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[RP ouvert] Et l'aube sanglante...

Gabriele.
Le soir, j'avais discuté avec Sianne, comme chaque soir vous me direz, mais celui-là avait une autre saveur. Je lui avais donné les directives concernant ma famille, mon fils, si jamais il venait à m'arriver quelque chose. Mais il y a une chose que je n'avais pas prévu dans cette équation...
J'avais compris le rapport des forces déséquilibré, mais nous avions toujours l'espoir que ça passe malgré tout. Un espoir fou, peut-être un espoir vain, mais Corleone ne recule pas. Notre sang vaut tous les hommes du monde, mais ce soir il gorgera la terre que nous foulons, et qui s'en abreuvera. J'avais rejoins les rangs, étrangement sans aucune appréhension, comme si je sentais déjà ce qui allait se passer. Devant la ville, tout est presque trop calme, pourtant je suis là, au côté des miens, même s'il en manque à l'appel.
Mon père, retenu en arrière, le médecin du clan qui ne serait pas là si jamais quelque chose se passait mal, j'étais là, bien sûr, avec mes maigres connaissances, et je n'avais jamais entrepris de soigner des blessures véritablement sérieuses.
Ma Nordique, disparue je ne sais où, dont l'absence me mine même si je n'en montre rien, à part à une privilégiée. Notre fils est caché, à l'abri de ceux qui pourraient lui vouloir du mal, pour qu'il ne puisse rien voir de la nuit sanglante à venir. Dans la taverne de Lea, aucun ennemi n'irait le chercher pour lui faire du mal.

Corleone ne recule pas. En rang, mes sœurs à côté de moi, Sianne pas loin, la Zia aussi, j'avais sorti du fourreau la rapière italienne que mon père m'avait offert à mon arrivée. Les bruits que nous distinguions de plus en plus fort ne pouvait pas nous tromper. Derrière nous, une autre armée arrivait. Des renforts. Mais pas pour nous...Devant, les défenseurs protégeaient leur ville, derrière, les chiens venaient réclamer leur dû de sang.
Je déglutis. Nous allons être pris en tenaille. Sianne avait raison, nous allons nous amuser cette nuit, mais tout serait bientôt fini. La blonde semble dans le même état que moi. Je l'ai embarqué là-dedans, il faudra que je pense à m'excuser, si nous en sortons vivants.
Mes dernières pensées avant l'assaut. Elles vont à mes sœurs, mon sang, que j'aime au plus profond de moi, quoi qu'on en dise, une prière en un Dieu auquel je ne crois pas pour qu'il les garde tous en sécurité. Ma Daeneryss, mio amore, absente depuis trop longtemps, qu'elle se souvienne combien nous avons été heureux.
Mon fils, qui deviendra aussi fort et aussi beau que le veut son nom.

Corleone. Mia forza.

La charge. Je ne saurais dire qui a lancé l'assaut, eux ou nous, mais face à la menace beaucoup plus importante des soldats derrière nous, c'est contre ce flanc là que je décide de me battre. Tout va très vite. Je blesse deux, trois personnes, dans la mêlée, je garde un œil sur ma gauche, sur ma droite. Je les vois tous autant qu'ils sont mettre à mal ma famille, le sang coule, abondamment.
Mes sœurs sont en mauvaise posture, elles aussi. Je les distingue à peine dans ce raz-de-marée humain. Mais ça me suffit pour dégager mon adversaire actuel d'un coup de pied, profitant de ma taille pour garder en allonge, et foncer dans leur direction, pour me jeter de tout mon poids contre un soldat qui ne s'y attendait pas et écarte de larges yeux sous la surprise. Mon épaule contre son armure, le choc est violent, mais la force de la course lui fait perdre l'équilibre, et j'en profite pour enfoncer mon épée sous son bras, l'aisselle n'étant pas protégée par son armure. Un de moins...
Dix de retrouvés.
Je me fais submerger, moi aussi. Je sens un liquide poisseux au goût de fer envahir ma bouche. Mes yeux se baissent jusqu'à mon ventre, percé d'une épée beaucoup plus large que la mienne. J'essaie de bouger encore, mais mon corps me l'interdit. Mon arme est déjà au sol, piétinée par les hommes voulant la fin de Spiritu Sanguis. J'essaie de parler mais là encore, c'est un effort qui ne m'est pas permis. Un cavalier passant par là décida de m'achever. Une lance dans la cuisse.

Je m'effondre, du sang plein la bouche. Du sang carminant ma chemise d'ordinaire immaculée. Corleone tombe. Tout autour de moi.
Je tombe.
Mia famiglia...

_________________
Archange_par_dae
    Que la grâce s'accomplisse,
    Immortelle jouissance,
    Que les femmes s'unissent dans un parfait accord,
    Rien que pour un instant,
    Que l'éphémère devienne Éternité.*


Le vent souffle doucement, annonçant la tempête toute proche de toi. Mais ce n'est qu'une brise que pour le moment tu ignores, préférant te concentrer sur les principales préoccupations de ta vie. Et pourtant, nul n'ignore que chaque souffle peut être annonciateur d'un ravage, quelqu'il soit. Une simple brise peut attiser une mince flamme, la rendant plus forte et plus ardente que jamais, ravageant d'un feu de Dieu tout sur son passage. Elle peut aussi soumettre les eaux les plus sages à sa colère la plus noire, noyant et détruisant jusqu'à l'espoir le plus infime. Et toi, ce soir, tu as cru bon de ne pas prêter garde à ce vent annonciateur de mauvais sort.

Comme tous ceux que tu appelles "Famiglia" tu te tiens prêt. Prêt à l'attaque ou la défense? Peu importe ce détail, ce qui compte c'est que tu te tiennes debout avec les tiens et que ton esprit ne soit pas dispersé par Eol, ce qui causerait ta perte. Mais aussi celle des êtres qui te sont chers. Tu sais déjà que tu as perdu le feu du septentrion depuis plusieurs nuits déjà. Et c'est pourquoi tu te tiens droit. Présent. Prêt. Mais...
Entends-tu ces cris par delà les remparts ?
Sens-tu le sang couler dans tes veines à toute allure, pour mieux venir malmener tes tempes par de multiples coups de tambour ?
Ressens-tu cette maîtresse que tu renies depuis que tu portes le nom qui fait ta fierté ? Celle dont tu te refuses de prononcer le nom et qui pourtant ne quitte pas tes entrailles sur un champ de batailles ? Oui, toi-même tu sais qu'il s'agit de la peur, et non d'une catin qui pourrait te prendre par la main.

L'heure est venue et l'assaut s'entame. Et toi, tout comme les tiens, tu te tiens là. Prêt à défendre ta vie et chaque goutte du précieux carmin de tes semblables. Des drapeaux, des étendards et des cors ennemis, tu n'y prêtes pas attention car l'instant est crucial. Chaque erreur pourrait être ta dernière, comme cette inattention...
Un.
Deux.
Trois.
Te voilà à terre. Tu as mal. Sans doute n'as tu jamais eu aussi mal de toute ton existence, encore que...

Alors Gabriele, quel effet ça fait de sentir si impuissant face à la rudesse du monde? Si insignifiant face à la cruauté qui t'entoure...? Tout comme toi, Corleone, ils tombent un par un. Comme des grains de sable qu'on manipule sans se soucier de l'âme qui se reflète derrière le regard de chacun, comme le pollen de cette fleur cueillie au crépuscule de sa vie... Et qui mieux que vous connaît l'adage qui dit : mieux vaut mourir debout, que vivre a genoux.

Mais tu n'es pas seul, Gabriele. Car je suis là. Avec toi. C'est à peine si tu me vois et pourtant tu m'entends comme jamais, tu m'entends comme personne. Peut-être que si tu ouvres les yeux, tu reconnaîtrais mes traits fins et délicats, ceux que tu as si souvent chéris et caressés de la pulpe de tes doigts. Ma rousseur te frapperait sûrement autant que cette lame qui t'a transpercée, et cette vision aussi salvatrice soit elle ne serait que l'écho de ta conscience qui te hurle directives et ressentis.
Il y a un temps pour tout. Et si la mort fait partie de la vie, de la nôtre autant que la leur, le temps n'est pas à celui des adieux. Ce soir n'est pas ton soir, et cette heure ne sera pas la tienne.

