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[RP] Hostel Sulignan, appartements de la Dame d'Honneur

Annaell
Annaell venait de mettre au monde deux jumeaux, et s'était retirée dans sa chambre au manoir Sulignan, profitant d'une sieste de la Reine pour prendre elle aussi un peu de repos. Ici aussi, les murs étaient tendus de noir. Annaell portait non seulement le deuil pour la soeur de la Reine, mais aussi pour sa propre soeur... Astrid, sa cadette, dont elle avait appris le décès seulement la veille.

Dans la pénombre de la chambre, la jeune femme prépara son nécessaire d'écriture et porta une bougie sur son bureau. Elle tira la chaise et prit place... Quelques instants plus tard, la plume d'oie courait sur le parchemin.


Citation:

    D'Annaell de Kerloc'h,
    À Ysolde de Kerloch.

    Ma chère petite soeur,

    J'espère que cette lettre te parviendra. Je n'ai pas eu de tes nouvelles depuis quelques semaines mais l'on m'a dit que tu étais toujours à Saint Pol.

    J'ai à t'annoncer à la fois une bonne nouvelle, qui te concerne de près, et une mauvaise, mais qui te concerne d'assez loin. La mauvaise tout d'abord : je viens d'apprendre le décès d'Astrid, ma petite soeur qui avait ton âge, fille de mon père Cyriusblack... J'en suis profondément chamboulée car elle était en pleine santé et j'ignore ce qui lui est arrivé. Mais nous en parlerons plus intimement, quand nous nous verrons...

    Car j'espère te voir très bientôt : sache donc que je viens de donner naissance à Roxane et Johan de Kermeur, deux jumeaux en bonne santé, et que tu es donc leur tante. Je serai très heureuse que tu viennes les rencontrer !

    Je me trouve actuellement à l'Hostel Sulignan, à Rennes. Je suis devenue dame d'Honneur de sa Majesté Eleonor de Sulignan, Reine de Chypre, de Jérusalem et d'Arménie. C'est une jeune fille d'à peu près ton âge, qui vient elle aussi de perdre sa soeur qui était reine avant elle. Elle est polie et aimable, et je l'apprécie. Je pensais à te proposer une place de demoiselle de compagnie à ses côtés, mais je sais que tu n'aimes guère les froufrouteries inutiles... Aussi, voilà mon idée : ton travail serait de surveiller la Reine, une sorte de garde très rapprochée, avec une ou deux armes cachées sous tes jupons. Ainsi tu serai la première à pouvoir intervenir si on la menace. Je pense même qu'il serait bon qu'elle ignore que tu sois son garde du corps et qu'elle te crois inoffensive.

    Réponds-moi vite si cela t'intéresse.

    Bien à toi,

    Annaell

    Fait à Rennes,
    Le dixième jour du mois de septembre de l'an de grace mille quatre-cent soixante.


~ Balise [RP] mise par JD Eleonor, modo ~
_________________
Ysolde
Quelque part, dans une taverne:

La jeune Ysolde avait erré un peu de ci et delà suite au mariage de sa soeur. Elle ne savait pas encore tout à fait ce qu'elle voulait. Et puis sur la route elle avait subi une attaque en règle de quelques personnes qui ne semblaient pas porter en leurs coeurs les bretons.
Elle avait donc dû prendre le temps de se reposer.
Elle reçut donc un courrier, et alla jusqu'à la place du village afin que l'écrivain public lui lise la lettre. Elle fronça légèrement les sourcils à l'annonce de la mort d'Astrid, essayant de se souvenir si elle l'avait aperçu.
Elle sourit ensuite à l'annonce de la naissance des jumeaux. Elle écouta la suite avec attention, et esquissa un sourire amusé, en voyant l'homme qui lui jetait un coup d'oeil inquiet.


- Poursuis ta lecture.

- C'est que y a rien de plus dame.

- Bien alors réponds lui à présent.

Et elle dicta la réponse.


Citation:
Ann,

Je ne suis plus à Saint Pol, je suis du côté de Chinon je crois. Je suis désolée pour ta soeur, mais ravie pour tes enfants. Je reprends la route de suite pour les voir. Tu crois que cette reine a besoin de moi? Faut-il que je me rende à Rennes?

