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Vous pensiez qu'un brigand n'était qu'une brute sanguinaire sans aucune âme? Eh bien vous découvrirez qu'un brigand est une brute sanguinaire qui prend soin de son âme justement!

[RP] Un baptême du feu enlevant

Vasco.
    "Baptême : rite sacré d'une telle efficacité que celui qui trouve le chemin du ciel sans l'avoir reçu sera plongé dans les affres de la détresse pour l'éternité."
          Le dictionnaire du diable - Ambrose Bierce


[Mâcon, Février 1462, par une nuit de lune gibbeuse descendante]

Pour celui qui vit de râpines, de contrebandes, de meurtres et autres joyeusetés de ce genre, il n'y a jamais de repos. Dormir sur ses deux oreilles, c'est un peu comme donner un stylet à son ennemi intime. Tierce venait de sonner dans la petite ville endormie de Mâcon. Le jour, la taverne où ils avaient pris leurs quartiers était tranquille. Elle n'était fréquentée que par les membres de la Spiritu Sanguis. La nuit par contre, des ombres silencieuses arpentaient les couloirs. Alors que le tavernier venait à peine de fermer la porte principale pour la nuit, à l'étage, une autre porte s'ouvrit. Un spectre sombre s'infiltra par l'embrasure, pour s'avancer d'un pas déterminé vers une chambre située trois pièces en avant sur le même palier. Un regard à droite, un regard à gauche afin de s'assurer que personne ne l'avait repéré et il sortit de l'intérieur de sa ceinture une petite tige de métal. Il l'inséra dans la serrure. Quelques instants plus tard, un clic métallique significatif lui soutira un sourire de satisfaction. L'ombre poussa la porte d'un coup d'épaule, esquissant une grimace comme si ce geste pouvait empêcher la porte de grincer. Il entra rapidement et silencieusement dans la pièce après avoir jeté un dernier regard en direction du couloir.

Par la fenêtre, les reflets de la lune apportaient une lumière blafarde dans la pièce. Il laissa ses yeux s'habituer, se contentant d'essayer de repérer les obstacles qu'il pouvait y avoir entre lui et le lit sur lequel un corps était paisiblement allongé. L'homme, car oui c'était un homme, s'avança alors et vint s'asseoir sur le rebord du lit. Il sortit son poignard dont la lame étincela sous les rayons lunaires puis le posa sur la petite table de chevet.


- Agnesina! Tu dors?

Vasco appuya sa main droite sur son épaule, secouant la carcasse allongée à ses côtés.

- Tu m'entends? J'ai besoin de toi. Il faut qu'on parle...

Il attendit qu'elle se retourne vers lui pour reprendre son discours.

- Je sais... Tu vas me dire qu'on est en pleine nuit, que tu as besoin de dormir et que demain on a une longue route à faire. Tu vas grogner en me disant : "Et ça te prend comme ça? Comme une envie de pisser pendant une nuit de pleine lune? Vasco, on vient à peine de passer tierce." ... Je sais. Écoute-moi. Cette nuit non plus, je n'arrive pas à dormir. Cette fois, ce n'est pas à cause du pain que j'ai acheté sur le marché. Ça n'est pas non plus à cause des ronflements de mon voisin de droite. C'est juste que ça cogite dans ma tête. J'ai besoin de te parler.

L'italien se leva et vint se poster devant la fenêtre, posant son regard sur l'astre lunaire, là où allaient pour l'éternité les âmes des damnés.

- Dis-moi Ina, Est-ce qu'il y a un prêtre chez les Spiritu Sanguis? Je... Il faut que je me fasse baptiser. Et au plus vite. Enfin...Par forcément cette nuit, mais dès que possible. Il faut que le premier prêtre qu'on croise me donne ce sacrement. De gré ou de force.
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Agnesina_temperance
Dormir, c'est très important pour la santé, car ça permet d'avoir une bonne humeur et d'être vigilent. Notons également qu'une personne qui dort est plus belle qu'une personne qui aura picoler toute la nuit en taverne. Tout ça pour dire qu'Agnésina dormait. C'est commun et tout le monde s'en fout. Pourtant, c'est la vérité. Agnésina dormait ça, c'était avant. Une voix connue vient l'extirper doucement de son sommeil. Hmmm... Pourtant, elle aurait pu se rendormir mais non. Une main vient lui secouer l'épaule. Autant être certain que si quelqu'un aurait voulu tuer Agnésina dans son sommeil, il n'aurait pas rencontré très grandes résistances, parce que non seulement qu'elle n'avait pas entendu qu'on était en train d'ouvrir la porte mais en plus, elle ne sentit pas la présence. Hmmm... Une vraie loque quand elle dort, elle. Elle fronça le front, frustrée qu'on ne laisse pas dormir et elle commença à émerger. Il était temps. Quelqu'un était dans sa chambre et c'était le Visconti. Il avait besoin d'elle et il faut qu'ils parlent. Et bien évidemment, il n'aurait pas pu entendre le lendemain matin, c'était trop commun pour lui.

Elle se retourna vers lui dans la ferme intention de l'envoyer sur les roses avec classe, cela va de soi. Il prit la parole en premier. Elle sourcilla à ses paroles, c'est qu'il commençait à bien la connaître et c'est exactement ce qu'elle voulait lui dire. Elle souria légèrement en coin et croisa les bras pour écouter ce qu'il avait à dire Il a besoin de lui parler et ça, elle l'avait très compris. Chose étonnante, il se leva pour venir se poser sur la fenêtre. Il avait capté son attention et elle s'asseye en tailleur pour l'observer. Il lui demanda s'il y'avait un prêtre chez les Spiritu Sanguis. A cet instant, la brune fût prise d'un sentiment étrange. Un sentiment d'oppression. Le sujet de la religion était un sujet assez sensible chez elle et qui la rendait totalement impuissante. Elle était croyante et elle avait même fait les démarches pour se faire baptiser mais elle avait pris la poudre d'escampette.

Il voulait donc se faire baptiser et si certains auraient pris cette demande comme un caprice de la part de Vasco, ce n'était pas son cas à elle. Elle resta immobile et garda un visage impassible en plongeant son regard dans le dos de l'homme. Par contre, elle ne comprenait pas. Vraiment pas. Si elle en pleine nuit, elle s'attendait à ce qu'il vienne la réveiller pour lui dire qu'il voulait se faire baptiser... Alors, elle se permit une boutade avec un sourire narquois.


«-Dis Visconti, ce n'est pas vraiment gentil de ta part ! Tu peux le dire que tu veux te débarrasser de nous et surtout de moi. Tu n'as pas besoin de faire en sorte de ne plus nous revoir dans la prochaine vie... L'Enfer est très grand donc, t'as assez d'endroit pour te cacher... M'enfin. Manque plus que la confession et tu auras droit à t'prélasser sur le Soleil paradisiaque.

Pour détendre l'atmosphère et avant de passer aux choses sérieuses, elle s'étira. Elle écarta la couverture sur le côté et se s'assoit sur le rebord du lit. Il fallait qu'elle réfléchisse, parce que même si elle ne comprenait pas pourquoi le Visconti voulait se faire baptiser, elle respectait son choix et elle voyait que c'était une chose sérieuse pour lui. Du moins, elle l'espérait sinon elle lui ferait payer les minutes manquantes de sommeil.

