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[RP] On ne met pas un loup en cage

Torvar
Les dernières semaines avaient vu la vie de Torvar partir dans bien des sens. Ballotée de-ci, de-là, il avait dû changer sa façon de voir les choses… enfin certaines seulement car il y en avait beaucoup qui resteraient immuables, des choses qu’il ne pouvait ou ne voulait aucunement modifier et d’autres pour lesquelles il devrait s’adapter. Toutefois, malgré quelques efforts consentis, il n’arrivait toujours pas à entrer dans le moule des gens « bien comme il faut » car trouver un travail honnête était pour lui bien difficile. Bien que l’honnêteté ne manquait pas lorsqu’il se battait au nom des idées qu’il défendait ou au nom des idées de ceux qui le payaient alors disons qu’il n’arrivait pas à être comme le commun des mortels… insignifiant.

Du limousin qui l’avait accueilli récemment tandis qu’il se remettait de quelques blessures dues à quelques malchances, il décida d’en explorer les terres voisines et ses pas le conduisirent sur la route du Bourbonnais. Charmant paysage pour celui qui faisait du tourisme l’été mais peu de ce que les gens appelaient travail honnête courrait les rues aussi, les écus vinrent à manquer et Torvar commença à manger de la vache enragée. L’idée même de ne pas pouvoir satisfaire son estomac lui devenait insoutenable. Il avait connu la famine lors d’un hiver trop long sur un champ de bataille et il ne tenait absolument pas à renouveler l’expérience. De sentir la mort rôder chaque jour autour de lui avec un sourire mesquin affirmant que bientôt il serait temps de lâcher prise dans ce monde ne lui avait absolument pas plu aussi, Torvar préférait braconner quelques gibiers sur quelques terres dont il lui semblait qu’elle pouvait lui offrir ce qu’il cherchait plutôt que de crever la dalle.

Et chose pensée fut chose rapidement mise à exécution. La journée même où il arriva sur ce qui lui sembla un beau terrain de chasse, Torvar en eu pour son argent. Décochant flèches et agilité, rapidement il eut le loisir de tuer un faisan. La forêt dans laquelle il s’était installé était tranquille et il put déguster à loisir sa prise tout en appréciant avec une certaine candeur le don que la vie lui faisait. Repu, fatigué d’avoir chevauché durant plusieurs jours, Torvar s’installa pour la nuit, bien décidé à poursuivre sa chasse le lendemain dès l’aube.

Et lorsque le soleil fut près à se lever, le slave en fit tout autant. Pas une minute à perdre, il espérait trouver un cerf qu’il pourrait dépecer et dont il ramènerait le maximum jusque dans le petit village où il avait mis pied à terre récemment. Et si la chance était avec lui, il pourrait tuer un sanglier ou bien quelques gibiers à plumes. De toute manière, tout ce qui se mangeait était bon à prendre. Ainsi il pourrait nourrir les quelques bouches qu’il avait avec lui depuis quelques temps… Se mettant à l’œuvre rapidement, Torvar attacha sa monture près d’un arbre au bord d’un petit ruisseau et pista quelques traces fraîches du petit matin-même. Arc et flèches parés, il ne restait plus qu’à débusquer l’animal. S’enfonçant dans les bois, la respiration silencieuse pour ne pas éveiller l’ouïe des bestioles du coin, Torvar progressait lentement mais surement. Il ne repartirait pas d’ici sans avoir au moins pris quelque chose… non ce n’était guère envisageable. Et au bout de quelques temps qui lui parurent une éternité, l’animal fut là, tout près de lui.

Bandant son arc avec vigueur, il savait qu’il n’aurait pas une seconde chance s’il loupait celle-ci alors avec concentration, le cosaque retint sa respiration puis tout fut rapidement fini. Une première flèche bien placée blessa mortellement l’animal, les suivantes finirent le travail rapidement. Torvar n’avait plus qu’à aller chercher sa monture avant de se mettre au travail. La journée n’était pas finie et il lui restait tant à faire… Toutefois, à son retour avec Vorobei, c’était un tout autre spectacle qui l’attendait. Alors que le slave s’attendait à pouvoir œuvrer tranquillement, il fut surpris de tomber nez à nez avec quelques gardes qui inspectaient sa proie. Le cosaque chercha une porte de sortie afin de ne pas faire couler le sang mais les hommes ne l’entendaient pas de cette oreille et le temps pour le vieux mercenaire de revenir à sa monture, les gens d’armes lui couraient après...

