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[RP] BRIBES...

Cerdanne
« Que comprendra exactement celui que je serai à celui que j’étais si c’est celui que je suis qui lui explique? »(F.Royo)


Pour tout dire, le ciel est en accord avec son humeur.
Gris, voilé et jamais au grand jamais, limpide.
Le regard dénote un peu, éclat bleuté qui peine à s’assombrir malgré les sourcils froncés et les rides qui barrent le front mat.

Des jours que ça dure…des lunes même.

Des mots, elle en a plein la tête.
Des questions, des réponses et des tas…des tas de phrases sans suite.

Sauf qu’aujourd’hui, le soleil tente de regagner sa place.
Alors le temps presse pour coucher enfin sur de vieux parchemins son écriture nerveuse et sombre.
« Un mot après l’autre, un mot après l’autre » se répète t’elle sans cesse. "Ordonne, classe et couche dans l’ordre. »
La main sait que sa censure ne la laissera pas tout étaler sur le vélin jaunâtre.





Ana, ma frangine.

Je suppose que mon vieux Fou Bassan saura te trouver.
A mon avis il n’aura pas grand mal.
Il te repèrerait même si tu t’égarais dans l'autre monde.


Depuis combien de lunes n’avons-nous pas parlé ?
Depuis quand ton regard n’a pas affronté le mien ?
Et nos mains cramponnées sur quelques flacons ambrés ?
Depuis quand ne se sont elles pas frôlées ??

As-tu déjà eu cette sensation de voir la vie, ta propre vie, d’en haut.
Comme un petit point qui s’éloigne…
Et cette sensation qu’elle ne t’appartient plus?
Je n’ai même pas eu besoin de grimper en haut d’un arbre.
Un matin, je me suis vu.
D’en haut.
Cette étrange sensation que je perdais mon temps.
Que je me perdais. Que j’étais perdue.

J’ai vomi tripes et boyaux des heures durant.
Jusqu’à ce que cette image sorte de ma tête.
Depuis, je tourne, je vire et je tourne encore.

Et ne t’imagines pas que j’avais chargé la mule et que dans mes veines coulait plus d’opium que de sang.

Les portes de Paris ne vont pas tarder à s’ouvrir.
J’entends d’ici les rumeurs, les rires et les bruits de toute cette foule qui trépigne d’envie de faire vivre la belle cité.
Je n’irais pas à la cour.
Le cimetière ne pourrait être que mon seul point de chute.
Et la mort me colle assez aux bottes pour que je pousse le vice jusqu’à lui rendre hommage davantage.
J’ai envie de nous retrouver. Peut-être qu’alors auras-tu quelques questions, quelques réponses à donner.

Je vais être patiente.
J’attendrais la réponse que tu ne manqueras pas de donner à mon fou.
En retour, je me mettrais en route vers un quartier tranquille et t’en ferais état par Bassan.

Comme je ne sais pas mentir et que ma patience a des limites, sache que je n’attendrais pas bien longtemps.

Ah !!
Des nouvelles de mon filleul ??

Cerd.

_________________
Anaon

    Paris lui a ouvert ses bras comme une vieille amante. Porte Saint Michel, elle s'est offerte à elle en lui collant au cœur l'étrange sentiment qui suinte des lieux qu'on croirait n'avoir jamais quitté. Une vague sensation d'apaisement de retrouver les rues connues. Un relent de lassitude, comme un reste de rouille de la routine passée sur le bout de la langue. Un amalgame de sentiment de sureté et d'ennuyeuse accoutumance anticipée.

    Elle traverse la rue Judas qu'elle parcoure tête basse, quittant Sorbonne pour s'enfoncer au cœur de la cité. Les quais de Seine et leurs odeurs indécrottables. Le Pont aux Change comme une rue sur le fleuve. Elle gagne le nord de la ville et ses faubourgs plus calmes. Elle sait où elle va, Paris ne saurait lui cacher la moindre parcelle de ses pavés. Paris est une catin, sous ses atouts et ses parures royales elle cache en son sein la plus belle vermine humaine. Paris se livre.

    Les enseignes se succèdent, mais elle en cherche une bien précise, c'est seulement devant celle-ci qu'elle s'arrête. Elle défait ses sacoches avant de laisser Visgrade au garçon d'écurie qui l'accueille d'un sourire. Elle entre. Au comptoir, un homme robuste s'affaire à cirer le bois brun. Elle se plante devant lui. Les regards se croisent. Silence... Long silence. Elle n'était pas revenue depuis presque un an. Elle avait pourtant passé tout autant de temps dans la même et unique chambre. La numéro sept. La dernière au fond du couloir. L'aubergiste, nommé Eldrick se redresse avant d'oser briser simplement le silence.

    _ Elle est libre.

    Il n'y a pas un sourire. Ni un bienvenu. Cette simple phrase sonne pourtant comme le plus chaleureux des accueils. Elle est libre, s'en est presque évident... puisque que c'est elle qui vit ici et ces trois mots sont comme un "Bon retour à la maison". L'homme contourne son comptoir avant de se figer un instant pour observer le chiot à l'air pataud qui s'est assis entre les pieds de la mercenaire.

    _ Il ne vous causera aucun ennui...

    Le tenancier n'en demande pas plus et se saisissant d'un trousseau de clef, il la mène à l'étage. Il lui ouvre la pièce bien connue, et alors qu'il allait repartir, il s'arrête brutalement comme se rappelant soudainement de quelque chose.

    _ Oh ! On m'a laissé cela pour vous.


