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[RP] La vie en communauté

Johannes
Tout frais débarqué sur Toulouse, tout juste revenu d'une journée de trimard à surveiller la ville, autant dire qu'il a fait plus salissant. Être payé à se balader dans les rues, Blondin a jamais dit non. Surtout quand l'hiver se ramène.

Alors l'après-midi qui touche à sa fin, autant venir se peler les miches auprès de sa Blondeur. Se pointer à l'improviste comme ça, d'abord qu'elle l'a invité. Vague mention d'occupants là-haut, un grand roux brièvement croisé.

Déjà oublié.
Blondin long,
mémoire courte.

Est entré dans le rade la gueule en fleur, accueilli par un silence de mort. C'est bon signe dans sa tête, ça veut dire qu'il y a pas des gens. A passer une vie en comité réduit avec son soi-même, on perd des précautions.


« 'stana ? »
Chérie, j'suis rentré !
Ça répond pas d'en haut.
Entame la montée des marches.


« ...stana... »
Voix de miel, je suis de bonne humeur.
Oui, ce soir tu vas prendre.


« Ast... ana-haha. »
Parvenir à l'étage et tomber nez à nez avec un truc roux et déformé. C'est pas très haut non plus. Ça a le regard d'une carotte des neiges. Il en croise pas souvent des comme ça. Oui Blondin, c'est un enfant.
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Gaetan
Il y passait de plus en plus souvent, suivant un appel du pied d'Astana, et ne s'y sentait pas si mal, dans cette taverne. Pendant des années, il s'était contenté d'y faire une apparition de temps en temps, leur préférant les champs, la mine, sa mule, son poney, et la chaleur des écuries, où il était préservé des coups, remontrances et autres tendresses. Mais depuis quelques temps, leurs charmes se révélaient à lui. De conversations décousues en leçons de vie, il se plaisait à écouter les conseils plus ou moins avisés de ses aînés, et à les entendre se disputer sa garde. Son monde changeait, et ce n'était pas pour lui déplaire.

Gaetan se découvrait enfant, se découvrait intéressant, se découvrait capable de tenir une discussion, se découvrait drôle aussi. Et il n'était pas rare de le voir bomber son torse malingre ou rougir de fierté à l'écoute d'un compliment, même si les mercenaires avaient leur propre manière de complimenter. Comparés à ceux de l'Irlandais, c'était de doux mots qu'on lui aurait susurré à l'oreille tout en lui caressant la tignasse rebelle.

Comme il s'y sentait bien, il y passait donc plus de temps, et afin de se rendre utile, en profitait souvent pour nettoyer un peu après le passage des amis pas toujours très soigneux de la Blonde. C'est d'ailleurs ce qu'il était en train de faire, à l'étage du Blaireau. Le balai à la main, le seau non loin, et un tas de draps sales qui n'attendaient qu'une lessive pour retrouver leur grisaille d'antan. Faut dire qu'antan, ils étaient déjà vieux.


- elle est pas là... et c'est Astana d'abord.

Il est habitué depuis le temps aux surnoms plus cons les uns que les autres dont les mercenaires peuvent s'affubler, et même parfois les autres. Gaetan ne comprenait pas bien pourquoi, mais il semblerait que peu de gens aiment se faire appeler par leur nom, la plupart arbore un surnom, souvent lié à la couleur des cheveux, parfois un trait de personnalité, régulièrement un diminutif de leur nom. Etrange, mais habituel. Rien qui interpelle le rouquin, donc.

- tu veux quoi ? je peux t'aider ?

S'il avait su ce que voulait l'homme qui se trouvait devant lui, il n'aurait sans doute pas proposé son aide. Oh non.
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Johannes
Et merde, en plus ça parle. Peut-être qu'on aurait dû le rendre plus léger d'une langue au lieu d'un bras... si on avait su, hein. On ne rectifie pas les dires des grandes personnes à ton âge, tu devrais le savoir, c'est écrit dans le Guide des Grandes Personnes. Non, je ne te prêterai pas un exemplaire. J'ai paumé le mien.

