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[RP]Sombre histoire ...

Praseodyme
Praséodyme avait reçu un message … Déjà, en soi, c’était un événement curieux. Praséodyme ne recevait jamais de message. A vrai dire, peu de gens la connaissait, vu qu’elle ne cherchait pas spécialement à attirer la sympathie. Et ceux qui se risquaient tout de même à faire sa connaissance avaient généralement d’autant moins envie de lui parler après. Alors forcément, lui écrire …

Praséodyme avait donc reçu un message … Elle avait réussi à le déchiffrer, ce qui pouvait paraître tout aussi curieux, mais à la vérité, elle savait lire. Certes, elle aurait été bien incapable de vous déclamer sans hésitation les derniers vers à la mode du jeune poète Villon, mais elle savait distinguer le A du B. Elle avait appris toute jeune avec le curé de Mayenne, qui venait souvent visiter sa maman, l’accorte Léocadie Bernouilli, lorsque son papa, Gouesnel Gazélec, s’en allait vendre ses cochons à la foire de Ploudalmézeau ou d’ailleurs. Après avoir demandé à la petite d’aller jouer dehors, ils restaient ensemble un long moment sous le baldaquin, puis le curé, tout rouge, bien essoufflé et fort radieux la prenait sur ses genoux et lui apprenait les lettres. Mais baste, on s’éloigne du sujet.

Vous ais-je dis que Praséodyme avait reçu un message ? Oui. Le plus fort, c’est qu’elle en avait à peu près compris le sens, bien que la pauvre fille ait été dotée par le Très-Haut d’une comprenette à combustion particulièrement lente. Bienheureux les simples d’esprit, dit-on. Sur ce plan là, Praséodyme pouvait probablement prétendre à la béatification.

Un message, je disais. Que Praséodyme avait reçu. A en croire le contreseing, il émanait d’un membre d’une famille avec qui Praséodyme avait déjà eu à faire. Des ytaliens, Cuerdeleone ou quelque chose comme ça. Praséodyme n’avaient rien contre les ytaliens, pour preuve, elle avait brigandé naguère avec profit un évêque ytalien, qui avait même tenté de la convertir dans sa religion. Un homme charmant, à qui elle avait d’ailleurs laissé la vie sauve. Du moment que ces Cuerdeleone la payaient pour l’ouvrage qu’elle aurait à faire, elle se moquait bien qu’ils fussent ytaliens ou berrichons. Et en fait, elle ne pouvait pas saquer les berrichons, de méchantes gens et âpres au gain.

Ce message – vous vous souvenez, celui adressé à Praséodyme – la conviait à retrouver la bande dans un lieu qu’elle ne devait poinct ébruiter, sous peine de risquer les pires sévices corporels. On aurait de l’ouvrage pour elle, à la mesure de ses compétences. Praséodyme disposait effectivement de quelques talents, que certaines fines gueules jugeraient non sans raison rudimentaires, certes, mais que serait le Monde sans sa base ? Le rendez-vous était donné dans les bas-fonds, au beau milieu d’un entrelacs de ruelles sordides, bordées de maisons aux murs lépreux et aux façades borgnes. Une ambiance certes un poil stéréotypée - il y a malgré tout des conventions à respecter, mais apte à faire peur à la plus courageuse des canailles. Ceci dit, Praséodyme était totalement dépourvue d’imagination, et de ce fait, elle ignorait la peur.

Parvenue au lieu indiqué, une sombre bâtisse à moitié en ruines, aux fenêtres barrées de planches, fermée d’une porte dont le bois paraissait complètement vermoulu, Praséodyme s’avisa qu’un mal-intentionné aurait pu tenter de lui tendre un piège, dans le but de la détrousser, de l’étriper, ou pire encore, de lui voler sa vertu. Elle réfléchit un moment, puis se dit que cette dernière éventualité n’était que relativement peu probable. Restait les autres. Elle tenta alors d’échafauder un plan subtil pour déjouer la chausse-trappe. Une fois son plan bien arrêté – un plan simple, mais efficace, elle se campa devant la porte, la fit voler en éclats d’un coup de botte bien appliqué, et se mit à beugler à l’adresse de l’obscurité :


Ho là ! Y’a quinquin, là-dedans ? Cuerdeleone ou qui que tu soye, sors ici montrer un peu ton vilain museau, qu’on voye à voir à quoi que tu ressembles !