Il savait qu’il aurait dû se méfier de terre qui offrait à foison nourriture sur pattes. Il savait qu’il aurait dû être plus prudent mais lorsque la faim tiraille l’estomac, on en perd parfois la notion de prudence… et ce qui devait arriver arriva. Une main se saisit de l'épaule du guerrier...

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Elianor_de_vergy
C'est son intendant qui avait tiré la sonnette d'alarme lors de son dernier compte-rendu: les comptes de Carlat, la baronnie auvergnate de son époux, devenaient préoccupants. Le fief peinait à se suffire à lui-même, sans même parler de procurer des revenus supplémentaires à ses possesseurs, il fallait donc prendre des mesures. Oh, la quintefeuille se serait volontiers contentée d'augmenter le montant des tailles, cens et champarts, avec perception musclée à l'appui pour convaincre les récalcitrants. Mais ce vieux renard de Chicheface avait laissé entendre qu'il serait de meilleur rendement d'aller faire un séjour sur place. Le gueux, c'est bien connu, ouvre plus facilement sa bourse à son seigneur qu'à ses baillis. Quelques semaines de présence, une ou deux séances de doléances où l'on caresserait le pécore dans le sens du poil, voilà qui permettrai de mieux faire passer *ensuite* l'augmentation des redevances. Avec un soupir, la petite duchesse s'était rangée à l'avis du vieil homme. Après tout, celui-ci portait bien son nom et connaissait son affaire: il aurait réussi à vous tondre un oeuf, alors faire payer des péquenots, jeu d'enfant pour lui!

Et voilà pourquoi depuis plusieurs jours Sa Grâce Elianor de Vergy avait établi ses pénates dans la vieille et rébarbative forteresse auvergnnate et se livrait à une entreprise de séduction en règle de ses tenanciers: écouter les plaintes, assister à la messe d'épousailles d'un couple de laboureurs aisés du cru, tenir sur les fonts baptismaux le rejeton braillard d'un notable local... Bref, la duqueseta se donnait du mal et s'ennuyait ferme, et cela commençait à assombrir son humeur.

Alors qu'elle s'apprêtait à se retirer dans ses appartements pour la soirée, son prévôt pénétra dans la grande salle du castel. Bombant le torse, l'air fier de lui, il traînait derrière lui un homme entravé.


- Voyez la belle prise que j'vous amène vot' Grâce! Un maraud qu'on a surpris à braconner sur vos terres! Et pas du ptit gibier encore hein! Nenni! De la bête noble!

- Un braconnier dis-tu? Tu n'as nul besoin que je t'apprenne que le braconnage est passible de la haute justice, pourquoi diable ne l'as-tu pas pendu séance tenante?

- Ben... C'est ben ce qu'on aurait fait d'ordinaire mais... Là, z'êtes à Carlat, avec les gars on s'est dit que c'était à vous de décider, pis qu'vous auriez ptêtre envie d'vous divertir en assistant au spectacle...

Le prévôt, qui avait commencé par afficher une mine passablement gênée sous la remontrance, acheva son propos sur un rire gras. Visiblement, il n'imaginait pas plus divertissant qu'une pendaison.

Réprimant un énième soupir, la poupée reporta son attention sur le braconnier. Il n'était plus de la première jeunesse, et ne ressemblait pas aux pauvres hères faméliques qu'on surprenait habituellement en train de dérober lièvres et perdreaux. Au vrai, il avait plutôt l'aspect d'un soldat. Ou d'un soudard, ce qui était souvent la même chose d'ailleurs.


