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[RP]"Pour des sardines et des z'harengs..."

Bossuet
Le poète capiston arpente les planches du pont, pieds nus sur le bois, tantôt usée tantôt posé de frais. La Rea Silvia, quant à elle, roule et tangue presque imperceptiblement dans le port d'Angers, comme pour se mouiller les flancs après les jours de cale sèche, de plaisir et d'impatience. Il tire sur quelques boutes, vérifiant les nœuds et amarres des haubans du grand mat et d'artimon, jette un oeil au vergue encore roulées et monte en équilibriste sur le bout-dehors, souquant un poil de tirant aux étais et reviens en poupe régler le Pataras pour un grand prés. Le vent ouest souffle une odeur d'embrun pourri d'estuaire, qui font joliment claquer le pavillon Angevin, et l'autre au dessus : champ de sable aux têtes de canards adossés d'or. Le premier de taffetas brodé de neuf, l'autre de vieille toile élimée peinte à la hâte.
Se saisissant d'une bouteille de tafia à demi remplie, le rimailleur aux dents noires renifle au goulot, grimace, puis hausse les épaules avant de le porter à ses lèvres. Du tafia du mois dernier que celui ci, un poil éventé et un arrière gout aigre, mai qu'importe, tant que ça aie le gout de départ. Il porte ses mains en porte voix en direction du quai.


" Cistude ! Fichtre-cul d'emplâtre au bernicle ! Ramène tes fesses on attends plus que toi ! si on rate la marée, j't'attache en flèche, tu fera fuir les mouettes ! "


Avec un demi soupire, il se tourne vers l'équipage déjà à bord, souriant de toutes ses dents noires, la bouteille à la main. C'est ça un bon Capiston, ça fait des discours, ça boit plus de tafia que les autres, et ça hurle des idiotie sans autre but que de se faire entendre comme étant LE capitaine. Bossuet, malgré son immense humilité et sa modestie presque maladive ne déroge pas à la règle. Plus excentrique que jamais, tanguant lui même sur ses pieds aussi sales et cornés que nus, saute d'un perchoir à l'autre, aboyant plus qu'il n'en faut des rimes marines tel que :

" Mes bons amis je ne vous présente pas Margot,
C'est elle qui veille au grain et fend l'eau !"


Ou encore, agrippant la barre du navire au port comme s'il fut pris dans la fureur de Poséidon lui même; clamant d'un ton de gloire et de conquête :

"Gabier, grimpez ! Les haubans n'attendent que vous,
Souquez les boutes au Grand prés, sale vent Filou !

Qu'importe mes braves, mes loups de mer, mes flandrins !
D'hommes, il y a trois sortes : Les vivants, les morts et les marins."


Finalement, pris par sa propre frénésie, il tranche d'un coup de hachette l'amarre de poupe, libérant l'arrière du navire du quai.

"Désamarrez moi c'rafiot ! Si la tortue veut grimper, qu'elle coure, sinon...tant mieux."
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Cistude
Même plus l'temps de déguster son retour en Anjou et d'profiter du parfum d'une bonne bière âcre comme on n'en fait si bien ailleurs, que déjà la Tortue devait remballer tout son bordel pour sauter dans un rafiot en breloque aussi troué que la passoire de notre bon vieux Roy, celui qui a un pif de rapace vous savez. Elle aurait bien voulu la Cistude se retaper une santé dans son bled, à Saumur là, histoire de laisser les plaies cicatriser en paix. Bah oui, quand on vient de se torcher deux armées sur la gueule en moins d'un mois faut voir les dégâts hein. N'empêche que comme disait la prophétie de Sainte Roupette des Molinette, l'bon Dieu avait accordé sa miséricorde aux plus laids. Et l'plus empaffé des poètes l'avait dit la dernière fois "comme dirait l'adage, ce sont toujours les meilleurs qui partent en premier!". La Tortue avait bien mérité un peu de vacance. Et bah non ! toujours un pour l'embarquer dans un plan foireux, et elle, elle dit oui bien sûr. En même temps, rester poiroter à Saumur en attendant qu'on lui coupe la tête, ça aussi c'était foireux comme plan. Et puis bon pour rajouter à sa mouise, elle pouvait plus foutre les pieds quelque part sans qu'on la vire à coups de grandes pompes. Il était donc temps qu'elle explore de nouvelles contrées !

