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[RP] D'un secret de polichinelle

Aconit...

- Une taverne. Un soir, très tard. -

Connard.

Elle exulte.

-« Je l'aimais ! » Plaida Judas.

Bien sûr qu'il n'était pas question d'un amour passionnel. Ce n'était pas difficile à deviner partant du principe qu'il n'avait jamais su aimer quiconque.


-« Vous vous targuez de l'avoir aimée? Où étiez vous lorsqu'elle avait besoin de vous? »

Où était-il oui? A la chasse , ou au lit d'une autre. Tout était si lointain. Des bribes de souvenirs qu'elle avait décidé de déterrer, pourquoi? Comment? L'avorton qu'elle était n'en savait pas le détail, elle que Judas avait connue dans la matrice. Pourtant les rancoeurs et les non dits qui émanaient du souvenir de la Kermorial, puis de la Montfort avaient corrompu son être. Depuis toute petite. Enfant tampon dans l'oeil du cyclone, la petite blonde s'était forgée aux premières loges de la folie des adultes. Alix Ann devenait si dure.

Elle n'écoutait qu'à moitié, elle criait. Sa voix était pleine de reproches, il lui parlait de sa mère, et cela suffisait à mettre Alix hors de ses gonds.
À ce moment là elle serait incapable de savoir comment cela avait débuté, peut-être sur une petite remarque devant lui reprocher de ne pas être aux côtés de Chimera alors qu'elle venait d'enfanter. Si elle s'était doutée qu'il n'avait jamais entendu parler de cet enfant...De ce polichinelle. En deux phrases elle avait réussi à démolir tout ce qui le rendait d'habitude si imperméable. Judas avait compté, quatre... cinq mois... elle ne saurait le dire. Elle avait appuyé sur une corde sensible. Le Von Frayner s'était raidit, avant de devenir fou.


-« Qui a dit qu'il était de vous? »

Revêtant un sourire narquois, scrutant Judas, figé. Faible. Il était faible. Et avouons-le, entre nous, il n'est pas donné à tout le monde le voir dans cet état. Alors elle en avait tout naturellement profité, grosse conne abrutie qu'elle était. Bref. On en était arrivé un peut-près à là :

-« Vous n'êtes que haine... Et il avait cruellement raison... Je me demande d'où vous vient tout ce fiel... Et s'embêta à prendre l'air de réfléchir deux millième de secondes De votre père, peut-être? »

Sur ce ton condescendant, pédant, exécrable. Sur cette voix stridente qu'elle a trop entendue, trop détestée, trop crainte.

-« Vous êtes faible... »

Elle se figea sur sa petite chaise. Deux millième de secondes...

Elle rit, nerveuse "Où étiez vous encore lorsqu'elle vous attendait dans votre garçonnière Saumuroise? Mon père a au moins le mérite de l'avoir épousée, et encore ! "

Elle sourit, mesquine, et fonce dans la plaie à coup de tronçonneuse.

-« Vous n'avez fait que m'éloigner d'elle... Et de toutes... d'Anaon, de Chimera... Vous n'avez eu de cesse que de les capter pour leur plus grand mal !»

Judas se fige, il la déteste, elle le déteste. Elle exulte en même temps qu'elle jubile. Aussi détestable que lui. Il la voix cassée hurle dans un silence entrecoupé :

Elle est morte ! »
Par votre faute ! »
Non ! »
Elle a peur à l'instant.
Vous n'étiez pas là ! Vous n'en savez rien ! »
-« Je ne vous crois pas... »
-« Si vous saviez ce que je lui ai évité de faire... »

Elle plisse le nez, elle se fige, elle a les nerfs fatigués, à bout. Et il reprend:

-« Elle était malade ! »

Oui, d'un mal qui la rongeait et corrompait toutes ses joies.

-« Vous mentez ! »

Elle respire à pleins poumons, exténuée, ne cessant de soutenir son regard, haineuse. L'adulte pourrait l'écraser, jusque là le poids des mot prévaut. Jusque là...En reprenant ce petit sourire mesquin qu'il maîtrisait cruellement bien. Soucieux de parfaire son effet, toujours classe, Judas se penche à l' oreille de la môme qui tente de contenir un spasme de dégoût.

Et dire que j'aurais pu être votre père... »

C'en est trop. Il la dégoûte. La petite main d'Alix, d'une force lasse, vient s'abattre sur Judas.

-« Cessez ! »

En juste retour des choses elle reçoit une claque sur la main.

-« De la tenue, Montfort ! »

La main de cuir fuse, s'abat. La joue d'Alix est propulsée. Ça calme... Et de se frotter la main furieusement dessus. Les cris redoublent, toutes ces années de silence semblent péter à la gueule de Judas dans un flot d'injures et de violence innatendu.

Vous n'êtes qu'un sombre fouteur de merde... »

Elle ne se démonte pas, c'en était jouissif de le voir aussi faible. Placé dangereusement à côté d'elle, Judas perd son sang froid.

