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[RP] On a tous le droit à une seconde chance

Soren
[Couvent des cordeliers, aux abords de Sarlat-la-Caneda, Février 1462]

Il fait sombre ici. Depuis combien de temps suis-je ici? J'ai perdu le compte. J'aurais du marquer les jours qui sont passés depuis mon réveil. Il faudra que je demande à Una la date du jour afin que je retrouve mes repères. Elle est mon unique contact avec le monde extérieur. Comprenez par là, extérieur à cette pièce où je suis, où je vis. Tout cela est si invraisemblable, si incroyable! et pourtant, il est un fait indubitable : ces jambes ne fonctionnent pas. Elles sont aussi inertes qu'un morceau de bois mort que l'on se procure en forêt pour allumer le feu dans la cheminée. Il y a un autre fait qui plaide en la faveur du discours qu'elle m'a tenu : j'ai perdu du poids. Beaucoup de poids. Le peu de graisse que je pouvais avoir a fondu, et les muscles ont suivi. Mes doigts qui parcourent les traits de mon visage ne mentent pas : je suis maigre. Pire. Je suis squelettique. Rien ne peut expliquer cela. Rien...excepté le temps qui passe! J'ai l'impression d'avoir hiberné pendant un long moment, sans manger ou presque. J'ai le choix entre croire son histoire...et rien! Le vide! Aucune autre solution qui tienne debout. Pourtant même son histoire est incroyable. Son seul mérite, c'est d'exister, de combler un vide. Oui, je n'ai d'autres choix que de la croire, elle, une inconnue.

[Flashback... Couvent des cordeliers, quelques semaines plus tôt]

J'ai soif. Mes lèvres sont sèches, gercées, douloureuses. Je cherche à ouvrir les paupières mais il semble que quelque chose les en empêche. Un vent froid effleure la peau de mon visage. Mon estomac crie famine. J'essaie de rassembler mes idées. Je suis encore confus. Qui suis-je? Quelque part dans ma tête, une voix me souffle la réponse : Søren Eriksen. Ma main droite bouge. Elle se pose sur mes lèvres, confirmant ma première impression. Mes doigts glissent sur mon nez, mes joues. Ils me renvoient la sensation d'un visage émacié, les traits tirés comme un morceau de beurre qu'on aurait trop étalé sur une tartine de pain. Ils atteignent les yeux et retirent la croute d'humeurs qui les maintenait clos. D'abord la gauche. Ensuite la droite. Mes paupières s'ouvrent enfin pour être confrontées à un mur de ténèbres. J'ai l'impression d'être un morceau de parchemin que l'on aurait laissé vieillir au soleil. Que m'est-il arrivé? Où suis-je? Quelle date sommes-nous? Un flot d'incertitude m'envahit, laissant sur la grève des tas de points d'interrogation un peu partout. Ma tête est immobile dans le noir, désespérément fixée sur un mince filet de lumière qui se dessine sur le mur opposé. Y'a t-il une porte derrière moi?

Petit à petit, les souvenirs refont surface. Ils viennent s'enfiler comme des perles sur le cordon de mon histoire passée. J'ai l'impression d'être un gamin qui ramasse, à rebours des petits cailloux blancs sur un chemin qu'il ne connait pas, dans l'espoir de retrouver sa chaumière et les siens.

Une taverne... Une discussion avec une jeune fille qui m'a l'air pas mal débrouillarde pour son âge. Elle demande à nous accompagner, mais ça, c'est un simple jeu. Elle n'en n'a pas véritablement l'intention. Elle joue. Elle prétend que la route devant nous est barrée : des mercenaires payés par le comté ou le duché interdisent tout passage non autorisé. Son rôle à elle est sans doute consiste à relever le nom des inconnus qui veulent traverser, à les signaler à ses complices qui, devant nous, bloqueront le passage si l'on n'a pas payé le tribut. Astucieux comme façon de rançonner. Qui plus est, l'armée bat pavillon de la province? Qui peut lui reprocher quoi que ce soit?

