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[RP] Ad Astra...DEUM FATUM

Mabelle
[Rouen, la veille du départ]


Le bois destiné aux fécampois était chargé depuis deux jours sur la charrette de la dieppoise. Cependant, elle avait demandé à plusieurs reprises quel type de groupe elle devait déclarer à la mairie. Lasse de ses questions sans réponse, elle décida de ne rien déclarer du tout, de toute façon elle avait toujours la foi la Mabelle ! Les Normands avaient faim, c'est tout ce qui lui importait ; "La Mule" c'est ainsi qu'on la surnommait après tout !

Mabelle avait enfin récupéré sa cousine Rochane, disparue on ne sait où, vers l'ouest sans doute ! et toutes deux s'apprêtaient à partir dans leur bonne humeur coutumière dès lors qu'elles partaient à l'aventure. L'essentiel, quoiqu'il puisse leur arriver, était qu'elles soient Ensemble.
C'est donc en chantonnant que la tavernière de la Chope Joyeuse rangeait les gourdes de calva sur le banc. Précaution indispensable pour les deux dieppoises. Question de survie !

De survie précisément...

Les jours précédents avaient été interminables pour Mabelle. Fort occupée toutefois à l'amoncellement de ses missives qui épuisaient les pigeons, de jour en jour moins vaillants.
Certaines l'agaçaient fortement, d'autres, précieuses, l'emportaient loin dans ses pensées avec l'outrecuidance de lui arracher un sourire rêveur voire mélodieux ... peut être même de lui redonner un brin de l'Espoir dont lui avait tant parlé son amie Lili.

Et tandis qu'elle finissait de ranger tous ces parchemins dans son coffret, Lili arrivait.
Quelques godets de Calva plus tard, les aurevoirs émouvants et tellement chaleureux donnèrent le signal du départ.

Arrivée à hauteur de la charrette, elle sourit de voir sa cousine déjà prête, installée sur le banc, assoupie, recouverte d'une des couvertures de sa soeur moutonnière, Nerwendile,... qu'elle était belle la Rochane quand elle ne hurlait pas !
Attendrie et taquine, elle s'approcha tout près d'elle :


- Rochaaaaaaaaaââânneuuuu !!!!! Il est l'heeeeeuuuureee !
_________________
Rochane
[Localisation : Rouen - Charrette Everlangeresque
Etat : Bon - En forme et endormie
Action : Départ imminent
Destination finale : Fécamp]


Rochane avait remis la main sur sa cousine quelques jours au paravant, ou plutôt, sa cousine avait remis la main sur elle... Enfin, elles s'étaient remises la main dessus. Après un certain nombre d'échanges de missives, Rochane avait été interloquée d'apprendre la situation dans laquelle se trouvait la Normandie... Les nonnes s'étaient bien gardées de dire mot concernant l'invasion et la brunette, à sa sortie du couvent avait eu comme l'impression de revenir au monde après une grosse tempête.

Elle ne comprenait pas tout et puis d'abord on ne lui disait jamais rien, alors comment pouvait on lui demander de comprendre quoi que ce soit?!

La brunette débarqua donc en taverne, un soir, comme une fleur, tandis que brigands taillaient le bout de gras autour d'un verre de Calva! Gnééé pa potiiiib ça!

Il lui avait fallu du temps, mais elle avait également réalisé que tout le monde était parti, y compris son bien aimé. Jamais elle n'aurait cru une telle chose possible. Pas même une missive pour l'avertir de la situation ou quoi... Il était parti et ne s'était pas retourné.

Rochane était dans une colère noire et avait donc accepté de suivre sa cousine dans sa nouvelle expédition! Comme toujours, ce qui comptait était qu'elles soient ensemble.

Après plusieurs jours, l'heure du départ avait donc sonné. Ne supportant plus les tavernes grouillantes de vermine, elle avait décidé de se préparer à partir, puis d'attendre se cousine sur la charrette dégustant "quelques" gouttes de son si bon Calva. Fort heureusement ces tonneaux-ci avaient été épargnés.

C'est enroulée dans la couverture Nerwendilienne que Rochane s'endormit. Elle avait reçu une bien belle missive de son aimé et bien qu'elle lui en voulait, elle croyait de tout son coeur en l'amour qu'il lui portait. Elle s'était donc endormie, le coeur léger et l'avait rejoint au détour d'un rêve.

C'était bien entendu, sans compter sur l'aide de sa très chère cousine Mabelle adorée, qui parlait toujours légèrement fort et qui la fit se réveiller en un sursaut et haussement de voix!


Citation:
Rochaaaaaaaaaââânneuuuu !!!!! Il est l'heeeeeuuuureee !


HEIIIN, HEEUUU, BLUUURRRPP!!! MAIS DE QUOI CA S'AGIT-IL ENCORE????

Elle se frotta les yeux encore embués par le sommeil, leva la tête et vit sa cousine. Un ou deux sourires en tranche de courge plus tard, elles étaient fin prêtes à partir!

T'es sûre de toi cousine? On y va alors? Quoi que plus rien à faire ici de toute façon!

Rochane attrapa la gourdasse et laissa sa cousine s'installer à ses côtés.

Je te laisse conduire hein! Parce que si je me souviens bien, dans le code de conduite Everlangeresque, celui qui conduit c'est celui qui ne boit pas!

Elle sourit en tranche de courge à sa cousine qui ronchonnait déjà à l'idée de ne pas pouvoir consommer le si bon Calva Dieppois!

C'est partiiiiii!!!
_________________
Montecchio
[Quelque part en Normandie, camp Fatum]

- Il est des nô-ôôôôôôtres, il a bu son verre comme les au-autres !
- Santé !
- Santat !
- Santé !
- Sentez ? Mais qu'est-ce qu'on doit sentir ? On trinque déjà pour le poison, non ? Vous croyez qu'ces bâtards d'Normands ils vont nous avoir avec des méthodes de vaches normandes ?
- Rhooo, t'es bête ! On dirait Montecchio ! D'ailleurs où c'qu'il est c'ui-là ? Hé, Montecchio, ramène un peu ton godet par ici, on fête l'arrivée d'un nouveau ! Montecchio, oh, tu m'entends ?
- N'empêche, c't'histoire de trinquerie là, ça m'rappelle un gars en Artois, il trinquait toujours le verre vide, pour s'le remplir à l'oeil. Racouilla qu'il s'app'lait, c't'avare...
- Montecchio ! Montecchio... Il s'barre, hé...


Le poison, une méthode de femme... L'art de tuer n'a pas de sexe. Et puis il faut toujours éviter de mélanger les deux. Toujours. Quand on le peut. Si on le peut. Autant qu'on le peut... Montecchio chassa son passé comme on chasse une mouche, sachant qu'elle reviendra, elle ou une autre. Il s'éloigna du feu de camp où déjà on se frappait dans le dos. L'image d'un couteau lui vint immédiatement à l'esprit. Précise. Ah, ces mouches, on ne s'en débarrasse jamais vraiment...

