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[Rp] Les Rats sont toujours victorieux.

Jehan.fervac.
    « Nous tissons notre destin, nous le tirons de nous comme l’araignée sa toile. » François Mauriac
    *Ambiance*


Dans les petites ruelles, infâmes et puantes, au petit matin, alors que le fumet si caractéristique de crasse, de déjections et de vomis du Quartier Spiritu Sanguis se fait plus léger – doux euphémisme ! – on voit une silhouette, qui il y a quelques instant était assise par terre se lever.

_ Ho put*n…

Grognement sourd, lourd encore des effluves d’alcool de la nuit précédente. Les mains rapidement passées sur le visage, vite, retrouver une taverne, les chiens se font entendre, ils grognent, aboient, déchirent l’estomac qui réclame du répit ou une autre dose pour s’asphyxier encore. La seconde solution fut privilégiée.

Kromman n’a rien de bien singulier, un ivrogne de plus, un pochard, un foutu soulard qui ne pense qu’à sa prochaine bouteille. Il a un fâcheux penchant pour les addictions le garçon. Ce garçon d’une vingtaine d’année (plus ou moins 5 ans a vu de nez, plus proche du plus que du moins ceci dit), des épaules larges, et des yeux sombres, moqueur, très moqueur, il avait toujours l’air de dire « haha, là, je me paye ta tête mon gars ! », et la plus part du temps, c’était le cas. Et c’était d’ailleurs pour ça, qu’à l’heure actuelle il avait été poussé dans une ruelle sombre au lieu de profiter d’un sommeil confortable contre le sein moelleux d’une putain.

Bref, une journée comme une autre dans un quartier pourrit qui sent mauvais.

Un reniflement, coup d’œil à droite, coup d’œil à gauche et zouh, il repart vers la première taverne qui croisera sa route. Enfin, c’était le programme. Mais la première, il ne pouvait pas, pourquoi, he bien, il aurait semble-t-il pisser dans la taverne le soir précédent (selon les dire d’un gardien qui ne semble pas du tout de confiance, donc gros doute quand même !), en bref, fallait trouver un autre débit de boisson.
Bon, je ne vais pas vous mentir, il a fini par le trouver son coin de comptoir, et quelques écus plus tard, une pinte lui atterrissait sous le nez. La magie de l’or, ça fait tout apparaitre ! Le nez dans la mousse, il compta les jours, quand avait-il commencé à boire du matin au soir comme ça ? Un mois, quatre semaines et trois jours… ça allait bientôt finir, il ne lui restait presque plus rien dans les poches. Poches qu’il avait remplies d’une façon plus ou moins glorieuses (moins que plus).

Mais bref.
Un autre jour, une autre histoire.

Il se retourna et contempla la salle, crasseuse. C’est un leitmotiv dites-moi ! Un sourire narquois, y’en avait un qui s’était pas aperçu que sa voisine essayait – avec succès semble-t-il – de lui tirer sa bourse, il était trop occupé à lui reluquer la poitrine, de là, on pouvait presque voir un filet de bave s’échapper de ses lèvres. C’est drôle comme quelque chose qui semble inoffensif peut être quand on regarde de plus près ou sous un autre angle totalement diabolique. C’était quoi ce dicton déjà, ah oui ! Pour la Carotte, le lapin est l’incarnation même du diable. Encore et toujours une histoire de carotte…

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Arsene
    « Peut être connaissez-vous ce repaire,
    Que les gueux de Paris ont choisi pour tanière,
    Ce lieu est un tabernacle qu'on baptise,
    La Cour des Miracles. Joyeux spectacle ! »


    Le Bossu de Notre Dame – La Cour des Miracles.


    La roussâtre est allongée sensuellement sur une couche d'une auberge sordide. Sereinement étendue, le corps décharné est enroulé dans un amas de couvertures de laine. Imprégnée dans les tissus, l'odeur des deux amants, chatouille et nargue les narines de la jeune femme. Étirant ses pensées endormies et ses rêves vers l'époux et ses étreintes passionnées, elle étire un sourire satisfait sur ses carminées. Le temps s'égraine précipitamment, emportant vivement ses précieuses minutes de sommeil. Le soleil et ses rayons chauds grimpent peu à peu dans le ciel. Délogeant la nuit et ses rapaces nocturnes sans aucune considération. Il réclame une place qui est déjà sienne et se fait l'empereur unique de la journée. Dictateur intransigeant qui, pourtant, admire et envie secrètement la lune et ses autochtones noctambules.

