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[RP]Famille: n.f. unis par le sang, brouillés par l'argent*

Berthe.
Saumur, Anjou

La grand’pièce d’une modeste masure, les murs crépis léchés des ombres mouvantes que projette la flambée odorante. Une table de bonne facture quoique rustique sur laquelle s’épanouit une chandelle grésillante.
Et Bertrade.
L’air pensif, la jeune femme se caressait l’aile du nez du bout de la plume. Le bout duveteux. L’autre traçait des arabesques de vide, au tempo des reflexions de la brunette. Le monde allait mal. Non point le monde en général. Quoique. Mais il n’a d’intérêt qu’épisodique pour notre histoire. Le monde de Bert allait mal.

Une escapade à la capitale, une visite à l’exploitation familiale pour y prendre mesure des méfaits de la guerre. Terres piétinées, réserves pillées, la routine. Mais bien plus inquiétant. Le paternel s’effilochait, il allait bientôt dominer son monde de dessous un tertre tout frais.
Et c’est qu’il y avait comme un lézard. Ou plutôt une lézarde dans l’édifice bien établi de l’ordre mondial bertradien.

Si l’père clamsait, les fils héritaient. Elle aurait un arpent de vigne en dédommagement, une dot qu’ils appellent ça. Sauf que les fistons s’étaient tirés.
Le premier le cœur brisé, il y avait de cela près de cinq ans. Bert l’avait laissé partir le cœur serré. Il n’existe pas toujours de mots pour adoucir la peine, on se contente du silence.
Le second… Bien pour résumer elle le pensait mort. Ou tout comme, à réciter des psaumes sous des fresques mal barbouillées.

Elle était restée. Elle s’était arrogé un droit sur cette terre. Le vieux mourait, on pleurait un peu, elle héritait. Simple.
S’ils avaient abandonnés la terre, elle ne leur était plus rien. D’ailleurs elle voulait bien leur refourguer un plat de lentilles en échange. Avec du lard. C’est plus festif.

Elle regarda les deux vélins étalés devant elle. Acte 1, sonder les futurs déshérités. On établirait le plan de bataille en fonction.
Une inspiration, un air de concentration intense sur les traits. Qu’y a-t-il de plus étranger qu’un frère perdu ? Alors deux…

Le plus facile, son préféré. Haynard. Ne pas trembler. Un gentil garçon à son souvenir, mais économe. Un brin trop. Une missive brève, il n’a jamais trop aimé lire. Une hésitation. «Cher Nanard » ? Nan.
Grincements dans le silence


Citation:
Haynard, mon frère

Voilà bien longtemps que je ne t’ai rien griffonné. Les choses ont changé depuis l’an passé. Je me suis installée dans une petite bicoque en ville, à Saumur. Y a eu la guerre dans le coin. P’tet pour ça que je scribouille cette bafouille. Quand on voit les gens clamser, on se souvient de c’qui est important. Les frangins, ça se r’fait pas
.

Beuh. Mélo. La jeune femme renifla.

Citation:
Enfin, la vieille n’a plus l’âge. Les affaires marchent gentiment. J’suis établie. J’ai même joué le maire.


Endormir le poisson

Citation:
En revanche, ça ne va point fort pour les vieux. Les terres sont dévastées, les récoltes en cendre, la masure tombe en décrépitude. Z’ont même incendié la grange. Va falloir reconstruire tout cela, mais la main d’œuvre se fait bien coûteuse… Le paternel n’est plus tout jeune ma foi. Tu aurais pu venir. Mais je sais que c’est bien pénible pour toi de revoir tous ces souvenirs.

Coup bas.
Citation:
Reviendras-tu mon frère ? Il nous faudrait joindre nos forces… et nos économies…
Prends soin de toi
Bert’


La jeune femme renonça à se relire et entama la seconde missive. Nizam. 14 ans... Il devait avoir quoi… 21 ? Arrogant comme seuls ils le sont à cet âge. Une inimitié. Elle ne lui donnerait pas son nom. L’enfant du père.
Les traits durcis, elle aligna les lignes d’une main rapide.


Citation:
Toi

Je pensais que tu avais clamsé dans un fossé. Je gribouille pas pour t’annoncer mon ravissement.
A dire vrai c’est un sieur pas trop propre qu’a causé de toi. Mercenaire qu’il disait. Paraît que t’as pas conduit tes chausses où t’espérais. A force de lécher les bottes on finit traîne-savate.
A courir la gueuse on a la barbe taillée d’trop près.

