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[RP Fermé] Here comes the sun (*)

Alphonse_tabouret
Little darling, it's been a long cold lonely winter
Little darling, it feels like years since it's been here
Here comes the sun
Here comes the sun, and I say
It's all right

(*) George Harrison



Sous les doigts d’Alphonse, le tapis était frais, doux, moelleux, et chaque brin qui touchait sa peau avait un parfum de soie dont il n’arrivait pas à savoir si elle était liquide ou solide. Étalé de tout son long au milieu du tapis de son bureau, navire voguant par terre à la manière d’un bateau ancré mais doucement ballotté par la houle, le comptable gisait, les yeux mi-clos, le visage étiré d’une moue éclairée et pourtant pensive. Mou. Il se sentait mou et pourtant parcouru d’une édifiante énergie qui massait son corps tout entier d’une chaleur aussi agréable qu’un soleil printanier… D’ailleurs les soleils existaient dans la pièce, il en voyait deux sur le bureau et il n’aurait cru personne lui disant qu’il ne s’agissait que des bougies sur leur pied.
Si en elle-même la position était suspecte pour le chat qui ne se lovait que dans les coins les plus étriqués pour être sûr de n’être surpris par rien, ce qui restait le plus édifiant au fond, était la présence d’Adryan juste à ses côtés.


-Vous aviez raison…, commença Alphonse d’une voix alanguie par une bouche pâteuse et des réflexes décélérés, prenant conscience du coton sans pour autant s’en offusquer, comme si la perception altérée qu’il portait sur le monde avait, à cette heure-ci, sa plus pleine justification. On dirait vraiment une tête de chameau, acquiesça-t-il enfin, fasciné, les yeux rivés au le plafond sur lequel les ombres projetées prenaient des accents d’envoutements dans leur fébrilité. L’immense fenêtre était grande ouverte et la brise passant dans la pièce faisaient vaciller les lueurs par intermittence, amenant le comptable à une précision empreinte d’une vérité qui laissa la stupeur sur son visage quand il pointait le doigt vers le plafond. Un chameau qui boit…

Le jeune homme se redressa sur ses coudes et chercha son verre pour le trouver au côté du Castillon et finissant le fond de bourbon qui y trainait, égrenant une nouvelle formulation à ses lèvres, mais ne doutant pas une seconde qu’il serait compris. Si en temps normal, le plus atypique chez ce duo non consenti était leur facilité à saisir chez l’un et chez l’autre le déploiement d’intentions dans l’avarie de mots dès lors qu’il s’agissait de l’Aphrodite, à cet instant ci, ce n’était pas cette osmose insupportable et pourtant précieuse qui les liait.
La coupable se trouvait dans la bouteille de bourbon qui, à moitié entamée, siégeait, triomphale à portée de leurs mains, diluée quelques heures plus tôt sans qu’ils n’en aient vent, par la main malicieuse de l’herboriste. Le mystère resterait certainement entier à moins d’un peu de déduction pour qui connaissait le caractère malicieux de Fleur, mais pour l’heure, l’esprit alerte du chat était en berne, et un sourire aux lèvres, remplissant son verre, les gestes engourdis, en renversant sur ses doigts avant de les porter à sa bouche pour les lécher, il demanda, de but en blanc, innocent autant que drogué :


-Et ça se monte, vous dites, comme un cheval ?

_________________
--Adryan
[Follow her down to a bridge by a fountain,
Where rocking horse people eat marshmallow pies.
Everyone smiles as you drift past the flowers,
That grow so incredibly high.]*



Affalé sur le tapis, chemise débraillée, rien, pas même la plus sournoises des bravades n’aurait pu faner le sourire serein étirant les lippes paisibles du Castillon. Lui aurait-on seriné que d’ordinaire il fuyait systématiquement la présence du comptable, que sa seule réponse aurait été un rire tonitruant et une accolade assortis d’un « Ne dites pas de bêtises. J’aime le monde entier ! » Et oui, si Alphonse était drogué, Adryan était tout autant intoxiqué, que la vie était belle ! Certainement dès le lendemain, une fois leurs esprits retrouvés, les deux hommes seraient furieux, égratignés dans leur fierté d’avoir pu être bien l’un avec l’autre, mais ce soir là, dans leur doux délire partagé, plus rien n’existait qu’une tache au plafond et deux soleils radieux.


« Vous aviez raison. On dirait vraiment une tête de chameau. Un chameau qui boit… Et ça se monte, vous dites, comme un cheval ?»


D’un regard rougi, les paupières basses lui conférant un air vaguement léthargique quand pourtant ses sens s’affutaient à tout ce qui accrochait son attention, accoudé tel un romain en pleine orgie, il tourna la tête vers son acolyte d’un soir, l’observant se lécher ses doigts. Adryan fronça les sourcils réduisant ses yeux à deux fentes brillantes en découvrant une goutte abandonnée sur le pouce du flamand. D’une lenteur toute agaçante pour qui ne partageait pas leur état, le Castillon, englué de coton, saisit la main coupable et porta le pouce complice à sa bouche, le suçant longuement, méticuleusement, ronronnant d’un plaisir non dissimulé.

Ne rien gâcher…


D’une main plus tâtonnante, la bouteille délaissée un court instant fut portée à ses lèvres assoiffées réduisant encore d’une pleine lampée son contenu. Reposant le trésor ambré dans une concentration extrême, sa langue pâteuse vint cueillir les gouttelettes qui par inadvertance auraient pu se perdre à la commissure de ses lèvres quand, sans le savoir, la drogue, paresseuse et lourde, s’alanguissait encore un peu plus à son sang, amoureuse sangsue.

