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Philosophie de cellules...

RP - La cellule des soupirs

Fleur_des_pois
Les prisons sont pleines d'innocents
    {Paris - le 07 Juin 1461}



Depuis qu'elle brigandait avec les siens, Fleur était riche. Plus riche qu'elle ne l'avait jamais été. Pour couronner le tout, elle avait récemment réussi à vendre une quantité folle de poisons et autres philtres. Autrement dit, Gaia croulait sous l'or.
C'était ce qui expliquait sa présence ici. A Paris.
Les voleurs sont attirés par les trésors. Et l'Ortie ne dérogeait pas à la règle. La brune aimait ce qui brillait. Ce qui était beau. Et en particulier les bijoux. Folie du jour, la Fée avait opté pour une bague. Une autre. Les joailliers prenaient cher. Mais qu'importe ! Gaia avait presque autant de moyens qu'une Dame de la noblesse. La pierre brillait de mille éclats. D'un bleu océan parfait, l'aigue-marine était montée sur un anneau d'argent. L'effet était magnifique. La pierre des marins, disait-on.

Il faisait chaud. Fleur avait délaissé ses robes aux tissus épais, et ne portait pas de bas. Chemise légère d'un blanc de nacre, et robe sans manche de lin rosée à la jupe très plissée constituaient sa tenue.
Assise sur les marches de Nostre-Dame, Gaia prenait le frais à l'ombre de la bâtisse. Dandelion à ses côtés profitait de la fraicheur des pavés. Nul doute désormais, l'été était bien là. Les dernières pluies de printemps étaient tombées récemment. Peut-être y en aurait-il encore. Mais Fleur refusait d'y songer. Elle aimait le soleil.
Tendant la main à sa gauche, Fleur fit miroiter sa bague sous les rayons solaires. Un sourire s'épanouit sur ses lèvres. Elle était semblable aux pies : fascinée par ce qui brillait.

Deux hommes firent irruption dans son champ de vision. Ils la détaillaient sans vergogne. Gaia leur adressa un léger signe de tête, amusée. La lueur lubrique dans leurs regards ne lui échappa pas. Communément, la Fée aimait séduire à tout venant. Pourtant aujourd'hui, elle n'en avait pas envie. Elle trouvait bien plus drôle de se moquer d'eux. Ils portaient l'épée au côté et l'uniforme des soldats de la Garde. Cela ne l'arrêta nullement. Bondissant sur ses pieds, Gaia s'approcha à petits pas dansants. Son chien estropié relevant la truffe pour la surveiller. Les deux hommes s'étaient arrêtés et l'attendaient.


Alors mes gros, lança la brune en souriant. Vous vous rincez l'œil avant d'aller retrouver vos truies d'épouses ?

Ils l'observèrent, stupéfaits. Ils ne pipèrent mot, aussi continua-t-elle.

Oh, quoi ! Vous pensiez que j'allais vous faire des compliments ? Avec vos trognes de poissons morts et vos allures de cochons en robe de bal ? Vous rigolez !
Qu'est-ce tu...
Qu'est-ce que quoi ? T'avais pas encore compris que t'étais moche comme un pou et con comme une mouche ? Bah mon vieux, il était temps que tu me rencontres !

La suite fut prévisible : ils se sentirent insultés. Ils l'empoignèrent chacun par un bras. Gaia se débattit comme elle le put, mais ils étaient plus solides que le roc. Dandelion les suivaient quelques pas en arrière. La route ne fut pas longue. Le trio longea la Seine sans que la Fée ne cesse de gesticuler. Ils passèrent devant l'Hostel-Dieu et bifurquèrent à droite, puis plus loin à gauche. Et parvinrent enfin à destination. La Conciergerie et ses odieux cachots.

    {Prison de la Conciergerie}


Vous plaisantez, n'est-ce pas ?
Les poissons morts, ça plaisante jamais.
Mais je disais ça pour rire !
Bah tu vas aller rire en cellule. Jusqu'à d'main chez les pailleux ! A moins que t'ais un sous pour qu'on t'loge dans une cellule 'vec des lits ?
Vous faites commerce de tout, hein ?

Aucune réponse, d'un côté comme de l'autre. Grognant, Fleur plongea la main dans sa besace. En sortit une bourse qu'elle soulagea d'un écu.

Oublie pas ton chien. C'est deux sous si tu veux qu'il vienne.
Bande de voleurs ! éructa-t-elle en balançant un second écu.

L'Ortie fut de nouveau empoignée, mais elle se dégagea. Elle tenait à rester digne. Et marcha vers sa cellule comme une reine marcherait vers l'échafaud. Elle était royale, sans aucun doute.
La porte grinça dans son dos, et Dandelion aboya à plusieurs reprises. La pièce était noire. Et ne respirait pas la propreté absolue. Cependant le soupirail déversait un pauvre rayon lumineux. Elément non négligeable. Le jour ne tarderait pas à tomber. Et alors, elle serait plongée dans l'obscurité la plus totale.
Visiblement, Gaia était seule. Pas d'autres détenus. Prenant place sur un lit de fortune, le Lutin fit monter son chien à ses côtés. Fouillant dans sa sacoche, la prisonnière en sortit sa gourde en peau de chèvre. Une lampée de gnôle d'ortie plus tard, elle se sentait déjà mieux.


