces qualités ne sont rien l'une sans l'autre et que grâce à elles tu deviendras un homme. Elle t'apprend aussi le goût du bonheur, du bien et celui du beau. Ces dispositions sont à ce que j'ai entendu très importantes parce que là où tu rencontreras le mal et la laideur qui arrivent toujours sournoisement, tu sauras les déceler à temps pour les chasser comme un grand guerrier. Tu trouveras aussi la beauté qui se cache quelques fois dans des endroits bien tristes et si sombres. Alors tu lèveras la tête et tu devras chercher longtemps dans le noir. Mais tu finiras par trouver cette lumière si brillante dans le ciel. Et si tu sais lever le regard au bon moment surtout ne la quitte plus des yeux mon petit Roy.

J'ai entendu dire aussi que ceux qui t'aiment t'aideront, il suffit d'écouter pour les entendre frapper à la porte de ton coeur. Parce qu'il parait Yaël, que c'est une oeuvre gigantesque la Vie. Mais les gens qui t'aiment et que tu aimes t'emmèneront loin, très loin. Il parait aussi que ce monde est rempli de secrets et qu'il cache des choses bien surprenantes.

Si tu veux nous pourrons faire un bout de chemin ensemble ? Parce qu'à deux c'est sûrement mieux.

Je te laisse et t'embrasse mon petit Roy, je suis certaine que ta maman t'a pris dans ses bras pour te lire cette lettre et qu'à présent les paupières closes tu es bercé tout contre elle par cette invincible douceur protectrice.

Vogue au pays des rêves. Dors petit Roy, ta douce amie Automne. »


Pendant la lecture Yaël n'avait pas quitté des yeux la lettre et comme d'habitude, il avait fait preuve d'une grande attention quand elle prenait la parole. Nalyss ne savait pas vraiment ce qu'il ressentait, elle avait bien une idée à l'esprit lorsqu'elle vit le silence presque religieux de son fils et un sourire sur ses lèvres lorsqu'il entendit les mots lui dire « mon petit Roy ». Elle était cependant certaine qu'il avait de l'affection pour Automne. Quant à elle, Automne apportait à Yaël de l'amour, un amour qui n'était pas celui d'une mère mais aussi bienveillant. As-tu aimé ? Lui demanda-t-elle tandis qu'elle l'installait dans les draps, rabattant la laine qui le tiendrait au chaud jusqu'au lendemain. J'ai pas tout compris mais j'ai aimé. Souriante et attendrie, Nalyss passa sa main au visage de Yaël, caressant délicatement ses traits. Je lui ferais part de ta réaction. Quant à toi, tu lui diras que tu as aimé mais maintenant, il est l'heure de fermer les yeux. Ce qu'il fit. Légèrement penchée au dessus de son petit bonhomme, elle mit doucement ses lèvres sur son front. Bonne nuit, nous veillons sur toi. Et une petite voix de retentir une dernière fois. Bonne nuit.


Nalyss resserra le châle qu’elle avait sur les épaules en partant de la chambre de Yaël; maintenant qu’il rêvait, la nuit lui appartenait. Elle revêtait un autre visage, celui qu’elle n’avait plus eu l’occasion d’apercevoir depuis qu’il était dans sa vie - le bien-être tout comme le bonheur de son petit bonhomme, une priorité pour elle. A dire vrai, la nuit avait à jamais eu une place particulière dans sa vie; d'une part, quand Nalyss pensait à la nuit, elle pensait aux étoiles, plus particulièrement à la carte des astres qui ne l’avait pas quitté depuis qu’il l’avait achevé il y a des années de cela, carte qui lui rappelait l’une de ses failles d’ailleurs et d’autre part, quand elle pensait à la nuit, aux nuits des semaines qui appartenaient maintenant au passé, elle pensait à sa correspondance, celle-là même qui l’animait d’une autre manière et qui avait pris de l'importance alors qu'elle n'avait jamais envisagé cela auparavant. S'il y avait un truc qui n'avait jamais changé dans sa vie, c'était le fait qu'elle vivait principalement au jour le jour et quand Nalyss pensait à l'avenir, cela se faisait avec rationalité en gardant néanmoins à l'esprit que la vie avait une fin.