« Astana. »

Là, j'ai récité ma leçon. En même temps, j'articule ce que je veux bien articuler. D'ailleurs t'en mâches pas mal toi aussi, des syllabes, hein... Rouquin. Mais soit, ça se fait pas d'écorcher les prénoms. Reste qu'en vieillissant, on prend plus le temps, et puis un mot qui commence en « A » c'est quand même vachement chiant.

Mais on se met à a hauteur de l'homme de la maison, c'est la tradition. Blondin se met à la hauteur du seigneur de cet étage, avise le balai, remarque pas les draps. Elle te fait déjà laver les sols la danoise ? Et bien t'en as pas fini avec les femmes toi. Déjà que t'as l'air d'en avoir bien bouffé jusqu'ici, avec tes yeux trop vieux.


« Non, vous n'pouvez pas m'aider. Vous avez un balai dans les mains. Ça peut être dangereux un balai, vous devriez vous méfier. Moi-même je m'en tiens à l'écart le plus possible. »
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Gaetan
Il est bizarre celui-là. Non, vraiment. Il en a rencontré des gens, le rouquin, et des pas-piqués-des-hannetons. D'habitude, on le vanne. On le pourrit. On l'ignore. On le prend de haut. On s'essuie dessus. Mais alors le vouvoyer, tout en l'envoyant gentiment bouler, c'est une sorte de première.

- un balai, ça se pose hein... je suis pas collé à lui.

Souvent, l'enfant a l'impression de devoir énoncer des évidences à des adultes qui sont censés en connaître bien plus que lui sur les choses de la vie. A savoir si ce sont les Grands qui le prennent pour un crétin, ou si c'est lui qui est finalement doté d'un bon sens dont beaucoup semblent dépourvus.

- les balais c'est comme tout, c'est dangereux que si tu sais pas t'en servir...

Sous-entendu, si tu sais pas te servir d'un balai, mec, tu sais quand même pas faire grand chose...

- tu veux quoi à Astana ?

Revenons en au principal. Astana, le manchot en est la béquille. Il a tout quitté pour elle, à un moment où elle avait besoin de quelque chose pour se tenir debout. Non pas qu'il joue les videurs, ni même les gardes du corps, il n'a même pas dix ans, il n'est pas stupide. Mais pour autant, c'est son amie, ça l'intéresse. Et donc, toi, c'est quoi qui t'intéresse chez elle ?
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Johannes
Sauf que Blondin se doit de revenir sur la haute question des balais une dernière fois. Attention, parce qu'il a levé un index doctoral. Pour un peu, il aurait la voix qui chevrote, histoire de marquer le coup. Jeune homme...

« … si un homme se sert trop souvent d'un balai, il n'arrivera plus à le décoller de sa main. »

Crois-m'en. Des cas existent. Ne deviens pas l'homme au balai. Déjà qu'on vit dans un monde où des grognasses posent leurs fesses sur le trône de France, alors hein, on ne sait jamais. Surtout que toi, t'as qu'un bras, alors deux fois moins de chances de t'en sortir.

« Bref. Je voulais heu... »

Gratouillis sur la tempe. Les questions simples des enfants qui demandent des réponses compliquées, parce qu'on a pas les couilles de répondre simplement, ou pas envie de se creuser la tête, ou parce que c'est pas formulable.

« … lui parler. A Astana – un double « A », tu as remarqué cet effort de dingue ? »

« Je suis en visite. » En gros quoi.
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Gaetan
C'est dingue. Il a beau le savoir, qu'un balai ne reste pas collé, et n'avoir jamais croisé le cas, se douter que c'est impossible, rien que le fait qu'un adulte lui soumette l'idée d'un ton convaincu, et l'index levé, hop, le môme envisage la possibilité de ... et d'un coup, balance le balai contre un coin, dans lequel il se niche, laissant la seule paume du rouquin totalement libre. Quelques années et oestrogènes de plus, et cette paume aurait servi à en coller une au blond, mais non, seules les mirettes perplexes s'agglutinent à celles de celui qui lui fait face.