J’suis restée en Anjou. Point besoin d’patenôtre, me voilà dame.
On a besoin de bras ; le travail de la terre, y a que ça de vrai pour les gens comme nous.


Pas de signature, juste un joli sceau estampillé d’une grappe de raisin. La première missive partirait pour Saint-Claude.
La seconde… quelque part en Flandres ; le messager lui coûterait son sourire le plus naïf et l’assurance que le destinataire lui laisserait un joli pourboire.
Attendre.


*d'après Edouard Rey

[Bonjour, Bonjour,
Merci de baliser votre topic comme cela est stipulé dans les règles d'or du coin des aRPenteurs.
Bon jeu, Bon RP,
Modo Mahelya]

_________________
Haynard
Sur un noeud, pas loin de Vesoul, Franche-Comté, SERG
Complies, 18 février 1461


J'plante l'décorum : un camp de soudards. T'as d'jà vu un camp militaire ? Ouep, bien, ça m'évitera t'faire une tartine de description. Parce que bon, un camp militaire ça reste un camp. L'chef il aurait beau avoir l'âme d'un artiste qu'y a pas 36 façons d'poser une tente...
Le camp se trouve en pleine campagne. Tu connais la campagne ? Bien, ça m'évitera aussi d'bavasser trop longtemps. Quoi ? J'fais pas mon boulot ? J'ai la flemmingite d'la baveuse et alors ? J'ai l'droit à mes moments non ? Pis quand t'as vu un noeud, t'as vu tous les noeuds comme dirait une honnête dame d'ma connaissance. En plus la cambrousse en février, c'est moche. Déjà qu'je suis pas troubadour dans l'âme, va pas m'demander de rimailler sur les arbres qui tendent leurs doigts crochus vers l'ciel ou sur l'chemin si gelé qui t'fait mal aux bottes. Bon v'là, le décor est planté à peu d'frais, si tu t'attendais à des trucs qui t'font remuer l'âme faut voir plus haut. C'est pas l'coin des poètes ici. Perso, j'fais remuer les tripes. Chacun sa spécialité.

Bon, bon. Là tu commences à gamberger ferme... Qu'est-c'qu'il fout là le Hay' que tu t'dis dans ton fort teinté rieur. J'te le fais court aussi... Ma pomme s'est retrouvée à faire la guéguerre aux hérétiques en s'mettant au service d'un type d'la haute, d'la très haute société qui est pas contre taper sur quéques crânes de temps en temps. Un type selon mon coeur quoi. Bombardé direct cap'taine d'sa garde à cause d'mon charisme fou, je me coltine deux trois blaireaux comme piétailles.
C'te nuit-là, c'est en compagnie de ses trois locdus que je me trouve lorsqu'un messager m'accoste.



Moi : -T'es à bon port l'aminche, que j'lui fais pour continuer la métaphore de la description précédente.
Messager : - C'est y vous le Haynard ?
Moi : - Et ma mandale dans ta trogne ? Ptêtre qu'avec mes empreintes digitales sur l'nez ça t'aiderait ?
Messager, soupirant : - Nan c'est bon, c'est bien vous. J'ai une missive d'la plus grand' importance pour Hay' l'capitaine des gardes. On m'a dit d'chercher c'lui qui gueule l'plus fort. La missive vient d'Anjou.
Moi : - Oh p'naise...


Anjou... Merdaille. J'espère qu'il est rien arrivé à la frangine. Alors que le messager fait l'pied de grue pour attendre son pourlinche, j'déplie fébrilement la lettre... Et laisse échapper un juron... Oups désolé c'est pas mon genre pourtant !


Moi (ben vi) - Fout'dieu ! Mon pater il va clamser !
Blaireau 1 [NDLA : Pas encore trouvé de nom pour les gugus, si ça vous dérange y a qu'à l'appeler Pierre] : - J'suis vraiment désolé pour vous cap'taine.
Blaireau 2 qui veut pas en rester en reste : - Euh ouep toutes les condoléances !
Blaireau 3 qui va bientôt être diplomé ès Maître Léchage d'bottines : - Euh ouais ! Not' coeur sa lie à vot' peine !


Va quand même falloir qu'je revoie les conditions pour faire partie d'la garde quand même, que je me fais intérieurement en les écoutant baver sur mes chausses...