Quelques lettres dans l’une de ses mains - lettres qu’elle avait récupéré au préalable dans une boîte, endroit où une femme y enferme quelques-uns de ses secrets; parmi les lettres, il y avait cette carte celle représentant les astres avec un message : « Depuis ta disparition, je dessine la nuit et ses étoiles... Une carte du ciel qui ne semble jamais s'achever... », un caillou lui rappelant une partie de la vie qu’elle avait eu à Castelnaudary, un masque avec une gravure « Ylan » ayant été fait à la va-vite à l’intérieur, quatre médaillons Averroïste lui ayant appartenu sauf l’un d’entre eux, trois tuniques; des pièces entièrement uniques qu’elle ne revêt presque plus et le croquis d’un poing dressé sur un vieux feuillet où l’on peut y lire quelques mots griffonnés sur le côté droit : « Ami, entends-tu le vol noir du corbeau sur nos plaines ? Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ? Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe. Ami si tu tombes, un ami sort de l'ombre à ta place. Demain du sang noir séchera au grand soleil sur les routes. Chantez compagnons dans la nuit la liberté vous écoute ». Toutes ces choses qui sont le symbole de nombreux moments forts, qui ont ponctuées ses péripéties, ses périples, qui l'ont suivi sur les sentiers où qu'elle soit et surtout, des rencontres hors du commun qui ont données un sens à son existence, qui resteront toujours en elle pour ce qu'elles ont pu lui offrir - l’Averroïste s’accroupit un instant près de l'âtre y ravivant les braises avant de s’installer sur l’épaisse laine et d’entamer la lecture de la neuvième lettre, celle qu’elle avait reçu aujourd’hui. Elle avait attendu patiemment la venue de la nuit, elle avait attendu d’être seule car elle savait que la lecture de ces lettres était tout-à-fait particulière, intéressante et saisissante. Elle lisait, relisait certaines parties, celles qui lui étaient particulièrement attachantes; le meilleur sans le pire.

Quelques moments où les doigts se prennent à effleurer l’écriture comme pour toucher toute cette douceur, souvent suivi d’un sourire empreint de sérénité lorsqu’elle lit les milliers de mots qui lui sont offerts, les milliers de mots qui régulièrement trouvent un écho en elle et pour conclure, un coup d’œil plein de sous-entendu vers l’entrée, cet endroit où ils se sont quittés, physiquement quittés une nuit. Mais elle le savait, il y en aurait d’autres et d’ailleurs cette nuit en était une qui leur appartenait d’une certaine manière. Nalyss alla jusqu’à la table sur laquelle attendait le nécessaire à la création d’une lettre, une lettre qui lui parviendrait d’ailleurs le lendemain. Elle trempa délicatement la plume dans l’encre avant de la laisser aller le papier sur lequel elle livrerait une autre partie de sa vie en y incluant parfois ses faiblesses et ses craintes car après-tout elle n’était qu’humaine, n'était pas infaillible et ses pensées, ses pensées les plus tendres et même de temps en temps, les plus égoïstes et quelques-uns de ses sentiments, des bribes de sentiments, de ceux qui se révèlent à celui qui peut lire entre les lignes.
Nalyss
En ce matin d’Avril, la petite main de Yaël suivait à la trace les quelques perles de pluie qui s’abattaient aléatoirement sur le carreau d’une des fenêtres d’Ankaa; cela captivait une grande partie de son attention. Le garçon s’évertuait tantôt à anticiper le tracé de l’eau sur le verre - sans grand succès -, tantôt à suivre le sentier plus que sinueux de toutes les gouttes sous ses doigts. C’était ainsi qu’il attendait avec cette patience enfantine une accalmie qui leur permettrait d’aller à la chasse aux fraises - le terme cueillette n'aurait vraiment pas eu le même effet -. Elle lui avait parlé de ce délicieux petit fruit qui faisait son apparition à cette saison et qu'il n'avait jamais mangé. Il avait été plus qu’enthousiaste à l’idée de cette « chasse », d’accomplir un travail qu’il ferait par lui-même et qu’il s’appliquerait à réaliser aussi bien que sa mère sur qui il prenait automatiquement exemple. Ca, ce n’était pas spécialement vrai dans la pratique aux yeux de Nalyss qui savait que la majorité des fraises qu’il cueillerait, finiraient dans l’estomac de Yaël au lieu de la barquette qu’elle remplirait d’elle-même.

Mama, la pluie va abîmer mes fraises. L’Averroïste qui ne le quittait pas des yeux dès qu’elle avait la chance d’être spectatrice de ses agissements tout-à-fait rafraichissants et avec la naïveté de cet âge, avait rapidement vu la petite mine - à la fois inquiète et déconfite - de son fils. Je t’assure Yaël qu’elle ne leur fera pas de mal et que tu mangeras autant de fraises que tu cueilleras de tes petites mains avant cet après-midi. Elle lui souriait tandis qu’il acquiesçait à ses paroles; il savait qu’elle disait vrai dès qu’elle s’adressait à lui.

Nalyss relativisait et à dire vrai, elle était tout-à-fait confiante face à cette pluie insignifiante aux yeux d’un adulte mais ressemblant facilement à une tempête aux yeux d’un enfant. Une petite éclaircie eut d’ailleurs la délicatesse d’appuyer ses pensées avant de soudainement les faire disparaitre quand la main de Yaël heurta sans ménagement le carreau et que la surprise fit vibrer une nouvelle fois cette voix toujours douce à ses oreilles. Mama, que… qu’est-ce que c’est ce machin là-bas ? Et ce doigt pointé vers l’extérieur pour souligner ses propos et qui désigne cette chose qui semble sérieusement le surprendre et pour le coup, la rendait elle-même extrêmement curieuse. Nalyss s’empressa d’aller à la fenêtre passant ses mains sur les épaules de Yaël avant de regarder ce qu’il se passait là-bas. Là-haut en fait; elle n’eut pas de mal à saisir ce qu’il se passait dans les yeux et la tête de cet être qui faisant à nouveau connaissance avec la vie, la nature et ses beautés. Toutes ces couleurs, c’est quoi ? Un sourire vint se loger sur ses lèvres encore suspendues à l’émotion et la curiosité de son fils.