Et Cistude, après tout, c'était un pirate. Capitaine tortue, oui m'sieur !

Alors la blondasse s'était rendue dans la capitale pour aborder le rafiot, un jour à l'avance évidemment, au cas où y aurait un imprévu. Puis fallait qu'elle passe à son appart' chicos nourrir les belettes et les pigeons qui squattaient pendant son absence. Faut dire qu'elle s'était bien attachée à ces p'tites bêtes là, si bien même que la veille au départ la Tortue ramena un tonneau de bière pas fraîche, et se saoula la tronche toute la nuit pour fêter son départ. J'vous dis pas le réveil. La gueule par terre, dans son misérable appart', des relents biliaires moulés sur sa tronche tellement qu'elle s'était retournée les tripes, et une tronche à faire pleurer un enfant. Pas beau à voir quoi. Fin d'aprem, quand elle se réveilla. Et là paf, un flash "merde le bateau ! Quelle poisse ! En moins de cinq minutes la Blonde ramassa ses clics et ses clacs, claqua la porte à la volée et courut vers le port. On la laissa passer, fort heureusement, car on eut peur de cette bête étrange qui jurait à haute voix et qui filait à toute vitesse dans les rues.

La Cistude déboucha donc dans le port et n'eut pas de mal à reconnaître au loin son carrosse : c'était le plus misérable, le plus pathétique qu'elle n'eut jamais vu. En fait, c'était plutôt une barque de fortune qu'un vrai rafiot de pirates funestes. Elle s'était imaginait qu'elle embarquerait dans un truc qui respirerait l'héroïsme et les aventures trépidantes; non ça puait juste la gueuserie et la mouette. Mais bon, la Tortue n'eut pas le temps de penser à tout ça, elle fila juste vers l'embarcation en hurlant, tandis qu'elle semait la moitié de ses affaires derrière elle :

-BORDEL DE FOUTRE CUL ATTACHEZ MOI CE RAFIOT J'ARRIIIIIIIIIIIVE !!! J'TE JURE BOSSUET SI TU T'CASSES J'DIS A TOUT L'MONDE QU'T'AS PISSÉ AU LIT JUSQU’À 17 ANS !!

En proie à la panique, quelques mètres avant le pont, elle vit les cordes d'amarrages couler; alors elle abandonna son sac au milieu du quai car il freinait sa course et courut de manière bancale vers le pont. Et là, ce fut comme dans les films : on vit une Tortue olympique bondir du quai dans un saut périlleux, ralentir dans son plané, et atterrir, glisser comme un chiffon sur le pont du bateau. Bon en vrai, le bateau n'avait même pas eu le temps de se déporter du quai, il n'y avait que quelques centimètres entre la terre ferme et le bateau, mais bon! c'était quand même vachement spectaculaire.
La Cistude se redressa alors doucement en grimaçant, et d'un air rageux, pointa un doigt vers le capitaine :

-Je refuse d'être l'épouvantail de bord.
_________________
Melchiore
Buse : n.f. Piètre oiseau de mer. Dénominateur de l'amer.

Sa peau se fendille. Il desquame. Il se gratte convulsivement les bras, comme piqué par un millier de fourmis. Il sanglote un peu en douce et, parfois, se paie le luxe d'un rire nerveux. Mais le ventre lui brûle. C'est que quand il ne se gratte pas ni ne pleure, il gerbe à foison. Et la gerbe que reçoit le seau qui jamais ne le quitte n'est pas faite de fleurs, mais du contenu intégral de son estomac. Quand il ne gerbe pas, il se maudit. Quand il ne se maudit pas, il maudit Papy. Et quand ce n'est pas Papy qu'il maudit, ce sont les flots, l'odeur de la Cistude, les rimes entêtantes du Bossuet, ou le crâne hideux de Berthe. Quand il ne maudit rien, il retombe dans un silence sentencieux. Puis, quand le silence a fini de lui faire honnir les bruits des flots, des vents, et de la charpente craquante, il dort, à raison d'un quart d'heure, par-ci par-là.

