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[RP] La prochaine fois

Fulgur_
[Quelque part, au cours du Ier siècle]

L'air est étouffant, j'ai du mal à respirer.

Il fait une chaleur qui rend complètement fou, qui donne l'envie de tuer...Et c'est d'ailleurs ce qu'il va se passer. Le jour passe à travers les grilles des cages, m'éblouissant alors que la clameur de la foule dans les tribunes de l'arène fait bouillir mon sang. J'ai peur, je suis excité. Le sang tambourine à mes tempes alors que je finis de fixer les sommaires protections que l'on m'a attribué pour cette après-midi de combat.

Je n'ai plus de prénom, on m'a retiré mon identité lorsque j'ai été fais prisonnier lors d'une bataille, pour être revendu comme esclave. De solide constitution, avec mon passé de soldat, j'approche la trentaine, et je sais que contre ces jeunes chiens avides de survie, je ne peux compter que sur mon expérience. J'ai été vendu à bon prix...
Aujourd'hui, je suis devenu ce qu'on appelle un Gladiateur. Je ne dois ma survie qu'à mes talents de combattant, et le bon vouloir des sénateurs pour qui je me produis. Cela fait quelques années que je fais le tour de l'Italie dans une cage, m'arrêtant pour satisfaire l'appétit de sang d'un millier de citoyens ou plus. Mes victoire s’enchaînant, j'ai fini par obtenir une renommée suffisante pour qu'on me donne un nom. Ce n'est pas mon nom...c'est celui que j'ai mérité. « Fulgur », dans leur langue, cela signifie « La foudre » , certainement parce que je dispense la mort comme Zeus ses éclairs. Je pèche par orgueil, je suis trop sûr de moi.

Les grilles se lèvent, la trentaine de Gladiateurs, moi compris, s'avancent en ligne vers la tribune principale où se trouve le sénateur et les personnes qui lui sont proches. Levant la tête vers ces gens inaccessibles, inatteignables, mon regard en capte un autre. Je vois son visage mais elle ne peut pas voir le mien, je ne suis qu'un casque parmi d'autres, mais mes iris brûlent de vie et d'envie. Nous nous regardons, quelques secondes, alors que toute la ligne effectue le salue traditionnel qui ouvre les jeux.
Aujourd'hui, nous n'aurons pas César comme public, mais je viens de trouver celle qui ne me lâchera pas du regard durant tout le combat. Sans la quitter du regard, je lance à l'harmonie avec mes adversaires du jour :


« Ave, morituri te salutant. »*

Je me mets face à mon premier adversaire. Les cris autour de nous donnent le signal de départ. Dague en main, je m'élance sur lui, mes muscles et mon torse couverts de cicatrices bandés à l'extrême sous l'intensité de mon assaut. Une pluie de coups que je lui assène sans relâche. Spécialiste de la voltige, j'use de ma rapidité pour mettre en œuvre ma force, sous les acclamations du public. Que je blesse grièvement ou que je tue, je parviens à bout de mes premiers adversaires. Entre chaque combat, mon regard se porte à nouveau vers cette tribune, et cette femme aux allures de déesse. Elle m'envoûte, me donne envie de montrer plus encore mes prouesses pour l'impressionner, pour qu'elle ne voit que moi. J'ai quelques égratignures, mais je n'ai pas mal,
Le dernier adversaire est plus coriace. Recouvert de sang, mais pas du sien...Cruel adversaire.
Sourire sur les lèvres, trop sûr de ma force, je m'élance sur lui et son bouclier m'arrête net en s'écrasant contre mon casque, faisant résonner mon esprit alors que je recule d'un pas, sonné. Voilà qui n'annonce rien de bon...Mais je tiens. A nouveau, j'essaie de le contourner, mais je suis repoussé une fois de plus. Il a trop d'allonge, et j'en manque bien trop. Une estafilade après l'autre, je perds du terrain sous les assauts de mon adversaire qui prend un malin plaisir à me vider de mes forces. Je peste, acculé, reculant toujours plus.