Bois le gazou, sa main pataude loupa l’épaule d’Alphonse sur laquelle il voulait donner une tape amicale et virile. Foutre de dieu... son bras s’affala sur le tapis… tu maigris à vue d’œil, le désert est traitre, c’est la première leçon, bois mon ami. Et il se laissa retomber sur le moelleux tapis qui sous la cambrure de son dos s’amusait à jouer le sable chaud. Il ferma les yeux un instant, savourant cette sensation qui lui manquait tant et qu’enfin il retrouvait. Mâchonnant, la bouche sèche malgré l’alcool, il releva enfin un bras incertain vers le plafond. Oui, lui aussi tu vois, il boit. Oui. Ca se monte, oui, mais regarde bien, pas vraiment comme un cheval. Regarde coulant doucement contre le flanc du comptable le cavalier n’a pas les jambes de chaque coté du flanc du méhari, mais les laisse pendre sur le cou. Tu vois, là, insista t-il en pointant son index. Ce n’est pas confortable, et surtout, surtout, si tu souffres du mal de mer, préfère le cheval, vraiment. Il tourna la tête, enrobant le visage du brun de son regard trouble. Tu préfères chevaucher quoi ? Je suis certain que tu es un cavalier émérite. Mais si tu veux monter ici, il te faut un chèche, les soleils sont bien traitres pour aller tête nues en plein désert, mon de père me l’a assez répété. Un rire idiot reflua de ses lèvres euphoriques, il n’aurait pas du le retirer en rentrant sur Paris. Lui, ce sont les nuages qui lui ont tapé sur la tête, parole de ma mère. C’est sacré la parole de sa mère n'est-ce pas? ricana t-il les joues gonflées pour retenir l’éclat d’hilarité qui à nouveau enflait dans sa gorge.


*The Beatles, Lucy In The sky With Diamonds
Alphonse_tabouret
Tonight we fly
Over the houses
The streets and the trees
Over the dogs down below
They'll bark at our shadows
As we float by on the breeze
(...)
Over the doctor, over the soldier
Over the farmer, over the poacher
Over the preacher, over the gambler
Over the teacher, over the rambler
Over the lawyer, over the dancer
Over the voyeur,over the builder and the destroyer,
Over the hills and far away…
.

Divine Comedy, Tonight we fly





Le pouce fut enfoui en bouche sans la moindre protestation, ni même une quelconque provocation ajoutée , Alphonse débordant d’une gratitude sans fin pour ce précieux conseil et cette application, l’attention toute aussi rapidement détournée par le flot de paroles dont le Castillon l’abreuvait.

tu maigris à vue d’œil, le désert est traitre, c’est la première leçon, bois mon ami

Vrai. Le chat jeunait sans savoir pourquoi depuis quelques semaines, ne se sustentant que du nécessaire, sans gout à la nourriture, humant dans l’air un fumet bien plus délicat qui accaparait ses sens et les faisait saliver. La leçon avait été faite récemment : il était inutile de se gorger de tout si on n’a faim de rien. De bonne composition, il n’en avait pour l’heure que l‘air un peu plus mince, mais comme le reste, il y aurait bien un jour où la jeunesse serait trop lointaine pour gommer les séquelles de ses propres leçons.
Et le conseil sembla si judicieux, le désert si traitre, qu’Alphonse opina, attentif, embué, ému de trouver si belle âme pour dispenser si importante vérité, suivant du regard la chute d’Adryan dans la prairie, dos à la soie grasse qui inondait la pièce, immense, à n’en plus finir.


Oui, lui aussi tu vois, il boit. Oui. Ca se monte, oui, mais regarde bien, pas vraiment comme un cheval. Regarde

Il regarda, émerveillé le plafond où la bête buvait quand le Castillon venait à son flanc, diffusant sa chaleur habituellement honnie et à cet instant illicite et factice, harmonieuse avec le reste du monde, et pour le retenir du vent lézardait le socle de verdure, le comptable posa sur lui une main affectueuse qui le brulerait le lendemain jusqu’à l’os, mais pour l’instant paresseuse et attentionnée, quand il levait le nez à leur ciel saharien.

... le cavalier n’a pas les jambes de chaque coté du flanc du méhari, mais les laisse pendre sur le cou. Tu vois, là...

Il était à douter que le chat comprenne le moindre mot de ce que disait Adryan, mais la voix seule du nobliau lui racontait une histoire où des animaux à bosses balançaient des cous hauts de plusieurs lieux où s’entassaient des cavaliers bleus et cela suffisait à ravir son âme. Et le discours se poursuivit, absorbant l’attention du brun qui délaissa la vision pour regarder le barman

Tu préfères chevaucher quoi ? Je suis certain que tu es un cavalier émérite. Mais si tu veux monter ici, il te faut un chèche, les soleils sont bien traitres pour aller tête nues en plein désert, mon de père me l’a assez répété

Alphonse voulut un chèche , là, de suite, et un chameau, ou un dromadaire, un qui buvait sous deux soleils pour montrer à Adryan qu’il n’avait pas le mal de mer, et un sourire fendit son visage d’une intensité vibrante à cette image surréaliste qui lui sembla la chose la plus belle qui soit. Cela aussi, il le regretterait, dès qu’il remettrait la main sur cette pensée. Fleur pouvait se targuer ce soir d’avoir créé une parenthèse paisible avant de déchainer le chaos le plus irascible qui soit au sein de la maison basse.

... il n’aurait pas du le retirer en rentrant sur Paris. Lui, ce sont les nuages qui lui ont tapé sur la tête, parole de ma mère. C’est sacré la parole de sa mère n'est-ce pas?