Ecoute-moi. Puis, elle poursuivuit d'une voix empreinte de sérénité et de douceur. Un jour, toutes les couleurs du monde se mirent à se disputer entre elles, chacune prétendant être la meilleure, la plus importante, la plus belle, la plus nécessaire; LA FAVORITE. Nalyss insistait volontairement sur ce terme qui exprimait la préférence mais qui était aussi signe de bien des conflits dans la vie à cause de la jalousie qu’elle faisait naître; cette dernière n'était généralement pas salutaire.

Le vert se fit entendre le premier :
« — Je suis le plus essentiel ! C’est indéniable. Je représente la vie et de l'espoir. J'ai été choisi pour l'herbe, les arbres et les feuilles. Sans moi, les animaux mourraient. Regardez la campagne et vous verrez que je suis majoritaire. »

Le bleu prit la parole à son tour :
« — Tu ne penses qu’à la terre mais tu oublies le ciel et l’océan. C’est l’eau qui est la base de la vie alors que le ciel nous donne l’espace, la paix et la sérénité. Sans moi, vous ne seriez rien ! »

Le jaune se permit de rire puis de poursuivre :
« — Vous êtes bien trop sérieux. Moi j’apporte le rire, la gaieté et la chaleur dans le monde. À preuve, le soleil est jaune, tout comme la lune et les étoiles. Chaque fois que vous regardez un tournesol, il vous donne le goût du bonheur. Sans moi, il n’y aurait aucun plaisir sur cette terre. »

L’orange éleva sa voix dans le tumulte :
« — Je suis la couleur de la santé et de la force. On me voit peut-être moins souvent que vous mais je suis utile aux besoins de la vie humaine. Je transporte les plus importantes vitamines. Pensez aux carottes, aux citrouilles, aux oranges. Je ne suis pas là tout le temps mais quand je colore le ciel au lever ou au coucher du soleil, ma beauté est telle que personne ne remarque plus aucun de vous. »

Le rouge qui s’était retenu jusque là, prit la parole haut et fort :
« — C’est moi le chef de toutes les couleurs car je suis le sang, le sang de la vie. Je suis la couleur du danger et de la bravoure. Je suis toujours prêt à me battre pour une cause. Sans moi, la terre serait aussi vide que la lune. Je suis la couleur de la passion et de l’amour, de la rose rouge, du poinsettia et du coquelicot. »

Le pourpre se leva et parla d’une manière digne :
« — Je suis la couleur de la royauté et du pouvoir. Les rois, les chefs et les religieux m’ont toujours choisie parce que je suis le signe de l’autorité et de la sagesse. Les gens ne m’interrogent pas, ils écoutent et obéissent. »

Finalement, l’indigo prit la parole, beaucoup plus calmement que les autres mais avec autant de détermination :
« — Pensez à moi, je suis la couleur du silence. Vous ne m’avez peut-être pas remarquée mais sans moi vous seriez insignifiantes. Je représente la pensée et la réflexion, l’ombre du crépuscule et les profondeurs de l’eau. Vous avez besoin de moi pour l’équilibre, le contraste et la paix intérieure. »

Et ainsi les couleurs continuèrent à se vanter, chacune convaincue de sa propre supériorité. Leur dispute devint de plus en plus sérieuse. Mais soudain, un éclair apparut dans le ciel, le fendit et le tonnerre se mit à gronder. La pluie se mit ensuite à tomber fortement. Inquiètes, les couleurs se rapprochèrent les unes des autres pour se rassurer.

Au milieu de la clameur, la pluie prit la parole :
« — Idiotes ! Vous n’arrêtez pas de vous chamailler, chacune essaie de dominer les autres. Ne savez-vous pas que vous existez toutes pour une raison spéciale, unique et différente. Joignez vos mains et venez à moi. »

Les couleurs obéirent à la pluie et leurs mains s’assemblèrent les unes aux autres.
En disant cela, Nalyss savait qu’il était nécessaire d’allier les gestes à la parole pour permettre à Yaël de mieux intégrer ces récits qu’elle lui conte régulièrement et dont il ne peut encore tout comprendre pour le moment. Elle descendait ainsi ses mains des épaules de Yaël les rapatriant tranquillement dans les petites mains un peu plus fraîche que les siennes.

La pluie poursuivit :
« — Dorénavant, quand il pleuvra, chacune de vous traversera le ciel pour former un grand arc de couleurs et démontrer que vous pouvez toutes vivre ensemble en harmonie. »

Maïssa, ce que tu as vu là s’appelle un arc-en-ciel.
Sa main caressait délicatement et réchauffait les petites mains qu’elle avait accueillies dans les siennes. Je veux que lorsque tu poses tes yeux sur un arc-en-ciel, que tu le vois comme un signe d’espoir, de jours meilleurs à venir. Et, chaque fois que la pluie lavera tous les royaumes peuplant cette terre, un arc-en-ciel apparaîtra dans le ciel, pour nous rappeler qu’il est important de cohabiter mais aussi de nous apprécier les uns envers les autres.* Il est vrai que dans la réalité ce n’était pas aussi facile que cela; la vie avait ses aléas mais Yaël l’apprendrait rapidement en prenant des années et aurait alors l’occasion de faire ses armes face à celle qui peut de temps en temps malmener même la plus belle des âmes.