On n'enferme pas les gens parce qu'ils font des blagues ! beugla-t-elle. Comment je pouvais savoir, moi, qu'ils étaient susceptibles, ces deux têtes de fion ?

Humiliée. Elle était humiliée. C'était bien la première fois de sa vie qu'elle se trouvait enfermée de la sorte. Mais la vengeance se ferait sentir. En attendant... Gaia se mit à chantonner. Il fallait bien passer le temps !

Titre sujet en référence au célèbre Pont des Soupirs de Venise.

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Soren
[Ta prison est en toi. Le poison est en toi. *]

- Oh! C'est pas bientôt fini tout ce boucan non? Il y a des personnes qui veulent dormir ici!

Enfin…Dormir ici je m'en serais bien passé! Mais puisque je suis ici, autant dormir un peu. Oui, je sais, je suis compliqué à suivre. Tout le monde me dit ça. Est-ce qu'on vous a aussi dit que j'ai mauvais caractère? Que je bois parfois plus que de raison? Que je n'aime pas qu'on me marche sur les pieds ? Et que j'ai tendance à m'enerver pour un rien parfois? Ça, c'est ce que j'appelle une crise noire. C'est comme une vague de haine qui me submerge sans que je n'y puis rien. Et quand ça arrive, je ne suis plus qu'un véritable maelström vivant, une bête immonde qui vient prendre toute la place, refoulant mon côté humain dans les abysses les plus obscurs de mon esprit. Appelez ça folie ou malédiction comme vous le voulez, dépendemment de vos croyances mais surtout évitez d'être devant moi quand ça m'arrive. Car alors, je ne distingue plus personne. Ni ami, ni ennemi.

Comment suis-je arrivé ici? Je n'en n'ai strictement aucune idée. Je suis contusionné de partout. mes vêtements sont en lambeaux. Je sens la charogne, l'âcre de la sueur, et le ferreux du sang. Une plaie superficielle barre mon abdomen sur toute sa largeur. Mon bras gauche est douloureux. Ce n'est pas la première fois que je me retrouve dans une pareille situation. Ces pertes de mémoire sont parlantes : crise noire…qui vire au rouge. C'est un véritable poison qui coule en moi. Il faut dire que ces derniers jours ont été particulièrement éprouvants. L'attaque de Corléone sur Sarlat, la défense éprouvante les jours suivants, tout ceci n'est vraiment de nature à laisser la bête enchainée au plus profond de moi.

Depuis que j'ai repris connaissance dans cette cellule sombre, je triture mon esprit dans tous les sens. Que s'est-il passé entre cet atelier de couturière et maintenant? For fanden, il n'y a plus qu'en moi un grand trou noir. Les gardes eux, se fichent de tout. Ils se sont contentés de m'apporter tout à l'heure une écuelle d'eau avec un morceau de pain rassis. Tout ce dont je me souviens, c'est de cet homme élégamment habillé qui est entré dans l'atelier derrière moi. Il avait l'air pressé. Il m'a regardé d'un drôle d'air puis s'est approché de la maitresse des lieux. Ensuite...Ensuite plus rien!

Depuis combien de temps suis-je ici? Impossible à dire! Suffisamment pour faire grogner mon estomac ceci dit. Le petit homme au marteau est venu cogner sur ma caboche. Et mon cri de tout à l'heure n'a rien fait pour améliorer les choses. Mes mains massent mes tempes pour essayer de fair cesser cette douleur. Depuis le temps, mes yeux se sont habitués à la faible lumière ambiante. Dans un coin de la pièce, j'ai ansi pu observer mon compagnon d'infortune. Lui non plus non ne doit pas savoir pourquoi il est là. Depuis mon réveil, je peux constater qu'il tourne en rond, recherchant je ne sais pas. Je l'ai baptisé Mathieu. Ça lui va bien Mathieu! Par contre, il n'est pas très bavard. Il se contente de couiner de temps à autre.

Allez! Puisque ta voisine t'a réveillé, autant essayer de te lever et te dégourdir les jambes! Qui sait, ça te fera peut-être passer un peu toutes ces douleurs! Le mieux, c'est de ne pas trop y penser. Le seul problème, c'est que dans une cellule, on a vite fait le tour des lieux. Du coup, je m'approche de la petite grille par laquelle la lumière pénètre dans la cellule.


- Hé! Vous m'entendez? Maintenant que je suis bien réveillé, on peut peut-être discuter pour faire passer le temps?

* Jean-Louis Aubert - Crache ton venin
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Fleur_des_pois
How am I gonna be an optimist about this ?
We were caught up and lost in all of our vices


Une voix s'éleva dans la pénombre. Un timbre masculin. L'intonation lui disait quelque chose. Mais quoi ? Haussement d'épaule. Si cela avait été important, la mémoire lui serait revenue. Gaia quitta le matelas moisi pour se hausser sur la pointe des pieds. Accrochée par les mains au soupirail, la Fée passa son nez entre les barreaux épais.

J'entends que toi, eh ! Je suis pas sourde !