-« Je vous emmerde ! »

Alix a peur, il la saisit au cou, l'étrangle. Il serre... Ho oui il serre, désireux de la faire taire, à jamais peut-être? Juste un peu de silence, sombre idiote, gamine aveugle et ignorante! Elle se débat, essayant de foutre des petits coups de pieds, de taper du poing sur son bras. Une bonne âme intervient, le duel n'est pas équitable. Ils continuent de se chercher, chacun hurlant plus fort que l'autre, l'un toujours plus bête que le second. Puis le cinglant des mots. Elle ressemble tant à sa mère... Au fond, il ne l'a jamais mal aimée. L'enfant au blond si familier et aux yeux si semblables à Marie a tout juste été ignorée. Oubliée. Laissée dans l'ombre de cette mauvaise mère. Et aujourd'hui en l'absence de celle-ci, ne restait plus que Judas pour payer l'addition. Il était question d'une trahison apres les noeuds. D'un secret de polichinelle. Encore. Comme si le sien ne suffisait pas. Comme si son approche des femmes ne tournait qu'autour de cela.

-"Si vous avez raison, si cet enfant existe, je la tuerais!"

La menace vise à la faire culpabiliser. Pourtant, il pourrait se laisser emporter dans sa colère. Il pourrait l'étrangler, elle aussi. La gamine reprend contenance, elle le nargue.


- " Je vous souhaite de bien dormir tout de même ! ... Si vous en avez l'occasion !"

Ho Chimera, quelle folie t'a touchée d'humilier de la sorte l'étranger silencieux... Du licencieux et du secret de polichinelle. Le parfait poison. L'enfant fuit dans sa dernière réplique, elle lui arrache un geste primaire. Une chaise vole et va s'éclater contre la porte refermée à la volée.

[Post écrit à quatre mains]
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Alix_ann
Elle claque la porte, elle court. Lorsqu'elle a vu Tynop et Miya, sa jolie amie blonde, quitter la taverne, elle a décidé qu'elle partirait aussi, ayant crainte de rester avec Judas.
Judas... Judas. Judas qui a aimé sa mère, qui a aimé Anaon, qui a aimé Chimera, qui a détruit les trois, qui en a engrossé deux (mais enfaite qu'une, si vous avez bien suivit). Tant de choses qu'elle voulait lui balancer à la figure depuis bien longtemps, caché habituellement sous quelques remarques à peine voilés qui lui valait un froncement de nez, au mieux, au pire, une autre remarque acerbe. Des années à devoir le supporter se pavaner où elle logeait, dans chaque famille qu'elle avait cru se trouver il était là, à batifoler à tout les coins du royaumes, en choisissant toujours un où elle était. N'y avait-il pas assez de femmes pour qu'il laisse celles-ci tranquilles?!
Il y avait plusieurs personnes à qui Alix vouait une haine sans limite, il était le premier. Elle l'avait prévenu, sur son air de petite conne prétentieuse qu'un jour, lorsqu'elle en aurait les moyens, elle s'assurait qu'il paie pour tout le mal qu'il avait pu faire aux femmes qu'elle aimait, qu'il lui avait volé.
Elle lui en voulait pour tout, ça allait de sa première entorse à la cheville à la mort de sa mère, d'un simple bouton de moustique à l'air souffrant de Anaon. Elle le détestait. Pire.

Alix court, parce qu'elle a tout de même assez peur. Elle n'ose pas rentrer à la Venelle, son coeur bat la chamade, son souffle est saccadé. Une main sur la poitrine, l'autre sur le mur, haletante. Elle porte la main à sa gorge, vérifie qu'elle ne se soit pas fait la malle par la faute de Judas. Encore lui, toujours lui. Et alors qu'elle avait fuit sa marraine manico-depressive pour les jupons de Chimera, de St Brieux à Vannes, il avait encore fallu qu'il vienne tout foutre en l'air. Tout ça pour quoi, en somme? Pour retrouver Chimera dans les bras de la personne la plus détestable de son univers.
Quelle conne.
Alix en vient à la détester. C'était de sa faute, après tout, si elle l'avait laissé rentrer dans son petit monde. Tout le monde savait que Judas était le pire des connards. Elle était naïve, elle n'était pas mieux que sa mère, elle lui en voulait. Au final, elles étaient toutes plus stupides les unes que les autres, à se laisser faire par un seigneur bien peigné. Au final il y avait encore Elisabeth, qu'Alix estimait. De ce qu'elle savait Elisabeth n'était pas conne, ne s'était jamais fait avoir par un homme. De ce qu'elle savait, Elisabeth, elle, était digne, fière, forte. Tout le contraire de ce qu'elle reprochait à Chimera ou à Marzina, à sa mère, à Yolanda, et même à Anaon.

Nerveuse, elle cherche une solution, les idées se bousculant l'une après l'autre. Elle aurait peut-être du suivre Tynop et Miya, ils auraient sûrement accepté de l'aider, de la garder ce soir. Rentrer à la Venelle? Non, elle ne pourrait pas! Mais Judas ne devait pas encore y être... Elle n'a qu'à y aller, y trouver Alienor et s'en aller avec elle. Alienor comprendrait.
Le dire à sa tante Elisabeth, à Chimera? Non, et encore non. Elle ne pourrait, elle se voit mal mettre des mots dessus, elle n'en a pas envie. Elle sait, pourtant, que ça lui retombera sur la gueule. D'être encore partie.

Et alors, elle reprend sa course bien décidée à arriver avant que Judas ne s'y rende. Quelle idée, aussi, de les foutre sous le même toit? Marmonnant elle pousse la porte, tâchant de ne pas faire trop de bruit, désireuse de ne pas réveiller sa tante à qui elle ne veut pas causer plus de soucis qu'elle ne lui en causait déjà entre deux fugues.