Elle lâcha ses petites mains en lui murmurant une phrase, une seule phrase mais qui avait à cet instant-là une valeur inestimable dans la vie de Yaël qui avait véritablement fait preuve de patience face à cette indélicate pluie qui contrariait ses envies. La vie avait parfois ses obstacles mais la plupart du temps, elle était relativement simple; c’était vrai quand les gens aspiraient à la simplicité et souhaitaient qu’elle le reste réellement. Et quoi de mieux lorsqu’on retrouve cette dernière dans les yeux de son fils pour s’en nourrir une nouvelle fois. La pluie a cessé. As-tu envie de fraises ? A cela, Yaël acquiesçait un air radieux au visage, ce qui au final n’avait de cesse de la ravir. Ce n'était pas plus compliqué que cela entre ces deux-là.


*Histoire des couleurs de l'amitié légèrement revisitée.
Nalyss
[Il y a des larmes d'amour qui dureront plus longtemps que les étoiles du ciel.]
de Charles Péguy.


Le temps n’était qu’un traitre; il avait tant de visages qu’il en était relativement déstabilisant. Elle qui était patiente, il l’avait fait languir des semaines et elle avait eu cette sensation de manque, cette impatience quant aux retrouvailles qu’elle espérait. Elle l’aurait maudit. Et maintenant qu’Ermolaï était là, qu’il n’était pas reparti de la ciutat des Saules, il lui arrivait de perdre régulièrement le fil du temps. « Je t’aime Nalyss d’Yzarn »; l’aveu de leurs sentiments avaient eu plus d’impact qu’elle ne l’aurait imaginé. D’une part, elle avait accepté d’être aimé après tant d’années à se mettre entre parenthèse, à accorder la quasi-totalité de son affection à son fils. Nalyss avait ainsi accepté les sentiments qui l’étreignaient et n’avait pas pris la fuite, elle n’en avait pas eu envie et n’avait d’ailleurs pas de raison derrière laquelle elle se cacherait. Et d’autre part, cette révélation avait été un élément déclencheur. Cela avait ravivé l’une de ses failles et de ses plus grandes craintes; cette sensation déplaisante de trahir - malgré elle - Yaël, cet être qu’elle aimait plus que sa vie en le privant d’un père, père qui lui-même n’avait pas idée qu’il avait un fils.

A cet instant, le temps revêtait un autre visage; la manière avec laquelle il s’égrenait était tout-à-fait interminable. Cela faisait-il une demi-heure, une heure et peut-être plus qu’elle était attablé face au nécessaire à la création d’une lettre, une lettre qui marquerait la fin d’un chapitre et peut-être le début d’un autre; car ça, elle n’en était pas certaine. Cette lettre - aux accents tant libérateurs qu’effrayants - était une épreuve à laquelle Nalyss faisait face à cet instant. De quelle manière allait-elle réaliser cela… Il est souvent difficile de trouver les bons mots pour révéler l’existence d’une personne, d’un fils en l’occurrence. Et en existe-t-il; existe-t-il réellement de ces mots que l’on considère comme bons ? C’est une nouvelle fois de l’ordre du ressenti pour celui qui les écrit. Ce n’est rien de plus que subjectif, une illusion d’où nous puisons une sorte de réconfort.

Encore un moment où les doigts se prennent à effleurer l’écriture : « Depuis ta disparition, je dessine la nuit et ses étoiles... Une carte du ciel qui ne semble jamais s'achever... ». Elle se souvient du jour où ils se sont rencontrés, du jour où ils se sont retrouvés pour construire une histoire, du jour où ils se sont - re - retrouvés pour qu’il lui remette le pli et mettre un terme à une fuite ainsi qu’à une peine. Encore une fois où les yeux suivent le dessin de ses étoiles; souvenir d’intemporelles nuits d’été légèrement illuminées de cette lumière qui nous est offerte en pleine nuit et de présence de plusieurs lucioles, son fils - encore un nourrisson - blottit contre son sein, souvenir de ces récentes nuits d’hiver où elle conte pour les premières fois à son fils, cette histoire entre eux et les étoiles; de cette histoire qui l’unie à un père loin des yeux, près du cœur.

La plume trempa délicatement dans l’encre avant de la laisser aller le papier sur lequel elle livrerait un chapitre de sa vie qu’elle détestait autant qu’elle chérissait. Un aveu qui n’inclurait pas ses regrets, qui ne parlerait pas de ses erreurs. Un aveu qui révélerait l’intransigeance avec laquelle elle a statué sur ses actes, qui lui ferait par d’une de ses plus grandes craintes à l’heure actuelle et le principal, la révélation; la révélation la plus poignante qu’elle ait eu à faire au jour d’aujourd’hui.