Toi là, approche un peu. Tu as entendu mon prévôt, c'est par chance que tu as échappé pour l'heure à la potence. Ma foi, maintenant que tu es là, je t'écoute: qu'as-tu à dire pour ta défense?
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Torvar
Il avait été malmené mais de ça, il s’y attendait. D’après ce que les gens d’armes avaient lâché lors de ce que l’on pouvait appeler une arrestation, Torvar avait compris qu’il avait malencontreusement braconné sur les terres d’une duchesse. Et tandis qu’on l’emmenait dans une geôle afin d’attendre ce qu’il pensait être sa fin, il eut une pensée pour sa fille qu’il avait été chercher récemment. Un profond soupir démontrait sa frustration de s’être fait prendre mais aussi de son hésitation à faire couler le sang. Il n’aurait pas été en plus mauvaise posture s’il s’était servi de son art pour occire les gaillards qui devaient bien rigoler dans leur coin.

Les heures s’étaient succédées jusqu’à ce que la porte s’ouvre pour laisser un homme, assez robuste, le tirer par ses chaines. Trébuchant en se levant, Torvar l’insulta dans sa langue natale ce qui eut pour effet de se prendre une magistrale beigne en travers du visage. Un sourire en coin, le cosaque retroussa légèrement sa lèvre supérieure en un rictus amer. Que pouvait bien lui faire les coups alors que sa fin approchait à grands pas ? Entravé, en l’entrainait sans aucun doute jusqu’à la potence où là, ces hommes pourraient se gausser d’avoir pendu un grand criminel tueur de… cerf !

*s’il savait* pensa Torvar tandis que ses pieds raclaient le sol, ne pouvant faire de grands pas. Et alors que le prévôt se lançait dans une discussion, le cosaque pencha légèrement le corps afin de voir qui était l’interlocuteur mystère.

* hé bouffon, ma pendaison n’est pas un spectacle… tu pourrais au moins faire ça dans le respect d’autrui… * Bon d’accord, ça ne servait pas à grand-chose de l’apostropher ainsi mais Torvar ne pouvait pas l’ouvrir sans se prendre un coup. Il n’avait pas l’intention de faire démolir pour un cerf. Ce n’était pas glorieux quand même. Mais alors qu’il tendait le cou pour mieux comprendre la situation, une voix, féminine de surcroit, arriva jusqu’à lui. D’abord méfiant, il osa regarder la noble vers qui on l’avait conduit.

Un rapide coup d’œil et il se rendit compte de sa jeunesse. Comment pouvait-on laisser entre les mains d’enfants des responsabilités comme la vie ou la mort ? Dans son pays, beaucoup de choses étaient si différentes… Il sentit qu’on le poussait dans le dos afin de le faire avancer alors il dissipa ses quelques souvenirs afin de venir se positionner devant la blonde duchesse. Se redressant malgré les chaînes, le menton relevé tandis que le regard aux reflets d’acier se posait sur la jeune femme, Torvar garda encore le silence quelques instants. Elle voulait qu’il se défende mais pour faire quoi au juste. Il savait bien comment ça allait se finir. Cependant, au bout d’un religieux moment de silence, le cosaque daigna enfin à ouvrir la bouche.


- Ma défense… quelle défense ? L’issue de mon procès est déjà connu il me semble. La mort est au bout du chemin alors qu’on en finisse vite et bien dame. Je n’ai pas l’intention de vous faire perdre votre temps alors que vous et moi savons que j’ai tué une bête sur vos terres. Je ne m’excuserais pas pour ce que j’ai fait. Ça ne vous rendra pas votre animal et moi ça ne nourrira pas les bouches qui dépendent de moi pour manger donc… ne faites pas celle qui s’intéresse à mon sort. Vous vous épargnerez une perte de temps dont je ne doute pas qu’il soit précieux….