-Ta mère t’a fait beau, Adryan, lui dit-il gravement, sincèrement, laissant un infime temps de silence où ses yeux rencontrèrent le visage retenu de son parasite et qu’il n’éclate d’une risée sonore, rare, erronée et pourtant brulante de vie, en essayant vainement de dire au Castillon au travers de ses hoquets incontrôlés, que sa mère l’avait aussi fait avec un drôle de tête quand il se retenait de rire. Se reprenant à grand mal il se pencha sur le barman, appuyant ses deux mains sur son torse et vint lui jurer à quelques centimètres du visage : je te jure que tu es beau Adryan, je te le jure sur… Il chercha un instant et proposa en mordant la lèvre inférieure sans entamer son sourire félin, malicieux : … la tête de Dacien… Le rire reprit, moins violent mais tout aussi difficile à maitriser, laissant apercevoir l’éclat humide de joie de la flamme noire dans l’œil du chat. Il soupira, longuement comme pour se reprendre et jura en déposant un baiser frais et enfantin sur les lèvres du Castillon. Puis reprenant de la hauteur, le moelleux aux lèvres sans la moindre trace de brulure, s’assit en tailleur à côté du nobliau et affirma, revenant à l’essentiel : Et je n’ai pas le mal de mer !
_________________
--Adryan
[You are my drug boy
You're real boy
Speak to me and boy dog
Dirty numb cracking boy
You get wet boy
Big big time boy
Acid bear boy
Babes and babes and babes and babes and babes
And remembering nothing boy
You like my tin horn boy and get
Wet like an angel
Derail]*



« Ta mère t’a fait beau, Adryan, je te jure que tu es beau Adryan, je te le jure sur…»

Les joues dégonflées, le regard vaporeux perdu dans les onyx, le Castillon avachi se trémoussait de plaisir sous les flatteries que pas un instant il ne jugea tel. Tout ce qui pouvait sortir de la bouche du flamand était parole d’évangile et un sourire de profonde béatitude illumina jusqu’à ses prunelles, lui conférant l’air le plus idiot que jamais il n’avait du se placarder de sa vie quand le rire fraichement découvert, pur et vivant comme rien le berçait doucement.


« … la tête de Dacien… »


Le Castillon aimait tout, des mains sur lui, du rire, du sable chaud, il en aurait même embrassé le chameau écumeux pour lui dire combien lui aussi était magnifique, mais ce furent les lèvres du comptable qui s’offrirent les premières. Et, ô combien il les aimait elles aussi, si bien qu’une fois échappées, il suça les siennes, méticuleux, dans le désert, pas de gâchis, surtout pas du gout de cette bouche là. Oui, cette bouche là, il l’aimait, et d’ailleurs il aimait Dacien aussi. Et même le petit machin pas plus haut que trois pommes.


« Et je n’ai pas le mal de mer ! »

Alangui sur sa dune brulante, il scrutait de ses yeux à moitié clos par la lumière des astres solaires, son astre lunaire se redresser, chaton adorablement capricieux et turbulent s’éloignant de son ombre. Que je t’aime, tu sais ça, à la vie à la mort, je t’en fais le serment, tu es mon pote pour la vie. Oui ! Si l’avait eu en cet instant une once de raison, il aurait dévotement prié tous les dieux présents, passés et à venir d’effacer cette énormité rocambolesque et invraisemblable et de sa mémoire, mais aussi de celle du flamand. Toi aussi tu es beau tu sais ! Puis Dacien aussi, mais moins. Moins que toi, parce que toi, tu as des fesses à damner un saint. Il s’étira paresseusement, ronronnant d’un bien être intoxiqué mais si puissant à cet instant, puis se redressa sur un coude, détaillant Alphonse d’un regard morveux mais dénué de toute lubricité. Tu me laisseras les croquer ? Je le ferrai bien maintenant, car j’ai faim, mais tu ne pourrais plus monter à bosse de chameau et nous devons rejoindre l’oasis avant la tombée de la nuit… il jeta un regard pâteux à la bouteille à moitié vide, on va manquer d’eau. S’agrippant au bras d’Alphonse, il se redressa à son tour, imitant la position de son acolyte d’un soir. Faut y aller, et d’un geste approximatif, mais avec l’attention d’une mère pour son enfant, vint emmêler ses doigts au cordon de la chemise du brun, fronçant les sourcils de se trouver empêtrer dans les lacets jusqu’à y coincer son index. Rhhha, trop de vent ronchonna t’il en tirant sa dextre pour la dégager. Et enfin, après une longue bataille acharnée avec la chemise, celle-ci vaincue mais louable par sa ténacité rendit les armes, exemplaire de prudence pour éviter la déchirure. Les mains du Castillon s’engouffrèrent sur la peau découverte par le bâillement blanc pour libérer de la pugnace le torse du comptable d’une caresse fainéante et suave sur la courbe des épaules. Sans s’attarder davantage, il se défit de sa propre chemise et choisissant plus de simplicité, dans un sursaut de lucidité embrumé, la passa au dessus de sa tête. Mets ton chèche lança t-il, étrangement sérieux et concentré en commençant lui-même à enrouler une manche récalcitrante autour de son front.

* Born Slippy, Underworld
Alphonse_tabouret
I was swimmin' in the Caribbean
Animals were hiding behind the rocks
Except the little fish
But they told me, he swears
Tryin' to talk to me, to me, to me.

Where is my mind?
.

Where is my mind, The Pixies




Que je t’aime, tu sais ça, à la vie à la mort, je t’en fais le serment, tu es mon pote pour la vie. Oui !

-Mais moi aussi je t’aime tu sais, t’es mon ami, mon frère… mon chameau dans le désert, hasarda-t-il émerveillé de sa trouvaille, horriblement sérieux jusque dans le doigt qu’il agitait sous le nez du Castillon qui poursuivait.

Toi aussi tu es beau tu sais ! Puis Dacien aussi, mais moins. Moins que toi, parce que toi, tu as des fesses à damner un saint

Le flamand se mit à rire, léger comme un grain de sable lancé au vent, les mains nouées à ses chevilles, laissant son corps tressauter joyeusement.

