Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Je viens laver son linge.

Cyrielle.
Et p*tain qu'est-ce qu'il est sale.
      - A cause de ça.

    [Auprès de la Cour Brissel, qu'il fait - pas - bon chercher.]

    « Hé mignonne, t’connais un Merlot ? »

    Haussement dédaigneux des épaules, & regard de dégoût. Voilà tout ce qu’aujourd’hui, Cyrielle a pu tirer des catins, des gamins, & même des aubergistes. A croire que la grisaille du ciel a fait de Paris une ville de grognons. Du moins, de plus grognons que d’habitude. Ce qui, on en est bien conscient, relève du miracle.

    Soit, Paris est grognon.
    Cyrielle aussi.
    Les pieds en vrac, avec le bout de bottes qui tire franchement la gueule, les hanches qui craquent, le dos qui plie, & je ne vous parle même pas de son estomac qui gronde à se faire la malle. Fatiguée, de sa journée, du temps de bouseux, de la mauvaise humeur, de traquer un homme pour une poignée d’écus, juste pour que sa nièce puisse récupérer une broutille d’alliance. Mais si Cyrielle a bien une qualité, c’est celle de… non, même pas.
    Elle a juste l’envie, délicieuse envie, qu’Isaure soit sa débitrice.

    Allons, c’est si simple pourtant. Isaure est riche, Isaure est blanche, propre, d’une noblesse pure. Isaure est mariée, Isaure est mère, & Isaure, ô grand jamais, ne voudrait que sa vie se noircisse d’horreur.
    Et si impétueuse elle est, bête, Cyrielle ne l’est pas. L’intelligence voudra qu’elle accepte la requête de sa nièce, présentant là une occasion inespérée de faire ses preuves aux yeux de la jeune noble, & de lui devenir indispensable. Quelques coups comme celui-là, & la tante sera riche.
    Vive l’esprit de famille.
    Du moins, si elle lui met la main dessus.

    « Par les morpions d’une pute borgne, doit bien y’avoir un MERLOT dans l’coin ?!! »

    Et au prochain haussement d'épaules, elle vous met tous la tête au carré.
    Quel est le con qui a dit qu'on devait laver son linge sale en famille ?

_________________
La_croute
    A la cour Brissel, quand on cherche quelqu'un, c'est surtout la cour qui vous trouve...

La cour Brissel et ses alentours est un impétueux et épais maillage. C'est un territoire balisé, un réseau complexe, une forêt urbaine à la faune se meut et s'adapte selon une règle simple : chacun sait à qui rendre des comptes. De part sa posture et son apparence, la borgne aurait pu passer inaperçu au milieu de la faune locale, si celle-ci n'avait pas déjà ses sens alertés par les questions de passage.

Telle une nuée grouillante et sale, parcourant les ruelles sombres, les toits et recoins, les rats de Brissel veillaient. Parcourant le dédale parisien comme personnes, avec leurs trognes boueuses et leurs dents cassées, ils piquent, chipent et quémandent. Tantôt seul, tout pitoyable, tantôt foule de petit morveux caillassant si besoin est avec rires et aplomb celui qui leur semble mériter. Mais c'était avant tout pour leur oreilles qui trainent que les rats avaient l'affection des Piques. Et il avait suffit d'une question posée à un gamin de passage, aux mains sales et à l’œil farouche, pour que la machine se mette en marche. Le bouche à oreille s'était alors rependu, comme une trainée de poudre embrasée. Il ne fallut guère longtemps avant que l'information tombe dans l'oreille attentive de la croute. Le nom du merle n'était étranger à aucun rat de la cour, mais quand à savoir comment agir en de telles circonstances, c'était là une autre histoire. Le gamin aux pieds noirs de corne et de crasse avait eu la jugeote de se trouver dans les bonnes grâces des Piques.

Juché sur un muret couvert d'une mousse faiblarde, les pieds balançant de le vide, La croute observe. Petit gamin d'allure assez chétive, ouvert de crasse mais vif comme un gardon, il siffla entre ses doigts.


