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[RP] Pommières vs. Pommières

Rosalinde
    [Tours, Touraine. Jusque là, tout est logique.]


Tout commence souvent dans une taverne. Tout s'y termine, aussi, la plupart du temps. En tous les cas, ça leur correspondait bien. Alors pour ne pas déroger à ce qui semblait être devenu une tradition dans leur couple, c'était en taverne qu'elle l'attendait. Rien ne pressait encore, elle arrivait à peine au sein de la capitale tourangelle, et venait de prendre ses quartiers dans l'auberge attenante, propre et calme, sans doute parce que Léonard n'avait pas encore décidé d'y mettre du sien. L'enfant terrible était plutôt doué et terriblement précoce quand il s'agissait de mettre le souk, et sa grande passion du moment était de lancer des choses. Tout ce qui passait à portée de ses petites mains sournoises, en fait.

Mais pour l'heure, ce charmant bambin, confortablement installé sur les genoux de sa mère, et par bonheur un peu fatigué du voyage, se trouvait tout occupé à baver abondamment sur le hochet censé l'aider à sortir ses premières quenottes, le regard dans le vague. Restait à savoir quand il se réveillerait, foutrait un bon coup de tête sur Rose et balancerait son jouet à l'autre bout de la pièce. Bientôt. Il guettait l'air de rien le moment d'inattention idéal, qui ne tarderait pas à arriver.

En attendant, la jeune maman était donc attablée, non pas devant une assiette, mais face à un petit morceau vélin qu'elle noircissait soigneusement de sa plus jolie écriture.


Citation:
Mon cher Nicolas,

Nous sommes arrivés à Tours sans encombre, et bien installés dans une bonne auberge. Vous me manquez déjà, j'ai hâte que cette déplaisante entrevue se termine. Plus tôt nous serons rentrés à Verneuil, mieux ce sera. J'aurai cette dissolution, et alors nous serons parfaitement heureux et nous pourrons adopter plein de bébés chats.

Je vous embrasse,

Rosa.


Le regard se relève après la pose du point final, et cherche le garçon d'auberge qui lui a servi de coursier quelques instants auparavant, pour porter un mot d'un tout autre acabit à Finn.

Citation:
Ô mon époux

Surprise ! Nous sommes à Tours rien que pour vous voir. Vous seriez donc gentil de ramener vos miches à l'hostellerie du Verre Luisant.

Thanks a lot.

Your lovely wife.*

[Merci beaucoup, votre adorable épouse]

Mais manifestement, le gosse restait invisible. Tant pis. Lettre pliée et rangée dans son éternel sac fourre-tout, et voilà que le fils est hissé dans ses bras, elle se lève. Après avoir expliqué à l'aubergiste où Finn pourrait la trouver, elle se dirigea vers sa chambre, et s'installa sur son lit avec le gniard. C'était parti pour la pause "jouer à qui lancera le hochet le plus loin" et "ainsi font font font les petites marionnette". En espérant réussir à le fatiguer assez pour qu'il ne tarde pas à pioncer quand l'Irlandais montrerait son nez.
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Finn
À Tours, voilà qui constitue un premier pas vers lui. Effort qu'il ne se sent pas l'ingratitude de bouder. Il n'a pu se rendre à Autun, mais Tours ce n'est qu'à une journée de Chinon. Peut-être une demie s'il presse les flancs de son canasson. Il n'a de toute façon rien de mieux à faire depuis quelques jours. Une guerre s'achève, une autre commence, et elle commence dans une auberge de Tours.

Armé du pli reçu la veille et copieusement chiffonné entre ses doigts, l'Irlandais prend place dans la grand salle. Une table un peu à l'écart, dans un coin. Droit contre le dossier de sa chaise, il dévêt cape et gantelets, visiblement décidé à s'éterniser. S'il n'a pas bronché à la lecture du pli et de sa convocation pure et simple, il n'en décide pas moins du lieu exact de la rencontre. Et il sera public, neutre, comme il en est pour toutes les tractations inamicales.

L'espace d'un instant, il songe à prévenir sa comparse de son absence pour la journée.


Citation:
Écrin,


Je m'en vais à Tours ce jour afin de régler une bonne fois pour toute cette affaire de dissolution.
Cela ne m'enchante guère et vous n'en avez sûrement rien à carr...


