Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP ouvert] On ne se lasse jamais de l'ombre d'un cimetière.

Ellya
[Début de l'hiver 1460]


Un murmure creva le silence.

Suivi d'un juron inaudible.


Par le Sans Nom! Jamais je n'arriverai à aimer cet endroit.

Il n'avait rien à envier pourtant, ce lieu. Son sol était recouvert d'un tapis rougeoyant, vestige de la saison passée, et tous les arbres ainsi dénudés avaient gagné en fierté, les branches dressées dans leur rigueur noueuse. A l'ouest, l'imposante Notre Dame courbait le dos face au vent, protégeant ainsi cet espace d'un froid rigoureux.
Y régnaient en maîtres la paix et le silence.
Pourtant, même les rayons du soleil qui léchaient généreusement les bancs fatigués et les hautes croix ne parvenaient à attendrir la nonnette.

D'un geste las, et davantage par habitude que par symbole, elle se signa avant d'embrasser de son regard nuageux l'étendue des pierres qui hérissaient le lieu. Elle sembla hésiter avant de se diriger vers l'une d'elle. La plus proche. La plus lointaine aussi, d'une certaine façon.

Elle s'agenouilla dans un froufrou soyeux, ne prêtant guère plus aujourd'hui qu'hier attention à l'épitaphe gravée sur la tombe. Ses yeux se fermèrent, sa mémoire se raviva.
Un bruit.


Nous ne sommes que des imbéciles, n'est-ce pas?

Un sourire navré creusa son visage déjà bien émacié par leur récent pèlerinage à Jérusalem.


Prendrez-vous ma main, de nouveau, mon époux?


RP ouvert dans la mesure où il se situe dans un lieu public, le cimetière attenant à la Cathédrale Notre-Dame
Watelse
Ma chère épouse ! Encore le nez pointez vers le sol comme un bec pour attraper l’asticot ? Vous ne cherchez donc plus Aristote dans les Cieux, mais bien dans les tréfonds boueux de l’Enfer solaire…
 
Le Watelse, le Maitre, le seul et unique, roula de la gorge dans un rire sardonique. Son épouse avait toujours été matière à plaisanterie tant le ridicule de ses convictions et les gestes de dévotion naïfs prenait forme sous ce nom : Ellya de la Duranxie. Le vieillard pourtant ne la détestait pas, et s’il avait été longtemps agacé par cette ferveur, il avait appris à s’en moquer sans violence verbale (ou presque). Ses croyances impies avaient même mollies au contact de la diaconesse lors de leur dernier pèlerinage à Jérusalem. Les doigts de l’orfèvre grattèrent le bout du nez qu’il avait proéminant avec des narines larges où les mouches pouvaient se nicher parfois. Les ongles frottant les caves nasales allèrent ensuite glisser entre les cheveux poivre et sel du Maitre, allant naturellement y semer ce qu’il avait engrangé un peu plus bas. Son couvre chef, presque aussi âgé que lui pendait au bout de son autre bras, effleuré par le vent glacial du cimetière.
 
Ce cimetière, il le connaissait très bien, visitant une de ses occupantes au moins une fois par mois. Devant cette tombe familière, il ricanait souvent ou crachait sur la pierre selon l’humeur : « Il fait froid, dis moi, mais tu as toujours eu les fesses au vent, ça ne doit pas te changer beaucoup, triste catin ! » ou encore « On me disait que je me laissais marcher dessus par toi, mais maintenant, c’est moi qui piétine ta tombe, vomissure d’asticot » Par fois même, il se soulageait sur la pierre tombale, lorsque, ayant assez bu pour remplir un tonneau de son urée, il ne pouvait plus se contenir : «  Un peu de moi pour une pisseuse ».
 