Hé ! L'moch'ton ! Y m'causent dans l'rue qu'tu fouine pour l'merle ? S'tu m'envoye pas caguer, ptet ben que ça pourrait m'rev'nir t'vois ?


Il lui lance un sourire malicieux, essuyant d'un revers de main la morve qui lui pend au nez, il saute de son perchoir d'un geste vif. Quand on ferre le poisson, il faut maintenant le remonter... Il se gratte la tête de sa main crottée et fait une petite moue.

Mais t'sé comment qu'ça roule...


Il lui lance un sourire tordu, respirant presque l'innocence tout en tendant sa paume grande ouverte. Et tout le monde sera d'accord qu'il n'y à pas meilleur et pire guide qu'un rat de Brissel.
_________________
Cyrielle.
    C'est que la longue n'avait aucune envie de passer inaperçue, pour le coup. Une embrouille quelconque aurait été l'occasion de rebrousser chemin, pour aller affirmer à sa nièce, la gueule de travers - comme si ça n'était pas déjà le cas - qu'approcher le pique-alliance était trop risquer pour s'y aventurer sans trois bourses de plus en récompense.
    Détail non négligeable, en plus, c'était l'occasion de faire savoir à toute la populace que la Fauve revenait sur le marché.
    Faites place à l'increvable !

    « Eh bah pas trop tôt ! »

    Ça lui échappe, & elle le regrette aussitôt. Elle montre là une impatience, une exaspération qui lui ressemble pourtant peu.
    Bien qu'après sa journée, elle ait de quoi rager que ça n'aille pas plus vite.
    C’est qu’elle a – presque – fait tout le bas Paris pour trouver une trace de ce dénommé Merlot, a bien vidé un fond de bourse – tout de même ! - pour récompenser des indices qui n’existaient pas. Tout ça pour s’entendre dire que non, Merlot, c’est pas un nom de poiscaille, mais plutôt de raisin. Et qu'en fait, même pas, puisque visiblement c'est un arrangement consenti pour dire « merle ».
    Allez trouver un bonhomme avec ça.

    L’œil, unique, grisâtre & cerné de noir, détaille un moment le morveux qui, il faut l’avouer, lui tape franchement dans l’œil. Même qu’elle doit se dire, quelque part dans les limbes de ses pensées, que si elle avait eu un gosse il serait aussi laid que celui-ci.
    Mais elle n’en a pas & ça doit bien arranger tout le monde. Même elle.

    Les doigts, maigres & crasseux, s’enfoncent sous sa brigandine qui n’en a plus que le nom, arrachant une pièce à sa planque de lin & de cuir qu'elle lance au jeune encroûté. Y'a plus qu'à croiser les doigts pour qu'il soit pas trop affamé.

    « J’sais comment ça roule. Là, ça t’revient. Alors ? »

_________________
La_croute
Le temps n'était pas aux longues négociations. Le rat de brissel, tout de crasse vêtu, détailla la pièce posée dans sa paume. Petites vérifications d'usages : il la gratta un peu, la mordilla d'une dent parmi les manquantes et s'estima satisfait. Il rangea le salaire à l’intérieur de son doublet élimé. Maintenant, il était conscient que pour salaire acquis, son tour était venu. Il tourna les talons et lui fit un signe de tête.

Par là, j't'amène là ou qu'il est t'margoulin...

Et la croute commença à trottiner, laissant la borgne sur ses talons. Ses petits pieds nus à la plante dure battent alors les rues crasseuse avec agilité, zigzaguant entres les flaques et le débris, sautant par dessus les flaques nauséabondes et évitant les soudards et faux lépreux. Il ne se retourne que quelques fois, pour vérifier si la louche était toujours derrière. Il bifurqua soudainement, prenant une petite ruelle à la forte odeur d'urine.

Et qu'si t'es mignone pte ben qui t'chantera l'merle !

