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[RP] Langage fleuri.

Agnesina_temperance
Tout était parti d'une soirée où Agnésina s'ennuyait ferme. Rien ne trouvait grâce à ses yeux et alors qu'elle avait eu envie de jouter verbalement avec les habitants, elle avait été exaspérée par tant de petitesse d'esprit. Elle avait erré, telle une âme en peine dans les ruelles du village dans l'espoir de retrouver son auberge. Elle n'aimait pas vagabonder de nuit dans les ruelles car elle avait peur. Si pendant la journée, les petits gens communs faisaient leurs travails pour faire prospérer le village, la nuit laissait place aux basses-œuvres. Elle s'était isolée dans sa chambre d'auberge avec l'envie de voir personne et avait écris à une personne inattendue, Beren de la Fiole Ebrechée, Seigneur de Courchaton. Un homme au verbe aiguisé. L'ennemi qui attaque mais qui sait rester courtois et respecte son adversaire. L'ennemi parfait ! En plus, elle l'avait rencontré en taverne et elle devait reconnaître, c'était un ennemi avec du charme et de bonnes manières. Un peu comme le Visconti sauf que le Visconti l'attirait, ce qui n'était pas le cas de Beren qui restait un éventuel adversaire pour jouter verbalement. Elle lui avait écris et elle pensait qu'il ne lui répondrait pas mais quelques jours plus tard, une lettre la détrompa. Il lui avait écris et il l'invitait à venir dans sa boutique.

Une invitation qu'elle ne refuserait pas et elle l'honorerait comme il se doit, c'est-à-dire, avec originalité et avec son caractère propre à elle. Il n'allait pas être déçu. L'homme est un nez pour les senteurs mais aurait-il un nez en ce qui concerne la personnalité d'Agnésina ? La question résidait là. C'était un défi de taille. Il connaissait son visage et sa voix. Elle allait devoir tricher et cette perspective l'amusait, autant joindre l'utile à l'agréable, parce qu'elle ne doutait pas qu'elle était sans doute Persona non Grata en Franche Comté et sa tête sûrement mise à prix. La ruse, voilà un domaine qu'elle essayait d'expérimenter et qu'elle allait user cette fois-ci.

Elle avait déjà essayé de se faire passer pour une fromagère mais sans succès. Elle pourrait se faire passer pour une vendeuse d'esclave mais les autorités enquêteraient et se rendrait vite compte de la supercherie. La couverture de la paysanne est une couverture trop banal et elle savait qu'il faudrait qu'elle essaye une couverture plus audacieuse.


- Le jour J -

La Corleone s'en doutait, des gardes surveillaient l'entrée du village et d'un pas lent, elle s'avança vers les hommes. Elle essayait de paraître détendue, car elle avait fait son mieux pour être méconnaissable. Habillée en robe, elle avait opté pour des couleurs vives et surtout, elle avait renoncé à son éternel chignon pour lâcher ses cheveux. Elle avait eu ouïe dire que les femmes ayant les cheveux lâchés, étaient des femmes qui voulaient montrer qu'elles étaient libres et qu'elles désiraient se faire courtiser. Elle avait, cependant rajouté une coiffe et un voile pour dissimuler son visage. Au cas où, cela ne suffirait pas, elle s'éventer - d'une manière insolente - le visage avec un esmouchoir.


«-Halte-là. Nom et lieu de résidence.

C'était le moment ou jamais de s'exercer. Agnésina adopta une posture aguicheuse et parla d'un ton vif, aigu et racoleur.

«- Sieur le garde ! Les gens comme vous me rendent toute chose et si j'avais pas du travail qui m'attendait; je ne vous dirais rien, rien que pour que vous me passiez les fers et que vous m'interrogiez mais ce sera pour une autre fois, mon grand, j'ai un client qui m'attend.

«- Attendez !

«- J'ai oublié de me présenter, c'est ça ? J'passerais tout à l'heure dans votre bureau Sieur le garde pour que vous jugiez quelle punition m'infliger ! Je suis Jeanne Dubois et je travaille pour la maison close de Paris !

«- Qui allez-vous voir ?

«- C'est un secret, mon grand !


Elle retient un rire nerveux car son plan semblait avoir marché et elle priait intérieurement que le garde ne serait pas de garde lorsqu'elle repartirait, parce qu'elle n'avait pas envie de se retrouver dans une situation délicate. Trouver la boutique de parfumerie fût facile et elle poussa la porte pour entrer d'un pas lent. Belle boutique dont les effluves ne manquaient pas. Elle laissa le voile sur le visage et elle continua à se ventiler le visage. Elle voulait s'amuser et sa couverture allait encore lui servir.

«- Seigneur de Courchaton, votre commande est là !
Désirez-vous que je retrousse mes jupons ou souhaitez-vous qu'on parle pour qu'on apprenne à se connaître autour d'un verre de vin ? Je vous demande car tous les clients n'ont pas les mêmes attentes.


La reconnaitrait-il alors qu'elle est déguisée en courtisane ?
Cette couverture l'angoissait car elle savait qu'elle risquait de s'en mordre les doigts. Une nouvelle fois, elle pria intérieurement qu'il soit courtois et ne lui saute pas dessus.

_________________
Beren
Cette parfumerie, cette nouvelle carrière qui s’offrait à lui, en perspective de passion et d’envie de la faire partager, c’était déroutant, mais c’était captivant. L’échoppe ouverte avait été décorée avec soin, Constant l’aidant dans les basses besognes ou tout ce qui était considéré comme dangereux pour le Fiole. A vrai dire, ce dernier était si maladroit qu’un rien s’avérait un danger, et son ami et homme d’armes avait rapidement pris sur lui d’anticiper et de devancer toute demande. Il savait prendre un coup, le rendre aussi ; river des clous, ça, il avait appris*, et c’est avec dévotion qu’il traversait parfois la pièce, les bras chargés de tasseaux et de clous, pour fixer une étagère ou réparer quelque meuble branlant.

Sa présence avait l’autre avantage – inavoué par le mercenaire, celle-ci -, d’offrir une protection certaine au Fiole, après la tentative d’enlèvement de ses enfants chez ses amis Sergueï et Lyson, après les prises de position parfois véhémentes du Courchaton, et après ce fantasque engagement pour Poligny ; inexplicablement, le Fiole avait décidé de défendre une ville qu’il avait de tous temps désignée comme « désert irrémédiable », avait essuyé, sans surprise, échec sur échec, mais avait continué, vaillamment, et avec obstination, à tenter de repousser l’envahisseur. Toujours de façon incompréhensible, le Fiole s’était rendu en lice contre l’une des preneuses de la ville, alors qu’il appréciait réellement celle-ci, et s’était vu infliger une sévère défaite. Beren avait joué au fier soldat, juché en appui sur sa troisième patte malgré son jeune âge, et avait perdu. A dix huit ans, il avait quitté sa province, bien décidé à conquérir la vie**, et, décidément, cette blessure à la cuisse l’avait ramené à la dure réalité, comme le lui rappelait constamment Constant :


- Beren, vous, c’est les fleurs. Vous êtes l’homme le plus coquet qui soit. Vous fatiguez tout le monde avec vos chemises de soie milanaise…

- Vénitienne, Constant. Passez-moi donc cette fiole, voulez-vous.

