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[RP] Quatre murs et un toit pointu: résurrection

Xanthe_melie

Pour ceux à qui cet histoire plaira, merci de me prévenir pas mp s'ils souhaitent y participer...



La haine.
Acre. Brûlante. Pure et glacée. Acérée comme une lame. Enivrante. Exaltante.
La haine lui donnait des ailes.
Jamais Xanthe-Mélie n'avait marché aussi vite. Jamais la nuit ne lui avait paru aussi claire. Les lieues s'étaient succédées sans effort, les arbres défilant dans l'ombre de chaque côté du sentier comme des sentinelles, figées dans le silence obscur, au rythme effréné du pas impitoyable de la brune.
De temps à autre, ses yeux noirs se levaient vers le ciel d'une limpidité cristalline, comme pour chercher dans la cartographie des astres un écho au vide sidéral qui enflait dans sa tête. Un trou noir. Une singularité cosmique, engouffrant tout sur son passage - souvenirs, sentiments, sensations- pour ne laisser que cette coulée de lave incandescente, ce fer chauffé à blanc qui lui fourrageait les entrailles, la faisant avancer comme une mécanique insensible, remontée jusqu'au point de rupture, la main sur le pommeau du sabre, les dents serrées, les pieds touchant à peine le sol entre deux foulées...

Un craquement de branche cédant sous le poids de la neige, un remuement indistinct dans les sous bois dont les ombres impénétrables contrastaient avec la luminescence violette de la neige sous la lune... Sans ralentir le pas, Xanthe observait les alentours. Sa pensée, comme gommée de son esprit depuis qu'elle avait quitté Saint Claude, sans adieux ni regrets, puisque depuis des mois elle y séjournait sans y faire rien d'autre que de tâcher de refaire ses forces en vue d'un plus long voyage, sa pensée donc se reconstitua à un niveau conscient, comme des billes de vif-argent se rejoignant au fond d'un creuset pour former une flaque miroitante, fluide, insondable, volatile, toxique.

Les sens en éveil, Xanthe suspendit un instant sa course, attentive aux échos du drame qui se jouait quelque part sous les branches basses des sapins: un crissement de neige piétinée, un court remue -ménage, un couinement aigu, un grognement de satisfaction vorace, un glapissement désespéré, puis plus rien... La chasse s'était terminée aussi vite qu'elle avait commencé et sur le manteau immaculé qui recouvrait la forêt, une tache noire devait maintenant s'élargir, sa chaleur encore vibrante faisant fumer la neige en une bouillie écarlate.

Les narines dilatées, Xanthe humait l'air glacé, imaginait l'odeur cuivrée du sang, en emplissait ses poumons, goûtant dans sa salinité douceâtre les prémices de la putréfaction.
Les yeux clos, elle laissa refluer la vague d'exaltation qui montait de son ventre, reprenant peu à peu conscience de la nuit autour d'elle, du froid, de la forêt, de la bise presque imperceptible qui agitait doucement à quelques centimètres de son visage une grande toile d'araignée emperlée de gouttes de cristal gelé. Le hululement sinistre d'un grand duc acheva de la ramener à la réalité.
Xanthe frissonna.

La soif du sang.
Depuis bien des années elle pensait en être guérie. Ses tribulations et ses errances l'avaient amenée à la considérer comme une fièvre dont il fallait qu'elle se purifie, une tare qu'elle devait cacher au monde, une folie qui la détruisait aussi sûrement qu'elle détruisait tout autour d'elle. Elle avait tout tout essayé, tout expérimenté. Les excès en tous genres, l'opium, le haschich et l'alcool, puis l'abstinence. Les prières, le jeûne, la discipline, l'ascèse, la mortification même ... L'inextinguible désir s'était assoupi au fond d'elle au point qu'elle l'avait cru mort et enterré pour de bon, sous les gravats indistincts des regrets et des remords, des espoirs déçus et des renaissances avortées.