Mais moi ça compte pas, je suis né pour tu sais. Petit on m’a tout désarticulé pour me remettre dans le sens qu’il faut pour que ça plaise aux autres, expliqua-t-il sommairement au nobliau qui, relevé sur un coude, lui faisait cet aveu sans éveiller la moindre lubricité chez le chat, ni même le moindre reflexe de pattes ou de griffes. S’il s’en souvenait le lendemain, le flamand se lamenterait des heures de ne pas avoir su profiter de cette occasion pour faire ployer l’arrogance du Castillon une bonne fois pour toutes, mais la mémoire sélective du félin et les trous de mémoire semés par l’herboriste tiendraient longtemps place forte sur certains cauchemars de cette soirée, il s’en rendrait compte au fil du temps.

Tu me laisseras les croquer ? Je le ferrai bien maintenant, car j’ai faim, mais tu ne pourrais plus monter à bosse de chameau et nous devons rejoindre l’oasis avant la tombée de la nuit… Le pragmatisme sonna comme une évidence… on va manquer d’eau. Le visage du flamand se décomposa, horrifié, raisonnant, logique, implacable: L’eau c’était la vie, et sans la vie, on mourrait… Terrible constatation… Il servi d’accroche à son frère d’arme, et attarda sur lui un regard tout dévoué à la cause quand il s’asseyait en face , pliant son corps souple en tailleur, corps chancelant, brumeux. Faut y aller . Alphonse opina de la tête quand les doigts du nobliau s’attaquaient au cordon de sa chemise, s’emmêlant, lamentablement, égrenant encore plus la soif au palais du brun maintenant qu’ils savaient qu’ils pouvaient mourir de déshydratation. Rhhha, trop de vent . Les onyx suivaient, lents mais incroyablement alertes, chaque mouvement se décomposant dans une lenteur fatale jusqu’à ce que le ventre n’apparaisse enfin, et se rendant compte qu’il avait retenu sa respiration tout du long, le chat, dénudé, aspira une grande goulée d’air salvatrice.
J’ai cru mourir, voulut il dire à Adryan dans un soupir soulagé interrompu par ses doigts à sa peau le chatouillant agréablement, baume frais et tentant à sa chair , délicatesse soudainement orientale dont il aurait aimé attarder la langueur pour le plaisir et il ricana, espiègle, un frisson dévalant son dos, oubliant la mort qui les menaçait toujours autant.


Mets ton chèche , lui ordonna le Castillon en se défaisant lui aussi de ses atours, révélant la finesse de son corps, laissant Alphonse subjugué, se rendant compte qu’il n’avait jamais vu Adryan nu, et si cette idée en temps normal l’aurait presque amené à la sanction personnelle la plus immédiate pour y avoir seulement songé, la découverte le laissa tout étonné et il annonça :

-Pourquoi je ne t’ai jamais vu nu ?, demanda-t-il en attrapant sa propre chemise sans diable savoir quoi en faire, tentant d’imiter Adryan en posant la chemise sur sa tête, essayant sans succès d’en faire un petit paquet, loin des subtilités de tissage demandé pour une telle application, les gestes trop approximatifs, le corps trop bercé, l’agilité échouée depuis bien longtemps aux portes de leur désert, et se mit à rire encore quand la chemise lui tomba sur le nez, brièvement perdu dans l’obscurité avant de s’en démêler difficilement. Toi, fais-le, demanda-t-il dans une moue adorable de l’enfant qui demande une friandise quand l’heure du repas approche, tendant sa chemise vers le barman, collant à son torse le tissu et sa main.
_________________
--Adryan
[Purple Haze was in my brain
Lately things don't seem the same
Actin' funny but I don't know why
Scuse me while I kiss the sky]*


« Mais moi aussi je t’aime tu sais, t’es mon ami, mon frère… mon chameau dans le désert, »

Aucun doute n’était permis, les intoxiqués paieraient bien cher leurs rires insouciants et leurs déclarations fracassantes. Aucun doute non plus sur le fait que si une souris avait glissé le bout d’une de ses pattes blanches dans le bureau du comptable, celle-ci à n’en pas douter aurait cru que le ciel venait de lui tomber sur la tête, ou que sa raison venait de s’écrouler, victime d’un sortilège nébuleux, dut à quelques lutins gouailleurs. La souris n’aurait d’ailleurs pas tort au sujet du lutin mais cela, personne ne le saurait, ou du moins ne descellerait ses lèvres à ce sujet.

Mais pour le moment, sous les deux têtes brunes, toutes ces conjonctures n’avaient aucune importance tant il leur semblait impératif de sauver leur peau des rayons trop ardents des deux soleils éblouissant leurs pupilles dilatées. La mine empruntée d’un professeur, le Castillon égrainait son savoir, fier de pouvoir prendre soin de son naufragé du désert, ou plutôt, cherchait désespérément à reproduire des gestes qu’il connaissant par cœur sans pouvoir cependant les mettre en pratique. Mais le flamand vint son aide, le sauvant, messie adulé, du déshonneur de ne plus savoir s’enrubanner correctement.


« Mais moi ça compte pas, je suis né pour tu sais. Petit on m’a tout désarticulé pour me remettre dans le sens qu’il faut pour que ça plaise aux autres, »

Les mots du brun plongèrent le Castillon dans une affliction profonde, l’imaginant poupée de chiffon, membres affublés de nœuds sadiques, la tête, comme celle d’un hibou, démantibulée pour regarder ses fesses, et compatissant regarda consolateur le contorsionniste contraint.

« Pourquoi je ne t’ai jamais vu nu ? »


La question lui semblait si évidente qu’il lui parut incroyable de ne se l’être jamais poser.


