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[RP] Tempête sous un crâne II

Gypsi
Ou comment des retrouvailles miraculeuses, inespérées et inattendues pouvaient perturber au plus haut point une brebis galeuse. Un coeur troublé, un ventre noué, au moins autant que la gorge, des pensées qui se perdent pour une brebis qui semble perdre toutes ses connaissances. Pour une bohémienne qui semble perdre tous ses repères. Pour une femme que les évènements tourmentent. Parviendrait-elle jamais à être heureuse ?

    L'amour s'en va comme cette eau courante, L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente
    Vienne la nuit sonne l'heure, Les jours s'en vont je demeure.

Le temps passe. Mais le temps n'a pas passé assez refermer totalement les blessures. 3. 3 personnes chères à ses yeux. Dont 2, chères à sa vie. 1. Un disparu qui réapparaît. 1. Un amant éloigné qui s'efface, mirage lointain qui ne brille plus assez. 1. Une femme un peu larguée par la succession des évènements. Un peu paniquée au milieu de la foule de ses sentiments. Perdue de ne pas savoir, de ne pas comprendre. De ne pas agir. Il est si loin le temps qui les unissait. Pourtant entre jalousie et amour, son coeur balance. Comment tourner une page qu'on a soigneusement encadré et placardé au dessus de sa paillasse ? Ils l'y aideront surement, les deux amoureux... Brebis ferme les yeux et s'imagine une scène. Un tête à tête raté...

    Dans le vieux parc solitaire et glacé, Deux formes ont tout à l'heure passé. Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l'on entend à peine leurs paroles.
    Dans le vieux parc solitaire et glacé, Deux spectres ont évoqué le passé.
    - Te souvient-il de notre extase ancienne ?
    - Pourquoi voulez vous donc qu'il m'en souvienne ?
    - Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom ?
    Toujours vois-tu mon âme en rêve ? - Non.
    - Ah les beaux jours de bonheur indicible
    Où nous joignons nos bouches ! - C'est possible.
    - Qu'il était bleu, le ciel, et grand l'espoir !
    - L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Et quand brebis rouvre les yeux, une larme roule le long de sa joue. Perdition. Un amant un peu loin qu'elle voudrait protéger. Une amie, une soeur qui n'accepte pas cet amant. Un premier amour qu'elle voudrait retrouvé. Une jeune chaste interposée. Elle devrait être heureuse de l'avoir retrouvé. Pourtant, elle n'a qu'une envie, celle de disparaître à nouveau. D'être seule, complètement seule. De changer de nom, de changer de vie, d'effacer tous ses souvenirs. Tempête sous son crâne. Elle aimerait que le vent emporte sa mémoire bien loin, et la noie sous une mer de glace. Elle voudrait que le vent l'emporte bien loin d'ici, dans un lieu où personne ne la connaîtrait. Mais elle n'a pas la force de lutter. Pas la force de les quitter. Pas la force de décider, de choisir. Alors la larme roule, témoin de sa faiblesse. Parce qu'elle fait mal cette retrouvaille. Peut-être plus qu'elle ne fait du bien d'ailleurs. Les paroles d'Exaël trottent dans sa tête : rien ne sera plus comme avant, le passé est derrière, mais "le fait de le savoir vivant...". Bêtises. Si rien ne sera jamais plus comme avant, à quoi bon le savoir vivant ? Après l'extase et l'enthousiasme du soir des retrouvailles, la rechute est dure.

La bohémienne accuse le coup et s'isole en taverne pour écrire. L'heure tardive assure l'isolement. Le parchemin reste vide. Les yeux sont rougis. Et la gorge toujours autant nouée. La plume se met enfin en action. Sans s'en rendre compte c'est à Steph qu'elle écrit. Lui seul comprendrait. Il souffrirait sans doute. Mais il ne la laisserait pas tomber. Elle avait besoin de lui. Elle aurait voulu pleurer dans ses bras, se soûler pour oublier, et rentrer en crabe avec lui chez eux. Mais elle était seule. Seule au milieu des couples. Seule pour affronter ce retournement de situation. Seule pour observer son premier amour et sa nouvelle compagne. Seule pour veiller sur Sulfura qui se blessait. Seule. Et elle n'avait plus la force de jouer les mamans, les protectrices, ni même les méchantes filles. Ni même la gentille fille. La brune souhaite redevenir un mirage à ce moment là. Celui qu'elle a toujours été...


* Guillaume Apollinaire : Le pont Mirabeau
Verlaine, Colloques Sentimentales, de Fêtes Galantes.

_________________
Sulfura
"L'espoir est une mémoire qui désire"
Honoré de Balzac

Rochechouart, la ville est calme ou peut être n'est ce juste qu'un calme apparent. Les tavernes sont quasiment désertes. Pas âmes qui vivent. Atmosphère agréable pour une Sulfureuse qui se morfond silencieusement dans son coin. Ainsi, ses pensées vagabondent dans son esprit librement sans interruption. La ville est à l'image d'elle même. Vide de tout en apparence, bien évidemment. Elle flâne dans les rues se complaisant à sa morosité. Elle marche à l'aise avec sa douleur. Fidèle compagnon. Elle le sait au fond d'elle, elle le leur avait toujours dit, elle n'était qu'une Illusion pour eux. Une Illusion qui finira par disparaître comme un grain de poussière prit entre deux vents.