    Un sourcil se rehausse sur le visage féminin et la main se lève pour attraper la lettre qui lui est tendue. Elle s'était arrangée avec le colombier de Saumur pour que toute lettre lui étant destinée soit rapatriée dans cette auberge précise. Elle n'aurait pas cru que celà soit utile aussi vite. L'aubergiste esquisse un sourire amusé avant de s'éclipser. La mercenaires reste immobile un instant. Eldrick n'avait jamais été bien expressif ni même bavard. Il n'en restait pas moins l'un des hommes les plus affables qu'elle n'est connu.


    Citation:

    Paris
    Le 6 Juin de l'an 1461,

      A toi, ma sœur,
      A la patience qui, je l'espère, ne s'est pas encore émoussée,

    J'ai les doigts serrés sur ma plume et il n'y a bien que pour toi qu'elle daigne crisser. Je n'avais pas le goût de répondre à toutes ces lettres que l'on a pu m'écrire et je ne le recouvre pas encore. J'ai reçu des mots de Calyce, de Rosalinde, de l'Archipoète... Même au slave à la crinière blonde, je n'ai pas donné de réponse... Mais pourtant... mais pour toi...

    Je relis déjà mes mots et je m'excuse. Ne tiens pas compte de ces lettres qui zigzaguent et de ces points qui se font tâches. J'ai la main qui tremble. Là encore, je la tiens devant mes yeux, immobile... Du moins j'essaie de l'y tenir. Même quand je ne bouge pas, mes doigts frémissent. Cela faisait longtemps que je ne les avais pas vus vibrer de la sorte... J'ai le corps qui agonise en silence. Il faudrait que je dorme... naturellement. Pardonne-moi, mais durant ces longs mois, moi, je n'ai pas attendu pour charger plus que la mule. Tu parles d'opium ? Voilà une chose à laquelle je n'ai encore jamais goûté, ce n'est pourtant pas faute de s'être mise à l'envers par mille et un moyen.

    J'ai foulé le premier pavé de Paris dans l'heure. Te savoir non loin de moi me donne du baume au cœur. Je ne saurais pourtant te mentir, s'il s'agit bien de réconfort, il est bien piètre à l'heure qu'il est. .. Si toi tu vois d'en dehors, moi je suis bien là, bien ancrée dans ma vie, mais le cœur décroché. Il ne connait plus la mesure et je baigne dans une platitude d'émotion. Je ne sais m'émouvoir quand il le faudrait, je ne me réjouis de rien, je n'arrive pas même à pleurer quand je le devrais. Tout m'est insipide. Je t'envie, je crois. J'aimerais me voir, moi aussi, d'en haut. Voir ma vie faire sa vie, sans moi. La laisser filer... me dire qu'au final, c'est pas ma faute, c'est le destin, c'est sa route, c'est ainsi. J'aimerais goûter à la belle place du spectateur.... mais j'y arrive pas. Je reste là... Bien scellée ma tête et enchaînée à ma conscience. Quoiqu'il arrive je suis toujours... responsable de mes actes. De mes erreurs... Et elles ne manquent pas de me le rappeler.

    J'ai tellement de choses à dire... Je pourrais t'écrire pendant des heures je crois. Si la solitude me sied, j'avoue qu'à ton contact je me sens portée par quelques élans de sociabilité... Je ferai au plus court, puisque que tu désires me voir et que nous le pouvons, je vais garder pour la plume les nouvelles les plus simples. Château-Gontier n'est plus. Il y a de cela un mois, Yolanda a rendu son fief et toute noblesse... Par amour... Clotaire a été déchu à la roture et elle n'a pas hésité à le suivre. Je le sais... Jusqu'au bout elle assumera son cœur... Les filles sont parties pour Genève, moi, me voilà à nouveau sur les chemins de l'errance. Je suis un peu moins seule cependant, me voilà mère d'une boule de poil à quatre pattes. Peu de jours après le mien, Perséphone, la chienne mâtin de la Josselinière à joué les poulinières. Rejetant son dernier, c'est moi qui l'ai élevé comme je l'aurais fait avec un enfant. Un chiot dans les bras... Ça me fait de la compagnie.

    Je ne m'étendrais pas plus au-delà, nous aurons l'occasion de nous raconter face à face. Je souris d'avance de savoir que tu pourrais me proposer le samedi comme jour de rendez-vous. Le soir peut-être ? Allons donc au Sabbat danser au milieu des chats. C'est une expérience que je n'ai encore jamais vécu.

    J'attends donc ton jour, ton horaire, ton signal. Je t'attends, alors attends-moi. La capitale devra supporter ma trogne encore longtemps. Je confirais cette lettre à ton Fou Bassan même si j'avoue ne pas savoir encore s'il s'agit d'un homme ou d'un volatile.



Musique " Bons baisers de Paris", par Najoua Belyzel

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- Anaon dit Anaonne - [Clik] De retour pour un rythme molo

Cerdanne
La réponse abrégea une sieste.
La réponse redonna un brin de sourire à la figure mate, figée dans les songes.
La réponse n’apporta pas de réponses mais quelques solutions pour les résoudre.

La plume retrouva les doigts nerveux et Bassan, pauvre volatile épris d’espace, tout fou qu’il était pigea que les congés seront pour plus tard.



Citation:
Ma frangine,

Tu me vois ravie de te savoir déjà dans les murs de la cité.
Ce mot n’en sera que plus bref.

Bref mais chaque mot compte double, voire triple.
Toi de l’intérieur, moi d’en haut…
Nous arriverons peut –être à cerner la raison de nos maux.

Quoiqu’il me semble superflu de convier un témoin à nos retrouvailles, samedi, avant la tombée de la nuit me semble tout indiquée.