- lui parler... genre...

Tu ne le prendrais pas pour un canard de deux semaines ? Tu t'es entendu quand tu l'as appelée y'a pas dix minutes ? Pendant plus de deux ans, Gaetan a été élevé par Finn, qui recevait dans son lit plus de visiteuses que le Roi ne reçoit de plaintes en salle des Condoléances, ce qui n'est pas peu dire.

- Astana elle est fragile, si tu veux l'abimer, c'est pas la peine de rester hein. et si tu restes, pas la peine de faire du bruit, j'aime pas ça.

Tant qu'à faire, autant déposer ses propres doléances. Faut dire que l'occasion se fait rare, autant en profiter.

- en attendant, tu veux un verre ? ce sera un écu.

Une chose qu'il aura apprise ici, c'est le sens du commerce.
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Johannes
On en fait pas tous les jours, des bonnes actions comme il vient d'en faire Johannes. Prévenir le lien malsain qui peut unir l'homme à un balai, non réellement, ça pourrait lui offrir sa place parmi les grands trépassés. Comment ça, c'était pas forcément réglo ? C'est un chiard enfin, il a beau déjà piger quelques trucs pour sa taille, il ne peut pas englober tout le concept. Va, tu me remercieras plus tard.

« Lui parler... genre... »


« Mrph ! »
Ouais, d'abord. Lui parler.
On est pas des rustres quand même.


« Et vous l'avez lu où ça, qu'elle était fragile ? »

Ou attends. Que je te remette. Parce que c'était du prévu, qu'il y aurait un gosse amoché dans les parages à sa danoise, et roux même – et là franchement, tu cumules, ça se fait pas de réunir autant de problèmes. N'empêche, je te connais pas, mais je sais des trucs sur toi, parce que tout manchot que tu es, t'as foutu ton pied dans une lettre.

Bon, je te connais pas, mais je sais des trucs sur l'enrobage. Tiens, je te regarde dans le vide avec mon énoncé de devinette.


« Teuh teuh, roux... page du vieil amant ? Plus qu'un bras. Tifs, plage de Bretagne... Donc vous êtes la béquille ? »

Enchanté, moi j'suis l'tréteau. Bon un tréteau, ça lui arrive de se casser la gueule, quand c'est mal monté. Ouais, faut le faire.

Là, Blondin a sorti un écu dans sa paume.


« Si vous foutez des gouttes à côté en versant, j'paierai que cinquante sous. Votre nom ? »
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Gaetan
Le môme n'étant pas magicien et ne faisant pas apparaitre les chopes ni la bière à volonté, et Astana n'ayant absolument pas pensé à la possibilité d'installer un fût à l'étage avec un second comptoir, Gaetan passe devant le blond pour se faufiler dans l'escalier.

- à boire, c'est en bas. c'est con, t'es monté pour rien dis donc.

Comme il est maintenant de dos, Johannes n'aura pas l'occasion de remarquer le sourire semi-narquois qu'esquisse un rouquin qui apprend bien trop vite les leçons de son Maître es Connard-Attitude.

- d'abord si elle est fragile. t'as vu nos cheveux ? bon moi ça va, ça pouvait pas être pire... mais elle quand même, elle est moins jolie non ?

Une marche après l'autre, le rouquin fait gaffe à ce que les échardes ne percent pas la semelle trop fine de ses chaussures trop grandes. Y'a pas de petites économies, il sait, du moins espère, qu'il va encore grandir, alors il a acheté des chaussures plus grandes, c'est tout. Rien à voir avec le vendeur qui l'aurait gentiment arnaqué dans l'espoir de lui en revendre ensuite une paire à sa taille -et qui pour le coup était bien feinté, vu que Gaetan n'avait pas du tout envie de dépenser son magot.

- quand même, elle a pas besoin qu'on l'embête ou qu'on la fasse pleurer. t'as pas intérêt.