«- Il n'y a pas de prêtre chez la Spiritu Sanguis et même s'ils ne nous font pas peur, nous préférons les éviter car nous avons eu ouïe dire que nous avions l'Inquisition aux fesses. Rumeur ou pas... Elle haussa les épaules. «- Je ne pense pas qu'un prêtre te baptise de gré. Une supposition. «-Et même s'il le faisait, tu aurais droit à la pastorale et ça, c'est bien... embêtant. Surtout pour des gens comme nous. En plus, tu sais... Les prêtres ont les mêmes envies qu'Arsène sauf qu'eux, c'est légal. S'il sait que tu traines avec la Spiritu Sanguis, il va faire un bucher rien que pour toi et pour moi aussi, parce que c'est hors de question que je te laisse aller seul. C'est indiscutable.

Un peu de manipulation, parce qu'il avait dit de gré ou de force. Cette phrase n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Agnésina avait une idée derrière la tête mais arrêta son discours là.
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Vasco.
Elle avait la voix pâteuse des personnes qui viennent de sortir d'un sommeil profond. Il ne pouvait la voir mais il l'imaginait les yeux mi-clos, les plis de l'édredon marqués sur le visage, les cheveux en bataille, râlant déjà contre le travail de débroussaillage qui l'attendait demain matin. Pour lui, c'était tout le contraire. Le sommeil le fuyait comme la peste. Les yeux étaient bien ouverts, l'esprit vif et alerte. Demain, il le regretterait. Par pudeur, il ne s'était pas retourné. Les femmes avec lesquelles il avait passé une nuit n'aimaient jamais qu'un homme pose un regard sur elle après le réveil. Même si elle était de la Spiritu Sanguis, Ina devait être comme toutes les autres. Le sicilien sortit de sa chemise une petite boîte fait d'un bois noir. Il la fit jouer un instant entre ses doigts, la tournant et la retournant dans tous les sens. Puis, il la déposa sur la petite table basse qui se trouvait sur sa droite. C'était inutile de lui parler de cela. Demain, elle le découvrirait et rien qu'en l'ouvrant, elle comprendrait.

- Crois-tu en Dieu Agnesina Temperance Corleone? Moi oui. En Sicile, l'aristotélisme est encore puissant. Enfin...Au moins autour de Syracuse, dans la partie est de l'île. Du côté de Palerme et de Corleone, ça, je n'en sais rien.

Sur le toit d'en face, un chat noir profitait du clair de lune pour chasser. Mauvais présage. Comme tous les marins, Vasco était du genre superstitieux. Il prit cette vision comme un signe du destin, un message qui lui disait de hâter son baptême. Une ride vint barrer son front sur toute la longueur. Depuis quelque temps, il cogitait trop, beaucoup trop. Les changements récents dans sa vie n'étaient pas faits pour le rassurer. Et puis, il y avait Ina...

- Connais-tu Césaire von Heisterbach* Ina? C'est un moine cistercien. Il a vécu il y a à peu près 200 - 250 ans... Dans l'un de ses livres, il conte la mort d'un riche noble. Alors que l'homme est à l'agonie, plusieurs personnes sont venus le veiller. Parmi eux il y a un prêtre accompagné d'un diacre. Il se dit que le prêtre était une personne mauvaise, malveillante, imbue d'elle-même. Au contraire, le diacre était bon et dévoué. Au moment où le noble passa de vie à trépas, le diacre put apercevoir des chats noirs qui rôdaient autour du lit du mourant. Ce dernier se mit à crier : "Aidez-vous! Pitié! Retirez ces chats! Faites-les fuir!". Un homme est apparu derrière le rideau. Il s'est approché du lit et a planté un crochet dans la gorge du mourant, lui arrachant les chairs. Il y plongea sa main et en ressortit avec l'âme du malheureux. Quelques instants plus tard, il était mort. Personne n'avait rien vu, excepté le diacre. Le Sans-Nom quitta la pièce, suivi de près par la meute de chats noirs.

Ces paroles avaient été pénibles. Elles venaient le chercher au plus profond de son être. Vasco redoutait la mort. Certains en riaient, la défiaient. Lui, il la craignait. Il n'en parlait jamais...jusqu'à ce soir. Parfois, comme ce soir, cela l'empêchait de dormir. Parfois, cela provoquait en lui des crises d'angoisse. Que ce soit sur un navire, où plus récemment lors des opérations menées au nom de la Spiritu Sanguis, il l'avait affronté. Il composait avec ça. Il ne voulait pas qu'elle lui gâche sa vie, avant de la faucher. Elle aurait eu bien trop de pouvoir sur lui. Le feu de l'action lui permettait d'oublier. L'oisiveté faisait ressurgir ces démons-là.

- Il serait facile pour moi de me débarrasser de vous Ina. Il me suffit de partir une nuit...ou d'oublier de suivre le groupe. Rester cacher ici par exemple au moment du départ du clan. Mais...

Il se retourna. Dans la pénombre il chercha son regard. Il ne le trouva pas malgré les reflets lunaires.

-... C'est dans ta chambre que je suis venu ce soir Agnesina.

Les évènements récents** avait changé les relations entre la Spiritu Sanguis et lui. Enfin, plus précisément entre Agnesina Corleone et Velasco Visconti. L'idée cheminait en lui. Plus le temps passait, et plus il se convainquait qu'elle ne lui avait pas menti. Cette femme qui était allongée quelque part dans l'ombre devant lui l'aimait. Ou plutôt, elle pensait l'aimer. Lui, il lui avait donné sa confiance et une lutte intérieure s'était engagée pour qu'il ne lui accorde pas plus.

- C'est comme dans la légende Ina. Il y a des prêtres qui voient les chats noirs et d'autres qui ne les verront jamais. Rome est corrompue par le pouvoir. La preuve: la croisade contre Eusaias...Du pur intérêt personnel des participants! Rien que ça!

Ses chimères le torturaient. En cette nuit, il était un peu comme certaines femmes toutes retournées lorsqu'elles avaient leurs menstrues. "il va faire un bucher rien que pour toi et pour moi aussi, parce que c'est hors de question que je te laisse aller seul. C'est indiscutable". Il ressentit cette dernière phrase comme si une main invisible venait lui arracher une parties de ses viscères, un mélange de douleurs et de plaisirs. Une partie de lui-même avait envie de la prendre dans ses bras, de lui voler ses lèvres, de brigander son corps. L'autre lui chuchotait toutes les raisons qui faisaient que c'était une grossière erreur d'agir ainsi.

- L'inquisition, je... Enfin...On trouvera bien un moyen de la laisser de côté. Et si la Spiritu Sanguis les a aux fesses, alors autant faire d'une pierre deux coups. On ne va pas se contenter du petit diacre sans envergure du coin. Non. On va viser bien plus haut. On va leur montrer où sont leurs failles de sécurité. Toi, moi, et d'autres s'ils le veulent, on va enlever un personnage haut placé à Rome, et c'est lui qui me baptisera.