Elle attendit, aux aguets, la main sur la poignée de sa miséricorde.
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I'n'y a d'si vilain pot qui n'trouve son couverqu'e !
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    Quelques heures plus tôt. Une charrette stationne à l'entrée de la ville. Aux premières lueurs du jour, les remparts se gonflèrent à la suite de murmures. Corleone. Un nom qui resurgit de l'ombre comme une bête à la gueule ensanglantée. La populace vocifère ou tremble. Les réactions sont multiples. La corde se pare d'une nœud coulant au fur et à mesure que les jours passent. Chaque action, chaque parole est un pas de plus vers la potence. Passer la corde au cou d'une Corleone Italiano-écossaise, le sang bleu du crime se perd dans des mélanges douteux. C'est ce que certains réprimèrent lors de sa venue. Désormais, ces mêmes pouvaient se targuer de l'avoir dans leur rang. Les choses évoluent. Tout comme les premières impressions. La « paysanne » souffrait d'une non-tenue qui n'a que pour miroir évident son savoir-faire. Même si la nature ne l'a point gâtée, elle se trouve bien habile pour récupérer des bourses. Du moins c'est ce que la rumeur propage à son sujet. Une gouaille étrange à l'haleine chargée d'ail pour mieux recracher à la face le dédain requis pour les propos acerbes.

    Mustélide et « Paysanne » réunies pour une nouvelle rencontre. Sans doute plus courtoise. La première traîne ses guêtres dans les mairies. Puisque pour elle, le pillage est l'art-roi de la détrousse. Une gratification emplie de gloires, de prestiges dans le milieu. La seconde évolue dans la boue ou la poussière des chemins pour mieux alléger les inconscients aux bourses trop pleines. Dit ainsi, on pourrait croire que c'est une fille de petite vertu. Pourtant des deux la plus apte à s'adonner au stupre n'est pas forcément celle qu'on croit. Deux personnalités, somme toute bien différentes à première vue. Et pourtant. L'une n'est que la déviance de l'autre. Certes pas dans son extrême. Mais tout de même. La mustélide est belle, l'autre a un physique disgracieux. L'une est maniérée selon sa compagnie, l'autre est brute. Un miroir déformant ou presque. Les deux sont rusées à leur façon. Une sotte ne fait pas long feu dans cette chienne de vie. Alors c'est qu'elles possèdent un peu de jugeote. La Corleone se targue d'être intelligente. Hélas, aucun plan est infaillible et personne est invincible. Son extrême confiance en soi dégage une forte dose d'arrogance. Ce qui a tendance à exaspérer ses contemporains. Là encore la résumer à ceci reviendrait à arpenter bien des raccourcis. Mais le sujet n'est pas là.

    Pas de curé qui s'occupait de sa mère. Puisque celle-ci perdit la vie alors que la Bella était une mouflette chétive, le teint maladif. Bien loin de ce qu'elle est aujourd'hui. Son père, un chef de clan écossais, menait les affaires d'une main de maître. La rigueur des saisons froides l'endurcit. Puis son départ pour la France avec son long séjour en solitaire. Une survivante des milieux hostiles. Ses combats dans les arrières-cours des bouges. Sa première rencontre avec sa Brune. Décidément, depuis quelques temps le passé n'avait de cesse de refaire surface. Comme un crochet en pleine gueule. Heureusement que la suite fut plus douce. Même si la guerre n'a rien d'une partie de plaisir. Désormais, elle vivait de larcins et l'une de ses préférences se trouve dans les rencontres. Vieux, beaux, moches, débutants, expérimentés, gloires en perdition, futures étoiles. Tous avaient des personnalités différentes. Tous étaient animés par des motivations diverses. La plupart pour l'appât du gain. D'autres pour soit disant la libération des peuples. Les Corleone recherchent juste la Gloire. Aucune cause véritable retient leur attention. Du moins jusqu'à présent. Dieu seul sait ce qu'il adviendra demain. Et parmi ces êtres vils, ces arsouilles, ces fifres, ces ribaudes, se retrouvent un point commun lors des premiers échanges : la méfiance. Ce sont tous des traîtres en puissance. Certains sont plus sensés que d'autres. Or, au sein de la famiglia on cultive l'art de la Vendetta. Le moindre manquement à la parole donnée est sévèrement réprimandé.

