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[RP] Souviens-toi et Retrouve-moi.

Etienne_de_ligny
Dans sa chambre, les traits encore rongés par la fatigue, le Griffé subit les assauts de sa mémoire. En effet, à l’heure où les courtisans sommeillent encore afin de récupérer de leurs nuits et de leurs ébats, le noble quant à lui laisse parler ses souvenirs. Sur une toile, les courbes d’Axelle se dessinent et s’achèvent aux lueurs de l’aube. Des tons d’ocre, de sable, des teintes ensoleillées afin de refléter au mieux la carnation de l’Artiste. De la pulpe de ses doigts, il vient effleurer la toile, estompant quelques traits, étirant la matière afin de peaufiner son esquisse. Loin d’être aussi douce et chaude que la peau ambrée de la Bohème, la peinture suit néanmoins son inspiration et les formes d’Axelle se figent enfin. Sur l’esquisse, elle n’est pas enceinte, bien au contraire, elle est-elle qu’il l’avait prise cette fameuse nuit.

Le travail enfin achevé, Etienne prend du recul et se repose sur le bord de sa couche. Devant l'évidence, il marmonne et grogne.Ce talent de bonne femme va à coup sûr, ruiner mon image de marque…Par réflexe, sa main peinturlurée vient machinalement se loger dans sa chevelure sauvage, teintant alors par maladresse quelques cheveux en jaune foncé. Et merde…Quel con…Agacé, piqué à vif par sa niaiserie, le noble s’empresse aussitôt de rejoindre la salle d’eau afin de plonger son corps entier dans cette baignoire de fortune. Sous les sels qui frottent sa peau, la peinture disparait peu à peu et il ne reste alors plus aucune trace de son talent, si ce n’est l’esquisse elle-même. Un tableau qui d’ici quelques heures ira se nicher parmi les toiles d’Axelle. Elle seule, une fois confrontée à ses souvenirs houleux, pourra reconnaître la signature du De Ligny.

Désormais propre et habillé, son matériel rangé et sa chambre ordonnée, le Griffé regagne l'atelier avec discrétion. Les chambres des courtisanes sont encore closes mais les cuisiniers, ces honnêtes travailleurs, sont déjà au travail et l'un d'eux hausse un sourcil interrogateur. Pour sûr, se balader dans un bordel avec une toile recouverte d’un tissu sous le bras attise quelques curiosités.

Quoi ?! Agressif voir bougon, le Salaud par sa réplique referme aussitôt la bouche rosée de la servante qui s’apprêtait à poser une question innocente. Et ce n’est qu’une fois le fruit tendu en sa direction qu’il comprit que loin de vouloir le questionner sur cette chose qu’il trimbalait sous le bras, elle espérait simplement lui donner un fruit pour son réveil. Toutefois, il n’a pas le temps de s’excuser, ses confrères ne devraient plus tarder à s’extirper des bras de Morphée. Le Griffé se faufile donc entre les couloirs, à pas de Loup avant de retrouver l’air frais du jardin.

L’Empreinte est devant lui et il se glisse discrètement dans les locaux.
En bon habitué, le courtisan jette un coup d’œil intéressé aux outils et matériaux utilisés par l’Artiste. En effet, c’est en se faufilant ainsi en douce qu’il sut choisir son propre matériel et orienter ses choix en fonction des outils présents à l’Atelier. Il n’en est pas à son premier coup d’essai, ni à sa première serrure crochetée. Tiens…Je ne l’ai pas ce pigment-là...
La toile est posée parmi les autres, le tissu plié et rangé avec ceux de l’Artiste et ni vu ni connu, le noble referme les locaux avant de regagner sa chambre.

Le jeu de piste peut commencer.

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Axelle
"L'ingratitude est l'indépendance du cœur."
Hector Berlioz



Froid. Mieldech qu’il faisait froid ce matin là, et encapuchonnée, emmitouflée, bidon tout rond bien à l’abri, la Gitane regagnait son atelier, soufflant dans ses mains pour les réchauffer avant de glisser la clé dans la serrure. Soupir de contentement quand elle retrouva enfin la chaleur diffuse de son refuge, son chez elle comme nulle part, qu’elle n’ouvrait aux visiteurs que pour mieux l’interdire.

