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[RP] Ça craint de vendre son âme. Vends ta main !

Nizam
    [Saumur, un 29 mars en fin de matinée]

    Nizam avait une relation particulière à la Mort, la vraie, la Faucheuse, celle qui vous engourdit les sens avant que votre corps ne soit plus qu'une carne raide et froide. Il connaissait suffisamment le dogme de l'Eglise pour croire que si quelque chose l'attendait après son dernier souffle, ce serait une vue imprenable sur l'Enfer Lunaire, alors quitte à admettre un jour l'existence d'un tel endroit, qu'importe qu'il soit aujourd'hui plus ou moins damné que demain, il n'était plus à un détail près. Pourtant, ce serait faux de dire qu'il craignait nullement le jour où le coeur, enfin, aura droit à sa tranquillité, il se contentait de dissimuler comme le premier quidam sa peur du dernier battement, pour ne pas en être rongé chaque jour. Ceux osant défier cet instant et se vanter d'avoir aucune angoisse sont des menteurs, ou la fente de leur crâne est plus grande qu'il n'y parait. Le plus désagréable passé, le Balafré songeait que la dépouille se résumait à un amas de chairs dénué de vie et d'esprit, qui sera lentement grignoté selon la naturellement irrévocable putréfaction du moribond. En ce cas, pourquoi accorder à cet état où le bulbe s'atrophie tant d'importance ? La morale, toujours la morale... Le Blond s'en passait allègrement, ce qui expliquait peut-être pourquoi il pouvait discuter de sa tartine du matin avec la même insouciance que de la dernière et sanglante torture à la mode, entre autres, quoiqu'il avait un intérêt plus marqué pour la corde et les piques que pour le quignon et la mie. Horrible habitude que de n'être plus surpris et rarement touché par la fragilité du vivant, il l'avait déjà brisée avec un plaisir écorchant ce qu'il avait d'humain, sachant que tôt ou tard, il prendra la place du gisant.

    Mais ayons des pensées plus réjouissantes, aujourd'hui il faisait une affaire ! Un engagement qu'il était à l'instant même entrain de rédiger au propre sur le coin sale d'une table. La pièce louée d'une auberge était plongé dans un silence tel que le seul bruit troublant le calme ambiant était le grattement rapide de la plume sur le parchemin poussiéreux qu'il avait "emprunté" au patron de l'endroit. La rédaction complète lui avait pris du temps, si les teneurs de l'accord étaient des plus originales, il s'était souvenu d'anciens contrats et s'évertuait à ce que la mise en forme soit idéale, conséquence d'une ironie et d'un humour douteux, sinon macabre.
    Vendre sa main... Si elle n'avait pas intéressé à ce point une noble rencontrée deux jours plus tôt à Angers, il n'y aurait jamais penser. Les paroles de taverne avaient pris une tournure intéressante lorsqu'il constata le véritable attrait de la jeune femme dans l'acquisition du membre entier. Chacun sa fêlure. Dans cette même idée qu'une fois mort, l'utilité de sa main se remettait en cause, Nizam, quelque peu imbibé d'alcool, avait accepté et préparait le tarif tandis qu'une folle du couteau lui trouait la peau pour inscrire définitivement son choix sur sa paume, un C, la marque de propriété avant l'heure. Il avait seulement réfléchi à cette promesse orale une fois décuvé, trouvant au final des avantages à ce qu'une partie de son corps soit post-mortem profitable à un autre. Il avait été à deux doigts - riez donc devant cette boutade, le summum de l'humour est à nos portes - de se faire graver entièrement le nom de cette brune surexcitée sur sa main gauche, respecter le reste de l'accord ne semblait pas si compliqué. Il ignorait même si elle aura effectivement un jour son dû, mais comptait bien en réclamer le prix, voire plus, le cupide était conscient qu'il ne léguait pas sa main à la première gueuse venue.

    Il souffla sur l'encre noire, se relut et un sourire de satisfaction fendit ses lèvres. Comment qu'il était trop doué l'Balafré.


    Citation:
    Contrat de vente d'organe :

    Entre les soussignés Calyce de Dénéré-Malines - dite Calyce pour des besoins d'encre - futur acquéreur, et Nizam, futur manchot.

    - Nizam accorde ce jour le droit à Calyce de disposer de sa main gauche, des ongles jusqu'à la naissance du poignet, dès lors que la mort du mercenaire sera avérée. L'acquisition posthume de ladite manus lui permet d'en jouir comme il lui plaira, pouvant l'exposer, la revendre ou la léguer à qui elle jugera méritant.

    - La main devra par conséquent être détachée du corps du défunt et revenir à la nouvelle propriétaire dans les jours suivants le décès. Pour qu'il n'y ait pas méprise, Nizam arbore une charmante cicatrice en forme de "C" finement taillée - écorchée - sur la paume de sa main gauche.

    - Nizam s'engage à prendre les dispositions nécessaires afin que la main désignée parvienne en bon état à Calyce lorsque, hélas, il ne sera plus.

    - En échange de l'organe, Calyce s'engage à respecter, du vivant de Nizam, une dette envers le jeune homme prenant la forme d'un service rendu. Ce service sera, au mieux, dans la limite de ses moyens, et devra pleinement exaucer le souhait du donneur.

    - Le souhait peut être formulé à tout instant, seulement par Nizam.

    - Tant que le souhait n'a pas été formulé, ni réalisé, ce contrat peut être rompu par l'une ou l'autre des parties, sans motif valable, ni réclamation.

    - En outre, ce contrat sera considéré comme rompu si :
    * L'une ou l'autre des parties ne respectent pas leur engagement.
    * Calyce atteint de manière directe, ou indirecte, à la vie de Nizam, et vice versa.
    * Le tragique décès de Calyce est à déplorer avant celui de Nizam.