Le gamin se mit à rire et continua d'avancer, sautant par dessus une caisse, contournant un angle de mur, passant derrière une carne décharnée attachée près d'une cour, repassant dans une rue ou se battent deux poivrots. Plus de doutes maintenant, à l'heure qu'il est, Boule-de-suif et la Caguette devaient largement avoir atteint la cour Brissel et la Gentilhommière. La croute hoche la tête pour lui même et continua sa route. Il déboula alors dans une nouvelle ruelle.

Toute en longueur et sombre, de grand bâtiments tordus la surplombaient. Une impasse aux toits penchés se touchant presque dans leur grande hauteur, concurrençant la grisaille du ciel parisien. Le sol, comme creusé en son centre donnait l'impression d'un ruisseau calme, pluches de cuisines et restes de pot de chambre donnant lieu d’embarcations de rivière. Une vieille à la trogne aussi ridée qu'une prune sèche était assise sur une marche tordue, occupée à caresser un chien rachitique. Elle se leva, doucement, et rentra dans le bâtiment. Seul restait, plus loin, la lumière faiblarde d'une porte grande ouverte.

La croute jeta un œil sur les enchainements de murets et de toits un peu plus bas. Le rat, toujours observe et calcule.


Hé, la maritorne, l'es là ton godin.

Il montra le fond de la ruelle d'une main vague. Et en quelques seconde, quelques pas et quelques saut, le rat s'était déjà faufilé, d'une caisse, d'un muret d'un toit, avec l'agilité propre aux rongeurs de son espèce...
_________________
Cyrielle.
    Elle trace, la borgne, & ne le lâche pas d’une semelle. Ces rats-là ont le pied léger, rapide, & la disparition un peu trop facile à son goût. Ce ne serait pas la première fois, après tout, qu’elle se ferait semer proprement dans les rues de Paris. Ou d’ailleurs.
    L’orientation, c’est pas vraiment son fort.

    « Té, c’t’un oisillon qu’j’vais ramasser ou quoi ? » grinçe-t-elle.

    Après tout, Cyrielle n’a aucune stricte idée de ce à quoi pourrait bien ressembler ce voleur d’alliance. Pas très futée pour le coup, elle s’est contentée, après réception de la charmante demande de sa nièce, de filer à travers les venelles parisiennes, beuglant à qui voulait l’entendre qu’elle cherchait un Merlot. Sa seule - & branlante – certitude est qu’il doit porter, sans doute au petit doigt, une bague trop riche pour lui.
    Oh, bien sûr que non : elle n’a pas la moindre idée non plus de ce à quoi ressemble l’alliance.

    Pour le coup, en vérité, la Fauve se fait mener en bateau comme une débutante. Fière de pouvoir écraser son exécrable nièce & lui pomper tous ses écus, elle joue la carte d’une fougue propre aux jeunes premiers, fonçant dans le tas sans réfléchir là où elle fonçait dans le tas… sans réfléchir non plus – mais avec trois doses d’absinthe de plus dans le sang.

    Toute à ses réflexions, elle saisit tout juste que le crouteux se tire, emportant avec lui ses tiques & les maigres chances de mettre la main sur le merle.
    D’un soupir poussé elle reprend sa marche, le genou craquant comme si l’humidité lui faisait regretter d’avoir plus de quarante ans. Le fond de la ruelle se dessine comme une impasse étroite, les murs & les toits se penchant sur son corps jusqu’à l’écraser pour que, voûtée sans y être obligée, elle vienne cogner d’un poing serré le bois craquelé de la porte grande ouverte.
    On dirait pas comme ça, mais chez elle, on frappe avant d’entrer.

    « Hého ? Y’aurait quelqu’un ? On m'a dit qu'j'trouv'rais l'Merlot dans l'coin. »

    Et pas besoin d'être le Très-Haut pour savoir qu'un « on m'a dit », ça équivaut souvent à un « j’me suis sûrement fait avoir par un gamin du quartier, mais pitié dites-moi qu’c’est pas vrai ».
    Ah, ce qu'il faut avoir foi en l'humanité.