D’un geste nonchalant la cape humide fut abandonnée sur l’une des causeuses. Et là, au milieu de la pièce, Axelle finissait de se réveiller, enserrant sa nuque de sa dextre tatouée pour mieux faire rouler sa tête jusqu’à ce que ses vertèbres craquent, répondant présentes à l’appel. Etait-ce le silence troublé ou simplement un estomac affamé qui attira le chat roux - toujours innomé – jusqu’à s’enrouler entre ses jambes en ronronnant ? La Bestiole ne se posa même pas la question, juste interloquée de le voir là quand elle se souvenait l’avoir sorti en partant la veille au soir. Les sourcils se froncèrent, le regard se fit alerte, la main se figea à la ceinture armée. Sens aux aguets, pétrifiée, elle écouta, pourtant, à part le ronron du petit félin, aucun bruit ne filtrait des ombres pigmentés de l’atelier. Alors haussant les épaules, se gourmandant d’être devenue aussi méfiante, elle attrapa son petit tigre, gratouillant son menton, s’amusant de le voir fermer les yeux en allongeant le cou, profiteur invétéré.


Comment t’es rentré toi ? Tu t’es faufilé entre mes pieds hier ! Ch’napan va !

Amusée, elle monta à la mezzanine d’un pas lent, sans s’apercevoir que ses toiles avaient été dérangées. Indifférente à tout, elle ne voyait, ne pensait, ne s’occupait que de ce ventre qui s’arrondissait chaque jour un peu plus. Ingrate certainement, mais pouvait-on réellement lui en vouloir quand cet enfant la consolait de deux autres?

Le lendemain, ou le sur lendemain peut-être, elle aurait à farfouiller dans ses toiles pour une énième retouche sur l’une de ses commandes, alors elle en découvrirait une qui n’était pas de sa main. Elle serait d’abord surprise et déconcertée, en colère aussi peut être qu’un inconnu ait osé pénétrer son refuge en son absence. Puis elle verrait la signature et sourirait en reconnaissant ses boucles brunes dégringoler sur ses épaules nues et menues. Elle sourirait jusqu’à en rire de voir combien le Griffé lui avait caché ce talent là. Et sans doute aucun, elle serait touchée, aussi, de cette attention, comme elle l’avait été des autres, même si elle aurait préféré ne pas en avoir besoin.


Alors guillerette, elle décrocherait le double de la clef de l’atelier et s’engouffrerait dans les couloirs de la maison basse, jusqu’à la chambre vide d’Etienne. Là, gentiment revancharde d’une intrusion, elle déposerait la clef bien en vue sur la table, assortie d’un mot laconique à l’écriture enlevée.

Citation:
Ce sera plus simple que de crocheter la serrure, même si la surprise est magnifique.

Merci Etienne. Merci.

A.


Oui, c’est ce qu’elle ferrait, demain ou après demain, mais pour le moment, elle remplissait une écuelle de lait pour que le petit félin daigne la laisser commencer une nouvelle commande.

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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Etienne_de_ligny
Un double de la clef, une écriture féminine apposée contre le vélin, nul doute, Axelle avait trouvé l’auteur de l’esquisse. Sourire aux lèvres, le courtisan abandonne sa chambre afin de regagner l’Empreinte. Il était encore temps de se faufiler tel un félin entre les couloirs et de quitter à pas de loup les locaux pour enfoncer ses griffes dans l’herbe du jardin. Enfin, devant la porte, le Griffé use de cette nouvelle clef et découvre Axelle, la douce Artiste empreint à son inspiration.

Le ventre rebondi, ses cheveux noirs tombant tel une cascade érotique jusque dans le creux de son échine, son teint hâlé toujours aussi frais malgré la fatigue liée à la grossesse. Les courbes sont plus généreuses, les monts plus galbés et pourtant, elle restait fine et attrayante, la taille toujours aussi marquée et galbée.

Merci pour la clef Axelle…Dit donc, il compte grossir encore ce ventre ou ?...


Intéressé ? Non pas vraiment. A ses yeux Axelle n’était qu’une amante à la différence près qu’elle était avant tout la protégée d’Alphonse. Les choses en entrainant une autre, il s’était trouvé dans sa couche après l’avoir secourue. Bien plus qu’un devoir digne d’un honnête homme, ce fut un devoir envers Alphonse et Aliénor. Cette agression l’avait replongé dans un décor sombre et étroit, celui des ruelles parisiennes. Sous la verbe d’un agresseur, il sut lire dans les iris sombres de l’Artiste cette même détresse troublante qui sut envahir les prunelles d’Aliénor. Néanmoins, Etienne n’avait pu sauver la Bohème et lui éviter souillure, traumatisme et séquelles. Il avait failli…Seulement. Et pourtant, au-delà de la mort de cet agresseur, le Griffé offrit à Axelle sa douceur et sa tendresse, chose qu’il refusait d’offrir sans sentiment véritable.

