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[RP] Peut-on aller deux fois au būcher ?

Shirine
    Arles, 7 novembre 1461


Shirine est installée depuis à peine quelques jours à Arles. Elle vient tout juste d'acquérir une petit maison en ville, avec un terrain suffisamment grand pour y cultiver un peu de céréales. Elle n'a jamais été une femme d'affaires, a toujours vécu simplement. Mais les choses ont changées, son mode de vie a changé. Pendant un an, elle s'est laissée entretenir par son frère qui la poussait avec l'aide de Rose à devenir plus coquette. Elle l'a laissé lui offrir des robes, des chaussures, des bijoux... Finissant par devenir ce qu'elle avait toujours détesté : une petite bourgeoise pourrie gâtée, ne passant ses journées qu'à lire et faire les boutiques.
En quittant Moran, elle avait renoncé à tout ce confort, sans faire une croix sur ses nouveaux goûts de luxe. Et en plus de ses besoins à elle, s'ajoutaient ceux de son fils, de plus en plus vorace... Elle avait dû emprunter de l'argent et investir dans des activités qui lui rapporteraient. Fort heureusement, ses sœurs et frères du Lion de Juda l'avaient aidée en lui apprenant à gérer des affaires et avaient participé au financement.

Elle prenait un nouveau départ... Pourtant, quelques petites choses l'obsédaient encore. C'est pour quoi un soir, alors qu'elle vient de coucher Ânani, sa plume gratte un vélin.


Citation:
Brunehault, ma vieille amie,

    Voilà bien longtemps que je ne t'ai plus écrit, je suis d'ailleurs à court de ta décoction sédative et j'en ai de plus en plus besoin car mes insomnies reprennent.

    J'ai aussi besoin de tes connaissances pour un soucis que je traîne depuis trop longtemps. Personne ne le sait, personne ne doit savoir, personne ne comprendrait. Toi je sais que tu ne me jugeras pas, tu as du voir des cas bien pires que le mien. Je suis deux. Enfin... Je suis moi, mais je traine dans ma tête une autre moi issue de mon enfance, de mes racines et qui tente de prendre ma place. Elle me parle souvent, j'entends sa voix dans ma tête, elle essaye d'influencer mes choix, mes décisions. Récemment, alors que j'étais très faible, elle a même réussit à prendre ma place et faire des choses dont je n'ai pas connaissance. Comme si j'avais dormi pendant qu'elle utilisait mon corps... Je ne sais pas comment mieux t'expliquer.
    Je dois me débarrasser d'elle. Tu dois me débarrasser d'elle, je vais devenir folle. J'ai trop peur de ce qu'elle pourrait faire à ma place.

    J'ai aussi une autre souffrance, sans doute un peu moins urgente à traiter, mais pendant que nous y sommes... J'ai besoin d'oublier un homme, d'être guérie de l'amour que j'ai pour lui. Je suis certaine que tu auras aussi quelque chose pour ça.

    Dans l'attente de te lire.
    J'espère que tu te portes bien.


Shirine

_________________
--Brunehault
    L'on ne comptait plus les années de la vieille femme. L'on avait oublié depuis combien de temps elle ne sortait plus de chez elle. Petite, trapue, une longue chevelure blanche, le visage ridé à l'excès par les soucis de la vie, Brunehault passait ses journées dans son fauteuil, devant la cheminée, son chat sur ses genoux. Elle avait bien un fils qui gérait une des auberges d'Annecy, et une petite fille qui prenait la suite de son brave père. Mais ils étaient tous deux bien occupés et essayaient déjà de passer la voir au moins deux fois par semaine. C'est lors d'une de ses visites hebdomadaires que son fils lui apporta le courrier de Shirine. Il entra doucement dans la maison à l'unique pièce et lui tendit le pli en signalant sa présence après lui avoir fait une bise. La vieille guérisseuse, ses pensées semblant lointaines, attrapa le courrier et le déplia pour le lire. Elle ne voyait plus grand chose mais réussit tout de même à déchiffrer les mots de la rouquine.

    Fait étrange, un sourire étira ses lèvre dès les premiers mots. Elle avait reconnu l'écriture. Au fond d'elle, elle espérait bien avoir des nouvelles de la jeune genèvoise qu'elle avait soignée à plusieurs reprises et surtout, qu'elle avait veillée après sa fausse couche. Elle s'était prise d'affection pour elle dès sa première visite. La petite de tout juste seize ans avait semblé se décomposer sur place lorsque Brunehault lui avait annoncé qu'elle était enceinte. Elle avait lu la détresse dans ses yeux, mais à aucun moment Shirine ne lui avait demandé un remède abortif. Elle l'avait accompagnée dans les premiers pas de sa grossesse et dans les derniers. Dans sa folie passagère, dans ses cauchemars et ses insomnies... Elle en savait sans doute plus sur elle que n'importe qui d'autre. La vieille femme avait décelé sa solitude et son combat désespéré contre elle même. A la lire, elle savait déjà que Shirine ne trouverait sans doute jamais la paix.

    L'ancienne soupira et réclama à son fils de quoi écrire alors qu'il leur préparait du thé. Il s'exécuta sans un mot, habitué au silence de sa mère sur ses affaires et ses relations. Lorsqu'il apporta la théière brûlante et les tasses, Brunehault avait déjà viré le chat de ses genoux et y était penchée pour répondre. Elle écrivait sans vraiment voir les mots, mais elle aurait pu écrire les yeux fermés qu'elle aurait été parfaitement lisible. Elle avait toujours su écrire, mais d'une orthographe déplorable. Shirine l'avait aidée en corrigeant ses fautes et en lui réapprenant les mots. Elle en avait eu de la patience la petite... Était-il vraiment utile à Brunehault de savoir bien écrire à son âge, si proche de la mort ? Sa lettre terminée, elle la donna à son fils en plus de quelques instructions sur ce qui devait accompagner son vélin. Elle lui intima également, et ce malgré ses protestations, de lui préparer quelques affaires dans un petit sac, en prévision d'un voyage.