Sur le pont, il ne monte pas. Il demeure prostré dans la cale où le plancher, traitre à son pied bot, le condamne sinon à trébucher, au moins à rester constamment assis. Le temps du moins que son seau se soit rempli. Le poing envoyé par Finam a fini par lui tuméfier la pommette. Heureusement, il fait sombre et dans une cale, on se prive volontiers de bougies. Il n'a qu'à se tâter pour constater sa déchéance. Sa joue a enflé, ses cheveux laissés à l'abandon ont graissé, les cernes se sont creusées, ses bras râpeux témoignent de la réaction épidermique de son profond malheur qui lui a fait germer un genre d'eczéma. Et quand lui prend la fantaisie de se renifler, il se trouve infect, quoique les odeurs de sa terreur avoisine plus volontiers un parterre fleuri que celles de Cistude, qui, elle, rivalise de ténacité pour faire croire, même aux plus fins limiers, qu'elle n'est pas humaine quoiqu'en témoigne son apparence bipède.

Mais toutes ses tourmentes physiques, il les doit à celles du coeur. Quand on est amoureux à quinze ans, ce coeur s'accroche comme une vilaine tique à l'objet de son désir. Et l'objet de son désir, Melchiore l'a laissé seul à Soulanger après lui avoir promis la lune de Nevers. Lâche, il a fait le choix de lui jeter de la poudre aux yeux pour l'ultime jour passé en sa compagnie. Amer, il n'a fait que peu de manières. Humilié, il a pris soin de cacher à Phoebus son dos abîmé. C'est qu'avant de le laisser vautré par terre, à Gennes, Finam lui a fait tâter de l'étrivière. Avant de lui faire tâter de l'étrivière, il lui a fait démonstration de la solidité d'un coin de meuble -vieux buffet old school du XIIIème siècle au moins- en l'y projetant. Avant de le projeter, il l'a soulevé par le col -l'âge, sûrement, l'empêchant d'y voir de loin- pour mieux observer la face bananée de son fils d'un œil torve. Avant de le soulever par le col, il l'a gratifié de la plus magistrale beigne qu'il lui ait été donnée de flanquer. Avant de lui offrir sa mandale, il l'avait simplement invité à becter à Gennes, comme avant, en famille, réunion bucolique et travers de porc au rendez-vous. Comme quoi, les choses peuvent bien se finir, pour peu qu'on se repasse la scène en marche arrière. Melchiore serait bien remonté un mois entier plus tôt, où tout n'était qu'amour, gloire et beauté. Parce que là bas, il y a Phoebus. Mais durant l'intégralité du déjeuner familial improvisé, Montmorency n'a fait sommer son fils de ne plus jamais, jamais traîner avec ce petit fils de chien de Castelmaure.

Soumise, la Buse s'est carapatée du nid paternel pour retourner dans celui de l'Aiglon, l'inviter à faire ses bagages, et partir tout seul dans la mauvaise direction. À présent, il n'est plus entouré que de mouettes. Un ressac des flots se répercute sur son estomac, et Melchiore se contracte au dessus de son seau. Croyant faire passer son mal, il a tout à fait cessé de manger. Mais ce qu'il renvoie alors n'est plus que de la bile, et les tripes lui font un mal de chiot. Assailli par une nouvelle vague de remord et de mal-être, il piaffe en direction d'un hamac qui ballote plus loin :


-BeeeEEEeeEEERTHE !

Les sardines et les harengs, c'est bon pour la piétaille. Il est loin, le teenage dream.
_________________
Grayne
    Le bonheur, c'est quand les emmerdes se reposent, et il faut faire gaffe de ne pas les réveiller.*