    L'étincelle solaire promène un sillon brûlant et bouillonnant sur la peau laiteuse et couverte de tâches de rousseur. Elle achève finalement sa course sur les sinoples fatiguées et vaseuses. Un grognement franchit la barrière fine de ses lèvres et éventre la quiétude de la chambre. Comme l'épée larde le corps de son adversaire et dévaste sa peau. La carcasse s'extirpe péniblement de la paillasse tentatrice. Amante autoritaire et implacable, elle attire les chairs vers des volutes narcoleptiques et débauchées. La chemise usée et tachetée de sang chute sur le parquet aux lames de bois. Le dernier vestige de sa nuit mouvementée s'effondre sans bruit au sol. Fourbue, elle étire sa carne avec douceur.

    L'obscurité de la nuit étant propice aux méfaits et aux exactions, la rouquine s'est fondue dans la brume des ténèbres et s'est mêlée aux badauds. Faune marginale et décalée de la Cour des Miracles. Elle n'a pas de mal à se mélanger aux ribaudes et aux poivrots affalés à même la chaussée, le nez et les joues rougis par un trop plein d'alcool évident. Corleone a sa place toute désignée dans cette assemblée. La couronne tordue de la Cour repose bien sagement sur les trois têtes et gueules béantes du Cerbère. Ombre parmi les ombres, la brindille louvoie et longe établissements et rades afin de suivre avec une discrétion imposée, une silhouette masculine.
    Profitant d'un passage étroit et d'une ruelle sordide, la rousse s'élance, la dague au poing. Le petit corps se presse avec vivacité contre le dos de l'homme tandis qu'une main experte et rodée assiège la bouche de sa proie. La lame s'élève, l'acier brille en croisant un éclat de lune complice et elle retombe, entaillant les chairs tendres d'une jugulaire offerte. L'épée de Damoclès et le couperet ne se font pas désirés mais pourtant l'arme prend un plaisir sadique et cruel à faire languir la mort. La faucheuse n'est pas loin, frustrée de ne pas voir son entrée en piste se faire dans l'immédiat.

    La dépouille encore saignante est abandonnée là et elle s'est chargée d'aller réclamer son dû auprès de son commanditaire. En mercenaire émérite, la jeune femme n'hésite pas à se vendre aux plus offrants. Assurant discrétion et réussite à ses clients, elle met un point d'honneur et prend particulièrement à cœur de vérifier s'ils sont bons payeurs.

    Ce début de journée l'a cueillit trop rapidement à son goût et les larges cernes sur son minois garni d'éphélides semblent quémander quelques heures de sommeil supplémentaires. Elle barde pourtant son corps d'une chemise large, d'une paire de braies bouffantes avant d'enfiler ses bottes graissées par l'usure et la poussière accumulée. La carcasse finit par s'arracher à contrecœur de la chaleur et de la moiteur de la piaule pour atterrir dans le tripot. Un escalier plus bas.
    En quelques enjambées, le comptoir est rallié et les fesses sont vissées sur un tabouret branlant. Les coudes rejoignent le bois briqué et la tête à la chevelure fauve se cale contre une paume accueillante. Les mirettes, curieuses, papillonnent sur l'ensemble de la salle et s'attarde à détailler son voisin. Un brun avec une chopine entre les doigts. Un sourire affable s'étire sur le charnu des lèvres et elle se penche légèrement.


    « Sois galant, paie moi à boire. »

    Sait-on jamais.