Les escaliers sont montés, elle rejoint sa chambre sur la pointe des pieds. Elle manque de buter dans un chat, elle ne saurait dire si c'était celui de Chimera qui traînait ou le sien, à vrai dire. Et d'avancer dans la chambre à tâtons, jusqu'au lit, jusqu'à Alienor. Elle la secoue d'une main. Au passage elle saisit Jean-Baptiste, son lapin, et le tient dans l'autre main.


-« Aliiii.... Aliiiiiiii.... »

Sur un ton suppliant.

-« Faut qu'on parte... »

Elle essayait d'effacer cet air si sérieux et effrayé de son visage, comme pour se persuader qu'elle ne l'était pas tant que ça.
Alix a peur, et si Alienor, pour une fois, refusait de lever son cul du lit pour partir à l'aventure? La fois où elle en avait le plus besoin?Pourquoi partir, au juste? Fallait-il le lui dire? Lui dire que Judas avait voulu la tuer? Qu'elle l'avait quand même bien cherché? Il n'en était pas question, elle n'avait aucune idée de comment réagirait Alienor et elle ne préférait pas savoir. Elle gardera ça pour elle, tant qu'elle le pouvait du moins.


-« Steuplait... »

Plissant le front, se mordant la joue. L'air bien embêtée d'avoir encore fait une bêtise...
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Aconit...
Il douille le VF.

Il prend cher. Presque hébété après la colère et les coups, le corps s'affaisse sur un siège, fourbu. De toutes les femmes qu'il avait pu connaitre, de toutes celles pour lesquelles il fut une pierre au mur de leur vie, jamais il n'aurait pensé que ce soit une adolescente qui oserait parler. Epancher ses rancoeurs. Eclater l'édifice pour éjecter le gravillon devenu pavé indésirable.

Senestre saisit une bouteille, cherchant l'apaisement d'une salve de vin. Que venait-il de se passer? Tout cela était il réel? Il régnait un désordre certain dans la pièce, bien moindre que celui qui régnait dans sa tête. Le pire dans cette altercation, c'est qu'elle avait tellement été inattendue, sortie de nulle part ou d'un passé si lointain qu'elle avait fait occulter à Judas son détail le plus douloureux. Ce n'était pas ses travers avec Marie de Montfort... Ni les états d'âme d'une gamine stupide et butée. C'était cet enfant dissimulé, cette folle perspective que Chimera l'ait trahi.

Insensé, il était insensé que l'ex Comtesse de cholet, cette amante qu'il avait mit des années à séduire et à mettre dans son lit, qu'il avait finit par épouser druidiquement, avec qui il s'affichait publiquement dans toute la Bretagne depuis des mois l'ait trahi. Toute cette histoire de noeuds et d'engagements devenait si ridicule... Si pathétique. Son attachement réel venait d'être mis à mal, mis à mort, sur l'idée qu'elle lui ait dissimulé le pire des secrets. Un secret de polichinelle, qu'il était finalement le seul à ignorer.

La honte vint envahir sa gorge en un noeud d'amertume. Quelle honte que de n'être que le cocu de l'histoire... Cette douleur qu'il avait infligé à tant d'autres et qu'il découvrait brutalement. Quelle honte de n'avoir rien vu. Les hanches girondes, la poitrine tendue. L'étreinte des retrouvailles et ces signes qui l'avaient interpellés mais que la Chimère avait soigneusement évanouis. Judas n'avait jamais été doué pour percevoir ces signes là. Il venait de comprendre que lorsqu'il l'avait quittée la dernière fois pour regagner ses pénates en France, elle était dejà grosse. Comptait-elle seulement le lui dire? La question lui arracha une quinte de toux, étouffée d'un revers de manche. L'homme resta plié en deux, sous le coup d émotions trop vandales.

Morvan Yann. Il comprit qu'il était le poupon croisé dans les bras de la Fanchenn à son arrivée... Là, sous son nez tout ce temps. Quelle humiliation. L'enfant d'un autre? Le sien? Assurément pas. La rousse ne prendrait pas de précautions pour lui cacher un enfant de l'amour.

L'amour. L'amour?

Il déplia sa carcasse, l'oeil vitreux. Le cheveux fou. Lentement il se leva, prenant appui sur une table restée intacte, visa sa bouteille, désabusé. Les yeux rencontrèrent le contenant, butèrent dessus. La bouteille d'Elisabeth. Le Montrecul. Un hoquet moqueur ébranla sa poitrine, un rire mécanique l'étreint. Elisabeth! Double chimérien depuis des lustres, jusqu'à vivre sous son toit. Elisabeth qui ne pouvait ignorer. Elisabeth qui avait fait voeu de silence. Le rire se brisa sur une plainte à peine retenue. Tout lui sembla soudain si écoeurant. Les Montfort, les Kermorial, la Bretagne toute entière.

Foutredieu, que ça faisait mal. Mal à l'égo. Mal aux pauvres efforts qu'il avait daigné faire, et qui étaient devenus ressentiments naturels. Il poussa la porte de la taverne, direction la Venelle. Les pas restèrent moins assurés que lorsqu'il avait dû, ces autres fois...

    Détruire ce qui ne devait plus subsister.

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--_alphonse_tabouret.