Etait-ce une coïncidence ? Ellya se trouvait justement agenouillée devant la pierre de sa première épouse, Blanche Watelse. Le cœur du vieil homme se serra en une fraction de seconde. Ellya ne savait pas. Ellya pourrait comprendre. Ellya pourrait se mettre en colère. Ellya pourrait lui faire encore la tête. Il n’y avait rien de pire pour le vieil homme que la triste mine de sa conjointe et ses regards lourds de reproches. Il préférait encore une franche engueulade (il pourrait ainsi avoir une excuse pour la frapper). Mais la doucette n’était point grande gueule et elle gémissait dans un silence assourdissant. Cherchant à capter l’attention de la prieuse :

 
Chère et tendre amie, nous allons être en retard à la messe si nous gaspillons notre temps avec les macchabés : les curés et évêques, eux, sont bel et bien vivants et attendent nos piécettes dans leurs escarcelles… Et cette fois ci, promesse est faite que je donnerai une vraie pièce, pas une arnaque dorée.
 
L'orfèvre parisien crut bon de rappeler :
 
Notre mariage eut lieu ici, vous souvenez vous ? Il nous avait coûté bien plus encore qu’une année de quête et de dîme.
 
Il lui saisit la main tendue pour la relever.
_________________

création de jipelecriket
Ellya
Elle frémit. La mention de l'Enfer pouvait parfois la paralyser sur sa couche, les yeux rivés vers le lustre luxueux en quête d'un pardon qu'elle croyait parfois inaccessible. Toujours elle se ressaisissait, mais ces dernières semaines voyaient le temps s'allonger pour cet effort. Certains jours, elle ne parvenait pas à saisir le pardon qu'elle quémandait. Avait-elle vraiment fauté, en espérant le rachat de son époux, qui ne l'était qu'à moitié aux yeux du Dogme? Le sang versé à Jérusalem avait-il suffit à lui accorder la bénédiction du Divin pour repartir sur un chemin plus clément? Pieux davantage?

Ils ne s'aimeraient jamais.

Elle le savait, l'acceptait en son sein comme le soldat supporte la blessure de la journée précédente. Mais son inquiétude venait du fait qu'elle ne cherchait plus l'amour. Avait-ce seulement été le cas un jour?
Parfois, elle voyait l'évêque maudit qui les avait unis, en rêve. Il lui crachait sa haine et son dégoût, la flagellait de mots cruels. N'avait-elle pas fondé une famille avec ce Spinoziste? Et de bon gré?
Mais par ces fols espoirs, un fils était né. L'Unique. Le Parfait. Alors la nonnette avait abandonné l'idée d'être une épouse idéale, pour se tourner vers l'envie d'être une mère admirable. Ainsi les cauchemars partiraient et le fils, dûment éduqué et empli de bonnes qualités, rachèterait les erreurs de ses parents.

Elle frémit, ouvrit les yeux et attrapa la main rêche et ridée de son époux pour se relever.


Bien plus, oui...Et il nous a offert plus encore.

Leurs regards se croisèrent sur ce seul sujet où leur avis s'accordait.


M'emmènerez-vous le voir, après la messe? Vous aviez promis. Regardez, j'ai même quitté cette bure que vous haïssez tant pour la tenue que vous m'aviez achetée à notre retour. Une folie. Dépenser autant pour du tissu. Vous aviez promis, Georges. Je ne souffrirai de partir sans le voir.


Et de fait, l'émaciée religieuse qui était revenue souillon de leur pèlerinage avait retrouvé sa superbe. Droite dans sa robe tombant jusqu'au sol, d'un pâle annonciateur des neiges bleutées de l'hiver, elle faisait honneur à la richesse de son époux ainsi qu'à la noblesse de ses parents. Ses cheveux dorés n'avaient plus trace de la brûlure que le feu leur avait infligé six mois plus tôt pour une sombre histoire de mouton. Recouverts d'un voile, ils sentaient bon la fleur d'oranger. Comme au premier jour. Pour lui?
_________________
Watelse
Quand le Maitre promettait, il omettait rarement de croiser les doigts derrières son dos, voyou menteur qu’il était. Et devant la pieuse et honnête Dame Watelse, il n’en allait pas autrement. Le lâche s’éclaircit le ton d’un raclement de gorge. Il sourit aussi sincèrement que possible à la dame qui lui avait donné son bel enfant Juste-Parfait Watelse, l’attirant d’une main à l’écart de la tombe qu’elle pourrait découvrir :
 
Dame, je vous ai promis et je vous promets encore désormais. Cependant...
 