Le vieux plisse la bouche, elle n'en aurait de toute évidence rien à carrer. C'est certain. Il ne lui a même pas parlé depuis qu'elle a décidé d'observer le temps passer seule dans sa tente. L'animal danois connaît parfois ce genre de besoin qu'il est loin de comprendre. Tout ceci avant de se faire navrer, faucher pendant l'unique bataille. Au moins elle en aurait de la solitude, alitée et recluse derrière ses paupières closes. Les mots n'atteindront jamais le vélin.

Comme un voile lâché sur ses traits, la lassitude s'abat soudainement sur le Gaélique. Du manipulateur d'évêque et de cousine par alliance, il ne reste plus grand chose qu'un homme paumé. Du plan savamment orchestré pour retarder l'échéance, plus rien du tout. À peine quelques subterfuges dont il n'a plus le goût d'user.

Usé, c'est le mot. Et fort marri de devoir en arriver à la vérité pour se faire entendre.
S'il pouvait se passer de cet entretien, il le ferait sans hésiter.
Mais il est là et elle est là. Du moins, on l'espère.


- « Un verre de vin et Rosalinde d'Pommières. »

Commande-t-il à l'aubergiste lorsqu'il daigne enfin s'occuper de son nouveau client. Si elle veut vraiment le voir, elle devra faire quelques pas de plus.
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Rosalinde
On frappe à la porte. C'est l'heure, alors, et son coeur s'arrête de battre jusqu'à ce que la voix de l'aubergiste perce à travers le battant. "On" l'attend en bas, et "on" a pas l'air décidé à monter. Aurait-il peur d'un tête à tête ? Vrai qu'elle aurait pu le tuer. Elle y avait pensé, et sérieusement en plus. Mais pas ici, devant Léonard, ni tout de suite, elle aimait mieux entendre d'abord ce qu'elle espérait être la vérité. Non, décidément... Elle lui tranchera la gorge un autre jour. Quand elle aurait épuisé tous les moyens légaux à sa disposition pour tenter de se défaire des liens sacrés du mariage, sans doute.

L'enfant est abandonné quelques instants au centre du matelas, en proie à une violente crise de "je tape mon hochet contre la courtepointe en riant comme une baleine parce que quand même, c'est trop drôle". La mère se redresse, et remet un peu d'ordre dans ses cheveux. Elle s'est faite belle, et avait même enfilé une robe rouge sang, neuve, et très seyante. Non pas par soucis de plaire à son époux, la question était surtout de retrouver la dignité qu'elle avait très profondément enterrée lors de leurs dernières rencontres.

Bébé soulevé, et calé contre sa hanche, et la voilà qui fait le chemin en sens inverse. Aux pieds de l'escalier, le regard scrute la salle, et repère Finn. Elle s'arrête un instant, le temps de rassembler son courage, et de baiser une ultime fois la joue rebondie de son fils, en lui demandant d'être bien sage, ce à quoi il lui répondit en levant un regard serein vers sa génitrice, juste avant de lui donner un bon coup de hochet ponctué d'un "gah" retentissant.

Bon, ça commençait mal pour la dignité, s'il fallait qu'il la voie maltraitée même par Léonard. Un petit soupir las, le mini-Pommières n'y mettait vraiment pas du sien. Tant pis, le mal était fait, elle s'approcha de la table de son époux sans encore s'y asseoir.


- Bonjour.

Le ton se veut sobre, étant donné qu'elle ne sait pas bien sur quel pied danser. Il y a un mois, cela aurait été de la froide colère, mais depuis, il y avait eu la lettre qu'il avait envoyé à Monseigneur Aegon, à cause de laquelle elle ne savait plus que penser. Sans compter qu'Aigneas et Katina en avaient remis une couche par dessus le marché. Qu'à cela ne tienne. Elle vrille son regard vers le sien, sévère. Le ton est donné : Qu'il ne s'avise pas de lui raconter des fadaises.
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Finn
Et là voilà, et elle ne s'est pas trop faite attendre. Quelle classe.
Sans commune mesure avec l'épouse larmoyante qu'il a abandonnée quelques mois plus tôt.