    Rédigé en ce 29ème jour du 3ème mois de l'an de Grâce 1461.

    Signatures :


    Le Blond quitta l'écritoire de fortune, il devait maintenant trouver la future propriétaire. Ou plutôt réveiller. La noble devait sans doute se remettre de son lever de coude, honteusement responsable de l'assèchement des tonneaux. Hier soir, blond et brune s'étaient retrouvés seuls, l'une boulassement atteinte, l'autre étrangement sobre. Les railleries douteuses filaient jusqu'aux premiers signes de fatigue. Le mercenaire avait demandé à l'angevine - en toute bonne foi, évidemment - de le loger pour la nuit, le problème fut quand ladite noble fut incapable d'aligner deux pas sans tituber, au risque de perdre son pari avec l'homme d'armes, comme quoi elle goûterait d'elle-même aux pavés avant d'être rentrée. Frileux, et d'une patience laissant à désirer, il l'avait aisément entraînée dans le premier taudis d'ouvert croisé sur leur chemin, où il demanda la meilleure chambre et l'y mena avant que l'alcool ne lui donne un air d'ivrogne. Un air de plus, disons. Il l'installa dans la chambre, autrement dit étala la jeune imbibée sur le lit tout en maugréant, lui ôta grossièrement ses chausses et tira le rideau effilé occultant la maigre fenêtre, en la laissant se perdre sous la couverture miteuse. Si la Boulasse faisait bien son travail, elle n'aurait aucun souvenir de cela le lendemain. Tant mieux. Nizam, lui, avait opté pour le vieux siège face à l'âtre, trônant dans ce qui s'approchait d'un salon vétuste, pièce étriquée qui jouxtait la chambre mais lui évitait le sol comme matelas, ou de partager la couche de la brune. Tant qu'elle n'avait rien signé, le Balafré ne s'y risquera pas.

    Paupières rouvertes en matinée, il n'avait entendu aucun son provenant de sa voisine, la chambre, porte fermée, lui paraissait silencieuse. Ce fut donc lorsque le contrat fut prêt, soit après plus d'une heure comptant le temps de sortir de sa brume et d'se caler le ventre, qu'il décida de revenir dans la pièce de la dormeuse biturée. Trois coups bruyants furent donnés contre le bois - le but étant le réveil, pas la douceur - et il saisit la poignée pour ouvrir brutalement, débarquant à l'intérieur en criant ce qui devrait faire réagir du sang angevin.


    - Calyce, l'vez-vous bordel ! Les royalistes nous attaquent !






Calyce
Réveil douloureux.

- Calyce, l'vez-vous bordel ! Les royalistes nous attaquent !

"C'est pas une raison pour venir me l'gueuler DANS l'crâne ! Dites leur de revenir demain !"
Voilà ce qu'elle aurait répondu si elle en avait eu la force. Mais non, c'est un grognement incompréhensible que la jeune fille laisse échapper alors qu'elle se redresse péniblement, luttant pour ouvrir les yeux. Elle peine mais réussit tout de même à faire se soulever une paupière.

Vision floue d'un blond dans l'embrasure.
-Un blond ?! Mais-c'est-qui-lui-et-qu'est-ce-qu'il-fout-dans-ma-chambre ?!-
Amnésie post-biture. Elle panique. Les mains se font étau autour de la tête histoire d’atténuer la douleur et les mirettes s'ouvrent complètement.
Cette balafre qui barre méchamment le blond-minois ne lui est pas totalement inconnue contrairement à la pièce qui l'abrite. Et puis cette main bandée, c'était celle qu'elle venait d'acquérir. La sienne à elle !


La poche...

C'était le surnom qu'elle lui avait donné au mercenaire vadrouilleur. Ce grand blond à la dégaine je-m'en-foutiste rencontré entre deux verres dans une taverne andégave. Ce grand malade qui avait accepté de lui vendre une partie de son corps comme on lui vendrait une paire de poulaines au marché. Cet angevin dont elle jalousait un peu la liberté.
Ce même grand malade avec qui elle se retrouve là, enfermée dans une chambre, seuls, un lendemain de cuite.
Mais quel goujat !


Qu'est ce que VOUS m'avez fait ?!

Coup d’œil jeté brièvement sous la couverture pour constater que tout est bien à sa place. L'honneur est sauf, ou presque.
Qu'a t-elle bien pu faire ou dire la veille ? Elle n'en sait fichtrement rien.
M'zelle la duchesse s'était donnée en spectacle éthylique à de la gueusaille presque-inconnue avant d'en partager le lit. De quoi donner raison au pamphlet de Bossuet, le troubadour Piquant.

La môme toussote avant de chercher à se lever le plus dignement possible , s'accrochant à tout ce qui pouvait lui éviter de tomber aussi sec. La tête toujours aussi lourde, échevelée, elle force tout de même un petit sourire confus.

Désolée pour hier soir
D'avoir fini à l'envers...*


Vous ne direz jamais rien de tout ça à personne, hein ?

N'osant plus le regarder en face, elle préfère admirer sa main fraîchement écorchée, porteuse d'un "C" qui veut dire Calyce, et, qu'elle a du embrasser la veille au soir pour que le vilain accepte de rester un jour de plus à Saumur. Çà lui revient doucement.
C'est moche. Elle aurait préféré une nouvelle attaque française à ça.
Au secours, Elle va vomir.


...je vais vomir.

Qu'elle dit en titubant encore un peu pour aller se pencher au dessus d'une cuvette.