Béquille ou garde du corps, il improvise tandis qu'il arrive enfin en bas, sans avoir vérifié si l'autre le suivait. Il s'en doute. L'appel de la goutte, ou de la mousse, ou de la robe. Choisissez.

- tu bois quoi ?

Oui, parce que justement, faut choisir.

- et je veux bien l'écu, je renverse jamais. je suis manchot, pas handicapé hein !

C'est dingue, ces gens qui font des raccourcis ! comme si le môme allait trouver le grand blond complètement con juste à cause de sa couleur de cheveux.
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Johannes
Perché en haut des marches, sombre et crétin, le blond s'incline devant la première rétorque du mioche. C'est vrai que c'est con d'être monté. On y peut rien, il a cru qu'il allait pouvoir vider son sac – aucun mauvais jeu de mots – dans les draps de la danoise. Par saleté d'heur, perspective de frottage de lards est remplacée par un tête-à-tête gênant avec face-de-carotte. Même pas entier le légume. Ô joie, tirelidondaine...

Un œillade crevée accompagne la descente du gamin qui prend manifestement son temps pour sympathiser avec chaque marche. Une à une. Johannes y décèle une sorte de prédilection naturelle à emmerder les gens, ce qui leur fait toujours un vague point commun. Si l'intention n'est pas manifeste, le résultat est le même. Prends ton temps. Baptise chaque palier, ça me laisse le temps de réciter une huitaine de credo dans ma tête.

Oui, en version bilingue. Voire même, je pourrais inventer un patois des escaliers et commencer une version. Tant mare* sont les morveux de Toulouse... Au reste, Johannes pèse les considérations du rouquin à propos de la danoise. On serait maladroit d'affirmer qu'on a pas non plus l'intention de la faire chialer, mais ça serait comme tomber dans un piège.

Blondin s'accoude au comptoir, vient la rengaine de l'impotent, quel que soit son âge. Ramener tout à sa condition d'impotent. Pourtant le rouquin est invalide tout court, parce que c'est un chiard taillé comme une sauterelle. C'est pas le bras en moins qui changera la donne. De toute façon, on en fout aussi à côté quand on a en deux.


« Pourtant d'où j'suis vous faites clairement infirme. On a vu moins brancoche comme silhouette. Ça sera une bière. »

[…]

« Et non, 'stana n'a pas besoin d'être emmerdée. En théorie, je suis pas venu pour ça. Mais du coup ça m'interpelle. Si par hasard je l'emmerde, qu'est-ce qui m'arrivera ensuite ? »

Même pas qu'il a posé la question pour se foutre à sa gueule au gosse, Johannes. Sauf s'il renverse, là il se foutra un peu de sa gueule. Pas besoin d'être blond pour être con, les tifs, c'est juste pour faire raccord.

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* « mare » : maudits, au sens fort.
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Gaetan
Si la mitraillette avait été inventée et que les yeux du manchot en avait été dotés, alors Astana aurait eu une raison de pleurer sur la dépouille du blond. Infirme, sans déconner ? tsss... Gaetan est utilisé pour toutes les corvées possibles et imaginables depuis qu'il est né, et ça ne s'est pas arrêté quand des crétins avinés avaient décidé que l'asymétrie était fashion. Il savait faire la roue, servir des verres, cueillir des navets, et servir de fantassin dans toutes les guerres et batailles dans lesquelles on l'avait trainé. Beaucoup d'adultes avec deux bras n'auraient pas survécu à tout ce que le môme avait enduré, et peu se révèleraient aussi agiles si on les privait ne serait-ce que d'une main. Alors il l'avait mauvaise le môme de se faire traiter d'infime. Qu'on se foute de sa gueule, soit, mais qu'on l'insulte ? Le comptoir le dissimulant au regard de l'inconnu, il en profite pour cracher discrètement et sans bruit dans la bière qu'il vient de servir sans en gâcher une goutte.

Réapparaissant, il pose la chope sur la table, l'air de rien mais le sourcil froncé.