Le Gaélique échappe à sa contemplation de la faune pour observer la rouquine se pavaner jusqu'à lui. Imperméable au charme de la robe rouge, il l'envisage pourtant le visage légèrement incliné sur le côté. Elle n'est pas sans rappeler celle outrageusement décolletée que sa fiancée d'alors se plaisait à arborer. Une fois certain qu'elle n'a pas eu cette indécence aujourd'hui, c'est au tour du bambin d'être passé au peigne fin. Le seul réel motif de sa venue dans le rade.

Saluée d'un rapide mouvement du caisson, le sourire en berne, l'épouse est invitée d'un geste à prendre place face à lui. Il n'a pas bougé d'un iota en l'attendant, roide. Et la réapparition de l'aubergiste revenu compléter sa commande n'y changera rien, purement ignorée. Ni nerveux, ni tout à fait détendu, l'Irlandais fixe celle qui fut la cause de tant de tracas. À l'austérité de sa vis-à-vis répond la sienne, pour une fois que les deux humeurs sont au diapason...


- « Vous buvez quoi ? »

Autant faire déguerpir les oreilles indiscrètes, car rien de nouveau ne sortira devant le taulier. Et c'est bien de l'inédit qu'elle est venu chercher. Lui n'est pas venu les mains vides, mais encore faut-il qu'il trouve la formulation adéquate. Celle qui saura les mener vers une sortie de crise satisfaisante pour les desseins de la jeune mère autant que pour les siens.

Mais quitte à devoir patienter, pourquoi ne pas vider son sac ?


- « Alors comme ça vous tapez dans l'homme marié maintenant ? »

Et de prendre son pied en l'observant fouiller sa mémoire. Car l'anecdote apprise récemment ne date pas d'hier.

Allez, fais le compte.
Y'en a peut-être eu plusieurs, qui sait.

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Rosalinde
Les premières secondes étaient souvent décisives dans ce genre de rencontres. Et ce fut attentivement qu'elle scruta le visage de l'époux à son apparition. Pas le moindre signe de trouble. Grande satisfaction interne, mêlée de soulagement : Il ne l'aime pas. Elle n'aura donc pas à se poser la question d'une seconde chance, famille réunie et tout le tintouin ; elle demandera la dissolution, et l'obtiendra. Pourquoi s'entêter dans un mariage dont elle ne retirerait rien, alors qu'elle pourrait en contracter un nouveau, avec un homme qui l'aime, et qu'elle aime en retour ? Sans parler du fait qu'elle pourrait enfin passer de la troisième base au home run avec lui, puisqu'ils s'en étaient abstenu jusqu'à présent.

Ainsi rassérénée, elle tira la chaise faisant face à Finn du bout du pied - les deux mains étant occupées à soutenir Léonard - et s'y assit sans faire plus de façons, plaçant l'enfançon face à son père. Intrigué par cette présence nouvelle, et nettement moins souriante que les amis de Rose, il observait son père d'un air à la fois grave et curieux, tout en bavant en abondance sur son hochet. Au moins, il se tenait calme, pour l'instant.

Quant à l'aubergiste, et à la question de l'Irlandais, elle répond simplement :


- Un lait.

Pas d'alcool qui lui tourneboulerait les sens, elle tenait à rester sobre pour toute la durée de leur entretien. Et pendant que le tenancier s'éloigne pour aller lui préparer la boisson demandée, voilà que l'époux entame gentiment les hostilités. Elle ? Taper dans l'homme marié ? Ah bon. Qu'a-t-il dit ? "Maintenant". Si maintenant voulait dire en ce moment, c'était niet, et si maintenant voulait dire depuis leur séparation... C'était niet aussi. Aisé de répondre, au final, puisqu'elle tenait régulièrement le compte de ses amants : Depuis Finn, il y en avait eu trois. Anthoyne de la Louveterie, célibataire, Guillaume de Jeneffe, veuf, et Nicolas de Firenze, célibataire.

Aussi ne met-elle que le temps d'un froncement de sourcil pour lui rétorquer :


- Navrée, mais on vous a mal renseigné.

Pour autant qu'elle se souvienne... Elle n'avait couché qu'avec deux hommes mariés en sus de son propre époux, et le Gaélique était déjà au courant, pour les deux. Ou pas pour Judas ? Bah, pas avec le von Frayner qu'il parviendrait à la déstabiliser, puisqu'il était de notoriété publique que Judas finissait par coucher avec toute femme logeant sous son toit. A elle d'attaquer, à présent.