La jeune femme reprit sa course aveugle.

Et puis finalement, la veille au soir, après sa rencontre tant attendue avec Caël, la belle Caëlliane, la sempiternelle, la tant aimée, l'incorrigible, l'incurable Caël, la vérité s'était fait jour en elle. Il n'y avait pas d'autre vie pour elle.
Le sang, le meurtre, la vengeance. Le seul soulagement à son âme tourmentée.Tout le reste n'était qu'illusion, mensonge, mirage.

L'amour?
Foutaises! Le dernier homme qu'elle avait cru aimer s'était évaporé dans la nature, comme tout ceux qu'elle avait pensé aimer avant lui.
La loyauté?
Calembredaines! Ceux pour qui elle s'était battue pendant des années n'avaient eu de cesse de l'utiliser et, quand ils avaient compris l'inutilité de leurs efforts, s'étaient empressés de détruire sans l'ombre d'un scrupule tout ce en quoi elle avait cru.
La famille?
La sienne n'était sans doute plus que cendres et depuis longtemps Xanthe avait cessé d'espérer un retour au foyer. Veaux, vaches, cochons, comme disait le poète, époux, parents, enfant... Tout cela était perdu, envolé à jamais...
Les dieux ? Ils étaient tous vains, aveugles et sourds, aussi bouffis d'orgueils et inutiles que les hommes qui se tortillaient à leurs pieds comme la misérable vermine qu'ils étaient, aristotéliciens, réformés, tous aussi veules et méprisables dans leur sainte terreur et leur sainte vertu...
Et l'amitié?
Un rire sarcastique, amer comme un cri d'agonie tordit les lèvres de la belle sont le visage blafard évoqua sous la lune ces masques tragiques du théâtre nô dont Saburo lui avait révélé les arcanes.
L'amitié... Mensonges, mensonges, mensonges!

Xanthe se souvenait de sa tendre enfance et des interminables leçons de son confesseur, le dimanche, quand dans son innocence et dans sa crainte d'être punie elle négligeait de lui avouer les menus péchés dont elle avait pu se rendre coupable pendant la semaine... « Damoiselle, vous mentez! » lui assénait-il sans pitié, assortissant ses remontrances de cruels coups de badine sur ses menottes tremblantes, tendues devant elle pour recevoir la juste rétribution de ses offenses. « Omettre c'est mentir! Faute avouée est à moitié pardonnée, mais vous, vous n'avouez rien! Menteuse, vilaine menteuse! ». Le mensonge. Le plus vil et le plus lâche des péchés...

Le souffle soudain soupé Xanthe s'arrêta, la main appuyée à un tronc pour ne pas perdre l'équilibre. Un vertige la saisit et elle se plia violemment en deux, son estomac vide tordu dans un spasme douloureux. Ses ongles griffant l'écorce, elle s'effondra à genoux et dans un dernier haut-le-cœur cracha un flot de bile dans la neige.

Elle gémit : « Menteuse... »

Dans son esprit engourdi par la fatigue et le manque de sommeil, les souvenirs de sa conversation avec sa plus chère amie, celle qu'elle avait cru aimer de tout son cœur et dont elle avait pensé aussi qu'elle la chérissait en retour lui revenaient par bribes.
Par trois fois elle l'avait traité de menteuse et le pire c'est qu'encore maintenant elle ne le regrettait pas le moins du monde.
Comment Caël avait-elle pu penser un seul instant qu'elle accepterait de faire route avec l' "autre"?
C'était le père de ses enfants! Xanthe elle même - faudrait-il toujours que Caël lui resserve ses paroles comme justification de ses propres failles ? - lui avait dit autrefois qu'elle ne pouvait le priver d'eux en fuyant en Bretagne!
Était-ce pour autant une raison de reprendre la vie commune, de partager le même toit, de retrouver le chemin de sa couche?
S'il y avait une chose dans laquelle la brune était experte, c'était la manière d'obtenir rapidement des informations, et après le passage surprise - et quelle désagréable surprise cela avait-été! - de cet immonde chacal dans la taverne, il n'avait fallu bien longtemps pour découvrir sa tanière, et pour comprendre que Caël s'y vautrait avec lui. Il fallait bien que le corps exulte*, avait dit Caël et pourquoi pas avec lui plutôt qu'avec un autre?
De rage, Xanthe aurait pu la mordre. Pourquoi pas plutôt avec un autre qu'avec lui! Ce n'était pourtant pas les prétendants qui manquaient. La jeune femme aurait préféré mourir que de l'avouer, mais si Musaraigne avait raison sur un point, c'est bien sur le fait que où qu'elle aille, Caël faisait tourner les têtes et battre les cœurs, pour ne point parler du reste...