La brune veut avancer, elle désire se relever tout en gardant sa mélancolie parce qu'elle le sait, elle s'est faite à l'idée. Celle ci ne compte pas la quitter de ci tôt alors, autant cohabiter. Chacune prend part de son être, chacun son tour pourvu que les échanges soient équitables. Mais SulfurA est plus fourbe que sa mélancolie. Un plan monté dans sa tête. Se montrer conciliante à son égard, jouer les esclaves d'elle pour mieux la chasser une bonne fois pour tout. Voilà, le stratagème de la belle, seulement, il y a un hic. Un point qu'elle n'avait pas pensé. Elle commençait à apprécier cette mélancolie. Les jours passaient dans une langueur totale. Mais l'autre nœud du problème, c'est qu'elle n'était pas seule.

Alors, c'était à son tour de jouer. Elle devait balancer les meilleures cartes pour étaler sourire et autres signes de bien être. Toutefois, elle n'était pas douée pour cela, il fallait qu'elle trouve des bouc émissaires sur qui se défouler. Première carte en main. Avant cette recherche, elle devait délier sa langue. Chose aisée quand il s'agit de s'en prendre aux autres mais si ardues quand il est question d'avouer ses torts, de mettre des mots sur ses maux. Gypsi était là, toujours. La personnification de la boussole. De but en blanc, elle ouvre la barrière de ses lèvres pour laisser ses mots s'évader "je sais que j'agis mal mais, je n'arrive pas à faire autrement. Je ne contrôle plus rien quand bien même je sais que c'est mal." Le sérieux prit la place du mutisme. Les mots ne sortent plus au compte goutte. Ils s'enchaînent, fluides et précipités. Pourvu que rien interrompe cette cascade de confidence. Gypsi écoute, elle sait que rares sont les instants ou la Sulfureuse parle de ses griefs, de leur griefs ! Oui, il faut qu'elle se reprenne pour elle, pour lui, pour eux. Autrement, comment arriver à destination.


La Solutitude l'étreinte mais elle essaie de l'ignorer recherchant réconfort ailleurs. La pièce est jetée en l'air et elle retombe sur face. La face est noire. Une image du passé vint la saisir. La phrase résonne dans sa tête et puis des flammes. Voilà ce qu'elle voit. Très vite, elle revient à la réalité en croisant un regard. Spectatrice des retrouvailles d'une brebis et d'un disparu. Il manquait plus que ça... ou bien, peut être était ce là juste la Providence qui venait sonner à leur porte. La Sulfureuse ne croit pas aux coincidences comme elle ne croit pas que l'arrivée inopinée de Flasque soit un simple hasard à un tournant de sa vie ou plutôt de leur vie. Le sourire vagabonde sur les lèvres. La présence de cet inconnu lui fait du bien. Elle ne le connaît pas... elle en a juste entendu parlé mais, elle sait que sa venue sera salvatrice en un sens car trop de mots et de maux en suspens. La vérité finie toujours par éclater. La brune voit mais n'agit pas pour une fois. Elle le devrait... ou bien. La robuste, le marbre vivant décline, se fragilise. Les coups ont eu raison d'elle. La rancoeur, l'amertume, la douleur, la tristesse, la déception, l'espoir fourbe, chacun d'entre eux l'assènent de coups et finalement, SulfurA s'écroule sous ces coups. Qui l'aurait cru ? Toutefois, un pilier reste un pilier, le marbre est façonné dans l'airain. Se redresser quand elle voit l'oeil inquiet d'une brebis. Se redresser pour ne pas rajouter une couche de plus. Rester droite le temps du dénouement, le temps de l'accalmie et ensuite, elle pourra fermer les yeux.


Étrange chacune d'elles se sent seule. Pourtant, elles ne le sont pas. Alors pourquoi ce sentiment si persistant ? Après son moment d'inconscience, la brune erre dans la ville en quête de quelques réponses. Les deux ont tenté de s'oublier soit même pour être présente pour l'autre, seulement, l'autre le sent et là est le nœud du problème. Les vagabondes ne se confient plus. Elles se morfondent chacune dans leur doute et leur tragédie. Pourquoi ne pas se serrer les coudes ? Froncement de sourcils, SulfurA caresse sa tempe, effleure le tissu qui orne sur son front. Solidarité...au lieu de s'exiler chacune dans l'île de la souffrance. Une lumière encore allumée en cette nuit tardive, le regard attiré sur une silhouette brebiesque. Doucement, la brune entre. La brune la regarde penchée sur son parchemin, sa plume s'acharnant sur celui ci. Elle attend, elle observe et finit par s'approcher. Un mince sourire se fraie un chemin sur son visage à une pensée : ensemble, elles seront plus fortes que tout. La main fraîche de la Sulfureuse se pose sur l'épaule brebiesque et un murmure :


T'en fais pas, je suis là avec et pour toi...
Un instant de tendresse dans ce tourbillon de maux qui déchaîne leur rixes entre doutes, tristesse, mélancolie, regret... SulfurA lui caresse la joue et dans un souffle lui dit :
"Dans toutes larmes s'attarde un Espoir, Gysp'..."*


Citation:
*Simone de Beauvoir.
Gypsi
Le Bonheur a marché côte a côte avec moi,
Mais la Fatalité ne connaît point de trêve :
Le ver est dans le fruit, le réveil dans le rêve.
Verlaine