- ça veut rien dire brancoche d'abord.

Là, il s'avance peut-être un poil, étant donné qu'il ne capte pas un mot sur trois de ce que disent les gens autour de lui, mais ce mot-là il le sent pas, alors il tente le coup.

- c'est quoi ton nom ?

Non parce que si on attaque les choses sérieuses, il serait bien qu'il ait une identité à dévoiler quand il ira tout cafter à qui de droit. Ledit qui-de-droit variant selon la personne qui lui pose la question en preum's.

- t'as déjà été emmerdé par un manchot roux ? parce qu'on m'a souvent dit que c'était très pénible quand je m'y mettais. alors je pense que si tu l'embêtes...Là, Gaetan vient de se rappeler que les gros mots c'est pas trop autorisé...... je te suivrais. tout le temps. vraiment tout le temps. et je parlerais tout le temps aussi.

Voilà un point sur lequel il est à peu près confiant, vu le nombre de fois où les gens ont fini par se tortiller de malaise à force d'être abreuvés de pourquoi. D'ailleurs, en voilà un.

- et pourquoi tu veux la voir Astana ? moi elle m'a pas parlé de toi.
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Johannes
Quand le chiard l'a tué avec ses yeux, Blondin a légèrement plissé les siens. Pourquoi qu'il est pas content ? Le chtiot réapparaît au comptoir après son méfait, qu'apparemment, Johannes n'a pas pu percevoir, et donc n'a pas perçu. Non, il a pas l'air content. Blondin écoute l'annonce de la sentence, vrai qu'avoir un gamin qui suit et qui cause, ça doit peser lourd. En même temps, rien n'empêche de lui coudre le bec. Qui avait dit qu'on aurait mieux fait de lui trancher la langue ? Même qu'on avait raison depuis le départ.

Les propos du gosse tournent au désagréable. L'étant souvent lui-même, Johannes n'est pas franchement pointilleux sur le sujet. Mais pour le moment, il fait passer la dernière interrogation du rouquin à la trappe. Peut-être qu'il détecte pas les glaviots dans sa chope, mais les malaises, il peut encore. La remarque sur le « brancoche » et le petit sourcil froncé, c'est des trucs qui trompent pas. Et Johannes, il préfère clarifier tant que la malaise est encore chaud, parce que les non-dits qui pendouillent, c'est mal.


« Vous avez vraiment cru que je voulais emmerder notre blonde ? Ou c'est l'infirme ? T'aimes pas qu'on te le dise ? J'suis désolé, mais ça change que dalle au fait que t'en sois un, un infirme, avec ton gros défaut, ton truc absent. Manque de pot, ton défaut, il saute au nez. Donc t'es infirme. T'abuseras personne en voulant faire croire que tu vaux un mec à deux bras, et même si c'est vrai, t'en convaincra pas des masses. En sus, si t'es tronqué, c'est pas ma faute, et en plus, j'en ai rien à battre. C'est pas le premier gosse des rues qu'on croisera, et même les pas amochés comme toi, ils crèvent vite. Si tu tiens encore quelques années, t'auras de la veine. Là, encore, personne versera une larme. Chiale pas, c'est pareil pour moi. »

Il s'en doute, qu'il chialera pas. Sans doute qu'il sait déjà tout ça. On radote toujours un peu quand on clarifie. Là, qu'il lui file son écu, parce qu'il lui arrive de tenir parole. Il prend une lampée de bière en toute innocence, à croire que la bave des rouquins atteint les ailes des trimardeurs. Le crachat de l'enfance ira faire justice dans sa carne, en espérant que le rouquin n'ait pas une peste en incubation. On prie. En reposant la chope, ça fait quelques éclaboussures sur le comptoir. Si la gamin a donné son nom, Johannes a oublié. Trogne pensive sur les sept petites flaques de bière qui le narguent.