La brune poussa un soupir. Être enfermée n'avait rien de drôle. Surtout pour un motif aussi mince qu'une malheureuse blague. Ou une blague malheureuse ? La place de l'adjectif avait toute son importance dans l'affaire. De mauvaise humeur, l'Ortie l'était. Elle fut tentée d'envoyer paître son voisin. Mais à quoi bon ? Il n'avait pas tort ! Parler leur ferait passer le temps. Et Fleur avait toujours apprécié d'entamer un brin de causette.

T'es là pour quoi toi ? Moi, c'est parce que les soldats de la garde manquent d'humour. Tu te rends compte d'où va le monde, si on se retrouve en prison juste pour avoir balancer une bonne vieille boutade ?

Fleur secoua la tête. Si elle désirait être honnête... elle devait reconnaître qu'elle l'avait éventuellement cherché. Mais tout ceci lui paraissait injuste. Ils avaient osé la punir. Elle. Gaia Corleone. La voleuse et empoisonneuse. Et le pire... c'était que cela n'était que pour une farce. Même pas pour des faits plus graves. Il y avait de quoi être furieuse.
Gaia s'était toujours imaginée prise, un jour. Elle s'était représentée marchant vers la potence. Avec grâce et distinction. Et ses derniers mots... jetant le doute éternellement. Une dernière énigme. Certes, elle ne finirait pas pendue pour avoir dégoiser sur la trogne des soldats. Mais son orgueil était atteint.



T'as soif, mon gars ? J'ai là de la gnôle, faite par mes soins. Je sais pas si... Attends.

Le Lutin attrapa sa sacoche. En ôta la gourde, et revint sous le soupirail.

T'es à... gauche de moi si je m'en réfère à ta voix. Tiens, essaye de choper ça. C'est pas mauvais mais ça arrache.

Fleur tendit le bras au maximum vers la cellule voisine.

T'y es ?





Bastille - Pompeii
Comment vais-je bien pouvoir être optimiste à ce sujet ?
Nous avons été attrapés et perdus dans l'ensemble de nos vices

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Soren
[En prison, être innocent, c'est du manque de tact.*]

De la gnôle? J'ai l'estomac dans les talons. Je n'ai rien avalé depuis je ne sais combien de temps! Mon niveau d'alcool dans les entrailles est bas. Alors...Pourquoi pas? Je tends le bras au maximum entre les barreaux. La main balaie l'espace devant elle à la recherche de l'hypothétique flasque d'élixir.

- Attends! Trop court...Laisse-moi réfléchir...

En principe, quand il s'agit d'avoir accès à un peu d'alcool, mon esprit n'a pas trop de mal à concevoir différents plans. Hum...Mathieu? Non...On n'est pas encore assez intime lui et moi. Je doute qu'il puisse m'àtre d'une quelconque utilité ici. Ça ce n'est vraiment pas de pot! Pot...Peau... For fanden! Mais oui! La chemise!!! Une fois celle-ci ôtée, je retourne chercher la flasque de gnìle en déposant le vêtement au sol en direction de l'inconnue.

- Vas-y! Dépose ta liqueur par terre. En principe il doit y avoir une pièce de vêtement! je vais tirer dessus lentement afin qu'elle soit à portée de main!

Ca, si tu étais aussi imaginatif pour l'alcool que pour d'autres choses, tu ne serais pas là, à croupir et à déblatérer avec Mathieu et une inconnue. En attendant, dès que la bouteille est débouchée, une forte d'honneur d'alcool s'empare de mes narines!

- Fort? Tu disais fort?

Ça doit liquéfier les entrailles dès la première goutte cette mixture!

- Dis-moi, tu la fais aussi forte parce que tu n'aimes pas cauteriser les blessures au feu? C'est ça? Remarque chacun son truc?

Une boule de feu! J'ai l'impression d'avoir avalé une boule de feu tellement c'est fort. Impossible pour moi de réprimer une forte toux.

- Et on meurt combien de temps après avoir avalé la première gorgée? Hum? Remarque... Tu ne risques pas la prison pour meurtre avec ton alcool! ...Vu que tu y es déjà!

Ouais! C'est un truc à ôter l'envie de manger à n'importe qui, meme au plus affamé des gueux! Mais pourquoi la fait-elle aussi forte? Je me demande bien à partir de quoi elle distille cet alcool! Remarque... Mieux vaut sans doute ne pas le savoir!

- Tu sais, quand on est en prison, c'est forcément qu'on a quelque chose à se reprocher. Il n'y a pas de vrai innocent ici. Jamais. Regarde moi... Et si je te disais que je ne sais même pas depuis combien de temps je suis ici. Ni pour quelle raison! J'ai parfois...des trous de mémoire! Tu as déjà eu des trous de mémoire toi? Moi, je trouve ça terrible! Ne pas savoir ce qui nous est arrivé pendant une période de notre vie, moi, je trouve ça effrayant. Tu vois, il m'est déjà arrivé de tuer des femmes, des hommes. La première fois, c'est terrible! Je m'en rappelle encore. J'en étais dévasté! Et puis, à force, on s'habitue. Mais ne pas savoir ce que tu as fait pendant un moment de ta vie, ça, tu ne t'y habitues pas. Tu imagines les pires atrocités. Toujours! Jamais tu ne crois que tu as passé la nuit dans le lit de la belle des dames! Jamais! Dans la tête, c'est toujours des scènes sanglantes que tu vois. Des histoires de meurtres, de viol...