Citation:
Az. [Un « Az » manquant d’assurance car la trace de la plume y est plus épaisse. Preuve d’hésitation à l’appeler ainsi après tant d’années, tant d’errances suite à cette séparation; cette trahison qu’elle lui a faite en disparaissant sans laisser d’explications, ni de traces.]

Je n’ai jamais eu de mal à disparaître de la vie des autres et plus particulièrement de la tienne; j’ai tendance à penser que la fuite est l’une de mes amies assurément pas la meilleure il est vrai. A ce qu’il paraît l’erreur est humaine mais impardonnable parfois; c’est ce que je pense de la manière que j’ai eu d’agir et je ne me plaindrais jamais malgré le fait que partir, disparaître de ta vie ait été une véritable épreuve. Cependant la souffrance - qui aujourd’hui a le goût de la mélancolie - que j’ai ressenti n’est pas comparable à celle qui s’est certainement emparé de toi il y a quelques années de cela.

J’ai eu beaucoup d’hésitations quant au fait de prendre ma plume; cette lettre, cette échéance - serait peut-être plus juste -, je l’ai reculé pendant des années. Aujourd’hui, j’ai souhaité qu’elle te parvienne ainsi j’ai entamé - avec de l’aide - quelques recherches. Par respect, je n’ai pas été jusqu’à avoir connaissance de ce que tu devenais, qu’elle était ta vie à présent cela t’appartenant. Le principal était d’apprendre que tu étais en vie et la ville dans laquelle tu t’étais établi. Il n’y avait plus qu’à… Tant de craintes quant à la réaction que tu auras en lisant ces phrases; ressentiras-tu de la haine, du dédain… A dire vrai, je l’accepterais car cette réaction serait tout-à-fait sensé. Je m’étais presque fait le serment que je n’avais pas à réapparaitre dans ta vie de quelques manières; c’est vrai, ce serait inacceptable - à nouveau impardonnable - car tu as avancé.

Mais…

Voilà qu’aujourd’hui, j’ai le sentiment de voler un peu de bonheur à une personne qui compte plus que tout pour moi - plus que ma vie d’ailleurs -, quelqu’un qui l’a changé dès qu’il y a fait son apparition une nuit de décembre à Jérusalem. Quelqu’un qui m’incite à être meilleure, à ne plus détruire les sentiments qui m’étreignent, à ne plus fuir. Quelqu’un que je ne veux décevoir et je m’interdis de lire un jour cette déception dans ses yeux sous prétexte qu’une peur de le perdre me terrorise intérieurement plus que tout, plus que ton courroux.

Une personne qui me permet quotidiennement - et pour toujours - de me souvenir de toi surtout lorsque ses yeux - bleus comme ceux de mes souvenirs - m’observent longuement et trouveront toujours un écho en moi, lorsque son doigt désigne sereinement les étoiles que souvent nous observons. Cet éternel lien qui existe entre toi, moi et lui; le souvenir ou plutôt le fruit de notre histoire. Un mot, un prénom.

Yaël.


Az. Par le biais de cette lettre, je te remets une partie des cartes en mains, de ces cartes que j’ai secrètement emmené cette nuit-là...
[Quelques points de suspension grossièrement posés pour lui signifier qu'elle se rend, qu'elle ne peut plus lui mentir sur cette existence, qu'elle ne peut plus le priver d'un fils et ce, même s'il n'est guère le bienvenu.]
N.


Après lecture et re-lecture de la lettre qui venait de s’achever et qui n’avait pas été des plus facile à écrire, elle la plia délicatement avant de la sceller à l’aide d’un bâton de cire à cacheter et d’un sceau nu de gravures. L’instant suivant, elle trempa délicatement la plume dans l’encre avant de la laisser aller afin de mettre sur l’autre face de la lettre, le destinataire : « Azkaban de Ménéac ». Ses yeux ne la quittaient pas; la lettre était à présent prête. Mais le réalisait-elle vraiment ? Mesurait-elle l’impact que cette lettre, ce « papier » aurait dans leurs vies ? Elle n’en était pas certaine, n’avait pas autant de recul - qu’elle l’aurait souhaité - sur cet acte, acte qu’elle n’était pas sûre de ne pas regretter d’ailleurs tant la culpabilité la tiraillait de temps à autre; advienne que pourra... Elle connaissait la destination, cette lettre partirait prochainement en Bourgogne, plus précisément Sémur.

Quant elle s’était adressée - avec la plus absolue des confiances - à Ermolaï, elle lui avait fait part d’une faveur. Elle souhaitait seulement avoir à sa connaissance deux éléments; le principal était d’apprendre qu’il était vivant, qu’il n’avait pas quitté cette terre et l’autre, était d’avoir une destination, celle de la ville dans laquelle il vivait aujourd’hui. Et Ermolaï avait respecté cela, ne partageant pas ce qu’il avait appris d’autre au sujet du père de Yaël, au sujet de quelqu’un qu’elle avait tant aimé jadis, quelqu’un qu’elle aimerait à jamais à dire vrai, mais d’une manière tout-à-fait particulière; il était le père de Yaël. Ermolaï l’avait prit dans ses bras et l’avait rassuré; Nalyss qui avait eu tant d’appréhensions, n’avait pas eu le cran de le regarder quand il lui avait fait part de ce qu’il savait. Sans sa présence, elle n’en serait pas arrivé là et ça, elle en était certaine et avait tant de gratitude à son égard.