Ouvre les yeux, Gabriele. Ton destin ne s'arrête pas. Vis! Pour Toi. Pour Eux. Pour Nous! Ouvre les yeux, la Faucheuse ne fera pas de toi son contrat.


* J'veux qu'on baise sur ma tombe - D. Saez
Agnesina_temperance
La main sur le pommeau de sa lame, Ina scrute l'horizon. Figée, elle ne bougeait pas d'un pouce, attendant que l'heure de l'action arrive. Certains diraient qu'elle était dans un mutisme où elle ne pensait plus rien à rien, où elle ne ressentait plus rien, comme une éventuelle prédiction de sa mort prochaine, parce que la Corleone n'était pas dupe, elle y passerait encore. Pourtant, elle était avec les siens, pour ce dernier coup qui solderait sans doute la fin de leur mise à bordel de l'Empire. Parce que Spiritu Sanguis et Hydre avaient sonnés le clairon de la première attaque en prenant Saint-Claude, ils n'auraient pu partir après cette prise, même si elle gardait des rancœurs. Envers les commanditaires externes qui étaient partis en plein champs de bataille et dont un d'eux, avait insulté Ina. Elle le tuera dès qu'elle en aura l'occasion et c'était une promesse qu'elle s'était faite. Parce qu'elle n'aimait pas les lâches et encore moins, ceux qui avaient des prétentions alors qu'un des siens était sans doute mort. Les stratèges l'avaient énervés, car elle ne comprenait pas ce qu'ils faisaient. Pour finir, elle en voulait aux membres de sa famille car durant sa convalescence, elle s'était attendue à des lettres ou à une prise de mairie en l'honneur des blessés pour la vengeance, toussah toussah mais pas du tout. Du coup, elle était en colère.

Elle portait aussi une haine contre l'Empire, parce qu'ils avaient fait couler son sang deux fois, bientôt trois. Ils avaient pris la forme de vache à lait pour la Corleone, c'est-à-dire que dans son esprit, quand elle voudra organiser une fête d'anniversaire pour quelqu'un, elle organisera une prise une mairie de l'Empire, que ce soit la Savoie, la Franche-Comté ou peut-être même, en Lorraine. Cette pensée, à la veille du combat, lui avait donné du baume au cœur et c'était dans une humeur agréable qu'elle était venue discuter en taverne. Juste avant de rejoindre les autres, un moment d'insouciance avait flotté au-dessus des deux tourtereaux. La belle, joueuse, avait couru à travers Chambéry avant que son amant ne la rattrape. Le Visconti et elle-même avaient pris du bon temps. Était-ce dans une couche ? Par terre ? Sur une table ? Près d'une cheminée ? Ou tout à la fois ? Qui sait !

Après l'amour, la guerre. C'est si bon de faire les deux ! Le plan était d'éliminer les défenseurs des remparts pour entrer. Seulement, évènement prévu mais surprenant, ils n'avaient pu entrer dans les remparts et les deux armées ennemis arrivèrent. Elle sortit lentement son épée nommée Dainsleif* qu'elle bichonnait tout le temps. Elle l'aimait cette épée, car elle l'avait forgé elle-même, tout comme sa cotte de maille qui recouvre complètement sa chemise.

Face aux ennemis, Spiritu Sanguis, Hydre et Corleone ne reculent pas. La seule loi était celle de l'Esprit du Sang. Ses doigts effleurent sa médaille réformée, comme pour une dernière prière pour Déos. Ha, la réforme. Beaucoup pensaient que les Corleone et la Spiritu Sanguis étaient réformés, par sa faute d'ailleurs, alors que seuls Ina et Vasco étaient réformés. Les créatures mythiques se dressent, lorgnant son ennemi et montrant enfin leurs crocs.

Les combats se ressemblent tous. Le fracas des lames, les larmes, puanteur les hurlements, les insultes et le sang, où rien n'est logique et cohérent. Un bordel monstre. La peur ne paralysait pas Ina. Non, elle la faisait revivre, car elle était accro à l'adrénaline. Peut-être trop. Un dernier baiser passionné et elle courait sur le champs de bataille improvisée, parce que rester sur place était le meilleur moyen de se faire avoir. Bien évidemment, Ina Corleone n'était pas une grande experte du combat, car ne l'oublions pas, elle a été éduqué par des paysans et avaient beaucoup de lacune à rattraper dans ce domaine, même si elle avait fait des progrès. Son truc à elle ? Taper dans le dos des gens. C'est lâche mais le gars musclé qui a du muscle, elle ne trouvait pas ça très juste non plus et de toute façon, un soldat n'est pas un bon soldat s'il ne surveille pas ses arrières. Telles étaient les pensées d'Ina Corleone, anti héroïne à souhait. Le regard vif, les sens en alerte, elle aperçoit l'arrière d'un casque. Attaquer. Tuer. Pour survivre. Comment l'Homme pouvait arriver à tuer son congénère ? L'un et l'autre camps comptaient parmi eux des pères et mères de famille ? Par idéaux. Et l'idéal d'Ina est de s'enrichir avec les siens, sur le compte des conseillers ducaux, des maires et des paysans, même si certains arrivaient à sortir du lot et attisaient son intérêt, comme ce fût le cas de Nashia. D'ailleurs, comment Nashia réagirait-elle lorsqu'elle apprendrait qu'Ina était dans l'armée qui voulait attaquer Chambéry ? Corleone se délectait par avance de sa réaction. Corleone aimait provoquer, surtout dans ces lettres, même si la moitié des choses qu'elle écrivait, elle s'en fichait comme de ses premières braies. Qu'est-ce qu'elle s'en fichait des paysans qui couraient de taverne en taverne en quête de nourriture ? C'était juste de la manipulation et Ina était très forte dans ce domaine. Juste les siens et les alliés comptaient pour elle. Bon, si elle attendait avec impatience la réaction de Nashia, c'est quand même qu'elle comptait pour elle et fort heureusement, que cette dernière était en convalescence.

Ina s'approchait donc de l'homme casqué qui était de dos quand une ombre surgit devant elle et si elle tenta de riposter avec son bouclier, un coup de lame vient s'abattre sur son corps, transperçant sa peau, s'insinuant dans ses entrailles, arrachant un cri de douleur comme un air de déjà-vu. Il fait sombre et froid, l'ombre est éclairée par la lumière de la lune. Ce que voit Ina, elle ne le croit pas. Satine. L'amie de Vélasco qu'elle avait rencontré un peu plus tôt à Saint-Claude, celle qui lui avait parlé de plage et de bébé. Quel cruel hasard qui fait étirer un rictus narquois à Ina qui, pourtant, n'était plus tellement en mesure de plaisanter. Son adversaire l'avait-elle reconnu aussi ?

Ina était grièvement blessée et continuer à se battre était une mauvaise idée mais pourtant, elle ne pouvait pas reculer. Pour les Siens. Pour les Corleone, pour les Spiritu, pour les Hydres. Parce que eux aussi étaient en train de tomber. Parce qu'eux aussi étaient en mauvaise posture. Elle devait continuer. Titubante, tenant sa blessure en gémissant, son épée toujours dans l'autre main, elle avançait dans le champs de bataille. Elle était prise de vertige, elle sentait sa tête bourdonnait, ses jambes étaient prête à lâcher quand elle leva la lame vers un nouveau adversaire mais ses forces et la vitesse lui manquaient. Un coup d'épée bien placé cette fois-ci l'acheva.

Le corps, qui venait tout juste de sortir de sa convalescence tomba lourdement contre le sol. Les battements du cœur s'accélèrent, avant de s'affaiblir progressivement, comme la respiration.


    Quel est cet endroit ? Tout était brumeux et en face d'elle, une rivière lui faisait face. Le scepticisme d'Ina se marqua par un froncement de sourcil. Qu'est-ce que c'était ce bordel ? Elle se retourna pour se mettre dos à la rivière mais elle ne distinguait rien. La brume l'en empêchait. Elle fit lentement un pas en arrière, de peur qu'un danger du brouillard épais. Elle frissonna car il faisait extrêmement humide. Des coups de rames derrière elle se font entendre et alors qu'elle allait se retourner pour regarder qui était en train de ramer, elle écarquilla les yeux en voyant que la barque était vide et venait s'échouer contre le pont.

    « -Agnésina Tempérance Corleone.
    « -Déos serait-elle en réalité une femme si j'en juge sa voix ?
    « -Plaisante, donc. Tu croyais voir Déos ou la créature sans-nom alors que tu parles si souvent de moi ?
    « -Ha, la Faucheuse donc.