Elle était là. Avait-elle senti son désarroi ? C’est ce que la gitane voulait croire à cet instant. Elle avait besoin de croire en un lien fort. Une main posée sur son épaule. Une caresse. Elle était heureuse qu’elle soit là, elle qui, quelques instants plus tôt, souhaitait la solitude la plus totale. Elle était soulagée. Elle avait besoin d’elle. Et elle le lui montra. Sulfura était la seule personne devant laquelle elle acceptait de pleurer véritablement. Parce qu’elle avait une confiance absolu en elle. Parce qu’elle se laissait chacune le privilège d’être la seule véritable à voir pleurer la seconde. Gypsi lâcha la plume qui retomba avec lenteur sur la missive non achevée. Et elle se leva pour se glisser dans les bras de la sulfureuse. Telle une enfant qui a besoin d’être consolée. Telle une femme en mal de tendresse. Telle une brebis perdue qui a besoin de sa plus grande amie. Et de murmurer en réponse aux mots de la belle :


L’espoir… d’un espoir. Manqu’rait plus que Rubein réapparaisse et je me croirais morte et au Paradis des Appolons…

Gypsi dans toute sa splendeur qui tente de dédramatiser un drame qui n’en est pas un. Qu’elle est sans doute la seule à voir d’un regard un peu sombre. Qui tente de faire de l’humour même si le cœur ne le veut pas. Et Gypsi dans toute sa splendeur qui s’engage sur le terrain philosophique. Qui tente d’interpréter des concepts abstraits et complexes qu’elle n’est pas capable de démêler. Elle redresse un peu le visage, recule d’un petit pas et regarde son amie.

L’espoir c’est une belle conn’rie. Une tragédie. Il fait plus de mal que de bien. L’espoir amène, des illusions, aux désillusions. Il flotte, indifférent. L’espoir c’est une foutaise. C’est le plus grand maux qui s’échappa jamais de la boîte de Pandore.

Qu’est-elle censée faire alors ?
Son cœur battait la chamade, et se mains se mirent à trembler. Lasse. Elle était lasse. Elle prit une grande inspiration qui se termina en un léger soupir.
Pourquoi sa vie virait-elle toujours au compliqué ? Pourquoi la facilité lui semblait refuser ?
Elle se laissa retomber sur sa chaise, bras ballants. Faire le point. Voilà ce dont elle avait besoin. Raconter toute l’histoire l’y aiderait peut-être. Se confier. Elle devait se confier. Longtemps, bien longtemps que les deux brunes n’avaient pas fait de soirées confidences. La faut à la Solitude qui avait tenté de séparer les deux Inséparables. L’heure tardive était favorable aux aveux. Leur tête à tête ne serait troublé par personne – du moins le pensait-elle. Elle devait s’ouvrir à son amie de toujours. Peut-être cela l’aiderait-il. Sa main tremblante alla se glisser dans celle de la sulfureuse. Elle avait besoin de ce contact, de ce maigre lien qui la reliait à la belle. Son regard s’était perdu dans le vague d’un point lointain. Raconter… Des images lui reviennent, comme une braise sous la cendre. Feu mal éteint. Elle se souvient des jeux qu’ils inventaient ensemble. Elle retrouve dans un sourire la flamme des souvenirs. Raconter…


    Nous ne nous souvenons que de ce qui n’est jamais arrivé. Il aura fallu que s’écoule une éternité pour que je finisse par comprendre le sens de ces mots. Mais mieux vaut commencer par le début, qui, dans cette histoire, se trouve être la fin.*
En 1456, elle avait disparu du monde pendant une semaine. Sept jours et sept nuits durant, mais personne ne s’en était réellement rendu compte. En 1456, une esquif avait disparue dans la noirceur des profondeurs océanes. Deux jours plus tard, elle ouvrait les yeux, sur une plage du nord du royaume. Elle en avait réchappé, dieu seul savait comment. Ses yeux fixait l’immensité du Paradis céleste. Ce jour-là, le fantôme d’un sculpteur formait dans le ciel des nuages impossibles sur un azur qui blessait les yeux. Elle n’avait pas pleuré. Elle s’était levé et avait fixé l’horizon, le regard vide. L’âme vide. Quatre mois. Quatre mois s’était écoulé quand elle avait rencontre Sulfura. Quatre mois passés à le chercher. A se reconstruire en s’acharnant sur des tâches aussi futiles qu’inutiles. Le temps passant, on fini tous par faire semblant d’oublier. Oublier. Pour se reconstruire. Pour réapprendre à vivre.