Citation:
    Shirine, ma petite fille...

    Ca me réchauffe le coeur de te lire. Je t'ai fait envoyer mon habituelle décoction de pavot somnifère.
    Pour le reste, ça me nécessite plus de recherches et plus de précisions.
    Dis-moi où tu es que je te rejoigne, on ne rigole pas avec les affaires de coeur et d'esprit...

    Brunehault
Shirine
    « Tu fais tourner de ton nom,
    Tous les moulins de mon cœur. »*



    Dans un silence tellement serein, apaisant et parfait, quelques flocons de neige tombent en tourbillonnant du ciel gris clair. Je les observe parsemer avec délicatesse ses cheveux d'ébène. Je ne peux réprimer l'envie irrésistible de les toucher. Ma main droite sort de sous la couverture du lit dans lequel nous sommes allongés, en face l'un de l'autre, au milieu de la montagne helvétique. Mes doigts fins frôlent la surface de sa chevelure. Il ouvre son œil encore valide et me fixe. Mes émeraudes parcourent tendrement les cicatrices de son visage, que tant d'autres éprouveraient de la peur à observer. Moi je les aime ces rayures claires et preuves de sa vie tourmentée autant que la mienne, preuve du peu d'importance qu'il accorde à plaire. Mon index passe de sa chevelure à son front, descendant l'arrête de son nez, s'échouant sur ses lèvres irisées qui s'étirent en un sourire qui ne s'adresse qu'à moi. Je le lui rend sans même l'avoir commandé.

    Tu restes, n'est-ce pas ? Je demande dans un souffle de peur de rompre de ma voix la magie de l'instant.

    Un battement de cil et il me répond sur le même ton.


    Tant que tu n'ouvriras pas les yeux, je serai là.

    Le son de sa voix m'offre une profonde chaleur à l'endroit de mon cœur, et de savoureux frissons sur toute la surface de ma peau.

    Alors je voudrais garder les yeux fermés pour toujours...

    Je ne m'étais jamais connu un côté aussi niais et fleur bleu. Cet homme avait le pouvoir de me rendre plus que vulnérable, romantique, me faisant écrire des lettres d'amour et me laissant anéantie par son absence. L'aimer c'est être moi, c'est le laisser voir au delà de ma carapace, c'est lui accorder le droit de me détruire si l'envie lui prend. Parce qu'il a entre les mains ce qui me fait vivre : mon cœur.
    Dans notre contemplation commune, le froid se fait soudain mordant alors qu'il était inexistant. Je me sens tirée vers l'arrière et mes doigts glissent de son visage et s'en éloignent. Je proteste, j'essaye de me redresser, de lui attraper la main pour le retenir, pour qu'il me retienne. Mais je pars, je glisse loin...


Shirine ouvre les yeux sur la cheminée de sa demeure. Comme une furie, elle se redresse et bondit du banc sur lequel elle s'est étendue pour se rendre aux étagères. Fébrilement, ses mains farfouillent entre les bouteilles et les bocaux à la recherche de la décoction de pavot et des graines de jusquiame. La première l'aide à dormir, les secondes à faire des rêves très agréables. Elle les dégote enfin et retourne près de la cheminée. Elle attrape quelques graines dans sa main, et alors qu'elle s'apprête à les jeter dans le feu, des coups à la porte la stoppent net. Elle reste immobile, n'ayant pas tellement envie d'aller ouvrir. Mais les coups se répètent.

M*rde !

Elle va planquer ses fioles et se rend à la porte pour l'ouvrir, affichant sa mine des mauvais jours. Mais en apercevant la silhouette dans l'encadrure, elle se radoucit et en vient même à sourire.

Brunehault !



*"Les moulins de mon coeur", Michel Legrand

_________________
--Brunehault
    Le voyage lui parut long et harassant. Il lui avait pourtant fallut trois jours. Un pour monter à Genève où elle avait pris un bateau en partance le jour même, et deux jours à naviguer pour descendre le Rhône jusqu'à Arles. Et depuis les quais, un peu de marche jusqu'à la petite maison l'avait achevée. Heureusement, Shirine lui avait indiqué le chemin depuis le port, sinon, elle se serait surement perdue et on l'aurait retrouvée morte d'épuisement le lendemain sur le bord d'une rue. Le soir tombait juste lorsqu'elle se campa devant la porte. Il n'était pas tard, mais en cette période très avancée de l'année, l'obscurité arrivait fort vite. Avant de frapper à la porte, la vieille préféra reprendre son souffle un moment. Elle s'adossa au mur extérieur et resta là silencieuse pendant de longues minutes. Pourrait-elle seulement faire le chemin inverse et rentrer chez elle après s'être occupée de sa petite protégée ? Elle se redressa et toqua à la porte.

    La petite n'était visiblement pas pressée de lui ouvrir. Brunehault se pencha un peu contre la porte, afin d'essayer d'entendre s'il y avait du mouvement à l'intérieur. Mais tout semblait calme. Pourtant, depuis les fenêtres, une lueur intérieure se laissait apercevoir. La vieille femme réitéra le choc de ses doigts contre le bois de la porte. Cette fois, elle distingua quelques tintements et la porte s'ouvrit sur la rouquine. Brunehault la détailla de ses petits yeux gris cerclés de rides. Elle était pâle, mais il n'y avait rien là de vraiment différent de d'habitude. Une cicatrice qu'elle ne connaissait pas lui barrait la tempe droite. Elle semblait toujours aussi mince, toujours aussi droite et à l'allure fière, elle était toujours aussi belle. La vieille lui rendit son sourire, heureuse de la retrouver. Elle tendit son balluchon à son hôte et entra alors que cette dernière s'écartait pour la laisser passer. Elle fut invitée à s'asseoir et ne se fit pas prier. Épuisée, mais heureuse.