Un soupir, et l’homme d’ajouter, en tendant l’objet réclamé, s’adressant toujours à un Beren concentré, penché sur son ouvrage :

- C’est pareil, c’est en foutue Italie, Beren. Vous voyez, vous pinaillez, vous déblatérez, c’est votre truc, ça, les mots. Les plumes, les parfums, le vin vieux, les femmes…

- Oh oui, les femmes. Voyons ce que ça a donné… Donnez-moi celle-ci maintenant. Souhaitez-vous qu’on parle de l’ex-catin qui m’a trompé avec mon cousin alors qu’elle était grosse de moi, de huit lunes, ou de celle qui m’a abandonné, mourant, et m’a écrit par la suite, pour m’expliquer que mon fils n’était pas le mien ?

- Il a votre marque de naissance, Beren ; elle a perdu votre enfant – tenez, votre foutue fiole -, mort-né, certes, mais elle a réussi à subtiliser un autre gosse de votre château, né le même jour, dont la mère était comme par hasard, morte la même nuit, et elle est parvenue à tomber sur LA domestique que vous aviez engrossée. Au final, tout finit bien, reconnaissez-le.

- Tout fini bien, mhmm ? Cette gosse n’était pas là par hasard. J’ai eu affaire à une gamine sans expérience pour me distraire – ce que je ne fais qu’exceptionnellement -, et elle a eu le malheur d’en porter un gamin. Hélias est mon fils, certes. Je ne vois pas ce qu’il y a de glorieux à me réjouir que mon ex fiancée ait subtilisé un enfant à la place d’un autre. D’ailleurs, il était de mon sang aussi, ce petit. Je n’ai même pas pu le voir, le tenir. Ca fait deux enfants morts, Constant.

- N’empêche qu’on vous prétend séducteur, Beren.

Léger sourire, et le Parfumeur de mettre à distiller une potion de plus, surveillant le goutte à goutte. Bésicles toujours vissées à ses ballons et décoctions, le voilà qui répond :

- Prétendre, oui. On prétend beaucoup de choses, Constant. On explique aux enfants que des oiseaux de l’est apportent des enfançons, qu’ils les placent dans des roses et des choux. On prétend que l’Enfer lunaire attend les pêcheurs, que les goules dévorent les perdus, que les forêts sont hantées, que les démons rôdent partout, on prétend tout et n’importe quoi. On a prétendu que j’avais le fémur d’un homme en guise de canne. Je me demande si on dit aussi que je l’ai rongé pour le tailler, cet os.

- On a dit que vous aviez fait quoi ?! Raaaah, Beren, vous tentez de m’embrouiller les idées. Vous êtes un homme à femmes, je vous connais assez pour l’affirmer. Et pas qu’à femmes, un temps, d’ailleurs…

- Vous… Constant, on a même prétendu que votre amant était le mien. Souhaitez-vous vraiment que nous dérapions sur ce terrain-là ?

- D’accord, d’accord, d’accord. Il n’empêche qu’une fille qui sait ce qu’elle fait ne vous ferait pas de mal, et Sergueï est d’accord avec moi. Je crois même que Lyson vous a entretenu du sujet. Quand vous vous engagez, vous faites n’importe quoi. Avez-vous vraiment besoin d’épouser toutes les femmes avec lesquelles vous couchez ?

- Vous glissez vers une certaine impertinence, Constant. Je n’ai plus d’un certain nombre de choses ; il me les faudrait pour le bon fonctionnement de la boutique. Vous ne souhaitez pas ma déroute financière, n’est-ce pas ? Qui iriez-vous harceler de questions, si l’on me jetait en prison pour faillite, mhhmmm ? Iriez-vous me les quérir au marché, ou ailleurs ? C’est fort sympathique à vous d’accepter, je n’en attendais pas moins d’un fidèle ami tel que vous.

- Vous tentez de m’éloigner, alors que vous savez que j’ai raison !

- La liste est placée sur le comptoir. Merci infiniment pour votre aide, mon ami. Prenez ce qu’il faudra dans la caisse, vous savez où elle est disposée.

- Mais, je…

- A tout à l’heure, Constant. Je travaillerai tard. Qu’on ne me dérange sous aucun prétexte – cela exclue, évidemment, les enfants, et un éventuel problème grave, mais vous savez tout cela. Allez, maintenant, ne tardez pas. Laissez la porte déverrouillée, néanmoins, si jamais l’une de mes filles voulait me rendre visite. N’apportez les marchandises que demain, et excusez mon absence auprès d’un éventuel visiteur par Dieu sait quel prétexte dont vous m’entretiendrez, évidemment, pour ne pas que j’ai l’air d’un idiot à mon retour au monde. Le génie n’attend pas.

- Le génie, rien que cela, oui… Je sais que vous mentez ; quand vous vous flattez, c’est plus qu’un long discours…***

- Mhhhmmmm, Mhhhmmmm… Que de perspicacité, Constant. Vous devriez être mage, ou quelque chose de cet acabit.

Soupir de l’homme d’armes, qui marmonne sans réponse, et finit par saisir parchemin et bourse ; ce foutu Fiole lui aura tout fait. La porte se referme derrière lui, dans un tintement caractéristique, et l’endroit est rapidement désert, et seuls se manifestent les bruissements de l’eau qui coule ou bout, ainsi que les exhalaisons délicieuses des parfums faits et en cours d’élaboration. Sans être entêtant, le parfum flotte en l’endroit, subtil, délicat, mais bien présent.

Quelques dizaines de minutes, peut-être heures voient leurs cours s’échapper et s’égrainer comme le Parfumeur s’affaire, en bras de chemise, veston défait, col légèrement ouvert, pour davantage de confort. Une domestique lui a porté un bien trop grand dîner de volaille, mets de choix en cette période s’il en est, ainsi que plats de cochonailles de la forêt noire, et quelques autres tourtes et autres desserts sucrés. Il a pesté contre ce nombre de plats par trop important, et contre l’odeur qui n’aura, somme toute, pollué olfactivement que très brièvement la pièce, et a congédié ses gens pour qu’ils lui fichent la paix. Bien sûr, il n'a pas encore touché au repas, remisé dans l'atelier attenant à la boutique.

Il n’attend personne, et il n’est pas de raison qu’il soigne sa mise, aussi, l’idée est au confort et à la détente ; il ouvre sa chemise, ôte ses bottes et ses bas, et reste ainsi jusqu’à… Jusqu’à ce que le tintement de la porte se fasse de nouveau entendre. Enolia ou Myla doivent être là. Un regard à la bougie, le sourcil gauche se fronce légèrement, et le Fiole de s’apprêter à sortir de son atelier pour revenir dans la boutique même, lâchant tout en marchant le fameux: «
Si tu tiens à tes caramels, jeune fille… Il va me falloir mon baiser ! ».

Las, la voix qui lui répond n’est pas celle d’Enolia, pas plus que celle de Myla, mais bien celle d’une inconnue, qu’il découvrit en même temps qu’il l’entendit. Si un voile cachait le visage de la jeune femme, ses mots, à l’évidence, ne dissimulaient rien de ses intentions. Ainsi donc, son ami et homme d’armes s’évertuait donc à ne rien comprendre, apparemment.


