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Info:
Une balade au clair de lune. Une attaque. Une visite au couvent des cordeliers... et ma mère qui découvre les reliefs de ma dernière rencontre avec une maison en feu.

[RP] Il ne faut désespérer de rien et ce même sans espoir !!

Anne.so
« C'est quand on n'a plus d'espoir qu'il ne faut désespérer de rien. * »


Sarlat, l’armée ou la blonde d’Evrecy était intendante franchit la ville. Laissant Bergerac commencer à se reconstruire. Du temps il allait en falloir, du temps et de la patience. Elle avait trouvé Baptiste sain et sauf, en train d’aider une jeune femme à sortir son fils de dessous les décombres de sa maison. Elle le regarda faire, aidant de ses mains mesurées, de ses épaules larges. Il était là devant elle, respirant et bougeant tel lui-même, elle l’examinait dans ses gestes pour percevoir une douleur éventuellement cachée, mais rien, il semblait n’avoir rien et n’avait rien. En le voyant ainsi, elle avait comme une enfant pleuré dans ses bras, le serrant regardant son visage, et d’un coup elle s’effondra littéralement, ses jambes se firent coton. Et ce fut lui qui essaya de la calmer, car son discours était décousu, des bouts de phrases se liant sans verbe, le tout entre deux pleurs qui nouaient sa gorge.
Il l’avait ensuite accompagné, une fois la mère et son fils mis en sécurité, jusqu’à « Moinous », les flammes n’avaient pas été aussi loin, l’avait presque léchée, de la suie couvrait le jardin et c’était infiltrée par le moindre interstice. Elle ne reconnaissait plus son chez elle. Elle ne put rien prendre, elle donnerait des consignes à son retour, car un nouveau départ s’annonçait, l’armée de Pertacus quittait déjà la ville.
C’est en rentrant la nuit dans la ville ou avait vécu le Danois, Sarlat, qu’une évidence la saisit, la peur qu’elle avait eu de perdre Baptiste, se trouvait dans toutes les familles, l’inquiétude que l’on a toujours pour les siens.

Au début de l’accident du mois d’Août de celui qui partageait sa vie depuis bientôt une année, elle avait voulu écrire à sa mère et puis le temps avait passé, les occupations multiples, des résultats des Médicastres tous plus décevant que les autres. Ensuite elle avait jugé le moment plus guère approprié, mais avec les évènements tragiques qui avaient bouleversés le Périgord, des vies qui se stoppent brutalement, arrachées trop vite à ceux aimant. Elle se dit que maintenant qu’elle était là, le destin lui adressait un signe, presque une injonction. Ce soir un courrier partirait au clan des MacFadyen. La nuit tombait, elle se dirigea vers une taverne et rencontra par hasard le beau-père de Seurn, quelques brefs mots échangés, un froid glaciale entre les deux, mais cela ne l’empêchera pas de faire ce qui était devenu une obsession.
Elle prit vélin et plume, et resta le nez en l’air un instant pour tourner ses phrases, aller au plus court serait le mieux.



Citation:
A vous, Brygh Ailean MacFadyen,

Ce courrier va sans doute, vous surprendre. Je vous l’adresse, tout en sachant que votre fils n’est pas informé de ma démarche.
A la fin de l’été, il a eu une crise noire, je n’étais point présente et je ne peux vous dire qu’elle en a été le déclencheur, mais cela a-t-il une vraie forme d’importance ? Suite à cela et nous ne savons pas non plus pourquoi, il s’est retrouvé dans une maison en flamme et coincé à l’intérieur. Blessé à plusieurs endroits. A ce jour il n’a retrouvé l’usage de ses jambes et il persiste sur son visage des brûlures.

J’ai essayé de faire appel à des médicastres, mais ceux-ci sont hélas restés la bouche ouverte devant lui, ne sachant que nous donner tous les certificats qu’ils avaient obtenus dans leurs écoles, d’ailleurs ils peuvent les mettre au feu, tellement ils ne servent à rien. Et je reste polie en disant cela.

Vous savez il parle toujours autant, il fourmille toujours de mille idées, mais je sais qu’il souffre de ne pouvoir plus se mouvoir comme il le veut et que cela le contient dans ses projets et qu’il doit redouter que vous pussiez le voir ainsi.

Par moment un voile passe devant ses yeux, il ne dit rien, mais je sais qu’il n’est pas bien, Pourquoi vous dire cela que maintenant, sans doute en raison des événements, du chaos régnant sur Bergerac et quand la vie s’accélère frôlant la grande faucheuse. Il est nécessaire de revoir les siens, ce qui est, je pense son plus grand souhait, ou tout du moins sans doute avoir de vos nouvelles, et vous demandez simplement si vous vous allez bien.

Anne Sophie simple intermédiaire d’un fil à sa mère.
Fait à Sarlat le 27 Octobre 1461





* Sénéque
Extrait de Médéa

_________________
Brygh_ailean
Tous les coursiers à destination de la Nouvelle-Calédonie, que ce soit les terres des Cordeliers ou l'île sur le lac, n'avait désormais qu'un seul point de chute.

Officiellement, cela permettait d'économiser sur les flèches — parce qu'un empennage en vrai plume de poule dinde*, ça coûte une fortune — puisqu'il n'y avait plus à dégommer les barques des orifices de fondements qui se présentaient sans crier gare au Phare, depuis une nuit sans lune où la famille Urquhart avait dû récupérer un brownie aviné "made in" Périgord.

Officieusement, personne ne dégommait personne... On les noyait plutôt pour récupérer les barques afin d'avoir du bois pour le feu. Bah quoi ? Sont escotes après tout ? Z'ont une réputation à tiendre ? Enfin, c'était surtout qu'il était beaucoup plus pratique d'aborder cet univers à part par la seule et unique porte terrestre : celle du Couvent.

Le dépouillage des missives était néanmoins une opération assez simple : le courrier de quelques pensionnaires avec leurs familles, pour les plus jeunes; quelques procureurs désireux de savoir si les plus expérimentées n'avaient pas recommencé leurs activités anciennes; quelques conseils juridiques à donner par ci, par là.

Hélène-Mathilde les ouvrait toutes, rangeant les premières dans de petits casiers, lisant à voix haute les secondes et les dernières à qui de droit : soeur Hélène-Brigitte.


- Ma mère ? Une lettre pour vous... personnelle...
- Et ? Cela vous empêche de me la lire ?
- Oui, da. C'est personnel...
- Oui, mais je n'ai pas envie de lire ce matin.
Comprendre "Non, je ne mettrais pas mon lorgnon." Alors, lisez, s'il vous plait, ma soeur.

Et la petite nonne de s'exécuter. Le vocabulaire était simple, facile à lire, pas comme les courriers des avocats et autres notables. Lorsqu'elle eut terminé par la signature et la date, la dévouée assistante referma la lettre.

- Quel bavardage...
- Ma mère ! Cette jeune femme vous annonce que votre fils est au plus mal !

Trombe de dentelles dans l'étude.
- Ach nein ! Il n'est pas au plusse mal, il parlé ! Le Très-Hotte a ouplié de lui rétiré sa lankeu de fipère ! Il ne marche plusse, et alorsse ? Chusteuh rétour des chausses, nein ?
Pryn, mein Schatz, che peux avoir quelques soles. J'ai pésoin d'une petite koupon dé soie pour refaire l'autel de cette affreusse affreusse chapelleuh !

La grande de soupirer pour les soles certes, mais également pour tous les souvenirs qu'en quelques mots, le chantre avait fait remonter à la surface. Sa propre hanche commençait à la lancer, bien que la douleur ait enfin disparu depuis la naissance d'Aisling.
- Mon fr... !
- La paix, tous les deux... Si vous avez compris quelque chose à cette missive, vous êtes doués.
- Votre fils est au plus mal...
- Il parlé !
- Elle vous demande de vos nouvelles...
- Bah, c'est lui qui est au plus mal, non ?


Silence entre les trois protagonistes, la nonnette les yeux baissés, le teuton les yeux au ciel, l'escote, les sourcils froncés. Puis...

Ecrivez :

De moi Brygh-Ailean Urquhart,
A toi Anne Sophie d'Evrecy.

Salutations,

Si ta situation actuelle te pousse à refourguer quelques potions dont une comtesse mal avisée aurait eu la bêtise de remplir les entrepôts comtaux, sache que nous allons tous bien et disposons de tous les moyens médicaux nécessaires pour nous entretenir dans cette condition.