    Et ouais !


__________

* Dáinsleif est mentionnée dans une saga écrite par Snorri Sturluson (1179 – 1241).

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Vasco.
    “ Oh! Ça va mal, ça va mal!
    Tu parles d´un réveil brutal
    Oh! Ça va mal, ça va mal!
    J´ suis convoqué au tribunal
    Oh! Ça va mal, ça va mal!
    Ben voyons donc, moi, j´ai rien fait de mal
    Oh! Ça va mal!
    Wowowo, un instant!

    Madame la Mort, vous devez vous tromper
    Je peux pas déjà m´en aller
    Je suis fringant, en bonne santé
    Pis y a tant de filles que j´ai pas embrassées ”


Un corps appuyé contre le mur de torchis blanc, un autre qui vient l'épouser recherchant toujours plus de promiscuité, des lèvres qui laissèrent une trainée humide sur son passage, des mains qui se firent indécentes semant derrière elles une volée de graines de plaisir, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en voyant ces deux-là partager un rare moment d'intimité, rien ne laissait à penser que l'on était en temps de guerre. Dans cette ruelle sombre du centre de Chambery, Agnesina Corleone et Velasco Visconti laissaient volontiers parler leurs corps et leur envies. Non, non, ne croyez pas que je vais ici vous conter le moindre détails de leurs ébats, sachez juste que cela finit dans une demeure abandonnée construite à une période où la ville était plus populeuse. Pas de voisin, des corps dénudés éclairés par un mince filet de lumière lunaire et qui glissèrent l'un contre l'autre jusqu'à une petite mort qui étanche à peine leurs presque trois semaines de séparation et de d'abstinence forcée. Au travers de gestes inspirés ce soir-là par une grande sensualité, des souffles coupés, des exclamations de bien-être, quelques mots... "Visconti, quand me fais-tu un bébé?"... Tout avait commencé par là. Enfin non. Pas vraiment...

Pour Vasco, tout avais commencé par une première visite en taverne: un endroit sombre, empuanti par l'odeur de graisse de porc qui servait de source d'éclairage. A une table, Elvy l'hydreuse discutait avec une inconnue. En d'autres temps, le bavard sicilien se serait mêlé de la conversation. En d'autres temps oui. Mais depuis leurs retrouvailles avec le reste de la Spiritu Sanguis, ce qui aurait dû être une grande fête s'est transformé en une sorte de soupe à la grimace indigeste et Elvy en était une des victimes collatérales. Depuis cette discussion autour d'un feu de camp avec Enjoy et Arsène, l'attitude de Vasco avait changé envers sa hiérarchie. Tel une huitre, il s'était refermé dans sa coquille pour ne pas étaler son courroux de manière grandiloquente comme seuls les siciliens sont capables de le faire. Amer, il avait quitté la discussion en reprochant à Joy d'avoir jugé de manière aussi partiale que la justice artésienne, de s'être comportée en femme et non d'avoir agi en chef de clan. Les raisons de tout ça? L'attitude du clan vis-à-vis des blessés suite à l'attaque de Sarani au nord de Genève. Des lettres qui auraient du être échangées et qui ne l'auraient pas été. Des trucs de fille dans l'esprit du marin! N'eut été d'Ina, le sicilien aurait quitté la Spiritu Sanguis: avant Chambery peut-être. Une fois toute cette campagne terminée plus surement. Ces broutilles avaient causé une blessure profonde dans l'esprit du marin. La trame du tissu avait été sectionnée avec violence. Le retisser prendrait du temps. Elvy dans tout ça? Un sicilien est vindicatif. C'est là un défaut assez répandu auprès des insulaires. Pour Vasco, Elvy, comme tous, devait choisir son camp...et elle l'avait fait. Tranchant, c'est aussi une autre caractéristique que l'on affuble aux natifs de Sicile.

De Taverne en taverne, Velasco avait fini par entamer une discussion avec le maire de la ville. Il y était question de chapiteau, d'entrevue pour des femmes rousses de la ville qui avaient envie de voir l'Orient. Un instant favorable à l'idée, le De Chenot s'était finalement ravisé lorsqu'il comprit qu'il s'agissait pour le marin de vendre des être humains sachant danser du ventre à de riches sultans de Constantinople, un petit péché mignon très lucratif auquel Vasco s'adonnait. Faute de matière première de qualité cependant, sa dernière transaction dans ce marché peu concurrentiel remontait déjà à plusieurs années. Sianne avait fait son entrée en taverne. Elle s'esquiva lorsqu'elle comprit qu'Ina et Vasco avait besoin d'échanger en tête à tête. Quelques godets de Chianti trouvés là miraculeusement, quelques mots. Un rapprochement. Plus d'esprit que de corps. Oui, tout a vraiment commencé par: "vous ne pouvez pas dire cela en présence de son ex-amant". Une phrase du brigand pas si anodine que cela et qui avait pour but de tendre la main à la Corleone. Une phrase qui voulait dire: "Ina, j'ai envie de te parler. A toi". Quelques instants plus tard, après avoir expliqué qu'ex était relatif à un fait du passé, mais qu'il ne présageait aucunement d'une situation présente ni même future, la complicité revenait dans le couple infernal. Des idées plus ou moins sérieuses furent évoquées... Par exemple? "Vasco, je crois que tu es amoureux"... Ils parlèrent de mariage, de bébés, de mort et même de romantisme. Eh oui! De romantisme! Aussi étrange que celui puisse paraître entre ces deux-là! L'important, pour une fois, n'était pas dans le contenu, dans le fond. La forme l'emportait. Entre eux, les liens n'avaient pas été rompus. Le temps les avait étiré comme il le faisait avec tout à chacun. L'absence de regard, d'un geste de connivence, d'un mot anodin qui se transforme soudain en une pluie d'étoiles, tout cela, ils en avaient été sevrés pendant leur séparation forcée. Et dire que le maire de Chambéry trouvait cela tout naturel d'être ici à gérer sa ville alors que sa femme courait la galipette en Serbie. Pour le Visconti, il existait des impériaux aussi incompréhensibles que des françoys. Tout cela aurait pu finir comme certaines fois, en une dispute mémorable entr'eux. Cette fois-là, c'est à une course-poursuite au travers des rues de Chambéry qu'ils s'adonnèrent. Insouciance, liberté, éclats de rire. Oubliez tous les stéréotypes que vous pouvez avoir sur les brigands sanguinaires de la Spiritu Sanguis, ce soir là, ils ressemblaient plus, une fois n'est pas coutume, à deux amoureux comme il y en a tant. Deux amoureux épris l'un de l'autre. Deux amoureux ayant envie l'un de l'autre. Le reste? Vous le connaissez déjà!

Ce fut Ina qui, la première prit l'initiative de défaire l'entremêlement de leurs jambes. L'heure du rassemblement approchait et l'amante n'oubliait pas qu'elle avait aussi des responsabilités à assumer auprès de la Spiritu Sanguis. Alors qu'elle cherchait à rassembler ses vêtements éparses pour les enfiler, l'esprit embrumé de Vasco, encore porté par une agréable torpeur se délectait des dernières scènes du spectacle qui s'offrait à lui. Impudique, indécent, un spectacle qui tranchait singulièrement avec ce qui l'attendait dans un futur proche. Comme l'aurait dit White de Tiallaz, n'oubliez pas de faire la guerre après l'amour. Et ainsi fut fait...

Devant les remparts de Chambéry, une frénésie s'était emparée de la Spiritu Hydroleone Circus. Tout le monde courait à droite et à gauche. On rassemblait les armes, aiguisait une dernière fois les lames. On testait la solidité des boucliers, resserrait les lacets des chausses. La tension montait progressivement à son paroxysme. Elle céderait le pas à la folie et à l'inconscience lorsque la bataille serait engagée. Les reconnaissances de la journée n’avaient guère rassurées Velasco. Il s'en était même brièvement ouvert à Ina en lui signifiant le nombre élevé de groupes armés qu'il avait repéré aux alentours de la ville. Mais tout cela lui importait peu en réalité. Cela faisait longtemps que la raison n'avait plus court dans l'esprit du Visconti quand il s'agissait de cette guerre. N'eut été de son choix, il aurait ciblé Sarani. Lui chef d'armée, il aurait fracassé la Spiritu Hydroleone Circus contre l'armée de Sarani quitte à encaisser une défaite sanglante et meurtrière en se faisant prendre à revers à White. La tête de la chienne, voilà tout ce qui comptait pour Velasco désormais. Elle devait payer pour le sang qu'elle avait osé faire couler dans les forêts au nord de Genève. Le reste, ça n'avait plus d'importance. Se battre en infériorité numérique? Bah...qu'importe! L'important était que son esprit s'imbibe de l'ivresse de la haine que seule la Fiole Ébréchée était capable de lui dispenser.