«- Seigneur de Courchaton, votre commande est là !
Désirez-vous que je retrousse mes jupons ou souhaitez-vous qu'on parle pour qu'on apprenne à se connaître autour d'un verre de vin ? Je vous demande car tous les clients n'ont pas les mêmes attentes. »



Ce traquenard, c’est forcément Constant, ou plutôt « cette enflure d’ex-ami », comme il l’appelle actuellement sous sa tignasse blond-roux. Voilà le Fiole qui reste droit comme un I, un sourire cordial figé au visage, après avoir bêtement gardé la bouche ouverte d’indignation. Toussotement, après ce laps de temps figé, et le Fiole de tirer une chaise à l’inconnue, pour qu’elle prenne place. Gagner du temps, ça, c’était important. Du vin, grande idée, c’est toujours cela de gagné. Cela dit, il fallait au moins sauver les apparences, et voir ensuite comment évoluerait la situation. Après tout, si elle avait été réglée d’avance… Mais laissons cela pour plus tard. Il prend donc la parole, la voix de moins en moins audible à mesure de son laïus :

- Eh bien, prenez donc place. Une coupe de vin vieux serait parfaite en… en préambule à toutes choses... Avez-vous dîné ? On m’a fait porter quelques petites choses et… je…euh… je… Veuillez m’excuser, ma mise est fort peu… enfin… de…

Il essaie soudain d’enfiler à nouveau ses bottes, comme il réalise être pieds nus, en menaçant de s’écrouler lorsqu’il doit s’appuyer sur sa jambe malade, et cale son dos contre le comptoir, pour enfin y parvenir. Malhabile et maladroit, le voilà qui finit donc par lâcher :

- Qui vous envoie, en fait ?


* et *** : JJG
** : Aznavour

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Agnesina_temperance
A quoi pourrait ressembler une jeune femme d'une quinzaine d'année qui se fait passer pour une courtisane et qui, en plus d'être très loin d'en être une, n'a jamais eu connaissance du contact charnel à l'état pur ? C'est très simple. Tout d'abord, vous avez une femme qui a le visage caché par un voile et un esmouchoir avec lequel elle se ventile. Mais derrière le voile et l'esmouchoir, il est un visage qui trahit le manque de confiance de l'attitude précédente. Les lèvres sont pincés vers l'intérieur, les yeux cherchent autour d'eux quelque chose qui pourrait rassurer leur propriétaire et sa mains - ah sa main libre - elle la pose sur sa robe, parce qu'elle est moite, pendant que l'autre continue son ouvrage. Quelle idée de s'être fait passée pour une courtisane et pourtant, à cet instant, elle était incapable de reculer. Et pourquoi était-elle entrée en lui demandant si elle devait retrousser ses jupons ? A cet instant, elle avait été angoissé car elle avait joué avec le feu et qu'elle était bien incapable d'y aller jusqu'au bout ! Son corps, ah son corps. C'est toute une histoire. Imaginez, la jeune fille qui découvre les premiers signes de sa féminité et devant tout ces changements, elle ne comprend pas. Tout était si bien avant alors pourquoi ajouter des attributs en plus ? La jeune fille comprend bien vite que ses fameux attributs attirent le regard mâle et Ina fût dans le même cas de figure mais elle eût peur. Évidemment pour elle, tous les hommes à part Vasco - parce que lui, ce n'était pas pareil - voulait sauter sur n'importe quelle femme ! Ils ne pensaient qu'à ça. A ce moment-là, elle détesta son corps. Et forcément, il y'avait une chance sur deux pour que Beren saute sur sa proposition.

Et pourtant, il ne le fit pas. Dans un froncement de sourcil - non hostile - mais étonné, Ina constata que l'homme ne lui sauta pas dessus. Il avait gardé sa bouche ouverte. Choqué ? Indigné ? Elle n'était pas dans sa tête pour le savoir et la sienne lui causait assez de tourment comme ça. Rassurée par l'homme qui ne lui saute pas dessus, elle peut enfin profiter de sa taquinerie. Un sourire en coin vient flatter ses lèvres. Si elle n'était pas soucieuse de conserver cette couverture et si elle était mal éduquée, elle aurait lâché en se marrant " La tête que vous avez ! " mais Ina était éduquée et soucieuse de conserver cette couverture pour faire tourner en bourrique son meilleur ennemi. Ceci dit, toujours debout, la jeune femme observe les réactions de l'homme, réfléchissant à la suite. Un sourire cordial s'est figé sur le visage. Elle sourcilla. Il n'allait pas la chasser car c'était sa crainte mais elle avait parié qu'il ne le ferait pas, car suite à la conversation entre lui et Elwenn, elle avait retenu le fait qu'il avait un grand respect pour les femmes et même pour les catins. Pire encore, il les aimait. Il toussota et lui tira une chaise. Gagné !

La fierté de son action qui était en train de réussir était en train de couler dans ses veines. Elle jouissait que sa couverture réussisse à berner le Seigneur de Courchaton. Seulement, une part d'elle lui disait qu'elle jouissait bien trop vite. Son regard détailla l'homme à l'allure décontracté.

La chemise ouverte, ça a son charme, hein ? Non mais à quoi t'attendais-tu en venant en pleine nuit dans sa boutique ? Tu crois qu'il a l'habitude que des clients viennent de nuit ? Oui, c'est bien, détourne le regard. De toute façon, il n'est même pas musclé ! Tu es gênée ? Tu rougis ? Heureusement qu'il ne peut pas le voir, parce que tu as encore du chemin à faire avant de cacher toutes les émotions sur ton visage ! Il te propose de prendre place, vas-y. Assis-toi. Doucement. Ne t'affale pas comme si tu avais le poids de la vie sur tes épaules. Ah, non. Je ne te dis pas non plus que tu dois t'asseoir comme si tu avais un balai dans le cul. Vas-y, décontracté. N'oublie pas ta couverture. Tu es une courtisane. Jeune, parce que tu peux difficilement te faire passer pour une vieille. Et enthousiaste car les catins sont comme les brigandes, elles aiment ramener des écus. Elles savent les flairer de loin.

Ina s'assoit donc - gardant l'esmouchoir sur le visage bien qu'elle ne se ventile plus avec - essayant d'avoir la posture parfaite car il lui semblait avoir lu au cours de sa correspondance épistolaire et houleuse que Beren avait fréquenté les catins au bordel, donc elle devait assurer sur la posture. L'idée de la coupe de vieux l'enchanta. Ina adorait le vin, ce délicieux nectar qui affole les papilles. C'était subtil le vin et ne se dégustait pas en n'importe quel occasion. Il fallait l'appréhender au meilleur moment.


... en préambule à toutes choses...

C'est ça, tu rêves ! Quand tu vas découvrir qui je suis, tu ne vas pas être déçu !

La jeune Corleone toussota dans sa main pour éviter de partir dans un rire nerveux. Elle se plaisait à croire qu'il était embarrassé. Est-ce qu'elle avait dîné ? Du tout et elle n'était rien contre de dîner sur le compte du son meilleur ennemi tant qu'elle ne débourse rien. Surtout, qu'elle gage que ce sont des mets plus raffinés de ce qu'elle mange tous les jours.


«- Ha ! Seigneur de Courchaton, c'est trop d'honneur que vous me faîtes ! Vous avez le sens de hospitalité, vous. Alors, je ne vais pas vous faire l'offense de refuser et puis, vous alliez manger tout seul ? J'ai bien fait de venir, parce qu'un peu de compagnie, ne vous fera pas de mal ! Allons pour le vin et pour le repas. Et votre mise, votre mise, c'est sûr que ce n'est pas de la grande classe pour se présenter devant une femme, même si elle est payée mais je vous rassure tout de suite, vous n'êtes pas gros et gras comme certains hommes et vous avez encore toute la candeur des jeunes homme. J'veux dire, vous n'êtes pas gros mais vous n'êtes pas non plus très musclé comme si vous aviez travaillé dans les champs donc, il y'a pire que vous.