Moi, énervé, - Mais bouclez là, bande d'gueux ! Il est pas raide. Il va, est entrain, il ferme taverne, dépose l'bilan, il calanche quoi ! Pis zut, pourquoi que j'm'esbigne à vous causer. J'rentre dans ma tente, Prendrez vot' tour de garde devant l'Seigneur à ma place.


Aussitôt dit, aussitôt fait. J'm'attèle adèle à la réponse. Une telle nouvelle ça vous remue un homme ouep... Pas que j'sois l'fiston préféré hein, c'serait plutôt l'cas du frangin. Mes rapports avec l'paternel se limitaient souvent à son poing quand j'étais chiard. Pour ça que j'me suis mieux entendu avec la daronne... Que l'Pieter trépasse, ça m'fera une belle jambe. Faut penser à l'avenir... et l'avenir ben il s'annonce ra-di-eux ! A bibi l'héritage ! Fini la galère ! Devenir riche propriétaire, le panard quoi ! Tu vois ! J'te mens pas quand j'te dis que j'suis tout remué...
Bon, faut répondre. Essayons d'faire distingué, la Bert' a ptêtre pris des manières en étant maire.



Une voix dehors dépitée et dont tout l'monde s'en tape : - Et mon pourboire alors ?


Citation:
Chère frangine, (Vi valà, pas officiel, pas officieux)

J'ai l'coeur heureux d'avoir d'tes nouvelles même si c'sont de noires nouvelles... (Hihi noires ouais ! )... Une page est entrain d'se tourner avec le vioque qui s'en va à de Patrèsse. La guerre fait rage ici itou. Même qu'je suis aux premières loges pour mater l'spectacle. L'feu et l'sang j'connais l'histoire, même si ça m'retourne le bide que c'soit passé chez nous. Y avait mes plus beaux souvenirs dans c'te grange et ces champs... Menfin tout passe comme dirait une honnête femme d'mes amies.
J'sais que t'es pas du genre à larmoyer, mais j'vais d'mander une perm' pour t'aider dans c'coup dur. Comme tu dis, faut joindre nos forces et nos...(Oh purée l'obscénité est dure à écrire... allez tremble pas, lettres après lettres)... et nos économies... M'attends pas avant une bonne semaine, j'ai des lieues à avaler et j'vais en crever des canassons ! Si tu peux faire durer l'palpitant du vieux jusqu'là je t'en serais reconnaissant. Sinon j'serai là au moins pour l'administratif (Oh oui t'penses bien que j'y serai devant le notaire ! ).

Sur ce, j'ai que trop écrit. Je m'mets en route.
Fais gaffe à toi aussi,

Hay'


J'me sors. Dépose la missive dans la main du messager et avant qu'il puisse ouvrir sa bouche, j'lui file un coup d'botte dans l'derrière pour l'affranchissement de la lettre. V'là mon messager est timbré. Sinon c'est pas tout... faut que j'aille demander ma perm' et que j'trouve un cheval.
Nizam
    [faubourgs de Bruges, Flandres]

    L'on devra raconter un jour cette aptitude fabuleuse des messagers à parcourir chaque patelin du royaume en une vitesse défiant celle de la pensée - des femm.. Hum, d'êtres encore lents à la réflexion, s'entend, comprenez qu'il y ait tout de même un léger retard. Ah si seulement cette faculté pouvait perdurer à travers les siècles.
    Le porteur de nouvelles trouva le destinataire attablé en taverne à démener ses maxillaires contre un tiède ragoût de boeuf. Nizam se damnerait, si ce n'était déjà fait, pour satisfaire chaque jour son ventre de victuailles et notamment de viande, d'la vraie, pas la tranche de lard qui traîne au fond de la besace, durcie à vous broyer les molaires. Troublé dans son activité, le vorace dut répondre présent lorsque le coursier le nomma et lui céda une lettre d'Anjou. Par habitude un sourcil se leva, il n'avait contacté personne là-bas et restait soigneusement à l'écart de ce duché. Il décacheta le courrier, ainsi message fut lu tandis qu'une bouchée était avalée, pour peu la soeur aurait réussi son coup : il s'étrangla. La toux passée, la surprise ne quitta pas pour autant son tailladé visage, car comme dirait la gueuse toute retournée en venant de s'faire emboutir par le voisin (on parle ici d'un accident de charrette, bande de vicieux) : « J'l'ai pas vu v'nir ! »