« Toi, fais-le »


Soudain dédaigneux de son sort, il laissa sa chemise se casser la figure au sol tout en chancelant sous la main qui se plaquait à son buste tout autant que sous la moue adorable du comptable. Si adorable, qu’il ne put que lui offrir un large sourire profondément attendri et dans un élan dégoulinant de fraternité subjuguée, le prit dans ses bras, tapotant doucement dans son dos. Ne crains rien, je vais le faire mon petit fennec doré. Il lui colla un baiser mou sur la joue et se recula prenant appui sur sa dextre pour ne pas basculer, se grattant la tête de la senestre quand la brulante et vitale question lui revenait. Je dirais que tu ne m’as jamais vu nu car tu ne me l’as jamais demandé. Il haussa les épaules dans une moue dubitative quand la réponse lui semblait pourtant si logique tant il lui semblait inimaginable de refuser quoique ce soit à son complice d’un soir. Et si quelques minutes auparavant, il avait suivi les mouvements du doigt du comptable en ouvrant une large bouge pour le gober comme une mouche, il resta immobile un long moment avant de demander comme une évidence. Tu le veux ? Mais avant, faut se protéger. Il reprit sa chemise et se la posa sur la tête, laissant les manches pendre de chaque coté de son visage, lui conférant une royale mine de cocker. Et se saisissant de la chemise du comptable la posa sur la tête du brun en égrainant les explications tout en montrant l’exemple. Sur la tête, puis autour du cou, annonça t’il en enroulant pataud une manche à la gorge jumelle. Et ensuite, autour de la tête, poursuivit-il en se saisissant de la seconde manche, un tour… ses bras se heurtant doucement au crane face à lui, deux tour… mais…. Ta tête, elle est trop grosse ! J’ai déjà pu de chèche… Effaré, il se recula tout en glissant le bout de la manche dans le premier tour et se recula, la mine soudain contrite avant qu’un sourire rayonnant n’illumine son visage. Sa coiffure ne ressemblait à rien, mais qu’importait, Alphonse resterait magnifique aux yeux du Castillon. Non, ta tête est parfaite, c’est la faute au tisserand, je l’embrocherais dès notre retour. Et se pâmant dans sa contemplation, tu es superbe, un vrai sultan. Et finalement gêné par ses improbables oreilles, il saisit les manches de sa propre chemise et les noua sous son menton. Tu es prêt ? Puis incongrus, d’autres mots jaillirent, réveillés par les paroles d’Alphonse mais que la drogue avait retardé à laisser émerger. Je n’ai pas été désarticulé, mais enfant on m’a fait regarder dans un sens. Et un jour , on m’a prit, soulevé, retourné, reposé, et j’ai du regarder dans l’autre sens. Alors, je manque de souplesse. conclut-il dans un ricanement.



Jimi Hendrix, Purple Haze
Alphonse_tabouret
I'm an alligator, I'm a mama-papa coming for you
I'm the space invader, I'll be a rock 'n' rollin' bitch for you
Keep your mouth shut,
you're squawking like a pink monkey bird
And I'm busting up my brains for the words

Moonage daydream, David BOWIE



Ne crains rien, je vais le faire mon petit fennec doré
Le rire perla aux lèvres brunes sous la forme d’un gloussement mi amusé, mi troublé, confiant à Adryan en ricanant doucement qu’on ne l’avait jamais appelé comme ça et répétant plusieurs fois pour en savourer toute la texture en bouche le qualificatif sucré comme un soleil de juin.
Je dirais que tu ne m’as jamais vu nu car tu ne me l’as jamais demandé. Tu le veux ? Mais avant, faut se protéger.
Les mains expertes mais alanguies d’alcool et enchevêtrées pas les drogues égrenaient les gestes quand la bouche proféraient les sons et Alphonse, disciple attentif suivait, beat d’admiration les lèvres d’Adryan tantôt s’arrondissant, tantôt se refermant, remplies de mille secrets orientaux. Remis à l’autorité du chamelier, le comptable pensait ne plus broncher quand son corps ondulait paresseusement au grès de ses vacillements incertains
Sur la tête, puis autour du cou. Et ensuite, autour de la tête, deux tour… mais…. Ta tête, elle est trop grosse ! J’ai déjà pu de chèche…
La mine contrite d’Adryan entraina la sienne. Cela s’achetait il, le chèche ? On en avait peut-être quelque part à l’Aphrodite, non ? On avait de tout à l’Aphrodite : des catins, des alcools rares, des drogues… Le mot perla à la surface de sa conscience, refroidissant brièvement ses tempes d’une lueur de raison que le Castillon balaya en poursuivant, plus enivrant que la logique et les affres qu’elle recelait.
Non, ta tête est parfaite, c’est la faute au tisserand, je l’embrocherais dès notre retour. Tu es superbe, un vrai sultan. Tu es prêt ?
Étonné par la sincérité, le chat laissa sa bouche prendre l’accent de la surprise et, rare, rougit doucement en baissant les yeux au sol, voulant passer une main à ses cheveux pour se gratter le crane mais trouvant à la place la sacrosainte coiffe et chassant vivement la main du trésor qu’Adryan avait tissé à sa tête
Je n’ai pas été désarticulé, mais enfant on m’a fait regarder dans un sens. Et un jour , on m’a prit, soulevé, retourné, reposé, et j’ai du regarder dans l’autre sens. Alors, je manque de souplesse.

Mû par un élan incontrôlable, qu'il oublierait la nuit même, le comptable se pencha pour prendre Adryan dans ses bras, calant sa tempe à la sienne et caressant le dos chaud de ses mains légères, mêlant la saveur de leur grain de peau dans une étreinte fraternelle.