      « C'est un peu plus cosy qu'à Genève... »


    Brunehault s'y était rendue une fois, dans la ville réformée. A l'époque, Shirine avait élu domicile dans une vieille tour en dehors de la ville, un lieu abandonné où personne n'aurait idée de venir y jeter un œil, et encore moins s'y installer. C'était sans doute pour ces raisons que la jolie rousse avait choisi ce lieu. Elle si adepte de solitude et de tranquillité. Elle si allergique aux autres et au bonheur qu'ils pourraient lui offrir, parce que le bonheur ne souffre pas de vivre sans le malheur. Et être blessée par les autres, Shirine ne le supportait pas. La vieille la transperça de ses yeux, tentant de sonder son âme, essayant de deviner ce qui avait changé depuis la dernière fois qu'elles s'étaient vues. Elle lui avait dit vouloir oublier un homme. Pourquoi n'était-elle pas avec lui ? Par peur de s'engager, encore et toujours ? Ou pour une fois serait-ce lui qui l'aurait éconduite ? Serait-il mort ? Parce qu'elle ne voulait pas lui dire ? Voudrait-elle fuir plutôt qu'affronter ?
Shirine
La vieille Brunehault n'avait pas changé. Si ce n'est qu'elle semblait plus fatiguée encore... Plus trapue, plus petite, plus avachie.
Shirine attrape le balluchon qu'elle lui tend et referme la porte derrière elle.


Tu n'aurais pas du venir... Tu es bien trop vieille pour voyager.

Le bagage échoue près de la cheminée ou la rouquine fait chauffer de l'eau pour offrir une tisane à son invitée. Elle est un peu agacée de la voir ici. D'une part à cause de sa santé et d'autre part parce que Shirine reste une grande solitaire. Partager son quotidien avec quelqu'un la met mal à l'aise, même son fils, sous prétexte d'assurer sa sécurité, vit principalement avec la nourrice. Elle se demande déjà si elle réussira à la laisser rentrer chez elle une fois qu'elle lui aura fourni toutes les clefs de sa délivrance. Elle aspire à se débarrasser de Zoé plus que tout, première étape. Oublier Dioscoride en est une autre. Mais moins urgente. Cela dit, la Sicaire ne doute pas un seul instant de la réussite de la guérisseuse en moins de temps qu'il n'en faut pour le croire...

Plus cosy qu'à Genève ? Shirine esquisse un sourire. Ce n'était vraiment pas difficile... Et pourtant, elle regrettait sa vieille tour isolée, théâtre de ses nombreuses crises. Comme le jour où elle avait tout dévasté, jetant étagères, vaisselles et bouteilles au sol, à cause de celui qui l'obsède aujourd'hui. Il l'avait faite passer par toutes les émotions possibles et imaginables. Où encore le jour où elle avait drogué Moran afin de pouvoir mieux l'attacher et lui offrir une torture physique à l'image de sa propre torture mentale. Il en avait d'ailleurs gagné une tête de lion sur le torse...
Mais elle garde le silence. Shirine ne sait pas faire la conversation. Elle sert les tasses et s'installe face à Brunehault.


J'ai vraiment besoin d'aide...
_________________
--Brunehault
    Le soir de son arrivée, Brunehault posa de nombreuses questions à Shirine au sujet de la deuxième personne qui errait dans son esprit. Elle le fit pour prouver à la rouquine qu'elle prenait avec beaucoup de sérieux son problème, mais au fond, elle savait déjà qu'il n'y avait pas grand chose à faire. Il existait des remèdes, du plus doux au plus agressif, mais l'issue était toujours incertaine. Les méandres de l'esprit restaient un mystère, un domaine qui n'était pas palpable contrairement aux plaies ouvertes ou aux fièvres. Mais la vieille femme gardait la mine confiante pour ne pas inquiéter sa petit protégée. Et en plus d'essayer de la sauver de son esprit torturé, elle comptait également la sauver de son mode de vie en lui donnant des habitudes plus saines. Pour commencer, elle confisqua toutes ses bouteilles d'alcool, les vida dans le jardin, et surtout ses graines de jusquiame qui la faisaient délirer. Ce qui n'arrangeait pas la folie mentale.

    Ensuite, elle l'obligea à prendre un bain tous les soirs, tôt dans la soirée, et juste avant d'aller se coucher. L'eau chaude, agrémentée d'herbes et de fleurs, permettait au corps de se relaxer et l'esprit avec. Elle espérait que l'absence de nervosité ferait disparaître cette Zoé qu'elle croyait entendre. Et juste après ce bain, elle devait se coucher tôt. Brunehault ne supprima pas tout de suite la décoction de Pavot car Shirine se plaignait vraiment de fortes insomnies, mais elle diminua petit à petit la dose. En plus de tout cela, elle s'attaqua à l'alimentation de la rouquine qui mangeait très peu. Elle l'obligea à manger régulièrement en petite quantité de nombreux aliments variés : pain, fromage, viande, poisson, légumes et fruits... Brunehault ne l'avouerait jamais, mais le but était bien d'obliger Shirine à une hygiène de vie plus saine. Sinon, elle ne passerait certainement pas trente ans. Elle même était trop vieille pour donner son âge, mais ce n'était pas pour rien.