_________________
Maurevert
Maurevert commençait à s'impatienter, malgré qu'il se targue d'être un homme patient - qualité nécessaire à son métier. D'oreilles de rats en oreilles d'autres rats, la nouvelle été arrivé : Une femme plutôt moche cherchait le Merle. Il était évident qu'elle ne savait rien sur lui, sinon elle saurait que Merlot n'était qu'un nom de masque parmi d'autre, et elle saurait surtout pourquoi il vaut mieux éviter de se faire remarquer à chercher un Pique dans son antre.
Le voix aigrelette de La Croute vient le sortir de son attente immobile, et il tend l'oreille depuis son poste sur le coté derrière la porte entrouverte, et attend la suite. C'est ce qu'il font tous : Un cul de sac, une porte au fond qui ne semble pas fermée, ils finissent tous par entrer. Combien, songe t il, ont passé cette porte ? Six ? Sept? Même combat.

Ils finissent tous par entrer.

Aussi il garde son calme, la longue lame au fourreau, inutile en un endroit si confiné, mais la dague en main. Un bel outils, digne de son artisan. Longue de trois paumées, en bon acier de Tolède, gardée en rouelle parsemée d'entaille et de coups. La lame graissée est assez étroite pour se glisser entre les mailles d'une cotte, du moins celle d'un artisan sans grand talent particulier, et son tranchant sans cesse entretenu taille la barbe avec autant de facilité que la chair et les tendons.
Un bel outils, se dit il en attendant le moment fatidique, où le laideron curieux poussera la porte.

Des coups à la porte.


« Hého ? Y’aurait quelqu’un ? On m'a dit qu'j'trouv'rais l'Merlot dans l'coin. »


Allez ma belle, un peu de témérité, soit une bonne fille, pense t il, le Maurevert dont l'age et la longue carrière, plutôt que de lui inculquer la patience, l'ont rendu un tantinet pressé, comme si la conscience du temps qui passe ai pu le rattraper. Qu'importe, si lui faut un peu d'aide pour se décider à entrer. Il se saisit d'une petite pierre du fond de sa poche, sans faire de mouvement susceptible de se faire entendre et la lance doucement vers le fond de la pièce pour y faire résonner un bruit.

Un petit bruit clair, mat et faiblard, qui résonne du fond de la pièce obscure. Allé ma belle, soit une bonne fille, soit curieuse entre donc, se dit il intérieurement, planqué comme une ombre sur le coté de la porte entrouverte, qui ne manquera pas le cacher en s'ouvrant. Viens donc rustaude, que je vois si les rats n'ont pas exagéré ta beauté. C'est qu'il commence à avoir faim, et un estomac qui gargouille, c'est mauvais pour les affaires.

_________________
Cyrielle.
    Ça sent le roussi.
    Non pas qu’on suppose qu’il y ait des roux dans le coin, ni même qu’un feu menacerait de réduire en poussière le reste de son visage – assez laide comme ça, on a dit.
    Dans tous les cas, ça ne sent pas bon, pas bon du tout.

    L’oreille, affutée malgré l’âge – voilà bien une seule chose qui n’a pas pris une ride – se dresse au claquement du caillou contre la pierre. La mélodie est douce, la mélodie est claire, la mélodie est trop saine par ici pour présager quoi que ce soit de bon.

    Bah, n’en doutons pas, elle flaire bien l’entourloupe alors qu’elle pousse franchement la porte de la bâtisse, s’arrachant ainsi aux hauteurs étouffantes de la ruelle pour les ombres, pas vraiment plus rassurantes, d’un intérieur attrape-nigaud.
    M’enfin, sans être expressément nigaude, la Fauve n’en est pas moins inapte à résister à l’appel du danger.
    C’est cela. Donnez-lui une lame, elle verra bien si ça la coupe. Allumez une bougie, elle ira s’en brûler la paume.