    Je ne savais pas alors que, tôt ou tard, l’océan du temps nous rend les souvenirs que nous y avons enfouis. Cinq années après, la mémoire de ce jour m’est revenue. J’ai revu ce bateau coulant dans la brume irlandaise, et le nom de Raphaël s’est enflammé de nouveau comme une blessure toute fraîche. Nous avons tous un secret enfermé à double tour dans le tréfonds de notre âme. Voici le mien.*
Environ sept ans auparavant, ils s’étaient rencontrés. Ils s’étaient engueulés. Une violente dispute qui l’avait pourtant laissé pantoise. C’était un abruti. Mais un si beau abruti. Elle enrageait autant de la bêtise que du fait qu’un si bel homme puisse être si bête. Bête voulait dire insensible à son charme. Ils s’étaient revus pourtant. Leurs rencontres toujours mouvementées s’étaient finalement soldés sur un baiser. Un baiser à la douceur sauvage. Un baiser au goût de sel et de vie, d’échec et d’élan, de promesse et de renoncement. Un baiser à l’image de leur relation. Fusionnelle et impalpable. A partir de ce jour elle ne l’avait plus quitté. La brune vivait sa première véritable histoires d’amour. Sa première et la plus belle qu’elle n’est jamais vécue ensuite. La plus complexe aussi. Car ils ne se facilitaient jamais la tâche. Ils jouaient sans cesse au chat et à la souris, inversant les rôles. Une relation amoureuse basée sur le jeu, et les disputes. Ni l’un ni l’autre n’était de grands sensibles qui se faisaient de belles déclarations d’amour, débordante de mots doux. Au contraire. Ils s’insultaient, s’en mettaient souvent plein la tête, se réconciliaient toujours, et recommençaient de plus belle. Ils s’aimaient. Elle l’aimait. Malgré son caractère de cochon et sa mauvaise foi débordante. Elle l’aimait tant qu’elle quitta tout pour le suivre en Irlande, là où il pourrait recommencer sa vie de marchands talentueux. Elle avait tout quitté pour lui. Mais elle ne se plaisait pas véritablement là-bas. Elle le lui avait d’ailleurs envoyé à la figure lors d’une dispute. Pourtant, un mot de lui suffisait à la calmer. A la retenir. Il est le seul homme qu’elle aurait accepté d’épouser. Ils finirent par prendre le bateau pour rentrer. Sur sa demande, à elle. Le drame qui marquait la fin d’une si belle histoire était alors survenu. Et la belle avait du réapprendre à vivre. Mais elle s’enfermait dans un mutisme, une Solitude et une mélancolie sans borne. Vide. Sans espoir, sans envie.

    Les sanglots longs Des violons De l'automne Blessent mon cœur D'une langueur Monotone.
    Tout suffocant Et blême, quand, Sonne l'heure,
    Je me souviens Des jours anciens Et je pleure ;
    Et je m'en vais Au vent mauvais Qui m'emporte Deçà, delà Pareil à la Feuille morte.²
Sa rencontre avec trois bruns l’avait sorti de sa torpeur. Sulfura, Thomus et Exaël était entré dans sa vie, pour ne plus en sortir. Il lui avait redonné le sourire. Auprès d’eux elle avait réappris à sourire, et à rire, à parler, à se confier. Elle s’était fait des amis. Comme elle n’en avait jamais eu. Trois personnes qui n’étaient plus que deux à présent, l’un ayant choisi un autre chemin, sans elles. Deux personnes qui purent assistés à l’étrange spectacle d’un soir à Rochechouart. Temps et mémoire, histoire et fiction, rêve et réalité se mélangeaient dans cette ville ensorcelée, comme des couleurs d’aquarelle sous la pluie. Il entra avec une jeune femme. Il entra, sans qu’elle y prête attention, trop plongée dans sa discussion avec Sulfura. Et quand ses yeux se posèrent sur lui, elle crut y lire le même trouble qui l’agitait. Sa main vint broyer celle de Sulfura pour tenter de maîtriser ses tremblements. Ses égarements. Et la phrase de Sulfura résonnait toujours dans sa tête : « qu’est-ce que t’as ? T’as vu un fantôme ? ». Un fantôme. Un mirage. Un rêve impossible. Elle s’était endormie. Elle rêvait. Pourtant ils se retrouvèrent enlacés un instant, et elle constata bien qu’elle ne le traversait pas. Il était là, bien réel. Après cinq ans. Raphaël. Et Gypsi planait entre joie et incrédulité. Et puis il ne resta rien qu’elle et lui. Ce regard qu’elle tentait toujours de captiver, avant. Ce sourire qui le rendait plus charmant encore, cette voix qu’elle entendait toujours murmurer à son oreille, le soir, quand elle était seule, des mots qu’elle l’avait entendu dire cent fois.

Elle avait ensuite retrouvé Sulfura. Et ils avaient repris la route, dans la même direction. Elle s’était livrée, avec retenu. Perdue, et remuée. Heureuse mais égarée. Flottante dans un nuage étrangement trop beau pour être vrai. Elle l’avait embrassé. Elle voulait juste effleurer ses lèvres si longtemps siennes. Vérifier ainsi que le mirage ne s’envolerait pas. Il l’avait retenu pour partager un long et langoureux baiser qui scellait les retrouvailles. Et ce baiser laissa à la belle un drôle de goût sur les lèvres, un drôle de poids sur le cœur. Et pour oublier tout ceci, elle avait parlé avec son amie, comme toujours. Occupé le trajet en parlant de lui.


Alors, comment tu le trouves ?

Et puis, Limoges. La magie des retrouvailles s’était envolée. Elle était là, nue de ses souvenirs faux, de ses douleurs sans fondement. Dépouillée sans consentement. Volée. Rien n’était vrai, puisqu’il était vivant. Puisqu’ils étaient vivants. Elle était là, face au nouvel amour du marchand. A la fois jalouse et attendrie. Gypsi était devenue trop bonne. Bon et bête commencent pareils après tout. Elle voulait en savoir plus sur cette femme. Eldearde était jeune, naïve, sensible. Et chaste. Eldearde n’était pas bavarde. Elle se disait incapable d’ironie et de sarcasmes qu’elle maniait pourtant à merveille. Eldearde était fourbe. Sans s’en rendre compte. Elle perçait le cœur bohémien de lames aiguisées en jouant la petite fille innocente et pure. Colère voilà ce qu’avait ressenti la brune quand elle avait découvert la jeune femme qui cachait ses cheveux. Eldearde était son parfait opposé. Et elle se demandait sincèrement ce que Raphaël pouvait lui trouver. Comment avait-il pu passer d’elle, à… ça. Une femme jalouse se perd souvent dans la noirceur. Pourtant Eldearde l’avait touché. Non par ce qu’elle était mais par ses mots qui avaient franchis ses lèvres, seuls : « Steph ? C’est mon Eldearde à moi. » La comparaison avait ramené à l’esprit gypsien l’être aimé qui se trouvait loin. Qui était également différent en de nombreux points de Raphaël. Elle l’aimait pourtant sincèrement. D’un amour totalement différent de celui qu’elle portait au marchand. Le premier baiser avec l’uzetien avait été timide et doux. A l’image de leur relation. La tendresse régnait, partagé entre humour et protection. Bien loin de la folie, de la fusion qu’elle avait vécu avec Raphaël. Pourtant elle tenait à lui. Mais elle ne pouvait caché qu’elle aimait toujours le marchand. Il était son premier amour. Il était l’amour de sa vie. Rien n’avait changé. Elle rêvait de le retrouver, de l’avoir pour elle seule. Et pourtant…