Il croisa une partie de l'armée qui se pressait sur la route de Fécamp :

- Hé, vous allez où ? Vous né restez pas au camp pour fêter les récroues o pour parier sour qui est oun espionné ?
- Non, on va patrouiller sur la route de Fécamp, des fois qu'il y aurait des groupes armés qui viendraient par là.
- Ma, vous n'avez pas peur dé tomber sour des simplés passantés, o des gens qui fouient ?
- On s'est assez signalés, tout le monde sait qu'on est là, personne ne va fuir par cette route. J'crois qu'les Normands, les vrais Normands, ceux qui ne sont pas ensorcelés par cette maladie des mots tordus, eux, ils restent dans leur ville ou ils vach... vaquent !!! à leurs occupations habituelles. Le problème pour tout le monde, là, c'est de se nourrir, ils ne vont pas sortir sur les chemins, tu crois pas ?
- Ma, jé né sais pas, ils né semblent pas tous d'accordo sour quoi fairé, et pouis c'est touiours les honnêtés et les couraieux qui trinquent. C'est "paranormand" ici...


Comme souvent, cette dernière parole n'eut pas l'effet escomptée et mit un terme à la conversation, d'autant que le compagnon soldat était à la traîne comme derrière une mariée qui file à la noce, la fleur au bout de l'épée, les chants paillards à la bouche, le sourire naïf aux lèvres... La nuit s'annonçait belle, calme et tranquille.

Montecchio retourna dormir, le corps fatigué mais l'esprit tranquille. Pour une fois, les effusions de voix allaient remplacer les effusions de sang...
Mabelle
[Entre Rouen et Fécamp, Sur les chemins vers les étoiles...]

- De quoi ÇA S'AGIT ?? M'enfOn Rochane !!! ÇA S'AGIT de paaaarrrtiirrr !!!!

Elles riaient de bon coeur avec leurs expressions qu'elles seules pouvaient comprendre.
Puis Mabelle s'assombrit légèrement :


Rochane a écrit:
T'es sûre de toi cousine? On y va alors? Quoi que plus rien à faire ici de toute façon!


- Ahem...un sourire faible qu'elle s'efforçait d'être rassurant... Oui oui, les armées ne sont pas dans le coin d'après ce que l'on m'a dit, ils...ils sont tous à Honfleur, les Fatums, les pas Fatums, les normands et les pas normands, les vaches et le calva aussi !

Elle tentait tant bien que mal de plaisanter mais elle ne pouvait pas feindre, pas devant celle qui était sa soeur d'âme. Quelque part au fond d'elle, la peur la tiraillait mais plus le temps passait, plus les fécampois et les dieppois manquaient de bois. Elle avait passé des jours à en préparer avant l'invasion, en attendant Rochane justement ! Les deux boulangères dieppoises qui s'étripaient à savoir laquelle des deux faisaient les meilleures galettes (Mabelle bien entendu...!), auraient du bois pour des semaines avec ce qu'elle avait amassé !

- Rochane...on va prendre quelques goulées de calva avant...oui oui moi aussi !

- Ecoute...Soupir inquiet...Non Rochane, je ne suis pas très sûre mais nous n'avons pas le choix, je n'en peux plus de rester là à chasser les mouches rouennaises tandis que nos voisins meurent de faim.

- Allons-y, j'ai mille choses à te raconter ! Enfin non pas mille, mais au moins quelques unes que je ne peux raconter qu'à toi...


Elle extirpa alors son modeste coffret de bois, rempli de missives soigneusement triées, dont quelques-unes étaient entourées d'un ruban rouge. Elle calait sa boite de bois entre elles et donna le départ à Fidès, sa jument.


- Voilà..tu sais durant tout ce temps où j'étais à Rouen, seule à mourir d'ennui, à T'ATTENDRE, regard avec froncement de sourcils puis reprise d'un ton tout naturel...je suis allée en taverne presque tous les jours espérant te voir, d'ailleurs j'étais très soucieuse de ta soudaine sobriété ! Et donc comme les rouennais étaient tous partis, même ta soeur ! Sans rien me dire à moi non plus du reste ! Bon passons ! Donc et bien...j'ai rencontré des ...des ...comment dire...des gens de Fatum. Bien sûr ce n'est pas écrit sur leur front non plus hein ! Et puis avant que l'on me dise ce qu'il se passait à Rouen ben ils étaient tous partis les rouennais !
Puis il faut avouer que maintenant que je suis toute maigre, si..si... ne ris pas ! je suis devenue transparente ! Je parlais aux mouches ! Ou à Brennus des fois, lui il m'écoute au moins !


Un coup d'oeil de côté et de voir sa cousine glouglouter la gourde de calva !

- Hé ho !! Rochane !! tu ne bois pas toute la gourde ! La route est longue !

-Bon je reprends...Donc voilà j'ai fait connaissance avec des étrangers d'autres contrées. Des gens fort intéressants, certains moins tout de même. Et parmi eux, j'ai rencontré un dénommé Fragar que j'ignorais Fatumiste, Crakity et aussi Kirat et Désirade, pas commode celle-ci ! Elle n'a pas vu que j'avais maigri elle ! Elle m'a appelée "grosse vache normande !" et Strongquelque chose, et surtout...ahem...un avec un accent comment dire...un accent...mélodieux ! Voilà ! Je les écoutais et les observais tous, dans mon coin, quelques rouennais sortis de leur grotte sont venus nous rejoindre et des nouveaux aussi, nouveaux vite enrôlés d'ailleurs mais je t'expliquerai cela après. Puis au fil du temps j'ai échangé aussi, un peu, pour mieux comprendre, tu sais comme le faisait Jean. Et puis je l'avoue j'appréciais de plus en plus ces échanges notamment avec celui qui avait l'accent, il faisait comme Jean, il notait des choses sur les comportements dans son carnet. Il me tardait presque de retourner en taverne le soir pour poursuivre ces conversations qui changeaient des railleries habituelles sur mon calva dieppois. Et au moins, eux, enfin...lui, nan eux, il y a le journaliste aussi, ils m'écoutaient quand je parlais !

Un bruit soudain la stoppait dans son débit intarissable, à croire qu'elle déversait tous ces mois de silence, le verbe en cru !
Mabelle ralentit, Brennus grognait lorsque soudain surgit un...un lapin !

Soulagée, la veuve poursuivait mais toutefois, avec une oreille aux aguets. Le lapin lui rappelait la dangerosité du voyage et même si elle connaissait ces chemins comme la recette de ses excellentes galettes, la situation la rendait soucieuse au fond d'elle.


- Puis et bien, un jour, je me rends au village et là, plus personne. Rouen ville doublement morte ! Ils étaient tous partis ! Dépitée je rentrais à l'auberge et griffonnait un mot à l'attention de celui qui m'apportait quelques rayons de soleil quotidien. Ben oui des rayons de soleil ! Haussement d'épaules, qui pouvait comprendre ? Je le houspillais presque de partir sans prévenir ! Mais bien entendu qu'il n'allait pas me prévenir !!! Et j'en envoyais un autre au journaliste, il faudra que je te raconte aussi ! Je n'avais que cela à faire de toute façon, d'écrire.
Et puis, un matin, à ma grande surprise, un pigeon, puis deux, puis même trois ! C'est qu'ils sont courtois !
Et curieusement, les lettres de celui à l'accent...il s'appelle, Mont...
sa cousine commençait à s'assoupir, ce que tout le monde pouvait comprendre !! Elle devenait soporifique la Mabelle !