J’amènerais mes chats noirs, toi ton chiot.
Au pire nous dompterons notre ménagerie…

Tout en traçant mes mots, je souris.
Je lève la tête, regarde par la lucarne, ouvre grand les esgourdes et entend frapper le marteau.
Doit y avoir de l’exécution dans l’air.
Si en plus le feu est de la partie, notre sabbat n’en sera que plus beau.

Je me demande quel est le prochain gibier de potence.
Une idée de l’endroit où je me trouve ??

Rend toi donc en place de Grève et n’hésite pas à t’engouffrer dans un des ruelles qui la bordent.
Par la gauche, la Seine dans le dos tu n’auras qu’à chercher l’enseigne rouillé qui tente de représenter un coq, hardi , au temps jadis.

Je t’y attends.
Le tavernier, si tu prononces mon nom va râler mais t' indiqueras le chemin.
Dès que Bassan aura pris le large, je préparerais ta venue…
Pour sabbat


Ah!! As-tu des nouvelles de Mon filleul??...

Cerd.

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Cerdanne
Citation:
Ville Rose, 5 Novembre de l’an 1461.

A toi, ma frangine,
A toi l’impatiente qui patiente,

Tu sais ce qu’on dit.
Pour prendre la plume, y a pas trente-six raisons.
Si tu exceptes, le bien sûr, les fêlés de la plume, des taches d’encre et les rêveurs. Comme tu le sais déjà je n’appartiens à aucune de ces catégories.
Donc, ben si je t’écris c’est que je pense à toi …Couillon hein ??

« Mais alors, pourquoi pense-t-elle à moi.
Là ?
A ce moment précis ?? » Dois-tu te dire.

Mhhhh.. ??? J’en sais foutre rien.
En fait si. Mais bon. Je ne suis pas là pour parler de ça.

Cela fait un bout de temps que je traine dans le sud-ouest.
La plupart du temps aux abords des villes.
Et rien ne vaut la campagne pour laisser remonter tout ce que l’on s’acharne à planquer dans un coin de poche.
Bon, j’ai rarement pris de gants avec toi. J’ai des tas de questions à te poser , des tas de réponses à recevoir.

Ou et Avec qui tu es ?
Comment vas-tu ?
Comment va mon filleul ?
Comment va le clébard ?
As-tu des nouvelles de Judas ?
Veux-tu des nouvelles du colosse ??

Besos. Muchos àbrasos.

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Anaon
    Une lettre qu'on attendait pas de recevoir. Une latence persistante. Un soulagement ? Une aigreur ? Quelque chose ? Des instants à relire avant que la plume ne s'élance sur un vélin vierge.

    Citation:
    Alençon,
    Un jour pluvieux de Novembre,

      A toi, que je n'attendais pas,


    Te décrire ma surprise serait inutile, mais sache qu'elle s'est faite despote avant de laisser les rênes à un semblant de soulagement. A une époque je te croyais plus morte que vive avant – je l'avoue – de ne plus m'inquiéter, connaissant tes silences et tes absences, convaincue aussi qu'aucune main ne saurait arracher à ton cœur cette herbe de vie aussi mauvaise que la tienne.

    Comme en atteste mon en-tête, c'est l'Alençon qui a trouvé grâce à mes yeux. Je vois par ailleurs qu'Eldrick est toujours aussi efficace et qu'il a su réexpédier ton courrier où je me trouve. C'est au nom de Monseigneur Fitz qu'il renvoie mes missives, la présence du cul-béni est connu de tous et les messagers ont bien moins de mal à le trouver lui que moi qui veut me faire oublier du monde. Voilà qui répond à ta seconde question.

    Ce qui m'a poussé à me réfugier sous la soutane d'un curaillon ? Le travail. J'ai dû quitter par obligation ma capitale un temps et me voilà garde et escorte personnelle de ce cher bonhomme. C'est lui qui règle le couchage en plus d'une légère solde et c'est bien suffisant pour nourrir mes bêtes et pendant que Monsieur s'absente pour ses visites paroissiales et autre bourrage de crâne, je remplie mon temps de quelques petits travaux par-ci par-là, de quoi arrondir la fin de semaine. Si le fait même d'être une grenouille de bénitier le rend détestable, on peut dire qu'objectivement ce n'est pas la pire compagnie que j'ai pu avoir. Dans mon classement il se situe juste au-dessus des poivrots dégobillant... Un score pas des plus médiocre.

    Le Fils va bien, celui à quatre pattes j'entends. Il aura bientôt sa taille d'adulte. Il sera sans doute un peu plus petit que son danois de père. Il est moins massif et plus élancé que sa mère, qui était mâtin de Naple, mais il n'en demeure pas moins sacrément robuste. Ça en fait une véritable bête de chasse... Mais j'ai l'impression de vivre avec un poney. Grand et gros... Qui me foutrait limite en bas du lit quand il tente encore de s'y glisser.

    Je souris de ta dernière question. Qu'est-ce qui te ferait croire que voudrais des nouvelles du colosse ?

    Bon... soit, le bougre n'est pas désagréable. Je suppose que les nouvelles seront néanmoins fidèles à ce qu'il est : courant la ribaude, cassant quelques têtes et buvant comme une barrique. Mais donne-moi de tes nouvelles à toi plutôt ! Au contraire de lui, je n'ai pas eu l'heur de te revoir depuis longtemps...

    Pour ce qui est de "Lui"... puisqu'il me faut y venir un jour....