Comme toujours en pareille situation, il fallait jongler avec les imprévus de dernière minute. A droite on criait le nom d'Elwenn, la mama Corleone comme elle aimait à se faire appeler. A gauche, on chuchotait les dernières consignes aux recrues. Assis sur un tonneau rempli de bière, le sicilien discutait le bout de gras avec la Dyme. Il s'inquiétait de l'absence de Jeliza Rose qui manquait, elle aussi à l'appel. Les effectifs de leur lance diminuaient dangereusement. Cela ne présageait rien de bon. Si Chambery ne serait que sa deuxième bataille terrestre après Pontarlier, le Visconti avait déjà combattu plusieurs fois en mer. Les abordages étaient plus son élément que l'assaut de villes mais ce soir, il fallait faire avec. Pour cela, il avait choisi de ne pas enfiler l'armure de métal qu'on lui proposait. En mer, et pour cause, seuls les fols en portaient. Il n'était donc pas habitué à ce genre d'encombrement. A la protection, il préférait l'agilité. Son bouclier lui suffirait à éviter les mauvais coups. Son bouclier et...Déos! Enfin...s'il le voulait!

Un combat nocturne. Voilà ce qui avait été décidé. Un assaut lancé à la lueur des torches et des reflets bienveillant de Dame la Lune. Le cœur se mit à pomper plus vite dans la poitrine. Les humeurs guerrières se diffusèrent petit à petit dans le corps du Visconti. Vous savez ce que c'est: sans elle, l'homme est incapable de se comporter en l'animal qu'il doit être sur un champ de bataille. Sans elle, il n'accepte pas la vue des chairs meurtries, des bras coupés, des jambes sanctionnées, des tripes qui s'exhibent sans aucune honte sur le parvis d'une église. Sans elle, il ne peut accepter de voir un crâne se fendre, un os éclater en une myriade d'éclisses. C'est elle qui lui permet d'accepter de risquer de sa vie et de donner la mort. Certaines appellent cela le moral des troupes, d’autres la conviction du soldat ou la frénésie du guerrier. Cette humeur qui se dispensent dans toutes les fibres de son corps, c'est celle qui inhibe la raison jusqu'au point de déraison, un point ancrée dans la folie temporaire et qui parfois glisse jusqu'à son homologue définitive.

Le contact fut âpre, violent. Les cris de douleurs transpercèrent le champ de bataille d'un flanc à un autre. De part et d'autre, le sang des premières victimes inonda la plaine devant Chambéry. Les blessés jonchaient le sol, les suivants cherchaient à ne pas perdre l'équilibre dans cette marée humaine composée de chair et d'hémoglobine. Les défenseurs de la ville, surclassés en nombre, avaient l'avantage du terrain. La chemise du Visconti ne tarda pas s'imbiber de pourpre. Son visage était parsemé de fines gouttelettes de la même couleur. Les gouttes de sueur venaient parfois les rassembler pour s'écouler jusque dans son cou, puis le long de son dos ou de sa poitrine. Aux coups succédaient les coups. Son bouclier portait désormais les multiples stigmates du combat de la nuit. Le bras du sicilien commençait à tétaniser. Les muscles sollicités criaient déjà leur envie de pause lorsqu'une clameur déferla, telle la peste du côté des assaillants.


- Les étendards de l'armée des Sept! White! C'est White qui arrive!

White... S'il fallait éviter une nouvelle, c'était bien celle-là! Non seulement, le rapport de force passerait en leur défaveur mais en plus, ils seraient désormais pris entre l'arbre et l'écorce. Entre les remparts garnis d'un côté et la vague destructrice de l'armée des sept de l'autre. Ceux qui avaient déjà forgé le fer devaient avoir une petite idée de ce qui allait désormais se passer. Et effectivement, la courte prédiction devint vite réalité. Le reste ne fut qu'un massacre sans nom. Le bras déjà profondément entaillé, le Visconti se retourna pour faire face à l'ennemi qui les prenait de revers. Le combat ne dura guère, le cliquetis des épées non plus. Avec une telle densité de combattant, la dextérité perdait tout son intérêt. Un coup violent lui fut porté à la nuque. Les yeux exorbités, la bouche entr'ouverte à la recherche d'un énième souffle de vie, le Visconti mit genoux en terre alors que l'assaillant devant lui enfonça profondément sa lame dans ses flancs pour la ressortir teintée de rouge sur plus d'un pied de long. Le corps du sicilien retomba lourdement sur le sol, face contre terre, inerte. Le bouclier avait cédé sur l'avant-dernière parade, la lame brisée sur la dernière. Au sol, le corps du sicilien fut couverts de coups de bâtons et une lame vint pénétrer ses chairs au niveau de son épaule déjà maintes fois meurtrie. Toute vigueur évacua instantanément son corps, comme aspirée inexorablement par un trou noir cosmique. En moins de temps qu'il ne fallait pour dire "Vasco, quand me fais-tu un bébé?", le nom de Velasco Visconti était porté à la liste des "Killed In Action". Son dernier mot, sa dernière pensée? "Ina...". La nuit avait commencé par une petite mort. Elle se terminait avec la grande sœur.
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Sianne


      « C'est bêtise de déprécier son ennemi avant le combat [...] »
      de Johann Wolfgang von Goethe



    Et Sianne l'avait fait... Elle voyait déjà la Spiritu sortir victorieuse de ce combat, prendre la ville d'assaut et tout piller, se faisant sûrement une fortune au passage. Le plan était pourtant simple. Foncer dans le tas et tout dégommer.
    Tout du moins, c'était ainsi dans la tête de la blonde car elle avait toujours fonctionné de cette façon. Sauf que.. désormais, ce n'était plus possible, ses enfants étaient non loin, dans cette taverne abritée de tous les regards, avec le fils de Gabriele. Elle se demandait encore pourquoi elle les avait fait revenir auprès d'elle. Elle les aimait, oh ça oui ! Mais elle les faisait courir un grave danger si les ennemis les trouvaient.
    Dormez mes petits... Maman revient bientôt.

    Une fois sur le champ de bataille, avec tous les autres, La Spiritu et l'Hydre, tout était calme. Trop calme pour Sianne. Le calme avant la tempête disait-on.
    Lorsqu'elle entendit des pas saccadés dans son dos, elle comprit. Son sang ne fit qu'un tour et se raidit avant de se retourner. Ce n'était pas bon, pas bon du tout. Voire très mauvais pour eux. La chance tournait. Une armée contre deux autres. Ils étaient quasiment encerclés. Son coeur battait à tout rompre, la peur l'envahissant.
    Puis la bataille commença. D'où était parti le premier coup ? Elle ne saurait dire. Le principal était que tout était lancé. Des cavaliers arrivaient droit sur eux dans un premier temps. Il était facile de les esquiver et de blesser les animaux avant les hommes.
    Sianne n'était munie que d'une dague dans chaque main, et un poignard caché en dernier recours. 3 armes, 3 cadeaux. Tous offerts par des hommes à qui elle tenait plus que tout.
    Elle ne savait pas manier d'autres armes, plutôt habituée à brigander sur les routes que les guerres comme celle-ci. La blonde se jurait que, si elle en sortait vivante, elle demanderait à apprendre l'épée et l'arc. Il en allait de sa survie future.


    Et... même si elle se battait, elle ne pouvait s'empêcher de jeter un oeil de temps à autre vers Gabriele, elle lui avait promis qu'elle se concentrerait sur la bataille sans se soucier de lui, mais c'était plus fort qu'elle.
    Un cri échappa de sa bouche lorsqu'elle le vit tomber à terre attaqué par de nombreux ennemis. Ne tenant plus compte de ses assaillants, elle se précipita vers lui, trébuchant sur les cadavres et les blessés qui jonchaient le sol.
    Elle se blessa, prit plusieurs coups sur le passage, mais récupéra un bouclier pour le protéger du coup fatidique qu'il faillit recevoir. Saisissant une épée laissée tombée là, elle l'enfonça dans toutes les parties possibles de ceux qui arrivaient autour d'eux.
    Elle le défendrait, coûte que coûte, des personnes avaient besoin de lui. Elle avait aussi besoin de lui, de sa présence. Plus qu'un ami, il savait la comprendre, la réconforter, la conseiller. La réciprocité était aussi valable. Chacun devait survivre pour l'autre, pour les proches qu'ils avaient.