Plus loin, sur une autre perle... Une taverne dans le Maine. Elle est bondée. Une invitation venue d'une connaissance qui refait soudainement surface. Elle est rousse, toujours aussi rebelle et indépendante. Mais depuis l'épisode de la robe, je ne l'ai jamais vu aussi...féminine. À côté de nous, un tonneau. La discussion s'engage. Un rustre aurait bien fait passer ses envies du désir à la réalité sur elle, mais je l'en empêche. Et puis plus rien. Une douleur dans le ventre. Le noir... comme ici. comme maintenant.

La perle se dissout entre mes doigts et une autre vient de naître. Le mystère de la vie. Château de Gorron. La fin d'un long trajet. Cette fois, elle est brune. Elle est jeune, presque trop jeune pour moi. Et pourtant, je n'ai qu'une envie : l'embrasser, lui déchirer ses vêtements et me laisser aller dans une débauche de plaisirs charnels. Elle, elle est anxieuse. Elle a attendu longtemps ce moment et il vient d'arriver. En Champagne je l'ai retrouvé. Elle cherchait sa mère. Jusque dans le Maine, à Laval, je l'ai conduit en compagnie de la guerrière rousse. Ma récompense? Une claque par la fille. Une gifle par la mère... et rien d'autre.

Et puis d'autres perles s'enfilent à une vitesse phénoménale. L'Artois et l'acédie qui me guette, mon bannissement du Danemark, mon séjour en prison pour avoir refusé le mariage négocié par son Altesse Lars Eriksen, Tyran Premier du Jutland. Tout ça me semble loin, si loin...

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Soren
Il est temps pour moi de rentrer chez moi... si tant est que cela peut signifier quelque chose. Périgord-Angoumois, synonyme d'aucun souvenir, d'aucun rattachement. Un nom comme un autre au même titre que le Maine, la Champagne ou l'Artois par où je suis passé il y a peu. Enfin...plutôt il y a plus de deux ans. On m'a dit que j'ai habité Sarlat, puis Bergerac. je dois sans doute avoir la bougeotte. Sarlat n'est pas mon chez-moi, tout comme Bergerac. Mes terres se trouvent quelque part, là-bas au nord, là où la terre et les lacs gèlent pendant tout l'hiver. Le couvent des cordeliers n'est pas un endroit où je puis rester, même si j'y ai trouvé une personne qui a pris soin de moi, une personne qui prétend avoir un lien de parenté avec moi. Una MacFadyen...Søren Eriksen...MacFadyen...La personne qui prétendait être ma mère, celle pour laquelle j'ai fait ce voyage en compagnie de Syu se nomme t-elle vraiment MacFadyen? Je n'ai pas de raison de douter. Une soeur, je veux dire, une religieuse, ça ne ment pas.

Syu...Il parait que je me suis marié avec elle finalement. J'avais dû tomber sur la tête juste avant. Un mariage? Moi? Je hais cette idée depuis que mon père a essayé de me l'imposer, depuis que cela m'a valu de passer dans ses geôles, isolé de tous, privé de nourriture, avec juste ce qu'il fallait d'eau pour ne pas crever! Sans compter la frousse de voir les prisons ducales inondées comme cela est arrivé il y a quelques années et mourir noyés comme tous les prisonniers à l'époque. D'ailleurs, il faut croire que j'avais retrouvé la raison puisque le mariage n'a pas tenu une saison. Le mariage est un acte destructeur. Il n'y a rien de bon là-dedans! Rien!

Une soeur m'a conduit à Sarlat, la soeur tourière parait-il. J'ai oublié son nom. Sans doute une Hélène quelque chose. Là, j'ai croisé un groupe de marchands ambulants qui se dirigeait vers Bergerac. Je ne remercierai jamais assez les soeurs de m'avoir laissé quelques écus. Ça a payé mon voyage. Assis dans un charriote cahotante, les jambes toujours aussi inertes que deux bâtons de bois, je me laisse bercer par les secousses provoquées par cette route défoncée. Je n'ai rien d'autres à faire. J'ai beau me forcer, aucun souvenir proche ne remonte à la surface. Il parait qu'après Syu, j'ai eu pour compagne une dame de Bergerac. Il parait qu'elle avait les cheveux blonds comme les blés d'été. Si je la croisais aujourd'hui, je ne la reconnaitrais pas.