    Je me ferais brève, tu as trop supporté mes déboires amoureux pour les voir s'épancher une fois encore. Mais j'ai en effet reçu des nouvelles de sa main, plutôt récemment. Des lettres pour le moins... laconiques et délicates... mais pas dans le sens "doux" de la formule. Ce qu'il en a résulté, c'est que je sais à quoi ressemble mon fils... Ou du moins, je peux me l'imaginer. Il a les cheveux noirs et semble-t-il, les yeux bleus comme les miens... Il va bien. Il est en bonne santé. Le jour du 21 Décembre, je pourrais le voir.... Enfin... Plus de neuf mois déjà sans n'avoir jamais pu le serrer dans mes bras...
    Je me force cependant à ne pas demander de nouvelles bien que çà me bouffe le cœur. Aucune histoire de fierté ou même de rancœur à l'encontre du père, mon amour pour mon fil dépasse ces broutilles... Mais éviter la moindre preuve de mon lien avec lui est encore le meilleur moyen de le protéger. Le monde croit ma progéniture mort-née. Qu'il le croit encore et jamais on n'aura l'idée de venir lui faire du mal. Paranoïaque ? J'ai connu trop d'horreur pour savoir que la crainte n'est pas à prendre à légère et que la méfiance est encore la meilleure arme pour se préserver du danger, aussi démesurée soit-elle.

    Du reste. De Lui. Je ne sais pas où me situer.

    Voilà qu'il ne me reste plus de place sur ma feuille... et les autres sont trop loin pour que j'en prenne une nouvelle...

    Non je déconne... mais mes mots s'arrêtent bel et bien ici. Chaque lettre d'encre est un poids supplémentaire pour l'oiseau que je veux savoir auprès de toi au plus vite... C'est lourd l'encre, surtout quand les mots sont autant chargés de ressentis.

    Parle moi de toi, de ce qui t'a mené à partir aussi loin de ton Anjou habituel... De ce qui te tracasse et que tu prétends ne pas vouloir me dire.
    Parle-moi tout court.

      Je t'embrasse, sœur de cœur, d'emmerdes et de tous ce que l'on veut !
      Et je taloche par le biais de ta main la tête de ce gros de mercenaire hin hin

      A.



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- Anaon dit Anaonne - [Clik] De retour pour un rythme molo


Cerdanne
Citation:
Ville Rose encore, Novembre encore,

A Toi, Ma frangine,


Ma plume hésite encore sur les premiers mots à poser là…Mais Un Curé !!!
C’est le premier mot qui me vient à l’esprit !
Un curé !!
Bon sang de bois !

Je me suis quand même forcée à lire et relire ta lettre et à chercher le pourquoi du comment entre les lignes. Je n’ai pas trouvé grand espace entre elles.
Après je me suis dit qu’il suffisait de te connaitre un peu pour comprendre.
Contrainte et forcée à accepter ce travail soit !
Mais c’est également un moyen comme un autre de camper aux abords de ce monde de culs bénis dans lequel immanquablement "lui, le père " doit trainer.
Et donc, au final un lien ténu entre toi et la chair de ta chair…

C’est la seule réponse que je trouve.
Après, c’est certain l’argent n’a pas d’odeur. Te savoir à la solde d’un représentant de l’église et de leur culte du paraître….
Avec un curé ! Toute la sainte journée !!
Ton clébard, j’ose l’espérer, grogne pour toi et s’impose comme ta garde et ton escorte personnelle.
Et s’il lui prend de te flanquer en bas du lit, c’est surement qu’il a ses raisons.

En parlant de flanquer…La taloche … Au parrain…
Je vais attendre un peu…
Un moment ou ma main aura sa propre envie, par exemple.
Une plus une, faut au moins ça pour faire vibrer une caboche aussi dure.

Parrain ; marraine, il n’y a qu’un pas pour parler du filleul.
Je ne reviendrais pas sur ta décision et sur le choix de t’incliner.
Je te connais suffisamment pour entrevoir la balance sur laquelle tu t’es appuyée pour le laisser "Lui " emporter ton fils.
Mais ce qui m‘insupporte c’est de te savoir totalement en retrait.
Je me souviens d’une époque où l’imagination, l’audace "lui" permettait de faire ce qu’il voulait, comme il le voulait et avec la bénédiction de tous.
Et là tout à coup le voilà qu’il s’achète une conduite et qu’il t’isole comme une faute inavouée.
Le 21 décembre dis-tu ??
Que se passe-t-il ce jour-là ?
Cet enfant rejoint la grande communauté papiste ??
Qu’a donc encore manigancé son géniteur ??
Crois-tu que je pourrais envisager un jour de le rencontrer ce petit bout ?
Et lui apprendre les bois à ma façon ?

Après voilà, je m’emporte et ça déborde.
Tache de ne pas trop m’en vouloir.
J’ai posé les mots, je les assume et puis je ne vais pas faire de ratures.
Mais tout cela ne me regarde pas.
Je ne reparlerais plus jamais de tout cela.
Promis.
Je prendrais les nouvelles que tu voudras bien me donner. Pas plus.

Le sud-ouest, c’est bien pour ça.
L’éloignement pour mes mirettes de bons nombres de visages connus et les obliger à s’ouvrir sur d’autres horizons.
D’ailleurs il parait que j’ai bonne mine depuis que je respire l’air de la ville Rose.
Cela compense un peu avec la dureté de mon regard qui lui ne faiblit pas des masses.
Comme l’a judicieusement dit Sélène, « Tu es froide «
et pour bien enfoncé le clou Tigist a surenchérit « tu fais peur… »
Tigist, ce nom ne doit rien te dire.
C’est le colosse qui l’a trouvé. Où ??
Je n’en sais strictement rien et je m’en moque.
En tout cas elle fait partie intégrante de sa vie, maintenant. Elle le suit partout et passe son temps à ses pieds ou sur ses genoux.
Elle a la peau noire et brillante.
Je te passe les regards apeurés des gens qui la croisent.
Elle fait plus d’effet qu’une réunion de Roux pour Samhain, pour te dire.
Cela dit, à elle seule, elle a ramené plus de sourires sur ma trogne qu’une réunion pour Samhain… ce qui n’est pas peu dire.