Sa tirade était terminée. Maintenant elle pouvait faire ce qu’elle voulait, il était en paix avec lui-même. Il y avait bien longtemps qu’il ne se faisait plus d’illusions sur le monde qui l’entourait et on le prenait comme il était. Ainsi allait la vie pour le chevaucheur du vent.
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Elianor_de_vergy
La petite duchesse sentit un regain d'intérêt en voyant le prisonnier se redresser _ autant que ses fers le lui permettaient _ et refuser fièrement de se justifier. Elle s'était attendue à avoir droit, pour la énième fois, au récit de tous les malheurs dont le pauvre hère avait été accablé et qui l'avaient conduit _ oh, bien à contrecoeur évidemment_ à devoir braconner sur ses terres. Bref, elle pensait qu'on allait encore une fois tenter de l'apitoyer. Mais au lieu de cela, on lui servait un petit discours non dépourvu d'une certaine arrogance. Attitude courageuse, mais risquée: la susceptible blonde aurait pu fort mal prendre qu'on s'adressât à elle sur ce ton. Mais, comme on l'a dit, elle s'ennuyait ferme depuis son arrivée à Carlat, et ce gueux-là avait au moins l'intérêt de trancher avec les fadeurs dont on l'abreuvait depuis des jours. Ce fut sans doute là sa chance.

Bien loin donc de clore l'affaire d'un geste en expédiant l'audacieux au gibet, elle se rencogna un peu plus dans sa cathèdre et esquissa un léger sourire amusé.


Allons, si ton sort était déjà décidé, je n'aurais même pas pris la peine de te poser la question. Comme tu le dis, j'aurais épargné mon temps et mon bailli t'aurais branché sans plus tarder.

Tu as raison, tes explications ne me rendront pas mon gibier. Ta mort non plus, ceci dit. Bien sûr, elle pourrait servir d'exemple aux autres mais je les crois assez prudents comme ça pour ne pas se risquer à t'imiter. Les braconnages sont rares à Carlat, les gens du cru savent que mon bailli ne plaisante guère en la matière. Cela m'étonne d'ailleurs que tu t'y sois risqué. Tu ne dois pas être d'ici... Ignorais-tu sur quelles terres tu te trouvais?
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Torvar
« … elle pourrait servir d’exemple... ». Ce petit bout de phrase avait fait sourire Torvar. Avait-elle besoin que l’on fasse un exemple sur ses terres pour tenir d’une poigne de fer ces petites gens ? La noble qui se pavanait devant lui était-elle donc à ce point sans autorité qu’elle se cachait derrière ce genre d’exaction ou bien aimait-elle simplement le gout du sang et de la terreur que l’on pourrait lire au fond des yeux de ceux qui œuvraient chez elle ?

Torvar oscillait entre ses réponses qui ne lui convenaient pas tout à fait et l’écoutait distraitement mais la dame voulait d’autres explications. Elle aimait donc faire durer les choses ? Lui il aurait préférait en finir et vite, évitant de parler dans le vent mais si elle y tenait… Bien droit, fier de ce qu’il était avant tout, un fier cosaque, un homme libre, il se gratta la gorge avant d’enfin lui répondre.


- Je ne suis jamais venu dans cette partie de votre royaume. J’ai connu d’autres lieux, d’autres endroits, d’autres gens mais vos terres sont pour moi inconnues. J’en ignorais même le nom jusqu’à ce que vous en prononciez le nom ni même que c’était une jeune dame qui en tenait les rênes…

Que pouvait-il dire de plus le Cosaque. Sa défense tenait à un fil mais lequel. Il n’avait pas l’habitude de palabrer avec des gens de la haute. Non, il était homme de terrain, il recevait les ordres et les exécutait. Bien évident, il choisissait pour qui il travaillait et surtout ce qu’il en était du contrat mais cela s’arrêtait là. Aujourd’hui, pour un peu, elle l’aurait presque invité à faire dinette… Rien qu’à cette pensée, Torvar en eut un frisson d’effroi. Ce monde n’était pas le sien, il évitait toujours d’y pénétrer de trop près alors qu’elle le fasse tuer et que tout s’arrête… enfin !