Eloigné un temps de Paris, retranché, affaibli, derrière le paravent des falaises et les courbes de la gitane, le chat, banni volontaire, s’était laissé aller à apprécier ce silence de granit qui occupait le ciel comme l’oreille dès lors que l’on quittait les murs des cités bretonne.
Ici, le sel de la terre avait quelque chose qu’il ne trouvait pas ailleurs, ni au vent, ni à la source, feuille morte dérivant à la brise, coquille de noix souvent ballotée par les eaux, chat emporté selon ses appétits…Peut-être était-ce la ligne du sourire d’Annelyse, ou bien le bouffant joyeux des jupons carmins d’Axelle, ou bien tout simplement, cette énergie vibrante que la mégère rousse avait enfanté, sur le fil de sa vie et qui depuis qu’elle était apparue, avait ouvert l’univers du félin à une nouvelle perception.L’envie de la paternité avait germé avec le ventre de Maltea, le perdant dans une optique trouble, colérique, désespérée où il avait jaugé l’héritage paternel avec une affliction à ce point profonde que seules les mains de la danseuse avaient réussi à l’apaiser au sommeil, définitivement éclopé depuis la mort du Lion. Morvan,à lui tout seul, en poussant ce vagissement à balafrer les cieux quand il avait déchiré le ventre de sa mère avait calciné le moindre de ses doutes, statufiant d’une poussière volatile chacune de ses hésitations, faisant disparaitre dans une ultime arabesque, la crainte de ne jamais aimer un autre avec autant d’abnégation.
Tout ici était fait pour l’éloigner des rues suffocantes de la capitale, de ce bordel insatiable qui consumait lentement, avec une infinie patience, l’innocence déjà pervertie du chat, confronté à ses premières responsabilités quand il les avait jusque-là rejeté jusqu’à la fugue… Tout aurait dû l’éloigner de Paris si ce n’était la présence inopportune du Von Frayner dans la rue à quelques pas de lui.

Il avait entendu parler, comme toutes les oreilles de Cholet de la arrivée bruissante de l’amant, mais ne s’intéressant pas assez à Chimera pour la savoir mariée en dehors du regard du Très Haut et, animal mal vu sous le toit qu’on lui avait pourtant offert, Alphonse avait choisi de se réfugier dans l’ombre, laissant Judas abandonné aux affres des nouvelles que personne ne saurait indéfiniment cacher, malgré lui curieux de l’effet qu’aurait celles-ci sur l’humeur de l’invité. Il ne fallait pas être très malin pour comprendre que Morvan était né bâtard au sein même de l’illégitimité et de ce qu’il avait entraperçu sur le perron de l’Aphrodite quelques mois plus tôt en accueillant lui-même le Seigneur lors d’une réception privée, Von Frayner n’avait pas l’air du genre à laisser les choses lui glisser entre les doigts. Il était des airs, des attitudes, des façons d’être que le félin identifiait au premier coup d’œil, longtemps spectateur de ceux dont le pouvoir s’étendait bien au-delà de la simple fortune, et la présence froide de Judas ne dérogeait à ce frisson venant vous érafler la nuque d’un avertissement persistant : Tout ce qui est lumineux, même sans chaleur, finit par vous bruler.
Et s’il ne pouvait nier la curiosité qui le taraudait à n’être rien dans ce jeu de quilles, juste amateur présent malgré lui quand le château de cartes finirait par s’effondrer, il ne pouvait nier non plus qu’éviter Judas avait aussi le gout d’un autre secret de polichinelle qu’il souhaitait tarder à éventer. Si Chimera avait déjà du mal à supporter les aspects trop semblables de leurs personnalités bancales, il était définitivement vain d’essayer de lui faire admettre que son hôte était tenancier de bordel. Autant dire que la subtilité du poste de comptable risquait de ne jamais être prise en compte, et dans le fond, il n’aurait pas pu lui en vouloir, conscient lui-même que c’était à lui qu’il mentait le premier.

Alors que faire, lorsque le hasard choisit d’emmêler plus étroitement les faits, les resserrer jusqu’à créer le nœud, et ouvre, badin, un nouveau chemin là où on ne l’attendait pas ?
Vilaine, vilaine curiosité…
Ivre, à n’en pas douter, la colère vissée à chacun des traits, la souffrance fichée jusque dans le fil des lèvres et les yeux perçants, nourris d’un feu que le fauve connaissait bien pour l’avoir vu tant de fois bruler dans l’œil de son père… l’envie de présenter la note, celle du prix à payer qui ne satisfait jamais totalement, la revanche dans tout ce qu’elle avait de plus magmatique, sans que le filtre froid du temps ne se soit chargé de conglomérer le tout en une pate visqueuse mais tellement plus malléable et étirable…
Judas savait, et un instant, Alphonse se demanda qui de Chimera ou Morvan en pâtirait, conscient que les enfants étaient les proies premières du mâle dominant s’ils menaçaient sa suprématie, soucieux, brusquement du désastre dont il aurait eu de quoi se régaler s’il n’avait concerné que la nymphe dévoyée... Résigné à trahir sa présence quand il préférait l'anonymat, sans même se poser la question à se faire grain de sable dans une quelconque idée si elle concernait l’enfant, Alphonse ne s’arrêta pas, poursuivant sa marche en se préparant à la collision qui allait bientôt télescoper les deux hommes, jetant la prudence du félin aux orties, et percutant l’épaule de Judas de la sienne, posa un air étonné sur son visage en se retournant prestement pour jauger sa victime