Quant à Soren, il connait le chemin. Que n'a-t-il besoin d'intermédiaire désormais.

Mac.

- Ma mère, vous êtes sûre que... ?
- Que quoi ?
- Rien, ma mère, rien...
- Bon alors, expédiez...
- Et mes soles ?

_________________
Soren
Un craquement sinistre vient rompre le silence ambiant. Dans la cheminée, les reliefs de la dernière buche viennent d'exploser en une myriade de petites braises qui se consument lentement. D'ici quelque temps, le froid va s'emparer de cette pièce et je n'y puis rien. Aller cherche du bois pour alimenter le feu est un geste simple qui est au dessus de mes capacités désormais. Le froid...Oh, il n'a évidemment rien à voir avec ce que l'on peut vivre au Danemark, là-haut chez les fous de scandinaves. Mais une fois qu'on l'a connu, il ne nous quitte plus jamais. Depuis quelques semaines, il s'est emparé de mes jambes et il n'a visiblement pas l'intention de lâcher sa proie. Ma main glisse sur ma cuisse et je ne ressens rien, même pas un léger frisson. C'est mort! Tout est mort... comme ce feu qui ne va pas tarder non plus à s'éteindre. La vie s'étiole en moi petit à petit au même rythme que l'espoir de retrouver mon autonomie.

Devant moi, la chandelle de suif vacille elle-aussi. Avec les braises de la cheminée, elle constitue ma seule source de lumière dans cette pièce qui sent le renfermé, l'humidité et la moisissure. Dans quelques instants, je vais plonger dans les ténèbres, dans la froide obscurité de la mort. On ne s'en rend pas compte quand on croque dedans à pleine dent mais la vie ne tient souvent qu'à un fil. Une souffle... Pfffiiittt... Et elle disparait à jamais! Comme la flamme de cette chandelle. Comme les braises dans la cheminée. Marcher, courir à droite et à gauche, éteindre ses pieds sous une table pour remonter le long d'ine gambette féminine... Des gestes simples, si simples qu'on ne réalise pas le bonheur de pouvoir les exécuter habituellement.

Que me réserve l'avenir? Quelqu'un va t-il s'approcher de moi et me souffler dessus? Pffffiit... Fini? Terminé? Ou alors, un coup d'épée et mon corps va exploser en un myriade d'éclisses tapissant les murs d'un torchis mi-écossais mi-danois? Le comté vient de vivre sa plus grande alerte depuis que j'y habite et qu'ai-je pu faire? Rien! D'ailleurs, il suffit d'observer le regard des autres se poser sur moi pour réaliser l'immensité de mon utilité. J'avais l'air malin sur mon cheval à arpenter les routes du Périgord dans cette sorte de gangue de bois. Que se serait-il passé si j'avais du lancer ma monture au galop? Si j'avais du plonger dans une mêlée pour me battre et gagner pied après pied? Non, la vie n'est pas fait pour des personnes comme moi. Les faibles, on les ignore, on les écrase. Les inutiles ne sont que des bouches de plus à nourrir, des personnes qui vivent au détriment et au bon vouloir des autres. Foncer, gérer, et assumer... C'était ma façon de vivre. Et c'est désormais hors de ma portée.

Ce soir, pour la première fois depuis cet "accident", je vois tout en noir. Cette paralysie me pèse, sans compter ce visage avenant qui a disparu sous les affres du feu. J'en usais. J'en abusais. Je n'étais peut-être pas Søren Harfagre Eriksen, mais personne ne pouvait nier l'attrait que mes traits physiques exerçaient sur la gente féminine... et la jalousie qu'ils faisaient naître chez les hommes. Et oui, ça aussi, ça me manque!

Poissac en a encore pour un moment avant de terminer sa ronde sur les remparts de Bergerac. Quand il rentrera, le froid et la mort pourrait planer dans cette pièce. D'un geste vif, je retire mon poignard danois de son fourreau. Il suffit d'un geste, un seul et tout cela est fini. Le tranchant de la lame vient effleurer les veines de mon poignet. Un geste oui. Un mouvement latéral de gauche et droite et tous ces problèmes sont derrière moi! Alors pourquoi hésiter? Tout cela serait si simple! ... Simple mais lâche! Ça serait s'avouer vaincu! Reculer! Battre en retraite! Et ça, je déteste ça! Rhaaaa! La rage s'empare de moi, mais au lieu d'être auto-destructrice, elle se matérialise dans le geste qui envoie ce poignard de mort se planter dans la porte. La lame vibre sous la force de l'impact avant que la porte ne s'ouvre subitement.


- Y'a un problèm' maréchal?

Les traits tirés, les mâchoires serrées, je regarde, incrédule, Poissac entrer dans la pièce. For fanden! Il serait entré quelques instants plus tôt et je l'aurai tué! J'essaie de retrouver un peu de contenance. Il est inutile que je m'étende sur mes états d'âmes en face d'un de mes hommes. Soupir.

- Dites-moi Poissac, à quoi ça sert de garder un chien paralysé?
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Anne.so
« Dans la vie, il faut choisir : compliqué et fréquent, ou bien simple et rare. »



Mais ne fallait-il pas aussi compter sur « le compliqué et rare ». Le soleil avait dissipé les nuages gris de l’automne, et ses rayons animaient la mélancolie des champs. Anne Sophie s’était mise à l’écart du campement de l’armée, assise sur une souche elle admirait cette nature environnante, presque surprise du silence qui régnait. Çà et là, au loin, le sombre de quelques toits laissait sortir de blanche fumées, tranchant avec le vif argent d’un bras de ruisseau allant sans doute se jeter dans le lac de Sarlat et sans que l’on sache vraiment pourquoi ce spectacle rendait l’âme indécise, rêveuse. Ses doigts jouaient avec un vélin caché sous son mantel qui l’enveloppait. Elle abandonna la vue qui s’offrait à elle, et se tint les yeux baissés, la tête doucement inclinée, quelques mèches blondes comme les blés mangeaient son minois, regardant le pli, lu plusieurs fois et qui se roula entre ses doigts fins.
Elle savait bien que le Blond connaissait le chemin et ce d’ailleurs mieux qu’elle, vu qu’elle n’y avait jamais mis les pieds.
Comment le convaincre et d’ailleurs pourquoi avait-elle cette idée fixe depuis son arrivée sur Sarlat. La vie enfin surtout la mort dont elle avait vu les ombres, depuis quelques jours envahir sa vie, le rapport avec tout cela sans aucun doute. Une autre perception de la vie.
Se lever, lisser ses vêtements et se rendre auprès de Seurn.


Je veux faire un tour en barque sur le lac ? Viens partons j’ai besoin d’entendre le cliquetis de l’eau en place de celui des armes.
Childéric ramera ….

Elle prit sa main dans la sienne, regarda l’homme « Porteur ».

Ne lui demandez pas son bon vouloir, pour une fois, écoutez le mien.


• Denis Guedj - Extrait « Le théorème du perroquet »
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Soren
[Berges du lac de Sarlat - Peu avant que le soleil ne trépasse...]

Il y a des moments dans la vie d'un couple où celui-ci a besoin d'intimité, se retrouver seul, loin du brouhaha quotidien et du grouillement de la société. Et il y a des moments dans la vie où celui ou celle qui tire les fils de la destinée joue au malin plaisir de vous mettre sans cesse des bâtons dans les roues. Prendre une barque et se laisser bercer par le clapotis des rames entrantes et sortantes de l'eau pourrait paraître romantique, surtout quand le soleil décline à l'horizon et qu'une envolée de canard passe au loin dans un tumulte de coin-coin. Mais voilà, la partie masculine de ce-dit couple étant loin d'avoir son autonomie, celui-ci doit se faire accompagner par un colosse capable de le porter. Ça commence mal vous me direz... et vous avez raison! Childéric met indispensable en ce moment et je lui dois beaucoup, mais il n'empêche que j'aurais préféré qu'il soit en taverne à courir les gueuses.

Mais s'il n'y avait eu que ça... Près d'une crique qui fait désormais partie de notre histoire commune, voilà que d'autres invités surprises viennent se joindre au bal des vendanges 1461! Désolé sieurs et dames, mais vu mon état actuel, j'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur si je décline votre invitation à danser...


- Tais-toi Blondinet! Et Fais c'qu'on t'dit! Balance tes armes à terre et doucement...

