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RP Janvier - « Avoué, le péché est à moitié pardonné...

Fleur_des_pois
    Caché, il l'est tout à fait. »


L'invitation en main, Fleur tournait en rond. Dandelion la suivait des yeux, de même que Luzerne, une chienne nouvelle acquise. En plein tourment, l'Ortie ne savait que faire. Si elle voulait qu'il soit présent, il fallait qu'elle l'invite. Lui envoyer sans annonce préalable ? Hors de question. Ils venaient de se retrouver, ce n'était pas pour se perdre à nouveau.
Cette réflexion lui arracha une décision. Elle devait aller le voir. Fleur cessa brusquement de tourner autour de la table de son repère. S'assurant d'un œil que sa mise était correcte, la Fée quitta la pièce, laissant là les deux chiens. Elle devait faire cela seule, sans nulle aide extérieure sur laquelle s'appuyer, fut-elle celle de deux animaux.

Aveugle à ce qui l'entourait, le Lutin laissa ses petits pieds chaussés de pantoufles de satin la guider jusqu'à Adryan. Elle parcourut comme dans un rêve le chemin qui la mènerait jusqu'à lui.
Le comptoir brillant fut devant elle bien plus tôt qu'elle ne l'avait prévu. Le Castillon se tenait là, bien sûr. Immobile, l'Ortie le contempla en silence. Il était beau, tellement beau. Elle se surprit à sourire, émue peut-être de le voir ainsi sans qu'il ne sache qu'elle était là. Pourtant sous ses doigts, le parchemin qu'elle tenait serré constituerait peut-être une barrière entre eux. Barrière qu'elle était bien décidée à anéantir. Elle avait besoin de lui. Epouser un quasi inconnu n'était cependant peut-être pas la meilleure façon de le lui prouver.
Délaissant son recoin sombre pour s'afficher en pleine lumière, Fleur trottina vers lui, et prit place juste en face, sur un siège.


Bonjour, lança-t-elle gaiment. Tout va comme tu veux ?

Une seconde qui sembla durer une éternité, Gaia se demanda si elle allait bien le lui dire ou non. Et si elle le faisait, aurait-elle le courage de lever les yeux vers lui ? Fronçant les sourcils, la Pâquerette se décida enfin. Elle ne baisserait pas les yeux. Non pas qu'elle n'éprouvât pas une pointe de honte, mais elle ne pouvait pas ne pas voir son visage à la suite de son annonce. Il fallait qu'elle sache.

Je suis venue te dire quelque chose. Une... nouvelle. Assez incongrue je dois dire mais... Sans doute que commettre ce genre de crime arrive même aux meilleurs.

Une esquisse de sourire étira ses lèvres, et la Fée posa à plat l'invitation sur le bar, juste devant elle.

Ceci. C'est... pour toi. Faut que je t'explique.

Gaia se racla la gorge, bien décidée maintenant qu'elle avait commencé, à tout lui dire d'une traite.

Si j'avais pu en choisir un autre, je l'aurais fait, crois-moi. Si j'avais pu te choisir toi, je crois que... Mais qu'importe ! Ce n'est pas l'homme parfait, il est même aux antipodes de l'homme idéal. Il boit, il consomme de l'opium, il se trimballe des tas de conquêtes... Mais c'est pour ça, justement. C'est un bel homme, ceci dit. En fait, je l'ai choisi parce que je ne l'aime pas. Pas encore, peut-être que cela viendra, un jour. Mais je suis certaine de ne pas souffrir avec lui, je suis certaine aussi de pouvoir le diriger. Il est dépendant jusqu'aux yeux. Le mariage, ce n'est qu'un contrat. Les nobles s'épousent par intérêt, n'est-ce pas ? C'est pareil pour moi. Grâce à lui, je vais étendre ma clientèle, et comme il m'accompagnera durant mes déplacements, je ne risquerai plus de me faire agresser comme il y a quelques mois. Je sais que... ce ne sont pas les meilleures raisons, mais je n'en ai pas d'autres. Et une bague au doigt ne changera rien entre nous. Je serai toujours ta Pâquerette, et tu seras toujours mon Adryan.

Le Lutin se mordit la lèvre, craignant tout à coup la réaction du Castillon plus que n'importe quel courroux.