A Bergerac, j'ai rencontré la bourgmestre. Elle m'a dit que je devais avoir une maison quelque part. Je l'ai cherché, je ne l'ai pas trouvé. Il n'y a nul part de logis pour Søren Eriksen. D'autres m'ont dit que je logeais depuis toujours à l'auberge municipale : le taillevent de Bergerac. Les gens que j'ai croisé à l'intérieur me l'ont confirmé. Un homme s'est approché de moi et il m'a proposé de me servir de porteur. Bonne chose. Je n'irai pas loin si à chaque fois je dois demander à une bonne âme de me déposer dans un coin comme une vulgaire caisse de poissons. J'ai demandé à l'homme de me monter à l'étage. Dans la chambre où je résidais, il y avait encore des affaires, des objets qui eux évoquaient des souvenirs. J'ai laissé Childéric, mon porteur, aller se désaltérer dans la salle commune et j'ai rampé à droite et à gauche. J'ai pris l'épée en main. Mon épée! J'ai frotté la lame avec la paume de ma main. Elle était toujours aussi aiguisée, mais qu'est ce qu'un infirme peut bien faire d'une épée. Elle appartient désormais à une vie qui est révolue. Il va falloir que je m'en débarrasse. Pas envie de voir trainer ça sous mes yeux tous les jours pour me rappeler ce que je ne suis plus.

Sur la table de chevet, se trouvent trois vélins enroulés les à côté des autres. Dans l'un d'eux, une rose. Après une nouvelle traversée digne d'un escargot, je peux enfin m'asseoir sur le lit. Mes bras ont retrouvé un peu de leur force. Mon visage est un peu moins creux. C'est étonnant combien la nourriture dans un couvent peut être nutritive! Pas étonnant que certaines soeurs ont un tour de hanche deux fois comme le mien! Leur bonté leur perdra. A moins qu'il ne s'agisse de leur gourmandise.


Citation:
« J'essaie de t'oublier mais je voudrais que l'on m'apprenne à oublier de penser.Je deviens folle et perdue sans toi... Es ce possible combien je t'aime !! »
Anne Sophie !

*Un mot, une rose, Sarlat*


Anne-Sophie... Cette lettre a t-elle été écrite avant ou après mon retour à la vie publique? Me pensait-elle "mort" ou en vie? Oui, ce devait être cette Anne-Sophie dont on m'a dit qu'elle était ma compagne. Il faudrait que j'aille la rencontrer, mais pour lui dire quoi? Je ne sais même pas à quoi elle ressemble, je n'ai plus aucun souvenir d'elle...ni de personne ici. Je suis un étranger dans la ville que j'ai habité pendant des mois.

Mort. Étrange impression. On m'a cru mort. J'ai disparu pendant plusieurs mois. Tout le monde a du m'oublier comme moi j'ai oublié tout le monde. Au moins la situation est équitable.


Citation:
Chers Amis,

TontonSpiel et Laly.. ,

Ont la joie de vous convier à leur mariage qui sera célébré le Mercredi 19 Mars 1462 à 20h00 en l'église de Bergerac!!!

A l'issue de la cérémonie, un vin d'honneur précédera les festivités dans les tavernes du Village!

Nous voulons faire de cet événement un moment fort, en toute simplicité.
Votre présence sera notre plus beau cadeau!!!

Nous attendons votre réponse avant le Samedi 1er Mars 1462.

Un mariage à Bergerac. L'occasion de rencontrer du monde... un monde d'inconnus qui tiennent sur leurs deux jambes, qui sont capables de tituber quand ils sont saouls. Qu'est-ce que j'irai faire là-bas? Quand à la troisième lettre...

Citation:

D'Oane de Surgères, comtesse de Saintonge et d'Oléron, vicomtesse de Frontenay et baronne de Luçon,
A Soren MacFadyen Eriksen, Barbare Miraculé,



Nous rendons grasce à Déos et à la Bienheureuse
de vous avoer rendu à la Vie, à Nous.
Nous ne sommes pas sure que vous en fassiez autant,
et, un matin pourtant, vostre rage envolée,
vous sentirez,
combien la Vie puit estre belle, le nez au vent.