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Jehan.fervac.
« Sois galant, paie moi à boire. »

Il l’avait vue approcher, un corps souple, jeune, maigre, un peu trop. Kromman a et avait toujours eu pitié des filles à qui on voyait les côtes, un peu comme pour les animaux, les chiens ou les chats, pourquoi ? Parce que vous n’avez pas pitié vous en voyant un chien tout maigre déambuler dans les rues ? Ho, non pas qu’il ne la trouvait pas jolie, il y’a avait quelque chose d’abyssale dans ses pupilles vertes, quelque chose de sauvage dans cette chevelure rousse, quelque chose d’attirant dans le blanc laiteux de sa peau. Un sourire se dessina sur le visage du brun, il n’était encore tout à fait ivre mort, cependant, il n’était pas non plus tout à fait sobre, cela se voyait dans ses yeux, dans son sourire…

Un signe vers le tavernier, celui-ci n’a pas besoin de beaucoup, il n’a pas besoin de mots, juste un signe pour lui demander de remettre ça, en double. Les chopes apparaissent sous leur nez, Kromman en fait glisser une vers la rouquine.


« C’est presque de la charité…»

Non, il n’avait pas envie d’être aimable. Il savait trop bien que les filles du coin pouvaient vous envoyer au septième ciel comme six pieds sous terre. Il la regardait de face, il n’aimait pas les regards en biais, il les trouve impolie, la frontalité c’est plus son truc. Il la détailla, depuis la pointe de ses bottes usées jusqu’à la racine des cheveux.

« Qu’est-ce que tu veux ? »

Question banale. Question pleine de suspicion, sans la lâcher des yeux, il porta son verre à sa bouche et laissa le liquide envahir l’espace, le goût amer du houblon se diffusa, attaquant les papilles, les énervants avant de s’enfuir vers la gorge et rafraichir la gorge. Le bras reposa la chope sur le comptoir. La confiance ne régnait pas dans le regard du brun. Il faut avouer qu’il ne fait confiance qu’à lui-même et surtout que dans les environs, il fallait mieux se méfier.

Ho on ne peut pas dire que Kromman lui-même était digne de confiance, il avait évalué un peu la poulette, mais ne savait pas vraiment si sa force suffirait à la maîtriser, même s’il arrivait à l’entrainer à l’écart.

La chope tourna dans la main droite, il ne savait pas sur quel pied danser, il ne savait pas quel attitude vraiment adopter, il resterait neutre pour le moment. Il sentait comme un danger, elle était attirante, mais avait aussi cette assurance et cette façon de se mouvoir… On ne peut pas être aussi sur de soi dans ce genre d’endroit sordide et boueuse sans faire partie de cette faune qui prospère dans la peur, la pauvreté, et le crime.

Le sourire se fit narquois. *Et qu’est-ce que tu fais là toi, si tu n’en fait pas partie de cette faune que tu décris ? Avoue, tu aimes cette odeur, cette foule menaçante et puante, tu la cherche cette peur qui fait battre un peu plus ton cœur, ce moment ou tu te sent enfin vivant... avoue…* . Un grognement, il fallait se rendre à l’évidence, il aimait vraiment ce petit frisson de danger quand il marchait dans ces rues à la nuit tombée… Ne croyait pas que Kromman à une petite voix dans la tête, il a juste parfois ce genre de monologue qui s’installe dans sa tête… Bref, comme tous les gens solitaires et silencieux, il meuble le silence dans sa propre caboche.

Il aurait pu parler plus, il aurait pu lui demander son nom, d’où elle venait, mais non. Il s’en fout. Notre cher Kromman n’est pas vraiment un animal social, il se fichait comme de sa première chaussette de savoir quoi que ce soit sur les gens qui l’entourait, tant qu’ils n’entraient pas avec fracas dans sa bulle, tant qu’on ne le forçait pas à s’intéresser, il s’en foutait.

Alors oui, il avait beau ne pas la lâcher des yeux, tout ce qu’il voulait savoir en la scrutant ici, c’était ce qu’elle cherchait à obtenir de lui.