    Mais... ils étaient trop, beaucoup trop pour elle, la blonde finit par recevoir un coup violent sur la tête puis... plus rien... le trou noir.

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Praseodyme

Praséodyme était remontée. Une fois de plus. Elle connaissait le chemin, depuis le temps. Et cela ne la surprenait plus de se retrouver nue comme un ver (à l'exception d'un petit pampre de vigne introduit au bon endroit, juste pour la censure), au milieu des nuages. Elle poussa la porte de l'accueil. Comme à l'accoutumée, le Très-Haut et le Sans-Nom était en train de se faire une petite crapette. L'enjeu final en était la domination du Monde. Le Sans-Nom trichait éhontément, mais comme le Très-Haut est omniscient, omnipotent, omnivore et omnidirectionnel, il pouvait à sa guise gagner ou perdre, selon son humeur. Il s'en fichait de dominer le Monde, ce qui l'intéressait, c'était de taper le carton avec son vieux pote, un Ange déchu qui c'était recyclé dans divers trafics du Côté Obscur. En fait, le Sans-Nom était en quelque sorte le patron de Praséodyme, qui n'avait pas toujours que des activités blanc-bleu, il faut tout de même bien l'avouer. On l'appelait Sans-Nom, comme ça, mais en fait, Sans-Nom, c'est déjà un nom, tout bien considéré.


Salut Dieu, salut Sans-Nom ! Tu permets que je t'appelle Sans-Nom, Sans-Nom ?

Salut Praséo. Change de vanne, celle-ci est nulle, et tu me la sors à chaque fois.

Salut Praséo. Comme ça t'es remontée ? C'était quand, la dernière fois ?

Ouaip ! Je suis encore tombée sur un crétin qui se prend pour Dieu-le-Père avec son armée à la khon. Et en plus, cet andouille se fait appeler White, Tu vois le genre ... ce mec lave plus blanc, sans doute.


Elle réfléchit.

La dernière fois ? ça doit bien faire six mois. Pareil, un couillon en faucheuse avec une armée de nazes. Y'a plus moyen de circuler tranquille, dans ce foutu pays.

Si tu te tenais peinarde, au lieu de faire ta maline ... Tu restes avec nous, cette fois, ou je te fais redescendre ?

Non, renvoie moi en bas, sans Te commander. Je vais prendre quelques vacances et après j'aurais bien encore deux ou trois bricoles à faire pour le Sans-Nom. Tant qu'il reste quelques villes à prendre, et des bons bourgeois à faire chier, on pourra encore se marrer un moment.

Allez, j'y vais, salut les gars, à la revoyure !


Salut Praséo. Passe à l'ombre.

Salut Praséo. Repasse quand tu veux, t'es toujours la bienvenue.

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Vasco.
    “Entretien avec un vampire.”

    - Hé! Ho! Réveille-toi! C'est pas le moment de flaner! Y'a du boulot qui t'attend!

    Des relents métalliques plein la bouche, l'oeil vitreux, l'impression que la tête allait voler en milles éclats, le Visconti émergeait à peine des brumes de l'inconscience lorsque l'individu s'adressa à lui. Assis près d'une vieille table pleine de gris et de mousses, dans un coin ombragé, un inconny mystérieux observait le corps désarticulé du sicilien qui se trainait au sol. L'homme était vêtu d'une soutane pourpre d'une mitre blanc et un baton tordu qui devait faire office de crosse. L'inconnu tirant sur sa pipe, des odeurs de sauge et de lavande venaient titiller les fosses nasales du sicilien qui cherchait à grand peine à se remettre sur ses jambes. De la pointe de son bourdon, le religieux harcelait les jambes du Visconti pour le presser à se redresser. L'homme, quasi immobile, le suivit du regard lorsqu'enfin il prit place à table, soufflant et ahanant comme un vieil asthmatique.

    - Eh bien! Tu en as mis du temps. Tu as faim? Tu veux boire quelque chose?

    - Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je me suis battu hier soir! Et ça n'a pas été une partie de plaisir, croyez-moi!

    - Hum...Oui. C'est ce qu'on m'a dit. Pas terrible le résultat.

    - Non. Pour ça, on a déjà vu mieux. Vous êtes qui vous?

    - Une chose à la fois Visconti, tu veux? Bière? Vin? Oh, c'est vrai...Tu ne bois pas beaucoup...

    - Ouais! Mais comment savez-vous ça?

    - Si tu savais tout ce que je sais sur toi Vasco! Tu sais, je te suis depuis ta naissance... Dis-moi Vasco, tu te rappelles de la fois où tu as trop bu à Langres, dans le duché de Champagne? Hum?

    - Mais pourquoi me parlez-vous de ça? Bien sur que je m'en rappelle! C'est la fois où j'ai croisé Satine et où j'ai pris une cuite phénoménale...Pourquoi?

    - Oh... pour rien...pour rien! Tu sais que Satine fait partie de l'armée des Sept? Hum? Tu le sais. Oui, je sais que tu le sais. Et tu sais aussi que c'est l'armée des sept qui vous a taillé en pièces?

    - Dites...C'est quoi votre nom pour savoir tout ça? Jeandalf le gris? Sypous? Douzpous? Ah non, je confonds... Douzpous, c'est le nom d'un courtisan à l'aphrodite! Un peu surfaite d'ailleurs sa réputation parait-il... Pourquoi vous me parlez de Satine? C'est elle qui m'a tué?

    Et sur la table, comme par magie, une gravure apparut en lettres cursives enluminées : "Satine m'a tuer". Les lettres de feu restèrent présentes quelques instants. L'inconnu leva ensuite la main et les effaca, simplement en les survolant.

    - Pas loin Visconti! Pas loin... Dis Visconti, tu sais comment on fait les bébés? Non, parce que sinon, je pourrais t'apprendre tu sais...Parait que tu vas en avoir besoin?

    - Mais qu'est-ce que ça peut bien vous faire? Et qui vous l'a dit? Ina? Et puis, c'est très impoli ce que vous faites, vous savez? Vous connaissez mon nom...mais la réciproque n'est pas vraie.

    Sortant de l'ombre, précédé par une nuage de fumée, le visage de l'inconnu émergea à la lumière du jour.

    - Mon nom est personne Visconti!

    - Aristokolès!

    Visiblement satisfait de sa mise en scène, Personne-Aristokolès se leva péniblement à son tour pour venir toiser de toute sa hauteur le sicilien.

    - Bravo Visconti! Bravissimo! Il parait effectivement que c'est ainsi qu'on m'appelle dans certains coins là-bas, sur terre. Je t'avoue que ce n'est pas le nom que je préfère. Il manque...d'éclats!

    - Alors qui êtes-vous?

    - Tu me déçois Visconti! Tu me déçois beaucoup tu sais. Si tu faisais un tant soit peu fonctionner ce qui te sert de cervelle, tu devrais le savoir pourtant... As-tu donc tout oublier? Tu as une mémoire de poisson Visconti? Faut-il que tu te balades avec un bocal sur la tête pour respirer? On en parlait il y a un instant pourtant Visconti. Tu te rappelles ce que tu as fait hier? Je veux dire...après avoir pris du bon temps? Hum?

    - La guerre!

    - Bravo! Et il s'est passé quoi à cette guerre Visconti? La bataille, tu l'as gagné?

    - Non! White est arrivé en renfort. J'ai d'ailleurs été gravement blessé. Je pensais même être...

    - ...Mort! Bravo! Mais que tu es brillant soudain Visconti! Et dis-moi donc Visconti, les morts ils deviennent quoi? Hum? A qui rendent-ils visite? Enfin...quand ils sont brigands et infects comme toi bien entendu! ...ou quand ils sont nobles. Avec eux, pas besoin de mettre d'adjectifs pour les différencier d'ailleurs. Tous dans le même panier! C'est plus facile à gérer ainsi que les brigands, tu sais?