Mais dans quelle société vivons-nous! Décidément, la vie moderne nous fait perdre toutes nos valeurs. Elle est où la compassion pour l'infirme qui souffre? Hein?

- Et profites-en pour envoyer par ici la jolie petite bourse pansu qui pend à ta ceinture !

Ouais, je sais, vous allez me dire : "Mais qu'est-ce que tu fais à te balader par ici avec autant d'écus sur toi? Que voulez-vous... Ça, c'est la chance du débutant. Quelques parties de tarentelle pour voir à quoi ça ressemble et les écus s'accumulent vite devant vous! Impossible de laisser ça au camp! Vous savez à quoi ça ressemble un camp militaire vous? Vous savez ce qu'est un soudard? Ouais, bon! Je n'insiste pas, je crois qu'on s'est compris. De toute façon je ne suis pas en état de faire quoi que ce soit. For fanden! Même pas capable de me défendre contre une bande de détrousseurs amateurs! Sans doute des reliquats de la racaille que l'autre taré a ramené sur ces terres! Je vous l'avais dit: il est inutile de combattre la destinée quand celle-ci décide que vous n'avez pas le droit à votre petite soirée romantique! Plus d'écus, plus d'armes... et plus de barque non plus! Parce que les coquins n'ont rien trouvé de mieux que de nous prendre notre seul moyen de transport. Ouais! Il y a des jours comme ça où vous feriez mieux de vous ennuyer à vous prélasser dans votre lit en attendant que la nuit arrive.

Le problème maintenant : trouver un moyen pour rentrer en ville... parce qu'avec toute la distance qui nous sépare du camp, vu l'état dans lequel ces salopards ont mis Childéric, mieux vaut ne pas trop compter sur ses bras pour me porter jusque là.


- Comment va t-il Anne? Sa tête? Pas trop amochée?

...dis-je en tâtant la paumette de ma joue contusionnée. Mon regard scrute les alentours à la recherche d'une solution potentielle à notre problème quand l'évidence me frappe de plein fouet.

- Anne... Si tu ne veux pas dormir à la belle étoile ce soir et si Childéric a encore un peu de force, je crois que notre planche de salut est...là!

[Quelques instants plus tard à la porte du couvent des cordeliers...]

Le géant est fourbu. Il n'est visiblement pas en grande forme. Les brigands lui en ont mis une sacré! Bang! Bang! Bang! Trois grands coups à la porte du couvent frappés*.

- Holà du couvent! Il y a quelqu'un? Je suis Seurn MacFadyen Eriksen! Je voudrais voir soeur Hélène-Fétide ou soeur Hélène-Putride. Je requiers de votre part pour moi et mes amis le pain et le sel.


* Mes aieux - Ça va mal
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--Helene_turgide
De soeur Hélène-Fétide, il n'y a point à la porte.
De soeur Hélène-Putride, non plus.
Chacune à une fonction dans une église. Et celle de ces deux soeur là, n'était pas d'être à la porte du couvent.

Il n'y a qu'une nonne à la porte généralement, et comme les autres, elle est infiniment dévouée à son ordre, dévouée à la communauté, dévouée à l'humanité. Elle est bossue et illettrée, mais elle est fort dévouée. Et comme toutes les personnes dévouées ayant un jour eu à faire avec les sarladais, elle est également devenue légèrement timorée.

Alors, non pas de soeur Fétide, Putride à la porte, mais simplement Turgide, qui se met à trembler. Le grand blond, effectivement, elle l'a rencontré, il n'y a pas si longtemps, en fait, juste avant que la Mère supérieure ne soit officiellement mariée. Parce qu'elle était tourière, bien que chaque jour davantage elle commençait à le regretter.

Comme maintenant, en fait.

De se précipiter sur la porte, à son rythme. Donc, certes, précipiter n'est pas le mot qui conviendrait. De se rapprocher de la porte et d'ouvrir le judas, pour vérifier.


Quand bien même... Mestre, vous seriez monseigneur l'évêque, il n'est point utile de s'acharner sur cette porte, vous savez... Z'êtes où ? Bah, qu'est ce que vous faites sur... Mon dieu ! Qu'est ce qui vous est arrivé ?

Alors, parce que la curiosité gagne souvent le pas sur la moindre des prudences, elle retira le madrier qui retenait la porte pour les laisser entrer dans le couvent, quand bien même l'hospital était ouvert de jour comme de nuit à tout un chacun sans avoir à massacrer le battant d'aucune porte à coup de poings.

Mestre Soren, mais vot' mère, elle est sûrement plus là, à c't'heure... pis vot' soeur, elle est recluse... "pour s'élever vers la pureté"... Mais mestre Soren, qu'est ce qu'y vous est arrivé ?..

Elle n'osait parler des brides saillantes sur le visage du jeune homme, mais vu sa position, il était évident que les brides en question n'étaient pas nécessairement le souci premier.
Alors soeur Turgide se mit à trembler.

Met' Soren, j'peux vous installer dans le quartier des hommes... si vous voulez... et la dame... bah, chez les novices, hein... Sûr que vous pouvez pas dormir à l'hospital, vu que z'êtes quand même...

Le fils de la Mère Supérieure ? Elle aurait pu le dire, oui, mais elle était assez maline pour avoir compris que c'était un sujet qu'il ne fallait pas vraiment aborder.

'fin, vous, mais lui... J'pense pas êt' autorisé à le voir déambuler dans le couvent, hein ?

Elle désigna le colosse qui "accompagnait" l'autre colosse.

Il est pas... 'fin... Lui, il va à l'hospital, dès qu'il vous aura déposé... 'tendez, j'vais appeler. Vous avez faim ou le sel, c'était juste pour causer ? On a pas de pain, hein, jus' du brouet... A cause que c'est un peu... 'fin c'est compliqué...

Et la petite nonne bossue de s'emparer de la cloche près de la porte d'entrée. Vespres était passé mais Complies n'était pas encore sonné. Non, elle ne se ferait pas disputer. Il fallait juste se souvenir des codes.
Trois coups rapides pour Bastide... ouais, ça c'était pour le quartier des hommes.
Un coup, un silence, deux coups rapides pour une autre profès... moins barraquée.
Soren
Ni de fétide, ni de putride, c'est une autre "ide" qui vient nous ouvrir la porte. D'ici quelque temps, j'espère bien que je serais familièr avec toutes ces têtes. Mais en attendant, quand bien même nous nous sommes déjà croisés, il m'est difficile de mettre un nom sur celle que j'ai en face de moi. Aussi...

- Bonjour ma soeur! Je rends grâce au Très-Haut qu'il y ait encore quelqu'un pour nous ouvrir la porte et pour nous accueillir! Ce qui m'est arrivé? Hum... Eh bien, nous étions en balade lorsqu'un groupe de malfrats nous est tombé dessus et...

Toc! Toc! Toc! MacFadyen!?!?!? Il y a quelqu'un là-dessous MacFadyen? Tu sais, elle vient de te... dévisager: Tu comprends maintenant le sens de sa question MacFadyen?

- ...Oh...je... ça? Eh bien voyez-vous, c'est une longue histoire et...

Ma mère? Ma soeur? For fanden! Dis-moi le danois, quand tu as proposé de venir t'abriter dans le couvent, avais-tu oublié que ni ta soeur, ni ta mère, ni personne dans le clan n'est au fait de ta situation actuelle? Hum?

- Surtout ne dérangez pas ma soeur! Elle pourrait retomber bien bas dans sa pureté si elle venait me visiter. A vrai dire, je ne suis pas venu expressément pour la voir. Voyez-vous, nous...

"Pourrait retomber bien bas dans sa pureté si elle venait à me visiter"... Ouais... une phrase digne de toi ça! A ton avis, qu'est-ce que ce propos pourrait évoquer dans la tête d'une soeur? Rappelle-toi une chose : ici, tu es dans le rôle de celui qui demande et les soeurs sont dans le rôle de celles qui autorisent. Alors, ne cherche pas à les fâcher tu veux? Que ce soit de manière volontaire... ou fortuite.

- Ce qui m'est arrivé? Bah! Quelques petites bricoles! Vous savez Bergerac n'est pas toujours une ville de tout repos exempte de tout dang.... Mais...ma soeur? Laissez tomber le mestre voulez-vous? Je ne maistrise pas grand chose à vrai dire. Un "Mon fils" fera tout aussi bien l'affaire vous savez ma mère?