Elle n'en revenait pas. C'était elle qui venait de dire tout ça ? Avec une telle facilité ? Avec un ton de garce ? Au final, elle s'intégrait mieux au rôle qu'elle ne l'avait imaginé. Elle, qui n'aimait pas flatter ni trop parler, mais elle avait compris que dans ce bas monde, si elle voulait atteindre les sommets jusqu'à être une étoile montante, il fallait qu'elle use de mots, parce qu'elle ne voulait pas se contenter de brigandage. Oh ça, non ! Le vol de bien d'autrui passait par différentes méthodes. Souvent, les brigandages étaient fait sur les gens simples et elle, elle savait qu'un jour, elle ne voudrait plus se contenter de faire ça. Elle voulait les choses en grand !

Elle l'observa en train d'essayer d'enfiler ses bottes et qui manque de s'écrouler. Ah oui, sa jambe. Elle avait appris qu'il marchait avec une canne. Hum. Elle le regarde galérer et se garde bien de lui proposer son aide. Le spectacle était trop jubilatoire pour qu'elle se décide de le stopper et c'est là, qu'il posa LA question. Elle garde les lèvres closes pendant quelques minutes car elle n'y avait pas pensé et pourtant, c'était logique. C'était logique qu'il lui demande qui l'envoie. Il venait de la décontenancer.

Réfléchis ! Tu ne vas pas flancher maintenant, n'est-ce pas ? Qui peut bien lui envoyer une catin ? Tu peux toujours lui dire que ça n'a pas grande importance mais il se doutera de quelque chose. Qui connais-tu en Franche-Comté. Tiens qui a écris une lettre à la Spiritu Sanguis quand elle était à la tête de Poligny ? Lui, un Cardinal et un certain Lancelot. Par ailleurs, n'a-t-il pas dit que Beren était son ami ? Non, méfie-toi. Ne sois pas précise, ne donne pas de nom, c'est mieux. N'oublie pas ce qu'il a écris dans sa lettre.


«- Seigneur de Courchaton, ne voulez-vous pas vous asseoir en ma compagnie ? La personne qui m'envoie est... un ami qui vous veut du bien ! Il pense que vous devriez reprendre du poil de la bête et cesser de ressasser que vous êtes le cocu de l'Empire ! Elle se lève d'un coup pour lui couper l'herbe sur le pied. Donner plusieurs informations pour qu'il se perde et le pointe du doigt. «- Mais regardez-vous, vous vous délaissez ! Vous croyez qu'il est commun qu'un homme de votre envergure se promène pied nu et à moitié à poil ?

C'est minable. Absolument bas, mais elle adorait ça. Elle voulait le déstabiliser, jouir de sa position car elle le connaissait un peu et lui, n'avait pour l'instant, aucune idée de qui il avait à faire mais à trop attaquer, elle en oubliait la défense. Elle lança un regard dans la pièce.

«-Vous faisiez quoi ? Cette pièce sent drôlement bon ! Comme si elle ne savait pas ce qu'il faisait. «-Vous vous parfumez ? N'assumez-vous pas votre statut de mâle ?

Elle frisait l'insolence mais tout était calculé. Elle voulait l'énerver. Elle s'était promis qu'il n'oublierait pas son face à face avec elle et elle comptait bien tenir cette promesse. La parole d'une Corleone est d'or et son meilleur ennemi va le découvrir à ses dépens. Motivation première : Se faire passer pour une catin plus bête que ses pieds.
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Beren
Entre putain et noble sang*


Un peu couillon, il a enfin pu enfiler ses bottes ; essoufflé, il s’appuie sur sa canne pour respirer plus sereinement, oh, pas encore bien ni calmement, évidemment, du fait de la présence de la jeune femme qui le rend perplexe, mais enfin, mieux. Il l’observe, sa main gauche s’agrippant fermement au pommeau ouvragé de sa canne ; le mouvement respiratoire de son torse hâté d’appréhension, et d’incompréhension face à la situation.

Il reste à distance, volontairement appuyé contre le comptoir, simplement parce qu’il se sent acculé, et qu’il ne peut reculer plus loin encore. Au pied du mur… L’idée est hautement bien calculée; il ne sait qui a tenté de mettre ce plan à exécution, et si Elle, s’est assise avec une élégance toute relative, lui enserre ses braies de ses doigts droits le temps d’en ôter la moiteur. Oh comme elle vient de s’approprier l’espace, faisant sienne la table alors qu’il lui a presque cédé la propriété de l’endroit en demeurant en retrait !


Elle a l’air majestueux des cathédrales, leur stature, leur assurance, comme notre Dame qui règne sur Paris ; pourtant on ne dit pas « Ma Dame » on dit « Ma Demoiselle », c’est comme ça, qu’on appelle les filles de joie, les enfants, les pucelles en levant les yeux au ciel**. Ah, parlons-en, tiens, du ciel. Vague regard à lui, par la fenêtre, pour l’heure ou pour le temps***. Il fait nuit noire, la seule résonnance du crieur qui indique l’heure qu’il est résonne, trop diffuse pour être audible, à une heure pareille.


Voilà même qu’elle l’invite à s’asseoir lui-même, chez lui, en ses murs, à lui ! Elle déblatère sur sa mise, qui fait défaut, il le lui accorde, alors qu’il reboutonne avec empressement, et une certaine malhabileté, sa chemise, d’une main tremblante. Le tissu lui échappe plusieurs fois, et le fait pester tout bas, alors qu’il cherche une façon de se sortir honorablement de cette situation qui lui semble, pour l’heure, inextricable. D’ailleurs, comment a-t-elle osé détailler son physique, comme si elle le jugeait ? Cette audace est étrange chez une catin, d’autant qu’elle ne peut se faire une idée que de ce qu’elle voit. Sans doute n’a-t-elle pas pu remarquer que si le haut de son torse est certes chétif, voire atrophié, le bas, lui, est extrêmement musclé. Il est vrai que la majeure partie de cet espace de son corps lui est demeurée dissimulée. Pour l’instant, du moins, soyons précis, et puis… Et puis, elle a cet aplomb, Dieu, cet aplomb-là d’utiliser un ton qui trahit son assurance, qui fait perdre ses moyens au Fiole ! Pour se rassurer, il jette un regard aux objets qui l’entourent, les listant dans sa tête, dans une vaine tentative de récupérer ses droits sur l’espace, et sur lui-même.



[Allez venez! Milord
Vous asseoir à ma table
Il fait si froid dehors
Ici, c'est confortable
Laissez-vous faire, Milord
Et prenez bien vos aises
Vos peines sur mon coeur
Et vos pieds sur une chaise
Je vous connais, Milord
Vous ne m'avez jamais vue
Je ne suis qu'une fille du port
Une ombre de la rue...