J’espère que cette esquisse ne te froisse pas trop…

Après tout, Etienne n’était pas l’homme le plus délicat du monde et si d’autres trouvaient dans ses formes aguicheuses et riches une beauté nouvelle, il n’y voyait quant à lui que des emmerdes à venir. Un gosse…Il manquait plus que ça mais alors pourquoi enviait-il Alphonse pour cet être qui grandissait dans les entrailles de la Bohème…

Une idée…Pour les prénoms ?

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Axelle
« Les mots ne paient pas les dettes. »
William Shakespeare



Les chevaux. La Gitane détestait ces bestiaux aux dents trop longues et trop jaunes ainsi que leurs sabots qui d’une seule ruade pouvaient briser un genou et laisser le malheureux qui avait eu la malchance de se trouver à portée, éclopé pour le reste de ses jours, avec en prime d’abominables douleurs, comme ce gamin en Camargue qu’elle avait vu souffrir jour après jour après l’un de ces caprices équidés. Seule sa jument Camargue faisait figure d’exception, s’offrant même le luxe de la monter à cru, car ce canasson là, aux yeux charbonneux d’Axelle n’était plus cheval, mais se voyait curieusement affublée d’un statut tout particulier et totalement incongru de confident. Oui, certainement ces oreilles dressées et poilues en avaient-elles entendu bien plus que n’importe quel pavillon humain. Privilège certain que de ne pas avoir de cordes vocales. Raison pour laquelle, quand on lui demandait d’esquisser une monture adorée au point d’en vouloir un portrait, la Gitane peinait à reproduire les cambrures musculeuses qui la laissait circonspecte et méfiante.


Et c’était à cet exercice périlleux qu’elle s’adonnait quand elle perçut le cliquetis de la clef dans la serrure de son atelier. Elle haussa un sourcil curieux même si seuls deux visages pouvaient se présenter devant ses mirettes, Etienne et Alphonse étant les deux uniques détenteurs d’un double de ses clefs. Et ce fut d’un sourire paisible qu’elle accueilli le Griffé.

Etranges sentiments qu’elle entretenait à son égard. Si cette nuit partagée resterait marquée indélébile à sa mémoire, elle se teintait de tant de ressentis opposés qu’elle était incapable de les démêler. Dès lors que ses pensées pouvaient se perdre au souvenir de la douceur dont Etienne avait fait preuve, l’odeur immonde du gant plaqué sur sa bouche par son violeur chavirait tout dans une frayeur indescriptible. Et l’horreur de ce bassin se frottant lubriquement au sien se voyait doucement apaisés par la voix d’Etienne murmurant à son oreille. Axelle le savait au plus profond d’elle-même, malgré lui, malgré elle, aucun lien ne pourrait jamais vraiment unir la Fouine au Griffé sans être entaché de l’épreuve traversée. Alors, finalement, elle se refusait d’y penser plus avant, acceptant simplement cette gratitude qu’elle conservait en elle pour ses soins, pour sa chaleur, pour avoir servi de remède contre la peur irraisonnée des hommes que l’agression aurait immanquablement figée dans ses veines. Et la seule chose qu’elle était capable de lui offrir en guise de remerciements, était de partager sa passion, ce besoin qui malgré sa vue déclinante lui était vital : la peinture. Sans le savoir, Etienne, par cette toile perdue au milieu des siennes lui avait fourni la seule possibilité d’exprimer sa reconnaissance en lui accordant ce privilège rare. En serait-il conscient, elle ne le savait pas, et ne cherchait pas à le savoir quand elle ne pouvait en donner davantage.