*Césaire de Heisterbach
** Se référer au RP Première leçon de savoir vivre...la suite

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Agnesina_temperance
C'était du sérieux. Plus qu'Agnésina ne l'avait imaginé. Vasco avait vraiment des états d'âmes et à mesure qu'il parlait, elle comprit qu'il ne trouverait pas le sommeil. Et connaisssant la sociabilité de l'homme, elle savait qu'elle ne risquerait pas de le trouver non plus, car elle l'imaginait déjà venir toutes les nuits pour lui dire qu'il avait besoin de se faire baptiser. L'heure n'était plus aux plaisanteries mais à la réflexion, car elle avait une idée qui germait en tête. Une idée qu'elle tient et qu'elle fait mûrir, parce l'idée pouvait s'échapper, revenir, digresser ou encore, mûrir. Elle lui avait dit qu'elle en était et elle comptait bien tenir sa parole. Il lui demanda si elle croyait en Dieu mais elle ne répondit pas. Pas tout de suite et ne fût pas étonnée lorsqu'il lui dit que l'aristotélisme est encore puissant en Sicile. Elle n'avait jamais douté pour l'existence de Dieu et elle avait toujours gardé la Foy. Elle préférait tout simplement l'ignorer car elle avait peur. Elle savait qu'un jour, elle sera confrontée au Jugement et toutes ses actions passés et futures, elle allait les payer. Alors pour l'instant, elle ne voulait pas y penser, même si elle sentait comme un poids sur ses épaules, alors elle se rassurait en disant que si elle arrivait à devenir respectée dans le métier, elle entrerait dans l'Histoire et elle brillera telle une étoile montante aux côtés de la Lune. C'était son idée et peut-être se trompait-elle. En tout cas, ça la rassurait.

Est-ce qu'elle connaissait Césaire Von Heisterbach ? Elle ne répondit pas, parce qu'elle savait qu'il n'attendait pas vraiment de réponses. Il avait besoin de parler et d'exprimer ses angoisses. Il tombait bien, elle savait écouter. Le regard rivé vers le sol, elle songeait. L'histoire lui provoquait un sentiment étrange et ne la laissait pas indifférente. La Mort ne laissait jamais indifférente. Agnésina faisait partie de ses personnes qui la narguait, car elle était comme ces personnes qui savaient qu'ils allaient être punir et qu'étant perdant pour être perdant, ils se disaient qu'il fallait qu'ils en profitent, car ils ne savaient pas de quoi serait fait demain. Par contre, elle était inquiète. Vasco aurait-il peur que le Sans-nom aille le chercher ? Avait-il peur d'aller sur la Lune ? Avait-il tout simplement peur de la mort ? En tout les cas, cette histoire sortant des lèvres du sicilien ne présageait rien de bon. Peut-être a-t-il raison ? Peut-être qu'un baptême l'aiderait-il à aller mieux ? Elle espérait, mais il y'avait toujours un risque. Celui qu'un prêtre se sert de ses états d'âme pour remuer le couteau dans la plaie. Sa présence n'était plus que justifiée pour éviter que ce genre de dérive n'arrive, parce qu'elle ne méconnaissait pas le talent oratoire des prêtres. Au contraire.

Il lui dit ensuite qu'il serait facile de se débarrasser d'eux, en partant une nuit ou d'oublier de suivre le groupe. Elle se pinça les lèvres. Elle avait dit ça pour plaisanter mais cela pouvait bien que Vasco en avait lourd sur la conscience mais il rajouta que c'était dans sa chambre qu'il était venu. Elle hocha légèrement la tête, parce que c'est dans ce moment-là, qu'elle se rendit compte qu'il avait confiance en elle. Assez pour venir lui confier ses doutes. C'était plaisant, car elle lui avait avoué qu'elle avait un faible pour lui mais le sicilien était un homme très bavard mais au final, il ne se livrait pas totalement. Il était ambigu et comme il lui avait révélait lors de la fameuse soirée, il avait différent visage. Imprévisible comme ce soir.

Rome corrompue par le pouvoir ? Ce n'est pas Agnésina qui lui dirait le contraire. Certains hommes d'églises pratiquaient le péché d'orgueil par excellence. Et ça allait au-delà du simple pouvoir. Pour la croisade d'Eusaias, elle ne pouvait pas se prononcer car si elle savait que sa famille avait combattu aux côtés de cet homme, elle ne connaissait pas vraiment l'histoire et ne s'en était pas intéressée non plus.

Il répondit sur la question d'Inquisition et sa réponse étira un sourire plein de malice sur les lèvres de la Corleone. Ils avaient eu la même idée. Un mélange d'utile et d'agréable. Un peu d'excitation se mêla à l'adrénaline qui se libéra dans son coin. C'était à la fois agréable et à la fois, à la limite du supportable.


«- Tu es ambitieux, Vasco et j'adore ça. Il fallait qu'elle reprenne contenance. Au plus vite donc, il était préférable qu'elle change de sujet. «-Rome est corrompu et c'est un fait. C'est comme une blessure qu'ils n'auraient pas soignés, l'Eglise se gan graine de l'intérieur et même s'il existe des hommes d'églises avec une extrême bonté comme le fameux diacre dont tu m'as conté l'histoire, ils devront sans cesser se battre pour que cette gan graine ne les touche pas ou ne les... écarte pas.

Elle attrapa une mèche de cheveux qu'elle tourna et retourna avec ses doigts, car elle réfléchissait.

«-Malheureusement, certains hommes d'Eglise ont bien trop orgueil pour le reconnaître, parce qu'ils ne cherchent pas uniquement le pouvoir ou les écus. Cela va au-delà de ça. Je crois que certains se prennent pour... Dieu lui-même. S'ils avaient plus de pouvoir, ils tiendraient le fouet pour faire ériger des statuts à leur gloire.

Elle n'en savait rien mais ça lui plaisait de le croire et calmée de ses émotions sur le fait qu'ils allaient enlever un personnage haut placé de Rome pour faire baptiser Vasco, elle posa son regard sur lui.

«-Je propose même qu'on rivalise d'audace et culot. Vélasco, te souviens-tu de Poligny ? Un homme d'Eglise avait pris la plume contre nous. Il s'agissait de Son Eminence Aristokoles de Valyria, Cardinal-Archevêque de Besançon. Tu sais ce que ça veut dire ? Tu ne touches pas n'importe qui, tu touches un homme d'église qui a du pouvoir. Et ces hommes-là, sont protégés par la Garde Pontificale ou un truc du genre. Si cette cible t'intéresse, il faudra ruser pour l'attraper; quitte à user de déguisement.
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Elvy_lee
Le baptême…
Elvy n’en avait pas une haute opinion.
Sa mère lui en avait parlé. Elle avait même fait sa pastorale pour épouser son curé. Et puis elle en était morte.
La foi aristotélicienne ? Très peu pour elle. Son crédo : l’Hydre et le Dode.

Installée dans sa roulote au confort sommaire, Elvy pense aux évènements de la veille.
C’était avant qu’Arsene n’ouvre sa taverne et qu’elle n’ait eu l’honneur d’être nommée cuisinière en chef, comprenez cuisinière unique.
Elle passe en revue ces gens de la Spiritu Sanguis. Ils ont pour la plupart des comportements normaux et prévisibles. Sauf un ! Elle avait frémi quand il s’était penché vers elle pour lui chuchoter à l’oreille : « Je veux me faire baptiser ».

Elle avait rencontré l’évêque un peu plus tôt dans la matinée. Ils avaient causé religion et il lui avait demandé si elle était baptisée, alors quand Vasco avait évoqué la chose, elle avait cru que c’était dans la poche, que l’ecclésiastique allait sauter de joie à l’idée de faire entrer un mécréant dans son petit cheptel de croyants. Sauf que le drôle n’était pas dans de bonnes dispositions. Il exigeait une pastorale en bonne et due forme et une présence assidue à la messe. Agnésina avait sans doute eu tort de le menacer. Les hommes d’église, ça prend vite peur, allez savoir pourquoi.
L’Italien n’en démordait pas. C’était une idée fixe, une sorte d’obsession qu’Elvy ne chercha pas à comprendre. Après tout, peu lui importaient les motivations des uns et des autres.
Conciliante, elle proposa d’écrire un mot au père Waleran qui accepterait peut-être de rédiger une attestation bidon, s’il ne lui en voulait pas trop d’avoir pillé sa cave.
Elle alla même jusqu’à proposer de kidnapper l’évêque. Elle a de l’expérience en matière d’enlèvements, l’Elvy : les enfants de Macricri et ce prévôt rouergat à qui il avait fallu couper un doigt…

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Vasco.
[Quelque part dans l'est du royaume, autour d'un feu de camp...]