Et c'est ainsi que la lettre dans la main, elle s’en alla à la ciutat...
Nalyss
« D’une histoire étoilée. »


Par un matin de mai dans la campagne Montalbanaise alors qu’elle venait de se séparer de ses compagnons de voyage - en ayant remercié au préalable la bienveillance que le Dauphin avait eu à Bazas en leur proposant de prendre part à leur compagnie -, l’Averroïste avançait en menant en main le cheval d’où une charrette était attelée. Tandis que Yaël, calé bien au chaud dans une épaisse laine qui le recouvrait, n’avait vraisemblablement pas fini sa nuit, Nalyss - quant à elle - ne quittait pas du regard le paysage qu’elle avait à sa vue et qui faisait naitre en elle une sensation de satisfaction, qui plus est quand Ankaa se dessinait à travers la petite brume matinale de La Garrigue. Ermolaï ne les accompagnait pas, il avait été retenu à Agen et il ne rentrerait à la ciutat des Saules que d’ici deux jours. Elle passa les rênes qu’elle avait dans les mains sur la selle laissant tranquille l’animal qui calmait maintenant sa faim avec l’herbe du jardin.

Ankaa était une belle bâtisse; elle lui faisait maintenant face prenant le temps de la regarder avec les mêmes yeux que ceux qui l’avaient détaillé par le passé avant qu’elle et Yaël y emménagent. La chaleur d’Ankaa lui avait de temps en temps manqué alors qu’ils étaient en voyage. Quant à Yaël, il s’était langui du cheval à bascule qu’il chérissait depuis qu’il l’avait eu. Ses yeux - balayant la maison avec une affection tout-à-fait particulière - s’arrêtaient instantanément sur un pli à moitié sous la porte. L’Averroïste y allait rapidement récupérant ce qui s’avérait être une lettre; était-ce Maïwen qui lui disait déjà qu’il avait atteint sa destination ? Etait-ce une lettre de Mira, cette jeune Averroïste qui lui avait écrit une lettre mais qu’elle n’avait eu que tardivement ? Aucun des deux.

Ce qu’elle y lit ne serait-ce qu’en apparence eu sur elle un tel effet qu’elle manqua de défaillir; sa main s’appuya sans ménagement sur l’une des parois de la maison, agrippant la pierre, s’égratignant au passage quelques phalanges tandis qu’elle glissait irrémédiablement à terre. Nalyss se passa une main au visage; il ne fallait pas se laisser aller à cette sensation, il fallait se ressaisir. Ermolaï n’était pas là mais ce qu’elle aurait aimé atteindre sa main à cet instant-là. La brune regarda la lettre les yeux un tantinet dans le vague, ils suivaient les courbes des quelques mots posés; des mots lourds de sous-entendus, des mots qui ont mille et un sens, des mots qui sont tout un symbole, des mots de cet homme loin des yeux, près du cœur, le père de son fils : « D’une histoire étoilée. ».

Nalyss se releva après quelques instants à naviguer entre deux eaux, elle enleva les quelques mèches de cheveux qui lui barrait le visage tandis qu’elle allait d’un pas mal assuré jusqu’à la charrette. Yaël à sa vue, avait cette faculté de l’apaiser instantanément à défaut d’avoir le contact d’Ermolaï, le seul qui la suivait dans cette aventure, qui l’aidait à faire face à cette épreuve qui allait surement chambouler leur vie à tous. L’Averroïste passait sa main dans la main chaude de Yaël tandis qu’elle décachetait de l’autre la lettre et s’apprêtait à en prendre connaissance. Qu’allait-elle lire ? Qu’allait-il lui dire ? Elle était tiraillée par l’appréhension ainsi que la crainte; de quelle manière avait-il réagi en lisant la lettre qu’elle lui avait transmis il y a quelques semaines de cela ?

Citation:
Nalyss, tu es en vie…

Nalyss, jamais je ne t’en ai voulu, tu le sais je te l’avais dit à Castelnaudary…

Nalyss, j’aimerai juste comprendre pourquoi avais tu cette envie de me cacher son existence et pourquoi la dévoiler aujourd’hui ? Te pose-t-il des questions ? Connaît-il mon identité ? J’ai à cet instant tellement de questions, tant d’incompréhensions. Je suis vraiment troublé par ta lettre.

Moi... Aujourd’hui, je suis forgeron à Sémur, j’en ai été le maire. Je reviens d’un voyage qui m’a mené jusqu’en Gascogne, passant par le Périgord, celui qui nous avait réuni un temps. Je suis marié à Attia qui est devenu maitre de couture pour l’élite de cette société, si je puis dire...