Allez venez! Milord
Vous avez l'air d'un môme
Laissez-vous faire, Milord
Venez dans mon royaume
Je soigne les remords
Je chante la romance
Je chante les milords
Qui n'ont pas eu de chance
Regardez-moi, Milord
Vous ne m'avez jamais vue...]*



Il lui a posé la question qui expliquerait son arrivée ici, et la réponse ne lui est donnée immédiatement. L’atmosphère est silencieuse, prise dans un intervalle silencieux, pendant quelques minutes. La course des secondes leur offre à chacun un peu de répit devant l‘incongruité de la situation. Il ne connaît pas la teneur des pensées de la jeune femme, pas plus qu’il n’a l’envie d’essayer de la deviner ; il se contente de maudire Constant, Lancelot, Sergueï, Lyson, Starkel… peut-être bien tous les cinq ensemble, à vrai dire, qui que soit l’enflure qui lui aura fait ce coup-là. La réponse qu’elle lui donne n’en est pas une, en tout cas, elle prend une tournure qui le décontenance. Elle connaît son titre, déjà. Pas si surprenant, à bien y réfléchir ; celui qui l’envoie a dû le lui confier, soit. Le commanditaire serait un ami, selon elle ; pas si sûr, cela. Il a dit… Il a dit « le cocu de l’Empire » ; aucun de ses amis n’aurait dit une chose pareille. La colère monte en lui, s’insinue dans chaque pore de sa peau, au point qu’il enserre le pommeau à s’en blanchir les phalanges, et le fait dessouder son dos du comptoir, dans une réaction primaire d’insurrection tintée de rage. Le cocu de l’Empire ; ce surnom lui a toujours fait bouillir les tripes, et s’il halète dorénavant, c’est d’ire douloureuse.

Il a cet air, ce fameux, qui pointe à son visage, et lui fait ourler les lèvres de mépris, cet air là qui lui va mal, parce qu’il n’est pas profondément mauvais. C’est ce qui s’est enfoui en lui, sans qu’il puisse vraiment l’exprimer, sans qu’il puisse non plus s’empêcher de le ressasser. Il l’aimait de tout son cœur. Lara. Sa première fois, sa première compagne, elle qui n’était pas étrangère au péché de chair, puisqu’elle était ancienne catin. Cette garce qui était sensée se ressourcer au monastère quand elle ouvrait cuisses et gorge à son cousin et meilleur ami. Cette, cette… Catin, oui. Comme celle qui se trouve devant lui, et a osé se moquer, et de son allure, et de son histoire, en la résumant à un ressassement d’aigri. Et bien sûr qu’il était amer, évidemment qu’il l’était. Son ex-cousin lui refusait le duel qui lui rendrait son honneur, quand bien même il serait défait. Son ex cousin et Lara avaient eu une fille que Lara insistait à présenter à Enolia et Myla comme leur sœur. Son ex cousin et Lara devaient se marier sous peu. Lui, n’était que le dindon de la farce dont tout le monde se moquait, y compris cette fille de joie assise devant lui et prenant ses aises au point de lui manquer de respect. Fille de joie ? Fille de rage, oui !

Elle se lève ; il fait un pas, incapable de dissimuler la tension qui l’habite, et pas celle, sans doute, que cette femme voulait provoquer. Il demeure silencieux, prêt à tout à cet instant, jusqu’à ce qu’il, comme il le fait habituellement lorsqu’il est atteint, se détourne soudainement, et se dirige, d’un pas plus lourd, vers un guéridon où sont placés une carafe de vin vieux, et deux coupes honteusement onéreuses. Il en est toujours de même lorsqu’il est fâché ; sa jambe en est d’autant plus douloureuse, et c’est rageusement qu’il porte les coupes et le vin et les dépose sur la table, tout en s’arrangeant pour frôler l’insolente. Ah, elle a voulu taper bas, d’accord. Il parvient à persiffler, suffisamment audible pour que le message soit clair :


- J’ignorais que quelqu’un qui est payée pour cajoler qui paie rubis sur l’ongle puisse juger des mises de leurs clients. Ouvertement, cela va sans dire. Et n’est-ce pas ce que vous êtes sensée vouloir obtenir, d’ailleurs ? La nudité, même partielle, au prix d’une bourse bien fournie ?

Ah, ça, oui, il les connaît, les catins. Il en a fréquentées quelques-unes, même, sans les toucher d’autorité, pourtant. Il n’a jamais imposé quoi que cela soit à une femme, et si quelque chose a pu se passer, c’était toujours par consentement, et sans règlement d’aucune sorte. Si l’histoire le dit, jamais Beren, et il poursuit dans cette voie, sans rien en laisser échapper. Il s’assied donc, mené par une colère sourde, et porte sa coupe à ses lèvres.

- Je suis Parfumeur, oui. Asseyez-vous.

Il sait qu’il peut imposer ce qu’il veut à une catin. Il tente de repousser de ses pensées cette autre dont il aura eu deux gosses et qui lui aura fait perdre son honneur et sa respectabilité ? Lui qui jouit d’une réputation d’homme à femmes quand toutes celles qu’il a connues l’auront trahi, les unes après les autres. Il se nourrit dorénavant d’une sorte de vengeance, qu’il imposera à celle des deux putains qui se trouve devant lui. Un sourire pare ses lèvres, il s’apaise. Déjà loin de ses haines, aussi loin qu'il le peut où ses rêves l'entraînent quand il ferme les yeux… Et puis cet otage sans cage, et puis tous ces hommes en essaim… Son grave visage, maquillage, sans âge, et puis ces [écus] dans ta main. Il sait bien qu’une putain… Tu peux prendre ses lèvres, tu peux goûter sa peau, décider de ses gestes, même dicter ses mots, soumettre à tes plaisirs, tant que le compte est bon, arracher des sourires, même changer son nom. Maître d'une apparence possédant de si peu, d'un vide, d'une absence, dès qu'elle ferme les yeux***… Qu’elle ferme donc les yeux, qu’importe ; lui ne les fermera pas sur son insolence.

- Nous dînerons dans un moment. Prenez place. Buvez. Parlons.

Oui, exorcisons donc les ragots qu’un putrelle aura entendus jusque dans le bouge miteux où elle doit exercer. Fort bien, qu’ils parlent ; qu’il écoute, et qu’il exprime, enfin, pour se délivrer de ce qui s’impose à son esprit, qu’il soit seul ou accompagné, qu’une note de parfum ou qu’un bruit le ramène en arrière. Pour se libérer, oui. Quand la peine est trop lourde, quand le monde est trop laid, quand la chance est trop sourde, la vérité trop vraie… Comme un dernier voyage pour y voir enfin mieux, enfin d'autres images quand on ferme nos yeux… Quand on ferme nos yeux***.




*Edith Piaf/Georges Moustaki, Milord.
**Zazie, Mademoiselle.
***JJG, Fermer les yeux, triple allusion, l’avant-dernière avec «écus » remplaçant « billets » - pardon Jean Jacques.

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Agnesina_temperance
Telle une brigande qui a pris possession d'une mairie, la Corleone prend ses aises chez la parfumerie du Fiole, même si le but n'était pas de voler mais juste de duper. Le contraire, aurait été étonnant. Debout, elle observe chacune de ses réactions. Très important d'observer les réactions, car le Beren était le premier qu'elle comptait vraiment duper et si elle voulait bien le faire , donc il faut qu'elle s'adapte à chacune de ses réactions. Il reste, silencieux et Ina gamberge, parce qu'elle a constaté que lorsque les personnes répondent par des insultes, elles n'étaient pas bien dangereuses, comme le confirme ce proverbe : Chien qui aboie ne mord pas. Par contre, une personne qui garde le silence avait tendance à inquiéter Agnésina, car elles sont les plus dangereuses. Elle commença, dès cet instant, à se mettre sur ses gardes. Ne jamais sous-estimer son adversaire, même si la personne en question en question est boiteuse. L'animal blessé et qui ne fait aucun bruit, est animal qui risque de sauter au visage. Homme ou animal, pour la jeune femme, c'était pareil.

Surprise, il se détourne subitement et Ina le regarde d'un air circonspect se ventilant lentement avec son esmouchoir, prête à défendre sa vie s'il faut, mais il apporte une carafe de vin et deux coupes qui attirent tout de suite l'attention de la jeune femme telle l'abeille sur le pollen d'une fleur.