Ys'



La lettre fut donc envoyée, et Ys', se mit en route.
Annaell
La lettre était brève, rédigée d'une écriture inconnue, plutôt masculine. Apparemment Ysolde n'avait pas encore pu apprendre à écrire... Quel dommage qu'elle n'ait pu rester plus longtemps ici afin de s'y exercer !

Annaell prit la plume pour lui répondre.



Citation:

    Ma belle Ys,

    Je suis heureuse d'apprendre que tu vas venir ! De plus voilà bien longtemps que je n'ai pas eu le plaisir de te voir. Nous avons des choses à nous raconter !

    Quant à la Reine, l'idéal serait en effet que tu te trouves à Rennes, afin de pouvoir te rendre à l'Hostel Sulignan et y vivre auprès de nous. Mais rassure-toi, j'ai toujours un peu de temps pour revenir à Brest au manoir. Tu seras la bienvenue.

    Bien à toi,

    Ann

_________________
Annaell
Citation:

    Au Duc Comte_de_balmora

    Votre Grâce,

    Permettez-moi de me présenter : je suis Annaell de Kerloc'h, fiancée du vicomte Trilo de Kermeur, préceptrice et dame d'honneur de sa majesté Eleonor de Sulignan, Reine de Chypre, de Jérusalem et d'Arménie.

    C'est à sa demande que je vous écris, car sa majesté, bien que Reine en son pays, n'est point encore reconnue par les institutions bretonnes depuis son exil en nos terres. Elle souhaite donc savoir si vous seriez honoré ou fâché de sa présence à votre investiture. En effet, son statut ici étant encore délicat, nous ne souhaiterions pas que son arrivée à une telle cérémonie soit considérée comme un faux-pas diplomatique.

    La Reine souhaiterait cependant vous rencontrer et faire votre connaissance, vous qui êtes à présent Duc de Bretagne, si vous l'autorisez.

    J'attends donc votre réponse pour lui faire part de votre souhait.

    Respectueusement,

    Annaell de Kerloc'h,
    À l'Hostel Sulignan de Rennes,
    Le 19 septembre 1460

_________________
Anne
Dame de Kerlo'ch, connaissait-elle au moins son nom? Non, la sosie royale en doutait. Elle se trouvait depuis quelques semaines dans ce palais glacé, et nulle question quant à son passé n'avait été formulée par quiconque. Comme si - et il y avait sans doute une part de vérité en cela - son passé à elle n'avait aucune espèce d'importance. Seule le potentiel futur qu'elle inspirait retenait leur attention.

Avec son langage approximatif, elle marqua une pause dans son apprentissage de la gestuelle souveraine.


T'a ton des nouvelles de Votre Reine à vous donc? ... S'il vous plait?
La brune naïve avait tenté maladroitement de rattraper sa gueuse phrase parce une note de politesse. Du plus mauvais effet: cela ne rendait le contraste encore plus marquant entre ce qu'elle avait été et ce qu'elle se devait de devenir. Elle s'efforça de replacer son bassin bien aligné avec sa tête, son cou devint rigide comme un arbre centenaire, et son menton reprit la direction de l'au-devant, conquérant et dominateur. Vain espoir que l'attitude adoptée gommerait a minima la la diahrée verbale.

Qu'apprenait-elle déjà à l'instant? A marcher avec une traine aussi lourde qu'elle? A ne pas faire tomber sa couronne alors qu'elle saluerait le roi de France? A ne pas sourire, à montrer la distance nécessaire entre une élue de Dieu et le tout-à-chacun, à afficher ce dédain harmonieusement couplée d'un regard désabusé.

Elle s'exécuta : le menton s'inclina avec délicatesse vers l'avant. Elle sentit un instant sa chevelure se ramener vers le front, transportant avec elle la couronne dorée. Aussitôt, la nuque se raidit, et la tête pencha, ralentissant l'approche de l'encombrant couvre-tête. La bouche pétrie de gouaille s'entrouve pour articuler avec une lenteur excessive :
L'honneur est un vaiiiiin mot quand Votre Grâce me fait l'offrannnnnde de son estimmmmée présence.