Je n'imaginais poinct vivre sans Vous
ou plutôt, devrais-je dire,
dans un monde où vous ne seriez pas.
Puisque de facto, je vis loin de Vous
pour Toujours et selon mes Vœux.
Un Pieu Épieu planté en travers de mon Cuer.

Mais cela, vous le savez déjà, Barbare.
Je vous l'ai écris,
la veille de vostre Trépas.
J'espère du moins que ce violent Poison
qui vous arracha à la Toile des Jours
n'était poinct faict de mon Encre tardive.

Soren,

Je sais que vous n'aimez rien moins que les Poèmes.
C'est pourquoi je vous en offre un volontiers ,
Je ne cherche poinct à vous plaire ou à vous déplaire
Vous n'estes pas Mien et ne le serez onc,
j'écris adonc entre Nous et Moe
Et juste une Poussière de Vous
lovée au Creux de moe.

Remettez vous sur Pieds.

Du fort du Hâ, en la ville de Bordeaux,
le 3ème jour du mois de février de l'an mille quatre cent soixante deux

ODS





Citation:


Coïncidence

Vous décachetteriez curieux cette missive,
Vous en ôteriez le ruban, d'une main hâtive.

Vous verriez qu'il y est question du Ciel,
De cette part du Ciel qui vit en Nous :
orageuse, nocturne, sauvage, éternelle.

Vous verriez sur le bleu de ce parchemin,
la blancheur d'une étoile, ou celle de mes mains.
Qui est celle aussi du Ciel, et de vostre Feu.
Des mots danseraient sous vos prunelles,
dans le matin de vos prunelles.
Un mot comme celui là : « âme »
Cette étincelle qui à pierre fendre se pâme
Car la vostre, dans son aube nouvelle, a des bleus.

L’Âme,
Une fourrure épaisse, baignée de soleil,
amoureusement étendue, sur cette terre virginale
Un mantel d'or pour la couche des amants
Au liseret noir brodé avec les initiales
conjointes de l'orage et de l'aurore vespérale

Vous liriez encore plus loin.
Vers d'autres mots.
Vous liriez les mots précieux,
les mots ruisselants, les mots princiers,
vous liriez les mots du désespoir,
et ceux, les mêmes, de l’espoir.

Vous comprendriez alors
que dans chacun de ces mots
sur chacun de ces parchemins
il n'aura été question que de Vous
que de cette merveilleuse coïncidence entre Vous
et l'Amour que j'ai pour vous
entre vous et ces mots qui sont les miens
pour vous dire
entre vous et ces mots conçus dans la nuit
engendrés par ce remuant désordre qui suivit
vostre entrée en mon âme et ma vie.
Vous comprendriez que je n'ai onc escrit que pour Vous
Mesme avant de vous cosnaitre,
mesme en cette immensité sombre du Temps
précédent nostre enconstre.


Oane de Surgères... Ce nom aussi m'est inconnu. Qui est-elle? Une amoureuse éconduite? Une maitresse délaissée? Le ton le laisse présager. Une chose est sure: elle, elle me connait. Elle sait que la poésie ne m'émeut pas et elle m'en écrit. Elle a de l'humour! Ou alors, elle sait qu'elle ne craint rien de la part d'un infirme. Il faudra que je lui écrive. Mais où? Bordeaux? ... Bordeaux! A transmettre à qui de droit si vous savez comment la trouver!

Je suis las. Las de ne servir à rien, Las de vivre comme dans un rêve éveillé où tout m'est indifférent. Il faut que je me ressaisisse! Demain, j'irai voir la diaconesse!

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Una_agnes
Du ! Du, Soren Erikssen !

Le vent s'engouffre par la porte que je me suis efforcée d'ouvrir avec le plus de maîtrise possible. Ma voix me surprend. Elle est étonnamment posée par rapport aux tremblements que je sens dans mes mains et dans mes genoux.

Mes cheveux dégoulinent toute la pluie qui s'est abattue entre Les Cordeliers et Sarlat, puis Sarlat et Cadouin, puis Cadouin et Bergerac. Je n'ai pas mangé. Je sens la faim qui me tenaille.