- Corne de bouc ! Tu suis Rochane ???

C'est à cet instant qu'ils surgirent. Plongée dans son torrent de paroles, empreinte des échanges, oh non pas amoureux, ne vous méprenez pas ! mais des échanges éclairés, pertinents, ouverts, de celui duquel le son de la voix lui manquait, elle n'avait même pas entendu Brennus grogner puis aboyer férocement.

Son coeur cognait fort contre sa poitrine, elle saisit le bras de Rochane fermement, lui jeta un regard significatif avant d'attraper son maigre armement et de sauter de la charrette.
Mais à peine eut-elle saisi la poignée de velours de son épée que déjà, elle recevait un coup dans ses entrailles. Son écu tomba de ses mains, elle se retrouvait au sol sans lâcher sa lame qu'elle avait elle même forgée il y a fort longtemps. Un temps où elle maniait avec agilité et dextérité, un temps où elle défendait les siens avec ardeur. Un temps d'il y a longtemps...
Secouée, elle se relevait la rage au ventre cette fois, des souvenirs sanglants rejaillirent et lui donnèrent la vigueur nécessaire pour riposter. Une fois debout, elle prit conscience que c'était la fin. Ils étaient si nombreux ! Ses yeux balayèrent chacun de ses assaillants, sa stupeur était telle lorsqu'elle reconnut certains d'entre eux, que sa douleur disparut et saisie d'une rage indéfinissable elle s'élançait, prête à en découdre, plus rien ne la retenait.
Et non plus rien et surtout plus personne ne les retiendrait à cet instant. Seules, les deux cousines furent la proie des coups violents de chacun des membres du Fatum. Le sang giclait sans savoir d'où il provenait, des coups dans les cotes, le bruit des lames qui s'entrechoquaient, les brulures sur son visage, sa chemise lacérée baignée de sang, ses jambes faiblissaient, tailladées de coup d'épées venues de toute part, le coup fatal était issu de celui qui paraissait être le chef, elle ne l'avait jamais vu.

Couvertes de sang et de contusions, elle s'effondra, presque inconsciente. Ils s'acharnaient sur Rochane, elle leur criait d'arrêter, le visage inondé de larmes mêlées au sang, tout son corps n'était que lambeaux, elle ne le sentait plus. Sa cousine gisait à présent à ses côtés, dans le même état. Elles avaient lutté ensemble sachant toutes deux que c'était leur fin, Ensemble, c'est ce qui leur importait, non ?


Elle entendait leurs pas lourds s'éloigner, murmurait des mots inaudibles, son corps ne pouvait plus supporter les plaies, il l'abandonnait doucement. Alors, instinctivement, sans comprendre, Mabelle, d'une main, fouilla quelque part, au fond de son aumônière ceinturée, attrapa ce qui lui semblait être sa plume, saisit ce qui lui semblait être un bout de parchemin, trempa sa pointe dans son sang, et dans un effort désespéré coucha du mieux qu'elle put "Monté....morte...mabél...". Le bras douloureux elle inséra le papier à la patte du corbeau qui déjà se frottait le bec de gourmandise, et dans un sanglot ultime, prononça enfin son nom "Montécchio" avant de rejoindre les étoiles particulièrement scintillantes cette nuit là, sa main tombante sur celle de sa cousine.
_________________
Rochane
Citation:
Corne de bouc ! Tu suis Rochane ???


"Erf, gné, blurp..." Bien sûr qu'elle suivait la Rochane! Bon, certes, elle commençait à être légèrement imbibée et somnolente, mais comment dire... Les propos de sa cousine étaient tellement... tellement... prenants... Qu'ils la tenaient en haleine... Enfin presque! Cependant, malgré ce que tous auraient pu dire ou croire, la brunette écoutait d'une oreille attentive ce que Mabelle lui racontait. C'était tout sa cousine ça... Pactiser avec l'ennemi. Rochane elle, était légèrement plus... Comment dire? Agressive!

Toute la petite histoire de sa cousine était en train de faire son bout de chemin dans sa tête, elle réalisait, donc, tout juste, que sa très chère et tendre cousine (qui ne savait pas vraiment comment cuisiner une galette... Ceci dit en passant!) s'était liée -d'amitié ou d'amour (Rochane n'avait pas encore élucidé ce point)- avec des membres de ce mystérieux ordres des Fatum!

Rochane s'apprêtait donc à ronchonner et surtout à rétorquer à Mabelle, en criant haut et fort que de un, oui elle suivait et que de deux, c'était une honte de partager le si bon Calva Normand avec l'ennemi. Malheureusement, elle fut prise de court! Elle ouvrit la bouche, faisant donc un appel d'air dans le vent, puisque aucun son ne put en sortir... Elle sentit simplement le main de sa cousine lui serrer le bras... A ce moment-là... Elle comprit. Elle pouvait lire l'affolement dans les yeux de sa soeur de coeur. C'est le souffle coupé, la peur au ventre que Rochane se saisit de son maigre armement. Un bouclier et un baton ne feraient pas grand chose face à une armée...

C'était la fin... Elle se savait. Elle se défendrait aux côtés de sa cousine, parce que oui, c'était ce qui comptait. Elles étaient toutes les deux et à deux elles feraient face autant qu'elles le pourraient.

A cet instant, elle aurait juste aimé pouvoir remonter quelques jours au paravant et dire à Mabelle que non il ne fallait pas partir, que c'était une erreur... Elles allaient y laisser leur peau... Mourir pour cette Normandie, sur les routes... Simples voyageuses... Presque vagabondes... Elles se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment.

La brunette suivit sa cousine. Elle bondit sur l'assaillant. Se débattit autant que faire se peut. Elle fut désarmée en moins de temps qu'il ne lui en fallut pour dire "ouf"! La jeune femme se retrouva à terre, complétement à bout de souffle. Son bouclier avait volé en éclat. Elle était presque totalement désarmée et avait seulement infligé quelques coups à cette douzaine de personnes qui s'acharnaient sur elles. C'est à ce moment précis qu'elle vit sa cousine se faire porter le coup "fatal". Rochane sentit son âme se fendre. Mabelle était la personne qui comptait le plus pour elle. L'action se déroula sous ses yeux comme au ralenti... Mabelle gisait au sol, dans un marre de sang.

La rage envahit les entrailles de la brunette. La colère l'aida surement à se relever et à se tenir sur ses jambes vacillantes. Elle réussit à sortir sa dague, cette précieuse arme que feu le père de son fils lui avait offert des années au paravant, et se jetta sur son adversaire. Son corps était enquilosé, mais elle se trouvait dans un tel état de choc, qu'elle ne ressentait même plus la douleur.