    La vieille femme avait amené dans ses bagages nombres de plantes, d'onguents et de décoctions. Mais surtout, elle avait pris avec elle un grand livre dans lequel, tout au long de sa vie, elle y avait inscrit ses recherches et ses travaux. De nombreuses descriptions sur les plantes, leurs effets curatifs, leurs toxicité, des recettes de décoctions en fonction des symptômes etc... Tous ses petits secrets, qu'elle n'avait révélé à personne et elle aurait aimé, si Shirine était réceptive à ses méthodes, le lui donner à la fin de sa vie et pourquoi pas avant lui apprendre les bases de son art. Mais si ce grimoire pouvait s'avérer salvateur, il pouvait aussi être un terrible piège et lui assurer une descente aux enfers. Dans l'herboristerie, tout était question de dosage. Et les plantes qui pouvaient soigner, étaient également capable de tuer si l'on n'en metrisait pas bien les dosages... Mais elle n'en était pas encore tout à fait là avec sa petite patiente...
Shirine
    « Tu t'es enfui avec mon cœur.
    Tu t'es enfui avec mon espoir.
    Tu t'es enfui avec mon amour. » *


Dans son bain, Shirine observe distraitement une branche de lavande séchée flotter nonchalamment à la surface de l'eau, de laquelle s'élève un peu de fumée. Elle se plie, perplexe, mais sans trop rechigner aux exigences de Brunehault. En lui demandant son aide, elle avait plutôt imaginé une potion miracle dont elle seule avait le secret... A la place, elle se retrouvait avec un train de vie militairement orchestré. Aucun écart n'était toléré et la rouquine avait dû dire adieu à ses soirées en taverne et à ses nuits sulfureuses avec des inconnus. Elle détestait cela. Mais depuis que Zoé avait pris le contrôle d'elle-même à Genève sans qu'elle ne puisse s'en souvenir -pour preuve des affaires avaient été déplacées !- elle était bien décidée à la faire disparaître définitivement. Et s'il fallait en passer par là... Soit !
L’enivrant alcool lui manquait... Un peu... La douce caresse masculine n'était plus qu'un rêve... Shirine ne se contente plus que de fermer les yeux et d'imaginer la présence de son borgne près d'elle. Parfois ils ne font que marcher le long d'une plage, en silence ou s'échangeant quelques mots, elle lui prend la main, et parfois ils se lancent dans de fulgurants jeux de langues.

      « Et cet homme alors ? Que t'a-t-il fait pour que tu veuilles l'oublier ? »


Les paupières de la Sicaire se rouvrent brusquement, étonnée que les propos de la vieille femme puissent concorder autant avec ses pensées intimes.
Passé le petit moment d'incrédulité, elle lui répond d'un ton goguenard :


Il est absent.

Shirine sourit en coin. Ses pensées à son sujet oscillent entre haine, amour, rancune, estime...

Et lâche.

Et un tas de nombreux autres adjectifs.

Trouillard !

Shirine s'enfonce un peu dans son bain une moue de petite fille contrariée sur les lèvres.
Brunehault lève les yeux du livre qu'elle est en train de lire pour observer sa petite protégée.


      « Pour qu'il puisse être aimé de toi, à mon avis il ne se résume pas qu'à cela... »


Shirine baisse les yeux sur la surface de l'eau du bain, tandis qu'elle sent toujours sur elle les yeux gris de l'ancienne.

Non... Bien sûr que non...

Sa colère passagère se dissipe doucement. Elle songe à la lettre d'adieu qu'elle lui a envoyé il y a presque deux mois maintenant, et à laquelle il n'a pas répondu. Comme s'il ne l'avait pas reçu, ou comme s'il était mort avant d'avoir pu lui écrire en retour. Elle aurait voulu le lire une dernière fois, ou une avant dernière, ou avant avant dernière... Elle avait espéré qu'il refuse les adieux et décide d'accourir pour la voir. Elle avait espéré bien naïvement. Que pouvait-il lui offrir ? Quelques jolis mots d'amour écrits hâtivement entre les rires de ses enfants et les baisers de sa femme ?
La nouvelle arlésienne secoue la tête.


Il me ressemble trop. Il a au fond de lui des souffrances qu'il tait, mais je les perçois, je les sens. Il se déteste. Il ne vit pas, on dirait qu'il survit, juste parce qu'il n'a pas le choix. Il est là, il ne sait pas pourquoi. Il n'est qu'un terrain où le bien et le mal s'affrontent... Et j'en suis terriblement accro.

      « C'est rassurant parfois d'essayer de s'aimer soi-même à travers l'autre. Mais tu sais qu'il est aussi possible d'obtenir d'un homme ce que l'on espère de lui, plutôt que de l'oublier... »


Shirine se redresse brusquement et plante ses émeraudes dans les pierres grises de Brunehault. Une potion magique ?

*"Wherever you will go", The Calling

_________________
Estuardo
[La nuit tous les chats sont chauds*]

Arles. Drôle de ville. Pourtant, il l'aimait bien, l'aragonais. Cela ressemblait au Languedoc, sur certains aspects en tout cas, le temps, clément malgré un hiver froid entrant, les gens, souvent á la peau bronzée grâce au soleil des longs étés... la langue changeait. La langue d'oc lui rappelait l'Aragon, son pays, qu'il avait quitté il y a déjà plusieurs mois, dans l'espoir d'un jour devenir quelqu'un, de sortir de sa vie misérable dans son hameau paumé. Et surtout, surtout, dans l'esprit de fuir son père, son alcoolisme et sa violence. Depuis gamin, Estuardo n'avait jamais considéré son père en tant que "papá1". "Padre2" c'était le mot le plus affectueux que l'aragonais eût pu lui adresser. Et encore! D'affectueux, il n'y avait rien lá. Une sorte de respect obligatoire pour celui qui á donné la semence de ta vie. Et surtout, une façon facile d'éviter des querelles vaines.
A la mort de sa mère, Estuardo n'avait plus sentit aucune attache en Aragon, et au contraire, il trouvait, jour après jour, un sans-nombre de raisons de s'en aller. Il ne voulait plus avoir á s'occuper du père. Ne plus avoir á le supporter, á supporter ses insultes, ses violences, ses accusations et ses fantômes. Qu'il les porte tout seul, comme un grand!

Et il quitta sa maison, il quitta son hameau, il quitta son royaume, et son pays. Dans cette quête sans but partagée entre la fuite du passée et l'aventure du futur, l'aragonais était arrivé á Nîmes. Il s'y plut, et il y resta. Quelques jours auparavant, il avait même fait l’acquisition d'un champ de maïs. Il aimait le maïs soufflé, qui lui rendait des souvenirs d'enfance, quand, avec ses amis, ils en volaient dans les champs du voisinage et le soufflaient pour le manger en regardant les taureaux poursuivre les vaches.