D'ailleurs dois-tu l'appeler "ma mère" ou "ma soeur". Non, parce que si tu dois l'appeler "ma soeur", sans doute qu'elle doit t'appeler "mon frère", tu vois?

- Ma soeur, je voudrais vous présenter Anne-Sophie d'Evrecy, dame du Chesne, ma compagne. Et voici, Childéric, mon homme de mains et...

Et ça, c'est par contre exactement la fonction qui lui correspond! Homme de mains! Sans ses mains, tu n'irais pas loin le danois!

... Oui, ma mère! Faites au mieux! Installez-nous où cela vous siera Soyez remerciée pour votre hospitalité! Dès demain, Childéric ira chercher de quoi me ramener en ville.

Inutile de faire le difficile. De toute façon, ça n'est que pour une nuit qui est d'ailleurs en partie entamée. Et me retournant vers Anne...

- Ne t'inquiète pas, on est en sécurité ici... Le seul risque tu prends ici, c'est d'entendre le ronflement d'un nonne ou de te faire réveiller à l'aube par un cantique déclamé par une groupe de soeurs qui fait du zèle. Et puis, tu as entendu : Brygh n'est pas présente. Tu sais, on n'a pas trop le choix. Childéric n'est pas en état de me ramener au camp...

Pour terminer? un baiser déposé sur le coin des lèvres!

- Childéric? Si vous avez encore un peu de force, suivez ma soeur... Juste du brouet ma Soeur? Et pourquoi pas de pain? Manquez-vous de farine?

Ça, quand on n'est pas chez soi, mieux vaut essayer de se montrer poli. Obéir aux demandes, voire même enfiler les chaussons quand on marche sur le parquet s'il le faut! ... Surtout quand on connait la mère supérieure du couvent! Quoi? Ça contraste avec mes façons de faire habituelles? Ouais...peut-être...


- Euh au fait ma Mère? Si vous pouviez garder une certaine discrétion sur ma présence ici...

... Parce qu'en réalité, je n'avais vraiment pas envie d'expliquer en détail un accident que je ne comprends même pas moi-même.
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Brygh_ailean
L’exercice de la comptabilité est un exercice difficile, demandant technicité et concentration. Celle-ci est d’autant plus de mise lorsque les biffures font suite à des ratures, lorsque les pattes de mouche se confondent aux chiffres romains, pour ne même pas évoquer le décompte imagé par croix et ou traits barrés. Il faut donc un cadre respectueux à cette précision de l’acte, un milieu harmonieux, chaleureux et silencieux. Sauf qu’aux Cordeliers, ça donne ça :

- Est ce que je vais pouvoir finir les comptes dans le silence ? C’est quoi encore ce tintamarre ?
- Cé n’est pas moâ, c’est zetteuh kréatureuh ! Elle feut mé foler mon koupon !
- Ché né feux rienne foler, ma mère... Ché feux chusteuh k’il me rente mein bâton... Cé bouffonne a enroulé sone tissu autoureuh de mein bâton !
- Je ne parle pas de vous deux, bougres d’âne ! Je parle de cette maudite clochette !


En même temps, il est facile de savoir que l’information cruciale ne viendra pas de Klaus Sperber. Parce que ce qui va de soi pour lui, c’est uniquement ce qui va de soie. Et la clochette ne fait certainement pas partie de son prochain plan de relooking sacerdotal. Aussi, la grande s’appuie-t-elle sur Bastide.

- Soeur Bastide ? Une explication ?
- Ché né sait pas, Schwester... Mais le premire cousse, c’est pur moâ.
- Pour vous ? Et à quel titre, je vous prie ?


Ah non, mais ça ne va pas se passer comme ça non plus. Après tout, c’est son couvent, nom d’une pipe en bois de rose. Il suffit que le père confesseur auto-proclamé n’en fasse qu’à sa tête dans la chapelle, il suffit que le meistre de chœur veuille tout redécorer avec un goût très sûr certes mais bien loin de l’esprit d’un ordre mendiant, il suffit que les nonnes se parlent en code clochette.

- Attendez que je descende... Je vous accompagne... Et toi, Klaus, tu te débrouilles pour que le bâton de Bastide soit désenrubanné avant que je revienne... Los ! Und zwar schnell !

La montagne de sang et la géante prêt à saigner le premier qui moufte, descendent ainsi le déambulatoire nord pour rejoindre la porte du gué, lors que la grande s’arrête, nette, retenant la teutonne par la manche de sa bure.
- Birgit, bitte... Bewarte mich moment here... Ich ruf’dich an.

De s’avancer vers la porte en question.

Soren... Cad atha tu anseo ? Sa voix tremble légèrement, à qui connaît son timbre suffisamment. Des choses clochent dans la scène devant ses yeux, énormément de choses, assez pour que même elle soit nerveuse. Et puis le visage du blond lui saute tout à coup aux yeux : Hak... Sør... Min søn... Hvad sker der ? Hvad er der sket ?

Sa main glisse sans le toucher le long de son profil meurtri, elle déglutit, puis recule d’un pas. Ses yeux se posent sur Anne et son doigt pointant vers le moulin.

Toi ! Dans mon bureau ! Tout de suite ! Et soeur Bastide, vous pouvez venir vous occuper de mestre Søren, s’il vous plait !

Et que ça saute ! C’est ça de faire chier la MacFadyen quand elle prépare sa comptabilité.

Traductions :

Schwester = ma sœur (allemand)
Los ! Und zwar schnell ! = Allez ! Et vite ! (allemand)
Birgit, bitte... Bewarte mich moment here... Ich ruf’dich an. = Birgit, s’il te plait. Attends-moi ici pour le moment. Je t’appelle. (allemand)
Soren... Cad atha tu anseo ? = Soren ? Qu’est ce que tu fais là ? (gaélique)
Hak... Sør... Min søn... Hvad sker der ? Hvad er der sket ? = Hakon, Soren, mon fils, qu’est t’arrive-t-il ? Qu’est ce qui s’est passé ? (danois)
La dernière phrase est une allusion à "Gérard Lambert" de Renaud.

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Soren
[Couvent des cordeliers - Quelque part dans le quartier des hommes.|

La soeur Bastide m'avait guidé jusqu'aux quartiers des homme du couvent. Puis elle était repartie avec Childéric, direction l'hôpital pour lui prodiguer les soins nécessaires et permettre au colosse de se reposer. Assis sur ma paillasse, il ne me restait pas grand chose d'autre à faire qu'à cogiter. Anne... Je me doutais bien qu'elle redoutait de se retrouver devant Brygh. Toutes les deux sont très différentes. Mère extériorise sa colère. Elle le montre de manière physique. Anne n'a pas moins de caractère mais elle est plus contenue. Brygh ne plie pas. Anne préfère rompre quand elle estime que la situation tourne en rond. Pourquoi? Oui, je me demande pourquoi. Je ne comprends pas. Notre présence ici est fortuite. Si j'en crois la soeur qui nous accueilli, Brygh ne devait pas être là. Alors quoi? Tout cela me parait irréel. Et puis pourquoi a t-elle voulu parler à Anne? Qui est son fils? Anne ou moi? Mes yeux se ferment tout seul. Je ressens une énorme fatigue physique et pourtant toutes ces pensées qui s'entrechoquent dans mon esprit empêche Morphée de m'emporter.

Elle m'a regardé. Elle m'a parlé, et en danois en plus. Elle a évité ce gaélique dont je ne maîtrise que quelques trop rares expressions. Enfin... une fois qu'elle a remarqué mon visage. "Min søn". Ces mots résonnent dans ma tête comme si celle-ci était une caverne creuse... "Min søn". L'effet de surprise sans doute. Non, je ne suis plus "hans søn"*. Elle me l'a dit. Jehan me l'a dit...ou rappelé!

Les traits de son visage lorsqu'elle m'a vu... La peur? Le dégout? Son doigt a esquissé les rigoles laissées par le feu à la surface de mon visage. Elle n'a pas osé touché. De la compassion? "Min søn"... Est-ce cela sa compassion? Qu'importe! Je n'ai pas besoin de sa compassion. Je n'en veux pas. De personne. La compassion, c'est la vertu des faibles, des mendiants de la vie. Je n'en suis pas un. Et puis qu'importe après tout ces traits ravagés? Le physique n'est-il pas désormais l'exact reflet de l'âme? Qu'ai-je donc à me plaindre? J'aurais du passer ce visage au feu depuis longtemps! Au moins il n'y aurait pas eu tromperie sur la marchandise!