____
*Tryo.
_________________
Nizam
    Le peu de ménagement qu'il avait réservé aux tympans de l'endormie eut l'effet escompté. Un sourire satisfait fendit son visage lorsqu'il vit la masse au creux du lit enfin donner signe de vie. Apparition d'une figure aux quelques mèches hirsutes et à l'oeil brumeux, sinon vaseux, le mercenaire s'appuya négligemment à l'embrasure, voulant admirer une noble cuitée dans toute sa splendeur. Il ne cacha pas son air moqueur à la surprise, puis l'inquiétude déformant les traits de la plus-très-fraîche jeune fille. Le surnom confirma qu'à défaut de sa pleine dignité, la brune avait conservé sa mémoire. Une partie, tout du moins. Le spectacle continua, pour le plus grand plaisir de la Poche, qui afficha une mine tant innocente que peu sincère à la première question lancée. Il ira prier Sainte Boulasse un autre jour, les chopines avaient effacé les derniers souvenirs de la donzelle, cela lui laissait un avantage.

    - Bon et dévoué qu'je suis, j'vous ai traînée ici hier avant qu'vous n'finissiez sur les pavés, z'auriez p't'être fait l'bonheur d'un ivrogne voulant tirer aut' chose qu'sa bouteille. Ils n'sont pas très regardants...

    Ironique, il se félicitait parfois d'un don pour rassurer les d'moiselles - surtout ivres - et faire face aux imprévus de beuverie, bien que la veille il ne fut pas gêné de profiter de l'ébriété avancée de l'angevine.

    - Vous n'avez rien à craindre, j'n'ai pas touché à vot' bourse, ni vous aux miennes.

    En finesse, bien sûr. Cela pouvait peut-être répondre aux évasives interrogations affolant l'esprit de la duchesse. Il s'approcha faiblement quand elle voulut rejoindre le sol. La future détentrice de sa main devra bientôt exaucer l'un de ses voeux, ce qui était une raison suffisante pour que le Blond fasse preuve d'attention à son égard, comme de l'empêcher d'se rétamer sur la crasse du parquet. Il tendit la main emmaillotée, puisque la paume ne s'était toujours pas remise du "C" qu'une lame lui avait sauvagement imposé. Il eut encore du mal à garder son sérieux quand elle souhaita que tout ceci reste secret. Pour qui achète la chair d'un homme de son vivant, il serait naïf de croire que son silence, lui, n'a pas de prix. Tout en a un pour le Balafré, mais il se contenta d'acquiescer, sans doute aura t-il l'occasion de faire jouer plus tard ce "secret" en sa faveur.
    Le regard vague de Calyce s'attarda sur sa senestre, une trace de la soirée passée resurgissait ? Précisons que le mercenaire n'avait pas beaucoup de temps à perdre dans chaque ville visitée, et n'avait pas envisagé que la brune s’exécuterait docilement - ou presque - lorsqu'il lui demanda de frôler de ses nobles lèvres la main blessée. Ceci mettait en évidence l'état de désespoir, et d'ennui, de l'angevine qui avait tout fait pour que sa distraction - se jugeait-il ainsi - reste un jour de plus à Saumur. Mauvais souvenir, la nausée s'ajouta à la scène. Un soupir retenu au fond de sa gorge, il la suivit jusqu'au seau malchanceux, pot de chambre devenu cuvette de fortune. Il s'était estimé heureux d'avoir échapper au retour d'alcool, mais c'était trop vite parier sur la constitution de l'adolescente. Dernier pas vers elle, sachant que les convenances avaient été brisées, Nizam retint de sa main bandée les cheveux bruns dans sa nuque tandis que la dextre se posait fermement sur l'épaule de la jeune femme. Les joies d'la gueule de bois.


    - C'est ça d'siffler tous les fûts.

    Il se pencha à son tour, s'étonnant dans le rôle du type sobre aidant la poivrote, le Balafré avait davantage été à la place du buveur, ce qui devait maigrement susciter sa compassion aujourd'hui.

    - Rah ça pass'ra. J'peux d'mander à l'aubergiste d'monter d'l'eau, on parl'ra affaire quand vous irez mieux. C'est vrai, z'êtes pas pressée d'avoir ma main, on peut r'mettre ça à une autre fois.

    Le ton était dégagé comme si cette remarque insidieusement placée allait réveiller l'intérêt de la noble. Si l'une avait encore les tripes en débâcle, le second ne perdait pas de vue le but de son séjour "prolongé". Le mercenaire la soutint, lui permettant librement de se tenir à son bras et de le broyer au besoin, tant que les relents d'hier n'atterrissaient pas sur ses bottes. Y a pas à dire, la biture crée des liens.
Calyce
La voix du mercenaire raisonne comme une torture lente et douloureuse dans la tête brune, toujours penchée sur sa petite cuvette de fortune. On a pas idée d'infliger un flot de paroles pareil à une pauvre jeune fille un lendemain de cuite. Elle lutte, essayant de comprendre tout ce qu'il raconte et elle y arrive à en croire la nouvelle nausée qui la prend quand le blond fait allusion à l'ivrogne et sa bouteille, la franche grimace qu'elle affiche quand il sous-entend-encore- qu'elle est un laideron et encore la nausée qui la soulève quand il parle bourses et fûts.
"Vous n'avez rien à craindre" ? Mon oeil, oué !
Sadique. Monstre. Sans-coeur !
Qu'il l'achève, vite.

Parce qu'il veut la tuer, elle en est persuadée. Cette main qui lui tient les cheveux, l'autre qui peut l'empêcher de s'échapper.Il va, soit l'étrangler, soit l'enfermer et demander une rançon que l'Archiduc refusera de payer ou peut-être la vendra t-il à un marchand d'esclaves de passage dans le coin. Foutue elle était et elle l'avait bien cherché au fond. C'est vrai quoi, combien de fois lui avait-on répété de ne pas boire/suivre/monter dans une charrette/dormir avec un inconnu ? Un million de fois, au moins. Mais non, il faut qu'elle n'en fasse qu'à sa tête.
Comment se sortir de là ?