L'Aragonais était content de son choix. Partir d'Aragon avait été une excellente décision qui l'avait mené á une vie prometteuse.
Ce soir-lá, il arrivait á Arles.
Il avait laissé son maïs pousser tranquillement, et avait décidé d'aller connaitre les entourages de sa nouvelle ville. Arles était proche de Nîmes, et il décida d'y passer quelques jours, festoyant qu'il était désormais un propriétaire! Premier pas dans l'échelle de sa future grandeur!

Avec l’habituelle bonne humeur des gens simples, il usait de sa soirée á se promener aux alentours de la ville, déjà un peu pompette après être passé visiter une des tavernes de la ville.
C'est durant cette promenade qu'il la vit. A travers la fenêtre d'une maison plutôt éloignée du reste, il regarda une femme d'une beauté qui lui résultait étrange. Cette femme prenait un bain. Elle était très blanche, á la peau couleur lait, alors qu'Estuardo était habitué á la peau mate des régions chaudes. Elle était rousse, et j'crois bien que l'aragonais n'avait jamais eu occasion d'observer une chevelure aussi flamboyante. Elle était fine et élégante, alors que lui était habitué aux femmes sauvages et un peu brutes de la classe paysanne et pauvre des Espagnes.

Et puis, bien sûr, elle était nue. Nue dans son bain.

Alors, ni une ni deux, Estuardo, le voilà qui grimpait, avec toute sa torpeur et l'alcool dans l'sang, á l'arbre le plus proche de la maison. Mais du tronc, il n'avait pas une vue réelle sur la femme, alors en plus, il dut essayer de se poser sur une branche, qu'il crut plutôt épaisse.
La position n'était pas commode, mais la vue valait la peine, et l'aragonais s'accrochait ferme, jambes, bras, mains et ongles, á sa branche á lui.

Il ne sut combien de temps il resta lá, béat, á observer la beauté et la splendeur de la féminité.
Enclin aux rêveries, l'Aragonais se perdit dans un monde illusoire oú il était chevalier de grande famille, ami intime du Roy, beau comme peu dans le royaume, avec une longue chevelure blonde, soyeuse et sentant les roses et les jasmins. Et il ne se trouvait plus dehors, sur une branche, mais á l'intérieur de la chambre oú la rouquine prenait son bain, assis sur un fauteuil, á côté d'elle et face á une cheminée crépitante. Il attendait que sa femme finisse de se baigner, pour ensuite aller profiter des plaisirs de la vie dans le lit qu'ils partageaient...

Mais comme toutes les histoire oú un simple paysan (ah oui, dames, m'sieurs, il tenait au titre de paysan, même si cela ne faisait que quelques jours qu'il l'était) épie une dame dans son bain, celle-ci non plus ne termina pas tranquillement, á la fin de la rêverie et dans la conscience de savoir se retirer á temps. Se retirer á temps? Mais que pouvait peser cette sage consigne si de l'autre côté de la balance il y avait une si belle vue?

Mais voilà. Fallait bien que quelque chose arrive. Et ce fut la femme dans le bain qui provoqua tout. Dans l’harmonie de ses rêveries, il n'y avait pas eu de place pour ce sursaut -vous me direz, il n'était pas très doué dans l'improvisation de ses théâtres imaginaires l'aragonais, et vous n'auriez pas tort!
Elle se redressa brusquement.
Il sursauta en retournant á la réalité.


-Mieeeerda! 3

Il eu á peine le temps d'entrevoir une vielle prés de la jeune.
Une sorcière!
La branche se cassait.
Il tombait.
Il fallait la sauver de la sorcière!
Il tomba.
Le bruit sourd de son corps percutant la terre fraîche fit écho dans la silencieuse soirée du tôt hiver.
Le monde, auparavant quelque peu blanchi, devenait gris, puis noir.
Il fallait la sauver de la sorcière... mais ses muscles ne régissaient plus, il sombrait dans le sommeil inquiet de la chute.


1: papá = papa
2: Padre = Père
3. Mieeeerda = Meeeerde

PS: Si la présence d'Estuardo n'est pas souhaitée, je vous laisse libres d'ignorer le post et le bruit de sa chute, ou alors vous pouvez m'demander d'effacer
Bon jeu!

* Edit parce que je trouvais ça plus marrant, d'solée, j'le ferais plus
--Brunehault
    Discrètement, Brunehault semait ses petites graines dans l'esprit de Shirine. Discrètement, elle l'amenait à ses connaissances, à une sensibilité aux plantes, en jouant sur sa sensibilité et ce qui pouvait la toucher ou créer des sentiments vifs et profonds. Évoquer cet homme semblait la rendre particulièrement tendue et la vieille femme compris très vite qu'il refusait de s'engager avec elle. Par peur surement. La rousse aurait dû comprendre ce sentiment. N'était-elle pas elle-même volage par simple crainte de stabilité ? Et elle, herboriste, savait grâce aux plantes embrouiller l'esprit, rendre fou, enivrer... Et s'il fallait en passer par là pour rendre sa petite protégée heureuse, elle n'hésiterait pas. Elle sourit en observant la réaction si évocatrice de l'intérêt qu'elle avait créé chez la jeune rouquine. Elle lâcha un petit rire amusé et s'apprêta à reprendre la lecture de son livre, lorsqu'un bruit sourd lui fit tourner la tête vers une fenêtre.