Avachie sur son nid d'appoint (un tas de caisses, un amas de vieux draps récoltés à droite à gauche et une bouteille de tafia), l'heure était définitivement au repos pour Grayne.
Les retrouvailles avec le Rea Silvia avaient été émouvantes et éprouvantes : il avait fallut faire un câlin à chacun des mâts et caresser avec un air fier et ému chacune des nouvelles moulures fraichement sculptées. Retrouver ce foutu rafiot avait été comme retrouver un amant de longue date. Ou plutôt, pour une métaphore plus juste, un vieux et riche mari ayant beaucoup à offrir et dont une jeune et fougueuse maîtresse s’occuperait de l'ingrate tâche conjugale. Le Rea Silvia était réparé, et le frangin s'occupait (aidé du fidèle et inlassable matelot la violette) de toute la manoeuvrerie barbante. Parfait !
Et après avoir avoir poireauté dans les geôles poitevines, parcouru ce même comté avec Thoros à la chasse au Poitevin, après avoir essuyé des combat acharnés et pourri un château, avoir poireauté de nouveau dans les geôles poitevines, avoir essuyé une rouste et gagné une belle estafilade par ces même foutues endives qui ne voulaient pas la laisser quitter le comté et avoir fureté, comme une ombre par delà les frontières en essayant d'éviter les armées vengeresses... Oui.. Le temps était dé-fi-ni-ti-ve-ment au repos. Pour l'instant.
Paresseusement et mollement avachie donc, un parchemin élimé en main, Grayne allait commencer son journal de bord. Oui, parce que ce n'était pas parce qu'elle n'était plus capitaine qu'il fallait perdre les bonnes habitudes. Et puis quoi, sérieusement, pensa elle avec un sourire en coin, qui d'autre qu'elle était mieux placé pour cette tâche ?





Cher journal de bord du... coq (rature)... Ancien capitaine (rature)... co-capitaine (rature)... *gribouillage*

Aujourd'hui, le Rea avance bien. Faut voir la trogne de la Margot sculpté sur l'devant et qui fend les vagues... On croirait presque voir ses grosses mamelles balloter au dessus des flots. c'est beau.

....


Grayne hocha la tête, plutôt satisfaite de la tournure.

-Té ! y'à une rime. L'frangin y s'ra jaloux à force...

Il faut dire que Bossuet n'avait pas lésiné sur les poèmes marins depuis le départ. Au point que malgré la superstition, l'édentée avait presque été tentée de le secouer en hurlant "lapiiiin lapiiiiiin" dans ses foutues oreilles musicale pour le faire taire.

.


.... J'ai essayé de pécher. Mais y'a surement un truc que je comprend pas. j'ai essayé de fabriquer un filet avec un vieux bonnet aux mailles détendues, mais je crois que la laine, ça absorbe beaucoup trop l'eau...

Elle mâchouilla le cul de la plume, le sourcil froncé dans un air de concentration extrême.



... Et c'est pas beau.


Hochement de tête satisfait.



... Note pour moi même : peut être qu'ils n'aiment pas la couleur jaune. Et y''a une foutue odeur de vomi dans tout l'rafiot. Je crois que si ça continue, c'est ce foutu dégobiller qui va servir d’appât. Et ptet que ses cheveux ferons bien l'affaire pour tisser un nouveau filet, et comme ça, ptet ben que ça marchera. Tralala...



Elle se laisse alors négligemment retomber sur l'amas de toile, saisit la bouteille de tafia et s'en envoya une rasade. Elle jeta un œil vers le ciel dégagé de mai, humant avec bonheur l'air iodé du vent du large. Le parchemin fut vite rangé en boule avec les autres, encore vierges de son futur grand journal de bord. Oui, tâche importante certes, mais le repos d'abord.



* citation anonyme

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Cistude
Ca s'passe dans son crâne. Z'ont pas voulu lui donner de quoi écrire, normal, quand on sait qu'elle se serait servie de la plume pour éborgner le capitaine. Et puis écrire, c'est pour les tapettes. Cistude, c'est une vraie de vraie !




Bouffe dégueu, temps de chiotte, mouette d'mes deux, et l'aut' là bas avec son instrument du diable, j'le jetterais bien par dessus bord té... il va attirer tous les monstres des océans avec ses sérénades, j'vous jure des incantations qu'il fait ce con... Moi y a un gars là qui m'a raconté des trucs sur le peuple de la mer. Bah, ça m'plait pas. J'ai pas envie qu'ils croient qu'c'est la fête sur le rafiot avec toute la musique de l'aut' con, et qu'ils ramènent tentacules et ventouses là... les poulpes modèle géant, t'sais. Alors bon, j'vais essayer de monter une mutinerie contre le cap' parce que c'est sûr qu'à c'train là on va finir par être l'p'tit dej de la poiscaille. Faut qu'j'vois avec la gonz' qu'a pas un poil sur l'caillou j'suis sûre qu'j'pourrais la mettre dans mon parti. Pour sûr qu'elle va être d'mon avis si j'lui propose quelques mèches de ch'"veux en échange, elle en a bien besoin et moi j'en ai trop. Paraît aussi qu'y a Melchiore qui s'planque dans la cale, quelle mauviette ! lui aussi il sera de mon avis, s'il s'planque dans la cale c'est pas pour rien c'est parce qu'il a peur d'un truc. Et d'façon s'il refuse de mutiner 'vec moi, j'l'accroche par le slip au mât du bateau; classe comme étendard, de vrais pirates moi j'vous dis !