Elle m’a donné deux filles mais à ce jour, il ne me reste que mon ainée, Livia Sade car Céleste nous a quitté au bout de quelques jours, elle avait eu en héritage ma faiblesse, son cœur était malade.

Et lui comment va-t-il ? Est-il vif ? Fort ? Avec de l’esprit ? Ça je n’en doute pas vraiment car sa mère en débordait. Où êtes-vous ? Aimerait-il me rencontrer ? Voudrais-tu me revoir ?


[La plume est tremblante, l’écriture incertaine, les mots s’emmêlent, les phrases se bousculent, le fil se perd. Le blond marque un temps d’arrêt, inspire fortement, il regarde sa besace, a envie de partir…d’y aller, maintenant, là, tout de suite. Même si cette envie brulante et soudaine l’empoigne, il pense à sa gitane, de nouveau portant la vie, comment allait elle réagir à cet événement ? Tout devait être dit, il n’était plus à quelques semaines près même s’il voulait des réponses immédiates, il lui fallait s’armer de patience, chose qu’il n’avait jamais su faire… Il reprit le court tant bien que mal.]

Nalyss… Y’a-t-il quelqu’un qui fait office de figure paternelle auprès de lui ? Que souhaites-tu pour nous ? Si à ce jour un « Nous » existe encore… Manquez-vous de quelque chose ?
J’aimerais te revoir, j'aimerais le connaitre. Espérant de vos nouvelles rapidement.

Azkaban De Ménéac


Plus tard, après qu’elle ait vaqué aux principales tâches qu’il était nécessaire de réaliser c’est-à-dire mettre Yaël dans sa chambre lui permettant ainsi d’être l’enfant le plus heureux de ce Royaume quand il aura à sa vue, cet espace qu’il avait réclamé pendant leur voyage, mais aussi de délester le cheval de la charrette ainsi que de l’ensemble du matériel qu’il avait sur le dos et l’emmener dans la pâture attenante, le laissant paitre tranquillement alors qu’il avait accompli ce qu’elle lui avait demandé de labeur le temps des trajets d’une ciutat à une autre. Elle avait réalisé la grande partie de ces tâches en ranimant l’âtre qui n’avait plus accueilli de feu depuis quelques semaines. Assise sur une chaise - une tasse dans les mains, elle sentait la chaleur de celle-ci qui se nichait dans ces dernières, cela l’aurait brûlé si elle n’avait pas l’habitude et aussi, si elle n’avait pas autant l’esprit ailleurs -, elle regardait dubitativement la lettre qui l’attendait maintenant sur la table.

Près de cette lettre, de l’encre, une plume et un feuillet vierge; vierge de tous les mots qu’elle compte y poser pour lui donner une réponse comme ses mots le formulent si bien en dernier. Elle réfléchit à ce qu’elle peut lui écrire, à ce qu’elle ne peut lui écrire, ce qui est essentiel, ce qui ne l’est guère… ou du moins, qu’il est mieux de retenir et elle repense aux récents échanges, ceux de Sarlat, ceux là même l’ayant déstabilisé.

Maintenant que la chaleur s’était installée dans ses mains - qu’elle n’était d’ailleurs plus agréable -, elle laissait la tasse sur la table. Nalyss s’empara de la plume; de cette plume qui à nouveau leur ferait franchir une étape, qui l’amènerait à lui parler de leur vie, à Yaël et à elle, qui dessinerait un avenir fait pour l’instant d’un peu inquiétudes, d’incertitudes et disons-le d’un brin d’envie - de cette envie de voir de ses propres yeux celui qu’il est devenu et d’être spectatrice de la manière avec laquelle les yeux d’Az s’attarderaient sur Yaël quand il ferait sa connaissance - au fur et à mesure qu’elle délivrerait les unes après les autres ces phrases. Ces phrases nécessitant peut-être de lire entre les lignes mais sans lui mentir. C’est ainsi qu’elle se lançait, elle n’avait pas à en culpabiliser maintenant qu’il avait pris les cartes dans ses mains. C’était un véritable saut dans l’avenir, elle n’était pas certaine de ce qu’elle faisait mais l’Averroïste le faisait là, maintenant, à l’instant.

Citation:
Az,

Je suis en vie. Quelques vieilles rencontres m’ont seulement dit : « tu es différente », et ils ont vu juste : je suis mère, je ne suis plus cette jeune femme de vos souvenirs. Je comprends ton incompréhension, j’entends toutes tes questions même s’il n’est guère évident d’y répondre correctement; comment trouver les bons mots pour t’écrire ce bout d’histoire, notre histoire loin de toi…


[Et de prendre une grande inspiration comme pour avoir le courage qu’il lui manque parfois; elle ne fuirait pas, elle lui avait dit dans la précédente lettre et il n’y avait plus qu’à se lancer.] Cela n’a jamais été aisé, j’ai été assaillie par tant de craintes et d’interrogations. Malgré cela, après ce départ me menant dans d’autres Royaumes, je n’avais plus à réapparaître dans ta vie de quelques manières; ce n’était pas une envie, c’était nécessaire et j’ai respecté cela jusqu’à cette lettre.