    Avez-vous déjà vu un sicilien en pleine réflexion? Avez-vous vu le visage d'un sicilien s'illuminer quand il trouve la réponse à une question qu'on lui a posé puis soudain s'assombrir quand il prend conscience des conséquences de cette réponse?

    - Le Sans-nom! Vous êtes le Sans-nom!!!

    - Décidément, tu es en grande forme Visconti pour un mort! Bon, maintenant qu'on est intime toi et moi, on peut enfin parler sérieusement? J'ai besoin de toi Visconti! Votre mission mon cher, si toutefois vous l'acceptez, consistera à revenir sur terre pour mettre le plus de chaos que vous le pourrez. Prenez-vous en à l'église et à ceux qui parlent en son nom, volez les pauvres autant que les riches, pillez les mairies et les châteaux, violez ce que vous pouvez...mais tout ça avec classe et élégance! C'est pour ça que je vous ai choisi Visconti! Pour votre classe et votre élégance? Voilà la mission que je vous propose de remplir pour moi en échange d'un retour sur terre. C'est ça ou...l'enfer lunaire que vous voyez derrière moi!

    - Ina! Où est Agnesina Temperance Corleone!

    - Oh...pas loin de nous. Elle discute avec un bon ami à moi!


Quelques part dans une tente au dela des remparts de Chambery, là où avaient été entassé les reliefs de l'armée Spiritu Hydroleone Circus, un sicilien inconscient entre la vie et la mort avait visiblement un onirisme agité.
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Elvy_lee.
« Ca va rentrer comme papa dans la bonne » avait dit le capitaine.
Tu parles ! C'est dans ses chairs à elle que c'était entré. Elle s'était pourtant battue comme une lionne. Au départ, elle avait mis des coups et tout semblait bien engagé mais c'était compter sans l'armée des Septs qui était arrivée dans son dos. Sous ses airs fanfarons, elle est opiniâtre et courageuse mais ils avaient eu raison d'elle, ils étaient trop nombreux.
Ceux de l'armée des Septs, elle les devinait sans même se retourner. Elle avait déjà eu affaire à eux sur les chemins de la Savoie. Pas besoin d'étendard, elle pouvait les reconnaître à leur pas. Ils marchaient en ordre, sans discontinuer, comme un seul homme.
Une rousse l'avait frappée, et puis un homme l'avait blessée et puis... et puis elle était tombée dans une sorte d’inconscience, baignée dans son propre sang.

Elle s'était trainée jusqu'à Chambéry où il lui faudrait rester quelques temps. Alaric lui avait recousu l'entaille profonde du bras, laissant libre cours à ses aspirations artistiques et culinaires, à la façon d'un rôti. Il avait noué le tout d'un air satisfait. Si Musaraigne voyait ça ! Heureusement, il convolait dans un coin perdu de Bretagne. Elle avait donc confié le reste de la tâche à Sandrine, la Berrichonne, qui s'était occupée de sa cuisse avec application. Restait encore une vilaine blessure qu'elle s'évertuait à soigner et à cacher tant bien que mal.
Ce séjour forcé à Chambéry n'était pas véritablement pour lui plaire. On ne pouvait pas dire qu'on rigolait au clan. Depuis le retour des femmes, Gabriele et Vasco faisaient la gueule. Le premier préférait s'isoler et n'avait daigné lui adresser la parole que pour l'accuser de rumeurs dont elle n'avait même pas eu connaissance. Elvy, bien que peu rancunière, avait du mal à faire passer l'affront. Quant à Vasco, il boudait dans son coin. Elle ne savait pas pour quelle raison mais elle s'en moquait. Elle n'aimait pas les lunatiques et elle n'avait pas apprécié qu'il n'ait pas su tenir sa langue concernant les confidences qu'elle lui avait faites. Bien fait pour elle aussi, elle n'avait qu'à se la fermer.

Leur armée n'avait cependant pas été détruite. Elle se trouvait à un noeud de là, menée par Ghaladrielle. Mais ce matin-là, Elvy reçut un petit mot qui lui serra le cœur.


Citation:
Cherche plus, j'ai mourru...
Quels lâches ces gens là !

Heureusement, il reste la roulotte 22, la rouge. On y mange du boudin noir et de la mayonnaise, on rigole et dans ses moments de poésie, sous le portait de Barramine, Kreems lui joue du luth.

Barbu, barbu ♪ ♫
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Daphnee_de_chenot
Daphnée entrait tranquillement dans la mairie pour voir son père. Elle revenait de sa promenade du pont des soupirs. Il y avait souvent des gens qui venaient déclamer des poèmes. Alors elle restait et les écoutait. Ce jour là, elle ne rencontra personne sur le pont.

Il y avait pourtant beaucoup plus de gens dans la ville. Sa femme de chambre Mylène que le courage n'étouffait pas, lui dit de rentrer à leur hôtel. Bien entendu, Daphnée ne prit même pas la peine de lui répondre. Mylène ne servait à rien sauf de chaperon et encore ce n'était pas un dragon qui aurait fuir un homme s'il avait voulu s'adresser à la jeune fille. Ca qui éloignait les hommes de Chambéry, c'étaient les armoiries de la Maison des Ducs de Chenot qui étaient brodées sur sa veste redingote.

Dans la mairie, elle ne salua pas les employés, elle entra dans le bureau de son père mais avait quand même prit la précaution de frapper et d'attendre l'invite avant d'ouvrir la porte. Son père l'aimait comme tous ses autres enfants et il les gâtaient plus que leur mère le faisait, mais il fallait craindre sa colère. Il avait la mine lugubre des mauvais jours et il s'affairait.


- Qu'avez-vous, père ?

Il lui expliqua que les brigands qui avaient sévi en Franche-Comté étaient aux portes de la ville. Cela lui fichu un coup à la jeune fille.
Elle était préparé à se battre, enfin en théorie, parce que pratiquement, elle n'avait même pas d'épée et n'avait que la force d'une toute jeune fille.
Daphnée avait beau être assidue aux entrainement, elle était une jeune fille mince. élancé et pas très musclée d'apparence. Elle saurait se défendre contre un homme, même armé mais contre une armée de soldats ? Ce serait une gageure pourtant elle répondit à son père.


- Je rentre me préparer. On se retrouve sur les murailles.

Son père la regarda un instant interdit puis se rappelant qu'elle était sergent d'armes à l'Ordre des Lames et qu'elle était têtue comme trente-six paires de mulets, il décida de ne point discuter, il n'avait pas assez de temps pour ça. Il lui dit juste de faire très attention et retourna à son travail.

Daphnée sortit du bureau et dit sèchement à Mylène


- Venez ! on doit rentrer en vitesse !

Et comble de l'horreur pour une fille noble dont les parent sont de Haute Noblesse, Daphnée releva ses jupes et se mit à courir dans les rues de Chambéry comme si elle avait le feu qui tentait de l'attraper. Mylène en resta estomaquée.
et suivit comme elle pouvait.

Après le crépuscule, Daphnée était en tenue de combat sur les murailles, il y avait quelques hommes, des volontaires qui l'avaient rejointe, elle n'avait qu'une dague et un bouclier. Son frère était plus loin avec un autre groupe, son père aussi et sa mère ? Sa mère faisait la guerre à l'étranger.

Le combat commença et le combat fini. Et elle n'avait rien vu mais strictement rien. Elle n'avait même pas vu l'armée. Comment cela était il possible ?
Karmelina, la vassale de sa mère qui était dans son groupe a été blessée très gravement, beaucoup de son groupe ont été blessés.
Elle soupçonna qu'on l'avait assommée, non, elle aurait mal à la tête. Elle était comme si elle avait passé une bonne nuit de sommeil dans son lit moelleux. Horreur, elle avait été droguée pour dormir. C'était la seule explication logique. Qui avait osé faire cela ?
Mais devant l'étendu du massacre. Devant se spectacle qu'elle voyait pour la première fois de sa vie.
Femmes et hommes hurlant de douleur et de désespoir, le sang qui coulait, tant de sang ! Les corps des brigands et des savoyards étaient entremêlés, tous égaux devant la mort.
Alors Daphnée, capricieuse et pédante pour cacher sa faiblesse et son sentiment de solitude, ne trouva pas la force d'entrer dans son rôle.
Elle ne demanda aucune explication, de grosses larmes roulaient sur son visage.
Un jour peut-être, elle saurait qui avait voulu qu'elle survive au point de la droguer.