Tout se passa très vite... Elle porta un coup, puis deux... Posa un genou à terre, puis deux... Elle sentit cette lame aiguisée la traverser. Une douleur aigue se mis à irradier tout son corps... Ses yeux se flouèrent... Elle ne voyait plus, n'entendait plus. Le vacarme environnant laissa place à une sorte de sifflement strident. Son corps se raidit... Puis, herta violemment le sol.

Le monde s'arrêta donc de tourner... Son monde s'arrêta... Elle était là, à l'artcile de la mort... Elle ne sentit même pas la main de sa cousine tomber sur la sienne... Elle n'était plus...


_________________
Stronghold
[i]Les ordres étaient les ordres. Les membres de l'armée Fatum avaient été repartis avec des ordres clairs le long de la route.. Empêcher les résistants normands de rejoindre Honfleur ou la frontière en un seul morceau..Alors Justice ne discuta pas et se mit en route.. Entre les journées passées au bureau de dénonciation , les premières parties de nuit quelques fois agrémentées par des ou plutôt par une rencontre agréable et la chasse au voyageur aux petites heures du jour , faut dire que Justice ne dormait pas beaucoup. C'est donc les yeux a moitiés fermés et de méchante humeur qu'il rejoignit ses compagnons. Il prit une gorgée de calva , la fameuse boisson normande à laquelle il avait fini par s'habituer et grimpa à cheval; Il dit alors

Bon les gars ! Voila ce que je propose : ce soir on se la joue pas finaud! Tout ce qui n'est pas Fatum est un ennemi de Fatum alors on le dégomme , on le balance dans l'arrière chaussée et on rentre au lit..


Justice mal reveillé n'est pas un personnage des plus sympathiques aussi cette décision peut paraitre venir d'un personnage dépourvu de coeur mais détrompez vous , il en a un au fond.

Leur groupe était composé d'une douzaine d'hommes , tous à cheval et ils marchaient tranquillement, après avoir réduit en charpie une femme passant seule par la route, lorsque des bruits de conversation se firent entendre..


Les ordres étaient clairs , personne ne passe sans demander pis franchement c'est pas comme si les gens étaient pas au courant fallait vraiment être un crétin de l'ex conseil comtal pour sortir de nuit ainsi.. C'est ce que dit Strong pour soulager sa conscience en quelque sorte. Il talonna ensuite son cheval et poussa son cri de guerre

Nul ne fait entrave à la Justice! Vive l'Alliance!

Un cri bien glorieux pour un combat qui ne l'était guère.. Les Fatums fondirent sur les voyageuses , deux femmes et les mirent en pièce.Le combat des femmes était aussi désespéré que celui de l'armée normande devant Dieppe le 5 octobre dernier. Il donna un coup d'épée sec et précis , ne reconnaissant pas à cet instant là , la femme rencontrée quelques jours plus tôt en taverne.. Il recula ensuite laissant les autres compagnons se charger du boulot. Le Strong était fatigué , aussi rassuré sur la réussite de leur mission il partit faire un somme non loin près d'un arbre.
Montecchio
- Ah, satané courbeau, lâché-moi la grappa di raisin ! Allez, tiens, prends cé grain, oilà, comé ç... Hé, j'ai jété moun grain, perché tou né lé mangé pas ? No, pas lé chapeau, c'est moun dernier ! Rhaaa...

Etrange scène entre un bandit de petit chemin et un oiseau de haut vol, tous deux sachant voler mais aucun prendre le temps de se poser. Dans la bataille qui s'ensuivit, plumes et cheveux furent perdus à jamais jusqu'à ce que chacun perde ce qu'il tenait : une maigre bourse aussi dégarnie qu'un moine pour l'un, un petit cylindre portant un message pour l'autre. Chacun s'empara de ce qui ne lui appartenait pas initialement et ignora alors la partie adverse.

Une main ensanglantée a écrit:
Monté... morte... mabél...

Montecchio vérifia l'écriture à l'aide d'une autre lettre, beaucoup plus propre et claire, et conclut que ni lui "Monté", ni une morte n'avait écrit cela : il s'agissait donc bien de Mabelle. Il s'étonna que l'on puisse encore écrire à l'article de la mort et se demanda quel stratagème il pouvait y avoir là-dessous... Il goûta le sang séché pour se concentrer sur le peu qu'il savait de cette femme... Pas grand chose... Mais apparemment elle se nourrissait sainement, peut-être une noble... Et qu'espérait-elle vraiment en lui confiant son dernier soupir ? A sa place, Montecchio aurait effectivement agi de même, pour obtenir des renseignements, mais elle était mal tombée : il ne savait pas grand chose de tout ce qui se tramait, et ne s'en souciait pas tant que ça, confiant en son étoile.

Repliant la missive empourprée, il retourna au camp pour en apprendre plus sur les évènements de la nuit. Il croisa Stronghold, tout couvert de sang et de bière, heureux ainsi, qui effectuaient son rapport quotidien (militairement parlant, donc...) :

- Ouais, deux femmes, avec une charrette de vivres, seules, sur la route... On peut pas laisser passer ça, ça sent l'embrouille à plein nez ! On les a laissées pour mortes, mais y en a une qui bougeait encore. Y a bien des paysans qui vont les ram'ner en ville si c'n'est pas en vie, mais c'est pas gagné, z'étaient pas plus épaisses que ma lame ! Bon allez, j'ai d'la pap'rasse à remplir moi, j'te laisse...

Montecchio entra dans sa tente pour fouiller dans son vieux sac et en ressortir une toute petite fiole emballée dans un linge épais. L'odeur le saisit à la gorge et il tourna la tête un moment avant de se reprendre. Il attrapa sa petite pigeonne blanche messagère, sa colombine comme l'avait appelée sa Giulietta, autrefois... lui glissa la bague au doigt, à l'une comme il aurait aimé à l'autre, et y accrocha la petite fiole en songeant à Mabelle, sur son lit de mort ou de fleurs... Difficile de croire qu'elle pouvait éprouver de réels sentiments en si peu de temps. Plus encore que sur le plan militaire, elle était là tombée sur un os inrongeable, tant le cœur n'y était plus : il avait laissé sa place au sang... et ce sang coulait dans les veines d'une autre, jusqu'au jour où il serait versé sur le sol, une dernière fois...

Montecchio cessa de considérer tout cela en respirant l'odeur nauséabonde qui s'échappait par on-ne-sait-où de cette fiole pourtant bouchée. Il y glissa un message bref avant d'envoyer valser sa colombine, tel un arlequin de fortune :


Une main gantée a écrit:
Mabellé,
Liquoré à réveiller les mortés ! A vous di décider si vous l'ouvrez...
Montecchio

Posant par réflexe sa main à sa ceinture, il se souvint avoir été délesté de sa bourse et, tel un renard, partit à la recherche du maudit corbeau...
Mabelle
[Le dilemme]


Le néant et au loin cette belle étoile scintillante de tout son éclat. Des formes ondulantes, des images nébuleuses, des mots assourdis, l'accompagnaient jusque cette lumière, enveloppée dans un cocon douillet et onctueux. Ytharès était là, à ses côtés, lui tenant la main puis parfois la lui lâchait mais aussitôt elle la rattrapait. Ne pas la laisser filer. Alors elle s'y accrochait tandis que Judi loin derrière, très loin, l'appelait de sa petite voix enfantine.
Mabelle l'ignorait, elle ne voulait que cette main, celle que son Amour lui tendait, cette main qu'elle attendait depuis des années. Ça y est, enfin, elle le rejoindrait.
"Ne marche pas trop vite...attends moi..." Et elle hâtait son pas le long de ce chemin sombre duquel s'échappait cette lueur somptueuse.