    Elle fronça les sourcils puis regarda Shirine avant de se lever. Elle posa son ouvrage et attrapa son châle, posé sur le dossier du fauteuil. Elle s'en couvrit les épaules et passa la porte pour aller voir dehors ce qui s'était passé. Elle tourna la tête à droite et à gauche, et aperçut la silhouette étendue au sol, sous un fin lit de feuilles mortes. Elle s'approcha à pas lents, essayant de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Mais il n'était pas difficile de comprendre. L'inconnu venait très certainement de tomber de l'arbre près duquel il gisait. Brunehault s'approcha encore un peu plus, resserrant son châle davantage autour de ses épaules. Le froid était mordant et de la fumée s'échappait d'entre ses lèvres à chacune de ses respirations. Elle s'arrêta au pied du corps et se pencha un peu, malgré que sa petite taille l'amenait déjà très près du sol. Elle ouvrit la bouche pour s’enquérir de sa santé.

      « Eh bien ? Êtes-vous blessé ? »
Shirine
Par quel miracle Brunehault pourrait-elle lui amener Dios sur un plateau d'argent ? Shirine n'imagine pas comment, mais est persuadé effectivement que c'est possible. Elle l'a aidé avec ses insomnies et ses cauchemars, l'aide avec Zoé, et pour le moment son double détesté la laisse en paix, alors elle veut bien continuer à lui faire une confiance aveugle. Surtout si c'est pour lui apporter ce qu'elle désire plus que tout au monde.
A peine se redresse-t-elle que le bruit venant de l'extérieur lui fait faire un bond. Elle se retrouve debout dans son bain à dévisager la vieille femme. Cette dernière se prépare d'ailleurs à sortir, et Shirine pétrifiée attrape un drap qu'elle met autour de son buste. Tout en attrapant sa cape pour l'ajouter sur ses épaules, elle s'imagine déjà qu'il s'agit du fou de Genève, revenu pour s'en prendre à elle. Et elle a moitié à poil aidée d'une vieille ne pourra pas vraiment lui résister s'il décide de la rosser, ou pire...

C'est particulièrement tendue qu'elle suit la guérisseuse à l'extérieur. Dégoulinante d'eau, pieds nus, elle avance avec méfiance jusqu'au corps qui git par terre.


Laisse, c'est surement un poivrot qui s'est cassé la gueule.

Ce qu'elle voudrait, c'est rentrer à l'intérieur et se barricader. En arrivant à Arles, la traque semblait avoir cessée, elle est terrorisée à l'idée que l'homme soit revenu...
_________________
Estuardo
    [«"- J'ai tellement entendu parler de Dame Trude que je veux une fois aller chez elle: il paraît que c'est fantastique et qu'il y a tant de choses étranges dans sa maison, alors la curiosité me démange. "
    [...]
    "- Écoute: Dame Trude est une mauvaise femme qui pratique toutes sortes de choses méchantes et impies..."» *]


"Eh bien... eh bien... eh bien... eh bien... bien... êtes-vous... eh bien... bien... bien... eh bien... eh bien eh bien eh bien eh bien êtes-vous blessé blessé... blessé... eh bien... vous.... blessé... bien... eh bien..."
L'image commençait á tourner. La rousse, le bain, le fauteuil, la rousse, lui, l’âtre, la branche, la lune, l'eau du bain, la rousse, lui. Et cette voix, lointaine, au rythme de laquelle se déformaient les objets. Eh bien... il n'y avait plus de lune, eh bien... plus d’âtre, eh bien... l'eau envahissait l'air, eh bien... lui flottait, eh bien, le fauteuil était devenu une masse informe couleur cuir, eh bien, la couleur cuir se mélangeait en spirale avec l'eau en l'air, eh bien, il commençait á tourner autour du bain flou, et de la rousse, êtes-vous? Il était l'eau, l'air, le bain, le fauteuil, la lune, la spirale, il tournait, il était? Était-t-il? Il se rattachait á la rousse, encore nette, devant lui, mais qu'était-t-il, lui? Au centre d'un mélange de couleurs. Une sensation apaisante qui tournait, elle aussi, se brouillait avec le cuir, l'eau, l'air, se transformait en angoisse, ne pas perdre de vue la rouquine. Les cheveux devenaient des flammes, des langues qui lançaient des coups dans cette matière étrange, qui blessaient les couleurs gluantes, blessé, eh bien, êtes vous, blessé, blessé, blessé... la voix devenaient plus forte, plus nette, la rouquine devenait floue, les cheveux, les flammes, entraient dans la spirale, ne la frappaient plus, mais fusionnaient avec elle. Plus rien á quoi se rattacher, l'angoisse, seule cette voix, á chaque tour du monde plus claire, plus forte, venait-t-elle de l’intérieur de lui? Êtes-vous? De l’intérieur de la spirale, du centre, oú avant se trouvait le bain, l'eau, la rousse... les couleurs devenaient floues, la voix prenait ampleur, tout tournait, très vite, trop vite, la couleur de l'eau n'existait plus, celle de la lune non plus, seul le cuir, seul le roux, et encore, ils se mélangeaient entre eux, la spirale devenait noire, de l’extérieur vers l’intérieur, l'angoisse faisait le chemin inverse, lui voulait rester á l’intérieur de la spirale, lá oú les couleurs étaient encore un peu claires, le trou-noir empli de lumière. Mais la voix le tirait vers elle, de toutes ses forces il essayait de résister, mais il n'était plus, qui résistait, quoi résistait?

« Eh bien ? Êtes-vous blessé ? »

Il faisait froid. Plus de spirale. Que du noir. Et le froid. La voix aussi avait cessé dans cette affirmation finale, forte, claire, ferme. L'image disparue, les mots avaient prit forme et sens. Une autre voix, différente et lointaine murmurait quelque chose qui lui était complètement intelligible.
Il ouvrit les yeux d'un seul coup. Et s'il était déjà pâle á cause du coup, il devint blême. Des images revinrent á lui par flashs rapides et, pris de façon isolée, sans aucun sens, mais dans un ensemble presque compréhensible. La rousse, le bain, la sorcière.
L'Aragonais s’incorpora d'un seul coup, et finit assis par terre. Prit d'une soudaine vaillance sortie d'on ne sait oú (vaillant, il ne l'était pas vraiment l'Estuardo...) il était prêt á tout. Il fallait sauver la rouquine de la sorcière. Sorcière penchée sur lui! Avec ses petits yeux, son visage ridé, son âge sans âge.
Mais son élan fut stoppé net. Une douleur pénétrante envahi tout son corps, et se fit présente dans le moindre détail. L'aragonais découvrait qu'il pouvait avoir mal á des parties du corps qu'il ne savait même pas existantes.
Il prit un instant pour comprendre, mais ne comprit que dalle. Sa propre main se posa instantanément sur l’arrière de sa tête, qu'il sentait capable d'exploser á n'importe quel instant. Et dans la perplexité la plus absolue, il releva les yeux.