-Messire excusez moi, je… Le temps de silence se posa, interrompant la phrase, réglé, millimétré tandis que le sourcil se fronçait en faisant mine de reconnaitre dans les traits du Seigneur un visage déjà entraperçu, abandonnant à l’amant de la mégère le temps de démêler les fils de sa mémoire pour lui donner de la consistance. Au fond, la seule chose qui fut vraie à cet instant sur le visage du jeune homme fut la réelle surprise de trouver Judas, beau, même à ce point défait. J’avais malheureusement la tête ailleurs, s’excusa-t-il, laissant un sourire doucement contrit, tendrement servile, définitivement bien dessiné sur cette bouche polie, étirer ses lèvres quand il poursuivait. Veuillez me pardonner de vous avoir bousculé, Messire Von Frayner. Le buste se pencha, respectueux, réplique exacte du geste qui avait accueilli le nobliau au bordel, tout en reculant d’un pas, signifiant son empressement à poursuivre sa route. Rentrez vous aussi chez sa Grandeur ?, lui demanda-t-il en sous entendant que ses pas l’y menaient, innocent comme seuls les chats savent l’être.

Aconit...
    [J'suis poli, courtois
    Et un peu fort bourré
    Vous m'auriez vu hier
    J'étais formidable]
    **


Peu enclin à la conversation, le seigneur se retourna sur l'obstacle humain à son élan inhumain. Les traits avaient tiqué au moment même de l'impact, comme mêlés de colère et de lassitude, les zygomatiques crispés et le regard vide pourtant de tout émoi. Quoi encore? Les gants de cuir s'emparèrent du col du chat fuyard et pressé dans la foulée, geste soumis à l'impulsion de son état de nervosité extrême, irréfléchi et machinal. Il mit un centième de seconde à reconnaitre le jeune homme qui s'était trouvé bien malheureusement pour lui sur son chemin.

Le tenancier du dernier bordel où il avait trainé sa carcasse. Les émotions se mêlèrent sur le faciès buriné de la tournure des évènements, comme si le repli dépeint par des sourcils gravement froncés flirtait avec une peur jaspée de dégout. Il le dévisagea en le repoussant, l'épilogue de sa soirée cousu sur la moindre de ses expressions. Que faisait-il là, ce déjà vu? Sortait-il de chez la Cholet? La... Putain aux bonnes manières, cette "Grandeur" dont l'évocation lui arracha un hoquet de mépris? pouvait-elle désormais recevoir des amants sous son toit? Puisque le poupon n'avait pas été assez visible, évident, pourquoi réfuter la présence d'un géniteur sous l'édredon de la Venelle Trompette après tout?

L'énonciation de son nom n'avait fait qu'épaissir le halo de violence qu'il émanait, renforçant l'idée qu'entre les murs de cette ville il était le seul à ignorer. Sujet de cancanneries sans doute, de murmures à la messe et de ragots sous les éventails, la sensation d'être su de tous sans rien connaitre du monde n'apaisa rien. Empressé, il ne prit même pas la peine d'associer la mémoire contigüe aux hommes menés à satisfaire une clientèle ou un public... La voix cassée sonna d'un feutré brutal et bizarrement rétroactif, comme elle le faisait parfois pour ses sacro-saints chiens, le vin aidant.


Drängen Sie sich...!*

Il chassa l'insidieuse idée que ce presqu'inconnu ne soit impliqué de près ou de loin dans l'affaire de l'oprobre. Chimera pouvait bien se faire prendre le ventre par tous les envieux de Vannes, elle ne s'offrirait pas à un tenancier de bordel... Judas n'étant pas au fait de l'occupant nouveau de Cholet, trop empressé aussi pour réfléchir à toutes les possibilités de liens liant le comptable et la rousse, en l'écrin de la nuit il reprit sa funeste et solitaire progression dans une quinte de toux lui faisant presque monter l'écume aux lèvres. Il avait un équilibre et des vérités à rétablir.


* Poussez-vous...!
** Formidable , Stromae
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--_alphonse_tabouret.



Repoussé, autant qu’attrapé par la moue mauvaise, par cette sensation d’avoir ramené Von Frayner dans une réalité bien moins vivifiante que celles que ses tempes lui dictaient et par ses mains qui venaient saisir le col jusqu’à faire lever le menton, le chat se fit témoin fasciné de la façon dont les sentiments affleuraient sur le masque pourtant si posé qu’il avait entraperçu à l’Aphrodite.
Oui Judas était beau, colérique, terrible, perdu, et laid, merveilleusement, d’être aussi humain, vacillant, emporté, et dans la seconde qui les suspendit tous les deux, Alphonse eut l’impression de voir un soleil se fissurer à bout de bras, trop subjugué pour craindre que la rage ne l’emporte et ne s’abatte, chat idiot qui, depuis la mort de Quentin, narguait la rage des autres dans l’espoir simpliste que la vie fasse plus mal encore que la mort.


Drängen Sie sich...!