Sur les bords du chemin, les images floues défilaient, fondues dans un brouillard épais. Parfois elle pouvait distinguer nettement, Rochane avec Judi et Léon, sautillaient en chantonnant, puis soudain, au détour, Jean en moine entouré de femmes, un carnet à la main, qui disparaissait aussitôt, Lizie aussi, qui soufflait des flammes par ses narines, Celma avec un ventre énorme qui n'avait pas l'air contente du tout avec ses gros yeux, Nerwen en forme de mouton bêlait si fort que Mabelle se mit à courir en essayant d'attraper la main d'Ytharès au pas si rapide, son filet de pêche sur le dos, rempli de poissons aux entrailles béantes,"attends moi...", emportée dans une légèreté voluptueuse, la dieppoise mourante volait en tapotant sa joue de temps à autre, pour chasser une mouche visiblement têtue...Ytharès s'éloignait, déjà il n'était plus qu'une ombre..."attends moi..."...des larmes puantes dégoulinaient sur ses joues et cette mouche qui s'acharnaient sur l'une d'elle...

La mouche était énorme et blanche, à moins que ce ne soit la lumière...tout était confus et pourtant elle sentait bien une pointe lui piquer la joue. Incapable de bouger, le corps ancré dans le sol, la tête si lourde qu'elle semblait s'enfoncer dans la terre, elle distinguait cette forme blanchâtre juste sous ses yeux, et pensait que la mort avait une odeur insupportable. "Ytharès ? Où es-tu ? Non...ne m'abandonne pas encore...Non....". Ce devait être ses poissons qui sentaient si forts..."attends moi..." mais déjà, elle ne le distinguait plus et cette forme indescriptible, plantée devant ses yeux, la fixait. Elle avait des yeux, et...et aussi, il lui semblait percevoir un bec, mais cette odeur épouvantable...son estomac déjà bien malmené, semblait vouloir s'extirper tout entier par sa bouche.

Les yeux baignés d'eau de larmes rosée, osèrent s'ouvrir lentement.

Peu à peu, l'oiseau de velours blanc posé sur "son torse ensanglanté"(*) devint plus distinct mais Mabelle, l'esprit embué, cotonneux, n'avait pas la force de s'interroger, déjà elle était ailleurs.
Le volatile de "sa patte gantée" (*) de laquelle pendait une petite fiole, "une fiolinette cendrée pour les connaisseurs du genre" (*), tapotait pourtant sa joue avec une extrême douceur, ou bien elle ne sentait plus la douleur mais l'odeur pestilentielle finit par la ramener à la réalité.
Alors ses yeux s'ouvrirent franchement. L'oiseau restait planté là sur son torse, Mabelle songea que déjà les corbeaux venaient la picorer mais pourtant cet oiseau là était si beau, comment pouvait il être charognard ? L'odeur horrible l'incitait à croire que son corps se décomposait, elle en avait soigné des soldats mourants autrefois...
Sa main tentait un léger mouvement et instinctivement Mabelle tourna la tête lentement et...Rochane. La stupeur la réveillait totalement.
Des mots inaudibles, puis de plus en plus nets à la vue de sa cousine gisante.
"Ro...Roch...Ro...Rochane...."Et plus que la douleur de son corps meurtri, c'est dans un cri sorti du fond de son âme qu'elle hurlait ou qu'elle pensait hurler...:

- ROCHAAAN...NON....ROCH....NON....NON..ROCHAAAANE...NON...

Mabelle appelait inlassablement sa cousine et dans un effort considérable tentait de mouvoir sa main posée sur celle de sa cousine pour la réveiller..."Non...Non...Je t'en prie...Ne meurs pas...Ro...Rochane...ma Rochane...Non..."
Alors elle se souvint de l'attaque. Le cauchemar barbare. Un torrent de sanglots entrecoupés de spasmes virulents et douloureux et cet oiseau qui continuait de"heurter sa joue doucement avec cette petite fiole"



(*) Citation du JD Montecchio avec sa permission

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Rochane
[Localisation : Aucune
Etat : Mourant
Action : Aucune
Destination finale : Aucune]


Citation:
ROCHAAAN...NON....ROCH....NON....NON..ROCHAAAANE...NON...

"Non...Non...Je t'en prie...Ne meurs pas...Ro...Rochane...ma Rochane...Non..."


Plusieurs fois, Rochane avait rêvé ou même prié Aristote d'avoir la capacité de ne plus entendre les hurlements de sa cousine. Pas qu'elle n'aimait pas sa cousine, mais parfois, elle criait un peu trop fort, parfois même à lui en faire bourdonner les oreilles! Jamais elle n'aurait cru que ce souhait deviendrait exaucé en cette nuit sombre. Par contre, il n'y avait pas vraiment d'utilité à ne pas entendre les cris de Mabelle, ou plutôt les haussements de voix, si la brunette n'était pas en capacité de la narguer et de lui répondre "Gnagnagna, crie autant que tu veux, tes mots ne m'atteingnent même pas et même que c'est MOI qui fait les MEILLEURES GALETTES DE TOUTE LA NORMANDIE". Non vraiment, pour le coup, il n'y avait aucun intérêt... La mort n'était pas la façon dont elle avait souhaité cela et encore moins si sa cousine ne pouvait l'y accompagner.

Considérations de galettes mises à part, le fait est que les mots emplis de peur et de douleur de Mabelle n'arrivèrent jamais aux oreilles de Rochane. Une barrière s'était dressée entre les deux femmes lorsque la lame avait traversée le corps de la brunette. Elle avait été, elle n'était plus... Elle ne serait peut-être plus jamais.

Un orage s'était abattu sur les deux jeunes femmes et il était à présent difficile de dire ce qu'il allait advenir de leur carcasse. Le futur n'avait jamais été aisément prévisible et en ce jour, rien n'avait jamais été plus incertain.

Rochane ne se souviendrait jamais de ces quelques heures. Instant de déconnexion totale de la réalité. Son corps était comme emporté dans cette spirale qui tournoyait vite, si vite qu'elle ne pouvait se raccrocher à quoi que ce soit. Tout allait très vite, mais étrangement, elle n'avait pas peur. A vrai dire, elle ne ressentait plus rien et était loin d'être consciente de ce qu'il venait de se passer. Elle se laissait porter. Un éclair de lumière, puis une prairie. Elle riait. Une fine brise caressait son visage, le soleil brillait haut dans le ciel sans nuage. Amethys était là. La petite fille jouait au milieu des paquerettes. Elle était si belle. Rochane n'en revenait pas. Heureuse et fière d'avoir donné naissance un tel petit bout de femme, elle contemplait son enfant, les yeux emplis d'amour et d'admiration. Letho lui aussi était là, alongé à ses côtés. Il était si beau. Ils avaient tous l'air si heureux. Rien de tel que de partager un pique-nique avec les amours de sa vie en une si belle journée de printemps. Elle ne s'était jamais sentie si heureuse qu'en ce jour. Sa famille réunie dans la joie, aucun nuage à l'horizon, juste eux. La scène dura quelques instants, heures, minutes ou secondes, elle n'aurait su le dire. C'était comme si elle s'était toujours trouvée à cet endroit et qu'elle allait y rester pour le reste de sa vie. Quelque chose clochait pourtant, mais elle ne savait pas encore quoi.