 « Mon nom, c'est Johannes. Et je suis venu voir Astana parce que je voulais venir, et parce qu'elle voulait que je vienne. »
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Gaetan
Et c'est là qu'on se rend compte pourquoi y'a des grades dans le connapprentissage. Gaetan n'a ni l'âge ni l'expérience de Rik, et ça lui manque cruellement pile poil... maintenant. Si la susceptibilité du rouquin-manchot l'a conduit à se prendre pour une grenouille, au final, il suffit que l'adulte montre les crocs et le boeuf se dégonfle.

- hey c'est pas parce que personne pleurera pour toi que ce sera pareil ! je suis sur que Astana elle sera un peu triste d'abord. et d'autres aussi...

Il ne reviendra pas sur le handicap. Infirme il est, mais dégourdi il reste. Et qu'il soit moins efficace qu'un esclave doté de deux bras, il n'en doute pas une seconde, pour autant il est tout aussi certain de se démerder bien plus avec un bras en moins, que d'autres qui viendraient de se couper un ongle.

A ne plus fréquenter Finn, voilà qu'il en perdait l'habitude de n'être rien, un coup à lui filer la grosse tête. Heureusement que le Blond vient le remettre à sa place. N'empêche, à sa place ou pas, il regrette pas d'avoir craché dans sa chope à celui-là, et qu'il rendre Astana triste et la menace sera mise à exécution.


- Astana veut te parler ? c'est pas une excuse. elle veut bien parler à plein de gens, ça empêche pas que des fois elle se coupe les cheveux, alors attention quand même.

Et parce qu'il a environ dix ans, qu'il est susceptible, et apprenti connard, il ajoute :

- johannes ? c'est moche.

Pas piquée des hannetons, cette réplique.

- tu vas rester longtemps ? si tu restes longtemps, vaut mieux faire la paix quand même... sinon tu vas pas être très heureux. Rapport au fait que le môme peut être un poil chiant, et très présent. je suis désolé si j'ai craché dans ton verre...
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Johannes
Les gens qui t'ont croisé, ils verseront peut-être une larme, Astana peut-être deux, voire trois, mais ils iront les noyer dans les coups qu'ils se paieront la nuit du jour où t'auras été balancé à la fosse, et ils finiront par se taper sur le bide. Peut-être même qu'ils repenseront à ta trogne de temps en temps, les années qui suivront, ça s'appellera de la tristesse, puis de la nostalgie, et puis à la fin, ça s'appellera plus rien, et tout le monde t'aura oublié. C'est ce que Johannes aurait répondu, s'il n'avait pas conscience qu'il a encore un marmot en face de lui. Et ça se fait pas, de tout dire aux enfants. C'est des vérités qui ne peuvent être sainement avalées que sur le tard.

« Tu as craché dans ma b, non... Retour de l'index, mais pas doctoral, l'index de remise à niveau. D'un... non, c'est pas une excuse, c'est une raison. Astana, je ne veux pas (plus), lui faire mal. Je suis pas là pour ça. Et si ça arrive malgré moi, tu as le droit de me suivre partout en me cognant sur le tympan... encore que ça va être délicat, de me suivre partout, mais soit. Parce que de toute façon, je vais rester.

… de deux, Johannes, tu as raison, c'est moche. Mais si tu le prononces assez vite, ça traumatise pas tellement.

… de trois... tu as craché, dans, ma bière ? »


Blondin regarde le gosse avec un vague air ahuri, puis se penche vers l'objet du délit, dans l'espoir d'apercevoir un cadavre de glaviot flottant. Ahuri plus encore, parce qu'il ne voit rien, ce qui est assez normal avec toute cette mousse. Oui, non, il a avalé de la bave de rouquin. Retour des billes sur le marmot avouant. Parce qu'il en plus, il avoue. Pas une semaine après, pas une fois que tu l'as digéré, son crachat, non, quand ça stagne encore dans tes boyaux. Histoire que tu en prennes bien conscience. L'immondice est en toi, considère l'étendue de ton impuissance. D'un coup, Johannes se marre doucement, ça lui fait une tête de gosse quand il confie sa réaction.

« Mais... c'est dégueulasse. »
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