Allez, courage. Elle retient un sanglot et se redresse doucement, prête à balancer le peu de dignité qui lui reste en se jetant aux pieds du jeune homme pour le supplier de l'épargner, lui dire qu'elle lui donnerait tout ce qu'il voudrait en échange : de l'or, des vêtements, son père, ses poulaines...non, pas ses poulaines, il y a des limites.

Mais non, elle n'aura pas besoin de se transformer en fontaine de larmes. Elle vient de comprendre qu'il était en train de l'aider tout simplement. Pas habituée, elle en serait tombée si elle n'avait pas profité du soutient qu'il lui offrait. Il vient de passer passé du statut d'assassin-psychopate à celui d'aide-soignant pour donzelle biturée ou de l'Homme Parfait (il lui tient les cheveux quoi.) en moins de temps qu'il en faut pour le dire. Elle l'aurait remercié aussi si il n'y avait pas ce martèlement incessant qui lui parasitait l'esprit et l'empêchait de réfléchir plus ou moins normalement.

Que d'émotions !

L'eau proposée par le balafré aurait été la bienvenue...mais vlà qu'il parle affaire. Remettre ça à une autre fois ? Jamais. Toujours battre le fer tant qu'il est chaud. On déconne pas avec le commerce.
Quoi que...


On peut remettre ça à demain ?

C'est balancé comme ça, l'air de rien. Ca lui permettrait de recouvrer un minimum de lucidité mais c'est, surtout, un prétexte trouvé pour repousser encore son départ.
Marchera, marchera pas ?
Elle lève sur lui un regard implorant.
Pathétique ? Carrément, oui.
Au point où elle en est, hein...


M'avez toujours pas dit ce que vous vouliez contre MA main... Et vous deviez gribouiller un contrat, je crois, je sais plus...

La main gauche qu'elle prend dans la sienne, sans ménagement aucun. Elle doit vérifier qu'elle va bien, qu'elle cicatrise et que le "C" qui la orne ressemble bien à un "C" qui ne disparaîtra jamais. Faudrait pas qu'elle se fasse arnaquer.

J'peux ?

Le genre de question qui n'appelle pas vraiment à une réponse. La menotte ducale cherche déjà à défaire le "bandage" de la main intentionnellement blessée.
Et puis...


N'empêche que z'auriez pu me traîner ailleurs que dans ce taudis puant. Z'imaginez un peu qu'on me voit sortir de là ? Avec vous en sus ? La honte. J'ai une image à préserver moi, hein. Et elle est sérieuse, hein.

Va falloir attendre qu'il fasse nuit du coup.

Elle bat des cils.

Ce qui fait que vous avez touuuut le temps pour me raconter ce qui vous est vraiment arrivé là. En montrant du doigt la cicatrice qui fait tâche sur le visage du mercenaire.
_________________
Nizam
    Heureusement le Balafré ignorait ce qui se tramait derrière la tignasse brune, ne songeant pas un seul instant qu'il pouvait incarner le Mal absolu dans l'esprit éméché de la jouvencelle. Brusque par nature, considérer la différence entre les gaillards avinés de taverne et cette noble lui semblant certes aussi délicate qu'un mioche dans une maison de verre, mais frêle au point de peiner à soulever son épée, était peut-être un premier pas vers un contact moins brutal. Nizam l'aida pourtant, s'habituant brièvement au rôle d'Homme Parfait pour lui éviter de viser autre chose que la cuvette, comme ses bottes de cuir qu'il entretenait depuis quelques mois. Les tâcher l'aurait réellement fait passer au statut d'assassin de duchesse en détresse.
    Il constata que sa dernière phrase eut plus de conséquences qu'un coup de maillet pour éclairer les pensées de l'ivre donzelle, celle-ci se relevant, le Blond arqua un sourcil perplexe quand elle lui proposa demain... Quel demain ? Le temps était contre lui, il devait aller au Sud, non distraire une môme angevine fût-elle riche et blasonnée. A la lueur suppliante dans les juvéniles prunelles, il comprit : elle fera tout pour le garder ici. Ayant un quota Pitié & Bonté valant les caisses d'une ville endettée après une fête brigande, la tentative de l'implorante échoua, hélas, et il s'écarta faiblement avec un regard explicite : tu-rêves-en-couleur-petite.
    Elle aborda le thème du contrat, enfin une parole censée !


    - J'vous ai dit, un service qu'vous me devrez, j'ai écrit l'contrat c'matin, z'avez qu'à l-Grumpf.

    Comprenez que la main gauche était entrain de se faire malmener par une jeune fille en pleine décuve, autrement dit avec une douceur de degré zéro pour qui avait la peau écorchée vive sous ce bandage. Il se dégagea de l'emprise si tôt qu'elle aperçut le C, pensait-elle qu'il avait changé de place en une nuit ?! Mâchoire crispée, l'impulsif avait parfois l'impression que Calyce ne mesurait pas les situations absurdes dans lesquelles elle s'embringuait - lui avec - mais ne devait-on pas blâmer l'alcool dans lequel elle avait pataugé ?

    - J'aurais bien voulu vous traîner ailleurs mais quand z'avez commencé à m'serrer et à baver sur mon épaule, c'était urgent qu'j'vous case sur la première paillasse venue. La honte, té... 'Foutez d'moi ? 'Voulez savoir à quoi elle r'ssemblait vot' image hier ? Une débauche ambulante attirée par l'odeur des poivrots du quartier. Et encore, j'parle pas de vos exploits branlant sur les pavés d'la ville.