Pierre Véron

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Adryan
Ses doigts le brulaient de la missive de sa mère, encore. La pauvre femme, acculée par les frasques de son époux ne savait plus que faire et laissait à son ainé une responsabilité qu’elle aurait du lui épargner quand elle devinait où son fils avait échoué pour leur assurer tant bien que mal de garder la tête haute, en apparence. Si seulement ses mots avaient pu être francs, il aurait pu les envoyer tous au diable, mais sa mère ne demandait rien cette fois, se confiant juste que le froid la tenaillait et que sa toux était mauvaise. Et à travers ses mots, tous teintés d’une douceur qu’il savait sincère, le Castillon se sentait déchiré de voir cette femme qui avait veillé sur ses jours d’enfance avec une tendre attention, à ce point défaite et abattue que même à lui, elle n’osait plus avouer la profondeur de sa blessure. Et la colère lancinante envers ce père trop léger ne fit qu’enfler. Peu de choix finalement s’offraient à lui. Faire la sourde oreille, il en était encore incapable. Chevaucher jusqu’au domaine, enlever sa mère à ses tourments pour la conduire vers ces terres brulantes qu’elle aussi aimait tant ? Elle s’y refuserait, trop attachée qu’elle restait à ses enfants quand ses deux cadettes restaient à piailler d’impatience de recevoir de nouveaux rubans bien que leurs coffres débordent déjà de soieries. Les marier, les deux capricieuses ? Leur nom en guise de dot ? Voilà ce à quoi le Castillon réfléchissait déjà depuis de longues semaines, mais cela prenait du temps, et du temps, la santé de sa mère ne pouvait le permettre. Comment alors enfler la rente versée chaque mois avec une attention minutieuse quand lui-même déjà avait du s’endetter auprès du comptable ? Une seule solution se profilait. Se vendre à nouveau. Mais le Castillon s’y refusait encore. S’y refusait d’autant plus que loin du domaine familial, il savait d’avance l’argent dilapidé sans qu’il ne soit présent pour le gérer.

Là, tête basse et regard lointain, il réfléchissait aux diverses solutions possibles sans encore en trouver une satisfaisante quand un gai « bonjour » lui fit remonter les yeux. Pétillante comme à son habitude, Fleur se tenait devant lui, bavarde comme une pie quand elle ne lui laissait pas le temps de répondre à ses questions, lui fourrant un parchemin sous les yeux. Heureux de cette intrusion l’extirpant de ses réflexions, il parcourut le faire part sans en être surpris outre mesure. Ce qui le surprit davantage fut cette volonté du Lutin de vouloir s’en justifier quand il n’avait ni le droit ni l’envie de savoir qui se glissait entre ses bras fins, tout mari même qu’il puisse être. Mais la surprise ne fit qu’accroitre avec la logorrhée qui suivit, laissant le Castillon abasourdi quand elle se tut, un instant dubitatif quand les rouages de sa cervelle s’activaient à démêler de chaque mot.


Sa mâchoire soudain se crispa, signe pouvant trahir l’irritation quand ce n’était qu’un effort pour enrailler l’éclat de rire qui menaçait sa gorge. Insensée. Fleur était insensée. Pourquoi prendre soin d’épouser un homme qu’elle n’aimait pas pour s’assurer ne point souffrir, quand il aurait été si simple de ne pas se marier du tout ? Sa Pâquerette avait une logique bien particulière le dépassant totalement. Si elle pensait un jour pouvoir en tomber amoureuse, et que ce fut bel et bien là la raison de cette union, pourquoi ne pas attendre de s’en assurer, simplement. Mais ce qui aiguisa encore davantage son hilarité toute contenue fut d’imaginer un homme encore plus dément qu’elle pour accepter pareil accord.