En une nuit, ils avaient ébauché les grandes lignes de leur plan d'action. Leur cible était fixée : Ce serait donc Son Eminence Aristokoles de Valyria, cardinal-Archevêque de Besançon. La garde pontificale? Un élément comme les autres à prendre en compte lors de l'élaboration des détails de l'opération. Cette nuit-là, ils l'avaient passé à discuter. Quand le premier rayon du soleil pénétra dans le chambre d'Agnesina, il s'éclipsa. Le destin se joua une nouvelle fois de lui puisque qu'il croisa sur le pas de la chambre la soubrette qui l'avait vu entrer dans la chambre de la Corleone hier soir. Pas un mot ne fut échangé, juste un clin d’œil complice. Peu importait à l'italien ce que la donzelle s'imaginait. Après tout, il doutait que cela arrive aux oreilles des autres membres du clan.

Il faisait froid cette nuit-là. L'eau qui s'écoulait sur les chemins avait gelé, laissant des plaques de glace éparses un peu partout. La route était encore longue avant d'atteindre la prochaine destination. Les Spiritus Sanguis avaient dressé un camp de fortune pour la nuit, distribué les tâches, les tours de garde. Le sicilien s'était occupé d'allumer du feu au dessus duquel une grosse marmite de fonte avait été installée. La Belette était passée, elle avait amené un couple de lapins qui devait s'ébattre tranquillement avant de se faire transpercer d'une flèche. Résultat : ils comptaient maintenant fleurette à quelques carottes, navets et autres panais dans un brouet qui devait embaumer à une lieue à la ronde. Le sicilien rabattit sa cape sur lui pour se protéger du froid, s'approchant au plus près des flammes bienfaitrices. C'était son deuxième hiver en sol françoys et il ne s'y faisait décidément pas. Le soleil chaud et caressant de la Méditerranée lui manquait. Vasco fit tourner la grande cuillère de bois dans la marmite pour s'assurer que le brouet ne collait pas au fond.


- Elvy? as-tu eu des nouvelles des personnes à qui tu as écrit pour le faux certificat de pastorale? Et puis, dis-nous, jusqu'où vois-tu ton implication dans l'enlèvement d'Aristokoles? Tu t'en tiens à la préparation ou tu viens avec nous dans le feu de l'action? Pour l'instant, il faut que tu saches qu'on est deux dans le coup: Agnesina et Moi.

Le brun jeta un coup d’œil en direction de la Corleone. Aristokoles était son choix. A elle. Il l'avait endossé sans hésiter un seul instant bien qu'il ne le connût point. Visiblement, l'affaire de Poligny et ses antécédents n'étaient pas encore chose du passé. Qu'importe les raisons, il lui faisait confiance. Son expérience dans ce genre d'opération était essentielle et si en plus elle y trouvait une satisfaction personnelle, ça n'était pas plus mal.

- Au fait Elvy, il est sur ton prêtre? Aucun risque qu'il parle trop?

Ils venaient de le vivre : convaincre un clerc d'administrer le sacrement du baptême n'était pas chose aussi aisée que ça à obtenir. Aussi étrange que cela paraisse. D'un bout à l'autre du royaume, les églises étaient désertes, les réformés montaient chaque jour un peu plus en puissance, et l'aristotélisme venait de vivre un schisme entre l'église de Rome et celle de France. Malgré tout, l'on avait osé refuser au Visconti le sacrement du baptême sans même vérifier s'il connaissait ou non le dogme et les quelques principes de base du droit canon. Fichue religion! Fallait-il vraiment le vouloir pour sauver son âme de l'enfer éternel? Sans doute que même Ina ne le comprenait pas. Elle avait cependant eu la décence de ne poser aucune question sur ses motivations. Elle ne l'avait pas convaincu d'abandonner son projet. Mieux elle lui avait proposé son aide sans même esquisser un sourire ironique.

- Une fois en possession du faux certificat de pastorale, Ina, il va falloir qu'on localise Aristokoles. As-tu encore des contacts du côté de la Franche-Comté? Il faut s'attendre qu'après notre départ de Poligny, ils aient renforcé les défenses des villes mais aussi des campagnes. Il va falloir faire preuve de prudence. Se rendre jusqu'à lui pourrait déjà être compliqué. Ensuite, il va falloir qu'on connaisse tout de lui : où il va, avec qui, ce qu'il y fait. Combien a t-il de gardes avec lui? Bref, tout ce qu'il faut savoir pour dresser un plan efficace. On a besoin de personnes qui puissent nous renseigner.

Ils allaient risquer leur vie, tout ça pour un baptême. Cela valait-il vraiment le coup? Le sicilien était convaincu que ce précieux sésame était une condition nécessaire pour accéder à la vie éternelle au paradis solaire. Les textes saints l'affirmaient et il n'avait pas de raison de mettre ce fait en doute. Mais elle...Elle avait accepté. Quelle était sa motivation? De l'or? S'ils en gagnaient, ce serait le fruit du hasard. L'objectif, cette fois-ci était ailleurs. Vraiment.

- Tu sais, si on a un faux certificat de pastorale, il va sans doute se demander pourquoi lui. Pourquoi on vient prendre tous ces risques pour le cueillir lui. Le baptême doit faire partie des conditions négociées pour sa libération. Mais...A t-il des faiblesses que l'on pourrait exploiter pour le convaincre de procéder? Après tout, s'il croit que le Très-Haut souhaite le rappeler à lui, il pourrait être assez stupide pour se laisser mourir. Il a une famille? Des frères? Des sœurs? Des amis? Des personnes auxquelles il tient par dessus tout et qui pourraient l'aider à prendre la bonne décision?

Tout cela prenait beaucoup trop d'ampleur pour un simple baptême. Enjoy accepterait-elle de risquer la vie de deux membres de la Spiritu Sanguis pour ces raisons là? Deux voire..plus? Et c'était même sans compter que l'une d'elle était sa propre cousine.

- Les baptêmes doivent avoir lieu dans des endroits consacrés... et il faut que le lieu soit assez défendable pour qu'on puisse y garder Aristokoles prisonnier. Tu as une idée à suggérer?
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Elvy_lee
Le père Waleran n’avait pas daigné se fendre d’une réponse. Il devait lui faire la tronche pour ses exactions passées. Quel ingrat ! Elle lui avait fait la cuisine, animé le parvis de son église et fait l’honneur de lui montrer à quel point elle appréciait sa cave…

Aristokoles…
Elle avait déjà entendu ce nom. Celui qui voulait goûter de la geôle genevoise à cause d’une histoire de fille, lui semblait-il. Honorine, non ?

Les Spiritu Sanguis s’étaient pressés autour du feu. Les flammes montaient haut dans la nuit. Pour la plupart, coulait dans leur veine du sang italien et ils peinaient à se réchauffer. La jeune Hydreuse remua ses orteils et éloigna un peu ses pieds du feu. La sensation de froid lui était étrangère.
On restait là, encore ! On attendait, toujours !
Bah ! Elle a appris la patience, il y a longtemps.