Viens ma chérie! Il est l'heure de déguster une part de galette de Tata Mabelle! Une des meilleures de Dieppe! Tu ne lui diras pas que j'ai dit ça hein! Appelle ton frère qu'il se joigne à nous!

Lorsque Rochane plongea ses mains dans le panier, la galette disparut... Les mots qui venaient de sortir de sa bouche lui firent l'effet d'un électrochoc... Mais où étaient Léon et Mabelle? Elle ferma les yeux, les réouvrit et sentit une douleur lancinante parcourir ses entrailles. Elle plissa les yeux, regarda autours d'elle... Son regard se posa sur ses mains, les mêmes qui avaient tenté d'attraper cette fameuse galette. Elle cligna les paupières, ses mains ensanglantées tremblaient. Letho et Amethys étaient morts depuis bien longtemps. Mais alors, qu'est ce que tout cela signifiait?

Elle comprenait sans comprendre. Tout à coup, le ciel s'assombrit. Des nuages noirs et chargés d'électricité remplacèrent l'idyllique soleil et son ciel bleu. Le tonerre gronda et une pluie battante s'abattit sur elle. Un dernier regard à Létho et Améthys qui s'évaporèrent dans un rire sous ses yeux. Elle tenta de se raccrocher à eux. D'une main, elle essaya d'attraper le bras de sa fille. Trop tard... Ils avaient disparu.

La beauté et majestuosité des lieux laissa place à un champs de bataille... Une odeur pestilentielle vint chatouiller ses narines... Mais de quoi ça s'agissait-il au juste?

Une douleur sans nom lui traversa alors le corps. Il l'abandonnait, encore... Elle hurlait, criait, mais aucun son ne parvenait à sortir de sa bouche... Dans un dernier effort, elle tendit les bras, comme tentant de se raccrocher à l'image d'une vie perdue... Perdue, elle se retrouva une fois encore dans ce tourbillon... Alors qu'elle tentait tant bien que mal de trouver une prise à laquelle se rattraper, son corps inerte, jonchant le sol, répondit pour la première fois depuis que le coup fatal lui avait été donné... Un infime mouvement... Jamais on ne saura comment, mais alors qu'elle était inconsciente, un de ses doigts bougea, dernier effort... Dernier appel à sa cousine, avant de retomber dans un profond coma.

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Montecchio
[Localisation : chemin des drames]

- Il est là, l'saloupiot !

En effet, il était là... Qui ? Cela n'avait déjà plus d'importance car Montecchio adorait replacer les mots de ce royaume qu'il avait notés dans son carnet. Et là, "saloupiot", ça lui posait un problème. Depuis qu'il l'avait entendu (et aimé) pour la première fois, il ne savait comment l'écrire. D'autant que personne ne semblait le prononcer de la même façon ! Sa-lou-piot ou sa-lo-piot ? Sa-lo-piot ou sa-lo-piaud ? Et pourquoi pas sa-lou-piaud aussi ?

Quoi qu'il en soit, il était là... ce corbeau voleur de bourse ! Posé sur une branche, en haut d'un arbre. Il avait fait fuir tous les autres oiseaux ! Des beaux en plus, de toutes les couleurs ! C'était vraiment un sal... une saleté quoi, y a pas d'autre mot !

Un jet de pierre bien ajusté lui fit voler quelques plumes et lâcher la bourse, qui chut lentement : elle était vide ! Après le caillou blanc, Montecchio jeta au corbeau un regard plus noir que ses plumes et s'approcha du pied de l'arbre pour récupérer son petit sac de toile de Nîmes fermé d'une fine cordelette tressée par ses enfants, un soir qu'ils attendaient le pape, à Noël...

L'oiseau, légèrement blessé, se posa non loin de là. Montecchio n'eut aucun mal à l'attraper, l'animal étant d'ailleurs recroquevillé sur lui-même, les ailes repliées... il avait l'habitude d'être tenu, le temps de le doter d'une lettre ou de la lui ôter, peut-être même d'être soigné car c'était quand même un sacré garnement !

Montecchio l'examina... Sortit une sorte de sacoche de médicastre pourvue d'étranges instruments à la vue desquelles même un mortadellier italien resterait bouche bée... Choisit une fine bandelette de cuir... un bâton laveur (celui qui sert à se laver les dents quand on le mâchouille... fin, tendre, doux, sans écharde... un bonheur sans tâche !)... et fit une petite attelle au pigeon de malheur pour qu'il le guide jusqu'à sa maîtresse. Celle du pigeon, s'entend.

Clopin clopant, tous deux prirent donc, apparemment, le chemin de Fécamp, ou de Dieppe, voire Honfleur... d'où était revenue l'armée la veille. Mais comme on dit chez nous, et encore on n'est pas nombreux : "Pigeon qui marche... p'tain il va faire nuit, avance !".
Mabelle
[Le dilemme quand même...]

Ses yeux mouillés ne quittaient pas Rochane, son coeur était tétanisé, et ses narines ne supportaient plus l'odeur infecte qui émanait d'elle ne savait d'où encore.
Plantée dans le sol comme elle plantait ses choux, Mabelle ne pouvait pas bouger d'autres membres que cette main protégée sans doute par son pommeau. L'oiseau entêté demeurait face à elle, "mais qu'est ce qu'il fout là lui ??" et empreinte d'un instinct de survie de son nerf olfactif, elle parvint à redresser légèrement sa tête au moment où le doigt de Rochane se relevait à peine.


- Rocha...Rochane... ? Rochane ? Attends ne bouge pas ....atttends ma Rochane...je...je suis là...ne bouges pas....

Mais comment faire quand son corps ne voulait rien entendre ? Et lui là, il en avait pas fini avec sa joue ? La petite fiole fit alors son apparition., cachetée d'une cire rose. La dieppoise avait l'esprit trop embué pour comprendre sur l'instant de quoi ÇA s'agissait. C'est dans un effort extrême qu'elle tentait de se redresser pour s'appuyer sur son bras valide. La douleur lui arrachait les tripes, ou ce qu'il en restait et malgré le cri épouvantable inhérent, elle parvint enfin à trouver une position adéquate.
Son coeur manqua de s'échapper de sa poitrine à la vue des deux corps décharnés.


- Par..par Aristote....Rochane....

Mais Aristote les avait abandonnées lui aussi.