Et soudain, l’idée jaillit, pernicieuse mais irrésistible, qui en outre aurait le pouvoir de faire éclater la vérité. Calmant définitivement le rire tu au creux de sa gorge, il pencha la tête, détaillant le visage de la petite Fée sans qu’aucune de ses pensées ne transparaisse sur son visage. Lentement, sans la lâcher un seul instant de son regard épais ou s’agita une lueur de concupiscence, il se pencha vers elle. Un sourire tendrement affamé arquant sa bouche quand le seul souvenir de son corps ondulant sous le sien réveillait doucement son ventre, il glissa une mèche de cheveux derrière l’oreille fine. Et il s’approcha, encore, jusqu’à caresser ses lèvres des siennes.
Rien ne changera entre nous ? Susurra t-il d’une voix profonde quand sa bouche égarait de suaves baisers à la ligne de son cou. Tu seras toujours ma Pâquerette, et je serai toujours ton Adryan ? Son sourire s’aiguisa doucement alors qu’au milieu des baisers, il mordit sournoisement la saillie soyeuse de son épaule. Prouve le moi… Et lascivement quand la pulpe de ses lèvres dessinait chaque frisson de sa peau, vint souffler la bravade au creux de son oreille. … en m’offrant ta nuit de noces.
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Fleur_des_pois
La caresse de ses baisers la fit frissonner. Comment Adryan parvenait à ce prodige ? Fleur, toujours si maîtresse d'elle-même, ne pouvait plus guère afficher cet air ironique et détaché lorsqu'il était là. Et tandis que les lèvres du Castillon s'égaraient du côté de son cou, Gaia glissa les doigts dans la chevelure d'ébène. Il n'avait pas l'air fâché, et la Fée ne pouvait nier en être infiniment soulagée.
A la première question, l'Ortie murmura un « non » ferme et décidé. A la seconde, la négation fit place à l'approbation. « Oui » affirma-t-elle. Garder son sérieux et son emprise sur elle-même relevait d'une force de caractère que le Lutin ne prétendait pas posséder. Elle se laissait aller, glissait doucement dans une délicieuse rêverie tandis que les souvenirs en vrac s'entrechoquaient dans son esprit. Les souvenirs d'une nuit qu'ils avaient partagé, et qu'elle aurait bien renouvelé ici même à cet instant, si les derniers mots d'Adryan ne l'avait pas figé sur place.
Les paupières closes un instant plus tôt s'ouvrirent brusquement. Et la bouche qui s'apprêtait à embrasser celle du barman formèrent un O parfait, tant la stupeur était grande.


Ma nuit de noces ?

Non pas qu'elle s'était imaginée quoi que ce fut avec Niallan. La Fée avait exigé - plus pour lui apprendre la patience que par réelle conviction personnelle - qu'ils attendent d'être mariés avant de consommer. Quelle tête ferait-il si elle lui déclarait qu'elle offrait sa première nuit de femme mariée à un autre qu'à l'épousé ? A coup sûr, il serait agacé. Mais sans aucun doute irait-il visiter une autre couche, sans oublier son honneur bafoué pour autant. Cette idée la fit rire à demi.

Après tout, elle ne l'épousait pas par amour. Et si la cause avouée était bien ce soucis d'être escortée où qu'elle aille sans jamais débourser le moindre sous pour cela, que le fait qu'il soit bâtard et insignifiant ne ferait qu'augmenter sa propre importance, et celle - pire encore peut-être - que de contraindre de sa seule volonté un homme abonné aux conquêtes à devenir « l'époux de », la cause réelle et tue était le luxe de pouvoir devenir l'espace d'une nuit, maîtresse du plus bel édifice de France. Jusqu'alors, lorsqu'elle était entrée dans la cathédrale, c'était au mieux en admiratrice du monument de pierres. Ce vingt-quatrième jour de Janvier, lorsqu'elle foulerait le sol dallé de Nostre-Dame, ce serait en Reine totale et absolue. Son estime d'elle-même étouffait toute modestie dont elle aurait pu être victime.
Si d'aventures ses pensées s'égaraient du côté du promis, c'était à la cathédrale qu'elle songeait, nullement à celui qu'elle prendrait pour époux.

Un large sourire étira ses lèvres. La Fée laissa courir son imagination. Elle se voyait, splendide dans sa robe de mariée, et annonçant à la fin des réjouissances à son époux que ce ne serait pas lui qui aurait l'honneur de la lui ôter. Cela valait le coup d'être vécu, décida-t-elle. Et bien que Niallan soit plutôt attirant à sa façon, il n'avait rien à voir avec Adryan. Et si elle avait pu choisir...