For fanden, hvat laver du her ?

Il gèle dans cette chambre, ou bien est-ce l'humidité qui me donne envie de claquer des dents. Le feu n'a pas été allumé, depuis des semaines visiblement. Tout est de travers, rien n'est tel qu'il devrait être.

Où est la norse ?

Je regarde autour de moi : le vide, que le vide, comme le vide que je vois lorsque je regarde mon frère. Son regard n'exprime rien que du vide. Je me laisse néanmoins submerger. J'avais dit que non. J'avais dit que je parviendrais à me contenir. Parce que la tempérance est une vertu, que la colère est un péché. Parce que le Très-Haut nous a enseigné qu'il faut aimer. Qui puis-je aimer ? J'aimais mon frère plus que ma vie et par deux fois on me l'a arraché. Qui est cet homme à qui je fais face ? Qu'avez-vous fait de mon frère ?

Je me jette sur l'arme qui trainait et machinalement j'en pointe l'extrémité sur la pomme d'Adam bien trop saillante de mon cadet.

Soren Erikssen, lève toi... J'ai dit : Lève-toi !!! Viens te battre avec moi si tu es un homme ! Un vrai ! Après tout, tu es un Erikssen : battre une femme ne peux pas t'effrayer !

Je bouge un peu la lame, pour lui montrer que je ne suis pas d'humeur badine.

Tu as réussi à embobiner combien de personne avec ton air d'infirme affamé, tes yeux de chien battus, et tes mots d’enjôleur effronté ? Alors, si tu sais faire tout ça pour venir t'enterrer dans cette chambre sinistre, tu peux faire le reste :
Lève-toi et marche ! Kom nu !


J'ai laché la lame, par peur de le blesser. Je ne peux plus me contrôler : mes poings martèlent sa poitrine, sans s'arrêter.

[Quelques jours auparavant, crypte Sainte Kyrène, couvent des Cordeliers]

Tak.
Je me suis endormie.
Tak tak.
Quelqu'un frappe à la porte. Il suffit d'ouvrir pourtant.
Tak tak.
Il faut que je me réveille.
Tak tak.... tak tak...

Tak !
Instinctivement, je relève la tête du torse d'Hakon. C'est son coeur... C'est son coeur qui vient de me réveiller !
Je pose le petit plateau d'étain devant sa bouche. Le métal se couvre d'une buée, bien visible cette fois-ci. Sous ma main, désormais, je continue à entendre le même refrain.
Tak-tak... Tak-tak.

Tak en masse... Hakon, Kan du høre mig?
En même temps, au réveil, il risque de ne plus se souvenir d'Hakon. Je suis la seule à l'appeler ainsi. Pour les autres et pour lui même, il est et reste Soren. Je lui demanderais un jour d'où lui vient ce prénom ridicule — ridiculement norse, surtout.
Chh... Tie still, min skat. Alt er godt... Dette er mig... Agnes...



Toi ! Toi, Soren Erikssen !
Par tous les diables, qu'est ce que tu fais là ?
Allez !
Merci infiniment. Hakon, tu m'entends ?
Reste calme, mon chéri. Tout va bien... C'est moi, Agnes.

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Soren
- Mais qu'est-ce que tu crois? Que je fais semblant de ne pouvoir marcher parce que je trouve la nonne jolie et que je souhaite qu'elle continue à prendre soin de moi?

...À passer ses mains sur ma poitrine, à masser ses semblants de muscle pour qu'il retrouve un peu de leur souplesse? Je ne peux pas me lever Una MacFadyen....Je ne peux pas, et c'est bien là la blessure qui fait le plus mal. Les souvenirs perdus, si je m'en réfère à ceux qu'ils me restent, ne doivent être qu'on monceau de haine, de violence et de folie à peine contrôlée. Finalement, c'est peut-être même une bénédiction que celui d'En-Haut me donne en effaçant mon histoire. Parfois, il est plus simple de vivre avec ce qu'on ne sait pas que d'accepter l'innommable.