... et même de choses pires encore!

*Walter Lewino
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Fleur_des_pois
Etre en prison pour un crime n'empêche pas de commencer un autre crime.


La gourde partie, il ne restait plus rien à boire à Fleur. En revanche, elle avait de quoi grignoter. Ce qu'elle ne fit point cependant. Désireuse de garder des réserves de vivres, la Fée préférait éviter de vider sa sacoche des bonnes choses qu'elle contenait.
Elle se laissa glisser le long du mur. Humide. La proximité de la Seine se faisait sentir. Gaia poussa un soupir audible. Elle haïssait cette situation. En prison, elle était comme le chien retenu en laisse : privé de sa liberté. Liberté vitale. Y avait-il plus odieux crime que mettre quelqu'un en cellule ?
L'Ortie se passa une main dans sa soyeuse chevelure.


C'est de l'alcool d'ortie, lâcha-t-elle enfin à l'adresse de son voisin. C'est utile pour se saouler la gueule en vitesse accélérée.

Son langage n'était certes pas celui d'une jeune fille bien élevée. Mais justement, bien élevée, Fleur ne l'était point. Et elle avait au moins le mérite d'adapter son vocabulaire aux circonstances.

J'ai jamais perdu la mémoire, non. Ce serait plutôt le contraire. Je me souviens de tout, toujours.

Fleur esquissa un sourire à cette idée.

Pareil pour les trajets. Je suis comme les chevaux : je prends une route une fois, j'm'en souviens toute ma vie. Par exemple même d'ici, j'serai capable de te décrire le chemin exact qui mène au couvent de mon enfance. J'vais y aller après tout ça. Je dois foutre le feu là-bas. Faut réchauffer le cul des bonnes sœurs, elles s'plaignent toujours qu'elles ont froid.

C'était tout sauf des paroles en l'air. L'autre le savait-il ? Gaia n'en savait strictement rien. Et s'en fichait même un peu. Qu'importait de toute façon ? Il ne connaissait pas son visage. Elle ne connaissait pas le sien.

Non, moi ce qui me tue, c'est que je suis ici pour une bêtise. J'ai insulté deux gardes. Et me voilà. On m'a jamais prise pour vol, ni même pour avoir tué. On pourrait me pendre dès demain, mais ils le savent pas. C'est fou, non ?

Gaia éclata soudain d'un rire joyeux. La situation était drôle. Infiniment drôle.

Tu te rends compte ? Faut que j'en fasse une chanson !

Victor Hugo

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Soren
[La liberté n'est qu'un mot ; l'évasion, une chimère. On est son propre geôlier tant qu'on a un coeur.*]

- Une chanson? Tu sais composer voisine?

Ma vue est totalement habitué à la noirceur des lieux. Dans le couloir, les flammes des torches arrivent à peine à pénétrer dans les cellules.

- Moi, je n'ai aucun talent artistique. Je suis un destructeur…pas quelqu'un qui construit. Faut croire que c'est pour cette unique raison là que le destructeur m'a mis sur la terre.

Un long soupir de dépit balaie la place. Cogiter, ça n'est pas pour moi. Surtout ici, dans ce lieu sordide. Ça fait ressortir les mauvais souvenirs.

- Es-tu déjà allée en prison l'inconnue? Enfin... je veux dire avant aujourd'hui? Moi oui…Et si ma mémoire n'est pas aussi bonne que la tienne, cette expérience-là, je me rappelle encore et m'en rappellerais même lorsque je jouerais à la soule dans les cavernes lunaires !

Un point sur le mur. Une fissure. Tout ce qu'il y a de plus banal. Mon regard s'est fixée sur elle la détaillant de bas en haut. Pourquoi? Sans aucune raison. Cette fissure-là n'a aucun intérêt. C'est une fissure comme les autres. Une parmi tant d'autres, perdue dans la masse des fissures comme moi je suis noyée dans la masse des hommes. Et pourtant elle a un pouvoir immense et néfaste : celui de fixer mon esprit tortueux dans les méandres d'un passé douloureux. Celui d'aviver les cicatrices de l'âme, ces blessures qui mettent tant de temps à guérir puisqu'on ne peut les cautériser avec une flamme chauffée à blanc. Et celle qui vous torture chaque jour un peu plus, goutte après goutte, distillant un venin insidieux : celui de la folie.

- Par chez moi, il existe une prison de triste réputation. On y envoie tout ceux qui ont osé défié la toute-puissance du Duc des lieux. Il parait qu'il y a quelques dizaines d'années, l'endroit a été envahi par les eaux, inondé par plusieurs pieds d'eau. Quand elles se sont retirés, il ne restait plus que déchets et désolation. Tu imagines bien que les cellules qui ont été creusées sous la terre ont toutes été complètement ensevelies. La seule chose qu'on a fait pour rendre les lieux réutilisables une fois que l'eau se fut retirée….fut d'y enlever les cadavres des prisonniers qui étaient là. Les mousses ont pris possession des lieux. Une odeur infecte s'est incrustée dans chacune des fissures des parois. Tout ça a attiré la vermine rampante et grouillante. Et tu sais quoi? Le duc a trouvé ça bien amusant! Il a fait connaître ce qui s'était passé à cet endroit dans tout le royaume!