    Azurs posés sur elle avec des reproches sans effets, il eut encore du mal à suivre la logique calycienne lorsqu'elle émit l'hypothèse de rester à l'auberge jusqu'à la nuit tombée, car pour le Blond, ça ne pouvait être autre chose qu'une proposition qu'il déclinera bientôt, il était hors de question qu'il reste enfermer avec cette pocharde une journée entière. Une de plus. Prenant inspiration pour lui signifier son refus non négociable, et qu'il l'emmènerait dehors par l'corset s'il le fallait, un doigt gracile devant son visage l'arrêta.

    - Bien sûr, on s'taille une bavette jusqu'à c'soir et on s'raconte nos vies en pouffant gentiment. Non mais j'ressemble à vot' dame de compagnie p't'être !
Calyce
Hé ho ! N'était-ce pas lui qui évoquait la possibilité de remettre ça à une autre fois ? Une autre fois ça peut être demain. Rabat-joie. Épaules haussées, indifférence feinte, elle le regarde l'air de dire : Nan mais j'm'en bats les cheveux, pouvez partir LOIN. Alors que le pied nu semble dire le contraire en battant la mesure contre le plancher.
M'enfin, la vlà rapidement consolée par la constatation du C presque parfait, il aurait pu ressembler à un D, un A ou à rien mais non, c'était bel et bien un C. Là encore le blond joue les troubles-fête, l'empêchant de s'attarder dans la contemplation du chef-d'oeuvre Louisesque. Pas grave, elle a eu le temps de voir qu'il était Bien marqué, bien rouge, sanguinolent, ça doit picoter un max : Bien fait pour sa pomme balafrée.


Chochote.

L'histoire du contrat et des différentes clauses qui le composent est mise de côté un court instant. Juste le temps de répondre aux propos diffamatoire du mercenaire. Quoi ? Calyce baver, courir le poivrot, embrasser le pavé ?! Oui bon, okay, y a des chances que ça puisse arriver. Il est des personnes qui tiennent l'alcool, d'autres qui sont tenues par l'alcool et c'est dans cette dernière catégorie que la brunette est classée.
Retour du petit sourire confus au coin des lèvres, profil bas (ou presque) et tout le tralala :


Alors j'dois vous remercier, j'crois...m'enfin z'auriez pu éviter ça en refusant de me tenir compagnie alors que je buvais, hein. C'est un peu vot'faute du coup. Et toc.

Elle range le doigt qu'elle brandissait encore bêtement devant le visage du jeune homme alors que le sien de visage se fend d'un grand sourire niais, plein d'espoir : Il propose d'y raconter sa vie, la garantie d'avoir de la distraction pour une journée de plus au moins ! Sauf que rabat-joie un jour, rabat-joie toujours.
Long soupir de la môme qui secoue la tête, contrariée.


On m'a appris à toujours connaitre les gens avec qui j'parle commerce. Pas spinoziste pour rien. Quelque soit la marchandise, que ce soit du pain ou une main ! Alors oué, j'pense que vous pouvez m'raconter des trucs...que je pourrai raconter à votre main plus tard ! Ou comment tenter de prendre par les sentiments. On peut toujours commencer par causer du contrat...z'allez me le montrer un jour ? J'l'ai quand même pas signé hier alors que j'étais...guillerette ?

Et de le regarder, méfiante jusqu'à ce qu'elle capte un truc...

Vous avez les yeux bleus. Perspicace.
Voulez devenir ma demoiselle de compagnie ? Sérieuse.
_________________
Nizam
    Le remercier... Elle y pensait seulement maintenant ? Ebréchée par la bière, certes, mais un merci sincère pour celui qui l'avait tenue jusqu'ici ne serait pas juger excessif. S'il ne l'avait pas laissée gisante dans la ruelle, c'était pour y soutirer un bénéfice, en plus de la signature du contrat. La brune trouvait le moyen de battre le mercenaire dans le domaine de la mauvaise foi. Et ça, c'était fort. La candeur jouée par la noble le mettra en rogne tôt ou tard, ou plus précisément la curiosité tenace dont elle faisait preuve à l'encontre de l'homme d'armes, qui, lui, s'en tamponnait grave l'coquillard de savoir si elle accordait ses dessous avec sa houppelande ou jouait toujours à la poupée - il pariait sur les deux.

    - Vous n'avez rien signé, z'étiez même pas dans l'état de tenir autre chose qu'une chope.

    Il forçait le trait, les souvenirs embrumés de la jeune femme le lui permettaient et il n'allait certainement pas s'en priver. Pouce relevé, le Balafré lui désigna la porte grinçante en s'évertuant à ne pas être davantage railleur devant les méfaits de l'alcool sur la jeunesse mondaine.

    - Le contrat est à côté, avec l'encre et la plume, il ne manque que votre nom en bas d'la page. Vous pourrez l'écrire penché tant qu'vous n'dépassez pas.

    Les azurs croisèrent les mirettes de la brune, silencieuse, donc probablement en réflexion intense, ce qui devait être rare puisqu'il la connaissait vive, mais peu d'esprit. La remarque l'acheva dans son hésitation d'afficher tantôt un rictus moqueur, tantôt un froncement désabusé. Il se contenta de soupirer, à défaut de frapper son front avec une paume - chanceux comme il était, c'aurait été par réflexe la gauche mutilée. Le Blond avait oublié la facilité avec laquelle elle changeait de sujet, bien que cette observation physique lui avait rappelé un détail singulier de la jeune fille, vu lorsqu'il fut obligé de tripoter la chair noble pour la traîner dans la chambre et l'y faire dormir. La pâle couleur de ses iris mise à part, la dernière question lui confirma que la brunette jouait parfaitement l'ingénue, ou que quelques branches ne s'étaient pas sainement croisées dans sa généalogie.

    - J'ai la gueule d'une demoiselle de compagnie ? Z'avez atteint le creux d'une aut' bouteille dans la nuit, vous, c'pas possible.