En quelque sorte, sa demande d'entretien est tombée à pic. Je n'étais pas prêt à répondre à sa question. Je n'aurais pas su quoi lui répondre. Ce qui s'est passé? Je n'en sais rien Mère. Je n'ai aucun souvenir de ce qui s'est passé. Mon dernier souvenir? Le questionnement d'un témoin dans l'affaire Alise de Warenghien. Et puis après plus rien jusqu'au moment où je me suis réveillé dans ce lit, contusionné, blessé et brulé de partout. Tout ce que je peux te dire, c'est ce qu'on m'a dit. Rien de plus. Et puis d'ailleurs, l'aurais-je appeler Mère? Ou alors Brygh? Ou Ma Mère en référence à son statut de mère supérieure du couvent? C'est une chose de parler d'elle à quelqu'un d'autre. C'en est une autre de lui parler en face. Maudite soirée! Brigandés et maintenant confrontés à Brygh! Foutue soirée! Nous n'aurions jamais dus quitter le camp! Non... Je rectifie. Nous n'aurions jamais du nous trouver près du couvent des cordeliers. Foutue soirée!


* Hans søn : son fils en danois
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Brygh_ailean
Jamais le déambulatoire ne lui avait paru si long, si bruyant. Le grincement de ses bottes à chacun de ses pas l’obsédait tandis que son regard fixait le néant, à la recherche du point qui lui permettrait d’interrompre la course folle de ses pensées. La porte du bâtiment adjoint au moulin et dans lequel la brune officiait, n’était pas fermée. Grand bien lui fasse : elle aurait sans doute appris à voler. On apprend à tout âge, même une porte centenaire.

Sans tenir compte de sa suivante, la grande alla s’asseoir dans sa cathèdre sous un calme apparent qui contredisait la noirceur de son regard. Elle rangea, toujours ostensiblement imperturbable, l’ensemble des parchemins qui lui faisaient face, empilant les ratures avec les biffures, les croix avec les traits barrés, les recettes avec les dépenses, les livraisons avec les factures. Qu’importait l’ordre en fait : il faudrait sans doute tout reprendre plus tard, quand faire les comptes aurait de nouveau un sens.

Quelque part sous la pile des documents, la lettre reçue ici même. Bryn n’y jeta même pas un regard, se contentant de la faire glisser jusqu’au bout de la grande table de travail, en direction de la blonde.
Tiens... Regarde donc ce que j’ai reçu comme courrier, il y a peu...

Marcher. Elle aurait dû. Elle aurait voulu, même. Sauf que sous la table, ses jambes s’étaient mises à trembler, la privant de ton contrôle.

Le sang des fées... Tu n’es pas une des nôtres, tu ne peux pas comprendre mais... La grand-mère de ma grand-mère était une orpheline, retrouvée errante sur notre île. Elle avait les yeux d’un gris très pales, presque irréels, transparents ; certains la pensaient même aveugle. Elle était aussi d’une taille qui dépasse largement la moyenne, dès l’enfance... Elle avait tout pour ne pas être d’ici, mais d’ailleurs... Lorsqu’elle fût unie au fils MacQuarry, elle put lui donner une fille et trois fils, dans la peine et le chagrin, car aucun ne la laissa en vie. Ses fils ne dépassèrent pas une année, tandis que sa fille était née infiniment grande aussi, avec ses mêmes yeux gris, la peau bleutée... et malheureusement un esprit de meunier... Alors, il fût évident pour tous, que la grand-mère de ma grand-mère était une fée... Seuls les MacFadyen les fréquentaient... Normal, la petite et leur fils étaient frères de lait...

Son esprit s’échappa à nouveau. Elle fixait quelque chose sur la table ; une mouche peut-être.

Puis le fils MacFadyen épousa sa sœur de lait, la simple d’esprit, qui mourut elle aussi à chaque fois qu’elle enfantait... aucun des fils qu’elle mit au monde ne parvint à l’âge adulte... seule ma grand-mère... qui mit au monde nombre d’enfants et connut la mort à chaque fois... un de ses fils parvint à l’âge d’enfanter mais il mourut avant d’avoir essayé... puis ma mère... et ma tante... mes frères sont morts... mes cousins aussi... j’ai vu éclore onze fois la vie en mon ventre... et par neuf fois au moins, la mort m’a prise...

De lever les yeux vers la blonde.

L’univers des MacFadyen est un univers de morts et de féminité... Le sang des fées... Une vie pour une vie... Une fée pour une fée... Aucun de nos fils n’a jamais atteint l’âge de Soren... aucun... Le sang des fées... Lorsque j’ai retrouvé mon fils, j’ai pensé que par le sang diabolique de son père, il avait compensé... qu’il était sauvé... mais c’est trop cher payé...

Elle tairait la suite, persuadée qu’Anne n’était ni en état de l’entendre, encore moins en mesure de le comprendre. Il faudrait qu’elles en parlent. Mais pas maintenant... Le sang des fées... même Arth, qui était l’un des leurs, avait parfois du mal à s’y habituer. Son regard se fit plus sévère, cherchant coûte que coûte à masquer sa fébrilité. Sa main pointa la lettre.

Que ne pouvais-tu m’écrire : « Mère, ton fils a eu le visage ravagé par les flammes et ne peut plus marcher » plutôt que ces billevesées enrubannées ? Nous sommes tous sauvages de par-delà la mer des tempêtes, diantre ! Nous n’avons que faire des atermoiements de milanais ! Son insistance sur le m dénota néanmoins l’agitation qui la gagnait. Radoucissant le ton, les yeux embués sans pour autant laisser les larmes couler. La MacFadyen l’a renié... moi... moi je suis toujours celle qui l’a porté... Que ne pouvais-tu plus tôt me le ramener ?
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Soren
Un frisson. Il prend racine dans le cou, entre mes omoplates et il glisse, telle une goutte d'eau jusqu'au bas de mon dos. Au dessous, je ne ressens plus rien. Sur son passage, la sensation se diffuse dans tout mon corps, un peu comme cette pierre que l'on jette dans une mare et qui donne naissance à un tas de cercles concentriques qui filent progressivement vers le rivage. J'ai froid. Je resserre mes bras sur mon torse, mes mains s'enfonçant dans les manches de ma chemise de laine écrue pour mieux les réchauffer. Je me suis assoupi. Combien de temps? Juste un instant? Une petite partie de la nuit? Toute la nuit? Le point-du-jour n'a pas encore montré le bout de son nez. Ma chambre est toujours plongée dans l'obscurité. J'ai envie de changer de position, trouver un meilleur confort. En temps normal, j'aurais demandé à Anne de le faire. Ce soir, il me faut ahaner comme un boeuf, suer et me débrouiller par moi-même. Parfois il faut se contenter de ce qu'on a ou de ce qu'on peut faire et espérer des jours meilleurs.

Dehors, le cri d'un corbac retentit, rompant le silence qui s'était installé. Est-ce le même corbac que celui qui me poursuit depuis le Maine et qui vient me rendre visite à chaque moment crucial de ma vie? Ouais... ces messages sont loin d'être évident à déchiffrer... comme les voyantes! Et encore! Les voyantes, elles, elles parlent, elles ne croassent pas. Et puis, elles tiennent à leur clientèle et à leur réputation. Alors, elles racontent ce que l'on a envie d'entendre. Un corbac lui se fout de tout ça. Il croasse si ça lui chante pour dire ce qu'il a envie. Il se fout que nous autres humains le comprenons ou pas!