Ne pas lui en donner davantage, égoïste sur la vie qui grandissait en elle, c’est ce qu’elle fit, dodelinant simplement la tête en guise de réponse à la question sur les prénoms. D’une part car non, tant que l’enfant ne serait pas né, en pleine santé, elle ne s’aviserait jamais de lui donner un nom, superstition idiote oblige, quand en outre ses deux autres rejetons abandonnés restaient orphelins de toute appellation. Cette pensée lui arracha un sourire amer, ses propres parents, aussi indignes avaient-ils pu être avaient au moins eu la décence de trouver un prénom pour chacun de leurs cancrelats. Elle y comprit même si l’attention et l’intérêt c’était limitée à ce choix. Mais surtout, cet enfant à venir, n’appartenait qu’à elle. Qu’à elle et à Alphonse, et toute tentative d’intrusion était soigneusement repoussée.
Alors sautant du coq à l’âne pour que le malaise de perdure pas, posant un pinceau englué de noir du crin d’un étalon, elle sortit une bourse de cuir l’air un peu gêné quand pourtant l’idée d’être redevable plus qu’elle ne l’était déjà l’embarrassait bien davantage.


J’voulais t’donner ça avant, mais j’devais finir quelques commandes avant. Il y a cinq cent écus d’dans, pour les frais d’mon séjour chez toi, la nourriture, l’médicastre et tout. Si ça couvre pas, dis-moi, j’rajouterai.


Ainsi était-elle, adepte impénitente de sa liberté à n’être jamais en dette envers quiconque. Et si certaines créances se voyaient acquittés de façon bien détournées, au moins celles financières avaient l’avantage de pouvoir être remboursées avec facilité. Fierté mal placée certainement, mais ainsi en allait-il quand elle n’avait été considérée si longtemps que comme un gagne pain. Etre en dette était comme faire la manche. Et mendiante elle l’avait bien trop été pour s’y plier encore. Chaque blessure avait sa couleur propre. Tant pis ci celle-ci avait la teinte de l’insolence mercantile.

Puis penchant la tête, toujours captivée par l’étrange regard vairon dont le sens persistait à lui échapper malgré la dualité involontaire du Griffé issue du viol.


M’froisser ? Ton esquisse ? Pourquoi j’l’serai, l’est juste magnifique ta toile. Surprise, ça oui, qu’tu m’es caché ça. Son sourire s’aiguisa doucement. Mais promis, s’tu veux j’garde ça pour moi, j’dirai pas qu’t’es rudement doué. Puis s’étirant doucement, gentiment taquine, Mais dis moi c’qui t’amène. T’es pas juste venu pour entendre ma jolie voix éraillée t’passer d’la pommade, si ?
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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Etienne_de_ligny
De l’argent, des mots qui se cachent au fond de sa gorge, une réserve à toute épreuve, Axelle s’enfuit sous un masque bien épais. Blessé ? Etienne pourrait l’être pour cette bourse d’écus qui se tend devant lui et qui lui est proposée comme une compensation à sa générosité. Certes il n’était pas l’homme le plus vertueux qui soit, mais il lui arrivait néanmoins d’être sincère dans ses manipulations. Le noble prend donc la bourse, la soupèse et sourit en coin avant de poser le cuir sur l’une des tables présentes.

Axelle était la femme la plus fière qu’il eut l’occasion de rencontrer et comme les autres, elle ne supportait ni l’indifférence, ni la procuration, ni la comparaison. L’unicité et la reconnaissance, toutes courraient en ce sens sans parvenir à leurs fins, toutes plus avides les unes que les autres jusqu’à ce qu’à bout de souffle, elles en oublient le plus important.
Mais la Bohème, quant à elle, à l’inverse des autres avait réalisé que même si elle ne pouvait être l’unique aux yeux d’Alphonse, à cause de lui d’ailleurs, elle appréciait simplement ce qui la comblait et lui suffisait : la sécurité, la confiance et un enfant. Mais aux yeux du courtisan, ce n’est pas cette qualité première qui lui vient aux yeux mais plus la fierté mal placée de cette dernière. La sincérité n’a pas de prix.

Axelle, on me paye déjà pour mon vit et mes caresses et il me semble que les soins et la tendresse que je t’ai apportés ont une valeur bien plus importante que ces misérables cinq cents écus. Je t’ai offert ce que pour l’instant, seul Alphonse connait de moi. Sache que je suis heureux pour toi et votre enfant. Je n’ai pas eu l’occasion d’en parler avec Alphonse mais je crois que cette partie-là de sa vie ne me regarde nullement. Il a tout comme moi son propre jardin secret. Quant à ma toile, je prendrai plaisir à venir ici à tes côtés pour apprendre et pourquoi ne pas te seconder pour tes commandes.