    Conclure par un changement d'idée, quitte à poser des questions niaises, il jugeait plus utile que ce soit sur de vraies étrangetés.

    - Au fait, on vous a fait quoi, là ?

    L'index pointant l'emplacement d'une oreille - manquante - caché par les mèches de l'adolescente.
Calyce
Commence à l'agacer lui avec ses remarques à deux écus sur ses tendances alcooliques. Une soirée arrosée et vlà qu'il lui avait taillé une pauvre réputation d'ivrogne...
Oh, ça va, hein. Je sais apprécier le vin angevin moi, m'sieur contrairement à vous. C'malpoli chez nous de quitter une taverne avant d'en avoir vider TOUS les fûts. Vous l'sauriez si z'aviez pas décidé de fuir vot'chez vous parce que z'aviez peur de la bure. Pfeuh.
La main posée sous les cheveux à l'endroit où se trouvait une oreille y a de çà...longtemps. Elle se renfrogne.
Z'aviez pas le droit de regarder. Est-ce que j'ai cherché à voir ce que vous cachiez sous vos...cheveux, MOI ?
Il aurait pu regarder sous son corset que ça l'aurait mise moins en rogne. On touche pas l'oreille, ça se fait pas, c'est indécent...c'est la honte !
Et c'est en meuglant tout ça qu'elle se traîne jusque la petite pièce voisine, qu'elle se vautre sur le fauteuil miteux et qu'elle prend connaissance du fameux contrat.
Petite moue.

On vous a appris à écrire au moins, c'est bien mais...il manque des trucs.

    Le Balafré eut sérieusement du mal à contenir le marmonnement dans sa barbe mal taillée, à ne pas s'énerver contre cette donzelle mal biturée, ni lui répéter que l'on voyait déjà le fond des tonneaux lorsqu'il avait débarqué en taverne. Avec un haussement d'épaule, il négligea sa critique sur la bure qu'il avait fuit comme la peste en étant gamin, il n'aurait pas dû lui raconter son passé angevin. Nizam devina qu'il avait touché l'aspect sensible de la noble, et il eut beau se défendre en précisant qu'elle l'ait voulu ou non, ses cheveux n'étaient pas collés à sa face, avec l'équilibre de ses jambes flageolantes hier, le Blond avait été contraint à une certaine proximité avec elle pour lui éviter de misérables chutes.
    Il la suivit jusqu'à la pièce jouxtant la chambre, se tenant contre l'écritoire en lui laissant le plaisir de lire le contrat.