Famille. Je ne sais pourquoi mais ce mot me vient subitement à l'esprit. Famille... Est-ce qu'il veut dire quelque chose pour moi? Oui... Il est empreint de beaucoup de négativité. La famille, ça commence par un père que je n'ai pas connu. Un père qui n'hésite pas à fracturer le bassin de ma mère pour permettre ma mère. Famille. Ça se continue par un abandon pour mon bien soit-disant. De Hoy dans les Orcades, direction le Jutland au Danemark. Décision de ce père qui aimait les petits garçons. Ma mère? Elle n'a rien dit, n'a rien empêché. Famille, ça se conjugue ensuite en danois et ça rime avec tyrannie. Erik Larsen, régnant du Jutland. L'homme à qui tout était du. Ceux qui s'opposaient à cette idée devaient le payer très cher. Famille, ça se poursuit par un bannissement et par des retrouvailles inespérées... mais de courte durée. Nouveau bannissement. Celui-ci prend le terme de reniement. A peine le temps de faire la connaissance des cousins, cousines, Stewart , Urquhart ou MacFadyen. De ceux qui volent les poneys et de ceux qui les revendent. Je ne sais rien d'eux ou presque. Les anciennes traditions, la handfasting, leur façon de pratiquer le fosterage. Les légendes et les souvenirs. Le sang des fées et celui maudit des Eriksen...Une soeur qui refuse le passé et qui craint ses responsabilités futures. Un blond qui voudrait être fils à la place du fils mais qui est amoureux de ma soeur. Une mère qui n'est pas capable de contenir ses sentiments violents et un beau-père qui n'est pas capble d'exprimer les siens, même les plus beaux. Une fois, j'avais jeté un coup d'oeil à la généalogie des MacFadyen et une chose avait retenu mon esprit : des laiderons pour la plupart. Ouais... Dommage que je n'en fasse plus partie : maintenant, je n'aurais en rien dépareillé avec mes ascendants. Voilà tout ce que je sais. Enfin Famille, ça se termine enfin par un mariage raté...pour des raisons familiales. Non. Une famille, ça ne s'agrandit pas dans ces conditions. Pas quand la Famille draine en moi autant de souvenirs négatifs. Allez Seurn! De toute façon, personne ne te veux ici : "Arrache toi d' là t'es pas d' ma bande ! Casse toi tu pues et marche à l'ombre !*"

Et toi, pauvre blondinet? Hein? Tu t'es vu comment tu t'es comporté après l'accident? Pas une fois, tu n'as pensé à les prévenir, cette famille, de ce qui t'était arrivé. Pire! Tu les évitais! Tu veux que je te dise blondinet? Tu as trop d'orgueil pour ça! Avec ta mère, vous jouez à celui qui en imposera le plus à l'autre on dirait. Tu as trop de fierté en toi pour te montrer ainsi, avec un visage qui ne ressemble plus à rien et des jambes qui ne te permettent rien de plus que de te trainer à terre comme une vulgaire limace! Eh quoi? Tu te trouves inférieure à elle désormais? Oui, tu l'es! Physiquement parlant! Si tu n'es pas capable d'accepter ça, il ne te reste plus qu'une seule issue. Une seule : ta délivrance ne peut venir... que de la mort!

Il traine là, à sa place habituelle. Il ne me quitte jamais. Je le retire de son fourreau. Dans le noir, la lame ne brille pas mais je sens son tranchant sur la paume de mon pouce. Il est aiguisé, Je me suis assuré qu'il le soit. Toujours. Jamais je n'aurais pensé qu'il aurait pu servir de la sorte.


* Marche à l'ombre - Renaud
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Les_monstres
[P’tain ils sont combien dans cette turne ? Vous en avez d’autres des questions ?]


Jehan



Joue pas av’c ça, frérot, t’vas t’couper... et ça gueulera si tu pourris les draps ! M’étonne même qu’elles te l’aient laissé...

Tu arrivais bien... très bien semble-t-il. Juste avant les deux matrones, ‛fin si on peut appeler ça des matrones. Il ne fallait pas compter sur Turgide pour garder sa langue dans sa poche. Tout le couvent était déjà au courant de l’arrivée mystérieuse du fils de la Mère. Et pour toi, ça faisait surtout une occasion de lâcher Blaise et sa mauvaise foi, pour te rendre illico au chevet de « mon pauvre maître, mon père, paraît qu’il est dans un sal’état, s’agirait d’pas l’laisser dans un coin, comprenez... d’jà qu’sa mère est point commode. »

P’tain !!! Tu t’es bien arrangé, mon couillon ! Sûr qu’avec ça, maint’nant, c’est moi qu’ai la plus belle gueule !

Lorsque vous vous croisiez en Périgord, tu faisais semblant d’être de son monde. Ici, rien à foutre. Qui se souciait de ton vocabulaire ou de ta façon de parler ici ? Les sœurs elles-mêmes parlaient comme de vrais charretiers. De t’asseoir sur le bord de son lit.

T’ferais mieux de me le filer, ton cure-dent. Si la mère apprend qu’il en traine un dans l'couvent, t’es bon pour une raclée... Même le patron porte par le sien quand il est ici. Rapport que c’est interdit, sinon, y’aurait des bagarres tous les jours. T’connais pas les sœurs... P’tain, y’en a qu’ont la rage, dans l’tas. Pire qu'la mère... J’te jure. On mange avec les doigts et on rompt le pain... comme Cristo, qu’elle a dit la mère... En signe d’humilité qui paraît... mouais...

De croiser les bras sur ta poitrine, laissant tes longues jambes tendues devant toi, pieds croisés également.

Bon, alors... raconte-moi donc. Qu’est ce que t’as foutu pour te ravauder comme ça ?



Bastide


La sœur Bastide n’était pas allé raccompagner le porteur à l’hospital, ni même s’était-elle inquiétée qu’il fût blessé. Simplement parce qu’elle avait des ordres et qu’elle se contentait de les appliquer. Et aussi parce qu’un homme dans l’enceinte du couvent, c’était un homme de trop, et y’en avait un paquet depuis un moment, avec tous les malheureux qui affluaient à l’hospital, justement. Pis celui-là en plus, il avait une tête à ce qu'elle est envie de l'écorcher et elle, elle préférait n'écorcher personne pour l'instant.

Ses ordres étaient clairs : s’occuper de mestre Soren. Bastide n’ignorait absolument pas qui était Soren. De toutes façons, il suffisait de le regarder, même maintenant, avec sa figure cramée. Il tenait d’elle, cet air hautainement buté, ce regard sans concession, ce sourire condescendant parfois. Il tenait d’elle ses yeux si particuliers. Il tenait d’elle, c’est tout. Il était comme elle était. Plus encore que la sœur, sûrement. Parce qu’elle, au moins, elle savait se conformer...

En bref, Bastide était simplement allée se changer. Troquant sa robe de bure contre des chausses confortables, une chemise de lin, une veste de cuir souple, et des bottes usées par le temps et les aventures, elle ressemblait davantage à un bandit de grand chemin maintenant qu’à une hélénnine. Aucune importance, bien au contraire. Et de poser la tonne coupée sur le sol devant Soren.


Chehan’, foute lui la paix, portel ! T’as pas kelkun t’autre à fair’ chier ?

Ouais, elle aussi, elle avait un vocabulaire châtié. C’est qu’il ne lui faisait ni chaud ni froid le godelureau bien éduqué. Elle était trop vieille pour qu’elle lui trouva d’autres charmes qu’une grand-mère trouverait à son héritier. Elle était trop peu cultivée pour apprécier le charme de ses réparties et de ses mots fins. Elle était trop grande et trop baraquée elle-même pour se laisser impressionner par sa taille ou ses muscles. Aussi lui asséna-t-elle une grande claque sur l’épaule pour qu’il dégage du lit.


Soren... mein Schatz.* Ta maman elle fouloir que ché m’occupe de toi afant qu’elle réfienne té foir... Alors ché m’occupe, ja ? Tu fas retirer tes fêts et te klisser dans la passine, t’akkor ? Chéhan’ fa aller chercher té l’eau chaute, pas troppe quand même, à l’hossepital et moâ, ché t’amène une tunique propre et tes chausses... Pon pain... Soulachement et touceur... Très ponne pur toâ...

De prendre le menton du blondinet entre le pouce et l’index.

Tu krois peut-être que tu pas pouvoir y arrifer, nein ? Tu peusses... Ché pu avant quand moi aussi, cheu pas marcher... Ta maman aussi... Elle soufent kassée. Oula, très soufent !!! Tu sais ce qui est le plusse tur ?



Sachiko



Pisser !

Un truc, si l’on peut dire, déboula dans la pièce tandis que Bastide parlait. A première vue ça ressemblait à une cathèdre un peu rustique dotée de deux pieds minuscules dans des chaussons de soie noire, et une queue de cheval immense, noire comme le jais. A première vue...

Mais lorsque dans un fracas, la cathèdre atterrit sur le sol, ce ne fût plus qu’un gnome qui devait à peine atteindre l’aisselle de Bastide, à la peau couleur olive mûre, aux yeux allongés, aux pommettes hautes, à la lèvre pincée, méchamment pincée.

Elle savait que la grande avait retrouvé son fils. Elle l’avait vu lors du mariage, même si elle était grimpée sur le toit pour regarder sans avoir à se mélanger. Elle savait... mais de pouvoir le toucher, presque, cela relevait du tabou.