    Le soudain retour de la famille, le Balafré l'avait pas vu v'nir non plus. Six ans et de grosses poussières qu'il vivait sans donner de nouvelles, il se portait à merveille. Ce fut peut-être difficile au début, l'idée d'avoir déçu le pater familias qui mettait tant d'espoir dans le dernier né, d'avoir abandonné son propre sang, sa chair ... Il n'en était pas mort et avait poursuivi ses envies adolescentes, lui, libéré de l'autorité parentale, ce qu'il avait découvert dans ce groupe de mercenaires l'ayant à l'époque recruté l'avait persuadé de ne jamais regretter son geste. Le Pieter l'avait voulu érudit chez les moines, mais à quatorze ans il était bien plus amusant d'agiter une épée en rêvant à la fortune que de gratter sa plume sur de vieux vélins. Retenez simplement que le blondinet n'avait pas la fibre familiale, ou l'avait parfaitement oubliée.

    Le fusain et un bout de parchemin vierge, bien que déchiré d'un côté, furent sortis en un grognement, contrarié d'avoir été interrompu en plein repas et perplexe devant la demande et les critiques de son ainée. Pourquoi lui envoyer ça maintenant ? Elle l'avait vraiment pensé mort et s'imaginait qu'il allait revenir pour casser la croûte avec eux ? Parents, frère, soeur, il voyait ça comme des entraves et avait à plusieurs reprises été témoin d'histoires de famille chez autrui, dignes de romans pour ménagères. Si c'était pour l'encombrer de problèmes, très peu pour lui... Mais voilà, le jeune était curieux, et ô combien méfiant. Il voulait en savoir plus concernant ce besoin de bras - les darons lambinaient déjà cane à la main, z'étaient pas devenus des festins pour les vers ? - ajouté à cette singulière approche que sa soeur lui faisait. "Dame" et puis quoi encore...

    Il questionna le messager qui espérait naïvement obtenir un pourboire avant d'écrire négligemment sa réponse, si le gueux faisait attention à son phrasé quand il s'adressait à des nobles, cette fois-ci, c'était raté.


Citation:
Toi, la Dame autant que je suis Roy,

Je pensais que tu clams'rais la bêche à la main ou en dépotant un chiard qu't'as l'âge d'avoir. Je gribouille pas pour t'annoncer ma joie, ni ma surprise.

J'ai dû demander description au coursier - que tu paieras, faut pas abuser - pour m'assurer que c'était bien toi, tu n'as pas dû beaucoup changer malgré les années, sinon devenir généreuse et vallonnée là où tu étais plate. J'm'attendais à tout sauf de tes nouvelles, être considéré comme gisant dans un fossé, ça m'évitait au moins les réunions de famille et d'user du papier, le temps a bien fait l'reste.
Il se passe quoi pour que tu dépenses de l'encre pour moi ? Il y a sûrement des bras d'libres en Anjou, la guerre est passée et tu peux embaucher n'importe qui, même des estropiés, pour labourer l'lopin des vieux. Ils ne s'en occupent plus ? Et l'frangin ? Il a finalement compris qu'il y avait autre chose dans la vie que la boue de ses guêtres et l'godet de bière au poignet, lui aussi l'a eu l'intelligence de s'barrer ?

J'comprends pas pourquoi tu demandes mon aide maintenant, le sieur que t'as rencontré a dû te dire que j'avais ma lame occupée ailleurs.

L'traîne-savate salue les culs-terreux.


Ça sent l'affection fraternelle tout ça ! Dernière lecture avant de sceller à l'aide de la bougie la plus proche, ça tiendra c'que ça tiendra. Il donna le papier et quelques écus à l'homme mais vit la main tendue lui réclamer davantage alors qu'il attaquait de nouveau son plat. Un tantinet susceptible sur l'argent, Nizam ficha brutalement son couteau dans le bois de la table, les maigres centimètres séparant le fer des phalanges du coursier évoquant son avis.

- T'auras qu'à tendre la main d'vant elle, en t'estimant heureux qu'tes doigts n'restent pas plantés là.