- Heing ? Comment ça il manque des trucs, il manque rien oui, 'pouvez signer.
Elle pointe du doigt la première clause.
- Là ! "Jusqu'à la naissance du poignet", je ne suis pas d'accord. Faudra couper bien après le poignet. Que je puisse la tenir, voyez ?
Son regard s'arrête sur les mots soulignés, avant de rencontrer ceux de la brune, s'interrogeant sérieusement sur le bien fondé du commentaire.
- Si vous voulez la main ET le poignet, c'est plus cher.
Elle hausse une épaule.
-J'sais toujours pas ce que va m'coûter la main simple alors, hein...J'vous rendrai un service et quart ?
Il réprime un énième soupir, critiquant mentalement le sens des affaires de la brune.
- Deux services, alors. Ou un, et vous m'donnez d'l'argent chaque fois qu'j'viens en Anjou.
Tant qu'à faire, pourquoi se priver ?
Il blague ? Elle rit.
-Z'avez de l'humour. J'achète votre main, je suis pas vot'mère, hein ! On a ja-mais parlé d'argent. Deux services c'est bien mais je prends tout l'avant bras du coup.
De l'humour... Attends de savoir ce qu'il réserve comme services, la môme, là tu pourras rire. Nizam secoue négativement sa tête, s'il accepte d'être un mort manchot, son statut d'estropié a des limites ... ou un autre prix.
- Ah non, ça fait trois voeux dans ce cas, 'vous rendez pas compte, c'est énorme un avant-bras.
Il relève sa manche afin de lui montrer, comme pour se donner contenance.
- Eh, et puis on est d'accord, le service peut être tout ce qui est imaginable, dans la limite du possible.
-Humpf.
Trois voeux ? On parle de Calyce, hé, pas d'un génie qui sort de sa lampe quand on l'a frottée. Elle regarde le bras découvertet plisse le nez : Vrai que ça fait beaucoup.
-Va pour deux services. Au dessus du poignet. J'aime pas le bras ! Pis dans la limite du possible, n'allez pas demander de me couper un truc de mon vivant, hein. Voulez vraiment pas dire ?
Un sourire carnassier sépare ses deux lèvres. Nizam sait qu'avoir d'une manière ou d'une autre des gens qui lui sont redevables à travers le royaume, surtout si ceux-ci ont des titres, est toujours un avantage. S'il ne trouve pas de suite une utilité dans ses affaires, un souhait absurde ou sortant de l'ordinaire pourrait aisément le distraire.
- Non, si je demande un service, c'la signifie que je vous le dirai quand j'en aurai besoin. J'vais pas vous faire couper des trucs, 'tomberiez dans les pommes et j'voudrais pas vous avoir une fois d'plus sur les bras.
L'azur fixe un court instant la noble, avant qu'il ne continue, totalement innocent.
- J'vais pas vous demander d'vous couper l'oreille, par exemple.
Si elle s'écoutait, elle lui crèverait l'oeil avec la plume posée pas loin sauf qu'elle est consciente de ne pas faire le poids. Alors elle se contente de s'enfoncer dans le fauteuil en marmonnant qu'elles l'enquiquinent, son oreille et elle.
-J'prefère encore perdre celle qui m'reste que de me retrouver avec vot'cicatrice qui vous fait ressembler à une carte mal tracée du Royaume. Et je ne vous suis PAS tombée dans les bras, c'vos bras qui m'ont attrapée.
Elle relit le second point du contrat. Rien à ajouter. Quoi que...
L'mieux serait quand même que vous veniez clamser à Saumur. J'dis ça c'est pour votre main, hein.
Sujet du pavillon de l'oreille manquant à l'appel à creuser, le Balafré prend note, il jubilerait presque d'avoir trouver ce qui permettait de la mettre à égalité avec lui dans le clan des défigurés.
- Bwarf, vous, vous n'voudriez vraiment pas savoir à quoi m'fait penser le trou d'vot' oreille maintenant. Oui, j'vous ai rattrapée, j'voulais pas plus vous amocher, j'compassionne beaucoup 'vec ma cicatrice 'savez.
La proposition de défunter à Saumur le fait hausser un sourcil indécis.
- Ouais. Et j'dis quoi au type qui voudra m'percer l'bide ? "Y'a qu'à Saumur qu'tu pourras voir mes tripes ?"
Elle le regarde, sourcils froncés.
- C'est vous qui parlez d'amochage là, hein.Allez-y, je vous sens l'envie de me causer de vot'pauvre cicatrice. Pis la prochaine fois, laissez moi par terre, c'est mieux... Ou alors allez chercher du secours. Et si z'aviez pas autant la bougeotte bin vous n'auriez pas à négocier avec le type qui vous tuera ! Vous ne faites vraiment aucun effort.
Soupir et elle lit la suite.
-"Nizam s'engage à prendre les dispositions nécessaires afin que la main désignée parvienne en bon état à Calyce lorsque, hélas, il ne sera plus." On peut remplacer le "hélas" par "enfin" ?
Il se demande parfois lequel se moque le plus de l'autre.
- Aucun effort ? Aucun effort ?! Pfeuh, j'me demande pourquoi j'suis resté ici un jour d'plus, vrai qu'j'aurai pu vous laisser souiller les pavés et m'tirer plus tôt.
Il retient un autre maugréement de plus et croise nonchalamment les bras en écoutant la lecture.
- Et on peut remplacer Calyce par Poney, ça vous plaisait hier.
Petit sourire amusé au coin des lèvres ducales.
-Attendez...j'crois que z'êtes resté parce que le poney vous a embrassé la main comme vous lui aviez demandé. C'est la pauvre chopine que vous avez bu qui a laissé s'exprimer vos petits penchants zoophiles ? Et c'est moi qui ne tient pas l'vin, hein.
N'empêche qu'elle grimace à nouveau en y repensant.
-Vous arrêtez avec vot'poney, j'touche pas au "hélas" ! Le reste du contrat m'a l'air correct...mais si jamais j'meurs, surtout après vous avoir rendu VOS service, je veux que Melchiore hérite de la main.
Un rictus se dessine sur le visage balafré.
- Mes penchants zoophiles... Dit celle qui s'prend pour un poney gambadant dans ses rêves avant d'se faire monter par l'cavalier. C'pas avec c'que vous m'avez laissé à boire que j'ai pu inventer tout ça.
Il ne précise pas que c'était du bluff, qu'il n'avait pas un instant envisagé que la brune embrasserait bel et bien la main sanglante.
- Parfait, si vous mourrez après m'avoir rendu mes services, la main r'vient à Melchiore. Faudra juste m'dire son nom complet, car j'parie aussi sur d'la noblesse.
Là elle devient pâle. Elle se souvient pas d'histoire de cavalcade et tout le tintouin.
-Vous...vous pourrez ne rien dire à personne de tout ça ? Genre ce qui s'est passé dans cette taverne, reste dans cette taverne ? *
Puis elle hoche la tête, c'est bien un noble et pas n'importe lequel.
Melchiore de Montmorency.
Il savait que rester sobre n'était pas tant un problème, surtout pour monter des rumeurs sur le dos des pochards.
- J'dirai rien... Sauf si vous m'contrariez encore, ça s'rait vraiment dommage.
Le balafré garde dans un repli poussiéreux de sa mémoire le nom de l'éclopé barbu.
- Bien, j'le rajout'rai.
-Merci, z'êtes bien aimable !
C'est presque sincère, hein.
-Maintenant on peut causer cicatrice !
Quoi faut qu'elle signe ?
De peu, il grincerait des dents lorsqu'elle le dit aimable. Il se contente d'un regard vers le contrat et la plume.
- Faut l'réécrire avant, et l'signer aussi, ce serait pas mal.
Nizam pensait à tous les moyens possibles pour retarder les questions sur l'estafilade, thème aussi pénible qu'instable tel l'était sûrement celui de l'oreille perdue de la jeune fille, à ceci près que lui ne pouvait pas le dissimuler derrière de longues mèches et était donc habitué à ce qu'on l'interroge ou pointe l'entaille.
Elle se tient le ventre et joue les nauséeuses.
-D'accord, vous réécrivez siouplé, je suis malade. Je signerai tout bien.
Elle n'a pas oublié la balafre pour autant.
Il ne s'empêche pas de penser que la cuite est une bonne excuse. Après avoir cherché une seconde feuille, le Blond vient près d'elle, s'appuyant contre le fauteuil sans pour autant écraser la môme qui y est assise - ce n'est pas l'envie qui lui manque. La pointe se gorge d'encre, et il griffonne le papier jauni avec un rare sérieux hérité de sa tendre éducation cléricale.
- 'Pouvez demander de l'eau à l'aubergiste. Et à manger, p't'être pas pour vous, mais j'ai faim. Vous n'avez qu'à brailler dans l'escalier, z'avez une voix qui porte.
La plume s'arrête, et les azurs se posent sur la "malade".
- Pas'que si vous pouviez dégager d'là, ça m'arrangerait, voyez.
Parlant dudit fauteuil.
La môme de lever les yeux au ciel. Elle a bien compris où voulait en venir le blond : La faire bouger pour qu'il puisse tranquillement prendre sa place. Alors qu'il suffirait de demander...Ah bah il le fait. A sa façon mais il le fait. Pas contrariante, elle lui laisse la place parce que mine de rien il fait faim chez elle aussi. Elle se dirige donc vers la porte qu'elle finira par ouvrir.
-J'ai une voix normale... AUUUBeeeeergiiiIIIIIIIIIste !
Une grimace plus tard, il pose son fondement dans le siège, le dos craquant d'avoir été ainsi maltraité la nuit dernière, et poursuit son écriture.
- Il va croire que j'vous égorge là... Y'aura toujours du ragoût, ou du pain, d'mandez d'en porter ici.
Avait-il oublié de dire que tous les frais d'auberge seraient au compte de la duchesse ? Faut pas abuser, hein.
-Et avec ceci ? Voulez peut-être dix écus et une bière fraiche ? On dit s'il vous plait ho ! Pis vu la tronche de l'auberge j'vous laisserai ma part.
Voyez comme elle sait être bonne.
-J'vais l'trouver en bas vot'aubergiste, n'en profitez pas pour ajouter tout et n'importe quoi dans l'contrat.
Amusé, il dévie brièvement du parchemin.
- Vous pouvez m'faire confiance, non ? Oubliez pas la bière fraîche, s'vous plait ô brune tant beurrée qu'généreuse.
-Allez mourir.
Et hop elle prend soin de garder la porte grande ouverte, qu'il puisse l'entendre crier si jamais l'aubergiste était un psychopathe assassin de duchesse perdue dans la nature ou, pire, qu'elle rencontre un rat (un vrai, hein), avant de disparaître pour dévaler les escaliers. Et le pire c'est qu'elle y ramènera sa satanée bière. Pas fraîche mais bière quand même.
Le blond tend l'oreille, songeant davantage aux probabilités qu'avait la noble de se rétamer en descendant au comptoir, qu'au mal que pourrait lui faire quelconque gaillard un peu louche. Voyez le sens de ses priorités.

