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[RP] Putain j'ai les mains poi... heu, moites.

Astana
Combien de temps ça fait ? Y'a dix jours, ça faisait pas loin de neuf semaines.
C'est pas une science exacte. C'est le blond qui l'a écrit quelque part. Mais quand même. Ça fait.

Tu l'as jouée flipette, Sa Blondeur, c'est pas de ta faute. Ça t'es tombé sur le coin du museau un soir de pleine lune. Peinarde que t'étais à observer ce bout de bide qui grandissait quand les crampes se sont pointées. Alors t'es devenue toute blanche, t'as manqué d'air. Et puis tu t'es raidie. T'as cherché des taches carmin dans le pieu, mais y'en a pas eu. Il a fallu attendre le lendemain, puis le jour d'après, et celui qui suivait encore. Longtemps. Il fallait être sûre, repousser encore l'échéance. Ça aurait pas été possible de répondre aux lettres, ni rien. Et puis pour dire quoi ? Peut-être que je vais crever avec Poite au lit mais je vais bien t'inquiètes pas Blondin, ne viens pas, tu sais que t'as une gueule à tutoyer les anges ? Tu parles.

Dix semaines comme ça. À guetter le sang de Poite. Avant d'admettre qu'il lui avait fort heureusement posé un lapin et que peut-être, retourner vivre avec le blond serait une bonne chose. Parce que dix semaines, bordel. Dix. Sans aucun contact. On pourra dire ce qu'on veut, mais parler à son nombril a ses limites. Tellement que « Poite » a fini par devenir une réelle idée de prénom. Et que non je ne vois pas où est le problème, Poite c'est très joli. Et si c'est un garçon, on l'appellera pareil. Point barre. Tu vois ? Ouais, il était plus que temps.

Tronche d'illuminée oblige, la danoise frappe à la porte de son homme à huit doigts. Ah, elle est fière la bestiole. Elle a vaincu. Même pas si elle se soucie du fait qu'il soit chez lui ou non. Occupé ? Non plus. Il est là. Il doit. Parce qu'elle lui a ramené un cadeau pour se faire pardonner. Des fleurs imaginaires. Non elle n'a pas de fièvre, elle est euphorique - nuance.


- « Putain, j'ai les mains poi... heu, moites. »

Qu'elle capte soudain. Ew. Les mains moites... On a vu mieux comme premier contact physique. Hé ! viens là mon beau que je t'enlace avec mes mains moites et ma gueule d’échappée de l'asile. Je t'ai manqué hein ?
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Johannes
« Dites, vous auriez pas vu Astana ? »
« C'est qui ? »
« Heu, blonde, mercenaire, arrogante. »
« Ah ! Non, pas depuis des lunes. Pourquoi ? »
« C'est ma femme, en fait. Je l'ai perdue. »


Des semaines qu'il rembobine les questions à tous les bons toulousains. Même lui, il sent qu'il radote comme un vieux con, qu'à la limite, il pourrait finir par devenir emmerdant pour les locaux. N'empêche qu'il s'en cogne. Il a perdu sa femme. Avoue que c'est pas banal, un caillou, deux écus, une chemise, ça se perd, mais une femme.


« Elle est grosse. »
« Grosse comment ? »
« Grosse avec mon infant dedans. Dur de la louper. »


Sauf que personne l'a vue, Astana, pas même la sœur, ni le cousin. La danoise envolée. Même qu'il s'est demandé si elle avait pas fini par tout envoyer chier, s'enterrer au fin fond des forêts d'Armagnac pour se l'ôter tout seule, le marmot, à la barbare avec une lame fine. Puis après il a arrêté de se demander des choses, parce que ça le foutait mal, et parce que ça servait à rien.