-Les parents sont des monstres qui ne comprennent rien aux enfants, lui assura-t-il en embrassant plusieurs fois la joue du nobliau avant de cueillir son visage dans ses mains et de s’en approcher pour le regarder aussi droit dans les yeux que possible. Quand je serai grand, je laisserai mes enfants être tout tordu s’ils le veulent, et ils regarderont où ils en ont envie, commença-t-il, convaincu. Et ils seront souples, tu sais ! , lui jura-t-il dans un sourire. Biscornus et souples. Il se mit à rire, relâchant Adryan, retrouvant une assise bancale, même au sol et finalement se laissa tomber sur le dos, dans la soie brulante de l’herbe qui avait le parfum du sable. Je suis un sultan, clama-t-il dans un rire mourant avec une pointe d’insolence due à ce nouveau rang attribué par le Castillon. J’ai soif ! Fais -moi boire , ordonna-t-il en attrapant la bouteille de Bourbon, manquant d’en renverser une large partie mais conjurant in extremis ce qui aurait pu être leur porte de sortie à cet instant ci pour la tendre à Adryan. Nous partirons après, dit-il plus doucement, à la manière d’une promesse, corps étendu au sol, dont la respiration soulevait lentement le ventre nu
_________________
--Adryan
[Alone in the clouds all blue
lying on an eiderdown
yippie, you can't see me
but I can you
Lazing in the foggy dew
sitting on a unicorn
no fear, you can't hear me
but I can you
Watching buttercups cuff the light
sleeping on a dandelion
too much, I won't touch you
but then I might
Screaming through the scarlet sky
travelling by telephone
hey, ho here we go
ever so high]*



Embrassé, enlacé, dorloté, il ronronnait le Castillon, dos rond, sous les pattes de velours du chat.

« Les parents sont des monstres qui ne comprennent rien aux enfants. Quand je serai grand, je laisserai mes enfants être tout tordu s’ils le veulent, et ils regarderont où ils en ont envie. Et ils seront souples, tu sais ! Biscornus et souples. »

Ses sourcils se haussèrent, incrédules. Déjà oublieux des paroles qu’il avait prononcées quelques secondes auparavant, il se demandait de quoi son fennec doré pouvait bien lui parler. Mais qu’importait, quand les mains douces se faisaient réceptacle de son visage, Alphonse pouvait bien perdre la tête tant qu’il tenait la sienne.

« Je suis un sultan, J’ai soif ! Fais-moi boire. Nous partirons après »


Subjugué, sourire béat accroché aux lèvres, il suivit les mouvements décomposés du brun chutant sur la dune rouge, le regard happé sans pudeur par ce ventre nu qui se soulevait doucement. Hypnotisé il y posa sa main, effleurant plus que caressant. Tu es comme une dune, une dune qui enfle doucement sous le soleil, qui respire avec le vent, mouvant comme le sable qui glisse entre mes doigts. Quand j’essaie de t’attraper, je ne peux pas, mais j’en ai envie tu sais, j’en ai vraiment envie. Mais rien n’est plus beau qu’une dune mouvante, parce que c’est dangereux, alors je te laisse m’échapper. D’une main hagarde il saisit la bouteille, déclenchant dans le verre poisseux de dégoulinures un raz de marée contrôlée par un ultime instinct de survie. Pouffant de rire, minant chancelant une courbette trop fleurie, main libre sur le poitrail, tel un serment il déclama : Ô Sultan! Sultan! Pourquoi es-tu Sultan? Renie ton père et abdique ton nom; ou, si tu ne le veux pas, jure de m'aimer, et je serai ton oasis.** Et fronçant les sourcils plongea un regard trouble dans les mirettes noires du flamand, et si tout ça est trop compliqué, ouvre la bouche, ça suffira vas. Toujours assis en tailleurs, attendant que son prince des sables s’exécute, il prit une grande goulée, vidant la bouteille, et sans en avaler la moindre goute, se pencha maladroitement vers les lèvres assoiffées. Dans une surprenante douceur, il y déposa les siennes, les entrouvrant à peine, juste pour laisser s’écouler une fine fontaine droguée à la bouche du flamand. Méticuleux et appliqué dans sa tâche, il ne laissait s’échapper l’eau pernicieuse que lorsque la précédente gorgée était avalée. Laisse m’en un peu murmura t-il avant que sa bouche ne reprenne celle de son prince des sables, happant doucement, léchant la moindre goute alcoolisée avant que sa langue, assoiffée, affamée, ne vienne s’abreuver longuement à celle du Sultan d’une nuit. Les yeux plus troublés que troubles il se redressa, désespéré. Partons, nous n’avons plus une seule goute d’eau soupira t-il en agitant la bouteille vide avant de la jeter par-dessus son épaule. S’accrochant à la table, il tenta de se relever mais retomba à la renverse, Par tous les Saints, une tempête de sable, viens, accroche toi à moi, et pointant le fauteuil du doigt, le chameau est juste là, accroche toi ! Et plissant les yeux, redoubla d’effort pour se redresser et vaincre la tempête droguée.




*Pink Floyd Flaming
** Divagation sur Roméo et Juliette de William Shakespeare (toutes mes excuses pour le sacrilège XD)
Alphonse_tabouret
Trophallaxie : mode de transfert de nourriture utilisé par certains insectes hyménoptères.
Ce comportement consiste en l’échange réciproque de nourritures, ou en stimulations tactiles et chimiques entre individus au sein d’une colonie.
Chez les insectes, les résultats de la trophallaxie qui repose avant tout sur des facteurs biologiques et héréditaires, sont forcément sté-réotypés, alors que chez les mammifères, et bien davantage encore chez l’homme, très dépendant de la culture environnante, ils sont très variables.
(…)
Quoi qu’il en soit, la coopération concerne surtout les systèmes sociaux les plus élaborés : individus se déplaçant de manière unitaire, demeurant ensemble et manifestant une « division du travail » et une coopération. Elle n’existe donc vraiment qu’au sein d’une structure sociale déjà basée sur:
- des distinctions de castes et de classes ;
- des statuts hiérarchiques ;
- une défense territoriale commune ;
- un stockage des denrées alimentaires ;
- une protection mutuelle contre les prédateurs ;
- une chasse en groupe ;
Souvent, une interaction sociale très complexe intervient aussi dans le contrôle coopératif et la compétition inter-individuelle au sein du groupe. Coopération et compétition existent conjointement, en général sans s’opposer de façon simpliste.

http://savoir.fr/processus-d-organisation-et-trophallaxie-dans-le-monde-animal





Et il se nourrit.
Tout d’abord à la servitude bienveillante d’Adryan à l’exaucer avec l’enthousiasme de la survie et de la drogue, puis, à ses lèvres déversant à sa gorge le liquide ambré réchauffé de son palais pour enrober tout le sien, les secondes s’abimant , sans plus aucun sens, au même rythme que l’alcool jusque dans le baiser qui scella l’échange. D’abord tendre, voluptueux, étiré dans la chaleur du désert, il prit lentement le gout d’un oasis, aussi frais que frémissant, amenant le flamand à perdre une main hagarde dans les cheveux du chamelier, à s’enivrer des épices de son souffle, attardant la brulure venteuse de cette ivresse-là dans un léger gémissement de plaisir, dévoré avec délice par les crocs du Castillon, laissant le chat perdu d’extase au milieu du sable de soie.