Mais ce disant, elle pensait à bien autre chose, ce semblant de reine : qu'adviendrait-il d'elle si la reine véritable refaisait surface? Redviendrait-elle libre à nouveau? Elle en doutait. La rudesse de ces derniers jours lui avait fait rapidement comprendre que son passé était de toute façon à jamais derrière elle. Un frisson courrut le long de sa moelle épinière. Elle s'imaginait déjà, seule blottie dans un cachot, enfermée pour l'éternité, un masque ou une capuiche sur le visage pour cacher cette ressemblance funeste avec une personne de qualité. Elle se voyait également mourir, de la main d'un homme d'arme payé pour la basse besogne, ou directement par l'un des instigateurs de cette nauséabonde mystification. Le Connétable en était capable, elle le sentait.
Pas Dame de Kerlo'ch. Pas elle. Celle-ci semblait bien la seule à se montrer cordiale à son égard. Ou userait-elle du poison? Oh, combien cette mort serait plus douce qu'un coup de poignard.

La sosie laissa échapper un soupir, attristée par tant d'idées morbides.

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Annaell
Resserrant dans le dos du sosie les lacets d'un corset rigide qui devait l'aider à bien se tenir, Annaell corrigeait peu à peu les phrases qui sortaient par heurts de la bouche de la fausse reine. Avec patience, sans brutalité, elle pointait du doigt les erreurs de langage, de prononciation; elle corrigeait d'une main douce la posture du dos, du bassin ou du menton. Tout en tirant fermement sur un lien de cuir, faisant se cambrer la jeune femme, Annaell la reprit, articulant de manière claire et délicate la phrase prononcée :

"A-t-on des nouvelles de votre Reine ?" Vous n'avez pas besoin d'utiliser "s'il vous plaît", sauf si vous désirez vraiment faire un honneur à la personne à qui vous parlez. Vous n'avez pas besoin de demander de permission. Quand vous vous adressez à moi en public, par exemple, le "s'il vous plaît" n'est pas de mise. Préférez un "je vous prie" ferme, qui signifie clairement qu'il s'agit d'un ordre poliment tourné.

La dame d'honneur tourna autour de la fausse Eleonor pour observer l'arrangement du corset, l'oeil expert allant de la courbe de la taille à l'apparition savante de la naissance des seins au creux du décolleté, qui se devait d'être à la fois adapté à la beauté d'une jeune reine et respectueux des convenances sociales et religieuses. Ses doigts répartirent plus équitablement les dentelles qui couraient des épaules à la poitrine, cachant un peu mieux celle-ci, et époussetèrent un cheveu égaré sur le haut du bras. La jeune fille prononçait avec application une phrase apprise par coeur...

Non, non, ne traînez pas si longtemps sur les mots. Votre discours doit être clair, très articulé. Vous devez perdre le reste de votre accent.

La vicomtesse de Kermeur recula d'un pas pour observer la mise de la reine, puis ses yeux se levèrent pour rencontrer ceux d'Eleonor. Elle voyait encore, dans ses prunelles, le manque d'assurance d'une fille de la campagne sans éducation. Annaell fit un petit sourire compatissant, puis dit à voix basse :

Vous savez, je suis née fille bâtarde d'un soldat et d'une paysanne...

Son maintien, le choix de ses vêtements, son port de tête, son langage et son érudition... tout portait à croire qu'Annaell était née dans une famille bourgeoise ou noble. Mais ce n'était pas le cas. Elle ne pouvait donc que comprendre intimement les difficultés de la jeune fille à s'adapter à ce rôle qui lui avait été posé sur les épaules comme une cape trop lourde à porter... D'un geste délicat, elle leva les mains pour redresser la couronne sur la tête brune.
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Anne
Elle? Cette dame élégante, une bâtarde? Une fille de rien? Le simulacre de reine ne chercha pas à cacher son étonnement, mais reprit néanmoins sa dernière phrase prononcée en trainant moins certaines syllabes.
Elle nota en parallèle que la jolie Vicomtesse avait manqué de répondre à sa question sur cette reine qu'elle remplaçait. Par omission ou délibérément?


L'ancienne paysanne redressa le dos, suivant les instructions de son enseignante. Elle doutait beaucoup de ses capacités à devenir une personne estimable. Alors une reine, cela était impensable! Pourtant, alors qu'elle écoutait avec concentration la Dame, elle estima que si celle-ci avait pu devenir aussi accomplie, il n'était pas impossible que sa propre allure paysanne prenne une bonne tournure.

Racontez moi un peu votre "vieu"... je vous "prieu".