    Tendez-lui un guet-apens, elle offrira sa brigandine comme seule défense.
    Et d’un sourire carbonisé, posera le pied dans la m*rde.

    « Tu as faim, mon petit... »

    Ça tombe bien, moi aussi.

_________________
Maurevert
La première fois que Maurevert attendit sa victime derrière un mur, alors qu'il n'était qu'un tout jeune remercié des francs archers - précisons, par la menace d'une cravate de chanvre, pour avoir accepter de tuer un sergent contre l'argent d'un autre - engagé dans la dure carrière d'écharpier, le plan avait raté. L'homme, qui soit dit en passant avait rendu cocu un autre homme, plus riche et peu scrupuleux, avait enfoncé la porte de l'épaule. Un lourd assemblage de chêne ferré vint s'abattre sur son jeune museau, lui brisant le nez tout net, et mettant un terme au travail entrepris. Notamment lorsque la cible, inconsciente, cru avoir blessé un innocent passant et se répandit en excuse, le conduisant chez le barbier le plus proche.

L'homme mourut le lendemain, d'un excès de fer dans l'organisme, au niveau du dos, mais en pleine rue.

Maurevert ne sait pas lire, mais il a de la mémoire, car désormais, chaque fois qu'il décide d'attendre une cible derrière une porte, il prend soin d'y placé sa botte en avant de lui. Et s'il oubliait, son nez légèrement tordu lui rappellerait.

Ainsi lorsque La porte s'ouvre à la volée, elle s’arrête sur la pointe de sa botte et y rebondi assez pour laisser le champ libre à celui qu'un habitant de Brissel, admiratif, a surnommé le "Bailli d'la faucheuse". Il s'avance vite et sans bruit, comme seul ceux qui ont survécu jusqu'à la quarantaine dans ce dangereux métier savent le faire. Vif et précis comme un chat se saisit d'un mulot, il se glisse sur la silhouette tout juste entrée.


« Tu as faim, mon petit... »

A l'instant même ou les mots se finissent, il passe à l'action.

De dos, sa main gauche sur la bouche, plaquée et forçant la mâchoire sur le coté, pour incliner et tourner la tête. La dague en dextre se plaque sur la gorge, suffisamment fortement pour entailler la peau, et faire sentir que l'agresseur ne rigole pas.

C'est que, bien malgré lui, il n'est pas sensé tuer, contrairement à son métier, et il n'aime pas. Les prisonniers causent, geignent et essaient de s'enfuir sans cesse, pour les plus hardis. "Justement, je veux qu'elle cause, mon ami...fais lui mal si tu veux, mais je veux savoir pourquoi elle me cherche." avait dit le merle, et il est des quartier ou certaines paroles ont forces de lois.

Serrant sa prise au plus fort, plaqué contre le dos de la brigandine, il crache laconiquement de sa voix rauque :


"T'es qui ? T'y veux quoi au merle ? Cache rien, ou j't'égorge comme un agneau à Pâque. "

C'est qu'il manque de manière, Maurevert, n'ayant pas l'habitude de parler à ses ... clients.

_________________
Cyrielle.
    Il doit bien sentir qu’elle ne force pas, qu’elle ne bouge pas, qu’amusée & disciplinée – pour une fois – elle ne se débat pas. Surprise, elle l’a été, certes. Par la rapidité de l’agresseur, par sa violence, & par son besoin de discrétion, aussi, peut-être.
    C’est qu’il a été prompt à la faire taire.

    Mais enfin, voilà, elle a été surprise. Rien d’autre. Et à l’instant où il crache ses mots, où elle, tordue pour se contraindre à la cage qu’il vient de lui forger, savoure ce semblant d'adrénaline qui lui parcoure le corps, elle se permet un sourire crispé sous l'étau de sa main.

    « Ch’eu ch’a aah… »

    Remuant le museau, elle l’invite à ôter ses doigts, histoire d’articuler un peu plus de deux syllabes sans avoir l’air d’avoir la bouche pleine. C’est qu’en plus, ses doigts ne sont pas les plus délicieux qu’elle ait pu déguster.