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Arsene
    « La crainte du danger est mille fois plus terrifiante que le danger présent. » Daniel Defoe


    La brindille est affalée avec nonchalance sur le tabouret de bois. Entre les doigts fins de sa main gauche, une chopine, d'où s'échappe quelques relents d'alcool bon marché, est maintenue précieusement. Le récipient se balançant sur les veines boisées et usées du comptoir, au rythme irrégulier qu'elle imprime à sa menotte. Le liquide émettant par intermittence un borborygme de protestation. Les lippes au charnu vermeil concèdent à la gnôle une pause et avalent une gorgée aussi revigorante que nécessaire. Les gouttes appâtent les papilles et dégringolent la cascade de sa gorge. Rafraîchissant et amollissant les chairs et l'esprit. Corleone savoure et exulte silencieusement sa maigre victoire.

    Si la carcasse est fine et les épaules étroites, la rousse n'en est pas moins une belle jeune femme. Les sinoples offrant à l'interlocuteur un vert profond et fascinant tandis que le minois aux éphélides arbore un air sarcastique sur ses traits avenants. Les carminées se tordent en un sourire arrogant alors qu'elles goûtent et s'acharnent à vider avec une rapidité déconcertante la chope pleine. Elle affiche fièrement une maigreur assumée et choisie. Choix douloureux et difficile. Transformation longue et laborieuse dont l'esprit de la frêle n'en est pas sorti indemne. Bardée et bordée de carapaces, elle exhibe un masque de froideur et d'impassibilité toute relative alors que la cervelle vive s'emporte à la moindre occasion. Et déjà, le vermeil s'échauffe, agacé par les mots prononcés. Les pupilles menaçantes toisent et détaillent l'homme lui faisant face. Elles glissent sur la barbe négligée, ignorent les lèvres inintéressantes pour s'arrêter finalement sur les mirettes bleutées. Le vert irrité affronte le bleu insolent.

    La jolie trogne dépeint clairement un masque de mépris et de fierté. La charité est une notion dénigrée et dédaignée par la jeune femme. La petite lionne est agressive mais pourtant le corps fatigué reste sagement visser à son morceau de bois branlant. La deuxième série de mots semblant apaiser la caractère tumultueux. Ils arrivent même à tirer un simili de rictus à sa bouche.


    « La question serait plutôt... Qu'est-ce tu veux toi ? A me provoquer ainsi. »

    Le sourire s'étire finalement un peu plus. Corleone est pleine d’assurance. Plongée au beau milieu de son quartier et parmi les siens. Le Cerbère de la Spiritu Sanguis a déployé ses griffes et fait main basse sur les âmes errantes. L'ombre menaçante de l'animal n'est jamais bien loin et elle en est l'une des manifestations. Sanguinaire et emmerdante apparition.

    « Tu me sembles encore un peu trop frais pour faire parti des poivrots invétérés. Es-tu sûr d'être à ta place ici-même ? »

    Le regard cynique dévie le temps d'un battement de paupières et d'une respiration sur les tonnelets non loin avant de rallier à nouveau les iris de son interlocuteur. Imperceptible geste et silencieuse demande, comprendra qui pourra.

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Jehan.fervac.
    « La crainte du danger, je ne la connais pas. » Kromman.

Un sourire en coin apparut sur le visage pâle du barbu, il se tourna un peu plus vers la rouquine, les pupilles bleutés détaillèrent à nouveau l’interlocutrice. Un tressaillement de moustache plus tard, la bouche encore un peu pâteuse parvint à formuler quelques mots.

« Primo j’provoque pas, je dis ce que je pense, prends le comme tu veux. »

Diplomatie bien sûr.

« Secundo, j’suis frais parce qu’on est encore loin des vêpres… »

Un doigt se leva, un signe fuguasse et trente secondes plus tard deux choppes de bière apparurent de nouveau sur le comptoir. Deux, pas une. Kromman avait bon cœur aujourd'hui, même s’il n’avouerait jamais, même sous la torture que la maigrelette avait fait mouche et piqué son intérêt suffisamment pour qu’il la garde là, tout à côté. Ils n’allaient pas être les meilleurs copains du monde d’ici les quinze prochaines minutes, le grand brun n'envisageait tout de même le contraire, même si la violence était sa catharsis. Et il avait vu son attitude, il avait noté cette flamme agacée dans les pupilles vertes. Elle se maîtrise. Il y avait une carte a jouer, ou a oublier, l'énerver, ou l'amadouer. Choix complexe quand on est dans la peau de ce gars paumé et alcoolisé.