La sorcière était encore lá. Penchée sur lui.


-La rouquine, elle est oú la roquine??!!

Sa voix était emplie d'une telle angoisse, et lui aussi, qu'il ne la vit même pas, la rouquine. Il n'avait d'yeux que pour la vielle femme et d'esprit que pour l'angoisse et l'effort de se relever... En vain ses mains tentaient de pousser la terre sous elles, et son corps de réagir dans un élan vertical. En vain, puisque á chaque fois, ses bras tremblaient sous son propre poids, et son fessier retombait lourdement sous l'effet de la gravité. Il grommelait en espagnol, impuissant et têtu, et aussi, angoissé par la présence insistante de la "sorcière".

- Vamos Estuardo, la puta madre que me ha parido, haz un esfuerzo!**

*Dame Trude, des frères Grimm
** "Allez Estuardo, la putain de mère qui m’enfanta (expression très espagnole et assez vulgaire et, je crois, intraduisible au fond), fais un effort!
Shirine
Le froid est agressif. Shirine commence à grelotter sous la seule cape qui la protège. Et les gouttes dégoulinant de ses cheveux se font des armes acérées lorsqu'elles tombent sur ses parcelles de peau nue.
Un pas derrière la vieille, elle regarde de droite et de gauche sans trop se soucier du corps à terre, persuadée que le danger viendrait d'ailleurs.

C'est le mot rouquine qui lui fait se tourner vers l'homme qui l'a prononcé. Ses émeraudes se posent sur lui et découvrent un homme plutôt jeune. Ses petites boucles brunes encadrent un visage d'apparence innocent et doré par le soleil. De premier abord, il lui paraît familier, il se dégage de lui quelque chose de réconfortant que Shirine n'explique pas.
Elle ose faire quelques pas pour se mettre à la hauteur de Brunehault, tandis que parviennent à ses oreilles des mots chantants qu'elle déchiffre sans trop de problème malgré l'accent un peu différent de celui qu'elle a appris au couvent et qu'elle use avec Moran. Sa curiosité lui fait presque oublier son angoisse et le froid.


Eres español ?*

Un envoyé de Moran ? Aurait-il des contacts espagnols qui pourraient la surveiller ? La coïncidence lui paraît assez peu probable pour qu'un homme de la nationalité de sa propre mère puisse se retrouver devant sa porte à parler de rousse.

Qué estás haciendo aquí ?**

Sa méfiance maladive refait soudainement surface. Mais elle comprend maintenant pourquoi il lui paraît familier puisqu'ils ont un peu les mêmes origines, semble-t-il...

*Tu es espagnol ?
**Que fais-tu ici ?

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Estuardo
Y'avait un truc qui clochait. Outre sa douleur musculaire qui semblait surgir de son âme et envahir chacun des recoins les plus insolites des muscles et os qu'il ne savait pas faire partie de l'anatomie humaine (c'est vrai, quand même, que l'aragonais n'avait aucune idée claire sur l'anatomie humaine, excepté un corps á deux bras, deux jambes, une tête, deux yeux, un nez, une virilité, etc... -les choses visibles, quoi-, et une âme). Outre sa douleur á la tête, qui donnait l'effet d'une armée étrangère ayant pris son cerveau en tant que tambour de guerre. Outre le fait qu'il soit assis par terre, dans un recoin paumé de Arles, une nuit froide. Outre même le fait qu'il avait cru rêver d'une rousse magnifique, et qu'il y avait une sorcière penché sur lui, y'avait quand même un truc qui clochait.

La scène lui semblait quand même un peu surréelle, faut dire. C'pas qu'il croyait pas au surréalisme, aux lutins, aux esprits malins, aux sorcières, aux fées qui vous font perdre la tête et rester mourir dans les forets... Oui, quoi, il croyait á tous les trucs des histoires d'enfants auxquels croient les gens simples, les gens étant nés et ayant vécu dans un hameau perdu entre deux villages perdus d'une royaume pieux comme l'était el Reino de Aragon.
Mais quand même, y'avait un truc pas net dans cet histoire.

Une voix, venue de nulle part -croyait-t-il au début- lui avait parlé en... en espagnol. D'un, ça, c'était pas normal. Au début il avait presque cru que la voix venait de lui, de quelque souvenir lointain d'enfance ramené a la surface par le mouvement constant et douloureux de son cerveau. Mais en faite, non. Quand il leva les yeux, il la vit. La rousse. THE rouquine.


-¿Que...?
Quoi?

Son expression n'était plus une expression d'angoisse, mais par contre, la tête de surprise qu'il affichait... Alors lá! Ben quoi? Elle était pas sensée être en danger la rouquine? Elle était pas sensée, d'ailleurs, être un rêve? Et puis... elle était apparue derrière la sorcière, la rouquine. Sans aucune réaction, sans aucune sorte de peur, de surprise, de... chépas, sans aucune réaction normale d'une personne devant la sorcière qui la met en danger!
Estuardo restait abasourdi. Il ne faisait plus l'effort de se lever, et sa main avait repris la position stratégique derrière la tête, essayent de retenir le rebondissement du cerveau.
Définitivement, il y avait un truc qui clochait dans cette histoire. Une rouquine, plus belle que belle, les cheveux mouillés, les pieds nus, et quelques gouttes d'eau encore coulant de son mollet blanc et ferme... euh... Estuardo essaya de ne pas regarder ce genre de détails... donc, on disait, cette rouquine, juste á côté de la vielle femme, de la sorcière (Estuardo était absolument convaincu qu'une femme si vielle, avec des yeux si petits, ne pouvait qu’être une sorcière) sans s'émouvoir, et en plus, lui parlant en espagnol. Soudain plus n'avait de sens.