L’ordre tonna, affleurant le long d’intonations familières dans leur âpreté gutturale, plongeant un instant le brun dans un flot de souvenirs serviles et douloureux, tous plus désagréables les uns que les autres, enchainant l’espace d’une seconde le visage du Von Frayner à celui de son père, laissant percer une grimace de surprise qui brula l’orgueil du chat à s’être ainsi laissé surprendre.
Cette manière d’exiger en sachant que l’on serait obéi avait tout pour susciter chez Alphonse la nausée la plus brutale et ce fut pourtant la curiosité qui poignarda le chat en faisant vibrer à son ventre un nœud œdipien. Rien n’aurait su lier la carcasse pataude, grossière et ventripotente du père Tabouret à l’élégance racée du trentenaire, et pourtant, il demeurait chez l’un comme chez l’autre cette étincelle fascinante d’une autorité qui ne souffrait pas la compromission, une force méprisable et irradiante qui ne ceignait que peu de fronts quand elle était aussi absolue, pesant à faire pencher la tête du commun des mortels, amenant les élus à s’amouracher d’une perversion vorace pour contenter la faim. Sept ans avaient passé depuis qu’il avait quitté les Flandres, la chair et l’orgueil mis plus bas que terre, se heurtant tour à tour à l’illusoire, puis à la réalité, fragilisé mais reconstruit par ses propres mains, chichement, mais librement, amenant le chat à une évidence muette dans le désir absolu qui le tiraillait de vérifier qu’il n’était plus ce gamin apeuré qui avait choisi la fuite plutôt que la sentence du patriarche.

Relâché dans un mépris qui n’appartenait qu’à ceux qui se sentent blessés, l’amant de la mégère chassa l’insignifiante présence du félin de ses pensées en reprenant sa marche, les veines enflant d’une bile qui perlait jusque dans l’air ambiant. La silhouette reprit sa course, son chemin de croix, enfonçant lui-même les aiguilles d’une vérité qui avait le gout du mensonge, abandonnant le chat dans sa ruelle, à sa surprise et à ses propres pensées, un sourire pernicieux étiré aux lèvres, les sens délicieusement aux aguets.


Judas, incarné par Annelyse


« Certaines personnes disent que je suis atroce, mais ce n’est pas vrai. J’ai le coeur d’un jeune garçon... Dans un bocal sur mon bureau ! »

de Stephen King


Les gants referment l'huis de la demeure silencieuse, il est si tard. Aucun bruit ne filtre dans la maisonnée, si ce n'est celui des pas de Judas et le chuintement d'une porte qui se referme. Une odeur de boeuf au verjus accueille les narines seigneuriales, et contre tout attente l'estomac se soulève dans un spasme inattendu. Il est fascinant de voir à quel point l'homme dans sa nature peut somatiser le gruau bouillonnant qui emplit sa cervelle... Combien faiblesse humaine peut s'emparer de tout un être, et plus encore. Même le met favori du Frayner préparé par les soins d'un Taillevent virtuose pourrait à cet instant là le faire rendre sur le chiche tapis de l'entrée. Le gaucher pose le cuir de sa main sur sa bouche, afin d'épargner l'ouvrage délicat. Quel sacrilège d'abimer le superflu...

Le palpitant malmené pulse à la tempe brune, la tension qui biaise son calme le fait s'emballer. La silhouette raide parcoure le court chemin la séparant des cuisines, toujours bâillon délibéré aux lèvres. Il y découvre un grand casseron bouillonnant à petit feu, dans le foyer d'une cheminée ronronnante, sans doute laissé là par le maistre des lieux. Le cuisinier de la Dénéré-Malines sait parfaitement son affaire, la cuisson tendant toujours à friser la perfection. Judas contourne l'objet de sa nausée inhabituelle, la vue du délice lui vrillant finalement plus encore les tripes. La main libre abandonne le ventre pour un plan de travail ordonné, glisse sur les entailles centenaires qui lui donnent cet aspect si abrasé. La pulpe de ses doigts soudain si sensible sous le fin cuir révèle chacune de ces aspérités, comme si elle découvrait le sens du toucher pour la première fois. Le mâle est à fleur de peau, se saisissant du plus ouvragé couteau. Judas louvoie jusqu'à retrouver l'air plus épuré, moins chargé des fumets pourtant si doux, à l'extrême nord de la maison.

Lorsque la main libère enfin les lèvres sans consistance, le seigneur glisse la lame dans sa botte, attentif au moindre tressaillement trahissant la présence enfantine. Une seconde, il détourne les yeux dans la pénombre vers la chambrée de l'amante. La Maitresse. Quelle folie n'a-t-elle pas éveillée... Il s'approche du seuil, tendu, Chimera devra prier son salut. Quelques mots jetés à leurs correspondances passées reviennent.

" Puisque je vous dit que je ne peux occire sans vous savoir derrière tous mes combats. [...] Amour ou haine, qu'importe, pour vous garder je préfère faire feu de tout bois. Chez vous je me ferai diable en sa demeure, bientôt.

Vostre visiteur lointain.
Ad Burgundiae Fidelis,
Faict en la campagne Berrichonne un jour du mois de décembre de l'an de grâce 1460 et signé de ma main,

Judas Gabryel Von Frayner,
Seigneur de Courceriers et de Miramont,
Petit seigneur d'une Chimère aux grands heurts. "



La porte entrouverte filtre un maigre filin de lumière. Elle ne dort pas. Il entre sans frapper. Ici, il est chez lui. Dans le corps de Chimera, il est chez lui. Et dans les torts de Chimera, il est chez lui.

Alienor_de_sabran
Aliénor dort. A la Venelle, tant qu'à faire. Invitée à dormir une fois, deux fois, et puis perpétuellement, un peu. C'est quand même mieux qu'à l'auberge, avec Papa. Tournée, et retournée dans son lit, elle a encore le sommeil d'une enfant, celui que rien ne perturbe ou presque. Une jambe par dessus les couvertures, l'oreiller valdingué au bas du lit, et un bras en travers de la tronche, elle rêve à une course entre un cheval et Jean-Baptiste. Et bizarrement, c'est Jean-Baptiste qui gagne.