Un pincement violent tordit à nouveau l'estomac de Xanthe. Elle avala avec une colère douloureuse une poignée de neige et serra les dents, déglutissant avec difficulté la boule qui lui serrait la gorge, alors qu'elle essuyait d'un gant mouillé une larme qui brouillait sa vue.

Menteuse! Lâche!

Comment Caël avait-elle pu croire qu'elle accepterait de la partager avec cet être veule, calculateur, hypocrite, imbu de lui même, ce jaloux trompeur qui la voulait morte aussi sûrement qu'elle le voulait mort? Comment pouvait elle seulement imaginer qu'elle pourrait fouler le même chemin, respirer le même air ?
Accepter aurait-été renoncer. Et jamais elle ne céderait.

Menteuse, Caël, menteuse! Mentir par omission c'était mentir tout de même.

Plongeant ses mains gantées dans la neige, Xanthe en saisit une nouvelle poignée qu'elle enfourna goulûment pour laver sa bouche de l'amertume qui la brûlait. Une troisième poignée qu'elle passa sur son visage blême et une grande respiration lui rendirent un peu de calme. La brune se remit sur pieds. Un peu plus loin, au delà de la crête, elle savait qu'elle trouverait la clairière au dessus de Genève où elle avait construit sa maison de thé, son temple, son refuge. Cette pensée la galvanisa. Les derniers pas dans la neige plus épaisse des sommets lui coûtaient une énergie démesurée. Puis le ciel s'éclaircit, les étoiles pâlirent et, nichée entre les jeunes épicéas qu'elle avait laissé pousser derrière la maison pour couvrir sa retraite en cas de besoin, la silhouette noire du "Dragon volant" apparut.

Le jour allait se lever. Elle allait se terrer, réfléchir, dormir, rêver peut-être*... Mais ses rêves seraient des rêves de mort et de vengeance, et, Xanthe le sentait, il ne se passerait pas longtemps avant que ses rêves ne deviennent réalité.


* je demande pardon à Jacques Brel et à William Shakespeare pour leur avoir emprunté quelques mots sans avoir demandé leur permission...

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Cael
Cael, qui a une époque ancienne, mémorisait toutes les dates, ne souvenait pas du jour de leur arrivée à Genève… Mais elle se souvenait parfaitement de sa conversation houleuse de la veille avec la belle exotique.

Par les rumeurs, la bretonne avait fini par savoir que Xanthe avait rejoint, elle aussi, Genève. Elle avait espéré réussir à la voir en taverne… mais visiblement l’occasion ne s’était pas présentée. Alors, emmitouflée dans sa cape d’hiver, bonnet enfoncé sur la tête, écharpe entortillée autour de son cou, gants protégeant ses mains, au soleil matinal, Caël se mit à monter vers la forêt des hauts de Genève pour rejoindre la fameuse clairière au milieu de laquelle Xanthe avait bâti sa thébaïde.

Son pas était rapide… Elle n’avait pas à réfléchir à la route… elle la connaissait… Soudainement entre les épicéas, apparut devant elle un toit pointu à quatre pans, aux arêtes élégamment recourbées, des cloisons de bois percées de petites ouvertures garnies de parchemin huilé, des portes coulissantes.