    « Pfeuuh… T’as touché ta m*rde ou quoi ? on sent comme un sourire sarcastique, s’tu m’égorges, mon mignon, t’sauras pas c’que j’lui veux. »

    Elle jouerait bien encore, la Fauve, même si la position n’est pas très agréable, même si le couteau lui écorche la gorge & qu’elle sent quelques larmes carmines lui dévaler le cou. On le sait, la borgne n’est pas des plus pleines de jugeote lorsqu’il s’agit de s’éviter de crever, & bien qu’une chance sacrément culottée l’ait fait passer les quarante ans, elle n’en reste pas moins franchement suicidaire.

    Mais enfin, elle se reprend, & l’œil tentant de s’habituer à l’obscurité de la pièce, elle se force à répondre convenablement. Du moins pour elle.

    « J’veux lui parler d’épousailles, j’suis sûre qu’c’est c’lui qui m’faut. »

    Décodera qui voudra.

_________________
Bossuet

« J’veux lui parler d’épousailles, j’suis sûre qu’c’est c’lui qui m’faut.


D'un recoin obscure où le Merle était tapis, observant la scène comme s'il s'agissait d'une bonne farce, une voix à la fois rauque et chantante s'élève en réponse.

- Madame, je suis flatté.

Il s'approche du couple enlacé, en signifiant à Maurevert un prompt remerciement d'une légère inclination de tête.


- Cela dit, je me prétend volontiers esthète,
Et pourtant, si j'aime le gout douteux,
L'étrange, le cassé ou le graveleux,
J'envie bien mal avec vous l'amusette...


Il approche tout prés son visage de celui que Maurevert tient encore, avec un sourire aux dents noircies de suies, de ceux qui font pleurer les enfants et pâlir d'indignation les vieilles rombières. Le poète se fend d'un rire coincé, grinçant comme une charnière de grille. luisant à la faible lumière, un anneau somme toute magnifique, lui est pendu à l'oreille, d'abord fendu puis passé comme une vulgaire boucle. De quoi faire gémir un orfèvre.

Dis moi tout, Gueule d'ange, conte moi,
Ta venue, ta visite et son pourquoi.
Peut être que finalement, qui sait,
Maurevert ne devra pas t'enterrer.


Là dessus Maurevert resserre sa prise. "Commis d'fosse c'qu'une expression poète... j'creuse pas les fosses, j'les remplie foutredieu..." grommelle t il sous sa moustache, tandis que le poète dégaine lui aussi un coutelas bien vilain, aussi rouillé qu'acéré, qu'il manie devant Cyrielle dangereusement comme un enfançon agite son hochet devant le nez de sa mère.

_________________
Cyrielle.
    « Alors c’est vous l’mignon, mhm ? »

    Enfin mignon, tout est relatif. Quoi que flattée par l’ironie, elle garderait bien le « gueule d’ange » en souvenir, comme une pancarte à agiter devant les gamins effrayés. C’est qu’il a la langue bien pendue, le verbe adroit & la voix bien musicale.

    « T’inquiète pas, va, j’suis pas flétrie d’partout… J’réserve encore de belles surprises. »

    L’œillade est lancée, mais sûrement oubliée par l’obscurité de la pièce. La langue passée furtivement sur ses lèvres à demi-détruites, la Fauve se laisse guider par l’anneau étincelant à l’oreille du bougre. Car si elle a bien vu les bagues, c’est au lobe qu’elle se laisse charmer, persuadée dès qu’elle le voit que ça ne peut être que ce bijou là. Isaure est riche, n’est-ce pas ?