Et puis on la secoue. Elle ouvre un oeil, et accueille Alix d'un gracieux :


- Mmmmbl !

Ouais, tu m'déranges là, copine.

Mais bon. Elle sent que quelque chose ne va pas. Alix ne l'aurait pas réveillée comme ça si elle avait juste eu un truc à lui dire. Qu'on parte ? Mais qu'est-ce qu'elle racontait encore ?

Le deuxième oeil s'ouvre, et elle consent même à s'asseoir sur son auguste séant.

Qu'on parte. Et manifestement, c'était pas une blague, le ton suppliant était de mise. Froncement de pif.


- Kesta fait encore ?

Fallait pas qu'elle espère sans tirer sans entendre mademoiselle la Vicomtesse râler, pour la forme du moins. Parce que quelque soit la réponse, elle est déjà sur ses pieds, cherchant à tâtons de quoi se couvrir la couenne.

- Attends que j'trouve mes affaires hein... Et puis on va à l'auberge pour que je prenne le reste, et puis on avise. Tu veux aller où ?

Parce que bon, c'est pas l'tout de partir, encore faut-il connaitre son point de chute.

Chemise de nuit ôtée et nippes enfilées à la va-vite, la Sabran est prête. Et glisse sa main dans celle d'Alix, pour la réconforter, un peu. Pour qu'elle sache qu'elle serait toujours là pour elle, quelque soit la connerie faite.
Alix_ann
Elle se mord la lèvre. Elle ne se sent soudainement plus à sa place, à cet endroit. Bien qu'Elisabeth occupait une partie distincte de celle qu'occupait Chimera dans la tour. Le genou d'Alix se met en branle, nerveusement. Le bruit de grincement des planches sous ses pieds lui hérisse le poil. Judas est peut-être déjà en route pour la Venelle... mais ce qui a le don de l'inquiéter encore plus était la tranquillité avec laquelle Alienor se préparait. Elle fondrait bien en larme à l'instant devant le constat qu'Alienor se taisait, pour elle, alors qu'elle l'avait réveillée en pleine nuit et était tout à faire prête à la suivre dans sa cavale. A moins que ce soit l'hypothèse de croiser Judas à la seconde, ou l'empreinte glacée de ses mains serrant son cou.

Elle se retourne, trouvant soudain très important d'allumer une bougie. Elle n'a pas peur du noir, mais cette nuit-la il lui était insupportable.

Elle ne se décide pas à parler tout de suite, elle ne sait pas trop quoi dire, quoi taire...


-« J'ai rencontré Judas en taverne... »

Alix reste concentrée sur sa bougie, n'osant pas tout de suite affronter le regard de son amie.

-« Ça... s'est pas très bien passé. »

Elle lisse les pans de sa robe, allant jusqu'à un autre coin de la pièce pour saisir elle aussi quelques affaires. Puis se retourne face à Alienor, tripotant un peigne, ne tenant plus bien en place.

-« Pour être honnête je crois que je l'ai bien cherché... je ne sais même plus de quoi c'est parti... »

Et de trottiner juqu'à un sac pour y ranger ses quelques breloques.

-« Mais il vaut mieux que je parte un peu pour l'instant. »

Elle saisit la main d'Alienor et sourit franchement.

-« Merci hein... puis très vite, comme gênée Moi j'irais bien là où y'a des trucs bien. Tu sais où y'a des trucs bien? Tu penses qu'ils font la guerre quelque part? Tu veux aller où? On à qu'à aller sur les routes rejoindre Tynop ! Ou on a qu'à aller retrouver le gars à Rieux qui fait des dessins sur la peau... ou sinon on peut aller rejoindre Jenifael, ou Lothar ! T'as une idée ? »

Elle déballe sur un ton très l'air-de-rien, pas du tout l'air de je-viens-de-me-fritter-sévère-avec-le-mec-qui-pinnait-ma-mère mais plutôt celui de tu-penses-que-c'est-où-que-ça-s'passe-ces-vacances?
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Chimera
[Après le déménagement et un temps de réadaptation, hop!]
    « Qui conçoit en secret accouche en public. »*

Il avait su. Bien sûr qu'il avait su.
Non devin, elle comprend -bon barde- au son du pas que la vérité qu'il était seul à ignorer lui était enfin parvenue. Maudite passivité. Elle s'était pourtant promis de le conduire ici, Hercule en plein chantier pensant pouvoir contrôler son trajet, pour lui dire elle-même. Foutaises. Elle le lui aurait caché, à grands coups d'élans passionnés, distractions doucereuses à l'amant ainsi confiné. Elle le lui aurait caché, monopolisant chacun de ses instants et muselant pour taire l'affaire le monde entier s'il avait fallu. Ne pas choir aux yeux de Judas, demeurer là, sur ce piédestal qu'il lui avait bâti sans qu'elle en comprenne l'architecture, y demeurer fichée en négligeant les instabilités corollaires, amants entêtés, gamins capricieux pour leurs raisons propres. Lui fuir ce qu'il avait, elle embrasser ce qui la torturerait.
L'heure était venue. Consciemment plus qu'in-, elle avait frappé au coeur. De l'enfant il avait négligé la piste, et cette piste là elle avait explorée, tenue par un serment autrement contracté, maintes fois regretté, mais toutefois honoré. Quoi? De la fidélité? A toi? Ta présence ici même est le pourfendeur de l'idée-même, et tu viens sermonner?
Tu peux, car parole je t'ai donnée.