C'est pas d'la coupe d'gueux, ça. T'crois que ça s'revend à quel prix ? Tu pourrais lui voler ni vu ni connu et ce n'est pas lui qui risque de te courir après, c'est un boiteux. Alors Ina, tu abandonnes toutes tes bonnes résolutions et tu te casses avec les coupes ? C'est tentant. Chiche ?

Un rictus se dessina sur le coin des lèvres de la Corleone qui commença une lutte intérieur pour résister au vol des deux coupes mais elle sentit que l'homme la frôla, ce qui la refroidit et elle se raidit naturellement. Les mots du Seigneur de Courchaton laissa la jeune femme sans voix, ses lèvres restèrent désespérément closes car il n'avait pas tord. Quelqu'un qui est payé pour cajoler et qui est payé rubis sur ongle ne peut pas juger la mise de son client et encore moins, ouvertement. Pendant un court moment, elle crut qu'elle avait été démasquée.

Pour la nudité, mon grand, je pourrais toujours vouloir obtenir ta tienne mais Seigneur de Courchaton, les armes sont bien trop inégales. Je sais qui vous êtes mais vous ne savez pas qui je suis. Je possède des informations que vous m'avez vous-même donnés et vous, vous ne connaissez rien de moi. Je pourrais, en effet, vous mettre à nu et vous dévoiler mon visage pour que vous vous sentiez pantois mais quel intérêt de vous infliger ceci alors que vous ne pouvez répondre, ne serait-ce qu'un instant, à arme égal ?

Il confirme donc qu'il est parfumeur. Information qu'elle savait déjà et il lui demande de s'asseoir. Sa part rebelle en elle lui dit de l'envoyer sur les roses, parce qu'elle n'apprécie pas son ton mais une voix lui dit d'obéir si elle ne veut pas que sa couverture s'effondre comme un poignard qui transpercerait un voile flottant. Elle garde le silence tout en observant les réactions de l'homme et serait prête à beaucoup pour connaître ses pensées, mais malheureusement, elle devait se fier à son intuition à défaut son expérience. Devait-elle continuer dans cette ligné de conduite ? Devait-elle détourner son attention ? Devait-elle décider d'abandonner sa couverture ou au contraire, de passer à l'étape supérieur, sachant qu'elle pouvait se brûler les ailes ? Elle savait qu'il ne fallait pas qu'elle plonge dans un terrain inconnu, même si l'impatience qui caractérise son âge lui dit qu'elle doit foncer et réfléchir après.

Elle connaissait tout de même une certaine euphorie d'être en ces lieux en train de berner le Seigneur de Courchaton. L'adrénaline coulait dans ses veines et même si elle était un peu tendu, elle se sentait impliquée dans ce défi qu'elle s'était donnée elle-même.

Ils dîneront dans un moment. Qu'elle boit et qu'ils parlent. Elle sourcille. Parler ? De quoi, pouvaient-ils parler ?


«- Et bien, Seigneur de Courchaton...

Et bien, quoi ? Elle en avait aucune idée. Le vin. D'abord boire et ensuite parler. Cette alternative lui semblait juste. Elle posa l'esmouchoir sur la table. Sa main trembla quand elle attrapa la carafe de vieux vin et versa, bien maladroitement, le liquide dans les deux coupes. Elle était nerveuse. Bien trop nerveuse et en versa, un peu, sur la table. Elle porta sa coupe vers son visage quand elle se souvient que sa couverture de catin et sa réelle identité, il y'avait qu'un voile qui les séparent. Par précaution, elle baissa légèrement la tête et reposa son verre. Trop risqué de le boire. Pourtant, l'odeur lui semblait alléchante. Tant pis.

«- Aimez-vous les devinettes, Seigneur ?

La question n'attendait pas réellement de réponse. Corleone avait une idée derrière la tête et a décidé de prendre un chemin parallèle. Elle voulait l'amener progressivement dans son terrain et pour ça, elle désirait lui donner certaines cartes en main. Un sourire s'étira sur ses lèvres et elle le regarde, amusée.

«- Oui, divertissons-nous ! J'adore les mystère, et le savez-vous ? Ma présence, elle-même, est un mystère...

La voix change progressivement pour se faire plus sombre et posé. La catin disparaissait et la réelle personnalité de la Corleone prenait le dessus tout en essayant de se dissimuler.

«- Seigneur de Courchaton, nous allons jouer à un jeu et c'est moi qui établit les régles. Je vous pose une question et si vous répondez juste, vous aurez un détail sur moi. Rassurez-vous, vous n'avez absolument rien à perdre. Au contraire, tout à gagner.

    [ Mais ce n'est pas tant
    Cette fille qui me plait tant
    C´est le mystère qui est dedans
    Le mystère dedans
    La vie nous dit et nous contredit
    Tout se dédit de ce qu´on a dit
    Les discours de tous ces bandits* ]


Gardant sa tête baissée et après un silence qui dura un laps de temps, la Corleone décida de partir du principe que Beren avait enfin compris, après ce qu'elle venait de dire, qu'elle n'était pas ce qu'elle disait être, c'est à dire, une putain. Elle voulait instaurer une ambiance qui lui ressemblait, une ambiance froide. Pour déstabiliser.


«-Si je ne suis pas une putain, qui suis-je ?

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Le mystère, Alain Souchon.

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Beren
Il a un point d’avance dans la situation, le pense-t-il : il n’a pas souhaité cette présence dans son espace. D’ailleurs, Constant, ou qui que fut le commanditaire de cet épisode en cours de déroulement, a oublié une chose : si le Fiole peut se laisser séduire, c’est rarement sur son lieu de travail. Beren a tous les défauts du monde, mais, dès lors qu’il s’agit de science ou de parfums, il a l’habitude de tout classer et tout ordonner consciencieusement ; pour preuve, la façon bien visible dont les instruments et les fioles sont rangés et disposés : par souci de taille, de visibilité – étiquette devant -, par commodité, mais surtout, parfois, par ordre alphabétique. S’il peut se laisser aller à quoi que cela soit, c’est dans l’arrière salle, où se trouve un second atelier, bien plus grand que la boutique, où nul visiteur ne se sera encore aventuré.

Là, sur le côté, il a aménagé de quoi dormir confortablement, de quoi travailler, lire, un grand bureau pour écrire ou travailler sur une formule ou une autre, bref, tout ce qui lui est intime est là, derrière cette porte qu’il a laissée entrouverte et vers laquelle son regard s’en va très régulièrement, anxieux. Qu’on ait violé son amitié, son espace public de travail est une chose, mais cet espace là, personne n’aura encore eu l’audace d’y mettre les pieds. Même si l’atelier secret donne accès sur une cour arrière où sont livrées les commandes du Parfumeur, les ouvriers et livreurs ne pénètrent jamais l’endroit, et seul Beren entre ce qu’il faut dans son espace, de la manière dont il l’entend. Si jamais les caisses sont trop lourdes, Constant doit les apporter à Beren en faisant le tour de la bâtisse, pour les présenter côté boutique, c’est dire ; son meilleur ami est lui-même gardé à distance de ce qui apparaît comme le refuge de Beren, l’endroit où il passe le plus clair de son temps, quand il a mal aux autres, quand il veut être seul, comme lors de cette descente aux Enfers dans laquelle la courtisane l’a replongé en l’appelant « cocu de l’Empire ».