Une fois de trop.
Je chute à genoux, sous la lance de mon adversaire prêt à m'achever. Il n'attend que le signal.
Au loin, un pouce se lève, mon regard embué de sang se lève vers la tribune, pour distinguer la femme qui vient de m'éviter une mort honteuse.
Comme elle est belle.
Dieu que je l'aime...Mon Salut.


* Ceux qui vont mourir te saluent.
--Eurydice
[ Au même endroit, au même moment ]

Je ne me souviens pas quand était-ce la dernière arène que j'avais du observer, accompagnée de mon époux, sénateur adulé ou haït en fonction de qui s'entretenait avec lui. Il avait toujours eu ce goût du sang, je le voyais bien dans son regard. Ce besoin insatiable de violence, alors qu'il n'avait de cesse de me répéter que ces combats étaient un divertissement que je me devais d'apprécier par ma stature. Je n'en avais pas voulu de cette ascension sociale, m'élevant dans le gratin du peuple, puisqu'elle m'avait retiré le peu d'amis que j'avais.

Que cette chaleur est lourde et je ne me sens pas à mon aise ici. Je pourrais presque voir le sol irradier cette température trop importante, qui me brulerait la plante des pieds si jamais j'avais le malheur d'y marcher sans protection. Le doute ne m'envahit pas, rien ne m'envahit si ce n'est ce désir d'être ailleurs, ou plutôt ce non désir d'assister aux massacres des esclaves. Tous ces braves qui donnaient leurs vies pour le divertissement de ceux qui ne savaient pas quoi faire de la leur, si ce n'est jubiler sous la torture des autres. Je n'avais jamais adhérer à cette manière de penser, mais désormais je me gardais bien de le dire sous peine de revoir les mains rugueuses de mon époux s'abattre sur moi avec puissance, n'y laissant qu'hématome et autres traces bien disgracieuses à cacher. Au final, si je n'avais pas regarder ces esclaves, c'était pour la bonne raison que, à ma manière, j'étais moi aussi esclave de ma condition : femme de sénateur enfermée dans une prison dorée.

Les tambours résonnent déjà et le cri du peuple me rappelle à ma tâche cruelle. Je me lève alors, comme la tradition l'exige, tandis que le voile blanc de ma tunique s'envole sur le côté. Et ils sont là. En une ligne parfaite. Une ligne bientôt vide. Une ligne de sang bouillonnant.


« Ave, morituri te salutant. »*

Je les regarde, tous. Sans exception. A la recherche de l'exception. A la recherche d'un regard qui trahirait un sentiment quelconque, à la recherche d'espoir peut-être. De cet espoir qui fait vivre, de celui auquel on s'accroche ; je tente de discerner ce regard que j'ai souvent croisé et qui m'a toujours faite frémir.

Mes pensées m'emportent, alors que déjà celui que je place en héros et vainqueur monte à l'assaut. Il est celui que je n'ai pas vu perdre, jamais. Et pourtant, mon cœur bat à tout rompre, le sort ne semble pas être clément pour lui. L'adversaire se veut plus rapide, plus robuste, et il assaille coup sur coup. Mes doigts se crispent sur les accoudoirs de mon assise, alors que mon regard bleuté n'a jamais été aussi attentif. J'en suis à même sentir le regard marital sur mes courbes discrètes, comme excité que je m'intéresse à cette barbarie. Alors qu'à cet instant, je prie... Que les dieux m'entendent à cet instant, que la force devienne sienne, je ne supporterai pas de le voir mourir. Non, pas Lui.

      Il est en mauvaise posture.

        Il est à terre.

          Il.. va mourir.


La vie !!!!

Je n'avais rien attendu, je n'avais même pas prêté attention à cette assemblée qui hurlait ce désir de voir un bain de sang. Je levais le pouce, comme jamais je ne l'avais levé.


La Vie !!!

Mes iris fixent celui qu'on appelle Fulgur, alors que lui aussi me regarde. Je ne supporterais pas de le voir mourir. S'il meurt, je ne suis plus. Nous, esclaves de notre condition. S'il meurt... Et j'outre-passe mes droits en m'avançant au plus près de l'estrade.