- Et vous, dans les abruties congénitales ? A ce sujet, je dois vous féliciter, j'ai failli croire en votre boniment de mari repentant.

Le lait fut apporté, et elle congédia l'aubergiste d'un signe de la tête. Petit sourire sarcastique pour l'époux, et, ô joie : Ils allaient pouvoir entrer dans le vif du sujet.
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Finn
La commande de l'épouse apportée, il entame la sienne et s'étrangle dans un ricanement à peine étouffé dans son poing. Ou comment manquer de peu d'abattre un Irlandais par une périlleuse descente à plat ventre de celle qui se veut sobre, sur la pente de la mesquinerie. Aussi soudaine qu'inattendue. Certains diraient qu'il s'est lancé en premier.

- « Ne soyez pas trop dure envers vous-même, Rose... »

Moue navrée de façade.

- « Nulle hérédité dans votre trop fameuse finesse d'esprit, épargnons ce pétillant bambin. »

Lequel il dévisage en reprenant calmement le cours de son verre. Étonné comme au premier jour de constater à quel point l'on peut aimer le fruit sans éprouver une once de tendresse pour l'arbre. Léonard tirerait probablement davantage ses propres nuances de caractère du portrait de sa mère que du sien. De quoi apporter un réconfort mitigé au géniteur. Du moins, toujours plus qu'il ne l'avouerait.

Sans faux-semblant cette fois, les lèvres restées de marbre s'animent enfin d'un trop rare sourire à destination du visage poupin. Pour mieux revenir à la charge.


- « Soyez assurée que je pardonne vos écarts de mémoire. Aussi noble soit-il, un Pair orléannais ne doit plus stimuler le même intérêt au souvenir...

Habitées d'une franche hilarité, les deux prunelles noires remontent pour se concentrer sur celles de la bourgeoise parisienne.

- « … Dès lors que l'on vise les fastes du trône de France. »

À l'ex petit seigneur de province dont la voix ne trahit nulle animosité d'attendre les retombées de son estoc, l'amortissant de ce sourire clément dont on gratifie les esprits égarés. Plus détendu que jamais.

Tu vois, inutile d'accabler les renseignements.

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Rosalinde
La répartie est cinglante, mais manque très certainement d'originalité. Il l'avait habituée à mieux, sans aucun doute. C'est donc stoïquement qu'elle reçoit le coup, pas (encore) blessée pour deux sous. Et préfère plutôt observer le sourire de l'Irlandais à son fils, qui éveille en elle une petite once de tendresse. Tout n'est pas perdu, et si l'époux est détestable et détesté, le père relève un peu le niveau. Cela dit, dès lors que le bambin lui sourit en réponse, elle s'en sentit malade de jalousie. Non pas qu'il ne lui souriait jamais, à elle, mais la simple idée qu'il puisse lui préférer Finn la rend dingue. Aussi se hâte-t-elle de poser une petite caresse sur sa tête, là, gentiment. Cependant que l'époux renchérit sur ses "écarts de conduite".

Elle sourit. Alors comme ça, l'histoire "Kéridil" lui était remontée jusqu'aux oreilles ? Sans qu'elle le veuille, elle avait donc parfaitement réussi son coup, alors même qu'elle avait totalement lâché l'affaire pour ce qui était de tenter de faire croire à l'Irlandais qu'il était cocu. La mention du trône de France, en revanche, lui fit perdre toute envie de rire. Isaure. La sale petite peste. Cela ne pouvait venir que d'elle, et elle paierait très cher cette indiscrétion.

Et que répondre à cela ? La vérité, sans doute.


- Je n'ai pas couché avec Kéridil. Nous le faisions simplement croire à sa femme pour la rendre jalouse, en nous échangeant des lettres et en nous montrant au bras l'un de l'autre lors de cérémonies officielles.

Et de les citer :

- Mariage de Sancte von Frayner, mariage de Lexhor d'Amahir, sacre d'Eusaias.

Du reste, il connaissait son goût pour les mondanités.

- Et pour ce qui est de Nicolas...