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Elianor_de_vergy
Décidément, l'étranger ne manquait pas d'aplomb. Réussir à sourire alors qu'on évoquait devant lui sa possible pendaison, cela dénotait tout de même un certain cran, il fallait le reconnaître. D'ailleurs, tout dans son attitude indiquait la fierté ombrageuse plutôt que le repentir et l'obséquiosité.

Le coude appuyé sur l'accoudoir de sa cathèdre, la poupée posa délicatement son menton sur sa menotte ornée de bagues et dévisagea le prisonnier en silence pendant quelques minutes. De nature, elle n'avait pas la tripe particulièrement sanguinaire. Faire pendre un maraud local qui enfreignait sciemment les lois était une chose, exécuter un étranger pour une malheureuse pièce de gibier en était une autre. D'autant que l'étranger en question ne lui était pas antipathique. Son attitude lui rappelait même, par certains côtés, son vieux gueulard. Et dans la caboche de la jeunette, qui connaissait sur le bout des doigts son histoire familiale, la présente scène n'était pas sans faire écho à ce qui s'était déroulé jadis en Maine devant ses parents. Ce souvenir en tête, elle poursuivit donc son questionnement.


Tu n'as pas l'air d'un braconnier de métier, plutôt d'un homme de guerre. Supposons que je te fasse relâcher, que feras-tu?
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Torvar
    *ah mais c’est que tu insistes petite Princesse. Tu t’ennuies tant que ça dans ton monde que tu te sens obligé de faire la conversation à un vieux briscard comme moi ? Allez, ne me dit pas que tu n’as pas un amant ou deux dans un coin d’un de tes châteaux ou bien peut être même une donzelle pour te tenir compagnie… un mouflet peut être ? Ah non les nobles comme toi ne s’en préoccupe pas, ils les donnent à élever par d’autres… donc tu t’ennuies et tu penses que faire la causette peut te sortir de cet état de fait… allons, allons jolie damoiselle, reviens sur terre, regarde la vérité en face…*


Torvar avait beau penser ce qu’il voulait, les choses étaient ainsi, Elianor lui posait des questions et il devait y répondre avant que cela ne déclenche son courroux ou pire encore. Mais que risquait-il à ne pas lui dire ce qu’il était ? Etre pendu, c’était déjà ce qui l’attendait. Mais soudain, le visage de sa fille vint s’imprimer devant ses yeux. Il n’avait jamais été un bon père, même pas un père en fait, ne faisant que de courtes apparitions dans sa vie mais elle était là, sur ce sol étranger et s’il pouvait subsister une infime chance pour qu’il s’en sorte, alors il le ferait, pour sa fille, pour qu’elle puisse encore le regarder et apprendre à le connaître.

Osant détailler la noble de toute sa hauteur, Torvar finit par accepter de lui en dire plus sur lui. Privilège des liens qui le maintenaient dans une position inconfortable car rarement il s’ouvrait ainsi à une étrangère.


- Je ne tue que pour me nourrir dame… le braconnage n’est qu’un passe-temps épisodique dans ma vie… si vous me rendez ma liberté… je ferais ce que je fais toujours, mettre mon épée au service du plus offrant… je gagne ma vie ainsi dame… je tue et je regarde mourir…

    *un peu crues mes paroles, un peu morbides ? Sans doute mais la vérité n’est pas toujours aussi belle qu’on le voudrait. Tu voulais savoir, la curiosité a un prix et je n’ai pas pour habitude de faire des détours alors maintenant que tu as compris petite damoiselle, on fait quoi ? Tu me tues, je meurs et on danse sur mon cadavre ?*

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Elianor_de_vergy
Inconsciente de l'agacement qu'elle suscitait chez son interlocuteur, la jeune duchesse écouta sans tiquer la réponse du prisonnier. A coup sûr quelques années plus tôt, l'aveu aussi cru de sa sanglante activité aurait horrifié la poupée. A peu près autant que lorsqu'elle avait appris que sa propre mère avait fréquemment eu recours aux services d'un mercenaire sans pitié. Mercenaire dont Elianor avait hérité dans des circonstances inattendues, qui l'avait depuis laissée choir et qu'elle n'était jamais parvenue à remplacer. L'homme qui lui faisait face ne pourrait-il pas devenir, à l'usage, le successeur du Lynx?