Mens-moi encore, en disant tout en furie que tu ne me mens pas. La furie aide à forcer les vérités. La fois dernière, à l'issue, tu m'as épousée. Cette fois-ci, que feras-tu? Mens moi, que je puisse affirmer à celles qui frissonnent à la simple évocation de ton nom quand je ne peux le prononcer qu'avec tendresse que tu feras mon bonheur, et leur mentir à mon tour. Je t'ai choisi pour ça, grand bêta, pour que tu ne le fasses pas. Remplis donc ton ouvrage, que faudra-t-il que je fasse, moi?

Elle aurait pu lui dire lors de sa dernière visite. Celle du lien. Il aurait été capable de la réclamer, encore et encore, alors, jusqu'à déloger de son sein la graine de l'autre arbre. Bien sur que non, elle n'aurait rien dit. Pourquoi donc? Il était l'homme lié. Elle, alors, n'avait de comptes à rendre qu'à des serments sur dragons bâtis.

Longue est la méditation antérieure à la rotation, mais l'heure finit par venir où les yeux -traces aimantes, déguerpissez!- résolument impassibles se fixent sur le maître de céans. Le corps, déjà, est en charpie, merci aux dieux qu'il soit assis.


    "Judas ! lui cria-t-il, tu sais ce qu'on m'estime,
    Hâte-toi de me vendre, et finis ce marché :
    Je suis souffrant, ami ! sur la terre couché...
    Viens ! ô toi qui, du moins, as la force du crime!"**


- Salut à toi, Bellérophon.

Elle ne le craint pas, ayant déjà plus d'une fois pris les roustes d'amants jaloux de n'être pas uniques. Avec de la chance, le tutoiement le mettra dans une rage suffisante pour qu'il éclate vite et bien, et incarne, en mari docile, le héros pourfendeur des chimères invoqué.
Il n'y a pas de secret qui ne soit appelé à être révélé un jour. Chimera est au moins aussi crédible dans son rôle de conspiratrice que Judas dans celui d'époux fidèle. Elle le savait, au point de n'avoir fait aucun secret de son état.


    Mais Judas s'en allait, mécontent et pensif,
    Se trouvant mal payé, plein d'un remords si vif
    Qu'il lisait ses noirceurs sur tous les murs écrites...

Elle le sait. Il n'est pas encore là qu'il est déjà parti. Pour le meilleur et pour le pire.

* Proverbe Turc
** Gerard de Nerval, Le Christ aux Oliviers

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Judas, incarné par Chimera

    Marteau d'argent ouvre porte de fer - Proverbe Français.


Mais le tutoiement n'agit pas, ou peu. Il a pris l'habitude de cette familiarité ponctuelle dans la bouche de celle qui aime se permettre. Dans les moments les plus opportuns, toujours, Chimera sait comment user de mots. Comme si sa langue était le prolongement de son bras, fourchue et longue, saisissant tout ce qui était saisissable en Judas. Rousse veut se souvenir que pour avoir peur d'un diable, fallait-il encore ne pas être succube. Il referme la porte, le plus soigneusement du monde. Comme on mettrait le coussin sur une bouche pour étouffer un cri. Comme on assènerait une gifle à une enfant blonde trop braillarde. Fermer des portes revient toujours à se permettre d'exulter sans public.

Pleine d'Ironie, et donc sans armes, elle le salue. Il ne le lui rend pas. N'est-ce pas Bellérophon qui a occis la Chimère? Ce matin encore il louvoyait entre ses cuisses, d'où elle avait tiré l'affront personnifié. Les plus laides créatures étaient engendrées par les plus séduisante, souvent, et Chimera ne dérogeait pas. Il avança à sa hauteur, jusqu'à ce qu'il dût baisser ses yeux pour l'observer. Ce visage faussement serein, combien de fois l'avait-elle arboré? De souvenir, c'était ce qui l'avait séduit, et en creusant un peu même, la froideur qu'elle réservait à ceux qui pouvaient l'atteindre. Certains pensent Judas incapable de contenance, dans la colère. Loin s'en faut. Le gant parvint au menton blanc, surmonté de boucles rousses qui de tout temps avaient su attendrir ses yeux sombres.

Regarde-moi. Depuis quand joue-tu des batailles que tu sais déjà perdues, Dénéré? Car "Malines" serait mal associé , cette fois. Regarde moi.

Les doigts se targuent se faire araignée, grignotant de leur crochu le bas de ce doux visage, de pouvoir s'enfoncer dans la chair de ses joues pleines et d'y faire ses stigmates dans une morsure impulsive. Pourtant l'attaque se réserve. Il avait déchargé la plus garde partie de sa rage sur l'infante, et tout son mépris sur Alphonse. la Rouge devenait une porte enfoncée d'avance.


Où est Morvan Yann?

Car c'est ainsi que se nomme le secret. Voici nommé le Polichinelle. Les desseins les plus fous peuvent tout aussi bien s'accomplir dans la simplicité. Le ton moins sec que les yeux de son illégitime moitié et la voix plus feutrée que toutes les manoeuvres Bretonnes... Frayner suinte une clémence dont il ignore tout. Il a refermé la porte. Après cela, tout peut bien s'accomplir, même les miracles.


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