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Vasco.
Ce qui était avant le campement de la Spiritu Hydroleone Circus n'est plus qu'un amas de tentes déchirées, délabrées, tenant à peine debout et entourés de boucliers fracassés, de lames brisées, de lances tordues et autres détritus que la bataille a charrié avec elle. Ça et là, de rares feux ont été allumés pour préparer le repas des blessés et de ceux qui les soignent. Rien. Il ne reste plus rien de cette armée née de l'union de deux bandes de brigands ou de mercenaires selon vos affinités, et qui avait eu l'outrecuidance d'oser défier l'Empire.

La brume matinale commençait à se dissiper. Un vent froid venu de l'est soufflait sur Chambéry, s'engouffrant dans les tentes de fortune. Dans l'une d'elle, un sicilien avait repris conscience. L'homme était contusionné de partout. Le visage tuméfié portait les stigmates de la violence de l'impact subi avec l'arrivée de l'armée des sept. La blessure à l'aine et à l'épaule avait été bien soigné. Les blessures n'étaient pas encore refermées et suintaient régulièrement, teintant la chemise blanche du Visconti d'une couleur pourpre guère attirante. Le coma dans lequel le sicilien avait été plongé avait gercé ses lèvres par manque d'eau. L'homme n'était plus qu'une montagne de douleurs des pieds à la tête.

A son grand étonnement, on avait pris soin de le changer. Ses vêtements étaient propres, comme l'étaient les bandages sur la tête, les bras, sur les épaules et à l'abdomen. Les premiers instants après son réveil furent encore hantés par le souvenir de la bataille. Il eut l'impression de revivre cette nuit sanglante et meurtrière. Il pouvait encore en sentir toutes les odeurs, entendre tous les cris de haine, de violence et de douleur. Il revoyait les lames qui s'enfonçaient dans le corps des brigands, les membres découpés sous l'effet d'un coup net et précis, le sang qui giclent de tous les côtés. Une deuxième fois, il ressentait chacun des coups dont il fut victime et une nouvelle fois, il retomba face contre terre. Tout ça défila dans son esprit. Tout ça s'insinua jusque dans la moindre fibre de son corps et de son esprit. Cette nuit-là, il s'en souviendrait jusqu'au jour de sa mort.

Des nouvelles des autres, il en avait eu quelques unes et elles n'étaient guère réjouissantes. Nombreux avaient été les blessés, plus ou moins graves. Tous, ils y étaient presque tous passés. Il se disait que les restes de l'armée avait été repoussé de Chambéry mais que restait-il au juste de cette armée? Sans doute guère plus que des lambeaux éparpillés aux quatre coins cardinaux. A ses côtés, deux lettres l'attendaient. Toutes d'eux d'Enjoy Corleone. Le sicilien en prit connaissance. Leur contenu ne l'étonna guère et en pareille circonstance, il n'avait pas vraiment la force d'extérioriser ses sentiments. Dans cette tente de fortune, deux réponses furent envoyées. Deux réponses pour deux lettres. Une courte, très courte même. Une plus longue. Les deux reflétaient sa pensée, ans aucune fioritures, sans travestir de quelque façon que ce soit le fond de sa pensée.

L'écriture lui avait pris toute l'énergie dont il disposait. Les paupières du Visconti se firent lourdes et le marin sombra à nouveau dans le sommeil. Lorsqu'il en sortit, l'après-midi tirait tranquillement à sa fin. La vie devait reprendre. Il ne pouvait pas rester ici éternellement, à attendre que ses blessures guérissent. Cela n'était guère dans ses habitudes. S'emparant d'une branche de bois tordue qui trainait par là, il s'en fit une canne de fortune. Or certes, elle n'avait pas le pompeux et la noblesse de celles de Beren de la Fiole Ébréchée mais elle ferait l'affaire. Beren... Ses pensées se tournèrent instantanément vers Ina. Lorsqu'il avait pris des nouvelles d'elle, on lui avait dit qu'elle avait été vue arpentant les rues de Chambéry. Il devait aller la retrouver. Clopin-clopant, cela risquait de lui prendre une éternité pour grimper jusque là, mais qu'importe! Beren... Et dire qu'il allait claudiquer comme lui! Décidément, ça ne serait pas une bonne journée pour Velasco Visconti!

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Satineduval
Les noces de sang, Chambéry

Satine avait suivi sans cesse le groupe armé, ignorant parfois où elle se trouvait, tant la nature se ressemblait, belle, verdoyante, oscillant entre montagnes et plaines, ils étaient même sortis des sentiers battus pour frayer des chemins dans la végétation helvétique, perdus au milieu de nulle part.

Les déplacements incessants avaient demandés des efforts à tous les soldats, parfois manquant de vivres, mais il y avait eu les partages de nourriture, Edwald qui ramenait un sanglier, Kran qui cuisinait son bout de viande et en avait offert, sans compter le lapin enragé de Starkel, que personne n’aurait voulu voir passer à la casserole, ni avaler par contre, sale bête !

De rares moments de tensions, si ce n’était avec le comte Enzo, qu’elle aurait bien vu dans le camp ennemi, tant la Noiraude le trouvait insupportable, et le mercenaire Xerces, qui avait osé lever la main sur la petite Lucie, faisant dégainer dague à Satine, vouge à Ed et fauchon à celui qu’elle dénommait à présent la Brindille. Mais, bien conscients de devoir vivre côte à côte et de surtout, garder les forces pour vaincre l’ennemi, tout le monde avait remis ses armes en place et la tension était retombée.

Elle avait vu aussi une Sarani, tantôt humaine alors qu’elle soignait avec attention un Serguei amoché et contusionné, pour ensuite frémir alors que celle-ci engageait un homme dans son armée, lui laissant carte blanche pour tuer et torturer l’ennemi. Satine n’arrivait pas à intégrer dans son esprit l’idée de pillage des corps, c’était pour elle un comportement sauvage qui ne cadrait pas avec sa vision chevaleresque du combat. Une fois l’ennemi mort, son seul geste était de clore les paupières à celui-ci, puis quitter les lieux sans remord, sans regret, laissant derrière elle tout trophée, ni épées, ni dagues, encore moins des dents dont elle savait certains avides de colliers de dentition.

Le souvenir du récit de la mort d’Elisette l’avait tant choquée qu’elle ne pouvait pas comprendre la cruauté envers les vaincus, la Noiraude n’avait pas l’âme sanguinaire pour un écu, à quoi bon, une fois le corps refroidit et l’âme envolée, tout devait repartir à la terre. Effacer, oublier et continuer.

En cette nuit du 1er mai 1462, La bataille avait eu lieu, intense, terrifiante, les combattants acharnés de part et d’autre. Après deux mois de recherche à travers la Bourgogne, la Franche-Comté, l’Helvétie, ce fût à Chambéry que se finalisait la rencontre entre les brigands et l’Armée des 7.

Elle avait su, en fin de soirée, que l’ennemi serait sous leurs lames et s’y était préparée, concentrée et très déterminée. White avait mené de main de maître toute la poursuite avec l’aide de son Etat –major et de toutes les informations que ses aides et alliés lui fournissaient.

Mettant toute les chances de son côté, la Noiraude avait enfilé son bustier et ses manchons de cuir, protections qu’elle avait pris soin de fabriquer, pour s’occuper l’esprit quand elle avait eu un peu de temps libre et se fût en forme herculéenne que la jeune lorraine se mêla à la bataille.

Débouchant de sa cache, la Noiraude s’était lancée dans la mêlée, alors qu’elle avait perdu la trace de son compagnon, tous deux fondus dans la nuit, Satine ne distinguait que les ombres les plus proches, sans apercevoir celle de Dom. Elle redoubla de concentration, fixant un point qui s’avançait, une femme qui jouait de son épée, comme pour se frayer un chemin vers la vie, tentant de défaire un soldat de l’armée. Prenant le relais, la Noiraude rejoignit l’adversaire, pour découvrir les traits d’Ina Corleone, ce qui lui tira un battement de cœur vite réprimé.

Que faisait-elle là, alors qu’elle la croyait encore en train de panser ses blessures à St-Claude ? L'italienne s’était vite remise sur pied, pour rejoindre les siens et combattre à nouveau. Rien ne lui avait fait changer d’avis, même la petite discussion que les deux femmes avaient partagée quelques jours auparavant.