    Malgré ça, c'est une mustélide presque sereine qui rejoint le cloaque de la fixette. Avant-gardiste. Sa compagne, désormais épouse, avait écrit à Praseodyme pour lui proposer une entente. Rien de bien grandiloquent. Une mise en bouche. Puis quand on dispose de certains talents autant en faire profiter les autres. Les pas de la Fougueuse la conduisent au point de rendez-vous. Un lieu crasseux. Un stéréotype du genre, sans doute. Mais le seul endroit où la milice ne rôde pas. Un détail loin d'être négligeable. La lourde se referme dans un grincement caractéristique. Une brève inspection de la pièce. Puis elle arrange deux chaises - les moins bancales - et une petite table dans un coin d'ombre. Elle prend place dans l'obscurité. Il faut savoir soigner son entrée. Même si c'est cliché. Le temps passe. Sérieuse, trop peut être. Soudain la porte s'ouvre en fracas et une silhouette plus ou moins familière apparaît.


    Ho là ! Y’a quinquin, là-dedans ? Cuerdeleone ou qui que tu soye, sors ici montrer un peu ton vilain museau, qu’on voye à voir à quoi que tu ressembles !

    Elle se fend d'un éclat de rire bien sonore. Rien ne pouvait la contenir en cet instant. « Cuerdeleone », « qu'on voye à voir à quoi que tu ressembles ! » ça c'était de l'entrée en matière ! La mustélide, souriante, se met à applaudir. De la moquerie ? Certainement pas. Elle cesse puis allume une bougie afin de révéler son vilain museau. Pas qu'elle soit ravie de la revoir. Il faudra du temps pour ça mais sa venue était bénéfique.

    Paréo...euh...Praséo...hum...Dyme ! Entre !

    Dit-elle d'une voix chaleureuse. On attire pas le chaland sans un bon accueil. Puis elle songe au fameux « Dyme ». Vrai que ce diminutif pourrait lui aller à merveille. Praséo est un peu une soudoyeuse de taxes à sa manière. Que ce soit sur les revenues agricoles ou non. Et au nom de l'église ou pas importe peu. Elle ouvre une flasque d'un tord-boyaux dont elle sert une bonne rasade dans un verre noirâtre. Bizarrement, il se délave au contact du liquide. Ses doigts poussent légèrement l'offrande alcoolisée vers l'autre côté de la table à l'attention de sa convive.

    Viens donc boire un coup...

    Elle range alors dextre et senestre pour les passer sous la table. L'une sur le manche de sa dague toujours prête à l'emploi. Ce n'est pas parce que la rencontre se veut cordiale et pour les affaires, qu'il faut faire n'importe quoi. De toute façon, Laell, ne devrait pas tarder pour s'assurer l'avantage du nombre. Il n'y a aucun autre échappatoire que la porte d'entrée. Si bien que la marche est fermée par son Italienne si le cas échéant, une entourloupe devait se produire. Sans aucun doute que son interlocutrice a aussi pensée à tout. Ou peut être pas. A vrai dire, elle ne craint rien en particulier.

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Praseodyme
Rien que le silence et les ténèbres … Puis, tout à coup, un rire de femme fuse du fond de la masure, accompagné du claquement de paumes que l’on heurte l’une à l’autre. Une lueur soudaine, illuminant par en dessous un visage fantomatique. Mort de Dious, v'la t’y donc pas que ce serait le Diantre, tout de même ? grommelle Praséodyme.

Ho là ! Qui vive icelieu ?

Une voix l'appelle par son prénom, l’invite à entrer. Et à venir boire. Ouais, ça, ce serait poinct de refus, se dit-elle.