Rien à faire, toujours une touche d'accent venez esquinter ses efforts. Elle se mordit la lèvre supérieure, mais reprit une contenance rapidement : tenue du bras, alignement du dos et du bassin, et cou tendu.

... A moi qui n'en ait "plueu" vraiment.

La sosie était lucide, et un brin morose en cette matinée d'apprentissage. Même en essayant d'être la plus concentrée possible, son esprit voyageait par moment vers des éclairs de souvenirs : c'était l'heure où habituellement elle nourrissait les poules; la jument baie devait avoir mis bas depuis quelques jours déjà; un fermier peut-être avait noté son absence... ou pas : les filles de fermes, ça venait, ça partait sans arrêt...

Léger toussotement, et elle entreprit de faire quelques pas dans la pièce sans faire tomber sa couronne. La sosie évitait soigneusement de croiser de nouveau le regard de la noble Bretonne. Le sien devenait trop trouble et chargé de tristesse. Et elle savait que, si le connétable ou la sombre dame Quiou pénétraient à l'instant dans la pièce, elle se ferait sévèrement réprimander. Elle craignait plus que tout ces deux individus. Beaucoup moins, Dame de Kermeur.

... J'ai la "vieu" d'une autre "femmeu" jusqu'à ce qu'elle revienne. Mais si elle revient, je sais "ben".. oui je sais bien qu'on m'ôtera une seconde fois la "vieu". Et cette fois pour de bon.

Elle se signa, comme si elle priait presqu'Aristote d'en finir tout de suite avec cette mascarade irrémédiablement funeste pour elle. La sosie venait de confesseur à ces seules oreilles amicales la terreur qui la tenaillait et s'amplifiait chaque jour un peu plus.
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Annaell
Le chuchotis d'Annaell ne pouvait être entendu que de la jeune fille, car elle s'était penchée tout contre elle, les lèvres à son oreille :

Vous n'avez pas à craindre son retour. Elle est retournée parmi les anges.

Puis la dame d'Honneur se redressa, observant une dernière fois la mise de la Reine, son regard courant sur toute la robe, sur les bijoux, sur les plis délicats de la coiffure sous la couronne. Elle était belle, ainsi. Le port de tête étudié qu'elle commençait à maîtriser rendait à son visage encore un peu rond toute la magnificence qui lui manquait à l'origine, et Annaell eut un doux sourire qui ne s'adressait qu'au jeune coeur derrière la jolie poupée.

Il se fait tard. Vous êtes tendue. Vous risquez d'avoir mal à la nuque demain... vous raidissez trop vos épaules. Nous allons passer votre robe de nuit, vous serez plus à l'aise... Et je vous raconterai.

Les mains de la bretonne s'élevèrent pour saisir la lourde couronne qu'elle retira de la chevelure de la jeune fille et qu'elle posa à sa place, sur un coussin protecteur qui trônait sur un beau guéridon. Puis elle passa derrière sa protégée pour dénouer les laçages du vêtements, qu'elle avait pourtant serré encore peu de temps auparavant, après une suite étourdissante d'essayages variés. Les pans de tissu se relâchèrent peu à peu, dévoilant la chemise du dessous. Annaell libéra la martyre de sa prison de soie et d'ors fins en lui retirant sa lourde robe d'apparat. C'était un moment silencieux, voilé par les bruits froufroutants des vêtements. Un moment de calme. Annaell appréciait de passer de longues heures seule en compagnie de la fausse Eleonor : elle l'avait prise en affection, innocente jouvencelle prise dans une tourmente dont elle n'était pas coupable. La faire travailler à s'élever vers la condition de reine était un véritable défi pour la préceptrice bretonne. Après avoir rangé la robe d'apparat, elle l'aida à passer une robe de nuit, souple et fine, tellement légère qu'on devait se sentir soulagée de la passer après avoir porté un tel poids.

Asseyez-vous... je vais vous aider à vous détendre.

Annaell avait délibérément pris le rôle - en privé du moins - de la grande soeur compatissante. Bien sûr, Quiou et Richard n'en savaient rien. Leurs relations étaient censées rester distanciées. La bretonne se plaça derrière la chaise et se mit en devoir de défaire la savante coiffure des perles qui la parsemaient. Et elle commença à raconter...