L'étranger jura contre le mensonge de la brune et quitta prestement la taverne. La scène aurait pu faire sourire le Balafré mais un insignifiant mini détail eut raison de son humeur : l'ragoût avait refroidi.
Berthe.
La Rochelle, pays des baudets à poil long

Un jour de mars, un bouge sinistre


Affalée au coin d’une table aussi miteuse que poisseuse, Bertrade regardait d’un œil torve le fond de son godet ébréché. Spectacle assez rare- elle affichait d’usage un indécrottable optimiste, vaguement niais parfois ou fou selon l’humeur- tout en son être respirait la contrariété. Du pied battant un tempo saccadé sur les pavés disjoints, à la mine chafouine, les épaules tendues et les lèvres serrées. Coincée dans le patelin, au pays des bons sentiments et du miel dans les ruelles.

Jurant entre ses dents, elle envoya valser le godet à présent vide et farfouilla dans sa besace à la recherche d’un remède plus consistant. Elle cogna sur deux vélins froissés. Ah les lettres des frangins. Elle avait failli les oublier eux. Serait peut-être temps d’y répondre, avant d’aller gober les poissons dans la grande mare aux canards.
Esquissant un sourire de guingois, elle les relit rapidement et entreprit d'y répondre, l'écrit charmant.


Citation:
Hay', mon frère,

J’t’avais presque oublié dis. J’espère que t’es point encore sur les chemins à errer vers l’Anjou ?
Bon j’te rassure, l’paternel va mieux puis même s’il devait clamser, elle te l’empaillerait façon guignol et le ferait marionnette, le temps de régler deux trois détails de spoliation.
Il a passé l’hiver, p’tet bien qu’il passera l’été. Va savoir. Ne t’inquiète pas j’veille bien sur lui. Ce serait dommage qu’il clamse avant qu’je sache les pensées d’l’autre là, l’blondinet.
Dans l’idée y veut point décrocher de ses affaires, on y trouvera p’tet notre avantage, qu’en penses-tu ?

Te voilà donc mercenaire ? Té, y en a pas un pour rattraper l’autre dans cette famille. Respectable…
Tu m’causes de bonne amie. Me dis pas que tu vas nous faire pondre des braillards hein ?! Tu sais que ça coûte cher à entretenir ces machins là, et en prime ça te carotte ton héritage pour aller courir la gueuse. Parasites.
Je suis à La Rochelle ces jours ci. J’devais voguer vers l’Irlande, mais ces malandrins ont coulé le bateau dans le port sans sommation. Enfin presque coulé, navré j’suis point encore noyée. Si d’aventure tu devais traverser le Poitou, de toutes façons à part le traverser y a pas grand-chose à y faire, pour te fondre dans la populace de péquenauds du coin, n’oublie pas de prendre ta cuiller de miel chaque matin au lever. Ca te rendra l’âme douce et le cœur plein de bons sentiments.
Sinon, fais-toi devin, y a des places garanties pour les bons disciples de Nostradamus.
Tiens, raconte moi un peu c’que tu fais. Ca me distraira, et peut-être qu’on pourra s’entendre sur l’héritage. J’ai une ou deux idées.
Prends soin de toi mais pas trop
Bert’


Et de un. Amical, fraternel, rien à ajouter.

Citation:
Traîne-savates alors,

Que veux-tu y en a qui réussisse pis y en a non. Tu mendie toujours ta pitance auprès de mieux garni que toi ?

Je suis à La Rochelle, j’ai voulu faire un peu de cueillette. Maintenant je passe devant la commission de bonne conduite. Les braves feraient se consumer l’Inquisition, ils ont une science de la devinette qui dépasse l’entendement. Mais peut-être que l’air de marais ça te bouche le tarin et t’écarquille les mirettes. Va savoir.

Reste bien loin ma foi, j’suis certaine qu’le vieux serait heureux de lire tout l’amour filial qui transpire dans ta lettre. J’lui en ferai la lecture à la veillée, tiens. Il aimera.
J’avais besoin de tes bras, parce qu’ils m’coûtent rien.

Bon tu vois, je m’ennuie dans le port, et avant que tu l’barbouilles, nan j’vends point les maigres attributs que tu me prêtes à des machins dont tu sais plus même si c’est d’l’être humain ou du poisson amélioré. Qu’est-ce que tu es aller t’balader dans le Nord ? Me dis pas que tu cherchais tes racines et tout le tintouin, c’est tendance d’chercher sa famille et d’perdre la boule, mais je te voyais dans le plus original.

Sers à quelque chose tiens, et distraies moi.
B.