Aux confins…comme au coeur même de sa propre cour, là où il recrutait moultes futurs condamnés, y compris jusque dans sa propre famille!

- Imagines-tu un peu ce qu'on doit ressentir quand on y est enfermé? A chaque instant, on se demande si l'eau ne va revenir... Si elle ne va pas remplir ce modeste espace où l'on survit en espérant une hypothétique sortie. Tu sais, tu ne peux même pas te tenir debout. C'est juste ce qu'il faut de trop petit pour ça. Tu as sans cesse le réflexe de te relever. Et sans cesse, ta tête cogne contre ce plafond mousseux et humide. Là-bas, on casse ton esprit autant qu'on martyrise ton corps. On veut te soumettre physiquement…et spirituellement! Là-bas, tu comprends que tu n'es plus rien! Même pas une bête! Tu n'as pas le droit de tuer un animal sauvage sur les terres ducales. En revanche, que tu meurs ou pas dans cette prison, on s'en fiche!

Oui! On s'en fiche! Et ce que j'ai vécu, je ne l'oublierais pas. Ça a failli me rendre fol! Cette fissure dans le mur en face de moi me donne des envies de liberté.

- Oh? Tu es encore là? Tu m'entends? Dis... approche-toi un peu du mur qui nous sépare... Tu n'as pas envie de t'évader toi?

* Claire France
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Fleur_des_pois
On ne va pas mendier sa liberté aux autres. La liberté, il faut la prendre.

Tu serais bien l'un des rares êtres humaines à n'avoir qu'une face, alors.

Fleur se demanda si l'autre comprendrait ce qu'elle entendait par-là. Peut-être fallait-il lui expliquer. Être plus claire. Plus explicite. La Fée gigota sur son séant. Le sol n'était pas des plus confortables. Elle se leva et s'allongea sur son lit de fortune. Immédiatement rejointe par Dandelion. Qui se coucha le long de son flanc. Coincé entre sa maîtresse et le mur poisseux.

Tout le monde a deux faces. Regarde, moi. D'un côté je compose des poèmes, donc je crée des choses. De l'autre, je fabrique des poisons, et même si cela reste du domaine de la conception, je ne fais pas des poisons pour passer le temps. Je m'en sers, et en général, les gens s'en remettent rarement. Et les femmes, en général. Certaines sont de vraies guerrières, mais elle donne la vie quand même. De même pour les hommes. Tu serais donc l'un des rares à ne pas succomber à l'attrait de la chair. Et si tu n'y résistes pas, à la fin, il faudra bien t'attendre à ce que tu sois responsable de la naissance d'un enfant. La stérilité est chose très rare, mon ami.

L'Ortie plongea la main dans les poils de son chien. Même si elle distinguait bien les murs de sa geôle, celle-ci n'en restait pas moins une geôle. Il n'y avait pas grand chose à faire, là-dedans. Cela n'était guère confortable. Et malgré l'approche de l'été, il y faisait assez frais.
Elle laissa les secondes s'égrainer. En silence. Fleur était songeuse. Elle écoutait l'homme décrire les horreurs d'une prison. Par chez lui, disait-il. Et où était-ce que cela ? Les tortures semblaient assez terribles. Du moins, assez pour qu'une ombre flotte dans sa voix. Le souvenir. Cela pouvait vous tuer un homme solide, les souvenirs. Dès lors qu'un fait vous traumatisait... S'en débarrasser n'était point chose aisée.


Non, je n'ai jamais été en prison, répondit-elle avec un léger sourire. Ce privilège m'avait toujours été refusé, jusqu'à maintenant. Mais j'ai failli ! Tiens, il n'y a guère de temps. J'ai brigandé... disons plutôt piller... une ville très riche, remplie de bras cassés. Un espèce de cinglé a bien tenté de retrouver le responsable de tout ceci, mais cela lui fut impossible. Tu l'aurais vu brailler à travers la ville qu'il voulait faire la peau au monde entier ! C'était très drôle.

Un rire cristallin s'échappa de ses lèvres rondes. Sarlat resterait un délicieux souvenir. L'une des meilleures prises de sa famille. L'association de deux peuples donnait de grande chose, parfois.
Les derniers mots de l'homme la surprirent Gaia. S'échapper ? Elle n'avait qu'une nuit à passer en cellule. Ce serait idiot de s'enfuir.


Combien de temps dois-tu passer ici, mon ami ? Pour ma part, je sors demain. Dans quelques heures, en somme. Rien ne me motive à fuir, en vérité.

Ignazio Silone

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Soren
[La violence de la femme est dans ses charmes.*]

- Qu'une face? Non, je n'ai pas qu'une face. Je suis même un multiface. Je voulais simplement dire que je n'ai aucune face qui prend racine dans les arts.

Tu ne sais ni chanter, ni dessiner, ni peindre. Tu n'as pas de talents en écriture. En danse, tu es commun. Ni bon, ni mauvais. Mais par contre, des faces, tu en as plusieurs : celui du bon vivant qui prend le plaisir là où il passe. Celui du fonceur qui n'aime pas trop réfléchir. Celui qui est torturé. Celui qui est violent. Celui qui est fou. Celui qui est galant. Celui qui est plaisant à cotoyer. Celui qui tue sans aucune hésitation. Celui qui provoque. Ma personnalité a beaucoup de facettes, parfois complémentaires, parfois opposées. L'exubérance n'est-il pas un exutoire à la violence? Comme frapper dans un mur pour se soulager dans une haine sans fin qui déferle en nous...même si ça nous laisse la main en miettes après!