Toi pas pisser sur arbre... Alors arbre devenir chaise... et toi pisser sur arbre quand même.

Tandis que l’aïnou calait la chaise percée au pied de la paillasse du danois, elle expliquait.

Toi mettre chausses... pas haut de chausses. Toi pisser tranquille... libre... tout seul... Si toi pas vouloir montrer breloque... toi cacher avec tunique. Facile. Pas guerrier mais homme honorable...

Debout face à un Soren assis, l’ainou lui arrivait juste les yeux dans les yeux. Mais elle n’avait pas des yeux, elle avait des lances. Personne ne bronchait devant la miniature. Personne ne pouvait. Elle avait revêtu pour cela son masque le plus dur, le plus féroce, celle de l’assassin qu’elle était entre autres choses. Elle avait revêtu ce masque parce qu’en face d’elle, c’était le fils de Bryn et que s’il était une espèce d’êtres sur terre qui l’impressionnait justement parce qu’elle ne les impressionnait pas, c’était les MacFadyen.

Si toi pisser seul, toi être homme libre. Principale chose de la vie. Liberté. Toi comprendre ?
Anne.so
« Les jeux sont faits, rien ne va plus »



Pourquoi avait-elle proposé une ballade en barque ? Non mais Pourquoi ? Plus elle y réfléchissait et au vu du résultat, plus elle se traitait de triple idiote. Au fond d’elle-même, elle ne voulait s’avouer qu’elle avait voulu donner une sorte d’électrochoc a Seurn, que la vue du phare, lui donne cette envie de se présenter aux siens dans son nouvel et triste état. C’était à ne pas en douter, bien une idée de fille. En place de lui en parler, sous peine d’entendre son refus. Elle avait opté pour la méthode, je vais semer et souffler dans son subconscient, une envie.

L’envie avait été ailleurs et était apparue chez de tristes brigands, voulant se faire quelques écus. Des pleutres comme toujours préférant attaquer, un invalide, une femme, certes il y avait le colosse Childéric mais il n’avait pu faire grand-chose, le nombre n’était pas avec eux.
Elle était loin de sa première idée, maintenant et regrettait cette demande saugrenue qu’elle avait faite, il faisait nuit, froid, et ils étaient éloignés de Sarlat, de la ville, le plus proche le couvent des Cordeliers, là où les conduisit le Danois. Les lieux, il les connaissait, ils entamèrent donc le chemin.

Quand la porte s’ouvrit à eux, elle se dit en coquette, qu’heureusement la mère du Danois, ne semblait être présente. Elle était hirsute, le bas de sa jupe avait trainée dans la boue, ses bottes étaient crottées, elle sentait sur son visage des petites piqures faites par les branches qu’elle n’avait pu éviter. Bref ! Pas un état à vous donner envie de faire une première rencontre, qu’elle avait toujours appréhendée, connaissant le fort caractère de la MacFadyen. Elle se sentait assez misérable ainsi, une nouvelle toilette, lui donnait souvent une assurance nouvelle, qui se dissipait assez vite et n’était qu’un placébo, mais la d’Evrecy était ainsi, féminine et coquette.

Elle ouvrit la bouche de surprise, un O se format de ses lèvres joliment ourlées, mais aucun son ne sortit. Ils allaient être séparés, là tout de suite ? Réception d’un baiser sucré du blond. Ne rien, dire après tout, ils étaient dans un couvent et la chose était des plus normal. Un regard vers lui où l’on pouvait lire toute la misère du monde réuni dans une paire d’yeux. Elle allait s’apprêter à suivre la brave sœur, quand déboula une grande femme.
Immédiatement, elle comprit qui elle était, même si elle ne compris tout ce qu’elle disait. Elle ferma les yeux un quart de seconde, non décidément, non ce n’était pas sa journée. Elle les ouvrit, elle lui demandait à elle de venir, de la suivre. Non, non le truc, enfin si il y avait eu un scénario, ce n’était pas celui-ci. Elle Pointa son index sur le haut de sa poitrine et sortit un :


Moi ???

Etonné elle l’était et le mot était faible. Elle regarda Seurn ne comprenant pas se retournement de situations et la suivit dans les couloirs froids du couvent.
Son bureau sans doute, une flambée brulait dans l’âtre, les flammes léchaient un bois sec qui craquait, une lettre qui glissa vers elle. Un regard discret, elle reconnut son sceau, La d’Evrecy revint sur son regard et la fixa dans les yeux et surtout l’écouta.

Etrange instant que celui-ci. Elle connaissait, de ce que lui avait dit Søren, certaine chose de sa famille, mais sans doute plus le côté Erisken et beaucoup moins la partie MacFadyen. Le sang des fées, sans doute, qu’en effet, elle ne pouvait comprendre. Revenir dans sa propre enfance, revoir “la Fontaine aux Fées”, des fougères l’entourait, une grande forêt, des pas léger s’y rendant, un cœur de petite fille bâtant la chamade. Peur, et en même temps espoir. Des légendes il y en avait autour de cette fontaine là-bas en Normandie…. Elle ne s’attendait pas à ces confidences sur leur famille, sur les drames qui l’avait entachés. Sentir une émotion palpable dans l’air.
Son regard, se baissa, se perdant sur le plancher, elle savait ce qu’elle avait fait et pas fait, en effet. D’une voix un peu plus roque que d’habitude, elle lui avoua.


Mon premier instinct fut de vous écrire, une des premières choses à laquelle j’avais pensé. Sans doute moins de cette façon directe, je ne dois pas savoir-faire. Je me disais que vous vous deviez d’être courant.. Et ensuite …..

Ce rappeler, ce moment douloureux encore si frais dans son esprit.

Il, enfin.. j’ai essayé de gérer et j’ai vite vu qu’il ne voulait se montrer ainsi à personne, sa fierté, espérer ensuite que les médicastres puissent faire quelque chose.. Même, maintenant je ne sais, si le fait que vous puissiez le voir ainsi, ne le rende pas mal, très mal.

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Soren
Un bruit. Non. Une voix qui sonne de façon discordante dans mon esprit parce que sa source doit se situer à environ trois pieds au dessus de moi sous une motte de foin blond périgourdin qui a séché sous le soleil de Sarlat. Le poignard me glisse des mains et vient frapper le dallage du couvent, le cri du métal contre la pierre se répercutant en écho dans le couloir.

- Jehan! Mon salaud! Je ne savais pas que tu avais adopté les manies de charognard des corbacs. Tu es venu te repaître des restes? Tu veux manger danois ce soir, c'est ça?

La dernière fois que j'avais vu l'homme de loi, c'était au mariage de Mère. On avait failli en venir aux mains lui et moi et c'est Arth qui avait dû s'interposer. Drôle de scène en vérité. Jehan et moi, on a trop de points communs. Ça fait des frictions. Pas le genre de frictions qui vous dresse le "trois pièces cuisine" vers le septième ciel, mais plutôt le genre à vous coller une côte de boeuf sur le visage pour essayer de dégonfler toutes les chairs tuméfiées. Ceci dit, en ce moment, à ce petit jeu, je pense qu'il a plus à perdre que moi! Bah quoi? Au point où j'en suis, si on ne peut plus faire un peu d'auto-dérision...

- Je....

Même pas le temps de répondre au "frérot" qu'une autre personne entre dans la pièce. Tiens! La soeur-portière, celle aux accents germaniques. Que Jehan me foute la paix? Que voilà une bonne idée. Je sens que je vais l'aimer cette soeur-là! En plus, son accent guttural me rappelle un peu mon enfance. Schatz... Skat...Mon trésor? Me "Klisser dans la passine"? Ouais! Heureusement qu'elle doit avoir dépassée l'âge de la ménopause. Sans ça, j'aurais pu penser qu'elle m'invitait à pratiquer des connexions érotiques. Un bain? Je ne sais pourquoi mais une phrase que j'ai déjà prononcé revient me hanter : "Jehan... Tu pues!". Quelques reniflements me disent qu'elle n'a pas tort : Un bain me fera du bien.

- Oui, ma mère! D'accord! D'accord...

- Je n'ai plus vraiment envie de combattre. J'ai l'impression d'être surclassé par le nombre. Le combat est inutile. Mieux vaut céder le terrain aux assaillants. La chemise passe au dessus de la tête. Ça, c'est facile! La roulant en boule, je l'envoie à Jehan.