Comme écrit : le sentiment de voler un bout de bonheur, de lire une quelconque déception en lui et de me rendre compte qu’un jour il m’en veut de ces choix qui lui sont pour le moins imposés ne me quittent plus depuis quelques temps; je suis sur un fil en équilibre. Et surtout lorsque quelques récentes rencontres en Périgord - encore le Périgord, tu vois - m’imposent nos souvenirs, je deviens vite une piètre équilibriste. Je ne peux plus te mentir sur cette existence.


[L’esquisse d’un sourire qui vient se percher sur ses lèvres.] Les questions qu’il me pose sont souvent silencieuses, je les lis en lui lorsque je lui conte quelques souvenirs de cette vie près de toi. Même s’il m’écoute, il est encore un peu jeune pour comprendre tous les trésors de notre histoire. Quoiqu’il en soit, tu vis en lui depuis qu’il est né; ton identité est précieusement suspendue à son cou, tout comme les moments forts de notre quotidien conservés sur plusieurs feuillets pour qu’il se souvienne de son histoire. [Puis un sourire qui s’étire tendrement comme pour conclure ces choses qui oscillent entre symbolisme, un lien invisible s’est construit et surtout, douceur entre elle, lui et leur fils puisque même s’il se trouve être loin, il demeure essentiellement près de leur cœur.]

J’ai involontairement appris qu’elle était ta vie aujourd’hui au hasard d’une conversation - à Sarlat - par une femme remarquable qui est aussi une de tes amies : Night. [La plume marque un arrêt. Une pause est nécessaire à Nalyss quand elle repense aux phrases échangées - d’une révélation à un aveu oscillant entre appréhension et bienveillance - à celle avec laquelle elle s’est rapidement et inévitablement liée d’amitié.] Je te félicite pour cette vie qui s’est offert à toi. Tu mérites sincèrement le meilleur. [Et de murmurer ce qu’elle ne peut écrire : « Oui. J’espère que tu es un homme comblé, du plus profond de mon cœur. »] Cependant, je suis navrée d’apprendre que tu as perdu l’une de tes enfants, cela a du être une épreuve à passer…

Quant à Yaël, je ne saurais t’en parler avec recul. Je tente de l’éveiller à la vie en préservant pour l’instant cette naïveté enfantine tout-à-fait touchante, j’essaye de lui transmettre l’éducation que j’ai reçue en y ajoutant les valeurs et les croyances que je défends. C’est un enfant calme et attachant mais il a l’âme d’un Lion d’Antioche, cavalier Averroïste; le cheval à bascule qu’il a, n’a des airs de Pur-Sang Arabe que dans son imagination pour l’instant. C’est un enfant très observateur, étant quelque peu sur la réserve. Néanmoins, il a facilement de l’affection envers ceux a qui il a accordé sa confiance ou en qui je lui dis qu’il peut avoir confiance.

[Elle marque une autre pause dans la rédaction de la lettre relisant les dernières interrogations d’Az quant à l’avenir n’ayant à sa connaissance que ce qu’elle veut pour Yaël. Etait-elle réellement prête à le laisser entrer dans leur vie ? Pas vraiment à dire vrai mais c’était ce qu’il y avait à faire, c’était certain. En contrepartie, il fallait faire taire ce qu’il n’était pas nécessaire de partager, ce qui elle l’entravait, la déstabilisait aussi.]

Certainement qu’il aimerait faire ta connaissance. Tu as tellement à lui transmettre Az. Et même si la situation sera certainement déstabilisante, il est nécessaire que vous appreniez à vous connaître l’un et l’autre. Je serais là; je l’aiderai pas à pas à avancer, à te tendre la main, à te faire entrer dans sa vie si c’est ce que tu souhaites. Je serais là; pour toi comme pour mo… notre fils. [Légère rature trahissant la difficulté qu’elle a à imaginer qu’il va peut-être apparaître dans leur vie.] Az, il y a quelqu’un dans ma vie, quelqu’un ayant de l’affection ainsi que de la bienveillance envers Yaël. Malgré cela, ce n’est pas un père et par respect, ne se placera jamais ainsi à ses yeux.

J’imagine que ce qu’il lui manque n’est autre que ta présence et n’ayant pas à ma connaissance ce que ce manque peut entraîner plus tard alors qu’il entamera une vie d’adulte, il est nécessaire de penser à lui maintenant. Je n’ai jamais su si j’agissais au mieux pour Yaël mais aujourd’hui, j’agis ainsi pour vous. Là est le principal.
[De mettre ses sentiments de côté pour qu’il croie qu’elle est forte et non profondément touchée de tous les mots posés sur cette lettre reçue. Et d’omettre cette dernière question d’où elle ne peut concrètement répondre. Ce « nous », c’est ce petit bonhomme qui continue de les unir; comment peut-il croire qu’il n’existe plus rien.]

Advienne que pourra, la Guiana brillera. [A travers cette phrase, il avait là une destination et elle était certaine qu’il le déduirait ayant vécu par le passé dans ce duché.]
N.
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