Comme une phalène attirée par la lumière, elle se risque à faire quelques pas, et elle pénètre dans la pièce, avec une prudence extrême. Elle en fait lentement le tour, le dos au mur, son regard allant du rectangle faiblement lumineux de la porte à la pauvre clarté de la bougie. Puis elle guette les recoins sombres, un coup d’œil à la charpente noyée dans la pénombre, des fois qu’un pèlerin s’y dissimulerait. La pièce est vide, elle ne distingue rien d’inquiétant, mais l'œil n’est pas ce qui compte le plus. Elle renifle puissamment, bruyamment, comme une bête, un sanglier sur la défensive. L’odeur, ça ne trompe pas … Tous les hommes ont la leur, et puissante, même s’ils ne s’en rendent pas compte. Les nobles et gens de qualité sentent la pommade et l’eau parfumée dont ils s’oignent pour cacher leurs relents. Les gueux ne cachent pas, ils sentent la sueur et la pisse. Pour l’heure Praséodyme ne sent rien d’autre que l’odeur de cuir et de cheval de la fille, celle de la bougie et celle de l’alcool dans le gobelet. Elle s’en enfilerait bien une lampée, histoire d’alléger un peu la tension qui règne dans la cambuse.

Elle s’avance lentement vers la fille qui l’attend, attablée au fond de la pièce. Du pied, elle fait glisser une chaise sur le côté de la table. Ne pas tourner le dos à la porte, c’est la prudence élémentaire. Mis à part quelques indécrottables solitaires de son genre, tous les malandrins vivent en bande, et il y en a sûrement un ou plus, dehors, attentifs à ce qui se passe à l’intérieur. Elle tourne sa trogne vers le visage de la donzelle, et le scrute avec toute l’attention dont elle est capable. Elle est certaine de l’avoir déjà vue, malgré la faible et dansante clarté de la chandelle qui lui déforme les traits. Une de la bande des ytaliens. Pas la plus tendre. Hautaine et cassante, la fille lui a bien signifié qu’elle lui était supérieure, et qu’elle pouvait la liquider à tout moment. A bien se souvenir, ils lui ont tous plus ou moins signifié ça. Mais elle n’en a cure, les mots restent les mots, et pour Praséodyme ils ne pèsent que peu. Pour la liquider il faudra que l’autre l’approche d’un peu prés. Et là ...

La fille a caché ses mains sous la table. Praséodyme ricane. L’autre tient une arme, c’est certain. Praséodyme, sous son lourd capuchon de drap, est vêtue comme en guerre, d’un vieux haubert un peu trop ample et de cuissots de fer piqués de rouille. C’est moins confortable qu’un pourpoint de soie, mais une lame glissera dessus, épargnant les points vitaux. Mais ce n’est quand même pas une raison pour se faire percer. Elle écarte doucement ses grosses pognes et les pose à plat sur la table. Elle voit que l’autre se méfie – avec raison. Elle a beau être agile et armée, si Praséodyme la cramponne, elle lui écrasera la gueule à coup de poings en un tournemain. L’autre ferait moins sa mijaurée, pour le coup. Mais on n’en est pas là.


Toi, je te remets. T’es une d’avec les ytaliens, pas ?

Elle a dit ça juste pour causer, elle connaît la réponse. Elle réfléchit à toute allure, consciente d'une sourde menace. Certain qu’elle n’a pas craché un morceau qui ne fallait pas à propos de cette bande là. Elle ne voit pas bien pourquoi ces gens auraient des griefs après elle. A moins qu’elle ait jacté un soir de beuverie, allez savoir. Une fois dans les bras de Saincte-Boulasse, on ne contrôle plus trop ce qu’on dit, ni ce qu’on fait, et après on ne se souvient plus de rien. Et cette fille n’a pas l’air de plaisanter. Avec elle, le sévice est toujours compris.

Le gobelet attire sa main comme l’aimant la limaille. Elle le cramponne, le vide d’un trait – Crédiou, ça tuerait un bœuf, fait claquer sa langue, repose le gobelet d’un coup sec, et remet ses mains bien à plat. Elle se détend un peu, décidée à être aussi urbaine que possible – dans la mesure de ses possibilités, bien entendu. Un coup d'œil rapide vers la porte, elle esquisse une vilaine grimace en guise de sourire, et lui dit de sa voix de rogomme :