- Parait que c'est toi qui lave le linge ici?

Je n'ai même pas le temps de déguster mon petite pique à l'encontre du "frérot" que la cavalerie entre sur le champ de bataille. Celle-là, je l'ai déjà entr'aperçu... et je m'en suis toujours tenu à l'écart parce qu'elle est bizarre est dangereuse. La preuve!

- Pisser? Avant ou après le bain? Après avoir rendu le poignard à la lavandière?

Quel déferlement! Moi qui imaginait naïvement qu'un couvent, c'était un lieu calme, propice à la méditation, un endroit où il ne se passait jamais rien... Il ne manquerait plus qu'Eni débarque et me saute sur le dos pour que le tableau soit complet!

- Comme ça? Là? Devant tout ce monde? Non parce que voyez-vous, les jambes ont beau être paralysé, ça n'est pas le cas, Dieu merci, avec...la breloque!

Laisse tomber! Elle a les yeux bridés. Elle n'est pas d'ici. Et encore moins du nord. Je doute qu'elle comprenne les subtilités de l'humour danois!

- Oui, oui, moi comprendre...Moi comprendre... Mais...Dites tous les trois, ça ne vous dirait pas de vous retourner le temps que je retire les braies et que je prenne place sur le trône?

Après quelques tortillements pour essayer de retirer ces braies de ces jambes inertes, un grand bruit se fait entendre, suivi d'un chapelet de jurons prononcés dans une langue gutturale nordique. Deux grand coups de poings martelés au sol viennent ponctuer cette diatribe enflammée. Les fesses à l'air, les braies emmêlées au niveau des chevilles, le torse nu, la face contre terre, je suis dépité. For fanden! Je suis humilié! A terre devant tous ces "inconnus"! Il faut que je retrouve un peu de contenance. Je ramasse le poignard danois qui a glissé sous le lit et le temps à Jehan.

- Tiens! Pas d'arme ici hein? Prends-en soin parce que je vais le récupérer à la sortie. Et fais attention! Il est TRÈS coupant! Mesdames? Je vous préviens, je vais me relever et me mettre sur cette chaise!

Car finalement, tout ça m'a vraiment donner envie de... pisser! "Pas guerrier mais homme honorable...". Ouais! Je crois que je viens de lui montrer tout l'honneur qu'il me reste! Assis sur cette chaise percée, retenant des jambes décharnées pour qu'elle ne partent pas n'importe comment, je suis certes un homme libre...mais je trouve soudain que la liberté a un prix bien élevé pour l'orgueil masculin.
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Brygh_ailean
Clair, jamais elle ne serait sur la même longueur d'ondes. Elle avait l'air bien brave, cette gamine, bien davantage que la rouquine insidieuse qui l'avait conduit au milieu d'un bois pour déshonorer leur famille autant que les anciens dieux. Elle se rappelait comme il avait été fier de lui présenter cette gamine tordue, simplement parce qu'elle était écossaise, soit disant. De sourire intérieurement. Etre écossais ne voulait pas dire grand chose tant les clans étaient différents des Grampians aux îles. Et le clan de cette rouquine, c'était comme les MacLeod... Beurk, quoi.

Aurait-il été aussi fier de lui présenter la petite blonde ? Peut-être pas tout à fait de la même façon, parce qu'il venait d'être échaudé et que normalement, on apprend de ce genre d'expérience. On apprend... Soren moins que les autres néanmoins. Parce qu'il y avait en lui une sorte de feu qui le consumait à aller toujours de l'avant... sans rien retenir du passé. Parce que le passé était sans doute trop brûlant. Eriksen il avait été.
MacFadyen, il ne comprenait pas ce que cela voulait dire. Néanmoins, il s'y accrochait, écrivant toujours les deux noms, malgré qu'elle l'ait renié. Parce qu'évidemment qu'elle savait... parce que peut de choses lui échappait, même lorsqu'elle se taisait.

La gamine lui asséna une autre tirade dans laquelle il lui fallut trier une information exploitable : j'ai voulu, j'ai pas pu. désolée. Ouais, ça, elle aurait pu le deviner toute seule. Et c'est pour ça que jamais ça ne pourrait coller entre elles. La blonde négociait et lâchait du lest. Pas Bryn Urquhart. Jamais.


En attendant, tu as perdu un temps fou... et tu lui en as fait perdre aussi. Comme leur nom l'indique les médicastres ne sont pas des médecins... On ne confie pas sa vie à des charlatans, ma fille. Encore moins la vie de mon fils...C'était une vacherie gratuite, la brune escote le savait. Mais elle n'avait pas envie d'être sympathique, en cet instant. De toutes manières, elle n'avait jamais envie d'être sympathique.

Dans l'intervalle, elle s'était remise debout, attrapant sa canne au passage. Elle n'en avait plus besoin, mais c'était sans doute simplement pour se rappeler ce temps où...


Suis-moi... il est plus que temps... bordel, comment être aussi stupides ?

Autre vacherie sans doute. Ou non. Plutôt l'expression d'un désarroi impressionnant. Bryn reprit le déambulatoire, tournant à droite... deux marches de descente, encore une volée de pas. Les voix résonnaient dans le corridor sombre, ne laissant aucun mystère sur la conversation.

Tourner, encore... et entrer dans la salle des hommes.

- Jehan tu sors... instamment. Sachiko, je ne me rappelle pas t'avoir fait appeler...
Toi pas dire mais... Moi faire ce que moi veux.
Et arrête de parler comme ça, au nom de Dieu ?
Plasphême, Schwester !
Si elle sort pas, moi non plus hein !!!


La grande émit un puissant soupir et fit tournoyer sa canne dans l'air, ce qui eut pour effet de faire disparaître le factotum. Finalement, une riche idée, d'avoir pris cette canne. La nipponne resta sur sa position. Après tout, elle pouvait être utile.

Brygh jeta un coup d'oeil aux jambes de Soren, évaluant l'état de son fils, tout en retenant la blondinette d'intervenir de sa canne.


Ce que t'as dit Sachiko, c'est que le plus dur, lors qu'on ne peut marcher, c'est de ne plus pouvoir pisser seul... Elle sait. Parce qu'elle est restée clouée sur un lit deux années après que son mari l'a efféminée au sabre. Elle sait aussi parce que c'est elle qui m'a fracassé la hanche après que ton père... Je suis restée sans pouvoir bouger pendant tellement de temps... Je pissais dans les draps, j'y chiais aussi... et je t'évite les détails sur mes lunes... immonde... C'est elle qui lavait... qui me changeait... et je me sentais parfaitement humiliée... même le pire des esclaves pisse seul. Et pas nous...

La grande se retourna vers la blonde avec un regard de désapprobation. Elle était quasiment sûre que la jeune fille avait maintenu Soren, sans le vouloir, dans un état de dépendance quasi totale, à seules fins de lui être agréable et de lui rendre la vie plus douce. Ce n'était pas la méthode MacFadyen. Absolument pas.

Regarde tes jambes, Soren. Tu ne les sens pas, mais tu peux les voir, n'est-ce pas ? Quelle couleur ont-elles ? Sont elles noires ou grises, comme la mort ou la pourriture, ou bien encore roses ? Ce n'est plus parce que tu ne sais plus les faire fonctionner qu'elles ne sont plus en vie pour autant. Regarde tes pieds... tes ongles sont bien trop longs. Preuve qu'ils poussent... Non ?
Ché peux lui couper les onkles...
La grande de sourire enfin, à la teutonne.
Je crois que sa femme préférera le faire elle-même, Bastide.
Et moi, je peux m'occuper de ses jambes, comme je l'ai fait pour toi...
De hocher la tête. Tiens ! Etonnant... L'accent de Sachiko s'était envolé maintenant.
Je n'en attends pas moins de ta part... Encore faut-il qu'il veuille...
Et de regarder son fils dans les yeux. Si elle tenait le salaud qui avait laissé cicatriser les brides sur son visage, elle l'égorgerait elle-même. Il faudrait lui faire mal, retailler les chairs, retirer ces chéloides infamants avec du temps... beaucoup de temps... Mais rien n'était impossible. Parce que c'était son enfant. Un enfant qui était suffisamment grand néanmoins, pour décider par lui-même.
Veux-tu seulement, Soren... MacFadyen... Erikssen ? Au bain maintenant !

Attendre si longtemps pour baigner pour la première fois, son propre enfant... Etonnant.
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