Une voix dans sa tête lui disait que c’était impossible. Ils étaient tous deux en couple. Elle ne voulait pas faire vivre à Steph – ou Eldearde – ce qu’elle avait vécu quand Exaël était parti batifolé avec Kem. Elle avait promis de rendre l’uzetien heureux. De le protéger. Son cœur se déchirait. Si elle voulait parvenir à cela, il fallait partir, et laisser Raphaël à nouveau. Il faudrait réellement tourner la page et réellement l’oublier. Et cette pensée l’anéantissait. Il fallait disparaître de nouveau. Ce soir-là, tout était allée de travers. Sulfura s’était blessée, elle avait sacrifié sa jupe – déjà courte – pour lui faire un bandage. Elle avait eu la peur de sa vie, à l’idée de voir défaillir et de perdre celle qui était tout pour elle. Son repère, son sauve-conduit, son guide, sa conseillère, son amie, sa confidente, sa sœur, sa vie. Pâle et tracassée, elle était allée voir Eldearde. Convaincue que ce serait sa seule façon de voir Raphaël. Qu’elle avait vu. Un bref instant. Une vision qui l’avait achevé pour la soirée. Elle avait envie d’hurler. Mais elle ne pipa mot. Elle assista aux retrouvailles familiales de la jeune femme avec sa tante. Elle observa le regard attendri que portait sur elles le marchand. Elle n’avait pas sa place. Non. Elle voulait parler à Raphaël. Une dernière fois au moins. Seule avec lui. A sa demande de savoir s’il restait là quelques jours, il répondit oui. Elle rétorqua alors qu’elle aussi, Sulfura s’étant blessée, et ayant besoin de repos. Sarcastique Eldearde avait rétorqué un : « A la bonne heure ! », blessant. Gypsi était partie s’isoler dans un coin. La jeune femme était revenue alors, plus tard, pour s’excuser. Elle se disait persuader de pouvoir devenir son « amie ». Chose qui dépassait et de loin les forces de la belle bohémienne. Elle avait tenté la chose avec Kem. Elle ne recommencerait pas. Elle en avait assez qu’on se moque d’elle. Qu’on se paie sa tête. Assez d’être la bonne poire. Et pourtant, après avoir avouer ses sentiments, elle avait accepté de partir. Une larme avait roulé sur sa joue. Vulnérable. Larme qu’elle avait rapidement essuyé. Elle ne montrerait pas sa faiblesse devant la jeune femme. Elle avait alors échoué à une heure tardive dans cette taverne déserte pour écrire. Sans savoir quoi, sans savoir à qui. Elle avait alors échoué à cette heure tardive dans cette taverne déserte pour pleurer. Librement. Pour finir bercer par les bras de Sulfura…


    Comme un vol criard d'oiseaux en émoi, Tous mes Souvenirs s'abattent sur moi,
    S'abattent parmi le feuillage jaune De mon cœur mirant son tronc plié d'aune
    Au tain violet de l'eau des Regrets Qui mélancoliquement coule auprès,
    S'abattent, et puis la rumeur mauvaise Qu'une brise moite en montant apaise,
    S'éteint par degrés dans l'arbre, si bien Qu'au bout d'un instant on n'entend plus rien,
    Plus rien que la voix célébrant l'Absent(e) Plus rien que la voix - ô si languissante ! –
    De l'oiseau que fut mon Premier Amour, Et qui chante encor comme au Premier jour ;
    Et, dans la splendeur triste d'une lune Se levant blafarde et solennelle une
    Nuit mélancolique et lourde d'été, Pleine de silence et d'obscurité,
    Berce sur l'azur qu'un vent doux effleure L'arbre qui frissonne et l'oiseau qui pleure.²
Et maintenant ?

Qu’est-ce que je dois faire Sulf… ?


* Carlos Luis Zafon, tiré du livre : Marina
² Verlaine, tiré du recueil Les fêtes Galantes : dans l'ordre :
Nevermore, chanson d'automne, Le rossignol.