Alors, la belle ? C’est de quoi que tu veux me causer, pour l’heure ?
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I'n'y a d'si vilain pot qui n'trouve son couverqu'e !
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    C'est bien ce qu'elle pensait. La Dyme est loin d'être une idiote patentée. Elle est pernicieuse, une grippe-sou au groin aquilin. Drôle de mélange. Lier la cochonnaille aux rapaces. Les espèces procurent de ces bizarreries. La mustélide l'observe sans dire un mot. Rien de plus que sa précédente invitation. Visiblement sa convive jauge les forces en présence ou plutôt les lieux. Puisque de protagoniste dans cette pièce, il n'y en a pas moult. La lueur danse sur ses pupilles sous les vacillements de la bougie. La cire s'écoule lentement. Chaleur intense et rassurante. Les pieds de la chaise grincent contre le sol alors que la « taxe » la déplace pour s'assurer une meilleure position. De son assise, elle a désormais un œil vers la porte. Rien ne peut laisser présager que son interlocutrice est lourdement parée. Éventuellement un léger cliquetis trahissant ce qu'elle dissimule. Mais la mustélide n'en a cure. Chaque rempart a son point de faiblesse. Les jointures sont étroites mais suffisamment spacieuses pour y glisser une lame.

    Bien que ce n'est pas son intention, à la force brute la Dyme a l'avantage. Maintenant mettre ses mains sur la table est une possible erreur. Une faille. Avec rapidité, elle pourrait y planter sa dague la retirer brusquement. Sa victime prise par le delirium causé par l'état choc propre à la douleur aurait des réactions moins réfléchies. Mais dont l'adrénaline provoquée par l'attaque et la vue du sang contrebalance en défaveur de l'assaillante. Si cette dernière arrive à se remettre de ses émotions, elle peut figer sa lame en direction du visage. L'arcade sourcilière offre une « aspérité » propre à la guider un coup sur deux vers l'œil qui sera crevé. De là, si la froideur la dévore et qu'elle ne défaillit aucunement, son dernier point d'impact se trouvera au sein de sa carotide. Sachant que chaque assaut trouve aussi sa parade. Alors si jamais elle devait songer à la façon d'ôter la vie, son plan serait voué à l'échec car l'inattendu est toujours présent. D'une voix agréable et claire, elle se contente de répondre à sa première question.


    Oui, c'est bien ça. Enjoy Corleone.

    Leur seconde rencontre change de la première. Le lieu n'est pas le même, le contexte non plus. La raison encore moins. Et puis sous les ponts coulent bien du sang pour étancher les gorges avides. Le gobelet claque sur la table. Elle se dévoile légèrement et prend une posture offrant bien des faiblesses. Les jambes se croisent, ses mains délaissent les crocs acérés de sa défense et ressert une bonne flopée dans la foulée. Elle pose la petite bouteille dans un coin de table. Et dextre se dissimule de nouveau. Prudente. La dyme n'est pas faite du même bois que les autres. La sous-estimer reviendrait à commettre une grossière erreur. La mustélide repose ses iris sur elle.

    Bien, je te propose que nous entrions en affaires toutes les deux. Une entente réciproque. Tu me fournis tes talents en échange d'une rémunération équitable. Tu seras traitée comme les autres. Pas moins pire. Et comme je m'en doute, tu pourras regagner ta liberté une fois le contrat achevé.

    La Corleone n'en dit guère plus. Même ici les murs ont des oreilles. Puis quand bien même, elle les trancherait. Cela ne suffirait pas. Faudrait s'attarder sur les yeux, les langues et s'en faire un collier en guise de dissuasion. De toute façon, les « recrues » ne sont mises dans la confidence qu'une fois qu'elles en sont jugées dignes. Ce qui pour certaines peut prendre du temps. La Dyme n'est pas une débutante. Si c'était une ribaude, le tout Paris aurait goûté à la chaleur de ses cuisses. Avoir un ajout d'expérience n'est pas négligeable. Maintenant elle revient à ce qu'elle a soumis. Cette notion d'équité. C'était vraie. Par contre la véritable égalité n'est que poudre aux yeux. De quoi l'appâter, lui faire croire que sa place sera la même que celles de ses cousins et cousines. Vieux ou jeunes. Le passage sur la « liberté » a tendance à réjouir la lie de la société. Aucune entrave, aucunes chaînes. Pourtant personne n'est réellement libre. Et dans le milieu, la Fougueuse apprécierait d'être une tortionnaire. Afin de s'entourer d'esclaves. Ainsi la servilité lui offrirait le gage d'une présence à long terme. Non, l'habituel coup d'un soir comme un beuglard trousse une catin après avoir reçu son obole.