Et voilà qu’elles se faisaient face à nouveau, mais où était donc le sable chaud ?
Soit..La nuit de noces voulues par les ennemis était déjà bien engagée et Satine y prit part avec vivacité, déviant sur le côté pour porter sa lame contre le corps de son adversaire, la touchant irrémédiablement, bien que le coup fût retenu, pour qu’il ne soit pas mortel. Elle vit Ina tituber et déjà d’autres soldats de l’armée des 7 venaient se mêler à la fête. Vasco devait être forcément quelque part à batailler ferme, personne n’avait souhaité se désister à la dernière minute.

Un brin énervée, la Noiraude serra les dents, puis marmonna, pour elle-même :


Bande de têtes de pioche, je vous avais averti, pourtant ! La plage et vous choisissez une tombe...

Respirant profondément, empoignant toujours fermement son épée, la jeune lorraine tenta de retrouver son compagnon, prenant protection derrière son bouclier, elle chercha en vain, puis alla se poster plus loin pour poser ses yeux myosotis sur le champ de bataille : la noce de sang s’était déroulée selon leur attente, les protagonistes n’avaient faiblis en rien et elle savait déjà que les épousailles sanglantes et terrifiantes n’allaient apporter que plus de rancœur et de colère chez leurs ennemis. Il y avait tant de blessés.

Les cicatrices du corps se refermeraient ou emporteraient leurs rivaux vers l’au-delà. Satine imaginait bien que peu de choses changeraient, pourtant, les survivants ne feraient que s’endurcir.

Essuyant son front du revers de la main, fatiguée, mais heureuse d’être encore de ce monde, elle leva son regard pour observer le ciel, l’aube allait pointer tantôt, immuable, il était temps de reprendre le cours de son existence plus calmement, rejoindre sa fille et son amant, se serrer tout contre eux, pleinement vivants.

Temps de retrouver les jours de paix et de bonheur, oublier les ravages de la guerre et faire place à l'amour, quand même plus agréable que ces noces funèbres où pourtant, tout le monde avait voulu se rejoindre...le monde, décidément, était fou..
Agnesina_temperance
    Un silence plane au-dessus de l'étrange paysage et Ina se demanda si elle rêvait ou si elle avait vraiment rendu l'âme. Tout le monde représentait la faucheuse comme une grande ombre recouverte d'une cape qui tenait une faux. Corleone ne distinguait rien que le vide. Ainsi, c'était ça la vie après la mort ? C'était étrange et incompréhensible. Que devait-elle faire ? Prendre la barque et s'évader ? Avoir de l'audace et essayer de trouver un chemin à travers le brume ? Ou jouer la prudence en restant sur place ? Cette dernière idée lui sembla plus judicieuse.

    « - Pensais-tu réellement que tu pouvais me narguer indéfiniment sans que la vie te soit ôtée, Ina Corleone ?
    « -J'en ai bien profité, donc je ne regrette rien. Je n'ai pas choisi cette vie pour rien et quand j'ai pris ma décision, je connaissais les risques. Est-ce que je te surprendrai, Faucheuse, si j'te disais que je ne pourrai pas vivre comme tout ces paysans qui cultivent leurs champs ? Je n'ai pas envie de crever comme un chien et dans l'ombre. Ces gens-là acceptent leurs sorts et sont donc, des faibles. Au final, tout ce qu'ils gagnent, ils le donnent aux impôts et nous, on vole les deux : Les impôts et les paysans. C'est ainsi...
    « -Parce que tu n'as pas d'estime pour les autres.
    « - Exactement. Quand j'étais enfant, les maréchaux ont attrapés un homme qui avait volé une pomme et il avait été condamné à être mis au pilori. Les autres... Sais-tu ce qu'ils ont fait ? Ils lui ont crachés à la face et lui ont balancés des légumes pourris. J'ai su à ce moment-là que personne n'avait d'estime pour personne et ils ont pris du plaisir à humilier cet homme. Pourtant, au fond, tout le monde comprenait son geste, parce que nous avions tous faim.
    « -Et après, tu diras que tu n'as pas d'estime pour personne, Corleone...
    « - Tu crois que je suis devenue ce que je suis à cause de cet homme ? Peut-être, mais je suis convaincue que ma véritable nature était en moi depuis ma naissance et même si on l'a bridé, elle est restée jusqu'à ce que je rencontre les miens.


    Le silence de nouveau. Juste la respiration de la Corleone était perceptible. Rien n'avait bougé. La brume était toujours présente. La barque flottait encore. Les flots étaient calmes, presque immobiles. Nul luminosité venait éclairer ou réchauffer l'atmosphère. Soudain, la brume s'assombrit et tournoya pour prendre une forme quasi-humaine.

    « - Tu as choisi de t'envoler de l'autre côté. Originaire de la religion aristotélicienne romaine, tu voulais atteindre la Lune pour briller à ses côtés telle l'Etoile du Nord. Aujourd'hui que tu as adopté la religion réformée, où crois-tu que tu vas aller ?
    « -Hum... Le Jardin des Délices comme la Montagne de la Désolation me va très bien, tant que j'peux encore foutre des gnons et briller. Ha et surtout, même s'il bavarde pour un régiment entier, je veux être avec Vélasco. C'est que j'y tiens, hein ? Au fait, la Faucheuse a déjà connu l'amour ou une ombre ne peut aimer ?
    « -La provocation n'amène que des problèmes. Elle amène la mort et quand on nargue la mort, on la trouve.
    « -Ha ça... Maintenant que j'suis devant toi, je parie que j'dois choisir entre revenir à la vie ou partir avec toi ?
    « -Ce n'est pas aussi simple.


    Corleone croisa les bras, sentant ses nerfs à vif. Pas aussi simple, elle n'aimait pas cette phrase. Pour elle, soit c'était noir, soit c'était blanc. Le gris était pour les hésitants. Cependant, Ina se méfiait, car la Mort était imprévisible.

    « -Pas aussi simple... La Faucheuse voudrait-elle flouer sa plus ancienne ennemie en refusant que je revienne à la vie ?
    «- Ton jeu est clair comme de l'eau de roche, Corleone. Tu ne peux tenter de manipuler la Faucheuse, car Elle sait tout. Tout ce qui est sombre en toi. Tout ce qui constitue ton âme. Tes peurs, je les connais. Tes ambitions ne m'échappent pas. La Faucheuse n'est point mortelle, telle Déos, je suis omnisciente.
    « -Prêcher le faux pour savoir le vrai n'a jamais été de la manipulation mais un outil pour savoir. Dans ce bas monde, il faut bien survivre comme on peut. La manipulation est plus subtile. Il faut créer les conditions pour. En fait, la manipulation est comme l'escamotage*, il faut savoir être agile et détourner l'attention. Ce n'est pas si facile et je n'oserai jamais... Manipuler la mort.
    «- Corleone. Tu uses ta tête pour rien.
    «- Me voilà, démasquée par la Faucheuse... Cependant, Elle n'a toujours pas répondu à ma question. Pourquoi n'est-ce pas aussi simple ? Parce que si la Faucheuse est la meilleure ennemie de la Vie, la Vie est aussi la pire amie de la mort. Elle n'a donc aucune raison de me garder avec elle, surtout qu'elle fauche des vies tous les jours. Une de plus, une de moins...


    Question de logique. Pourquoi est-ce que la Mort s'attarderait sur le cas d'Ina alors qu'Elle fauchait bon nombre de personne par jours. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Une personne morte. On estime une personne morte toute les huit secondes. Alors, pourquoi ?

    « -Tu te crois vraiment importante, Ina. Je ne te retiendrai pas si tu décides de revenir à la vie. Les coups d'épées n'ont pas épargnés ton corps et il est abîmé. Si tu décides de retourner auprès des tiens, une partie de toi portera un stigmate.
    «- Pardon ?
    « -Tu n'auras pas d'enfant.


    Comme si on lui donna un coup de poignard, Ina encaissa le coup difficilement et aucun son ne sortit de sa bouche - pourtant - bée. Dire que la Corleone voulait un enfant. La Faucheuse était autant chienne que la Vie. Les lèvres tremblent.

    «- J'adopterai des chats...
    « -Jamais montrer ses sentiments, hein ? Ainsi soit-il.


    La forme fonça et plaça sa main noire vers le ventre sa Corleone qui écarquilla les yeux. Une immense sensation de brûlure.


Dans une tente, Corleone ouvre les yeux.
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