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Sulfura
Nous n’avons qu’une liberté : la liberté de nous battre pour conquérir la liberté... Henri Jeanson

Aucun bruit à l'Horizon, il régnait juste un profond silence. Comme si la vie cessait de battre son plein pour laisser ses deux âmes égarées se retrouver. Dehors, seul le murmure des astres pouvait faire entendre sa voix. Coupées du monde. La terre pouvait bien continuer sa course effrenée contre le Temps, que rien ne changera la langueur de cet instant figé. SulfurA scruta la nuit par pudeur. Oui, coquille vide mais à force de creuser on y trouve de la mousse. Elle était saisie d'une envie presque irrépressible de l'entraîner dehors. Lieu qui apaise tous les maux pendant un laps de temps jusqu'à ce que la Lune décline pour faire tomber le rideau et ainsi, laisser l'aube du jour entrer en scène. Pourtant, elle resta là luttant contre ses propres émotions. La Sulfureuse avait ignoré, inconsciemment, la douleur de la brebis, elle s'était baignée dans son propre désarroi au détriment de la gitane. Se convaincre qu'elle va bien quand bien même tout montre que son coeur saigne et crie à la fois. Lorsqu'elle était tombée, inerte, le voile s'était dissipé à son réveil. Bien sûr, elle savait qu'il allait revenir toujours aussi opaque et aguicheur. Elle eut le temps de voir la détresse cribler le visage d'une brebis et même d'un flasque. La réaction excessive de Gypsi l'avait laissé pantoise. Proche. Elle étaient deux âmes soeurs mais, parfois, elle oubliait le comportement qu'elle se devait d'avoir. Trop familiarisée à sa Solitude Ancestrale mais toujours aussi présente. Celle ci resta sagement dans son coin, silencieuse, attendant le bon moment pour saisir la Sulfureuse. Pour l'heure, elle contemplait la Lune car elle ne voulait voir le visage brebiesque humides de larmes.

Sans demander son avis, elle sentit le corps frêle se serrer contre elle. Un instant, les bras balants, le coeur et la mâchoires crispés par cet élan, SulfurA referma ses bras autour d'elle. Ce n'était pas les bras d'un amant fougueux ni les bras protecteurs d'un frère, juste l'étreinte d'une Sulfureuse. "Tu n'es pas seule..." avait elle envie de lui souffler. Peut être l'avait elle fait, elle s'en souvenait pas. Elle resta ainsi le coeur gonflé de ce sentiment qu'elle répugnait tant. Ses doigts vinrent caresser les cheveux de la gitane à s'y emmêler dedans avant de sentir son corps s'éloigner. Elle laissa tomber sa main d'un geste las et la contemplant et sourit doucement devant sa réplique.

Citation:
L’espoir c’est une belle conn’rie. Une tragédie. Il fait plus de mal que de bien. L’espoir amène, des illusions, aux désillusions. Il flotte, indifférent. L’espoir c’est une foutaise. C’est le plus grand maux qui s’échappa jamais de la boîte de Pandore.




Il lui arrivait d'aimer les débats philosophiques même si pour l'heure ça ne faisait que plus dramatiser la situation. Son entêtement était aussi robuste que de la roche et elle se borna à dénouer tout ces complexes indénouables. Tout en répondant, elle effleura ses joues du revers de sa main pour en chasser les larmes qui assiégeaient son visage. Sourire de tendresse mêlée à une pointe de mystère avant d'enchaîner d'un ton mêlant l'ironie au mélo dramatique.



Ah L'Espoir, l'Espoir... il a toujours été à double tranchant...Comme la lame d'une Epée... il peut être si attrayant et si cruel... Mais c'est lui qui maintient toutes les passions et qui les fait naître. Il est à lui tout seul une boîte de Pandore... L'espoir est un maux par son côté tranchant mais il n'est pas une Foutaise... Il est juste Schizophrène, je crois...

Un mince sourire défila sur ses lèvres, amusé par ses propres propos. Oui, c'était exactement cela, pile ou face. Noir ou Blanc... L'espoir ce poison si nocif mais tellement attirant. L'espoir cette potion si douce mais si brutale. Les désillusions naissent de l'Illusion et ce mirage n'est il pas juste grandiose ! L'espoir fait vivre, il est le tremplin de milles et une sensation. La vérité c'est qu'on vit tous d'Espoirs et de ses mirages. Il n'y avait rien à faire, on ne pouvait fuir l'Espoir car il fait partie de nous... La brune la contempla, elle pouvait y lire toute la détresse et la lassitude sur son visage. Voit on la même chose sur le mien, se demanda t elle? Un pincement de lèvre à cette pensée et elle tourna légèrement la tête pour retrouver le visage pâle de la Lune. Etre là avec la brebis lui faisait du bien... Elle sentait le souffle de la Confidence venir et elle savait qu'une fois les lèvres entrouvertes rien ne pourrait empêcher le fleuve de la confession tomber en une chute de cascade. A l'image de celle ci, les mots s'entrechoquaient comme les vagues se fouettaient les unes aux autres dans une immensité si étroite.
SulfurA serra sa main tout au long de son récit. Par moment, sa poigne se faisait plus forte lorsqu'elle sentait la brebis lui échapper pour se perdre dans la Toile de ses Souvenirs. D'autre fois, elle caressa de son pouce sa main comme pour lui dire qu'elle ressentait la même chose. Ce poids persistant, ce vide sidéral qu'on ressent, cette Mélancolie si poignante...ce manque qu'on arrive pas à combler... Elle écouta sans rien interrompre et voyait comme son visage s'illuminait par moment. La vie reprenait son cours sur son minois quand elle parlait de lui. Comment se défaire de ce noeud ?



Puis, la question tant attendue de la sulfureuse. Elle avait la sensation d'être deux amies de toujours, presque adolescentes parlant du plus beau garçon du Comté. Adolescence qu'on lui avait volé. Sourire à cette pensée, elle rit en disant :


Citation:
Alors, comment tu le trouves ?