Faut que je te dise, je trouve la ville tellement sympathique que j’ai investi dans la pierre.
Me voilà nantie de quatre murs, d’un toit, d’une courette agrémentée d’un puits et d’un carré de Simples bien garni.
Cela me fera un pied à terre pour me reposer lors de mes escapades loin de l’Anjou.

Je n’ai rien qui me tracasse, tu sais.
Pas moins, pas plus que d’habitude.
Peut-être qu’en prenant de l’âge, je ressens un peu plus la dérision de la vie que je mène.
Et puis faut dire que Maleus, en bon pasteur qu’il est, passe son temps à me farcir la tête de questions existentielles.
Comme si je n’en avais pas assez des miennes, de questions. Au train ou ça va, tu vas me retrouver réformé, fidèle entre les fidèles aux prêches du
vendredi et faisant fructifier enfin mes écus.
Un comble !

J’ai mal à la main…j’ai trop écrit et bien trop étreint la plume.
Comme si par cette pression supplémentaire, l’encre transporterait un bout de moi vers toi.

Tu me manques je crois.

Besos
Cerd.

_________________
Anaon
Citation:
Mortagne, Alençon,
Novembre de l'an 1461,

    A toi, qui a le don de me tirer des sourires aussi douloureux que des couteaux,
    A toi, qui arrive à me paver le palais de jalousies plus douces que l'ambroisie,


Commençons par les mots qui grouillent dans ma plaie, qu'ils n'infectent plus nos plumes qui se voudraient plus légères... Revenons un instant sur ce jour fatidique, cet instant que tu n'as pu approuver et qu'une part de moi-même pleure amèrement encore. J'ai passé les mois qui ont suivi à me ronger l'esprit de regrets et de remords, à combler mes insomnies de "Et si" et de "peut-être". Je n'ai pas cette sensation de m'être soumise à un nouveau caprice, car j'y ai trouvé une nécessité. Est-ce les mois de recul qui m'ont rendu un côté pragmatique ? Ou est-ce que malgré moi, un reste de fierté cherche à me trouver des excuses pour me sauver la face ? Trouver une... justification à une "lâcheté" que je ne veux pas voir... Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, c'est ce même pragmatisme qui me force à une pointe d'évidence : pour le moment... C'est mieux ainsi.

Ces trois mots m'arrachent les doigts de les écrire. J'ai l'impression de confirmer ce que mon cœur à saigné d'entendre de cette bouche que j'ai pue naïvement tant aimer... mais... Oui. Mes ressentis balancent. L'envie d'aller arracher ce qui me revient de droit s'entre-dévore avec la raison qui m'ordonne de me tenir au silence. Mais pour l'heure, il faut que je me taise. Et quand Tout sera réglé, tout ce qui me gangrène... alors je pourrais aspirer à récupérer mon fil. Mais avant cela... avant mon Premier... je crains que cela ne soit que pure folie que d'y songer. Je ne sais... Mais à l'heure où je t'écris, il est plus sage pour tout le monde que je reste en retrait.

Pour mon enfant... Pour le savoir en bonne santé, je sacrifierais tout.... Mon rôle de mère s'il le faut, jusqu'à mon existence. Si je dois rester ombre pour qu'il puisse vivre heureux et sans danger... Alors oui... Oui pour cela, j'accepte de ne pas exister. Que son père y voit la victoire qu'il veut s'octroyer. Moi je vois bien au-delà de tout cela.

Bien que... Je ne comprenne pas comment nous avons pu en arriver là. Pourquoi ce revirement de situation. Je n'ai rien compris depuis le départ, je crois...
Mais de Lui... Je ne veux plus en parler pour l'instant. Nous verrons bien ce 21 décembre.

Ce sera la Modra Necht, tu sais... La Nuit des Mères... Cette même nuit qui a accouché de ma ruine. Ce jour-là, mon fils me sera apporté, dans le secret, dans ces murs où se sont nouées les premières étreintes qui l'ont un jour engendré. S'il te plait... quoi qu'il arrive et quoi que tu pourrais vouloir, ne viens pas. Reste loin de cela. Mais je te promets que tu auras des nouvelles... Nous verrons bien de ce qu'il en découlera. Peut-être que par la suite, tu pourras toi aussi le voir. En attendant, mon cœur en est lourd d'impatience...

Et oui, je te le confirme, sur le coup, la nouvelle ne m'a pas frappé, amoindrie par la seconde m'annonçant le rendez-vous pour cette rencontre. Mais il est baptisé par Rome... Quand j'ai relu la chose, j'en ai hurlé de rage et de douleur. Comme une insulte supplémentaire...

J'aurais du m'y attendre.

Et voilà, je me suis attardé sur ce que je ne voulais pas, mais au moins tout est dit et ne sera plus à dire. En parlant "bénédiction", venons-en au cul-béni. Ce bon cher Fitz en est presque mignon – et humiliant – de me croire parfaitement athée... m'enfin le bonhomme est plein de ressource et tout moinillon qu'il puisse être, j'ai fort bien réussis à le faire plonger une nuit dans les affres de l'alcool... hin hin... facilement corruptible ces petites bêtes! Pense bien, par ailleurs, que si j'ai accepté cette mission c'est bel et bien parce qu'il s'agissait de Fitz et de personne d'autre ! Par respect pour le Macaron qui le considérait comme un père, je ne pouvais le laisser courir les chemins sans aucune protection. Là est l'unique raison qui me convainc encore de le suivre... Ça, plus l'argent. Bien que le fait de m'avoir confirmé qu'il a été le marieur de ce très cher "Lui" aurait pu lui couter... cher ! Mais vois comme je suis devenu calme et raisonnable !