Doucement il reprend finalement la bourse qu’il lui rend, en main propre. Sa dextre effleure volontairement la nuque d’Axelle alors que son regard dévie naturellement. Les femmes enceintes étaient pour lui, l’alliance parfaite de la corde et de la charpente. Il avait connu trop de confrères retenus loin des beuveries, des frasques, de leur liberté par cette vulgaire "menace" qui ne devrait jamais en être une.

Garde tes écus pour lui. Tu ne me dois rien, rassure toi. Si cela avait été une corvée, j’aurai pu…à la limite accepter les écus mais ce n’était pas le cas. Tu as un corps remarquable…
    Ou tu avais…

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Axelle
Les femmes sont fières, mais les hommes aveugles.

C’était elle qui n’aurait rien du y voir, avec cette vue traitre qui lui échappait à chaque caprice du soleil. Et pourtant, c’était Etienne, tout englué qu’il était dans sa tâche de courtisan qui n’y voyait pas plus loin que le bout de son nez. Sans prendre le recul nécessaire, il semblait comprendre qu’elle ne le prenait que pour ce qu’il n’était pas à ses yeux, un simple pénis dont on use et abuse au gré d’une bourse pleine.


Non… Si la Gitane savait se montrer souvent blessante et mauvaise comme un vin aigre, c’était bel et bien la reconnaissance qui lui tournait les sangs au point de ne pas savoir comment lui dire simplement merci, éclopée des mots qu’elle était, même des plus simples, car trop faciles, justement. Et que pouvait-il y avoir de plus offensant que la facilité dans ces circonstances ? Rien aux yeux noirs de la peintre.

Bourse en main, nuque hérissée à l'effleurement essaimé, Axelle resta suspendue un moment à l’incompréhension planant dans l’air, lourde, trop lourde pour s’absoudre de mots pourtant si difficiles. Remontant le regard vers Etienne, elle harponna ses yeux vairons de l’ombre des siens, sans la moindre hésitation, sans la moindre peur. Privilège d’avoir vécu l’ignominie à ses cotés.

T’comprends rien, t'mélanges tout.
souffla t-elle sans même vouloir savoir si la faute venait d’elle à s’exprimer si mal, ou à lui d’être trop hâtif. Cet argent, c’pas pour ma jouissance dans tes bras. J’paye pas pour ça, corvée ou non, plaisir partagé ou non. De l’allusion à Alphonse elle n’en fit aucun cas, la conversation était entre eux, et bien que fil rouge dans leur vie respective, le Chat n’avait pas sa place, là, à cet instant quand ils n’avaient à parler que d’eux et de ce que les aléas de la vie avaient décidé de tisser pour eux, sans même leur demander leur accord. Crois-tu vraiment que j’puisse t’considérer que comme une vulgaire marchandise ? M’crois tu à c’point futile et idiote pour n'pas voir un peu plus loin que les apparences ou les obligations ? Bon Dieu Etienne, mais t’m’connais même pas, t’sais rien d’moi, ni d’mon passé, ni d’ma vie, alors m’juge pas sans savoir, j'déteste ça. Elle respira profondément, jugulant la colère qui pointait dans son sang trop vif. Etienne, t’as pas à en être d’ta poche pour les frais bassement financiers, c’est ainsi qu’les choses doivent être. J’ai trop mendié pour l’faire encore. Pis n’dit-on pas qu’les bons comptes font les bons amis ? Penses y. Et lui, poursuivit-elle en glissant sa dextre sur son ventre rebondi le regard furtivement triste, c’pas d’écus qu’il aura besoin, mais d’bien plus qu’cette fois j’compte bien donner. Elle se détourna un instant, secouant doucement la tête. C’qu’tu piges pas… c’est que ces cinq cent écus, y valent rien en comparaison d’une simple clef d’bronze. Tu piges donc pas qu’cette clef, c’pas la clef d’un simple atelier, c’est la clef d’mon monde, à moi, rien qu’à moi, qu’j’t’donne, cause qu’j’ai rien d’plus cher à pouvoir t’donner ? Mon corps, mes mains, ma bouche, mes soupirs, tout ça, ça finira en poussière, oubliés dans un coin d’terre, comme toi. Mes mots, suffit d’un sourire pour les faire mentir et leur faire raconter c’que j’veux. Nerveuse de devoir ainsi se mettre à nu, bien davantage qu’elle ne l’avait été lors de cette nuit fortuite, le coin gauche de sa bouche se froissa d’un pli contrarié avant de s’effacer pour ne laisser la vérité que la plus écorchée. Mais c’qu’j’trace sur mes toiles, cette odeur d’pigment qui entête les ignorants, c’moi. Ca restera moi, après. Alors, reviens peindre à coté d'moi, tant qu’tu veux, j'en serai foutrement heureuse, mais seulement s’tu comprends ça. Seulement si tu vois qu’moi j’suis pas aveugle, et qu’la tendresse qu’tu m’as donnée, j’ai bien mesuré qu’elle avait que l’prix d’un bout d’moi, d'un vrai, pas l'futile d'mes seins ou d’mes fesses ou j'sais pas quoi. Laissant finalement retomber son regard sur le sol, elle souffla, vidée, sinon, c’n’a pas d’sens et t’as rien à faire là. Trop véhémente, possible, mais poussée dans ses retranchements, la vérité n'avait pas de fard.
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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Etienne_de_ligny
Touchante.
Alors que le Griffé lui insufflait la valeur même de sa tendresse, Axelle quant à elle, lui rappelle la valeur même de son talent. Ses toiles sont tout ce qu’elle possède, la seule part d’elle qui subsistera en dépit du temps et alors que son corps change et s’adapte au cours des évènements, ses dessins quant à eux, restent intacts et immuables. Une attention unique pour une passion, sa dette était remboursée. Touché par la sincérité et la sensibilité d’Axelle, le courtisan s’approche d’elle afin d’enlacer sa taille. Son souffle se perd alors sur la nuque de l’Artiste alors qu’il abandonne ses lèvres contre l’ambrée de sa peau.