L'odeur nauséabonde lui devenait presque coutumière et la ramenait sans cesse à la vie, chaque fois que les ténèbres s'évertuaient à vouloir l'emporter.
Enfin, l'oiseau se dégagea d'une patte sur le côté et c'est là que la fiole lui parut tout à fait. Intriguée, elle dut de nouveau s'allonger pour pouvoir la saisir, ainsi que le petit message lié, respirant par quelques apnées douloureuses. L'oiseau libéré quitta son torse prêt à s'envoler. Sa voix étrangement ouatée s'exprimait alors :


-Non....ne pars pas....


Beauté paradoxale au milieu du sinistre tableau que cet oiseau.

Mabelle, attirée par la couleur rose de la cire, eut la mauvaise idée de porter la fiole à son nez : "POUAAAAHHH !" "Mais c'est pire que mon onguent de castoreum !" aurait-elle dit dans d'autre temps. Un petit bout de parchemin dépassait, elle le dépliait, nauséeuse :




Une main gantée a écrit a écrit:

Mabellé,
Liquoré à réveiller les mortés ! A vous di décider si vous l'ouvrez...
Montecchio


Ses yeux s'écarquillèrent, son esprit essayait tant bien que mal de retrouver une once de lucidité. Montécchio... Des mots chantants se promenaient dans ses tiroirs à souvenirs "Michellé..."
Elle se précipitait, si elle avait pu le sourire aux lèvres, pour ouvrir la fiole mais se ravisa aussitôt. "Réveiller les morts", certes, jusque là le but était atteint...Quant à l'ouvrir...Montécchio était un des leurs, de ceux qui les avaient sauvagement saignées et parmi eux, elle avait reconnu certains et surtout Crakity qui lui avait menti. Pourquoi Montécchio ne lui mentirait pas de la même manière ? Après tout, ils étaient capables de tout...
Et quand bien même...avait elle encore envie de vivre si sa cousine n'était plus et même si sa cousine était... ? Son regard désespéré se tourna vers Rochane et à l'aide de son bras, elle se hissa ce qui lui sembla des heures, pour parvenir à sa hauteur. L'horreur de son visage tuméfié soulevait une multitude de sentiments de la haine à l'amour, de l'horreur à la douceur, comment pouvait-on agir de la sorte ? Elles étaient deux femmes guillerettes, avec leur carriole et leur bois, un chien et du calva...
Mabelle agitait la fiole puante sous le nez de sa cousine accompagnée d'une voix qu'elle voulait douce :


- Rochane...Rochane reviens...reviens...je t'en supplie...

Visiblement son puits d'eau de larmes était intarissable ...
_________________
Rochane
Elle avait bougé, certes, mais le mouvement avait été presque imperceptible. La brunette était malgré elle, retombée dans un coma profond... Elle semblait avoir succombé à ses blessures. Pourtant quelque chose semblait vouloir l'en extirper. Elle n'aurait pu décrire ce qu'il était en train de se passer, mais c'était comme si on essayait de la ramener. Son esprit se réveilla lorsque la puante odeur émanant de la fiole que sa cousine agitait devant ses narines atteint son cerveau.

****Bip, Bip, Bip****

****Connexion établie****


De la vie à la mort, de la mort à la vie...

Rochane était de nouveau... Ce n'était pas flagrand, mais quelque chose s'était passé. Son cerveau s'était réveillé en même temps que la douleur... Elle ne sentait plus son corps. Il semblait s'être raidit et extrêment lourd. Impossible de bouger, elle n'était pas même consciente de ce qu'il s'était passé. C'est à ce moment-là, qu'elle aurait voulu, si elle l'avait pu, dire : "Mais où suis-je? Qui suis-je? Que s'est-il donc passé? Et toi là? Tu veux quoi avec ta fiole?".

Malheureusement, elle était bien trop faible et agonisante pour dire quoi que ce soit. Plus elle sentait cette odeur, plus elle sentait son coeur se soulever dans sa poitrine. Elle se demandait même si il pleuvait. Elle sentait comme des gouttelettes rouler sur ses joues. Quelques instants d'incohérence, d'une mourante revenant doucement à la vie.

Elle avait essayé de bouger. Même en réunissant toutes ses forces, rien ne s'était passé... Tant bien que mal elle tenta d'ouvrir les yeux. Ses paupières s'ouvrirent lentement. Les yeux mi-clos, elle ne voyait absolument rien. Tout était flou... Le temps de faire une mise au point et elle distingua une silhouette agitant quelque chose devant son visage. Etait-ce donc cela qui sentait de cette manière?

La brunette réussit à articuler et formuler un mot. Dans un souffle, elle lacha :


Mal...
_________________
Mabelle
[Qui sème un dilemme, récolte un ...dilemme !]

Ses yeux n'avaient pas quitté sa cousine. Mabelle était à l'affût d'un nouveau signe, aussi infime fut-il. Aussi lorsque les yeux de Rochane s'animèrent, elle se redressa vivement ignorant les assauts de douleurs :

- Rochane ! Rochane ! Réveilles toi !Et de lui tapoter les joues pour ne pas l'abandonner à l'évanouissement qui l'emporterait bientôt définitivement.
C'est alors que ce tout petit mot la fit presque bondir de son corps décharné :
"Mal"

- Hein ? Quoi ? Mal ? Tu as mal ? Oui tu as mal Rochane, mais réveilles toi je t'en prie…T'en as vu d'autres !

Son esprit était à présent en émoi. Elles DEVAIENT s'en sortir.
Elle n'avait même pas remarqué que le cercle lunaire qui reflétait jusque là ses rayons d'argent sur les étoiles, s'était discrètement effacé pour laisser place au lever triomphant du soleil.
Mabelle reprit ses esprits malgré elle, les effluves pestilentielles étaient tenaces et s'acharnaient à la maintenir éveillée, tandis qu'elle ne cessait d'en faire profiter les narines de sa cousine.
Qu'allaient-elles devenir ??

La normande cette fois s'armait de courage pour observer son corps sanguinolant, puis son regard parcourait celui de sa cousine. Elles perdaient trop de sang toutes les deux, il fallait faire vite.
L'ancienne infirmière de la BdN tentait alors de se redresser franchement. Un vertige la saisit, les étoiles tourbillonnaient, elles étaient si belles qu'elle voulait les rejoindre, les attraper pour les admirer toujours.
C'est Brennus qui l'en empêcha. Ses gémissement entrecoupés d'aboiements, lui rappelaient qu'elle devait lutter, comme à l'accoutumée.
A défaut de ses défunts amants, lui avait toujours été là dans les pires moments de sa vie pour la maintenir. Sa patte saignait.

- Brennus…Brennus tu es là…Viens…

Le chien approcha en boitillant, Mabelle le fixait d'un regard profond qui en disait trop long pour le décrire. Elle le caressait affectueusement, émue, et revenait à sa cousine :

- ROCHANE REVEILLES TOI MAINT'NANT !

La colère, la haine, la rage s'octroyèrent enfin toute la place qui leur était due.