    « Très jolie, la boucle. Un peu trop chère pour toi, nop ?
    J’peux t’faire un joli prix, c’t’y tiens. »


    T’façon, c’est pas elle qui paiera.
    L’œil fixé sur celui qui la tient fermement, combat d’haleines parfumées, elle lance enfin :

    « On reste serrés comme ça où vous m’laissez m’dégourdir les pattes ? Deux contre un, j’fais pas l’poids, mon chou.
    Pis j’veux juste parler affaire. »

_________________
Bossuet
C'était donc ça. Cette Isaure y avait mis le temps, mais elle avait tenue une promesse. Envoyer un brave pour récupérer son du. "Mais diable...songe le merle devant la messagère que Maurevert tient en ses gros bras noueux... Diable si je m'attendais à ce qu'elle m'envoie sa grand mère". Une grand mère ayant plus de tripes que la moitié de la noblesse française, si ce n'est plus, ça il faut bien l'avouer.

Il se gratte le menton de sa main libre, affichant un air exagéré de réflexion.

"Négocier dit elle, Négocier,
Alors même la lame sous le col,
Reprendre le butin d'un vol...
...Et avec quelle armée ?"


Peut être qu'un voleur autre aurait vendu cher son menu bien pour de l'or, mais le Poète n'en est pas. Aussi lui adresse t-il un sourire sournois avant de reprendre d'une voix à la fois rauque et chantante.

"Ma gente, mon hôte ... Laissez moi vous expliquer quelque chose que j'ai expliquer à Isaure. Je crois à mon grand dam que la noblesse de France s’assourdit, ou par faute de sang neuf, patauge en un océan de dégénérescence consanguine, car elle n'a toujours pas compris. Il vient tapoter le bout du nez de Cyrielle avec la pointe de son coutelas. Peut être que la rime aidera, sinon au moins, on s'amusera.

-Richesse peut être, mais l'or s'en va et revient,
Il gambade, brille mollement et pour finir ne vaut rien.
Ainsi le bon voleur cherche ailleurs un bon butin.
Rien de mieux que le pire, comme d'un miséreux le bout de pain."


Il approche son sourire de dents noircies de suies du visage de Cyrielle, armé d'un rictus mauvais.

"Isaure l'a dit d'elle même, son bien est sans prix. Et donc pour moi d'une valeur... A la hauteur de celle qu'elle lui aura donné. Pas d'or."

Il se détourne aussitôt en faisant un signe à Maurevert de la lâcher, lequel s’exécute de mauvais gré, restant sur ses gardes. Le vieux spadassin grommelle sous son impressionnante moustache quelques bougonnements indignés en se reculant de quelques pas. Le poète revient vers son hôte d'un pas dansant.

"Si vous n'avez rien à offrir, je vous laisse vous en aller.
Et non, n'insistez pas, je n'veux pas de votre virginité.
Allez, ma grande allez, et à Isaure transmettez,
Mon sourire, mon amour, mon désir et sa volupté."


Il fait un vague signe de son coutelas, comme une chatte pousse gentiment son petit hors du panier, avec un sourire vomissant l'ironie grinçante d'un Pique sur ses terres.
_________________
Cyrielle.
    Trop beau parleur pour être honnête, le Merle a pourtant la chance de se frayer un chemin certain aux oreilles de la Fauve. Longue à la détente, savourant chaque mot & chaque intonation, elle finit par répondre d’un sourire déchiré, perdu entre laideur & compassion.

    En fait, il est rare pour la Beaumont de se retrouver à négocier pour autre chose que l’or ou la vie. Pas qu’elle n’aime pas changer ses cartes, mais ses victimes, ses persécuteurs, ont l’humanité trop bien ancrée pour refuser quelques bourses bien garnies.
    Et ses commanditaires, l’esprit trop étriqué pour penser qu’on puisse vouloir autre chose.

    Mais qu’importe, la borgne se moule à ce qu’on lui impose, quand bien même serait-elle une inadaptée profonde.