Et donc... assez donc parler de moi ! Me voilà déjà qui entame une seconde feuille sans m'être encore enquis de ton état ! Ingrate que je suis...

Je suis à la foi soulagée pour toi et un peu peinée de te savoir barda posé. Soulagée, car je pense que tu avais besoin d'un véritable chez toi, quelque part. Peinée, car Toulouse, c'est bien trop loin de moi. Je crois qu'il ne me faudra plus m'attendre à te croiser au détour d'une taverne crasseuse ou d'un boui-boui douteux. Le hasard ne fera plus les choses... Je t'imagine, debout, plantée dans ton jardin, le vent soufflant dans le sombre de tes cheveux. Je te vois le visage plus serein sans doute... Résignée, peut-être, par le poids des ans comme tu le dis... Mais je te sens, bien moins... disloquée. En cet instant, tu es belle et sereine... Je t'envie.

Savoir Maleus qui te bourre le crâne de question de Réformé me fait pincer le nez... mais si cela peut t'aider en quoi que ce soit... Je crois que je serai capable d'accepter ce voile aveuglé dont tu te couvriras. Les oeillère de la Foi... Ou pas ! Non, je crois que je te collerai deux ou trois baffes avant, dans l'espoir de te faire changer d'avis... Ne préfères-tu pas l'écho des druides ? Pas ceux de nos jours, qui se dévergondent au premier venu et qui n'ont plus de respect pour les liens sacrés du mariage ! Mais des autres, des vrais, des anciens ? Enfin... Sans doute suis-je aussi comme tous ces autres... aveugle consentante à ma façon.

Mais tout de même. Préviens-moi TRES en avance si tu te décides à te plonger dans le credo de Maleus, que je puisse m'y préparer psychologiquement ! Nous irons brûler quelques Églises avant cela... Le saccage de Craon n'a pas eu suffisamment d'échos selon moi ! J'en conserve d'ailleurs toujours le calice... Je REFUSE catégoriquement de m'en séparer, bien qu'il ne soit pas le plus beau que j'ai pu voir de ma vie ! Mais c'est symbolique... Je me dis qu'à chaque fois que j'y bois, je couronne encore et encore notre vengeance d'un peu plus d'insolence.

Hum... Si c'est une maure qui te fait sourire, moi, ce sont nos souvenirs.

Mais sourit donc ma sœur, ainsi tu es bien plus belle. Je n'ai jamais su, je crois, te tirer de réelles joies. Je ne suis pas compagnie très jouasse, çà tu le sais bien. Mais j'ai encore bien des verres à t'offrir, des bâches à te lancer et des coups fumeux dans lesquels t'entrainer.

Nous devenons sages peut-être, mais ne le soyons pas trop non plus...

D'ailleurs, je songais profiter de la journée de demain pour aller chasser, ce qui me fait penser que c'est une chose que nous n'avons jamais faite ensemble. Aimes-tu la chasse ? C'est une nécessité, mais bien qu'il ne faille pas se réjouir de la mort, j'avoue que cela est aussi un puissant vide-esprit. Profondément rassérénant malgré les retours bredouilles. Un jour, il faudra remédier à cela. Quelques-jours à crapahuter dans les bois à mes côtés, qu'en dirais-tu ? Je n'ai jamais pu partager ce plaisir avec personne, même Lui qui aimait tant cela ne m'y a jamais emmené..

Et puis, c'est l'heure où la forêt se réveille avant son ultime sommeil...Il faut profiter de ses derniers fruits avant son silence.

Sur ce, je me refuse de sortir une troisième feuille, tu vas finir assommée par toute cette orgie de mot ! Et je ne voudrais pas te voir bailler ! T'as de bien trop sales dents...

Non je plaisante... Enfin... En même temps, je ne suis jamais aller lorgner dans le fond de ton four.

    Je t'embrasses donc,
    Et reviens-moi un jour,
    A.


PS : Pour le Gros, au mieux, pince lui la nuque en lui embrassant le crâne. Ce sera sans-doute mieux que toutes les taloches du monde...

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Cerdanne
Citation:
Ville rose, encore, Novembre pluvieux, quinzième jour.

Ma roide, Ma frangine

Il est des jours où nous ferions bien de rester calfeutrées dans nos murs.
Entourées de nos arbalètes, dagues, dogues et tout ce qui ôte l’envie à quiconque de nous approcher.

Il est des jours où l’on ne peut que penser que l’étoile, la lune, le soleil, leur Deos, leur Christos a décidé de nous tirer la langue et de se marrer en douce.
J’en ai la plume rageuse et terriblement vexée.

Ici, la vie s’écoulait, rose.
Pas vraiment le rose framboise des jours heureux, mais, pas non plus ce vieux rose déprimant et vieillissant.
Bref, je n’avais pas grand-chose à raconter de mes journées.
J’en étais encore à peser mes mots avant de les offrir à ma plume.

Réfléchir à ce que tu avais écrit et m’imprégner de tes douleurs.
Et puis j’échafaudais dans les moindres détails une rencontre pour une chasse. Nous n’avons jamais chassé ensemble.
Un comble.
J’ai toujours avec moi un arc tu sais ;
Un cadeau d’un autre âge qu’une brune sauvage m’avait offert.
Un temps révolu où je me revendiquais Faucharde.
Cet arc a été celui de ses enseignements.
L’affut, la patience et ne faire qu’un avec les bois.
Et la flèche.
Une seule, en plein cœur.