D'accord. Et d'ajouter, un ton plus bas, tandis que sa main glissait vers l'épaule du Castillon. Et si tu ne veux pas qu'on consomme ma nuit de noces sur le champ, va falloir que t'arrêtes de m'embrasser comme ça.
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Adryan
Si Fleur fut étonnée de la demande impensable, Adryan le fut tout autant de sa réponse. Quand il aurait imaginé une ruade d’indignation, un refus confus, ou un éclat de rire franc, la petite Fée lui servit un simple « d’accord ». Et à ce moment ci précis, il remercia tout les anges du Royaumes et même ceux d’Afrique de n’être pas né sous les traits et le nom de celui à qui elle allait passer la corde au cou. Il en fut à ce point stupéfait qu’une fragrance de pitié pour ce pauvre homme s’insinua à ses narines. Trop brève cependant pour pouvoir y faire son nid et suffire à renoncer à sa requête. Et là, à l’ombre de leurs mèches entremêlées, un sourire carnassier dévoila ses crocs. Jaloux à ses heures, voilà ce qu’il en coutait de vouloir s’approprier par le mariage les bienfaits de sa Pâquerette. Que ce soit son corps ou ses plantes.

A la douce menace, il rit doucement tout contre son oreille, et loin de s’assagir, n’enflamma que davantage ses baisers, dévorant la chair de son cou gracile sans aucune pitié quand une lueur lourde de concupiscence égayait son regard voilé.
Alors… les crocs sournois se plantèrent à la douceur de la bouche mutine, fuis-moi… Qu'il était bon de jouer la torture de la frustration quand l'un comme l'autre savait Adryan prisonnier de son comptoir de marbre.
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Fleur_des_pois
La Fée avait imaginé qu'il démentirait sa proposition quelque peu indécente. Qu'il lui avouerait avoir voulu la provoquer. Mais Adryan n'en fit rien, et Gaia s'en félicita. D'avance, elle prenait plaisir à imaginer mille petites tortures à infliger à son époux, une fois qu'ils seraient mariés. Son désir de lui montrer que Gaia Corleone ne ressemblait pas à ces femmes dont il faisait la conquête pour mieux les rejeter une fois possédées. Niallan devrait comprendre sans apprentissage, que son épouse n'était pas femme à se laisser conquérir d'un sourire. Ceci devrait servir de base à toutes choses. Fleur se refuserait à lui la nuit des noces. Et l'on verrait alors, qui baisserait la nuque en premier pour s'avouer vaincu. Le mariage était une guerre que l'Ortie était décidée à remporter.

Un grognement lui échappa alors qu'Adryan poursuivait ses baisers enflammés. Agaçant qu'il était à lui demander de fuir tout en faisant tout pour la retenir. Retenant le visage du Castillon entre ses mains, Fleur ancra ses lèvres à celles de son amant dans un baiser dont la tendresse atténuait le début de fougue. Puis, se reculant, la petite Fée lui sourit largement, espiègle et heureuse.


Tu m'y obliges ! Mais je ne serai pas bien loin, je m'en vais retrouver mes quartiers. Si tu me cherches... tu sais où me trouver.

Et sur un dernier baiser léger, le Lutin bondissant quitta Adryan, agitant la main dans un salut joyeux. Finalement, la peur n'était pas justifiée, et tout s'achevait au mieux.
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Adryan
Le gout des lèvres de sa pâquerette ancré à sa bouche, il la regarda s’éloigner, un sourire flottant doucement à sa bouche.

Qu’importait finalement qu’il se perde à ses courbes la nuit précise de ses noces dérodée à un autre. Même s’il apparaissait saugrenu d’imaginer ne pas se gorger d’elle, de son parfum, de ses soupirs, de ses lèvres, l’essentiel était autre, dans cette complicité affolante qu’ils tissaient et qui le chamboulait. Exception lumineuse, plus éclatante encore de le chavirer quand c’était aux hommes qu’allait sa seule préférence, sans plus de doute possible après la nuit de noël. Et pourtant, alors que rieuse, elle filait vers ses bocaux, ses potions et ses plantes, le regard anthracite ne pouvait se décrocher de ses hanches joliment ondulantes. Doucement, il rit, se demandant bien de quel filtre elle l’avait ensorcelé quand il n’avait qu’envie de bondir par-dessus sa prison de marbre et de la rejoindre sans plus attendre.


Reprenant le cours de son travail, oublieux des préoccupations qui le chahutaient, il murmura, Petite sorcière… la fin de sa phrase restant englué dans son esprit chaotique.

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