-Estaba viendo como os bañabais...
Je vous regardait prendre votre bain...

Vraiment Estuardo? Vraiment? Il n'avait pas eu le temps de trouver une meilleure explication. Il se sentait dans un monde irréel ou tout clochait, et rien n'avait plus de sens, il n'y avait pas de raisons, alors, pour chercher á feindre une explication. Ça lui était sortit droit du cœur, en automatique.
Ce n'est qu’après l'avoir dit qu'il avait compris que cela avait était une gaffe plus grande que la plus grande montagne que l'aragonais eu vu dans sa vie.
Il balbutia quelque chose d’incompréhensible, et tenta de sourire, en partie désolé pour avoir été prit en faute, en partie (une plus grande partie) désolé pour l'avoir avoué, et en partie désolé de ne pouvoir s’empêcher de continuer de penser que cette femme était extraordinairement belle.


-Lo... siento... ham... vengo del Reigo de Aragon... me llamo Estuardo...
-Je... suis désolé... hem... je viens du Royaume d'Aragon... je m'appelle Estuardo...

Quand même il espérait vraiment être pardonné. Parler l'espagnol lui manquait, l'entendre d'avantage... et puis, il avait mal partout, il aurait bien accepté au moins une tisane, au plus un verre d'alcool bien fort. Et puis, il lui fallait encore comprendre quelle était la relation que pouvait avoir une si jolie fille avec une vielle sorcière... et pourquoi pas, éviter peut-être que la deuxième détruise la beauté et la vie de la première...
--Brunehault
    Brunehault restait interdite devant la scène qui se déroula devant elle en deux temps. Tout d'abord, le jeune inconnu sembla particulièrement paniqué et parla de rouquine. Qui ne pouvait être que Shirine au demeurant. Elle même avait pu être rousse, il y avait bien longtemps... Elle se demanda s'ils se connaissaient. Le brun pouvait être un ami de la jeune fille. Puis il se mit à chuchoter pour lui-même et Brunehault ne put entendre. La vieillesse lui faisait perdre nombre de ses capacités. Et l'ouïe en était une. Mais elle ne s'attendait pas du tout à ce qui arriva ensuite. Shirine, qui sembla d'abord sceptique et méfiante, s'avança, soudainement intéressée par l'inconnu et s'adressa directement à lui dans une langue inconnue pour la guérisseuse. Elle essaya de ne pas montrer son étonnement, mais elle ignorait que sa petite protégée maîtrisait d'autres dialectes. L'étonnement passé, elle sourit et posa une main sur le bras de la rouquine.

    De son regard gris, froid de premier abord, elle essaya de faire passer un message doux à Shirine. Qu'elle puisse communiquer dans ce qui semblait être la langue maternelle de l'inconnu sembla pour ce dernier un soulagement. Il n'était pas parfaitement détendu, mais ses traits s'étaient un peu plus apaisés. Brunehault y vit là une occasion pour la rouquine de s'ouvrir à d'autres, elle si solitaire. Si cette langue pouvait leur conférer un point commun et un repère familier et apaisant, la vieille souhaitait s'en servir pour le bien de la jeune fille. De sa main, elle pressa un peu le bras de la genèvoise pour qu'elle la regarde. Elle ne comprenait pas ce qu'ils pouvaient se dire, mais leurs échanges n'avaient pas l'air d'insultes. Qui s'occuperait d'elle lorsqu'elle ne serait plus là ? Shirine retournerait-elle à sa pauvre solitude, torturée par cette Zoé qu'elle croyait entendre dans sa tête, avec laquelle elle croyait partager son corps ?

      « Il est peut-être blessé, nous devrions le faire entrer... »
Shirine
Shirine fronce les sourcils en attendant la réponse de l'aragonais. Et elle les hausse en entendant sa réponse. Il la matait dans son bain ? Ah oui ? Vraiment ? Sur le coup, la rousse en est tellement surprise qu'elle en reste sans voix. Elle s'était attendu à tout sauf à ce genre de révélation. Elle se sent un peu prise au dépourvue, tant sa justification lui paraît naïve et sincère. Et cette sensation s'accentue lorsqu'elle l'entend balbutier puis s'excuser.
Ses yeux dévorent sans retenue Estuardo et une foule de pensées défile dans sa tête. Ses agresseurs de Genève, Moran, son père, sa mère puisque c'est elle l'espagnole, tous y passent dans ce qu'elle s'imagine être un piège. S'il la regardait dans son bain, c'était sans doute pour l'espionner.

Shirine garde un long moment de silence pendant lequel elle réfléchit à la meilleure décision à prendre. Mais Brunehault et sa tenue légère qui laisse passer le froid, la rappellent à l'importance de dire quelque chose et vite si elle ne veut pas tomber malade.
Elle fait claquer sa langue puis soupire, ne pouvant se résigner à le juger empli de mauvaises intentions envers elle sans le connaître et pourtant...

Du menton, elle désigne son amie.


Elle s'appelle Brunehault, elle peut te soigner chez moi si tu es blessé.

Elle décide délibérément de parler en français pour que la vieille comprenne qu'elle accepte de le voir entrer chez elle.
Puis, d'une voix dure à l'attention seule d'Estuardo :


No miradas ni gestos improprio. Si no, me las pagarás !*

Elle le fusille du regard pour bien appuyer ses propos avant de faire volte face et retourne dans la maisonnette, transie de froid, inquiète de faire là une belle connerie. Mais libre aux deux autres maintenant, de faire ce qu'ils veulent.

*Pas de regards ni de gestes déplacés. Sinon, tu me le paieras !

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