T'es sûre que tu veux savoir ce que j'en pense ? A tes risques et périls. Besoin d'atténuer l'atmosphère, besoin de voir un sourire sur le visage de son Acolyte. Besoin d'un courant d'air pour faire voler la peine si présente dans l'atmosphère. Très vite, le sèrieux revint au galop :

Je l'aime bien. J'suis heureuse d'avoir la chance de le rencontrer. Il m'a l'air fort intéressant... le mot "intéressant" voulait tout dire pour la brune. Elle l'avait employé pour son Fantôme, pour son Ours et désormais, aujourd'hui, pour le Flasque. Il n'est pas brun mais il n'est pas blond ! Donc, ça va, il se rattrape bien là dessus ! Il a l'air d'avoir un sacré répondant, j'ai hâte de le provoquer sur ce terrain...


SulfurA s'interrompit pensant à l'Obstacle. Tout le monde savait qu'elle n'avait pas sa langue dans sa poche, zéro tact et pourtant elle avait beau se mordre la langue pour se contenir rien y faisait. Elle se rattrapait l'instant d'après avec plus de mordant. Se contenir, mais pourquoi se contrôlait elle devant cette Sainte Nitouche...? Si seulement tu me donnais ton accord Gypsi... si seulement tu libérais la lionne de sa cage... se murmurait elle. Si seulement ... et elle n'en ferait qu'une bouchée ! Elle pensa, amusée à la presque menace de Raph. Pour lui, étrange, pour lui oui, elle se contint... mais plus pour longtemps, elle le savait car toujours la brebis lui sera sa priorité. Elle avait vu la flamme jaillir dans leurs yeux respectifs. Elle n'était pas restée pour rien. Un élan l'avait saisit pour fuir ces retrouvailles, précieuses. Mais elle était restée pour observer et trouver une réponse à ces points de suspension. Et si cette autre femme demandait à Gypsi de s'en aller et de disparaître, ce n'était pas pour rien. Elle aussi savait... qu'elle ne faisait pas le poids... Elle savait qu'elle ne pourrait rien y faire. Elle la regarda dans les yeux tentant de modérer ses propos et sachant qu'une attention particulière sera donnée à ses mots.

Par contre, il a du avoir un sacré choc lui aussi... au point, de se mettre avec une pintade ! Je la trouve fade et ... hmmm hypocrite au passage... et hmmm pas faite pour cet homme dont j'ai entendu pas mal d'échos ! Il a l'air d'en avoir dans le pantalon, elle... j'la trouve fourbe jouant de la sensibilité ! D'ailleurs ma belle, ne te laisse pas avoir ! Soit fait de hargne et non de compassion !

Elle siffla ses derniers mots avec une certaine colère. Oui, Colère de voir la Gypsi se faire avoir par un visage prit par une sensibilité fausse. Oui, car qui est capable de mentir et de jouer les hypocrites s'armant de deux visages pour chacun, ...n'est pas aussi sensible et prude qu'elle n'y paraît. SulfurA avait le don de l'Observation, la brune suivait toujours son Instinct et encore il lui criait ses mystères. Mais, il fallait qu'elle fasse attention car toute révélation, toute action qu'elle était capable de faire pouvait avoir des conséquences sans précédents... elle en avait eut la preuve... et se contenait désormais plus que de mesure !
Elle voulait les protéger mais comment tenir une telle promesse? La brune repensa aux paroles flasques quand celle ci lui demanda son avis.

Citation:
Qu’est-ce que je dois faire Sulf… ?


La réponse pouvait paraître bien aisé. Une réponse qu'elle avait en tête depuis toujours. Cette phrase qui dansait dans son esprit depuis cet incendie... D'un regard de marbre, le givre revient à la surface en pensant au passé, elle lui dit d'un ton déterminé :
Après la foudre, prends toi en main et redessine ton horizon. Y'a des tempêtes sans visage où on doit se battre contre le pire Bats toi ! Ne laisse pas la fourberie venir à bout de toi. Bats pour toi et toi seule ! On est tous destiné à une personne... ne fuit pas...ce que désire ton coeur. Et ne terre pas son souhait le plus cher par d'autres envies passagères...

Elle voulait la voir se redresser et s'élancer avec sa propre conviction. Les sentiments de Gypsi était prisonnier de sa conscience. Il était temps qu'elle les libère pour qu'ils vivent enfin...
Bien sûr le chemin était cahoteux mais on a rien sans se battre. Un goût amer persistera.. Ce goût amer, tu le connais Gypsi... Elle ne se rendait peut être pas compte de la chance qu'elle avait... Flasque, le bouc et elle, si.... ils voyaient combien la Providence lui offrait une seconde chance...
SulfurA s'apprêtait à se battre à ses côtés quand bien même ce qu'elle déciderait parce qu'elle était ainsi. Le Volcan avait envie de jaillir à nouveau pour rattraper le temps perdu et brûler toujours plus les ailes de l'Hypocrisie ambiante.
Eldearde
      A genoux, Eldearde. A genoux.