Nier ? Ne pas nier ? Non, elle avait dit : La vérité. Alors cette fois la voix s'adoucit, quand elle lui confie :

- Si je ne devais écouter que mon propre égoïsme, j'aimerais autant qu'il ne soit pas élu.

Car s'il l'était, il n'aurait plus une minute à lui consacrer. Et s'il l'épousait finalement (ce qui n'était pas sûr du tout, a-t-on déjà vu un Roy se marier avec une rien-du-tout ?), sa vie ne serait plus qu'une succession ininterrompue de cérémonies et de paraître, sans compter que tout le monde penserait que son attachement n'était que de l'intérêt pour la fonction. Finn en était le premier exemple, mais sans doute pas le dernier.

Mais elle se reprend.


- Je l'aime. Je sais bien que c'est difficile à envisager pour vous, qui ne savez pas ce qu'amour veut dire ni implique, mais c'est ainsi.

Sans doute allait-il lui répliquer que son amour à elle avait eu vite fait de changer d'objet... Elle se préparait déjà à lui répondre.
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Finn
Fixe dans sa posture, le Gaélique contemple attentivement la vérité se dévoiler sans se parer d'artifice. Aussi brute que la lame sortie du feu et prête à accueillir les coups d'un marteau bourru.
L'écoute montrant des signes de faiblesses sur la fin, le geste agacé de sa pogne se charge de chasser les révélations sans intérêt.


- « Qui a parlé d'adultère ? Vous ne m'apprenez rien, l'on vous sait trop attachée aux valeurs sacrées du mariage pour ça. Bien que pas assez pour ne pas tourner en ridicule les épouses des uns aux cérémonies nuptiales des autres, de toute évidence. »

A-t-elle tenté de se justifier ? Peut-être pas. Peut-être n'était-ce que l'expression de la vérité nue et détaillée. Trop.
Au ton de se durcir, dans le doute.


- « Et épargnez-moi votre sentimentalisme dégoulinant. Je me moque bien de savoir ce qui motive votre désir de devenir la plus catastrophique des reynes. »

Sa contribution à cette union n'ayant jamais dépassé la simple affection à l'égard de l'autre partie du contrat, le Gaélique fait très peu de cas d'un éventuel cocufiage. Les coudes avancés sur la table, il quitte son dossier pour se pencher vers elle et à son tour étaler ses cartes.

- « Car peu importe ce que votre égoïsme peut dire, c'est bien un nouveau mariage que vous cherchez à contracter. Vous souhaitez passer pour une dinde arriviste ? Grand bien vous fasse. La seule chose qui me navre dans cette histoire, c'est que vous ayez eu recours au mensonge pour précipiter ce mariage-ci vers sa chute. »

Le regard chargé du ressentiment d'avoir failli se faire rouler, le vieil Irlandais marque une trêve dans ses reproches. La méfiance s'était trop bien répartie des deux côtés, enfantant une série de mensonges et de coups tordus dont il n'est plus l'heure de faire l'inventaire. Un soupir plus tard, le grisonnant se recule en joignant les mains sur son godet, prêt à la conciliation.

- « Je ferai tout ce qu'il est nécessaire pour mettre un terme à ce fiasco. »

Les yeux baissés sur son fils.

- « À deux conditions. »

Est-elle seulement disposée à les entendre ?
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Rosalinde
Trop attachée aux valeurs du mariage ? Elle sourit doucement. En quelque sorte, oui. Disons que tant qu'elle n'avait pas eu la certitude qu'il avait enfreint les règles, elle s'était abstenue de le faire de son côté. Le reste... Du vent, encore quelques onces de méchancetés, décidément, il ne sait pas s'arrêter. A croire qu'il la méprisait encore plus qu'elle n'avait de ressentiment à son égard, et pourtant elle ne comprenait pas ce qui pouvait le motiver. Qu'importait, elle n'était pas là pour se soucier des états d'âme de l'Irlandais.

Cependant... L'une de ses accusations lui hérissa le poil. En quoi avait-elle menti ? Mentir par omission, peut-être, en "oubliant" de préciser à Aegon qu'elle avait trouvé nouvelle chaussure à son pied, mais en l'occurrence cela n'avait rien à voir avec ses motifs de dissolution. Qu'importait ce qu'elle ferait une fois que ce précieux sésame lui serait délivré, et qu'elle serait libérée de ce mariage inutile ? Il lui fallait une explication.