Ses poings qui martèlent ma poitrine me confirment un fait : elle est bien ma soeur. Elle a rejoint le monde du silence et de la piété mais il n'en reste qu'il y a de la violence en elle, beaucoup de violence. Sans doute a t-elle mieux appris que moi à la maîtriser, à la dominer pour la contenir, l'enfermer en elle et la digérer pendant des années et des années. Si tu es une MacFadyen Una, par le sang de cette mère que je ne connais pas, tu es aussi une Eriksen. Tu as Ça en toi, je le sais, je le sens. Et puis, je ne l'ai pas remarqué tout de suite, pris dans le déferlement de haine et de cris qui a empli ma chambre lors de son intrusion, mais...elle parle ma langue. C'est un fait indiscutable, elle est ma soeur.

Elle frappe, elle extériorise sa douleur.Je sais ce qu'il y a à faire en pareille situation. Je le sais car j'y ai souvent été confronté...dans le rôle de celui qu'il fallait maîtriser, et je le reconnais : c'est bien plus facile de contrôler une religieuse qu'un gaillard comme moi. Enfin,quand je méritais encore ce titre. Gaillard... Bonhomme qui en impose rien que par sa stature : il me semble si loin ce temps-là. J'ai resserré mes bras autour d'elle. Elle va finir par se calmer, privée de sa liberté de mouvement. mon regard se porte sur l'épée avec laquelle elle m'a menacé.Qu'y a t-il de plus comique qu'une épée qui s'interpose entre une nonne et un paralytique.


- Una... Una MacFadyen.

Une phrase dans son discours me met mal à l'aise. Elle a dit que j'était un Eriksen, Que battre une femme ne devrait pas m'effrayer.

- Har jeg allerede slå dig?*

Je crains sa réponse. Je sais que j'en suis capable, que j'en étais capable. Elle aurait pris soin de moi alors que tout ce que je lui ai donné serait de la haine, des coups et de la violence? J'ai beau être un Eriksen, ça, ça me gêne. Les coups sont faits pour répondre aux coups. Un sentiment de malaise s'empare de moi. Mes bras la retienne autant que je le peux. En d'autres occasions, elle aurait été totalement immobilisée. En d'autres occasions oui...

- Una, mes jambes refusent de m'obéir. Quand bien même tu n'es pas d'accord, on se bute toi et moi à cette froide réalité.

[Flashback...Couvent des cordeliers, crypte sainte Kyrène.]

- Jeg hører dig, men ja**...Agnès? Hvem er du***? Hvor er Syuzanna NicDouggal?****

Qui est-elle?

- Hakon?... Je m'appelle Seurn. Seurn Eriksen... et j'ai grande soif.

Sa couleur de cheveux me rappelle quelque chose. Elle est jeune. Elle est...

- Loh...C'est toi? Non! C'est impossible, Loh est morte!

Qui est-elle? Où suis-je? Qu'est-ce que tout cela veut dire?

- Qui êtes-vous Agnès? Et...

Oui. Il y a un problème. Maintenant, je m'en rends compte.

- Pourquoi mes jambes ne bougent-ils pas? M'avez-vous...ligoté? Suis-je votre prisonnier?

*T'ai-je déjà...battu toi?
** Je vous entend oui mais...
*** Qui êtes vous
**** Où est Syuzanna NicDouggal?

_________________
Una_agnes
« La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance. » Star Wars, Episode 1. Bergerac.

Les nonnes ne sont pas jolies ! Elles sont nonnes !

Ne saurait-il jamais faire autrement que me mettre en colère ? C’est ce qu’il arrive quand on passe quinze ans loin de l’autre. J’ai idéalisé mon frère pendant toutes ces années, comme j’avais idéalisé ma mère aussi, et la vie que je pourrais avoir si je les retrouvais. Il ne sait même pas qu’en quittant Hoy, je suis d’abord passée à Helsingor, pour le retrouver. Parce que des deux, c’est lui, avant tout qui m’importait.

Et puis, il m’a suffi de dire « Erikssen » dès mon arrivée au port pour savoir que je n’avais rien à attendre ni de ce pays, ni de ses habitants, encore moins du nom que je portais.