Partons, nous n’avons plus une seule goutte d’eau

Tu embrasses bien, fit le jeune homme en passant ses doigts sur ses lèvres comme pour toucher le picotement que le Castillon avait laissé. Parfois je voudrais que tu m’embrasses encore et d’autres fois, que tu en meures, poursuivit il à haute voix, étrangement absent, replié un instant sur une réflexion qu’il semblait découvrir, mais parlant pour lui en se redressant difficilement, s’appuyant d’abord sur un coude, regardant le monde tanguer, interrompu par la chute du nobliau qui avait essayé de se rattraper aux hauteurs habituelles.

Par tous les Saints, une tempête de sable, viens, accroche toi à moi,

Le jeune homme tourna la tête, cherchant hagard la tempête sans la voir, tendant une main vers Adryan pour l' attraper et ne point le perdre. Poids quasi mort au bout du bras, ce fut un enfer pour que le Castillon ne parvienne à se lever, ramenant à lui un Alphonse titubant, la tête dodelinant doucement, bercé par le coton de plus en plus épais du bourbon et de son parfum d’Ortie.

Je n’ai pas peur de mourir, lui confia-t-il d’abord grave en plantant ses yeux dans les siens, capturant sa joue d’une main pour être sûr qu’il avait toute son attention. Un sourire naquit à ses lèvres. Je suis déjà mort une fois, lui expliqua-t-il sur le ton de la confidence… A bien y réfléchir, je suis mort plein de fois même… A chaque fois qu’il avait abandonné son âme pour sa survie… mais une fois plus que les autres… Il hocha la tête pour appuyer ses dires, un air certain absolument désarmant au visage, une langueur anglaise dans le dessin de ses lèvres. Alors le sable, ça ne me fait pas peur, et tu es là… Tu ne laisserais pas mourir ton sultan, toi… Le sourire s’élargit, plissant la lueur des yeux d’une gaité à ce point sure d’elle qu’elle en avait de airs royaux avant que ne tombe la sentence : Tu vas me ramener n’est-ce pas ? Ils ont besoin de moi là-bas… La réalité se mélangeait à l’hallucination sous ses formes les plus variées. La main toujours sur la joue gagna la nuque pour y dispenser une caresse quand la bouche venait conquérir celle du chamelier à la manière d’un avant-gout de récompense. Ramènes moi… La langue glissa inquisitrice, à la recherche de celle du nobliau, s’y attardant jusqu’à ce que le souffle leur manque. Je ne m’échapperais pas, lui glissa-t-il dans un sourire doucement insolent, retrouvant un instant toute l’impertinence du félin au travers de la moue badine de son visage fatigué. Les paupières battirent lentement sur son regard voilé, la fatigue s’abattant pour la première fois avec une réelle netteté sur les reins comptables depuis le début du rêve, tandis que six heures sonnaient à l’église du quartier .
_________________
--Adryan
[Just a perfect day
problems are left to know
Week enders all night long
it's such fun
Just a perfect day
you make me forget myself
I thought I was someone else
someone good]*




Dans ses veines, si l’hilarité de la drogue s’effilait, la cotonneuse insouciance enflait toujours avec emphase. Tous les maux, tous les questionnements, toutes les brimades volontaires étaient repoussés, oubliés, enterrés. Le Castillon respirait comme peut-être jamais il ne l’avait fait auparavant, égaré au souffle de son Prince d’une nuit. Victime consentante de ses envies, de ses pulsions les plus sourdes, il soupirait d’extase entre les lèvres scellées sans plus de retenue, revenant les chercher avec fougue dès qu’il craignait qu’elles ne s’éloignent trop. Au diable si le souffle lui manquait quand il lui semblait être né dans le seul but d’embrasser le Sultan et de s’éteindre sous ses crocs délectables. La drogue, pernicieuse de trop de bonté, le laissait bienheureux et serein d’enfin pouvoir céder à ses besoins, à son plaisir, sans l’ombre d’une culpabilité.

Malheureusement pour lui, de ce bien être, de cette évidence éclatante que la douleur ne valait rien, il oublierait tout ou presque dès les dernières vapeurs d’alcool évaporées.

Le Sultan lui échappa le laissant chancelant, les yeux fermés, les lèvres entre ouvertes encore vibrantes jusqu’à ce qu’elles s’étirèrent d’un fin sourire.
Je ne te laisserai jamais mourir, jamais, ses paroles avait le gout du serment le plus sincère et même si je suis le plus idiots des hommes, ne me tue pas encore. Ses yeux s’ouvrirent lentement, moins gris, plus bleus, comme si un voile s’était envolé, et sa dextre quitta la mâchoire où elle s’était ancrée pour saisir le menton, glissant la pulpe de son pouce sur la bouche qui l’espace que quelques minutes l’avait eu le gout de la vie la plus brutale. Et quand le jour viendra, c’est sous les coups de ton sabre que je veux mourir. Promets-moi que tu le ferras. La demande semblait à ce point vitale qu'il en trembla. Ses yeux s’embrumaient de fatigue, pourtant il voulait encore admirer son prince du désert, comme si quelque part, perdue dans la drogue, sa raison s’agitait, lui hurlant que jamais plus il ne le verrait ainsi. Je te ramène, finit-il enfin par concéder, accroche toi à mon cou. Et manquant une fois de plus de s’affaler sur le tapis de sable qui pourtant semblait moins mouvant se tourna, présentant son dos au fennec doré. Sitôt que celui-ci y glissa ses mains, le Castillon les saisit avec une fermeté qui ne supportait aucune rebuffade, et d’un pas branlant avança jusqu’au dromadaire. Prenant appuis sur le dossier du fauteuil, il s’y assit à califourchon, dossier entre les jambes. La tête lui tournait et ses yeux se fermaient presque de fatigue. Tanguant dangereusement dans son mirage fantasmé, il lança au sultan avant de faire claquer sa langue sur son palais à l’intention du siège camélidé. Prends garde, la monture est pressée. D’un peu plus et ce bestiau partait sans nous. Serre-toi bien contre moi mon Prince du désert !