Cette fois, la dieppoise, saisit ce qui restait de sa cape et à l'aide de ses dents et sa main valide, en déchira plusieurs morceaux. Aussitôt les bouts de tissu constitués, elle s'approcha de sa cousine. Une plaie béante trônait sur son flanc.
Alors qu'elle s'apprêtait à la compresser, ses yeux croisèrent le flacon de Montecchio.
Ces mots martelaient son esprit :

Une main gantée a écrit:
Mabellé,
Liquoré à réveiller les mortés ! A vous di décider si vous l'ouvrez...


Incapable de décider. Incapable de distinguer le bien du mal. Par moments, elle était fermement décidée, empreinte d'une confiance totale pour l'italien, à ouvrir la fiole. L'instant suivant, la méfiance s'emparait d'elle accompagnée de toute sa hargne.
Le bouchon serti de rose l'attirait, il lui semblait même y apercevoir quelques pétales de la même fleur, tout autour. Alors elle s'adoucissait prête à l'ouvrir puis soudain, elle se ravisait, sourcils froncés, yeux plissés, toute la complexité de la décision s'animait sur son visage contusionné.
Non…Oui…Non…Oui…Indécise autant que conquise.
Elle secoua la tête pour chasser cet horrible dilemme et se concentra sur elles deux.
Comment se faisait il que personne ne s'inquiétait de leur absence ? Elles auraient dû arriver depuis avant l'aube…Le Fatum aurait-il décimer tous les normands ?
Rochane…elle devait sauver Rochane. Elle était promise et serait heureuse elle au moins. Elle pourrait garder Judicaëlle avec Léon, ils étaient comme leurs mères ces deux là, unis d'un lien fraternel.
Mabelle poursuivait ses soins de fortune. Après avoir compressé les plaies à l'aide des bouts de tissu et de ficelles, elle se hissa jusque la charrette pour tenter d'attraper sa besace. Ses jambes brûlaient, sa joue aussi, non pas celle effleurée par la colombe, l'autre joue, celle qui avait subi la lame d'une dague ou d'une épée, ou peut être même qu'un loup des bois l'avait griffée sauvagement, qu'en savait-elle…
Elle s'efforçait de continuer à parler pour garder un semblant de lucidité, la tête pourtant si encombrée :

- ROCHANE ! REVEILLE TOI CORNE DE BOUC !

Le souffle court, elle s'appuyait sur sa carriole pour saisir sa besace et une gourde, tous ces mouvements semblaient durer une éternité…

- ROCHANE ! PARLE MOI !

Haletante, elle revenait auprès de sa cousine, déboucha la gourde et en but une gorgée généreuse avant de partager avec sa cousine. Elle glissa son bras souffrant sous sa tête qu'elle relevait légèrement, puis approchait la gourde de calva, délicatement, près de ses lèvres :

- Bois...bois ma belle, aller réveille toi ma Rochane, REVEILLE TOI !

La petite fiole délicate autant que puante, couchée sur le sol, tout près d'elle, semblait la fixer et l'exhortait inlassablement "ouvre moi"…
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Montecchio
[Dilemme ? Un peu... Beaucoup... Passionnément... A la folie... Pas du tout !]

Un râle ! Que dis-je, un râle... Des gémissements ! Oh, encore des Normands se tripotant dans les fourrés, ou se fourrant une tripotée... au doigt, heu, au choix... Montecchio avait vraiment l'esprit aussi embrumé que le temps du petit jour levant. Si les brouillards étaient matinaux, lui non !

- Rochane ! Rochane ! Réveille-toi !

Ah, mais c'est qu'ils sont sauvages, ces Normands ! C'est l'amour vache on dirait... Ah, je vois leur carriole... Mais ce sont deux femmes ! Vraiment, y a p'lus d'jeunesse... Oh, et ce corbeau qui s'approche, voyeur ! En plus d'être voyou...

- Hé vous là, allez fairé vos cochonnailléries ailleurs, c'est plein di brigandés ici !

C'est là qu'il aperçut et reconnut Mabelle amochée, si tant est que ces deux mots n'ont d'opposé que leur sens. Elle s'accrochait tant bien que mal à la charrette, sanguinolente, son corbeau venant lui picorer le pied, qu'elle avait fort rouge, d'ailleurs. Non loin, le corps d'une autre femme, ou son cadavre. Et, au milieu de tout ce mort monde, dans l'herbe verte rougie (par les rayons du soleil...), semblant taper le sol d'une patte impatiente, sa colombine blanche qui attendait qu'on la libère de sa fiole au long fil !

- Mabellé ! Arléquiné !

Montecchio se précipita pour soutenir l'une et siffler l'autre. Il tenta d'allonger Mabelle dans l'herbe, ne prenant pas le soin, pour une fois, de choisir un endroit propre. Un regard à son oiselle messagère, qui s'était posée sur son épaule, pour s'apercevoir que la fiole était encore bouchée. Un coup d’œil aux blessures de Mabelle pour en déterminer la gravité. Il décida de lui déchirer quelque peu ses vêtements pour panser au mieux ses blessures et disant :

- Michellé, vous m'entendez ? Vous m'entendez ? Battez des cilés si si !
Mabelle
[Le trépas ? Pourquoi pas ?! Un peu... Beaucoup... Passionnément...]

Alors que Mabelle tentait de ramener sa cousine à la vie, ses douleurs vivaces s'amplifiaient en voulant maintenir Rochane, son corps, de nouveau, l'abandonnait.
Les étoiles... encore. Comme elles sont attirantes ! Tellement soyeuses... Une envie viscérale de les rejoindre dans leur univers d'argent prometteur de sérénité, de paix, de douceur...un vertige plus tard et la dieppoise titubait avant de s'effondrer.

On aurait presque pu déceler un sourire béat sur son visage défiguré. Un sourire de satisfaction, ça y est cette fois, elle partait découvrir le grand mystère.
Un nouveau défilé d'images saugrenues, incohérentes, Lilli qui flottait de nuage en nuage dans un tonneau de calva, Judi et Léon courait dans les champs en essayant d'attraper leurs cousins dragons, Montécchio au visage double, ange et démon, fredonnant des airs mélodieux en lui infligeant quelques coups gracieux, et le pire, une rangée de normands et normandes de son entourage, de ceux qu'elle côtoyait depuis des lunes, qui scandaient tandis qu'elle courait vers la Lumière, eux, riant aux éclats cyniques "On t'l'avait dit ! Hahahahahaha ! On t'l'avait dit !", un soubresaut la fit tressaillir à cet instant.
Elle s'agitait, courait de plus en vite en se bouchant les oreilles et au loin, très loin, elle entendait une voix, une voix qu'elle connaissait bien, ancrée en elle car singulière, mémorable, une voix qui sortait de nulle part mais au sein de cette torpeur, elle se concentrait pour l'atteindre malgré l'horrible martèlement sournois des rangées de normands qui bordaient sa course folle


- Michellé, vous m'entendez ? Vous m'entendez ? Battez des cilés si si !

Sa tête bourdonnait, les étoiles s'évaporaient comme la brume qui se dissipe et cette voix de plus en plus distincte, "Michellé...", alors instinctivement ses paupières closes s'animèrent, nerveusement.
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