Bien évidemment, il n'était pas question de lui présenter la chose de cette façon-là. Elle n'allait pas s'aventurer à confier ses petites machinations sournoises au premier venu. Mais s'attacher ses services pour un emploi plus avouable serait un bon moyen de tester sa fiablilité... Le léger sourire réapparut alors sur ses lèvres à cette idée.


Et si c'était moi, le plus offrant? Si je t'offrais de devenir membre de ma garde personnelle? Les huit premiers jours à l'essai: nourri, blanchi et logé mais pas de gages, considère cela comme une amende pour le gibier tué. Ensuite... 500 écus par mois. Pas une fortune mais toujours plus que ce qu'on gagne à piocher dans les mines de ce royaume. Qu'en dis-tu?
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Torvar
- De toute manière je n’ai jamais été bon piocheur….

Les mots avaient été plus rapides que sa détermination à se taire devant la jeune femme qui se tenait devant lui. Torvar avait écouté avec attention sa proposition. Ainsi elle lui proposait de lui laisser la vie sauve s’il acceptait de rentrer à son service. Un silence s’installa pendant lequel le cosaque réfléchit longuement. Avait-il le choix, pouvait-il faire le difficile lui l’ « homme libre »? D’un côté, il devenait garde personnel d’une pimprenelle qui se la jouait grande dame de la cour et avait la vie sauve, d’un autre, il refusait et se retrouvait pendu haut et court… Quel cruel dilemme… quelle impossible choix à faire…

Torvar sourit à nouveau. Il aimait avoir un pied à terre durant l’hiver et bientôt l’été toucherait à sa fin. D’ordinaire, il retournait chez lui, là-bas dans les steppes mais aujourd’hui, la plupart des anciens qui l’avaient pris sous leur aile avaient disparu, ses frères avaient leur propre famille et sa femme n’était plus de ce monde. Même si entre eux ça n’avait jamais été le grand amour, il respectait ce qu’elle était, la mère de sa fille. Relevant le visage dans la direction de la jolie poupée en dentelles et soierie, il eut un léger mouvement de la nuque avant de prendre la parole.


- Votre proposition est bien généreuse dame. Votre bête mériterait bien plus d’une semaine à l’essai mais ce n’est là qu’un détail bien entendu…

Un léger sourire étira les lippes du cosaque avant qu’il ne plante ses billes d’acier dans le regard de la jeune femme.

- Serais-je libre de mes mouvements ? Je veux dire après la période d’essai bien entendu… Pourrais-je vous quitter à tout moment ?

La liberté. Cette notion chère à son cœur et à son peuple. On appelle les cosaques « les hommes libres » et ce n’est pas pour rien. Même s’ils combattaient pour un dirigeant quelconque, ils n’étaient pas pensables pour eux de ne pas être libre de leur choix et de leur mouvement, à tout moment. Et Torvar avait ça dans le sang. S’attacher sa personne était une chose mais pour gagner sa loyauté, il fallait aller au-delà de ce que l’on pouvait donner en le laissant maître de sa vie. Un simple mot ferait pencher la balance du mauvais côté.
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Elianor_de_vergy
La quintefeuille soutint tranquillement le regard du cosaque, ignorant superbement le visage rouge de colère de son bailli qui s'étouffait visiblement de rage devant la tournure que prenaient les évènements.

On trouve plus facilement du gibier qu'un bon garde du corps, cela vaut la peine de tenter ma chance!

Tout en parlant, elle fit signe au bailli de libérer l'homme de ses chaînes puisque décidément son statut était en train de changer. Et haussa un sourcil amusé en entendant la question de son nouveau cerbère.

Sois tranquille, je n'ai jamais forcé quiconque à demeurer à mon service contre son gré. Si l'arrangement ne te convient plus, tu pourras partir quand bon te semblera. Je ne pose qu'une seule condition: être prévenue. Je n'aime guère découvrir un beau matin qu'un de mes gardes a filé à l'anglaise!