« Tercio, ma place est là où je décide qu’elle soit. Et je suis près à parier que pour toi, c’est pareil. J’imagine qu’on te l’a dit souvent qu’une mignonne comme toi ne devrait pas trainer dans des endroits pareils, mais j’imagine aussi que t’en a rien à faire de tout ça, et que tu veux juste faire les choses comme tu l’entends. »

Ma place est là où je décide qu’elle soit. Voilà une belle phrase bien creuse, il n’avait rien décidé du tout, la faim avait décidé, l’envie avait décidé, l’argent avait décidé. Un reniflement, une gorgée de bière, et la philosophie s’arrêtera là. Il se retourna vers son bout de comptoir favori, les coudes bien écarté, le buste penché vers l’avant.

« J’ai quand même envie de te redemander ce que tu veux… Je ne suis pas un galant, et encore moins un type qui dégouline d’écus, si tu veux vraiment te faire payer à boire sans effort, tu devrais viser le gros et gras type avachit au fond de la salle. »

Il avait beau tourner le dos à la salle, il avait noté et remarqué qui était là. Pas qu’il prévoyait d’attaquer qui que ce soit ce soir, non, mais par simple habitude, il regardait autour de lui et enregistrait quelques informations pouvant être plus ou moins utiles.

La main droit vint frotte le menton, il faisait se geste assez souvent, il aimait bien, c’était un truc de barbu. Les pupilles azurées reprirent le chemin menant vers les émeraudes, c’était de la curiosité, c’était pour savoir qui elle était, ce qu’elle faisait là. Peut-être juste comme lui, cherchant à s’occuper l’esprit pour oublier qu’on est rien, ou peut-être tout à fait autre chose.

Soudain, il cracha ces mots sortant de nulle part, avec presque en empressement faisant penser qu’il voulait lui dire sans vraiment vouloir le dire.


« J’suis Kromman, au passage. »

Putain. Le voilà nommé. Et re-putain, c’est civilisé de dire son nom a quelqu’un comme ça non ? La journée promettait d’être longue…

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Arsene
    « La femme sera toujours le danger de tous les paradis. » Paul Claudel


    Corleone siège fièrement sur un tabouret aux trois pieds branlants, la mine haute et le menton fier. De la gracile silhouette se dégage l'aura menaçante et abjecte des dangers qu'on ne perçoit pas aux premiers abords et des sinoples s'échappent la sauvage lueur d'une animosité difficilement contenue. Elle campe sur le trône improvisé et éphémère des parias, des déshérités et des marginaux de la Cour des Miracles. Les doigts s'aventurent avec une langueur délibérée sur le bois veiné d'un comptoir usé jusqu'à la moelle. Comme une vieille ribaude, il fut lutiné et ciré chaque jour et pourtant il se dresse toujours bravement dans le recoin d'un bouge suintant la luxure et l'humidité. Les digitales flirtent avec les veinures avant de fondre avec la rapidité d'une main entraînée vers le godet d'étain. Les serres se resserrent autour de leur proie et bientôt le goût aigre du fer envahi le carmin d'une lèvre balafrée en son milieu. Le liquide s'écoule dans un goutte à goutte affolé et nerveux et les papilles savourent les nuances pourtant déjà connues d'une gnôle frelatée. Les pupilles tumultueuses vacillent entre le bleuté de ses homologues et le fond de son verre où les reliquats de sa boisson clapotent paisiblement. Au sein de la petite carcasse fourmillent des émotions contradictoires. Le tempérament chaotique de la jeune femme est difficilement contrôlé et devant l'attitude du barbu, le vermeil bouillonne.