Il faut que je te dise.
"IL" est ici.
Dans Ma Ville !

Bordel !

Je me saigne pour investir sur la pierre Rose et il débarque !
Je ne l’ai pas encore vu… mais la ville n’est pas si grande que ça hein.
Je ne sais pas si je dois remercier la personne qui m’a parlé de lui.
Je crois que oui.
Le sachant ici, je vais pouvoir anticiper, fermer ma grande gueule avec la meilleure des glues, me transformer en servante de...Déos.
Oui ?

Bon sang de bois, je ne sais si tu vas réussir à me relire.
Mais ne t’inquiètes pas.
Je gère.
C’est comme ça qu’ils disent les merdeux ici.
Je n’ai pas l’air, enfin je veux dire ma plume a pas l’air mais moi oui.
Puis, il est fort possible que je ne le croise pas, hein.
Je ne vais pas à la messe et je n’ai pas d’entrée chez les nobliaux du coin.

En tout cas je te fais la promesse de ne jamais parler de rien.
Et cette promesse n’est pas vaine.

Du coup Eikorc attendra pour la pichenette sur la nuque, la baffe sur la tête.

Au fond, je n’aurais pas dû écrire sous l’effet de l’annonce.

Mais je reconnais une chose, écrire m’a calmé.

Je ne me relirais pas.

Mais sache, et je pense que mon écriture à présent doit te prouver mes dires, que blotties dans un coin de ma mémoire reposent nos douleurs,
Ta douleur et que j’ai posé sur elles les cendres encore chaudes de nos célébrations passées.
La braise somnole et seul le souffle de ta voix les ravivera.
Ma Roide, ma frangine….
Ne sois pas inquiète.

Ecoute, trouvons le temps de nous rejoindre pour une chasse.

Donnons-nous rendez-vous.
L’hiver n’est pas encore là.
Ton cureton aura bien un jour à faire de l’autre côté de la Loire…et puis, si le rose se délave trop je remonterais vers le Nord.
L’éclat bleuté me va tout autant.

Cerd.

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Anaon


    Anaon n'a pas bougé, les doigts toujours pincés sur la lettre, l'esprit en proie à la morsure de mille et une questions. L'annonce d'un Judas écumant Toulouse n'a pas eu sur elle l'effet qu'elle aurait dû avoir. Et elle-même se surprend de ne pas ressentir le soulagement qui aurait dû l'étreindre. Ne devrait-elle pas en être soulagée, elle qui tient tant à s'en éloigner ? Elle qui se vante de réussir à le sortir de son esprit ? Non. Est-ce que cela veut dire que son fils a été emmené aussi loin d'elle ? Elle n'en sait rien et çà l'angoisse. Ça l'agace de savoir Judas, hors de portée. Non, elle ne veut pas le revoir, pas avant la date fatidique, mais la contradiction de son esprit veut le savoir à portée de ses coups, savoir que si elle VEUT et PEUT. Il lui suffisait de quelques jours de chevauché pour le toucher en plein cœur, lui cracher de vive voix toute sa rancœur. Le savoir désormais à l'autre bout de la France cause en elle un détestable sentiment d'impuissance, comme la paire de rêne d'un cheval rétif qui lui glisserait entre les doigts. La douleur honteuse d'une chute stupide. L'illusion d'un contrôle qui s'écoule, une illusion qui pourtant rassurait et qui, quelque part, suffisait à gonfler son orgueil. Un faux-semblant aussi. Non, je ne le regarde pas, mais je sais où il est. Mais maintenant, maintenant qu'il n'est plus là... l'angoisse... l'angoisse de ne pas savoir et l'irréfutable envie de fouiller tous les recoins du monde pour le retrouver.

    A son esprit s'impose alors l'inévitable "Pourquoi". Pourquoi est-il parti si loin, lui qui n'est jamais allé plus bas que le Limousin s'en même s'y arrêter. Les pensées fomentent, l'esprit corrobore les doutes. Judas n'a pas d'ami, mais n'a que des amantes et imaginer la raison de cette fuite une fois encore pleine de courbes et caresses lui sert les tripes bien plus qu'elle ne l'aurait cru. Par ailleurs, machinalement, sa main libre s'est crispée sur ses habits au niveau de son cœur. Quand on a aimé, il n'y a jamais de rupture. Les séparations n'ensevelissent jamais les ressentis passés et dans le présent, il reste toujours les traces farouches de ce que l'on voudrait oublier. L'Amour est une entaille au cœur que l'Anaon se trace elle-même, consciente qu'elle ne la refermera jamais, et si les décennies d'absence lui font la grâce d'amoindrir sa béance, elle sait qu'il n'en demeurera pas moins une éternelle cicatrice, brûlante et à jamais infectée.

    L'Amour pour Judas, elle le porte comme un parasite, un organe mort dont elle ne peut se défaire. Une honte aussi, enrobée de haine, de se savoir si pitoyable à ne pourvoir s'amputer totalement de cet homme qui l'a trompé, qui s'est joué d'elle, qui l'a humiliée et la brisée, là où malgré tous ses travers elle avait su encore lui octroyer une grande partie de sa confiance. Cet homme aussi, qui, une fois encore, avait décidé de ne pas la laisser en paix, elle, qui restait prostrée dans son silence comme une bête blessée prenant soin de faire fi de ses plaies purulentes. Jamais, il ne lui accordera le droit à la dignité, à la sérénité, le droit à sa liberté. Toujours, il s'acharnera à élargir cette entaille qu'elle aura tant de mal à reboucher, toujours l'agrandir, pour mieux y déverser son fiel.