Je suis née dans une ferme, au bout de la terre. Mon vrai père était un soldat champenois, qui était venu à l'ouest du Royaume de France pour une mission militaire... Il y rencontra ma mère, Marie, qui était boulangère. Ils entretinrent une courte relation, et mon père partit, rappelé par son devoir. Il ne devait jamais revenir.

Les mains d'Annaell défirent les boucles et les tresses de la couronne de cheveux qui ornait le crâne royal.

Ma mère était enceinte de lui mais l'ignorait encore lorsque son propre père la maria au fils d'un de ses amis. Elle ne protesta pas, puisque l'homme était bon et qu'il savait travailler honnêtement. Personne ne s'étonna de la voir donner naissance à une petite fille, huit cycles plus tard... Et comme l'époux avait les cheveux noirs, l'on ne vit pas diablerie à ce que l'enfant eut les cheveux aussi noirs. C'est ainsi que je suis née, bâtarde mais reconnue. Aodren Kerloc'h, l'époux de ma mère, ne sut probablement jamais que je n'étais pas sa fille. J'ai donc toujours porté son nom, et l'on m'a nommée Annaell ap' Kerloc'h : Annaell, fille de Kerloc'h.

Avec douceur, les doigts de la vicomtesse s'enfoncèrent dans l'épaisseur douce et parfumée des cheveux de la jeune fille. Elle massa lentement, posément, le cuir chevelu, dénouant les tensions et l'angoisse, par des gestes simples qu'en tant que mère, elle savait efficaces.

Le jour où ma mère hérita de la ferme de sa soeur, qui décéda un matin d'hiver, je fus envoyée dans un couvent, avec pour dot à l'église toute la petite fortune que représentait la valeur de la ferme. J'avais un peu moins de dix ans. Un ami marchand de mes parents me conduisit jusqu'en Champagne, où il se rendait, car mes parents pensaient que le climat à l'intérieur des terres serait moins brutal que celui que nous connaissions en bord des falaises, face à l'océan. Dès que j'eus passé la porte du couvent, l'on me donna le nom de Deorann... Deo, Dieu... et Ann, pour Annaell. Une parfaite adaptation de nom pour une petite nonne qui ne parlait pas un mot de français et que l'on devait éduquer sous le regard de Dieu. Ce fut donc ainsi que l'on m'appela, jusqu'à mes seize ans où je fus libre de sortir dans le monde temporel. J'avais appris, chez les nonnes, plus de choses que je n'aurais jamais pu apprendre en restant chez mes parents. Je savais lire, écrire, compter, dessiner. Je connaissais le latin et le français presque aussi bien que le breton. J'étais polie, sage et soumise. Une parfaite petite fille de peu de richesse, que la bourgmestre de la ville embaucha un jour comme petite main à la mairie... Et de ce jour-là, commença une nouvelle histoire qui fit de moi ce que je suis.
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Anne
La vie s'accompagnait de constants changement. Chaque seconde, chaque minute, sans rien laisser paraitre de ces minuscules mutations, entrainait la jeune sosie vers un destin qui faisait d'elle une autre. Une figure qui ne lui appartiendrait plus. Néanmoins, dans le récit que lui faisait la charitable Dame de compagnie, elle comprenait entre les lignes que chaque changement apportait son lot de tristesse mais aussi d'opportunités.
Dans la chambre, deux chandelles dansaient avec les ombres. Les ombres, irait-elle s'y cacher ou affronterait-elle enfin la lumière? Elle crut savoir enfin qu'elle était prête à relever le front et avancer vers l'indomptable inconnu.

Les doigts de son enseignante s'enfonçaient à travers la masse brune de ses cheveux, et l'esprit de la royale sosie se déliait, s’apaisait. Sous la chemise de nuit, son coeur battait à tout rompre, mais non plus de peur. Une excitation nouvelle naissait pour le néant, une curiosité pour le lendemain. Une question lui vint à brûle pourpoint à propos d'un futur beaucoup plus proche :

Que devrai-je dire au Roi bientôt? Qu'est ce qu'ils attendent don' de moi?

Elle se laissa doucement attirer vers l'oreiller du lit somptueux. Le sommeil la gagnait. Elle avait manqué le temps de prière. De culpabilité, elle en murmura avec ferveur les premières phrases. Seul un souffle filait entre ses lèvres, pas un son. Certainement du haut des cieux, Dieu l'entendait de toute façon. Il n'entendrait plus de détresse dans sa pieuse louange, mais de la sérénité.
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