Cependant, le fripon n’avait pas tout à fait dit la vérité. Véritablement, elle verrait son rejeton après la messe. Véritablement, elle le prendrait dans ses bras Et assurément, elle remercierait chaleureusement l’hôtesse qui avait pris soin du fruit de ses entrailles pendant leur temps d’absence. Pourtant, il était aussi facile de prévoir la réaction de la nonnette lorsqu’elle apprendrait l’identité de cette généreuse âme…
 
Ma mie, Ma Personne se terre dans la honte si elle ne vous avoue pas dès maintenant quelques menus détails sur cette personne… cette femme… qui vous a suppléé si bonnement. Comment vous la décrire, ma foi?…
 
Le ton se fait hésitait, un rien trainant. Watelse ressemblait alors à un mari infidèle essayant de faire passer la pilule à sa cocue de femme, amenant pas à pas l’idée de la faute. Penaud. Contrit. Cependant, la ressemblance s’arrêtait là car le paon continua par la représenter comme un "oeuf": 
 
Je ne la traiterais pas de dinde car elle porte les mêmes plumes que moi. Une femelle paon… Un peu vérolée parfois, faute à sa catin de mère…
 
Il indiqua d’un bout de canne la tombe devant laquelle elle priait à l’instant. La tombe s’était vue recouvrir avec le temps d’un épais lierre qui empêchait la lecture rapide de son occupante.
 
Heureusement, seconde Dame Watelse, vous donnez à mon fillot – à notre fillot _ plus d’envergure, plus de noblesse. Ma foi, elle vous plaira peut-être … sans doute. Pas fièrote pour un sou, et plutôt silencieuse, qualité indéniable pour une race babillarde comme la Vôtre. Ma fille, oui, vous plaira sans doute. Et j’espère de vous que vous saurez lui montrer qu’avant tout, vous êtes la seule et unique Dame Watelse. Qu’elle porte mes gênes ne veut pas dire qu’elle peut parader avec, la poanne…
 
Georges Léonard Watelse eut un rictus  joyeux, si rare sur ses joues ridées :
 
La poanne… la « fri-poanne »… Ahah, joli jeu de mot, mon ami, se flatta t’il à haute voix.
 
 
_________________

création de jipelecriket
Ellya
Plusieurs mois auparavant, avant leur pèlerinage à Jérusalem, une lettre était parvenue à la demeure conjugale. Ne reconnaissant ni l'écriture ni le sceau, somme toute assez banals, la jeune Duranxie n'avait pas pris la peine de l'ouvrir, pressée par l'urgence du destin. Et leur retour n'avait pas trouvé la nonnette plus présente pour la lecture d'une inconnue. Aussi la révélation d'Isandre, auteur de cette mystérieuse lettre, n'avait jamais été connu de la religieuse.

Cela explique sans doute la réaction qu'elle eut aux propos de l'orfèvre.


Comme vous êtes drôle, mon époux!


Elle n'imagina pas un seul instant que le vieillard puisse faire autre chose qu'une bonne boutade. Après tout, n'avait-il pas insinué que si elle accouchait d'une femelle, la pauvrette se trouverait bien vite accidentée et victime de la mort? Pourquoi aurait-il gardé un enfant de ce sexe vivant et près de lui, en ce cas?
Alors elle se mit à rire, s'appuyant fermement sur son bras tandis qu'ils se mettaient à marche, côté à côte.


Mais... Rassurez-moi, ce n'est pas un de vos cruels moyens pour m'avouer quelque chose d'atroce derrière, n'est-ce pas? La dernière fois que vous fîtes preuve d'autant d'humour, vous avez fini par m'avouer avoir soulagé votre vessie dans les chausses d'un archevêque! J'ai dû vous couvrir et j'en cauchemarde encore parfois, la nuit.

Elle s'arrêta, le jaugeant d'un œil sévère.

Qu'avez-vous encore fait, Watelse?

Elle pouvait tout entendre. Mais ne pouvait reconnaître la vérité qui venait de lui être avouée.

_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)