Je comprends tout à fait, Axelle et il est vrai que j’ignore tout de toi. Mais à l’atelier, j’aurai tout le temps nécessaire pour admirer tes toiles et découvrir qui tu es vraiment.


Si pour Etienne une partie des femmes n’était bonne qu’à étancher une soif perverse, certaine dont sa propre sœur savait être digne d’intérêt et il se pourrait bien qu’Axelle par sa sensibilité et son talent sorte du lot. Relâchant doucement son étreinte, il évite tout contact avec ce ventre arrondi, le fuyant comme la peste.

Des quelques esquisses présentent ici lieu…Je me doute que tu n’as pas eu la vie que tu espérais…

Toutefois alors que les paroles se font douces et que sa dextre quitte finalement la chaleur de ses formes, le Griffé peine à retenir ses mots qui n'aspiraient qu'à sortir de ses lippes.

...J’espère qu’Alphonse comblera cette souffrance qui semble être tienne mais sache que je m’interposerai toujours entre tes sentiments et lui et que je veillerai personnellement à ce que son amour pour lui, n’aille que dans un sens.

Cruel ? Peut-être. Mais s’il avait su montrer à Axelle la plus belle partie de son humanité, il n’en restait pas moins que sous cet épais masque d’impassibilité, se cache les traits d’un Salaud qui n’aspire qu’à son propre bonheur. Un amour qu’il ne compte nullement partager.

Je me doute qu’il a dû mettre les choses au clair de son côté et je ne cherche nullement à remuer le couteau dans la plaie. Je te préviens juste et ne voit aucune menace dans mes propos. Je ne porte pas les femmes dans mon cœur et me méfie de leur perfidie...
    Toutes des putains...
    Sauf ma mère et ma sœur, n'est ce pas ?


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Axelle
Si elle le laissa l’enlacer et accepta le baiser déposé à sa nuque comme un acquiescement aux mots qu’elle venait de prononcer, ses mots à lui la laissèrent stupéfaite. Mâchoire qui se casse la figure et billes noires écarquillées. A la stupeur de l’annonce d’un amour dont elle ignorait tout, s’ajouta l’incompréhension la plus absolue de cette déclaration fracassante où nageait une menace évidente.

Possession, jalousie, menace, intransigeance, intrusion, intolérance.