Vélins pliés elle se leva d’un bond, jeta une piécette sur la table et se carapata du lieu à la recherche de messagers

_________________
Nizam
    [Fin mars, miteuse taverne au pays normand]

    Son pouce jouait avec l'un des bouts jaunis et cornés de la missive, les plis ajoutés ne se remarquaient plus, la lettre fraternelle ballotait de sa poche à sa besace depuis plus d'une semaine, négligée au vulgaire rang de bout de feuille perdu parmi une multitude d'autres. Derme contre le grain rugueux du papelard, il restait assis là, immobile à ce comptoir où le vernis devait rimer avec nostalgie, creusé par endroit par de poussiéreux coudes d'ivrognes, le bois était sûrement plus imbibé de bière que ne le sera le blond aujourd'hui.
    Sous ses tempes, une courte réflexion mettait en jeu ce qu'il allait bien pouvoir raconter à la frangine qui, aux dernières nouvelles, avait un soudain regain d'attachement aux Devoghel gambadant librement dans le royaume, peut-être l'une de ces bouffées affectives dont seules les femmes sont périodiquement atteintes. Il doutait du vertueux de la démarche, l'encre laissant l'empreinte de son angevine de soeur ne dégoulinait pas d'amour ni de tendresse. Le contraire l'aurait étonné. Des années de silence et elle lui demandait de la distraire, sa compréhension de la pensée féminine avait des limites, mais il le traduisait par un simple "Écris-moi, crétin". Ça ne lui aurait pas tordu le doigt de le demander plus directement.
    Quoiqu'il en soit, Nizam avait ses propres questions pour l'ainée - la vieille - le courrier le rendant tantôt goguenard avec la cueillette manquée, tantôt grinçant de la mâchoire par ses critiques et la mention du paternel. D'ailleurs devait-il justifier son retard ? C'était familial, tel leur cousin flamand et des plus éloignés Bat'e'man* qu'un rien ralentissait, toujours fourré là où il ne fallait pas, quoique dans son cas, malgré le masque, le débit d'informations entre ses deux oreilles ne devait pas excéder celui du discours annuel d'un club de gérontes bègues. Le mercenaire jugea donc inutile de s'expliquer sur ce fait, elle-même n'avait rien dit sinon qu'elle risquait de visiter les geôles poitevines, ce qui à défaut d'éveiller peine ou compassion, amusait blondinet.
    Fusain dégainé sur feuille vierge, bientôt souillée de noir et d'alcool, il prépara enfin sa réponse sans se soucier de la mise en forme.


Citation:
A la cueilleuse du dimanche,

Et j'prends le rôle du traîne-savate quand d'autres s'font choper en croquant la première poire venue ? Y'en a qui réussisse, pis y'en a non, hein. A ce propos il est plutôt véreux ton fruit, j'me demande si le rappel d'bonne conduite te servira à quelque chose, quant à la devinette, ils devaient chercher l'premier étranger à trogne douteuse, t'as pas dû être difficile à trouver.

T'as pas répondu à toutes mes questions, il se passe quoi avec les vieux ? Ils ont toujours su s'occuper d'leurs terres. Je n'attends pas grand chose du paternel, mais maintenant que tu m'intéresses avec c't'histoire de bras, tu crois que ce serait de l'amour filial que d'me pointer chez eux sans prévenir ? J'vais devoir passer par l'Anjou dans trois jours, possibles retrouvailles, on fera dans l'émouvant et j'prendrai le rôle du fils tant attendu.

Si gentil de t'inquiéter pour ma pitance, j'ai l'ventre plein, ce qui n'a pas dû être ton cas si t'as terminé ta bonne conduite derrière la rouille des barreaux. Je n'mendie pas, on me paye pour ce que je fais. Moyennant salaire, je devais aider des flamands dans un voyage menant au Sud, y'a comme eu un problème d'entente avec celui qui organisait ça, le projet annulé j'me suis pas éternisé. Maintenant j'escorte un artésien, du moins je profite d'être avec lui pour m'rendre au Sud en évitant lesdits cueilleurs.

T'as pas trouvé ton bonheur dans la vieille poiscaille du port ? Loin de moi l'envie d't'imaginer en ribaude, je me dis que ce serait pas très rentable.

A ton tour de me distraire, et parle-moi du titre que tu t'prêtes, j'ai un doute sur sa provenance.

N.


Lettre scellée de cire crasseuse, aussitôt flanquée dans un sac de cuir, elle sera donnée au premier coursier rencontré, qu'il paiera à contre-coeur.
_____________________________
*Bateman ici est bien un nom d'origine flamande.
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