As-tu eu des nouvelles des personnes à qui tu as écrit pour le faux certificat de pastorale? Et puis, dis-nous, jusqu'où vois-tu ton implication dans l'enlèvement d'Aristokoles? Tu t'en tiens à la préparation ou tu viens avec nous dans le feu de l'action? Pour l'instant, il faut que tu saches qu'on est deux dans le coup: Agnesina et Moi.

C’est Vasco qui retourne toujours dans sa tête son idée fixe de baptême. Deux dans le coup ? Autant dire quasiment personne. Elvy sait l’importance du nombre dans une opération mais elle est prête à tout pour un peu d’action. Et puis, enlever un homme d’église… Pour des raisons toutes personnelles, elle trouve l’idée plutôt séduisante.

Au fait Elvy, il est sûr ton prêtre? Aucun risque qu'il parle trop?

Elvy s’étrangle avec son os de lapin.

Parler ? Tu rigoles ? D’abord, je ne lui ai donné aucun nom, aucune précision. Et puis il me connaît, ma réputation n’est plus à faire. S’il va raconter que je lui ai réclamé un faux, qui cela surprendra-t-il ?

La Cavalière se renfrogne.


Et non, il n’a pas répondu !

Elle en a gros sur le cœur, la brunette. Personne ne lui a répondu, ni son père, ni sa douce Clem, ni Ober, ni Mdeesse, ni Musa… Bon, Musaraigne, il faut avouer qu’elle ne lui a pas écrit.

Il y tient, l’Italien, à son baptême. Elle est sûre que les raisons qu’il a évoquées, la peur de la mort, toussa, c’est du pipo. Elle a bien son idée…


Une fois en possession du faux certificat de pastorale…

Elvy le laisse terminer et prend la parole :

Aristotruc, si ne m’abuse, est en ce moment dans les geôles genevoises. Il suffirait d’aller l’attendre à la sortie…

... Des faiblesses ? Le goût du sacrifice, j’imagine. Mais je ne pense pas qu’il souhaite mourir. De ce que j’ai pu entendre à Genève, il a plutôt l’air persuadé d’avoir une mission à remplir sur cette terre. C’est ça qu’il faut exploiter. Un martyr, voilà ce qu’il rêve d’être..

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Agnesina_temperance
Enroulée dans sa longue cape, la Corleone perdit son regard dans la pénombre dans la nuit. Elle ne pensait plus à rien, seul le bruit du feu qui consumait le bois lui parvenait aux oreilles. Elle était étrangement calme, comme à chaque fois qu'elle sentait la tempête approcher. Ils allaient enlever un Cardinal-Archevêque pour le baptême de Vélasco, rien que ça. L'idée était très tentante et Ina était impatiente que ce jour arrive. C'était audacieux, arrogant et dangereux, tout ce qu'elle aimait. Elle s'était demandait ce qu'ils risquaient s'ils se faisaient attraper et très vite, une seule idée lui était venue en tête. La peine de mort, parce qu'ils auraient à la fois le Comté et l'Eglise sur le dos. Défier à la fois les autorités et la mort. Ah, que l'idée était plaisante.

Vélasco et Elvy étaient présents. Elle détourna son attention du vague pour les observer et les écouter. Elle ne prendrait que la parole en dernier. Elle sortit de sa besace une petite carte du Royaume qu'elle avait plus ou moins déjà étudiée. Vasco fût le premier à prendre la parole. Il posa d'abord des questions à Elvy et ensuite à elle. Des contacts en Franche-Comté ? Elle ne connaissait que le Seigneur de Courchaton mais pouvait-elle lui demander des renseignements sans qu'il se doute de quelque chose ? C'était là où résidait le problème. L'homme était de charmante compagnie, c'était un fait mais il était aussi Seigneur. A voir si elle pouvait et si elle était certaine soutirer des information en toute confiance.

Se rendre jusqu'à lui serait compliqué, c'était certain. La Corleone se massa le menton en regardant sa carte. Elle était certaine qu'il habitait soit à Saint-Claude soit à Dôle, rien que pour compliquer les choses. Il faut forcément qu'il habite dans un village qui soit gardé par une armée, sinon la vie ne serait pas à la hauteur de ses espérances. Pourquoi les choses n'étaient-elles jamais simples ?

Pour preuve, Vasco aurait pu se faire baptiser à Langres. Un évêque était en chair et en os en taverne. Chose rare. Peut-être Ina l'avait-elle bousculé en lui disant que ces temps-ci, il ne faisait pas bon pour un curé d'être en taverne, mais elle n'avait pas pu s'empêcher. Sauf qu'Ina, c'était Ina et qu'elle n'avait pas compris pourquoi il avait refusé le baptême au Visconti. Un prêtre, c'était fait pour ça, non ? Seulement, il avait dit à Vélasco qu'il ne le baptiserait pas car il n'était pas un homme vertueux. Ina avait mal réagi en demandant à Vasco si elle pouvait le frapper. Si elle n'était pas baptisée, elle n'en était pas moins croyante et elle considérait que le rôle d'un curé n'était pas de juger l'ouaille qui était devant lui mais au contraire, de faire preuve d'assez de patience ou de fermeté au choix, pour le remettre dans le droit chemin. Au lieu de ça, il avait refusé au Visconti de le baptiser car il n'allait pas aux messes.

Bref, bien évidemment qu'il faudra qu'ils fassent preuve de prudence et se rendre à lui, surtout s'il habite dans une ville qui est gardée par une armée. Agnésina était certaine que leurs têtes étaient mises à prix en Franche-Comté. Des faiblesses qu'ils pourraient exploiter pour le convaincre de procéder ? Question intéressante, parce qu'il est tout à fait possible comme le dit Vasco qu'il se laisse mourir s'il croit que c'est la volonté du Très-Haut. De la famille ? Ou des amis qu'ils pourraient l'aider à prendre la bonne décision ? Pour Agnésina, c'est plus compliqué que ça.

Elvy répondit que son homme de Foy n'avait pas répondu et qu'Aritokoles était dans les geôles genevoises. La Corleone sourcilla. L'attendre à la sortie pourrait être une bonne idée. Ses faiblesses ? le goût du sacrifice car il serait persuadé d'avoir une mission à remplir sur cette terre. Cette précision intéressa Agnésina et elle se décida enfin à prendre la parole.


«- Bene. Pour les contacts en Franche-Comté, il va falloir faire sans. Je ne connais pas grand monde là-bas et quand on fait ce genre de coup, il y'a toujours un risque le contact parle ou se doute de quelque chose. Elle claqua sa langue sur le palai. «- On pourrait le choper dès qu'il sort des prisons genevoises, mais le souci, c'est la géographie. Genève est à côté de Saint Claude et à Saint-Claude, notre tête sans aucun doute mise à prix après le coup de Poligny. A moins qu'on ne décide de le trimballer en Savoie, ce qui est tout autant risqué à mon avis, c'est coincé. Enfin. Ce n'est pas vraiment coincé mais il faut aussi prendre en compte que le temps joue contre nous. Qui ne nous dit pas que lorsque nous nous arriverons à Genève, il sera libéré et rentré chez lui ? C'est un risque.

Elle croisa les bras, regardant la carte sur ses genoux.

«- Nous pouvons lui tendre un piège. Lui faire croire qu'un ancien réformé ou un aristotélicien veut prendre contact avec lui, car il a une affaire des plus importantes à lui transmettre sur la Réforme. Un truc qui changerait la donne et discréditerait les réformés. Une relique, par exemple ou je ne sais pas, un document. Je suis certaine que s'il est comme tu le décris, Elvy, il viendra et voudra prendre le risque, parce que les hommes d'Eglise sont orgueilleux. Nous lui demanderons de venir seul et s'il refuse de venir seul, ma foi, on éliminera ou nous sèmerons son escorte.