* Lou Reed, Perfect Day
Alphonse_tabouret
When logic and proportion
Have fallen sloppy dead,
And the White Knight is talking backwards
And the Red Queen's "off with her head!"
Remember what the dormouse said:
"Feed your head. Feed your head. Feed your head"


White rabbit, Jefferson airplane
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Je ne te laisserai jamais mourir, jamais
Les doigts du sultan s’enfouirent dans la chevelure brune d’Adryan et en caressèrent les tempes douces, un sourire alangui à ses lèvres encore humides de la fièvre langoureuse de leurs baisers.
et même si je suis le plus idiots des hommes, ne me tue pas encore
Accroché au regard du Castillon qui pour la première fois lui sembla semblable à un ciel d’été, Alphonse jura silencieusement, noyant dans le bleu des yeux la noirceur des siens, jumelant un instant unique, la dépravation consentie et affectionnée de ce serment.
Et quand le jour viendra, c’est sous les coups de ton sabre que je veux mourir. Promets-moi que tu le ferras
Le comptable hocha la tête, déterminé à satisfaire cette exigence qu’il ne comprenait que trop bien et dont longtemps il aurait aimé s’infliger la grâce quand il errait encore aux limbes de son deuil. Mourir de la main de ceux qu’on aime, n’était-ce pas au fond l’apothéose d’une vie, l’achèvement final de son passage ci bas, pour expier, en toute sérénité et tout état de cause, les derniers relans de son âme ? Si Adryan percevait cette urgence à s’exprimer encore, Alphonse aussi l’éprouvait étrangement, sentant dans ces soleils frères la course incompréhensible qui abritait les rêves et les délires de cette soirée décousue. Tout, à deux pas du chameau, avait le parfum de l’adieu, du définitif, d’un monde sur le point de s’écrouler et de ne jamais revenir, fait pour exploser à peine né, fait pour empêtrer les tempes de l’effroi le plus absolu quand les vagues du factice finiraient de lécher chaque recoin de leurs raisons.
Je te ramène… accroche toi à mon cou
Le Sultan fut chargé, précieux fennec moribond dans le dos de son serviteur pour rejoindre la bête qui les attendait, impatiente, majestueuse, les pattes fermement ancrées dans la soie saharienne.
Prends garde, la monture est pressée. D’un peu plus et ce bestiau partait sans nous. Serre-toi bien contre moi mon Prince du désert !

Les mains d’Alphonse obéirent, serrant le torse du Castillon, la tête lourde tombant dans le cou du nobliau pour y déverser un souffle régulier et une voix groggy, déformée par un sommeil qui s’acharnait à ravager toutes ses défenses pour l’engourdir contre la chaleur moelleuse de ce dos large fait pour l’accueillir.

Adryan, appela-t-il doucement, ses lèvres effleurant la peau blanche du Castillon. Adryan, ce soir je t’ai aimé, lui jura-t-il à voix basse. Comme mon frère, comme mon ami, comme mon homme… Si ça t’a plu, demain nous irons en Asie… Là-bas, je t’aimerais peut être tu sais… si j’en suis capable encore… Un silence s’attarda dans le mouvement de l’animal qui se mettait en route le long des dunes bariolées de couleurs, étirant sa silhouette sur un sol de poussière, berçant définitivement le comptable aux rayons des soleils qui tombaient, fontaine de miel jusque dans les moindres recoins du bureau, inondant, véloces, les dernières parcelles d’humanité restant à virevolter dans la brise légère de la pièce. J’aurais aimé que la nuit ne finisse pas, marmonna-t-il quand, sans qu’il s’en rende compte, la pression de ses doigts perdaient de leur intensité… j’aurais aimé… le timbre chancela, presque mort, étouffé par la fatigue… que tout soit toujours aussi simple, acheva –t-il de murmurer quand son esprit sombra enfin, délayant toute la soirée écoulée dans le fatras de son inconscience, horrifiée, malmenée, torturée par les sourires, les rires et la drogue déversée aux nerfs.

Bientôt, les mains d’Alphonse finiraient de se dénouer et il chuterait au sol, non pas sur le sable d’une dune, mais sur le tapis de son bureau sans que ça ne le réveille. Adryan aussi chuterait et lui non plus, n’ouvrirait pas un œil pour ça, gardien de leurs rêves, de leur troupeau de chameaux et de leurs soleils flamboyants.
Bientôt, une soubrette rentrerait dans la pièce pour y faire un peu de ménage et découvrant les deux hommes étendus au sol, à moitié nus dans un chaos incompréhensible de tapis, chaises et alcool, ferait tomber son seau, déchirant de ce simple son, le paradis bienheureux dans lesquels chacun s’était retranché.
Bientôt viendrait le moment où hagards, les tempes douloureuses, la gorge sèche et pâteuse, le Castillon et le Tabouret échangeraient un regard voilé d’une incompréhension aussi fatale que colérique, incapables l’un comme l’autre de se rappeler ce qui les avait menés là.

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