Mais puisque nous allons faire un peu de chemin ensemble, le moment des présentations est peut-être venu... Je suis la duchesse Elianor de Vergy. Et toi, quel est ton nom?
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Torvar
Il la regardait, intrigué, curieux et amusé. Après tout, elle commençait à l’intéresser. Non pas parce qu’elle tendait à vouloir l’épargner mais parce que la donzelle avait du caractère et Torvar appréciait ce genre de personnes. Les insipides et autres transparents de service ainsi que les crétins qui en tenaient une couche plus grosse qu’eux, il les évitait, les exécrait, les laissait dans leur bulle de stupidité profonde. Et en parlant de crétin, il en avait un de la pire espèce à ses côtés. Le bailli semblait ne pas apprécier la décision de sa maîtresse et tout en voulant défaire les chaines de Torvar, il tira dessus afin de le meurtrir aux poignets. Le cosaque lui lança un regard sombre qui lui promettait qu’un jour il reviendrait s’occuper de son cas s’il ne s’était pas étouffé avant avec sa stupidité.

Machinalement Torvar fit un pas en avant tout en se frottant les articulations pour faire passer les rougeurs que la peau marquait déjà. Le bailli essayait déjà de porter sa main sur l’épaule du cosaque afin de lui interdire mais le guerrier lui fit comprendre que toute tentative de sa part pour l’empêcher de faire ce qu’il souhaitait se solderait par une désagréable déconvenue pour lui. Et tout ceci, enrobé d’un sourire à la cosaque. Donc faisant un pas dans la direction de la blonde duchesse. Il s’inclina devant le statut annoncé. Après tout elle devenait sa maîtresse le temps que durerait leur association. Torvar lui devait au moins ces gestes qu’il exécrait mais qui lui étaient nécessaire à sa survie dans ce monde. Relevant la tête, il osa planter ses prunelles de gris acier dans le regard d’Elianor. Et sa voix se fit rauque, aux accents de son pays malgré le fait qu’il vivait sur les terres françaises depuis longtemps.


- Duchesse… dans votre pays on me nomme et on me connait sous le nom de Torvar. Quant à un éventuel départ, sachez que vous saurez et vous vous rendrez compte le jour où je prendrais mes cliques et mes claques afin de vous quitter. Je n’ai pas pour habitude de ne pas dire les choses ni de les faire en catimini… sauf lorsqu’il s’agit de travail que l’on me demande. Maintenant si vous voulez bien me dire où se trouve ma prison doré que je m’y rende au plus vite… Je ne voudrais point faire attendre votre grâce… d’un cerf, vous gagnez un garde du corps… ce n’est pas une si mauvaise prise…
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Elianor_de_vergy
Pour le coup, le sourire franc et amusé reparût sur la frimousse de la poupée en entendant les derniers mots du cosaque.

Tu as raison... Torvar. Je crois n'avoir pas fait une mauvaise affaire. Cela dit, du travail à la place du gibet, beaucoup pourraient penser que tu ne t'en tires pas si mal non plus. Remarque c'est aussi bien: les meilleurs marchés sont ceux où les deux parties trouvent leur compte après tout.

Le bailli te montrera où sont logés mes gardes. Et rassurez-vous tous les deux, vous n'aurez pas à vous supporter trop longtemps: dès après-demain je quitterai Carlat pour la Lorraine. Torvar, puisque te voici mon garde, tu m'accompagneras. Tu as mentionné des bouches qui dépendaient de toi, ils peuvent nous accompagner s'ils le souhaitent. Je préviendrai mon intendant qu'il prévoit leur présence dans notre convoi. A moins que tu ne préfères leur faire gagner la Lorraine par leurs propres moyens? Je te laisse juge.

Et sur ces mots, elle quitta son siège pour marquer la fin de l'entretien. Elle était consciente d'avoir agi sur un coup de tête en engageant le cosaque, l'avenir dirait s'il s'agissait d'une intuition géniale ou d'une stupidité sans borne...
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