'Fin bon, faut bien s'occuper à bord d'ce rafiot pourri, on tourne en rond comme des bêtes... une bonne bagarre, ça fera du bien à tout l'monde ! en attendant j'ferme mon claque merde ni vu ni connu, histoire de pas m'faire griller. Mais quand j'passerai à l'action, il restera plus une miette de ce bout de bois flottant ! ... enfin, j'serais cap' quoi et j'mènerai tout l'équipage au bout du monde, j'les fouetterais et j'jouerais au jeu d'la planche avec l'poète. D'abord j'y balancerai sa mandoline dans la flotte, et lui plouf ! avec les requins. Après, Grayne, j'l'attacherai au d'vant du bateau avec la Margot, c'est bien mieux d'avoir un totem vivant plutôt qu'un truc en bois moisi ! Après, Melchiore j'l'attacherai au mât du bateau en slip pour la déco. Et celle qui est chauve, j'lustrerai le pont avec son crâne ! hinhinhin ! bon et l'aut' type, bah ça sera not' nouveau cuistot, j'lui grignoterai un bout d'cuisse tous les jours pour tenir l'voyage.

Ah ouais p'tain, ça y est j'm'y vois bien..


Air niais.
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Bossuet
Le Capitaine rimailleur rimaille, et chante à tue tête, se tenant au gréement pour garder le pied droit. Ça n'est pas tant que la mer s'agite, c'est que le tafia cogne avec vigueur. De plus, le poète s'en aperçu ce jour, se cognant la tête avec un "Ah mais ouais ! j'me disais bien que j'avais oublier de charger un truc...", qu'il avait oublié d'embarquer les trois barriques d'eau. A l'évidence, ce n'est pas comme ci cela manquerait à l'équipage, étant donné que personne ne s'en était rendu compte.

Alors il en est là, Bossuet, juché sur le bout-dehors en poupe, à chanter d'une voix de stentor contre les vagues un air marin.


" Depuis trois jours, t'es déguisé,
T'es maquillé et t'as picolé...
Te v'là asteur, su'l'point d'partir,

Cap sur l'Irlande, Mort aux flétans !

Tu vas laisser femme et enfants,
Et p't'êt' mourir là-bas su' les bancs...
Pou' des morues ou des z'harengs,

Va dans la bande, pense qu'au préseeeeeennnt..."*


Et il se trémousse dans le gréement comme un singe, insultant Cistude de divers choses concernant son apparence, son odeur, ou ses capacités cognitives. Il hurle tantôt à La violette de tirer sur un bout, surtout quand c'est inutile : Les marins, faut qu'ça reste en alerte. Grayne y échappe encore, vu qu'elle fait la boustifaille, elle serait bien capable de coller un rat crevé dans la marmitte, non point que le gout s'en trouverait changé, seulement les poils chatouillent le palais. La Bert' s'occupe de peindre un genre de pipistrelle avec la tête d'Alida, pour que son esprit nous accompagne, alors soit, même si pour le moment, on a juste l'impression qu'elle glande rien. La journée se passe ainsi en insultes à tout va, taquets sur la nuque d'un Melchiore verdâtre, qui se terre dans un coin de la câle, duquel plus personne ne s'approche tant l'odeur est puissante, ou en poésie graveleuse, et chant de marin.

C'est beau la vie de marin.




Journal de bord, Jour second.