- Mais ne me parle pas de mioches, tu veux? C'est un sujet qui a l'habitude de me mettre de fort mauvaise humeur. Le seul mioche que j'ai jamais réussi à accepter, c'est mon frère...enfin...mon demi-frère! Les autres? Ils me sont indifférents. Je ne sais pas y faire avec un mioche. Ils me sont trop différents. Alors je plains la donzelle qui un jour se retrouvera grosse de moi...parce qu'elle devra assumer seule son erreur. Tu vois, certains nobliaux rejettent sur leur épouse l'absence de descendance masculine. Moi, c'est exactement le contraire : je ne suis pas noble, mais ça ne m'empêchera pas de rejeter sur la donzelle l'odieux de la situation

Mathieu avait sans doute fini son repas. Je ne le voyais plus. où était-il passé? Avec l'inconnue de l'autre côté du mur, c'est la seule compagnie que j'ai. Ça me peinerait qu'il parte aussi vite...quand bien même il n'est qu'un rat.

- ...Mais ceci dit, si ça peut te rassurer, je ne suis pas du genre à butiner. La chair sans sentiment, c'est un peu comme Le fromage sans vin, le rôt sans la sauce, ou une femme sans poitrine, ça manque de gout! Vois-tu, dans toute ma vie, je n'ai possédé que trois femmes...

Trois oui... Pourquoi avait-il fallu qu'elle parle de ça? Pourquoi? Pourquoi toujours remuer les souvenirs? Pourquoi chercher à ré-ouvrir des plaies qui ont du mal à se refermer? Ma gorge est sèche. Depuis combien de temps n'ai-je pas eu à boire? J'ai du mal à avaler ma salive. Sans même m'en rendre compte, mes ongles raclent le sol comme s'ils cherchaient à dévier mon attention de ces souvenirs qui poussent contre les portes cadenassées de ma conscience. Arrière! Arrière! Vous ne passerez pas! Vous ne m'aurez pas!

- J'étais un très jeune adulte à l'époque...Et j'étais le fils du régnant de l'endroit... J'aimais retrouvé quelques amis. On s'amusait. On se foutait de tout. Notre situation sociale nous donnait bien des privilèges. Nous en abusions parfois. Ce jour-là, il faisait chaud très chaud...

J'ai fixé mes prunelles sur une flaque d'eau nauséabonde au milieu de la pièce. Celle-ci me renvoie le reflet de mon passé. C'est étrange une flaque d'eau. Elle a cette force d'ouvrir une porte dans les couloirs glacés du temps et nous renvoyer brutalement plusieurs années en arrière. Le ton de ma voix est monocorde.. Son débit est lent. Je ne sais même pas si c'est moi qui parle... ou une créature de l'enfer qui se serait emparée de mon corps.

- ... On était cinq Jørgen, Sven, Morten, Thomas...et Niels ! A l'origine, on venait y cherchait un peu d'ombre. Mais elles étaient là. Elles étaient trois. Jolies comme les blés murs! Et visiblement pas impressionnées du tout de notre statut social... C'est Morten qui a commencé. Il s'est approché de la moins farouche des trois et après une cour rapide, il l'a emmené dans foins. J'ai suivi. J'ai embrassé celle qui me plaisait le plus. Je n'ai même jamais connu son nom... et nous nous sommes écartés des autres. Cette grange était assez grande pour avoir un peu d'intimité et les bruits ne dérangeaient visiblement personne. C'était la première fois que je faisais l'amour à une femme...et je ne me rappelle plus aucun détail. Quand elle et moi sommes revenus... Enfin... Niels, Sven et Thomas avaient baillonné la dernière fille. Ils...en avaient... abusé. Je...Inutile de te donner d'autres détails, ça n'a pas d'intérêt.

Inconsciemment, je m'étais mis sur mes pieds, et j'arpentais la cellule de long en large, les doigts de la main gauche s'emmelant nerveusement à ses jumeaux de la droite. J'ai pris un instant pour digérer tout ceci. Oui...Comme si mon esprit accaparait toute mes capacités mentales et que celui-ci n'est plus capable de formuler une seule syllabe.

- Elle s'est enfuie. Elle a quitté le village. Elle est parti on ne sait où. Loin! Et elle a eu raison. Quelques jours plus tard, j'ai appris que celle avec qui j'ai eu mes premiers émois d'homme avait été tué par les hommes de mon...père! Il parait que quand on est paysanne, on ne touche pas à la descendance ducale...en aucune circonstance!

Les cils battent de nouveau devant mes yeux.

- Une chanson? Tu disais? Quelle chanson?
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Fleur_des_pois
L'Ortie écoutait son voisin. Il était bavard. Pire qu'une femme ! Et il se confiait avec facilité. Ce qui n'était pas son cas. Elle préférait parler de tout pour que sur elle on ne sache rien. Sait-on jamais ce que les autres font des informations offertes...