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Laell
Elle avait laissé sa Brune partir devant, s'installer et attendre la paysanne qu'elle avait contactée un peu plus tôt. Il lui restait encore quelques courriers à écrire pour s'assurer de la présence de chacun. L'organisation prenait du temps mais, l'Italienne était largement soutenue par son Ecossaise, ou plutôt l'inverse, ce serait sans doute plus proche de la vérité. Depuis leur rencontre, le couple partageait en plus de leur couche, la même volonté d'avancer, de faire renaître cette famille qui était la leur, de redorer le blason de Spiritu Sanguis. Ainsi les tâches s'étaient divisées d'elles mêmes. Laell menait la famille au grand jour tandis que dans son ombre, celle qui avait su dompter son coeur lui donnait les conseils et la force nécessaires pour nourrir leurs ambitions. Depuis des mois, l'Ecossaise préparait bien plus que l'Italienne, se renseignant, recrutant, écrivant. Jamais on aurait pu rêver meilleur bras droit et Laell elle même, dans sa position de seconde de Rod, faisait pâle figure au cotés de sa Brune.

Le lieu avait été comme toujours réfléchit, il fallait un endroit qui mette tout de suite la future recrue dans l'ambiance. Sombre et puante. Une bicoque délabrée dans un quartier à son image.
Dans l'encadrement de la porte restée ouverte, la Brune souriait. Elle venait à peine d'arriver et s'aperçut rapidement que sa femme ne l'avait pas attendue pour exposer plus clairement les raisons de cette invitation.

Et bien ? On laisse les portes ouvertes maintenant pour parler recrutement ? Penses tu avoir d'autres visiteurs attirés par tes mots ?

Le ton était taquin. Elle savait combien Joy était méfiante et l'occasion était trop belle pour la laisser passer.
La lueur de la bougie posée sur la table devant sa femme faisait danser les ombres sur son corps, la rendant encore plus mystérieuse tandis qu'elle accentuait les traits de la paysanne. La scène semblait tirée d'un conte pour enfant, une belle princesse côtoyant ce qui ressemblait à une sorcière aigrie. Leurs silhouettes se dessinaient sur les murs dans leurs dos, dodelinantes au rythme de la danse de la flamme qui vacillait sous le léger courant d'air apporté par la porte restée ouverte, dansant l'une avec l'autre sans se soucier des mots échangés. Le regard de Laell se posa sur Praséodyme. La gueuse n'avait pas meilleure allure qu'à leur première rencontre et déjà un verre trônait devant elle. Un léger sourire étira les lippes italiennes tandis qu'elle s'avança d'un pas.

Espérons qu'elle ne s'endorme pas cette fois.

Sa voix était teinté d'amusement, elle avait côtoyé nombre de crasseux, tous plus puant les uns que les autres, d'arsouilles s'alcoolisant jusqu'à plus soif, tombant dans un profond sommeil dont certains ne s'étaient jamais relevés. Mais les Corleone travaillaient aussi avec les plus beau, nobliots ou de haut rang, leurs services savaient toujours être apprécié.
Elle s'adossa au chambranle de la porte, coupant toute retraite possible mais surtout souhaitant rester dans l'ombre quelques instants. Il est toujours agréable de savourer l'idée de la crainte créée chez l'autre. Sans doute que Praséo se sentirait piégée et c'en était plus drôle pour la brune. Mais n'était ce pas déjà le cas finalement. Elle avait répondu à l'invitation et s'était déplacée dans l'endroit choisit par ses hôtes, comme le rat qui s'engage dans la nasse pour ne plus en sortir que par la seule volonté de ses tortionnaires.

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Praseodyme
Ouais, Corleone ... C'est bien ce nom-là.