    Anaon n'est qu'un confessionnal... Un confessionnal où l'on se justifie par quelques ébauches de mots tendres, où l'on se donne bonne conscience comme pour se convaincre de sa bonne foi avant d'aller semer, sans remord et sans honte, ses vices et ses péchés par toutes les ruelles de France. Et puis, de temps à autre, on revient entretenir sa "morale". Un confessionnal pour se rassurer et se donner raison, où l'on flatte son égo et se croyant saint-homme, mais où l'on ne demande jamais pardon, où l'on ne se remet pas en question, où l'on ne fait rien que parler, fort de sa conviction d'avoir tous les droits entre ces quatre murs, prétentieux d'être persuadé que ses deux oreilles ne font que leurs devoirs d'écouter, de pardonner sans prière et de se faire miséricorde. Une fois encore, l'Anaon ne comprend pas Judas ou bien elle n'arrive pas à accepter ce qu'elle peut y comprendre... Si les confessions ne sont que mensonges... pourquoi s'obstiner à les entretenir ?

    La main lâche enfin son cœur, et passablement ébranlée, elle se saisit de plume et vélin. Le lieu. La date. Et le début de sa lettre se ponctue d'une myriade de petites taches d'encre, là où la plume s'est posée avant de se relever, puis de se reposer, puis de se relever, ainsi durant un long moment où elle ne sait quels sont les mots qu'elle devrait y cracher.

Citation:

Mortagne, Alençon
Novembre de l'an 1461,

    A toi,


Je ne sais que dire... Je ne te demande qu'une seule chose... Si d'aventure, si malgré tout, tu venais à le voir... Dis-moi seulement...

Seulement...

Si mon fils est avec lui... Peut-être... Peut-être que tu le verras avant moi... Et puis...si tu le sais..."Pourquoi"... Ne cherche pas à me préserver... Il n'y a plus rien en moi qui mérite d'être épargné. Trop de fêlures... Je crois ne plus être à une entaille près... Si j'avais du m'écrouler, je l'aurais fait depuis bien longtemps...






Qu'a-t-elle donc ta ville pour attirer tant de monde ? Avant, Bretagne et Bourgogne étaient à la mode, et puis l'Anjou... et désormais, depuis que Bouillon y a posé ses fondations, j'entend par monts et pas vaux parler de la ville rose. Est-elle comme on le prétend ? De cette couleur improbable et aussi chaleureuse qu'on veut bien le dire ? Je crains néanmoins pour ta tranquillité. Le monde attire le monde... Tu viens d'en avoir la preuve. Je te souhaite, sincèrement que ta ville restera préservée et fidèle à l'image que tu as pu aimer... mais quand tu m'en parles, je ne peux m'empêcher d'y voir une fille d'Anjou. Une ville avec ses travers, mais comme on les aime, une ville où l'on croit avoir trouvé sa place et son cocon... Une illusion soudainement crevée par une affluence qu'on attendait pas. Je me souviens... Ça m'a fait l'effet d'un viol. Même au Gontier, je n'arrivais plus à me sentir chez moi.

Retourner à Paris m'a fait un effet de bien. Ou ne m'a sans doute fait ni chaud ni froid... Au moins me laisse-t-elle passablement indifférente. Ça empêche les déconvenues. Et puis Alençon... C'est du passage... N'y connaître personne et se savoir connu de personne est une sensation agréable.

Néanmoins, je suis navrée de t'assurer que je n'irais pas plus bas qu'Alençon. Anjou sera mon dernier horizon. Je ne peux m'éloigner de Paris pour les raisons que tu sais. J'en deviens folle, de retourner cette ville sans trouver ce que j'y cherche, néanmoins, il me faut continuer même si je dois en retourner un à un les pavés à main nues et m'y éclater les ongles.

J'y pense d'ailleurs... Paris, tu la connais aussi bien que moi, tu la connais d'avant sans doute, quand ses ruelles étaient pavées de réels mercenaires qui faisaient trembler l'échine de la France. Néanmoins... je crois que tu ne m'as jamais parlé de ce temps où tu étais Faucharde. Ce nom je l'ai connu, pas plus que cela, je t'avouerai. Peut-être t'ais-tu déjà épanché à ce sujet, mais pardonne-moi, j'avais sans doute l'esprit trop disloqué ou noyé par d'innombrables boissons pour en retenir les bribes...

Par conséquent pour en revenir à mes mots précédents, pour ce qui est de chasse, je ne pourrais te rejoindre... mais les forêts d'Anjou sont giboyeuses, bien qu'elles n'égaleront jamais ses petits bois du Duché de Savoir, perdus dans les hameaux se situant entre Belley et Bourg qu'on appelle "Les terres du Bugey". Enfant, mon père y ayant des amis, nous y allions souvent et lui-même se retrouvait gonflé d'admiration et d'envie et avouait avec un peu de pudeur, la voix pourtant émue, que "la forêt ici, se montre plus vivante même qu'en notre douce Breizh". Les sangliers s'y reproduisent à foison et bien sot serait celui qui n'y croiserait aucune proie...

Un jour... Un jour nous irons en Savoie...
Pour l'heure, contentons-nous d'ailleurs.
Pour l'heure, je suis ton obligée, mais je suis contrainte de t'imposer ces conditions...

Je serais des plus heureuses de te revoir, mais s'il faut attendre Printemps pour que tu reviennes, et bien, soit, j'attendrais. Je ne veux t'arracher aussi vite à cette ville que tu sembles tant aimer.

Néanmoins, je te promets qu'un jour je viendrais la voir de mes propres prunelles et j'espère que ce jour, j'aurais mes deux fils à te présenter...

    D'ici là, je t'embrasse avec toute mon affection,
    A.

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