    « J’s’rais pas v’nu jusqu’ici si j’avais rien à offrir.
    Si c’t’une nuit avec la doucette, qu’tu veux, suffisait d’demander…
    Quoi qu’tu prendrais plus ton pied avec moi. »


    Nouvelle œillade.
    Car s’il faut donner de soi, ce n’est pas Cyrielle qui refusera. N’est pas Fauve qui veut.
    Ses doigts aux ongles noirs de crasse viennent frotter son cou, là où le carmin a gouté, & la longue se déploie dès lors qu’on la relâche, étirant ses os à les en faire craquer.

    « J’garantis pas qu’elle soit consciente, par contre. »

    Faut pas pousser mémé.

_________________
Bossuet
Parlons peu parlons bien, dirait on, devant tant d'impudeur. Le poète sourit de toutes ses dents noires, teinté d'une indulgence presque sincère.

Allons ma douce, un peu de bon sens... Une nuit avec celle là, c'est encore cher payé. Non non, Si je la voulais, je la prendrais... Non attendez que je réfléchisse.


Il se frotte le menton, se plongeant dans une réflexion tout à fait sérieuse.

Un château en Espagne, un poste de commis de cuisine du roi, une collection de bigorne d'occasion...Non...trop classique et presque inintéressant... marmotte t il dans sa barbe, les sourcils froncés... une statue de moi sur le parvis de notre Dame... bof... un orteil de reine ? Ah...oh...non déjà fait....hum....pas évident.

Le Merle continue d'égrainer ses désirs tout en parcourant la pièce de long en large, agitant son coutelas comme un sceptre royal, ou un hochet d'enfant capricieux.

Une licorne....auriez vous une licorne ? Vous voyez...un canasson avec une corne....quoique non...trop périssable. Une vielle à roue? Un mouchoir du pape ? Ah .... un nain. Un nain juste à moi ! Oui ! Ah non. Cistude me le piquerait...

Et ainsi passe un bon quart d'heure à ce qu'un poète dément agite sa conscience.

Une grotte ! non une Île ! une île oui ! non. Une cloche ? Une grosse cloche? Une petite clochette ? Dans un gros clocher? Non mieux ! Une énoooooorme cloche dans un tout petit petit petit petit clocher. Hum...Ou plutôt un lion. Un gros. Non un élevage de poule. De poule? non de Lapin ! Ah non ! pas de lapin. Ah ! je sais.... vous pourriez faire disparaitre la race des lapins ? j'ai horreur de ces sales bêtes !

Sinon, vous auriez une sirène? Oh oui une sirène ! Une belle, mais poissonnière du haut. Enfin, vous voyez, une morue avec des jolies guiboles. Et non n'insistez pas pas ! Je ne parle pas de vous.

_________________
Cyrielle.
    Bras croisés, le dos calé contre le mur miteux, Cyrielle a les paupières closes & l’oreille engourdie. Peut-être même, en éclairant un peu, on saisirait au vol un filet de bave, & en écoutant bien, un ronflement léger. Ou plutôt, un grognement. Un raclement de gorge. Un grondement peut-être.
    Bref, Cyrielle somnole. Et elle parierait son dernier œil que le Maurevert a abandonné le monologue du Merle bien avant elle.

    Mais enfin, réactive qu’elle est, elle capte les dernières bribes de réflexion du bonhomme, se redressant en essuyant d’un revers de manche son menton souillé.
    Et d’une voix pâteuse, craquant des os, de répliquer :

    « Tu m’décris quand même vach’ment bien pour quelqu’un qui veut pas d’moi. »

    Elle ne va tout de même pas se plaindre, c’est si peu cher payé pour une alliance de noble effrontée.

    « T’es quand même sûr pour la collection d’bigorne d’occasion ? Non parce que j’connais un gars qu’son frangin connait un ancien forgeron qui peut m’trouver d’sacrés pièces, du genre unique qu’tu trouv’ras nulle part ailleurs. »

    Parce que mine de rien, les sirènes du genre de la borgne, ça ne court pas les rues. On a plus tendance à croiser celles qui ont choisi le pack complet, du genre tête de morue, pieds de morue… Et le milieu, morue aussi.

_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)