L'escorte. Même si elle parlait comme si ce n'était qu'un détail, ce n'était pas du tout le cas. Elle prenait cette éventualité très au sérieux mais elle en reparlerait plus tard, parce qu'il y'a encore beaucoup de choses à aborder.

«- Tu sais, Vélasco. Un homme d'Eglise n'a pas d'ami. Son but est de guider les fidèles dans la Foy et il tient plus du père autoritaire que du père gâteau. Tu vois ce que je veux te dire ? De la famille... M'étonnerait que ce genre d'homme ait une famille, parce que s'il rêve d'être un martyr, c'est que papa et maman n'ont dû assurer avec lui ou l'ont mis dès son plus jeune âge dans un monastère.

Elle esquissa un sourire narquois avant de reprendre la parole.

«- Donc, ce que je propose, c'est que s'il est sorti de prison de Genève, nous lui tendons un piège et nous l'attendons quelque part et on lui saute dessus dès qu'on voit sa soutane. Le mieux serait dans la campagne mais dès qu'on l'aura, on ira dans un village vide de préférence pour le baptême. Une église est un lieu assez défendable, parce que ce ne sont pas les vitres qui manquent et normalement, les soldats n'ont pas le droit d'y entrer pour attaquer ou arrêter une personne. Il fait son baptême et on sort de l'église avec lui, en lui mettant le couteau sous la gorge, mais peut-être que l'église aura une sortie par l'arrière ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Et s'il n'est pas sorti de Genève, comment nous pourrions procéder ?
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Vasco.
[Opération Fortitude*]

Le froid commençait à s'insinuer dans le corps de l'italien. L'extrémité de ses pieds et de ses mains devenaient peu à peu insensibles. Il avait bien des gants mais ceux-ci étaient fins pour ne pas perdre l'efficacité de son toucher. Il avait bien des bottes mais elles n'étaient pas fourrées.Décidément, l'hiver ne lui convenait vraiment pas. Il avait besoin de marcher pour se réchauffer, faire circuler le sang. Il se leva alors qu'Elvy reprit la parole, lui apportant des réponses à ses interrogations et se mit à arpenter la clairière. Ina compléta peu après les paroles de l'hidreuse.

- Genève? Oui. Je crois aussi que c'est la meilleure solution. On l'attend à la sortie de la ville, sur le chemin qui mène en France-Comté. Avec un peu de chance, sa capture sera connue un ou deux jours plus tard. Ça nous donne le temps d'atteindre notre église. Sinon...Il va falloir jouer à cache-cache avec les armées du coin.

Agnesina avait sorti sa carte des chemins. Pertinent. Certes ils pouvaient prévoir et organiser au mieux leur stratégie mais il fallait aussi être prêt à trouver des solutions pour l'imprévisible. Un plan, ça n'a rien de statique. Ça vit, ça bouge, ça évolue. Comme le temps qu'il fait! Et si ça pouvait se réchauffer, ça ne serait pas pour lui déplaire. Un instant il se vit du côté de l'empire ottoman. Des vapeurs aux fragrances d'Eucalyptus recouvraient l'ensemble de la pièce. On n'y voyait pas un pied. Il faisait chaud, si chaud. Des gouttes de sueur mêlées à de la vapeur qui venait se condenser perlaient sur son front, sur son torse. Il avait les yeux clos, il profitait d'un moment de détente. Il était bien. Une rafale de vent plus forte que les précédentes vint le rappeler à la réalité de l'est du royaume de France.

- Elvy, Agnesina, quand je parlais de contact, je ne me limitais pas seulement aux habitants. Avec Genève proche, j'imagine que le pays est régulièrement fréquenté par des groupes de...mercenaires? Un peu d'entraide entre confrères n'est pas une chose naturelle? Elvy? Te reste t-il encore des contacts que tu pourrais solliciter pour ça? On n'a pas besoin qu'ils agissent, juste qu'ils nous signalent les mouvements de troupes, celles des armées, celle d'Aristokoles. Avant...et après l'enlèvement! Ina, penses-tu que Joy pourrait nous donner des noms de personnes à qui l'on pourrait écrire pour mettre ça en place?

Il allait finir par leur donner le tournis à force de bouger sans cesse. Passant derrière Agnesina, il posa ses mains sur ses épaules et entama un massage relaxant comme celui qui aurait suivi sa séance dans un hammam. Ses doigts se faisaient à la fois souple et ferme sur les muscles des épaules de la Corleone, dans son cou, dans sa nuque. Il posa genoux en terre et passa sa tête au dessus d'elle pour mieux observer la carte qu'elle venait de déplier.

- A Partir de Genève, les routes ne sont guerre en notre faveur si nous voulons nous infiltrer en Franche-Comté... Mais nous pouvons aussi d'abord remonter vers Grandson...ou descendre vers Annecy ou encore prendre un bâteau direction Lyon. Suffit juste de trouver un contrebandier et d'embarquer au dernier moment. Quand bien même ils seraient alertés, il ne sera pas facile pour eux de bloquer toutes les issues possibles. Bien informés, on devrait avoir de bonnes chances de réussir, non? Mais pour ça, il faut être bien renseignés. La clé de l'opération est là : quand Aristokoles comptera quitter Genève, combien de gardes l'accompagneront? Et une fois son enlèvement su des autorités laiques et cléricales, quels seront les déplacements des armées pour le récupérer? Quand au baptême je le ferais bien à Poligny. Par provocation.

De l'index, il se frotta les lèvres que le froid commençait à gercer, pour finir par tirer sur un poil de barbe agaçant. L'opération n'était pas sans risque. Il s'abstint de le dire mais il était convaincu en son for intérieur que quoi qu'ils prévoient, quand bien même ils descendent jusque dans la moindre des précisions, tout basculerait rapidement dans l'imprévu. La réussite ou l'échec, il la mettait plus dans leur capacité à s'adapter que dans celle de prévoir.

- Maintenant... Quand? Tout dépend d'Enjoy. Je vous propose de partir au plus vite dès que la Zia nous donne l'autorisation. Ça vous va?

Il n'avait pas répondu à la question d'Ina : que faire si Aristokoles ne se trouvait plus à Genève? Il le savait. Il n'en n'avait pas envie. Amener le cardinal dans un endroit n'était pas chose si aisée que ça. Il faudrait se montrer convaincant, trouver une raison valable et suffisamment forte pour l'amener à se déplacer. Les genevois en ont trouvé une. C'était donc possible mais l'italien n'aimait pas cette solution. Il la trouvait trop aléatoire. Aristokoles avait un trop grand rôle à jouer dans ce plan-là. Et puis, prévoir trop d'approches différentes à ce stade de leur projet, c'était se disperser. Ils s'adapteraient au besoin. Il se tut.

L'italien cessa son massage et vint se poster aux côtés d'Ina. Il était encore partagé dans l'implication de la Corleone à ses côtés. L'opération était risquée. En valait-elle le coup? Pas sûr! C'est Agnesina qui le lui avait proposé. Il avait adoré. Il aimait moins par contre tous les risques qu'elle prendrait elle aussi mais il n'en n'avait rien dit. C'est le genre d'états d'âme dont on ne parle jamais entre mercenaires. Le risque est une notion avec laquelle ils vivent en permanence. Si elle s'est proposée, c'est qu'elle l'acceptait. C'est tout. Ça ne l'empêchait de ressentir un certain malaise mais il ne n'envisageait pas de tout abandonner. Partir seul? C'était une possibilité..Une possibilité qu'elle ne comprendrait sans doute pas et qu'il lui faudrait assumer pleinement.