Les substantifs, telle une marrée immonde s’agglutinaient entre ses tempes dans un gout trop connu refluant intact et infect à sa bouche. Et la peur aussi. Celle du Griffé. Il avait raison, elle aimait Alphonse, de tout son cœur, comme on aime un Ami, un Frère, un Confident, un Refuge, un Libérateur, sans que l’idiotie de la passion irraisonnée ne vienne tout compromettre et tout salir. Elle se recula d’un pas, plaquant sa main sur sa bouche quand elle ne savait rien faire d’autre. Quand elle le découvrait, craintif au point de poser avec empressement ses pions sur l’échiquier sans rien savoir de la partie en cours. Et quand il cherchait visiblement à la déstabiliser, une vague de pitié la submergea un bref instant, ignorant qu’il était des risques et de la folie dans laquelle il s’engageait, ignorant encore que rien n’était jamais acquis et que les certitudes n’étaient faites pour être détruites. Paradoxe quand pensant lui agiter sa souffrance sous le nez, c’était le propre piège d’Etienne qui se tendait. Si elle ne possédait pas grand-chose, elle avait appris la leçon, et s’en trouvait forte sous ses airs fragiles. Enseignement appris sur le bout des doigts qui scintillait avec emphase sur l’argent de son alliance offerte en pâture au regard vairon quand sa senestre ne parvenait à délaisser sa bouche muette. Mais ce qui l’éperonna encore davantage fut qu’Alphonse lui-même, lui qui lui avait tenu la main comme il l’aurait fait avec une éclopée, la soutenant à chaque pas qu’elle avait fait pour se redresser, se laisse piéger par ces turpitudes infernales. Et elle eut peur, une peur sans pareil glaçant ses veines de le voir souffrir, encore.

Fous… Inconscients…. Idiots.
Souffla t-elle dans un regard bourré d’inquiétude emprisonnant le Griffé. Cette souffrance dont tu parles, d’inquiet regard se fit tranchant et déterminé qu’Alphonse ne la connaisse jamais. L’ordre était donné, sans concession aucune. Rien d’autre n’avait à être dit tant qu’Alphonse était heureux.

Puis reprenant ses esprits, elle se glissa derrière sa table. Bien. Si t’utilises des pigments quand j’suis pas là, laisse moi un mot, qu’j’m’retrouve pas à court d’couleurs d’vant un client, j’aurais l’air foutrement imbécile d’pas pouvoir honorer une commande. Ma table à dessin et c’qu’y se trouve dessus, t’y touche pas, ni à mes carnets d’croquis, j’fous assez d’bordel toute seule pis t’comprendras qu’ça puisse être indiscret. Y a un chevalet à coté des fusains, mais s’tu préfères une table, ça peut s’arranger, y a la place. S’tu viens quand l’atelier est ouvert, vaut mieux qu’tu t’annonces, ça pourrait gêner un client d’t’voir débarquer. J’crois qu’c’est tout pour l’moment, c’t’va ?

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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Etienne_de_ligny
Fous, inconscients…Idiots.
L’Artiste n’avait pas tort. Hérétiques, sodomites, pécheurs, relaps, ils avaient choisis la voix de la Déraison et du Bûcher, du vice et de la perversion. Néanmoins, la Bohème ne semble nullement se soucier de l’Hérésie, mais bien de la souffrance qu’il pourrait causer au comptable. Ainsi donc, Axelle retourne sa propre menace contre lui et le Griffé se retient de lever la main sur elle.
S’il méprisait les femmes pour leur don incontestable pour la manipulation vénale, ce n’était pas pour être comparé à ces dernières. Jamais le courtisan ne s’était intéressé à autre chose que sa propre sœur et pourtant, il découvrait depuis peu le poids de l’inquiétude, du désir charnel et de la jalousie. Alphonse l’avait poussé au-delà de ses retranchements, le forçant à avouer son attirance pour lui et ce malgré la difficulté de l’épreuve. Il le haïssait, le méprisait et pourtant, il peinait à quitter son étreinte et à refouler son désir, ses sentiments.
Ne t’inquiète pas Axelle. Il ne souffrira pas. Quant à l’Atelier, je passerai de temps à autre en m’annonçant.
    Prends-soin du gosse et d’Alphonse.
    Ne te mêle pas de notre union, tout comme j'évite de me mêler de votre relation.
    N’espère rien d'Alphonse, qu'il ne puisse te donner.
    Les ménages à trois, n'ont jamais fait bon ménage.

Le courtisan ne désire nullement s’attarder et si cette rencontre était l’occasion d’en apprendre plus sur elle, Etienne avait simplement saisit l’opportunité de glisser sa menace et sa condition. Certes Axelle ne semblait pas aussi vénale et pourrie que ces femelles qu’il avait culbutées, mais elle restait une femme, étrange et surprenante de surcroît. Axelle, je sais que je ne suis pas la personne la plus délicate que tu aies pu côtoyer mais malgré ma menace qui n’est en réalité qu’une forte inquiétude, je crois que je suis prêt à te tolérer. Néanmoins, sache-le, peu importe tes manigances, je serai toujours le premier à me porter à son chevet.
Si elle s’attendait à quelque chose de plus fin, de plus charmant, c’était loupé. Cette déclaration était de loin, la phrase la plus sympathique qu’Etienne contienne dans son répertoire. Etienne était prêt à tout pour défendre sa relation, même à pousser une femme dans les orties.