Johannes s'est terré dans sa baraque, a fini par plus causer aux gens mais s'est mis à papoter avec les pierres de taille. C'est pas contrariant, la pierre, et puis ça rappelle un peu le froid danois. Tes mots ne m'atteignent pas, pauvre vieux. Tu peux chialer, j'bougerai pas, j'suis une pierre, je me contente d'être posée. Et puis finalement, ça a cogné contre la porte. Johannes s'est demandé qui venait l'emmerder aussi tard.

Il ouvre la porte avec une tête de pas avenant, parce que tout de même, il aime pas qu'on l'emmerde et il est tard. Le faible rayonnement des bougies indique une danoise, et il lui faut bien son temps au blond, avant de percuter. Peut-être que c'est une farce. Il bouge pas Blondin, il attend de voir si ça s'évapore ou si c'est bien humain.

Il avance un index vers la danoise qui porte son enfant, histoire d'éprouver qu'elle est bien faite de chair et d'os.
Ça percute.
L'index recule, tout en continuant de pointer vers la direction de madame.
Toi là. Ouais, toi. Sørensen.
Toi tu viens.
On ne sait pas trop bien comment il l'a happée, mais la porte s'est refermée sur du vide.

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[...]
Astana
Les mains en l'air, la danoise se rend sans opposer de résistance. Avec un sourire con.
Elle aurait gloussé, peut-être, s'il avait pas fallu qu'elle s'essuie les mains. Genre maintenant.

Ce qu'elle fait plus ou moins adroitement contre ses bras. Toute agitée.

Ce sont les nerfs qui causent. Du coup elle lui raconte les dix semaines. Comment les douleurs sont arrivées et qu'elle a eu une trouille bleue. Que d'habitude elle n'aurait pas fait sa sucrée - hein, il la connait- mais que là c'était trop. Qu'il pouvait pas être là, pas une deuxième fois. Au cas où. Mais qu'elle lui avait parlé via les coins et la chaise quand c'était possible. Que ses châsses lui avaient manqué. Tout ça. Elle lui raconte la rose blanche de Musteille séchée dans la Conduite, et puis une lettre déprimante accompagnée d'un trèfle à quatre feuilles. Comme si elle comptait faire reposer la vie de Poite là-dessus. Puis qu'elle trouve que Caliana ça fait nom de catin de la Cour des Miracles. D'ailleurs c'est qui ? Hein ? Blondeur n'écoute pas la réponse. Elle tourne en rond, les mains qui frottent ses bras.

Pic d'agitation atteint, elle lui fait face. Et puis là ça part. Même pas elle respire entre ses phrases. Ça sonne tout fou, mais sincère. Il faut qu'elle lui avoue une chose importante. Très. Parce qu'en dix semaines on a pas seulement le temps de se morfondre, on a aussi le temps de relativiser. Et qu'au final, elle s'en tape que Poite soit élevée à la huguenote, que si ça lui tient vraiment à coeur elle sera spinoziste, mais uniquement à la condition qu'elle ne bouffe pas d'herbe. Et que Maleus ne s'en rende jamais compte. Voilà. Tu parles d'une preuve d'amour. La progéniture d'une huguenote qui tournerait adoratrice de la nature. Mais rien de grave là-dedans. Presque pas. Faudra juste pas le dire. De toutes façons ils la garderont enfermée dans une tour comme il l'avait juré.

Plus d'air, ça y est. Astana se pose sur une chaise et finit par la fermer.

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Johannes
Cette femme est folle.
Cette femme parle beaucoup.
En tournant en rond dans la pièce.

Sous la masse des phrases, Johannes ferme sa gueule. C'est rare, de voir une danoise émue. Dix semaines de cogitation dans les dents, tenez, mangez-en tous, il y en aura pour tout le monde. Faut que ça sorte, donc s'il faut que ça sorte, Johannes se contente d'écouter. Là, je pose mon cul sur un tabouret, puisque tu fais des ronds en marchant, et je t'écoute même si j'ai rien demandé. Comme quoi l'instinct de confession, c'est pas réservé qu'aux papistes.