- En quoi ai-je menti ?

Puis il en vint au fait. Ses conditions. Elle les avait tant attendues, et espérées, et pourtant maintenant qu'il allait les énoncer elle ne voulait plus les entendre. La faute au regard qu'il avait posé sur Léonard, et qui lui avait hérissé le poil tout au long de l'échine. Le regard, qui s'était apaisé, redevint agressif, celui d'une mère défendant son petit. Petit qu'elle souleva et retourna pour le caler, somnolant, contre son épaule. L'autre main soutenait sa tête.

Il n'aura pas Léonard. Elle ne lui laissera pas, si c'est cela qu'il veut. La chose était claire depuis le début, depuis qu'elle avait posé le premier regard sur son fils : Sa maternité passerait avant tout, et peu lui importait de rester mariée en comparaison au chagrin qu'elle aurait si on devait lui arracher Léonard. Elle inspira profondément, pour se donner du courage. Et, d'une voix blanche, lui rétorqua :


- Dites toujours.

Le hochet tomba par terre, dans un bruit mat. Il s'était endormi.
_________________
Finn
Coupé dans son élan, il choisit de repousser le déballage de ses attentes pour éclaircir la situation.

- « Vous m'avez pressé d'accepter la dissolution de cette union pour en conclure une autre plus juteuse. Vous qui connaissez si bien le principe de l'amour partagé, devriez savoir qu'il souffre l'attente sans s'étioler. J'aurais apprécié être mis au fait des raisons qui devaient me conduire à vous libérer de vos obligations avec tant de hâte. Bref, vous tenez sincèrement à revenir là-dessus ? »

Il n'attend pourtant pas de réponse. Et sans lui laisser le temps de rétorquer, le Gaélique enchaîne d'un ton exaspéré. De subir ses habituelles interruptions, de la voir étouffer l'enfant comme s'il était menacé d'enlèvement, et enfin ce « Dites toujours » dépourvu d'intérêt. Vivement que cette entrevue s'achève.

- « Tout d'abord : il reste mon fils, je reste son père. Quoiqu'il arrive. »

Une condition non négociable, la première de toutes.

- « J'ai dans l'optique d'inscrire officiellement » Et il insiste sur le mot « mon nom, le sien, à l'hérauderie dès lors que j'aurais retrouvé mes lettres de noblesse. En cela, je vous demanderai de faire preuve d'un tout petit peu de patience. »

Si l'idée même de faire de son fils une espèce de bâtard en lui accordant sa dissolution le courrouça au premier abord, celle qu'il puisse être reconnu par la prochaine victime d'un engagement avec celle-ci le rendit malade. Il ne perdrait pas l'enfant pour lequel il avait abandonné le précédent, le Petit Merle. Seuls les fous commettent deux fois la même erreur.

- « Enfin, vous tairez tout désir de représailles à l'égard de Miramont. Pire, vous le refoulerez au plus profond de vous-même et ne lui ferez jamais part de son indiscrétion. Isaure ne mérite pas d'être punie pour vos mensonges. Vous n'en voudrez qu'à votre propre incapacité à lui faire garder bouche close, ou à votre cher époux pour ses talents de maître-chanteur, à vous de voir. »

La petite pause qu'il instaure le temps de lui faire effleurer des yeux un brin de sourire est vite balayée par un geste contrant toute tentative de prise de parole. Il termine, froidement déterminé.

- « Si vous voulez la paix, ce sont les conditions à respecter pour éviter toute nouvelle éclaboussure. Et je veux votre parole. »

Il tâchera de s'en contenter, puisqu'il faut mettre sa méfiance mutuelle de côté.

- « En contrepartie... »

Et c'est bien là le plus dur.

- « Je vous assurerai une délivrance rapide en affirmant avoir levé l'épée sur les Croisés en Bourgogne. »

Il est de notoriété publique que tout soldat du Roy ayant frappé son homologue auprès de Rome se voit mis à l'index par l'Église. Ses sacrements annulés sur le champs, sans possibilité de regagner le giron romain avant que la guerre ne lasse les deux camps.

En somme, une dissolution chère payée pour le pieux Gaélique.