- L'autre carte sur laquelle on peut jouer, c'est la désinformation. Leur transmettre de fausses nouvelles, brouiller les pistes, les faire ainsi hésiter dans les décisions à prendre. C'est un art... et une arme d'une efficacité déconcertante. Si certains veulent jouer ce rôle, je n'y suis pas opposé. En réalité, dépendemment de ce qu'on apprendre sur la garde personnelle d'Aristokoles, on n'a pas besoin d'être nombreux pour agir. On a surtout besoin de gagner la bataille de l'information.

Il serra les dents, lachant la carte du regard. Ils allaient jouer une grosse partie d'échecs, sans doute même plus grosse que celles qu'ils avaient joué tous les deux dans la lice de Mâcon. Ils vaincraient et on parlerait d'eux dans tout ce coin du royaume... ou ils échoueraient et ils auront tout intérêt à se faire très beau pour négocier avec le Très-Haut pour entrer au Paradis car ils n'auront pas beaucoup de cartes maitresses en main.

- Elvy, rien ne t'oblige à nous accompagner...mais tu es la bienvenue dans ce projet de fous si tu le désires.

* L'opération Fortitude a constitué, au cours de la seconde guerre mondiale en une opération de désinformation des services de renseignements allemands en vue de protéger et de contribuer au succès du débarquement en Normandie le 6 Juin 1944.
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Elvy_lee
Quand on lui avait parlé du projet, Elvy avait supposé que tout avait été mûrement réfléchi. Mais voilà qu'on lui demandait de penser !

Moi, quand j’ai enlevé le prévôt, expliqua-t-elle, je l’ai saoulé. Ensuite je l’ai mis dans un sac en toile et je l'ai emmené dans un coin. Et on a causé...

Elle passa volontairement sous silence l'épisode du doigt.

Rien ne t'oblige à nous accompagner...mais tu es la bienvenue dans ce projet de fous si tu le désires.

Elvy n'était pas une mercenaire. Elle ne travaillait jamais pour les autres. Que lui arrivait-il ? Le projet ne proposait pas de contrepartie : sans doute ça qui la séduisait. Et puis bouger, agir... pour ne pas penser…
Dans sa lettre, Oberthur avait réitéré sa proposition de voyage vers l'Italie. Cela la tentait mais quelque chose la retenait.
La nuit précédente, le Dode avait glissé près de son lit son grand corps décharné enveloppé de sa longue aube blanche. Il avait posé sa main osseuse sur son épaule comme à son habitude.

Quand tu ne sens pas les choses, ne les fais pas ! avait-il énoncé la voix caverneuse.
Diplomatie et discrétion Elvy… Cultive le commercial et l’associatif...


Mince alors ! Jamais il n'avait autant parlé, le Dode. Que voulait-il dire ? Quel message souhaitait-il faire passer ?

Agnésina s'était murée dans le silence et étudiait la carte du royaume. Elle avait auparavant fait part de ses craintes concernant la Franche-Comté. Pour Elvy, c’était plutôt la Savoie qui posait problème, surtout depuis les évènements récents concernant Turin, et en dépit des paroles bienveillantes de papa Woland.

Elle ne comprenait pas grand-chose à ces histoires de cureton, mais à son avis, il s'agissait de kidnapper un homme et de l'obliger à faire ce qu'on attendait de lui. Il n’y avait pas à y aller par quatre chemins. On situait l’homme. On s’en emparait. Ensuite on lui demandait gentiment de s'exécuter. S’il refusait, on le persuadait par la force physique. Et s’il ne voulait toujours pas, on utilisait des arguments qui s'adresseraient plus subtilement à l'esprit de sacrifice qui semblait animer l'homme d'église
Ce qui la surprenait, c’était qu'on n'eût pas plutôt porté son dévolu sur l'évêque de Langres. L'homme semblait plus malléable que le Cardinal.

Vasco avait repris la parole. Il semblait capable de parler des heures durant sans s'arrêter. Bien qu'il portât gants et bottes, il avait l'air d'avoir froid. Peut-être parlait-il ainsi dans l'espoir de se réchauffer. Elvy trouvait Vasko et Agnésina singulièrement pointilleux. Les meilleures affaires n'étaient-elle pas celles réalisées sous le coup de l'impulsion avec l'aide du hasard ?

Je vous propose de partir au plus vite dès que la Zia nous donne l'autorisation.

Elvy sursauta. Une autorisation ? Décidément, ces gens-là ne cessaient pas de la surprendre.

De toutes façons, , il faut en finir avec les projets en cours, ensuite localiser l'homme et s'y rendre, conclut-elle.

Elle jeta un coup d'oeil à la carte d'Ina.


Et je vais tâcher d'obtenir des renseignements des personnes encore sur place.

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Agnesina_temperance
Avait-il une idée de combien le massage pouvait faire du bien à la Corleone, qui est d'habitude si tendue ? Elle, qui n'aimait pas tellement le contact physique, se laissait faire. Ceci dit, une inquiétude persistait. Genève. Géographiquement, ça la faisait réfléchir, parce que cet endroit était à un jour de Saint-Claude et Saint-Claude avait une armée. A la tête de cette armée, il y'avait Sarani, la femme dont ils avaient demandés la tête à Poligny.

«- Genève pourrait être une bonne idée. Seulement, une fois que nous l'aurons attrapé en chemin, nous partirons vers où ? On prend le risque de jouer à détourner l'armée de Saint-Claude ? C'est dangereux. Surtout, s'il y'a une armée à Poligny. Là, ils pourront se faire du boudin gratuit avec notre sang. Le regard toujours rivé vers la carte, elle réfléchissait. Granson, il avait parlé de Granson. Ah mais oui, c'est tout à fait possible et ça évite beaucoup de contrainte. «- Je parie plus pour aller vers Granson et on pourra facilement nous déplacer avec lui. On l'attend devant Genève, on l'attrape et on file vers Pontarlier. C'est une frontière, donc nous aurons la possibilité de nous enfuir par là dès que nous en aurons fini vers lui. Après, c'est là que la désinformation sera utile.

Prendre le bateau direction Lyon ? Elle se tortilla la bouche. C'était tentant, parce qu'elle avait toujours rêvé de monter sur un bateau et surtout, son plus grand rêve, c'était de crier des choses inutiles dans la cabine du bateau. Si si. Tout le monde a ses lubies ! Elle toussota dans sa main pour se reconcentrer et éviter d'esquisser un sourire amusé. Ceci dit, c'était trop tentant de sortir sa blague de merde.

«- Un bateau ? Tu sais, c'est très dangereux d'amener un cureton sur l'eau, car c'est le meilleur moyen pour lui de se dire qu'il remet sa vie dans les mains du Très-Haut et qu'il fasse le grand plongeon en croyant que l'eau va s'écarter pour qu'il atterrisse dignement. Elle se marre, elle a dit sa blague de merde qui n'a fait rire personne et elle est contente ! «- C'est très bête les curetons quand ils s'y mettent. Pas autant qu'elle, à cet instant.

Elle se redresse, redevenant sérieuse.


«- J'en parlerais à Enjoy pour la date du départ mais je pense qu'après notre commande, nous pourrons prendre congé de la Spiritu Sanguis car ils vont sans doute dans le Sud pour profiter du soleil et des bienfaits qu'il pourrait offrir. Je lui demanderais des renseignements en cas.

Elle se frotta le menton, signe d'une intense réflexion de sa part et avec un bâton, elle tourna les brindilles pour continuer à alimenter le feu.