Cael s’arrêta à quelques pas de la porte coulissante et appela en mettant ses mains en porte-voix :


Xaaaaaanthe…. Xaaaaaaaannnnnthe, tu es là ?

Son regard balaya alors les alentours à la recherche de la moindre trace de vie…
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Caëlliane Woronvë : Avant tout bretonne !
Xanthe_melie
La course a été longue et le sommeil dans lequel, à son arrivée chez elle, Xanthe s'est plongée comme dans un puits sans fond pour fuir les pensées délétères qui l'ont habitée tout au long de son périple depuis Saint Claude, a cependant été bien trop entrecoupé pour être réparateur.

Encore enveloppée de son manteau de voyage, sans avoir pris le temps d'ôter ses bottes ni ses gants, la jeune femme s'est effondrée sur le sol couvert de nattes de roseau dans un coin de sa maison glaciale, prenant juste soin de s'envelopper de la couverture de soie matelassée qui l'accompagne dans tous ses voyages.
Elle vient à peine, pour la énième fois, de fermer les yeux sur les premiers rayons du soleil qui filtrent à travers le papier huilé des fenêtres, prenant soin de rabattre un pan de couverture sur sa tête, pour prolonger le plus longtemps possible l'oubli bienfaisant de ce quasi coma, qu'elle entend l'appel d'une voix familière.

"Xaaaaaanthe…. Xaaaaaaaannnnnthe, tu es là ?"

Involontairement les traits de la jeune femme se crispent.
La nuit passée à courir la forêt dans le froid - était-ce la veille, il y deux jours, une semaine? - et l'intensité de l'effort qu'elle a fourni en parcourant au pas de charge ces presque vingt lieues, lui ont donné une migraine persistante - sans parler de la dose de grappa qu'elle a avalée comme une potion pour se réchauffer et s'endormir au petit matin et à chaque fois qu'elle se réveillait, grelottante et tremblante de rage - ou de fièvre.
Ses membres lui semblent aussi raides et douloureux que si l'on venait de la rouer et chaque mouvement lui arrache un gémissement étouffé. A l'extérieur la voix s'est tue, mais elle continue à résonner dans sa tête pulsante de douleur.

Elle se met péniblement à genoux et - force de l'habitude acquise dans une maison identique dans une clairière bien différente où elle a vécu il y a bien des années - s'avance ainsi jusqu'à la porte coulissante, qu'elle fait glisser de ses doigts gourds.
Elle lance un coup d’œil imprudent vers la clairière, sur le tapis immaculé que les rayons obliques du petit matin font étinceler et grimace aussitôt, crispant ses paupières sur les poignards jumeaux qui transpercent ses prunelles d'encre de Chine. Elle prend une profonde respiration et quand elle parvient à rouvrir les yeux, elle protège son regard d'une main posée en visière sur son front.

La silhouette sombre de Caël lui apparait soudain et un grognement indistinct s'échappe de ses lèvres - sans doute un juron dans sa langue paternelle - et elle laisse retomber sa main, se reculant sur les mains et les pieds dans l'ombre de la maison comme un animal nocturne surpris dans son sommeil au beau milieu de la journée.
Elle laisse la porte ouverte sur la lumière et le froid sec du matin et retourne s'installer dans l'angle où elle a passé la fin de la nuit, enroulée dans sa couverture et se pelotonne dessous, adossée au mur, comme on lui a enseigné il y a bien longtemps, porte et fenêtres dans son angle de vue, le poignard dissimulé dans sa manche droite et le sabre dégainé à terre, sur son coté gauche, sous la couverture, prêt à être empoigné à la moindre alerte. Elle prend quelques profondes respirations et répond d'une voix aussi froide que l'acier qu'elle sent le long de sa cuisse à travers le tissu de ses vêtements:


Ouais... Je suis là...
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