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Rosalinde
Pressé, pressé... Il en avait de bonnes, le Finn. Ils étaient séparés depuis janvier, tout de même. Mais enfin, elle n'allait pas se mettre à lui expliquer qu'aucune demande en mariage officielle n'avait encore été faite, et du reste, il semblait bien peu compter sur une éventuelle victoire de celle qui fut sa suzeraine ! Parce que si Nicolas n'était pas élu, elle n'épouserait rien de plus qu'un roturier, ce qui au final lui aurait tout à fait convenu. Mais non, effectivement, il avait raison sur ce point, inutile de revenir là dessus.

Elle se concentre plutôt sur ses deux conditions. A la première, elle hoche simplement du chef. Il ne va pas lui prendre son petit, elle se détend. Considérablement. A tel point qu'un sourire soulagé vient même orner son faciès. Quant à la seconde, elle lui donnerait presque envie de rire. Elle avait donc vu juste, Miramont l'avait vendue. Contre quoi, elle ne saurait sans doute jamais, puisque bien évidemment elle allait promettre.

Et quand il annonça la contrepartie... Elle fronça même les sourcils, tant, à côté de cela, ses conditions lui paraissaient dérisoires. Affirmer avoir levé l'épée contre les Croisés voulait dire excommunication, donc mise au ban de l'église, aucune chance de pouvoir se remarier, ou d'être enterré de façon décente. Et elle connaissait Finn, ainsi que son penchant tout irlandais pour les bondieuseries, se souvenant même de ses promenades en bure... Allait-elle vraiment lui imposer cela ?


- Non.

C'était sorti tout seul. Ne lui restait plus qu'à développer, à lui à présent de ne pas l'interrompre.

- Je veux dire... Vos deux conditions me conviennent. Jamais je n'ai songé à vous évincer de votre rôle de père, et par plusieurs fois je vous ai assuré que vous pouviez venir lui rendre visite quand il vous plairait. La dissolution n'y changera rien, et il restera toujours, aux yeux de la loi et de Dieu, votre fils.

Et la Rousse d'incliner légèrement la tête, pour chercher le regard du Gaélique. Lui sourire, un peu.

- Et du reste, je serai ravie de le voir enregistré comme fils du seigneur de Cazayous auprès de la hérauderie.

Qu'avait-il imaginé ? Que Nicolas avait fomenté quelque projet d'adoption du bambin ? Il n'en avait jamais soufflé mot, et Rose doutait que la chose soit un jour entrée dans ses plans. Loin de là, même. Il supportait les pleurs et tout le dérangement d'un enfant qui n'était pas sien, c'était déjà beaucoup lui demander.

- Quant à Isaure... Soit. De toute manière j'ai l'habitude de me taire face à elle.

Il ne comprendrait sans doute pas ce à quoi - ou plutôt celle à qui - elle faisait allusion, mais qu'importait.

- C'est votre contrepartie que je n'aime guère, hors de question que vous soyez excommunié pour me permettre un remariage hâtif. D'autant que vos deux conditions n'exigent aucun sacrifice de ma part, et je ne suis pas si vindicative que j'en ai l'air.

Disons plutôt que, par Dieu sait quel miracle, il avait réussi par la modestie de ses demandes, et l'importance de ce à quoi il se proposait de renoncer, à éteindre sa colère. Geste calculé ou signe d'amendement pour ce qu'il lui avait fait subir, elle n'en savait rien, mais se trouvait à présent toute disposée à faire des concessions, ou pire, à pardonner.

Avec un nouveau sourire, elle ajoute :


- D'autant que vous savez qu'il ne faut pas compter sur moi pour faire l'éducation religieuse de Léonard. Et puis je serais une bien indigne filleule si je devais faire jeter l'anathème sur mon propre parrain. Nous écrirons à Monseigneur Aegon pour lui dire que nous avons mutuellement décidé qu'il valait mieux opter pour la dissolution, et nous suivrons la procédure habituelle sans passer par la case médiation.

Et tellement bien disposée qu'elle conclut par un :

- Vous voulez prendre Léonard dans vos bras ?

C'est que le lardon endormi commençait à peser lourd, et puis Finn ne pouvait décemment pas repartir sans l'avoir tenu au moins une fois contre lui. Il voulait être le père, qu'il avait dit.
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