Les yeux à cette lourde, à cette demie-ouverture sur un passé si présent et si avorteur d’avenir, il reste silencieux, un moment, se remémorant un soir d’ivresse sombre, ou, malheureux comme les pierres, il avait tenté d’écrire à Enolia, sa fille chérie, pour lui expliquer son absence, et cette tendance qu’il avait à écrire à n’importe qui, sauf à elle, en ces temps troublés ; chose qui ne s’était pas arrangée depuis ce temps-là, il l’admettait d’ailleurs en ce moment-même, à son grand dam. Le parchemin était encore dans cette pièce, cloué au mur, près de sa couche, pour qu’il n’oublie jamais ses errances, ses absences coupables, ses manques d’affection non souhaités mais bien réels. N’importe qui entrant dans cette pièce aurait pu voir l’écriture de gaucher, pleine de courbes de Beren, avoir couché les mots suivants sur le vélin :




Enolia,


J'écris sur ce que j'endure, les petites morts, sur les blessures, j’écris ma peur, mon manque d’amour, j’écris du cœur mais c’est toujours sur ce que je n’ai pas pu dire, pas pu vivre, pas su retenir, j’écris en vers et contre tous, c’est toujours l’Enfer qui me pousse à jeter l’encre sur le papier, la faute à ceux qui m’ont laissé… Ecrire, c’est toujours reculer l’instant où tout s’est écroulé. On n’écrit pas sur ce qu’on aime, sur ce qui ne pose pas problème… Voilà pourquoi je n’écris pas sur toi, rassure-toi.

J’écris sur ce qui me blesse, la liste des forces qu’il me reste, mes kilomètres de vie manqués, de mal en prose, de vers brisés. J’écris comme on miaule sous la lune, dans la nuit je trempe ma plume, j’écris l’abcès, j’écris l’absent, j’écris la pluie pas le beau temps…

J’écris ce qui ne se dit pas sur les murs, j’écris sur les toits ; écrire, c’est toujours revenir à ceux qui nous ont fait partir. On n’écrit pas qu’on manque de rien, qu’on est heureux, que tout va bien ; voilà pourquoi je n’écris pas sur toi… Rassure-toi.

J’écris quand j’ai mal aux autres, quand ma peine ressemble à la vôtre, quand le monde me fait le gros dos, je lui fais porter le chapeau. J’écris mes bleus** indélébiles ça me paraît moins difficile de dire à tous, plutôt qu’à un, et d’avoir le mot de la fin. Il faut qu’elle soit partie déjà pour écrire « ne me quitte pasé, qu’ils ne vivent plus sous le même toit pour qu’il vienne lui dire qu’il s’en va…

On n’écrit pas la chance qu’on a, pas de chanson d’amour quand on en a...

Voilà pourquoi mon Amour, je n’écris rien sur toi… Rassure-toi…*

Je t’aime,







Il avait pleuré, certes. De détresse, de peine, d’impuissance, d’humiliation, et il s’était terré dans cette pièce, sans rien faire d’autre que de ressasser toutes les horreurs qu’il avait entendues, de bribes de conversion d’imbéciles au marché, à celles, criées sans courage des bouches des crieurs, en passant par celles, claires et pourtant inexactes, de cyniques en taverne. Les gens n’ont parfois d’autre bonheur que de profiter du malheur des autres. Beren en avait fait les frais, vivement, l’amertume de certains combats politiques ayant donné plus de vigueur à certains assauts contre son honneur. Les yeux toujours à la porte, coupe à la main, il mit un certain temps avant de sortir de sa rêverie. C’est la maladresse de la courtisane qui le fit revenir pleinement à la situation actuelle, une lueur d’orage dans le regard. Elle a dû lui parler avant, mais au vu de son attitude, ce qu’elle a dit ne devait pas avoir grande importance. Il l’observe donc à son tour, son regard s’enfuyant vers la porte à sa droite, par à coups, sans mot dire ; la colère sourde qui l’habite couve en son torse pas aussi peu musculeux qu’elle le croit. Si le haut du torse est chétif, voire atrophié, le bas est solide, deux barres visibles aux côtés coulant même vers son bas ventre. Il est vrai qu’elle n’en peut rien voir, mais sans doute sa respiration un peu trop lente lui donnera-t-elle un aperçu de l’ire qui couve sous sa peau.

Il ne fait aucun mouvement pour l’aider, s’amusant même avec une certaine méchanceté de ce qu’elle est peu dégourdie pour servir, et retient une pique sadique de moquerie, par pure rancœur suite à ses mots. Il la regarde se dépêtrer du service, note qu’elle a renversé un peu de vin à la table, et savoure son hésitation à boire, puis, la relégation de la coupe à la table. Elle minaude, elle n’ose pas. Etrange. Ce genre de vin vieux vaut un bras, il le sait. Certaines petits gens ne connaissent rien à rien, décidément. Lui, boit, par petites gorgées, les yeux toujours à elle, par-dessus ses bésicles en demie lune.

Après un certain laps de temps, et pendant qu’elle s’empâte un peu, peut-être devant son silence, il détache son dos de son fauteuil, se lève, et saisit un linge sur le comptoir, après avoir claudiqué jusqu’à lui. Il essuie la table, envoie le linge plus loin, et se réinstalle, tout en l’écoutant.



«- Aimez-vous les devinettes, Seigneur ? … Oui, divertissons-nous ! J'adore les mystères, et le savez-vous ? Ma présence, elle-même, est un mystère...

Il aurait pu sourire poliment, voire gentiment, la candeur de cette femme, en oxymore d’intentions, le poussant à une certaine bienveillance, mais il choisit de demeurer sobre de réactions, d’élever négligemment le sourcil gauche, et d’affirmer, avant de prendre une nouvelle gorgée de vin vieux :

- Votre présence, oui. Mystérieuse ou inopportune. Tout est relatif, n’est-il pas?

Satisfait de son petit effet, souhaitant montrer à la jeune femme qu’elle n’était pas en terrain conquis, il allait savourer cette mini victoire, lorsque le timbre de la voix de son vis-à-vis changea, l’intriguant, et lui faisant perdre cet air blasé préfabriqué. Lors, il l’écouta attentivement poursuivre.

«- Seigneur de Courchaton, nous allons jouer à un jeu et c'est moi qui établit les règles. Je vous pose une question et si vous répondez juste, vous aurez un détail sur moi. Rassurez-vous, vous n'avez absolument rien à perdre. Au contraire, tout à gagner.

Il inspira longuement, un peu perdu dans les intentions de la jeune femme, et, alors qu’il se sait contraint à l’échange, il finit par faire un geste las, de la main, sans grande conviction.

- Soit. Si vous le souhaitez. Votre présence m’est d’ores-et-déjà imposée, autant qu’elle me distraie.

Elle poursuit, et là, le jeu devient intéressant.

«-Si je ne suis pas une putain, qui suis-je ?

Il sourit, malicieux. Il savait manier les mots, il pourrait donc quasiment toujours avoir raison, si les questions débutaient ainsi. Aussi, il répondit, ses prunelles vertes malicieuses se posant à la jeune femme :

- Qui suis-je est une question à laquelle personne ne peut répondre tout-à-fait. Nous sommes bien des choses, et nous-même ne pouvons nous définir. Vous aurez forcément un peu tort en vous définissant, et moi, un peu raison en proposant une réponse. La première qui me vient, puisque vous n’avez pas parlé de nom, mais d’identité… Une inconnue. Une intruse. Une intruse inconnue.

Il allait falloir être plus précise pour coincer le Parfumeur au jeu des mots.