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Post écrit à quatre mains.
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Nizam
    Le mercenaire oubliait ses rustres manières et s'appliquait désormais à la réécriture du contrat. Il était parfaitement conscient de l'absurdité de l'accord, mais dans ce monde où la morale primait, il lui était rare de rencontrer un esprit faisant concurrence au sien dans le morbide, car fallait-il être insensé - ou fétichiste, ce qui n'arrangeait rien - pour acheter un bout de chair humaine. Nizam acheva la dernière ligne, et se relut à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'un air satisfait éclaire son balafré visage. Il signa de son simple prénom, ayant depuis longtemps laissé de côté le nom familial qui l'accompagnait lorsqu'il était gamin, ce détail aurait pu attirer la curiosité de l'adolescente, suffisamment poussée à son goût.

    Citation:
    Contrat de vente d'organe :

    Entre les soussignés Calyce de Dénéré-Malines - dite Calyce pour des besoins d'encre - futur acquéreur, et Nizam, futur manchot.

    - Nizam accorde ce jour le droit à Calyce de disposer de sa main gauche, des ongles à la totalité du poignet, dès lors que la mort du mercenaire sera avérée. L'acquisition posthume de ladite manus lui permet d'en jouir comme il lui plaira, pouvant l'exposer ou la revendre à qui bon lui semble. Au décès de Calyce, Melchiore de Montmorency héritera de plein droit de cette main.

    - La main devra par conséquent être détachée du corps du défunt et revenir à la nouvelle propriétaire dans les jours suivant le décès. Pour qu'il n'y ait pas méprise, Nizam arbore une cicatrice en forme de "C" finement taillée, écorchée vive, sur la paume de sa main gauche.

    - Nizam s'engage à prendre les dispositions nécessaires afin que la main désignée parvienne en bon état à Calyce lorsque, hélas, il ne sera plus.

    - En échange de l'organe, Calyce s'engage à respecter, du vivant de Nizam, une dette envers le jeune homme prenant la forme de deux services rendus. Ces services seront, au mieux, dans la limite de ses moyens, et devront pleinement exaucer les souhaits du donneur.

    - Les deux souhaits peuvent formulés à tout instant, seulement par Nizam.

    - Tant que ces deux souhaits n'ont pas été formulés, ni réalisés, ce contrat peut être rompu par l'une ou l'autre des parties, sans motif valable, ni réclamation.

    - En outre, ce contrat sera considéré comme rompu si :
    * L'une ou l'autre des parties ne respectent pas leur engagement.
    * Calyce atteint de manière directe, ou indirecte, à la vie de Nizam, et vice versa.
    * Le tragique décès de Calyce est à déplorer avant celui de Nizam.

    Rédigé en ce 29ème jour du 3ème mois de l'an de Grâce 1461.

    Signatures :


    Un bruit de mécontentement stomacal le rappela à la cruelle réalité : son vendre était vide, et la brune traînait toujours ses ducales miches en bas. Elle flânait sûrement, se remettant de sa cuite, rien de mal. Sauf les poutres et les marches, qui oserait s'en prendre à une jeune fille éméchée, un tendron au teint de nobliote ? ... Il se souvint dans quel endroit ils se trouvaient. Il eut soudainement un doute. Quittant le fauteuil, il vint à l'embrasure de la porte, se penchant vers l'escalier pour mieux beugler à pleins poumons vers le rez-de-chaussée.

    - CALYCE !! Vous trempez dans l'potage ou quoi ?! Faudrait p't'être penser à vous magner l'fessier, j'ai faim !

    Ou comment s'informer courtoisement de l'état d'un comparse. Il tendait l'oreille, prêt à descendre si aucune réponse ne faisait écho.






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