    « Les apparences peuvent être trompeuses Barbu. J'ai certainement plus ma place ici qu'toi et j'conchie les pégus qui pensent que c'est pas l'cas. »

    Les zygomatiques tressautent et étirent un sourire sur les babines jusqu'à dévoiler une quenotte aussi aiguisée qu'un croc. Le sourire s'installe progressivement sur le minois, déployant sur les traits juvéniles un air avenant. Les ravages s'étalent en direction de deux prunelles jumelles et s'en emparent sans résistances. Un sourire sincère vient de naître et la trogne en porte toutes les contreparties. Le caractère s'adoucit et l'esprit s'amuse de la situation et des paroles. Lunatique, la rousse se dresse sur son assise pour mieux observer son interlocuteur.

    « C'est certain qu'tu n'es pas un galant, vu la gueule qu'tu traînes mais j'ai d'jà réussi à m'faire payer deux verres. Sans rien faire. C'est un bon départ, mais il n'faudrait pas s'arrêter en si bon chemin voyons. »

    Et le rictus insolent s'élargit largement, distendant l'estafilade rosie qui dénote avec le grenat des ses lèvres et se pavanant sur la frimousse éclaboussée de tâches. Elle s'amuse et teste délibérément le caractère du jeune homme. Corleone lui concède une réponse, les traits redevenant instantanément austères et sérieux.


    « J'cherche des hommes. Suffisamment malins pour savoir t'nir une épée par l'bon bout. »

    Le verre est à nouveau saisi et elle s'empresse de vider son contenu. Le choc de l'étain percutant à nouveau le bois résonne faiblement dans le brouhaha ambiant et elle accueille le prénom d'un bref hochement de menton. L'accent italien prononcé s'invite une dernière fois dans l'air, tandis qu'elle aligne passivement son godet à une rainure du comptoir.

    « Drôle de prénom. Arsène. »

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Jehan.fervac.
    « Ce que nous recherchons, c'est le fruit défendu. Sans lui, le Paradis n'est pas pour nous le paradis.» Alexandre Pouchkine. Extrait d’Eugène Onéguine .


Le barbu ne se dressait pas spécialement fièrement sur son tabouret, lui, il était plutôt courbé, un peu mollasson. Les mains toujours autour du récipient où roulait, plate, la bière ambrée et forte. Les mirettes avaient quitté leur cible, elles erraient dans la salle, il y avait eu des allées venues, des entourloupes et des entrelacements entre temps. Tous les mêmes, gisants dans leurs médiocrités, s’y complaisant, tristesse. Mais qui était-il pour juger, lui-même ne valant pas beaucoup mieux, accoudé là, a conversé sans trop de but ni d’entrain avec la rouquine au regard ravageur.

_ Tenir une épée par le bon bout c’est facile, savoir sans servir sans se faire décaniller du premier coup, un brin moins simple.

Une gorgée de liquide ambré ponctua la phrase.

_ Ça paye ?

Voilà bien la seule préoccupation de notre gars : la paye. Parce que pour lui, qui avait les poches relativement creuses, c’était de l’ordre de la survie la toute suite. Pour une paye dans l’immédiat, il était prêt à s’engager dans tous les pires traquenards. Enfin, quoi que ça il le faisait même quand ses fonds de poches étaient bien remplies.

Tenir une épée, ça, ça s’apprends non ? Et Kromman savait bien jouer des poings, il n’était pas trop mauvais en bagarre, de temps à autre il s’en sortait avec quelques trucs cassés, mais il s’en sortait. Le truc avec les épées, c’est quand même que les champs de bataille sont remplis de « gars pas trop mauvais », mais ceux-là ils se relèvement rarement.

Elle n’a pas demandait s’il savait s’en servir là toute suite maintenant, elle a juste demandé s’il savait la prendre par la bon bout. Alors il n’avait pas besoin de précisé qu’en vrai, il avait toujours été trop pauvre pour porter autre chose qu’un petit couteau dans sa botte et jouer des poings quand il le fallait.

Alors, il était prêt à dire pourquoi pas. Après tout, il n’avait rien d’autre à faire, et il en avait un peu marre de torturer son foie dans ce trou sordide. Et puis pourquoi ne pas essayer, un peu d’aventure, saupoudré d’un peu de brigandage à la mode pirate.

Pourquoi pas.


_ Pourquoi pas.

Non, mais non du con, faut pas penser tout haut. Imbécile, elle t’a même pas encore dit combien elle te payerait !
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