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[RP Fermé] Ânani Mhour.

Innommable


    Je suis pas beau. Je fais peur. Personne n'ose m'approcher. On se moque même souvent de moi. De loin, on me regarde, on ricane.
    Je suis grand, mais je suis pas méchant. Je voudrais pouvoir parler aux gens pour le leur dire, mais je n'y arrive pas.

    Quand j'étais petit, ma mère me disait tous les jours que j'étais bête et que je ferais jamais rien de bien de ma vie. Je ne la méritais pas. Je lui faisais honte.
    Lorsque je n'étais pas sage, elle me mettait dans le seau du puits avant de m'y descendre et de me laisser là toute la nuit. Et plus je pleurais, plus elle traînait à venir me récupérer. Alors pour rester silencieux, je fermais fort les yeux et je l'imaginais à côté de moi à me serrer fort dans ses bras pour me rassurer.

    J'aurais voulu être différent. Etre comme elle aurait rêvé. Etre un fils digne d'elle...

    Aujourd'hui, je suis adulte et je n'ai plus ma mère. J'erre un peu en dehors de la ville, pour essayer de ne rencontrer personne, au bord de la rivière. J'évite de me regarder dans l'eau. Les autres ne m'aiment pas, moi non plus.
    J'entends des cris. Je me retourne et me prend un cailloux en plein visage. J'y porte mes mains. Il y a des rires. Je me recroqueville.
Shirine
Cela fait sans doute quelques mois déjà que Shirine a pris ses quartiers au Mans, avec Moran. Sa vie est paisible et ennuyeuse. Ils se rendaient en Bretagne, au bord de la mer, mais le ventre de la rouquine s'arrondissant les a dissuadé de continuer à voyager.
Ils ont posé leurs baluchons au bord de l'eau, même s'il ne s'agit pas vraiment de ce qu'ils souhaitaient.

La jeune femme essaye de tuer le temps comme elle peut. Elle flâne beaucoup, va souvent au marché, lit énormément... Mais elle se sent seule bien qu'il y ait quelqu'un en elle. Moran n'est pas souvent là, et ses amis sont à Genève. Elle n'a pas envie de s'en faire de nouveaux, elle ne pourrait jamais être elle-même.

Ce jour précis où se passe notre histoire, il pleut un peu. Il a plus toute la journée d'ailleurs. Le ciel est gris mais Shirine a finit par décider de sortir prendre l'air malgré le mauvais temps. Elle sort de l'auberge, emmitouflée dans sa cape. Ses bottes claquent sous les pavés luisants du Mans. Elle passe la grande porte qui débouche sur le pont qui traverse la rivière. Elle dépasse le moulin à eau qui tourne paisiblement et aperçoit deux gamins qui ricanent en jetant ce qui semble être des cailloux. Intriguée, elle s'approche. Ils lui tournent le dos, et face à eux, elle distingue une masse sombre recroquevillée sur elle-même et qui semble être leur cible.

Elle fronce le nez et s'approche d'avantage, levant chacun de ses bras pour attraper une oreille de chaque garnement. Elle tire fort, sans aucun scrupule. Les enfants protestent et lui attrapent les poignets pour se défaire de son emprise.
Mais ils sont jeunes et un peu rachitiques. Elle n'a pas de mal à les tenir en respect.


Allez plutôt balancer vos trucs sur la belle demeure de l'Evêque de la ville. Au lieu de vous en prendre à un pauvre gars qui a l'air plus malheureux que vous. Bande de crétins !

Elle tire encore un peu sur les oreilles, pour les tourner vers la ville qui se détache dans la grisaille, puis les lâche.

Allez ouste !

L'air mauvais, ils déguerpissent sans demander leur reste lorsqu'elle remonte sa manche pour leur montrer sa tête de lion. Elle rit de bon coeur en les voyant courir, jetant des regards derrière eux pour s'assurer qu'elle ne les suit pas.
Les parents de ceux là lui ont été bien utiles à leur raconter des histoires terrifiantes sur le Lion de Juda. C'est que la rumeur court qu'ils mangent les enfants...

La rouquine rabat sa manche et se tourne vers la masse qu'elle n'a pas vraiment pris le temps de détailler.


Ca va ?
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Innommable


    Comme souvent lorsque j'attends qu'un mauvais moment se passe, je ferme fort les yeux et j'essaye de penser à ma mère. Ma mère telle que j'aurais voulu qu'elle soit, douce et aimante. Pas celle que j'avais eu, celle qui m'enfermait dans le noir ou me tapait dessus à coups de bâton. Elle disait que je le méritais, alors je la laissais faire.

    Au souvenir de ma mère, je me mets à pleurer et je me bouche les oreilles pour ne plus entendre les rires moqueurs.

    C'est pour ça aussi que je les laisse faire, ceux qui me lancent des pierres. J'ai surement fait quelque chose qui les a contrarié. Je ne sais pas quoi, mais la raison est surement bonne, comme me le disait ma mère.
    Je m'agenouille dans l'herbe, les bras au dessus de ma tête. Je suis costaud, je m'en sortirais sans blessures graves. Mes assaillants finirons par se lasser et demain ils m'auront surement oubliés. Ca m'apprendra à sortir de ma cachette...

    La caillasse cesse de pleuvoir. Je ne bouge pas tout de suite, au cas où ils attendent que je me défasse de la protection de mes bras pour me faire mal de plus belle.
    Après quelques minutes de calme, mes épaules se détendent et je jette un coup d'oeil. J'aperçois une silhouette et je me cache de nouveau immédiatement le visage. Mais je l'entends me demander si je vais bien. Je trouve ça louche. Je me méfie. Je soulève mon coude pour la regarder d'un oeil.

    C'est une femme. Aux longs cheveux de la couleur des carottes.
    Elle est encore à bonne distance et n'a rien dans les mains. Mon deuxième oeil apparaît alors de derrière la barrière de mes bras.
Shirine
Shirine remarque immédiatement qu'il n'est pas vraiment comme les autres. Elle reste où elle est, pour ne pas l'effrayer. Elle pose une main sur son ventre aussi, pour montrer qu'elle est grosse et du coup pas vraiment dangereuse. Elle observe l'imposante silhouette misérable, en haillons, presque sans cheveux, dégoulinante de pluie. Il semble vraiment terrifié et elle se demande si elle ne devrait pas tourner les talons pour le laisser en paix.
Mais une profonde pitié s'insinue en elle. Elle déglutit difficilement et quelques rides se creusent sur son front.


Je ne vais pas te faire de mal.

Pourquoi la croirait-il ? Il a dû subir des choses bien pires qu'un jet de cailloux par des gosses pour être dans cet état.
Elle regarde autour d'elle, ce qu'elle peut faire pour le rassurer, cherche une idée. Mais rien ne lui vient. Elle n'a jamais fait dans le social. Son truc c'est distribuer des baignes et égorger des curés.

Elle tente alors de se comporter normalement, comme une jeune femme civilisée qui rencontrerait quelqu'un.


Je m'appelle Zoé Lisreux. Et toi, quel est ton nom ?
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