Corleone, c’est un nom connu dans le milieu. Travailler pour eux peut présenter des garanties. Les coups sont sérieux, pas comme avec quelques traîne-patins qui vous promettent monts et merveilles et vous conduisent droit à être suspendue par le col aux échelles patibulaires de Messer le Roy, que Dieu veuille bien toujours Le tenir en Sa Saincte Garde. Avec les Corleone, on devrait pouvoir s’emplir aysément les poches sans avoir trop besoin de se creuser la tête. Et puis, il faut bien avouer que Praséodyme en a parfois assez d’œuvrer en solitaire. Il est de plus en plus difficile de trouver des quidams qui se promènent sur les chemins avec tout leur pécule, des qui ne veuillent pas risquer leur pauvre vie pour défendre leur maigre avoir. C’est que les routes ne sont plus très sûres, de nos jours. Vous n’imaginez pas le nombre de tire-laine acoquinés en bande qui vous guettent au détour, prêts à vous détrousser, voire même pire. Au point qu’on se demande à quoi faire peut bien être payée la maréchaussée. Une vraie honte pour les Royaumes, ma pauvre dame. On risque sa peau tous les jours que fait le Très-Haut, et pour gagner quoi ? Sans parler qu’on est mis en procès pour un oui pour un non par une quelconque crapule de procureur. Alors elle écoute attentivement ce qui lui dit la fille. Elle ne comprend pas bien tous les mots, mais elle saisit le sens général. Un contrat. On la paye pour ce qu’elle sait faire. Et après on lui fout la paix. Cela lui convient.

Elle s’apprête à répondre quand tout à coup, du coin de l’œil qu’elle a laissé aux aguets – la confiance est une chose, la négligence une autre – elle distingue une silhouette noire s’encadrer dans la clarté falote de la porte. Comme si elle avait vu la vouivre en personne, elle se jette brusquement en arrière, envoie voler la chaise et le dos collé au mur, elle sort sa longue lame. Piégée ! Ces deux catins l’ont piégée. Elle le sentait confusément, mais cette fois-ci, elle s’était résolue à faire confiance.
Tu vieillis, ma fille. Tu feras pas de vieux os à ce train. Elle estime la distance qui la sépare de la sortie. Elle ne connait rien à la géométrie, mais d’instinct, elle sait que la ligne droite est le plus court chemin pour l’atteindre. Elle ne connait rien non plus à la stratégie, alors son plan est simple. Foncer dans le tas, bousculer l’obstacle et disparaitre ! Elle ne distingue qu’une silhouette vaguement féminine. Et la voix qui s’élève, légèrement moqueuse, est celle d’une femme.

Elle hésite, se balance d’un pied sur l’autre en grognant, reniflant, elle cherche son meilleur élan. Elle évalue ses chances d’écarter la femme de la porte. Elle surveille l’autre fille. Pour le moment, celle-ci est restée assise, et n’a pas l’air menaçante. Comme si rien de dangereux n’était en cours.

Le temps reste un instant en suspend. Alors Praséodyme rompt le silence, juste pour entendre un son rassurant, celui de sa propre voix.


T’es qui, toi ? Une autre des Corleone ? Et tu veux quoi ?
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    Une voix s'élève au creux de leur discussion. Sa Brune venait de faire son entrée coupant toutes possibilités de retraite. Pour une fois qu'un plan échafaudé fonctionne, elle n'allait pas s'en plaindre. Pourtant, l'idée fut lancée à la hâte. A croire que la précipitation offre une défense contre les imprévus. Alors que la préparation aux petits oignons souffre à chaque fois des divers changements. Heureusement qu'elles ont toujours une parade, une porte de sortie pour suivre un autre embranchement. Sur l'instant on râle, on peste, on grogne, on renifle. A l'instar de Dyme qui se lève brusquement envoyant valser sa chaise. Arme en poing. La question sort de sa boite comme un diablotin.

    La mustélide ne bouge pas d'une oreille. Elle observe, attentive. Son Italienne s'amuse à la chambrer et l'autre déchante. C'est intéressant de constater comment une situation s'inverse. Comment un prédateur peut devenir une proie en une fraction de seconde. La Macdouggal-Corleone se redresse sur son assise, puis la délaisse d'une nonchalance extrême. Elle ressert un énième verre de ce tord-boyau à déchirer les entrailles. Puis jugeant la pièce bien trop obscure ou atteinte d'un grain de folie passager, elle jette la boutanche dans un coin. La poutre accueille le projectile qui s'écrase, au milieu d'autres bouteilles de la réserve, dans un bruit familier. L'alcool contenu se répand légèrement au sol. La mustélide se saisit alors de la bougie. Et d'une timide flammèche naquit un feu de joie. La forte teneur en alcool propage les flammes. La table est retournée pour les attiser, non sans avoir récupéré au passage, le gobelet au liquide étourdissant. Le spectacle est détonnant. Hors de propos. La surprise est totale. D'une démarche féline, elle effleure le giron de l'acculée. La mustélide s'envoie dans le gosier la liqueur indélicate puis retient une légère grimace.