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Axelle
Elle pensait la conversation close, et pourtant, il n’en était rien. A que cela ne tienne, si les choses devaient être mise au clair une bonne fois pour toute, elles le seraient, et tant pis si Etienne la repoussait dans des retranchements qu’elle n’avait pourtant aucune envie de franchir, peu pudique de son corps, elle l’était de ses sentiments et de ses émotions.

Remontant son regard vers le Griffé, le regard juste animé d’une franchise implacable, sa voix était posée et étrangement calme.


Etienne, peu m’importe que tu n’baignes pas dans la délicatesse. T’es ainsi, et si j’m’en offusquais, j’serai pas là à t’faire la causette. J’aime Alphonse, mais pas d’ta manière à toi. J’ai besoin d’lui et j’crois qu’lui aussi à besoin d’moi. L’est ma béquille et j’ai été la sienne. J’l’aime, mais j’suis pas amoureuse. Ca, j’connais, et j’suis pas prête d’m’y rebruler les ailes. Mais si Alphonse à besoin d’moi, j’serai à ses cotés qu’tu le veuilles ou non. Qu’t’m’tolères ou non y changera rien, c’lui qui choisit. Arrêtes d’avoir peur d’moi, j’envie pas ta place, j'la veux pas, j’viens t’dire pourquoi, la passion, la jalousie, la possession, j’veux plus d’ça. Elle secoua doucement la tête, c’trop ravageur. J’me suis même pas encore relevée complètement. Et c’qu’j’sais aussi Etienne, c’est qu’si t’avais pas été là cette nuit là, j’sais pas où j’serai, mais certainement pas là, à savoir encore sourire, alors pour ça, pis pour Alphonse, j’ai vraiment pas envie d’m’battre avec toi. Elle pencha la tête réfrénant l’envie de lui tendre la main. J’voudrais bien apprendre à t’connaître, mais si j’dois t’faire disparaître d’ma vie pour être tranquille, j’le ferrai, peut-être avec des regrets, mais sans remord.

Puis jouant avec une sanguine, laissa le temps flâner avant de commencer à esquisser distraitement.


T’as ta place ici. S’tu veux, j’ai une commande qu’j’arrive pas à finir, t’veux bien m’aider ?

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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Etienne_de_ligny
Ainsi donc il n’avait rien à craindre d’elle et de sa fourberie féminine. Soit. Mais pour l’heure Etienne n’était pas prêt à accorder de son temps. Aliénor, Alphonse, il avait déjà offert son attention aux deux et inviter une troisième personne dans sa vie était un luxe qui devait se mériter. Etienne affiche alors un léger sourire avant de s’approcher de l’Artiste et d’enlacer sa taille. Sa bouche se porte jusqu’à son oreille et doucement il lui offre sa réponse.

Tout se mérite Axelle…Ma confiance et mon amitié. Pour l’heure il n’y a que deux personnes qui ont mérité une place dans ma vie…Ma sœur et le Comptable. Un jour peut-être que mériteras mon intérêt mais, tu es une femme…Et tu sais le mépris que je leur porte.

Un baiser se dépose sur la joue de la Bohème et ses doigts se retirent enfin de ses hanches graciles. Elle lui avait avoué l’essence qui coulait entre ses veines, son don et sa passion pour la peinture. Il lui avait offert la tendresse qu’il réservait à d’autres et là encore, elle désirait partager avec lui, ce goût commun pour les esquisses et la vérité.

Tu as beaucoup de volonté Axelle, je n’en doute pas. Mais j’ai à faire.

Reprenant alors la direction de la porte, il lui adressa un dernier sourire avant de disparaitre. Chaque chose en son temps. Chaque étape devait être franchie à son rythme. Axelle n’était qu’une femme, perfide et fourbe de nature, de celles qu’il préfère baiser plutôt qu’embrasser et étreindre, de celles qu’il préfère bafouer plutôt que considérer et pourtant, elle semblait différente et le Griffé devait remettre en question ces principes…Un pas qu’il n’est pas encore prêt à franchir, même pour elle….Pas encore.

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