Johannes hoche la tête de temps à autres. Des douleurs. La trouille. Attente du sang de Poite. Il ne demande pas pourquoi elle l'a pas fait mandé, au final, parce qu'il sent que ça risque de tourner à l'engueulade. Sur le moment même, il se promet de pas demander, de même pas en reparler. Naïf mais sincère. N'empêche, n'auriez pas été un peu égoïste sur le coup ? Enfin je dis ça... ouais, non, je dis rien sa Blondeur. A peine je me racle la gorge quand tu causes. Au cas ou.


« Pardon, j'avais un chat dans la gorge. Vous disiez ? Ah, Musteille ? Mus... »
Mercenaires, bêtes à surnoms. Johannes trouve à peine le temps de déduire qui est Musteille pendant que la danoise dégorge. Mais, oui, Musteille. Non ? Caliana maintenant ? Comment ça Caliana ? Comment ça une lettre ? Regarde, je fronce un peu les sourcils. Non, tu vois, j'en savais que dalle, et tellement je suis niais que j'y aurais pas pensé.

« Alors, heu, non, je ne crois pas qu'elle ait jamais bossé à la Cour, c'est une jeune... »
Et Johannes d'exposer en peu de mots son exemplaire fidélité. Ex-em-plai-re. J'ai rien touché. Nulle part. Je suis un saint, Astana, cherche pas et vois comme je t'aime. Ne te marre pas s'il te plaît. Réalisant au bout de quelques minutes que sa Blondeur n'est en rien réceptive à ses exploits de maîtrise des braies, il étouffe les explications par un : « Enfin bref. »

Et puis la danoise se plante devant lui. Oui, tu as quelque chose à dire ? Parce que ça a l'air sérieux, le revirement soudain vers ma pomme. Même qu'il flippe sur les bords le blond, qu'est-ce qu'elle va pondre maintenant ? Qu'est-ce qui est arrivé ? Inconsciemment, il la dépiaute du regard, pour sonder de nouvelles cicatrices. Parce qu'évidemment, t'allais pas me revenir sans une nouvelle marque, hein ? Il a bien fallu que tu te fourres, non, que tu vous fourres, toi et Poite, dans quelque chose.

Un éclair de culpabilité lui passe sur le front d'avoir pensé ça. Parce qu'Astana crache une grande déclaration, et que ça non plus, c'est pas banal. Pour un peu il se sentirait tout con, maintenant que le silence est revenu. Petit craquement de chaise. Blondin, la parole est à vous. Ça vient, ça vient. Il pourrait lui parler de la discussion récente qu'il a eue avec son bon cousin Maleus, résigné à ce que sa cousine consomme un mariage mixte. Mais il n'a pas envie de causer mariage. Et d'ailleurs, il apprend pour la seconde fois qu'il est spinoziste.

Il l'observe son Astana.
Ouais, t'es belle.
Et persuadée que je suis spinoziste.
Encore une de tes idées bizarres.


« Je ne suis pas... »

Ou peut-être que je suis spinoziste.
En creusant un peu. Dans l'idée quoi.
Il gratouille trois poils de barbe.

« C'est heu... Nous en reparlerons peut-être... peut-être plus tard ? Mais je vous promets que Poite ne mangera pas d'herbe. »

Déjà parce que c'est dégueulasse, ensuite parce que je ne pense pas, Astana, que les spinozistes soit une race de brouteurs. Encore que. Encore que tu m'as manqué, d'ailleurs. J'espère tu peux le lire dans mes yeux, parce que je me sens pas de le dire, là.

« Pas d'herbe. Vous savez quoi ? On va déjà tâcher de pondre Poite, de ne plus vous perdre dans la nature et de heu... » Hein. Déjà.

Johannes tend un gant gauche sur le genou de la blonde. En fait, les huguenots et les autres fous furieux du ciel peuvent bien aller crever, je m'en fous, j'ai juste besoin de sentir que tu n'es pas morte.

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