«- Pour le déplacement des armées en Franche-Comté, ce n'est pas le plus difficile quand on regarde leurs géographies. C'est un Comté très frontalier. Pour moi, ils ont deux armées sûres. Une à Dôle pour protéger le château et une, on le sait à Saint-Claude qui est tenue par Sarani. Après, si j'étais eux, j'aurais une troisième armée. Elle toucha du bout de l'index la carte. «-Qui naviguerait entre... Vesoul et Poligny car ce sont deux villes frontalières. Oui, ça lui semblait cohérent. «-Quant au reste des villages frontaliers... Hum. J'ai lu que la Franche-Comté, la Savoie et la Lorraine échangeaient des renseignements. C'est là où il faut se méfier. Je préfèrerais éviter d'entrer en Savoie pour plus de prudence, ce qui nous laisse deux champs d'entrée pour aller à Genève.

Que dire de plus ? Elle lança un regard vers Elvy qui expliqua son enlèvement du prévôt. Elle l'avait saoulé, l'avait mis dans un sac en toi avant de l'emmener dans un coin. Il faudra trouver un coin pour le détenir.

«-Elvy a raison. Pour l'enlever, il faudra prendre quelques précautions. Des cordes pour l'attacher et des habits pour qu'il se change car la soutane d'un Cardinal ne passe pas inaperçu. Une charrette ou un truc du même acabit, pour le cacher. Pour le reste, on verra bien, parce que n'importe quel élément pourrait changer la donne. Elle hocha la tête vers Elvy quand elle dit qu'elle va tâcher d'obtenir des renseignements. «- Le plus important, c'est de savoir où sera Aristokoles quand on ira l'enlever et s'il a des gardes. On s'adaptera en fonction de ça.

Agnésina ne doutait pas un seul instant que lorsqu'elle en parlerait avec Enjoy. Cette dernière et certains qui seraient présents, lui donneront des conseils qui pourront lui servir.
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Vasco.
[Quelques jours plus tard du côté de Compiègne...]

Ce soir-là non plus il n'avait pas dormi. Ce soir-là aussi, il avait passé la nuit dans la même chambre qu'Agnesina. Et ce soir-là, il l'avait encore une fois empêché de dormir. Lorsque les premiers rayons du soleil pointèrent le bout de leur éclat lumineux, Vasco était assis sur le rebord de la fenêtre, l'esprit projeté quelque part du côté de la Suisse. Les nouvelles qu'ils avaient reçues il y a quelques jours n'étaient pas des plus réjouissantes. Aristokoles aurait usé de fourberie pour permettre à la Franche-Comté de prendre le contrôle de la ville de Genève. En se laissant soit disant volontairement enfermé dans les geôles genevoises pour voler au secours de sa diaconesse, le prélat ne cherchait qu'à donner une raison à la Franche-Comté de renverser les autorités locales. Ce qui avait été prévu arriva. Un dénommé Starkel était à la tête de la ville désormais, mais surtout Aristokoles était au coeur du conflit entre la confédération Helvétique et la Franche-Comté. Enlever cet homme-là pendant ce conflit relèverait tout simplement de l'exploit! La surveillance autour de lui devait avoir été doublée, voire triplée. Les armées grouilleraient dans tous les coins, frappant sur tout ce qui bouge et posant leurs questions une fois que plus personne ne serait en mesure de répondre. Tout leur plan en était chamboulé! Tout était à refaire. Le sicilien regarda la plaie sur son poignet. Celle-ci était sur le point de se refermer. Ina avait fait du bon travail : il lui en resterait bien une jolie cicatrice.

Dehors, la pluie s'était mise à tomber. Les vitres de la fenêtre ne tardèrent pas à se couvrir d'une multitude de trainées, des gouttes de pluie qui venaient s'écrasé contre la paroi et glissaient irrémédiablement vers le bas, mues par cette pesanteur qu'un grand scientifique découvrirait dans quelques deux cent cinquante années de là. C'était un peu comme si tout s'acharnait à essayer de le briser, de le démoraliser. L'italien jeta un regard bienveillant sur la Corleone qui avait fini par trouver le sommeil. Un sourire à peine forcé naquit à la commissure de ces lèvres.


- Il faut savoir profiter de chaque instant de la vie Ina car on ne sait pas de quoi le futur sera fait. La tâche qui nous attend avec Aristokoles parait aujourd'hui insurmontable. Mais celui qui ne tente pas de soulever des montagnes est-il vraiment en vie...ou se contente t-il de laisser s'égrener le sable de son sablier jusqu'à ce qu'il n'en reste plus un seul grain? Je n'ai pas envie de vivre pour attendre la mort Agnesina. Alors même si le risque est grand, je veux le prendre. Et je veux le prendre avec toi!

Pour lui, c'était bien plus facile à dire lorsque la brigande dormait. Il ne voulait pas avoir l'impression de lui forcer la main. Il voulait qu'elle prenne sa décision librement, en son âme et conscience, sans prendre en considération ce que lui désirait. Le sicilien referma les lacets de sa chemise, réajusta ses manches et reprit son poignard qu'il avait déposé sur la petite table près du lit d'Agnesina. La porte grinça sur ses gonds lorsqu'il l'ouvrit. La chambre n'était pas parmi les mieux entretenues de celles qu'ils avaient fréquenté lors de leurs périples. Qu'importe! C'était bien mieux que de devoir coucher à la belle étoile par cette nuit pluvieuse. Au moins ici, il était au sec.

Dans le couloir, ses pensées se cristallisèrent sur l' "accident" de la veille. Il avait froissé la fille de Rodrielle. Et ça, ça l'embêtait. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il avait sympathisé avec Lili Corleone. Un soir il l'avait croisé en taverne et il avait lié connaissance. Il lui avait montré un petit tour de manipulation. Il avait placé un écu sous un des trois godets qu'il s'était procuré. Il les avait mélangé. La petite devait retrouver sous quel godet se trouvait la pièce. La première fois, elle avait réussi. La première fois, il cherchait à capter son intérêt. La seconde fois, il le fit avec quatre donné... mais aucun de ceux-ci ne contenait finalement la pièce. Manipulation. Il avait retiré la pièce au dernier moment juste avant qu'il le commence à les brasser. Il voulait lui donner une leçon. Il s'était présenté comme un noble...pour finalement lui dire : tu vois? Il ne faut jamais faire confiance à un noble! Jamais! Ils n'ont aucune parole et sont moins loyaux que le plus vulgaire des brigands! Elle lui avait souri et lui avait montré la bourse de pièces d'or qu'elle avait réussi à lui subtiliser pendant son discours. Conclusion : ne faites pas confiance à un noble...et méfiez-vous des fillettes de neuf ans. Hier soir, il avait oublié le dernier cette dernière partie. Hier soir, les mots de Lili l'avaient vexé. Oh non pas parce qu'elles étaient déplacées, mais plutôt parce qu'il s'était rendu compte qu'il l"avait sous-estimé. Elle lui avait dit dans un italien impeccable : je suis peut-être petite, mais je ne suis pas stupide! Il faudrait qu'il ait une discussion sérieuse avec la damoiselle. Il lui devait ça. Pour elle...mais aussi pour lui-même. Mais avant, il voulait changer de vêtement, trouver un grand bain d'eau bouillante, un peu de savon de Marseille et rester ainsi des heures et des heures à cuire dans l'eau comme un écrevisse. Ensuite, et seulement ensuite, il lui faudrait repenser à ce fat d'Aristokoles.

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