Journal, mon beau journal, la vie est un ocean de bonheur tumulteux, on sursaute sur les déferlantes de joie et on se mouille dans les lames de fond candides. Quelque suggestions pour améliorer le voyage:
- Abandonner Melchiore en Irlande - Un vomito, il ne fait que l'aller, pas le retour.
- Trouver les tonneaux de picrâte de Bert', qu'elle planque bien, et les partager avec elle, sans lui dire.
- Accrocher Cistude à un bout de vingts pieds, à la poupe, pour appâter le poisson-hyenne (seul animal aquatique susceptible de chercher à la manger, cette charogne avariée)
- Percer le nez de La violette avec os, pour qu'il aie l'air d'un sauvage domestiqué : On l’appellera Queequeg.
- Confisquer à Bert' tout ses instruments coupant. Si elle continue à graver le bois du rafiot comme ça, on va partir en morceaux.
- Larguer toute cette bande de péquenaud sur un banc de sable au plus vite.

Nota bene : Dire une bonne fois pour toute à Grayne que cuisiner du choux au lard, sans lard deux jours de suite, c'est un appel à la mutinerie.



*Adapté de "Putain d'islande" les prouts, carnaval de Dunkerque.
_________________
Grayne
Quand t'attend, ben t'attend...


Juchée sur la bastingage de poupe, les pieds ballotant mollement dans le vide, Grayne fixait l'horizon, le vent salé lui martelant le visage. Elle marmonna un instant et tira d'un coup sur ce qu'elle avait entre le mains avec toute sa douceur habituelle.

Une longue cordelette remonta alors, mètres par mètres... d'abord sèche et rêche, puis trempée d'eau et d'algues. Et la corde devint d'un seul coup deux embranchements... puis trois, quatre... Et très vite, le tout se changea en monticule de nœuds, de cordons et de bout de filets. Des bouteille semblait ficelée dans l’entrelacs truffé de longues algues brunes et vertes. L'interminable paquet de nœud continuait sa course vers le pont, remontant au rythme des "gnnnn" et des "argh" de l'édentée qui bourrinnait comme une malpropre sur les cordons.





Cher MON journal de bord, quelqu'ième journée de voyage de quelqu'jour en mai 1461,

Ca fait maint'nant d'puis qu'on est monté sur l'rafiot que j'essaye de taquiner l'poisson. mais faut croire que j'ai pas autant d'affinité que j'le pensait avec la pèche en mer. C'est à rager tien. j'ai eu beau apprendre à les vider les poissons, avant même d'savoir parler... Bah y'a pas à dire, quand faut l'attraper c'est pas l'même tarif.

note : Penser à ne pas rajouter d'oignons pour le goût dans la soupasse tant que ces foutus autres ont pas lâché le morceau sur comment ça march ces histoires de chopper l'poisson.


Le second jour de la traversée, la belle canne à pèche au fil fin de la donzelle avait fini en divers morceaux. la première partie avait rejoint rapidement le fond de l'eau, à l'endroit même de la frustration, et le reste des esquilles avait rejoint (non sans un plaisir sadique et consommé) le petit braséro sur lequel avait bouillit une portion réchauffée de ragoût de couenne.

Il avait fallut vit faire appel à de nouvelles techniques : pèche au filet en bonnet, pèche à la botte, pèche au insultes, pèche au tafia et pèche au noued, la dernière en date. Mais rien... Désespérément rien. A croire que le monde poissonnier s'était donné le mot pour la tourner en ridicule.

Une fois le tas de noeud remonté, les trois minuscules crabes amochés, unijambistes ou écrasés jetés avec rage par dessus bord, les bouteilles gorgées d'eau de mer vidées et leur contenu et de leur majestueux duo de crevette de la taille d'un grain de blé... Il fallait se rendre à l'évidence... Raté !

-RAaaaAAAAaaaAAaaah ! Pt'ain d'chiure !


Et la première bouteille est rageusement lancée -au hasard- derrière sur le pont...

-Foutu poiscaille d'mes deux !


La seconde rejoint la première, plus à l'ouest cependant, et va rebondir sur des cordages...

-J'vouUUuuus auraiiit !


Et Grayne, debout, tourne, tourne le tas de noeud visqueux, mouillé et recouvert d'algues à la main. Et PAF ! Elle balance le tout d'une façon tout aussi calculé que la première.


« Que celui qui n’a jamais péché jette au poisson la première pierre ! »

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