    La piaule est modeste et pleine de pénombre, à l'instar de l'âme féminine tassée au pied de la paillasse délaissée. Dextre et senestre s'embrassent furieusement en une oraison silencieuse et non moins éperdue où les lèvres se meuvent muettement, accrochant tant bien que mal les torrentueuses pensées. Isolée, l'indécente chevelure carmélite peut regagner les hanches naissantes et sagement ensevelies dans les plis astucieux d'une ample tunique. Cette dernière, de facture raisonnable, se trouve être le premier présent de l'habile marchand à sa femme de maison, alors qu'icelle sondait encore timidement l'univers étranger s'étendant au delà du microcosme monacal. La seconde faveur orne l'intimité d'une gorge laiteuse, les profondeurs d'un prude corsage  : croissant finement métallique, à l'image de sa lunatique porteuse. Inconstante, Eldearde l'avait assurément été, aux premières lueurs de cette liaison singulière et secrète, quand la vie monastique lui semblait encore la plus désirable des existences. Égarée parmi les divergences de ses différentes appétences, l'haridelle avait d'abord renoncé à lui pour ensuite s'éloigner de Lui : le Très-Haut lui pardonnerait sans doute cette infidélité bienheureuse qui ô grand jamais ne saurait être souillée de quelconques regrets ou d'amères repentances. Après tout, ne l'avait-Il point vue lutter de toutes ses crédules convictions, de toute la probité de sa jeune âme de tendron ? Ne s'était-elle pas infligé les déchirements d'une pénible rupture sur les aigres recommandations des rigides moniales ? Tout avait été fait pour se départir de ces émois audacieux, jusqu'aux plus douloureuses fustigations, en vain : Eldearde aime.
    Elle aime Raphaël, le négociateur aguerri, le piètre cuisinier, l'employeur chéri, le Rossignol orléanais.

    Rabibochés sur les terres rochelaises, les drôles de piafs s'en revenaient vers Limoges, un sourire béat imprimés sur leurs trognes guillerettes, lorsque quelques desseins malheureux se résolurent à mettre un terme à cette idylle printanière qui n'avait visiblement que trop duré. Rochechouart, bourgade placide au nom prédestiné, vit choir l'innocente Colombe des hauteurs où elle planait, abattue par les rustres machineries du « fatum ». Ces dernières s'approprièrent les minois charmants de deux voyageuses aux courtes jupettes, dont l'une d'elles n'était pas moins que « l'Amour à jamais perdu » du marchand parvenu. Gypsi La Fronte : une peau délicieusement tannée par les faveurs de Phébus, une cascade fuligineuse en guise de chevelure, quelques vingt-six années au compteur, une pléiade d'expériences diverses et de vastes périples, une connaissance pointue de ce domaine inconnu qui ornait encore de roseurs nacrées les joues de la jouvencelle...Autant dire que la frêle patichonne ne faisait guère le poids, chose que la suite des événements s'empressa de lui confirmer : une étreinte furieuse et un ardent baiser adornèrent bien vite les retrouvailles des amants réunis, dont les prunelles brasillaient à en incendier la taverne. Nonobstant un Raphaël sincère aux adroites tentatives de paix, Eldearde vit rouge ce soir là. Ça grondait sous sa chair blafarde, ça consumait ses tripes de nausées envieuses, ça voilait ses mirettes d'une vile acrimonie. Et la gamine, effarée par de ces ressentiments étrangers, s'évertuait à débouter hors de son être cette rancœur malvenue, à crever l'abcès de fiel qui gangrenait son âme ingénue. Jalouser n'est jamais chose aisée : n'est-il pas abominable de se sentir peu à peu corrompue par quelques abjectes pensées sans pouvoir décemment s'avouer en être à l'origine ?

      Seigneur, permets moi de voir en cette réapparition inopinée une grâce du ciel
      Puisque la mort fut vaincue, puisque les eaux n'éteignèrent d'étincelle
      Aide mon cœur à se réjouir, à comprendre et à aimer
      Car aujourd'hui je ne suis que venin et malignité

    Le grand air limougeaud n'avait fait que vivifier les antipathies naissantes. Sulfura sérieusement estropiée, les quatre protagonistes de cette ahurissante affaire se virent captifs d'un huis clos pernicieux où chacun de leurs traîtres pas semblaient les mener vers l'Autre. Pour la toute première fois, Eldearde se sentit vouée aux gémonies, odieusement conspuée et méprisée : les confrontations importunes de la coiffée avec les demoiselles errantes généraient communément divers sobriquets malplaisants dont d'aucuns surent habilement affecter le cœur encore doucet de la jeune pucelle. Initialement résolue au silence et à l'indulgence, la chaste échappa néanmoins quelques formules douceâtres et sarcastiquement prononcées qui la scandalisèrent plus encore que le Rossignol interloqué. Chacune de ces mesquines fourberies firent l'objet de profonds et sévères regrets, loyalement exprimés aux deux vagabondes concernées : si Gypsi parut accéder aux excuses demandées, la « Sulfureuse » nia tout bonnement la sincérité du geste, rejetant une fois encore la Colombe troublée.

    Mais tout cela n'est que fioritures et faits insignifiants. Vient bien vite le nœud de l'histoire, l'épitase de ce feuilleton mi-tragique mi-poilant : les aveux d'une gitane amoureuse, doucettement entichée de son ancien amant. C'est ici que tout bascule, et Eldearde suit le mouvement. « Crois en moi » qu'il lui susurre, le très prisé Raphaël, « c'est toi que je veux, tout comme avant ».

      Oh pardonne moi mon Rafiot adoré
      Car c'est bien moi que je ne peux estimer
      Et toi, Créateur de toute chose, pardonne moi également,
      Je ne suis que la plus faible des enfants
      Adoncques innocente ce recours suffisant
      Mais il est mien

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