*Zazie, Sur toi.
**"mes bleus" remplace "le blues" initial de la chanson sus-citée.

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Agnesina_temperance
Un air de déjà vu. Un air absent où la mélodie ne sort plus, laissant la Corleone, la bouche entrouverte. Ina était déstabilisée à cet instant-là et une étrange sensation lui fit l'effet d'une guillotine qui la coupe net. La parole s'est absentée, abandonnant sa propriétaire qui lutte pour ne pas se soumettre à ses démons. La vue se noircie, les mains moites sont prises par des spasmes et les extrémités de ses doigts deviennent froids. Qu'est-ce qu'il se passe ?

    Mon adversaire est tel que je l'avais imaginé. Il ne s'en laissait pas conter. Ah le Seigneur de Courchaton n'était pas n'importe qui. Si ma visite ne va pas le laisser de marbre, je pense aussi que je n'oublierai jamais cette soirée. C'est la première fois que je suis réellement en terrain inconnu dans un Comté qui m'est hostile. Il suffirait qu'il enlève mon voile pour qu'il découvre qui je suis. Il suffirait qu'il crie pour les maréchaux m'arrêtent et que je me retrouve en fâcheuse posture. Pourtant, Beren a légèrement réussi à me déstabiliser. Il ne semble pas très content de me voir. Ce n'est pas si surprenant. Les hommes aiment difficilement qu'on les pique. Ah la susceptibilité des hommes. On pourrait en faire tout un roman. Il ne faut pas croire que je n'aime pas les hommes mais ils sont si difficiles à comprendre. Si certaines femmes font des généralités sur les hommes, j'ai compris que les généralités n'étaient pas une bonne chose. Je n'aime pas tous les hommes. Je n'aime pas les ténébreux qui assassinent dans l'ombre. Je n'aime pas les violents. Je n'aime pas les hommes qui pavanent tels des paons. Je n'aime pas les ivrognes. Je n'aime pas les hommes grandes gueules. Je n'aime pas les dominateurs. Tous ces hommes-là, je les fuis car ils ne sont pas dignes d'intérêts. Par contre, si je peux considérer un homme digne de mon intérêt, c'est qu'il faut qu'il sache me surprendre, qu'il manie les mots et qu'il arrive à me mettre en difficulté. Beren correspond à cette catégorie et s'il n'était pas de l'autre côté de la barre, nous aurions pu être de bons amis... Mais il est de l'autre côté de la barre et je n'oublie pas que c'est un ennemi. Qu'il a été un adversaire contre la Spiritu Sanguis quand nous avons pris Poligny. Je ne devrais pas être là. Je devrais me concentrer sur la prochaine prise. Et puis, mon esprit est tourmenté par ce nouveau venu, Vélasco, celui qui m'a sauvé des pattes du drôle. Je crois que je m'attache à lui et pire encore, que je suis en train de tomber amoureuse de lui. Nous prévoyons d'enlever le Cardinal ensemble et cette perspective me réjouit au plus haut point.

    Hum. Je m'égare. Il faut que je me concentre. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Je suis une brigande. Une mercenaire. Une arnaqueuse. Une menteuse. Une future morte. Si certains entendraient mes pensées, ils seraient étonnés que je pense déjà à la mort mais dans cette vie, il est rare que nous vivons vieux. Nous vivons intensément, narguant la mort jusqu'à ce qu'on faiblisse, qu'on use notre jeunesse et que la mort nous fauche. Certains diraient que mes idées sont noires, je ne suis pas d'accord avec eux. Je suis réaliste. J'ai choisi ma vie et je suis consciente des choix que j'ai fait. Aujourd'hui, je joue avec ma liberté. Je joue ma vie. Si on me pose la question de ma présence ici, je prendrais le prétexte de l'exercice. Il faut que j'exerce mes talents d'arnaqueuse et ce n'est pas totalement faux, mais d'autres raisons m'ont poussés. La curiosité. L'envie de frôler un ennemi de prêt et surtout, de voir comment je peux me sortir d'une situation délicate. Je ne veux pas être de ces brigands qui se contentent de voler sans plus de prétention. Je veux marquer les esprits. Je veux la Gloire. Je sais que cette lubie me perdra un jour et pourtant, je ne peux plus reculer aujourd'hui.

    Seigneur de Courchaton, sais-tu que je vais te donner du fil à retordre ? Je n'ai pas pris tous ces risques pour rien.

    Le jeu ne fait que commencer.
    Mais pourquoi, Seigneur, je n'arrive plus à parler ?


Petite, Corleone avait ce teint blanc, jugé cadavérique selon certains inquiets. Si elle avait tout d'une enfant qui ne faisait jamais de caprice, Ina était étrange. Elle ne parlait jamais, se contentant de s'allonger dans la terre et de planter ses ongles dedans. Elle semblait calme mais quelque chose dans son allure était louche et cachait un feu bouillonnant, prêt à ressortir à un moment ou à un autre. Elle avait appris à tricher sur ce qu'elle était vraiment, se laissant docilement éduquer alors qu'une voix en elle, lui disait de se révolter. Ina s'était repliée sur elle-même, ne parlant et ne jouant jamais avec les autres enfants. On la prenait souvent pour une idiote qui n'était pas digne d'intérêt mais parfois, comme aujourd'hui, ce qu'elle a renfermé depuis des années, ressortaient et elle était soumise à quelques crises d'angoisse qui la tétanise complètement. Il suffisait d'un élément déclencheur pour provoquer ce qu'il se passe à l'instant.

    Pas maintenant, Ina. Ce n'est pas le moment. Ne pleure pas, personne ne te consolera. Au contraire. Sois forte. Libère-toi.


Le poing est refermé, la langue passe sur ses lèvres et elle bouge légèrement sa mâchoire avant de toussoter dans son poing. De l'air. Elle manque d'air. Elle prend une grande inspiration et expire fortement. Ina ne comptait pas se laisser dépasser par ses angoisses et se reconcentrer sur le jeu qui venait tout juste de débuter. Ainsi donc, il savait jouer sur les mots. Il était doué et reconnaissait là un pair. Elle commença par reprendre du poil de la bête et sentit que sa parole revenait enfin.


«- Très bon raisonnement, Seigneur de Courchaton. Dit-elle d'une voix sobre pour ne pas laisser transparaître un quelconque trouble. «- Malheureusement, vous avez en partie tord.

En quoi ? Elle laissa planter un silence pour faire cogiter Beren et se redressa. Corleone réfléchissait, sentant que son malaise s'était dissipée. Et c'est là, qu'elle se rendit compte qu'elle venait de dire une bêtise. Aussi, préféra-t-elle rectifier ce qu'elle venait de dire, quitte à ce qu'il lui fasse remarquer qu'elle se contredisait. Cela n'avait pas grande importante.

«- Vous me décevez. Les mots sont lâchés froidement mais voulant lui souffler le froid et le chaud, elle choisit de se radoucir. S'il avait voulu lui montrer qu'elle n'était en terrain conquis, elle, elle mettait un point d'honneur à tenter de conquérir ce terrain en essayant de faire défaillir cet homme comme elle ferait défaillir un maire trop bien accroché à sa chaise de mairie. «- Voyons, Seigneur de Courchaton, concentrez-vous. Partons du principe que je suis une intruse inconnue. Quel serait mon intérêt de venir ainsi voilée et de me faire passer pour une catin ? Pourquoi ? Dîtes-moi. Nous parlons toujours d'identité et non de nom, cela va de soi.

Question de logique.
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