Et lui, c’est un Erikssen. Il se moque des blessures qu’il provoque. Il ne regarde ni derrière, ni sur les côtés. Il fonce, sans se soucier. Il n’y a que lui qui existe, qui compte, qui est important. Comme Hakon le troisième, et sûrement des générations et des générations de blondeurs d’Elseneur.

Tout ceci vient se fracasser dans mon esprit tandis que je continue à tenter de lui fracasser le poitrail. Ses bras m’enserrent, cherchant à me maitriser. Je pourrais très vite me défaire de cette entrave. Ce n’en est pas une. Que peuvent des semaines de l’inertie d’Hakon contre l’entrainement physique d’une héllénine ? Les champs, le moulin, l’équitation, le combat à la main. Et tout le reste. Sauf que je fais un peu pitié à voir, moi aussi, après ces mois de retraite. Mais ma pitié n’a rien à craindre de sa misère.

A la suffocation, font place des hauts de cœur d’une violence inouie. Mes yeux me brûlent désormais, tandis que je combats cette impression que je vais me vider tout entière dans un hoquet.

Jeg ville ikke være her, hvis du nogensinde havde slået mig !

Bien sûr que si. J’y serai. Même si… Sauf que je n’ose pas y penser. Serai-je plus forte que mamagh ne l’a été ? Moins timorée ? Plus téméraire ? A voir la brindille insignifiante que je suis, je ne peux prédire de ce que j’aurais fait.

Tes jambes ne t'obéissent pas parce que tu n’essaies même pas de leur ordonner. Il faut du temps à un enfant pour comprendre, et répondre lui en prend encore davantage. Ce n’est pas parce qu’ils ne répondent pas qu’ils sont inutiles ou condamnés. Tes jambes… Tu sais très bien que si tu ne marches pas, c’est uniquement parce que tu ne veux pas marcher.

De le repousser et de me redresser avant d’aller fermer la porte.

Et tant qu’il en sera ainsi, Soren Erikssen : Uanset hvor du er…jeg er.

« Qui n'a plus d'espoir n'aura plus de regrets. » Shakespeare. Couvent des cordeliers.


Lorsque tout semble s’améliorer, ma vie me rappelle toujours rapidement que je suis damnée. Il y a deux ans, j’ai dû veiller ma mère pendant des semaines, avant qu’elle ne ressurgisse muette, incontinente, et dans un univers de rêves qui m’échappait. Aujourd’hui, alors que mon frère ressurgit à son tour, je suis à nouveau celle qui tient le linge mouillé, pour les rafraichir, les hydrater, les laver. Celle qui nettoiera leurs selles et leurs régurgitations, leurs draps et leurs vêts souillés, qui les nourrira à la cuiller ou du bout des doigts, qui leur tendra un gobelet. La moindre des choses, c’est qu’ils se souviennent de moi. Mère muette n’avait pas pu me vexer. Mais Soren, forcément, lui n’a pas cette délicatesse. Tandis que je lui sers à boire, je ravale ma fierté :

La MacDougall n’est pas dans le coin, Soren.

Qu’elle pourrisse en enfer, elle. Je lui avais pourtant dit de ne pas l’épouser. Il ne l’a fait que parce que cela nous dérangeait. Etait-ce juste pour nous faire du mal ou bien pour s’émanciper ? Quoi qu’il en soit, non, Syusannah la scabreuse ne viendra pas nous déranger.

Je ne suis pas « Lo », non. Impossible en effet, si ce prénom désigne une morte. D’ailleurs, je ne sais pas qui était « Lo ».

Tu n’es pas attaché, tu as eu un accident et tu as des soucis pour bouger pour l’instant. C’est passager. Tu es au couvent des Cordeliers, qui comme son nom de l’indique pas est un couvent de sœurs héllénines. Je suis… l’une d’elle, novice… Mon nom est Agnes Erikssen… Ce nom te dit-il quelque chose, Soren Erikssen ?


Un pas après l’autre. L’espoir se nourrit vraiment comme un orcadien en tant de guerre.

Je ne serais pas ici, si tu m'avais jamais frappée.
Où que tu sois, j'y serai aussi.

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