Détrompe-toi ! L'amour sans sentiment, c'est pas mal ! On est là juste pour le plaisir de l'action, et pas de prise de tête. Ne me dis pas qu'il ne t'est jamais arrivé de prendre une femme sans plus jamais la revoir ? Ou juste une maîtresse de passage, que tu verrais à l'occasion ?Tu loupes quelque chose, je t'assure.

C'était le genre de passe temps que la Fée s'octroyait de temps à autre. Séduction, charme, jeu... Pour finir dans une chambre ou même moins loin que ça, dans une simple ruelle. Vêtements ôtés à la hâte, parfois l'heureux élu ne prenait que le temps de soulever sa robe tant l'envie était puissante. La Vénéneuse Fleur était ainsi, elle jouait de tout, avec tout, sans distinction. Responsable de la « déniaiserie » du jeune soldat. Ou d'un sursaut de vigueur chez un vieillard. Etreinte frôlant la violence avec un notable, marié à une rombière fort peu attirante.
Le Lutin laissait dans son sillage des soupirs satisfaits. Espérait-elle croiser un jour quelqu'un qui lui ravirait plus d'une nuit de sa vie ? L'admettre était trop dangereux. L'amour était une faiblesse. Gaia ignorait encore que cela pouvait être une force.


Et tu disais n'avoir posséder que trois femmes... Tu me parles de ta bergère, mais qui sont les deux autres ?

Gaia regrettait de ne pas avoir son luth. Elle aurait pu composer quelques vers. Mais ses geôliers le lui avaient confisqué. Les rustres ! Par le soupirail, elle pouvait mesurer le temps qui s'écoulait. La nuit était désormais plus noire que l'encre. La lune n'étendait plus sur le monde ses rayons d'argent. L'aube viendrait dans une poignée d'heures. Et avec l'aurore, sa liberté. Pauvre bougre, se surprit à penser l'Ortie. Il continuerait de parler seul. Il allait devenir fou. Il l'était peut-être déjà ? Se confier à elle de cette façon... Il devait se sentir seul. Sûr, il n'était pas marié. Peut-être vénérait-il encore le souvenir d'une chère disparue ? Morte dans d'atroces souffrances ? Peut-être... par sa faute ? Oui, tout cela méritait un chant.

Tu sors dans combien de temps, déjà ?

S'agrippant aux barreaux de fer, Fleur tenta de repérer l'extérieur. Il faisait trop sombre.

Tu sais où ça donne, de l'autre côté ?
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Soren
[Aurait-on inventé l'amour pour faire durer l'exaltation du désir ?*]

- Eh bien non. Je n'ai jamais pris une femme sans avoir de sentiments pour elle. C'est ainsi. Pour moi les plaisirs de la chair prennent leur apogée que dans la complémentarité du corps et de l'esprit. Tu me comprends?

Ça, pas sur qu'elle me comprenne! D'ailleurs, je me demande si un jour quelqu'un a déjà réussi à me comprendre sur quelque sujet que ce soit. Il faut dire que j'ai parfois un modèle de pensée un peu particulier. Ce qui m'embête un peu, c'est que certains donnent cette définition de…la folie! Et ça, ça vient méchamment chercher mon passé tourmenté. Ça a le don de m'irriter rien que d'y penser. La plupart du temps, les personnes passent leur temps à essayer de se différencier de leurs congénères. Moi, j'aimerais leur ressembler un peu plus…parfois! La vie serait bien plus simple! … Et donc plus monotone Seurn! Ouais…Tu as peut-être raison! Mieux vaut oublier ça alors!

- Le désir n'est qu'une histoire de corps. Certes, une abstinence un peu trop rigoureuse peut l'exacerber. Et certes, l'assouvir dans les bras de n'importe quelle personne, de la première venue, peut apporter une satisfaction des plus agréables. Mais elle n'est rien comparée à la puissance du désir amoureux ! Le plaisir que tu prends dans les bras d'un ou d'une inconnue n'a rien à voir avec celui que te donne l'être aimée. Il ne faut jamais sous-évaluer la force de l'imagination et de l'esprit dans ce domaine! Jamais!

Dis-moi, as-tu jamais été amoureuse? Je veux dire… vraiment amoureuse? Au point que ta vie n'ait plus de gout quand celui qui tu aimais se trouvait loin de toi, qu'il ne s'occupait pas assez de toi, voire qu'il y avait des soucis entre vous? Hum? Parce que si oui, compare le plaisir que cet homme t'a donné dans la couche avec celui que peut te procurer un inconnu ou un homme de passage. Tu verras que j'ai raison!


Je souris mais elle ne peut le voir. Si seulement elle savait… Oui, si seulement elle savait le nombre d'occasion que j'ai eu justement de céder à une femme de passage. Rétroactivement, la plus amusante fut d'apprendre que l'une d'elle avait été la maitresse du cousin de ma compagne, celui-là même avec lequel tout avait dégénéré entre nous pour une histoire d'impôts impayés… et de séparation. C'est étrange. J'aurais pensé qu'une femme eut été plus enclin à privilégier les jeux de la séduction sur les plaisirs de la chair. Ces derniers sont bien trop éphémères pour avoir une force d'attraction. Où est le défi? Où est la difficulté?