    Viens !

    Sans demander son reste, elle file rejoindre celle qui attend sur le seuil. Une main tendre lui caresse furtivement la hanche, puis la Fougueuse s'éclipse à l'extérieur. Visiblement ses deux comparses ne tardent pas à suivre son sillage. La clémence du jour est bien plus délectable que l'odeur des chairs calcinées surtout lorsqu'il s'agit des siennes. La ruelle grouille des immondices du quartier. Un rat crevé étale ses tripes dans le caniveau. Le maigrelet râtelier d'un édenté se découvre sous sa barbe grisâtre à la vue des spécimens. Foire aux bestiaux. Pouliches aux croupes incendiaires mettent en émois ces apprentis étalons sur la béquille. Ils iront étouffer leur fantasme grossier dans un râle bestial à l'arrière d'un bouge. En solitaire ou avec un caprin. Triste monde. Il la dégoûte et l'étreint. Elle, la bourgeoise de la détrousse. Cultivée dans les terres rocailleuses sous les assauts du froid mordant. De sa naissance jusqu'en ce jour, il fallu bien des drames pour la façonner. Tendre fillette et désormais impitoyable Corleone.

    Ses onyx éclaboussent de mépris l'ensemble de la faune locale. Ils ont des trombines à faire pâlir un mort. Tandis que les représentantes de la famiglia contrastent de leurs épidermes fauves. Couleur atténuée, mate, exotisme de l'autre côté des Alpes. La fange de l'Europe est de sortie depuis leur Sicile natale. La Bella se pique d'une curiosité sans failles devant les réactions de la Dyme. Pauvre hère qui vient tout juste de palper l'essence même de l'expression « Je suis partout chez moi. » Le chiard l'évoque à tort et à travers. Faut se les supporter ces braillards mais ils représentent le futur. Le flambeau d'une suite dorée ou non. L'âme de l'emblème s'estompe peu à peu et ne leur fait qu'occasionnellement de l'ombre. Et si le Mal' était le porteur de la torche de son bûcher. Son désir est de disparaître dans un immense brasier. Qu'elle ne redevienne que cendres et que l'Ouest la transporte. Ainsi, elle sera lavée. Non plus souillée, les mains entachées du sang des autres. Et surtout ne plus sentir la boue nauséabonde coller à ses bottes. Mais pour l'heure, les marches vers les sommets sont taillées dans le roc. Tranchant, brutal, sans équivoque. Tandis que l'incendie gagne du terrain et que les flammes embrassent les poutres, elle s'adresse une nouvelle fois à leur hôte d'infortune.


    Alors acceptes-tu notre offre ?

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Praseodyme
Un embrasement soudain vient ajouter à la complexité de la situation. Cette fille est folle à lier, elle vient de foutre le feu à la pièce. Praséodyme se sent envahie par une terreur animale. Le feu, c’est la peur irraisonnée, l’horreur de finir comme une pièce de cochon grillé, la douleur atroce causée par la morsure des flammes. Quoi que certains disent que l’on meurt avant, asphyxié par la fumée et le manque d’air. Le feu mange l’air avant que de vous manger, à ce qu’on dit. Mais elle n’a pas envie de vérifier la théorie.

Contre toute attente, la fille en passant près d’elle l’invite à sortir. Elle ne se montre décidément pas menaçante. De toutes manières, la menace du feu est plus pressante que celle des deux Corleone. Elle lui emboîte le pas, toussant et crachant, au milieu des escarbilles.

Elles sont dehors. L’air est glacial, en comparaison de l’intérieur, elle aspire goulûment, elle tousse à s’en étrangler. La question la cueille à froid. Leur offre ? Sans réfléchir, trop contente d’être sortie du brasier, elle s’entend répondre, sans trop savoir ce à quoi elle s’engage :


Ben ouais, ben, pourquoi non ? Je veux bien marcher avec vous z’autres, si vous me prenez comme commensale. Par le Diantre et son train, vous m’avez l’air d’être sacrément montées, pour des donzelles ! Ah ça oui, pour sûr !

Et comme un mâtin s’étant trouvé un nouveau maître, elle leur emboîte le pas sans plus se poser de questions.
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I'n'y a d'si vilain pot qui n'trouve son couverqu'e !
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