- Tu sais que tu es bien curieuse? Demandes-tu souvent la liste de leurs conquêtes aux hommes que tu croises? Ceci dit, tu es tombé sur quelqu'un qui n'a pas beaucoup de gêne. Et puis, on ne se connait pas. On ne s'est jamais vu et si tu es libérée au petit matin, on ne se reverra sans doute plus jamais. Il m'est alors facile de répondre non?

…Oui! Bien trop facile! Et puis parler fait passer le temps! Un temps qui m'aurait paru long et lugubre… Typiquement le genre de situation à me faire broyer du noir et à provoquer en moi un déferlement de haine sur lequel je n'ai plus aucun contrôle. Pas trop le genre de chose qui doit arriver dans une prison que l'on espère quitter rapidement quoi.

- Excepté la bergère comme tu l'appelles… et tu vois, cette expérience a sans doute contribué au fait que les plaisirs de la chair sans la passion amoureuse n'amenaient rien d'intéressant… Excepté la bergère donc… J'ai…. posséder deux femmes comme tu dis. Deux femmes pour trois personnes aimées. La première était brune et jeune. Beaucoup trop jeune sans doute. C'était la fille d'une comtesse. Elle avait soigné mes blessures après une bataille… Ça s'est mal terminé entre nous après que je l'eus ramené chez elle. Je l'ai aimé. Je l'ai embrassé… Et ça n'a jamais été plus loin. Tu vois, je puis aimé sans toucher… mais je ne puis toucher sans aimer.

Loh… La première femme pour laquelle la folie de l'amour s'était intimement mêlée à la malédiction des Eriksen. Tes relations avec les femmes, Seurn, seront toujours teintées par cette malédiction. Tout se terminera toujours mal. Toujours… Tu es né Eriksen. Tu as beau t'être adjoint le nom de MacFadyen, tu resteras toujours un Eriksen. Tu es de leur sang! Et de leur folie!

- La deuxième était rousse et écossaise… Comme moi. Enfin…en partie. Elle s'appelait Syu. On a voyagé ensemble et puis on s'est installé. Je suis devenu plus sédentaire, elle rêvait de voyage. Elle voulait une famille, je rêvais de liberté…sans descendance à assumer. Qu'importe de toute façon, la descendance dans ma famille se fait surtout par les femmes. Ça s'est fini aussi… Notre relation, les relations avec ma famille. Tout.

A-t-elle entendu mon soupir? Sans doute pas. Les murs sont épais ici. L’eau qui goutte parfois du plafond résonne dans cette « caverne » immonde. Et à chaque fois, j’ai l’impression qu’elle vient cogner dans ma tête. Du plafond, elle glisse pour venir s’écraser dans mon esprit! Inlassablement. Elle distille un poison en moi, un venin qui n’a d’autre objectif que de réveiller mes démons.

- Et puis, il y a celle avec qui je partage ma vie actuellement. Elle est blonde. Je sais ce que tu vas dire. Brune, rousse, blonde… Que je suis du genre à aimer la diversité?

Un sourire ironique et un brin dépité cache mal ce que je pense de cette dernière remarque.

… Eh bien, c’est totalement fortuit. Elle, elle se nomme Anne. Elle est à l’opposé de Syu. On s’est promis ni mariage ni enfant. Et si jamais la destinée se joue de nous et qu’un enfant nait de…notre union, alors elle sait que je la quitterai. Je renierais ma paternité. Je la renierai elle aussi. Je n’aurais aucune pitié. J’agirais comme je le fais en bataille… Oui… aucune pitié.

J’agirais en Eriksen. J’agirais comme je le déteste tant. J’agirais en fol. En tyran. En être infect. Les images sont trop puissantes dans mon esprit. Trop réelles. Il me faut tenter de les chasser en passant mes mains sur le visage. Les battements de mon cœur se sont accélérés rien qu’à l’évocation de cette ignominie. Mon bras d’arme tremble. Mes yeux se crispent alors que mon poing fermé vient fracasser le sol dur et humide de la cellule. Oublier… Oublier en détournant l’attention de mon esprit. En l’obligeant à se concentrer sur autre chose comme la douleur par exemple. Frapper le sol du poing. Encore. Encore. Et encore… Relâcher ses muscles crispés, laisser ces veines tendues par la pression reprendre leur état normal. Tenter de contrôler sa respiration pour éviter qu’elle ne s’emballe et laisser la douleur spirituelle me submerger. Les maux du corps sont plus faciles à supporter que ceux de l’esprit. Sans aucun doute. Je suis perdu dans cette vie comme je le suis dans cette prison. Je ne sais pourquoi l’on m’y à mit…comme je ne sais pourquoi je suis venu au monde. Je suis une erreur de la nature. Je n’aurais jamais du naître. Non. Jamais. Je devais rester prisonnier des entrailles de ma mère comme je le suis de ces quatre murs aujourd’hui. Oui, je n’aurais jamais dû voir le jour. Cette épée n’aurait jamais dû fracasser cette hanche. Jamais. Le destin ne le voulait pas. Non… Il ne le voulait pas. Et maintenant, il me le fait payer !

- Excuse-moi, j’ai été submergé par mes pensées. Tu disais? Tu m’as posé une question?

* Jean-François Somain – La vraie couleur du caméléon
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