J'ai dit : LA VIE !


* Ceux qui vont mourir te saluent.
--Agravain_
[Fin du XIème siècle]

Non-loin, les oriflammes représentant la croix des croisés signalent la présence des armées saintes.
Un cor sonne.

Je m'appelle Agravain, je suis ce qu'on appelle un chevalier, comme il y en a des milliers en cette époque de croisades. En vérité, je ne suis rien de plus qu'un forgeron passant souvent plus de temps à forger des outils agricoles que des armes pour tuer. Je connais bien sûr le maniement des épées et autres haches, il faut savoir s'en servir pour pouvoir les forger comme il se doit, je les connais donc sur le bout des doigts, mais n'ai jamais eu l'occasion de les utiliser sur des cibles vivantes. Je suis un homme comblé, j'ai eu la chance de rencontrer la femme de ma vie, une femme noble dont la beauté n'a d'égale que celle de la Mère Nature elle-même, créatrice de toute essence de vie en ce monde. Il s'agit de la fille du Seigneur de ce village, que l'on m'a autorisé à courtiser en échange de mes services dans les armées saintes. En obtenant des terres grâce à mes actes de bravoure à venir, je pourrais rentrer et épouser ma Dame.
Cette femme a fait battre mon cœur dès la première fois où mes yeux se sont posés sur elle, alors que son père était venu dans mon humble forge afin de commander des lames pour sa Mesnie, et qu'elle l'avait accompagnée, timide malgré la certitude de nos sentiments réciproques.

Je suis parti en terres saintes, son ruban autour de ma lance, en lui faisant la promesse de lui revenir, menant le combat contre les Sarrasins, ces Infidèles bafouant nos lieux sacrés, en gardant à l'esprit le doux visage de ma mie.
Nous sommes en infériorité numérique. Cette bataille pour reconquérir une ville dont je ne connais même pas le nom s'annonce sanglant, surtout pour nous. J'ai heureusement la chance de savoir me battre approximativement, contrairement à la grande majorité de ces paysans engagés de force suite à l'appel du Pape. Toutes mes pensées s'envolent vers mon pays, vers Elle, au-delà de la Méditerranée, loin de ce soleil de plomb faisant fondre nos réserves d'eau aussi sûrement que la neige sous une chaleur d'été.
Tous tremblent autour de moi.
Le cor annonce l'assaut, nous devons prendre une forteresse solide derrière laquelle se cachent nos ennemis, prêts à nous recevoir. Une brigandine sur le dos, n'ayant pas les moyens de m'offrir une armure digne de ce nom, monté sur un cheval aussi épuisé que moi, j'ai néanmoins réussi à tenir le combat des heures durant, défendant ma vie comme un lion.

    Mais ces archers, fourbes et sournois, décimaient nos rangs.

Un trait plus précis que les autres réussit à m'atteindre en pleine gorge alors que ma monture se cabrait, me mettant à terre et m'écrasant par sa chute la partie inférieure du corps.
Ma vue déjà se brouille alors que le visage de celle que j'aime se dessine dans les étoiles naissantes de mon dernier coucher de soleil. J'ai mal, je ne peux pas croire que cela soit déjà fini, je ne peux me résoudre à mourir loin d'Elle, à ne plus jamais la revoir.
Je sens la vie me quitter, mon cœur ralentir. Je ne peux plus bouger.
Je l'aime.
Je prie silencieusement pour que ma douce surmonte ma mort, pour qu'elle ne m'en veuille pas de l'abandonner. Les yeux dans les étoiles, j'expire mon dernier souffle tandis que mon âge s'échappe.

Nous nous rejoindrons à nouveau.


- Je t'aime..
--Izabeau
[ Royaume de France - Fin du XI siècle ]

Les coups portés sur l'acier frappé m'avait faite sursauter lorsque j'eus franchi l'entrée de la forge avec Père. J'avais, pour une fois, eu l'honneur de l'accompagner. Il n'aimait pas trop que je me mélange à la foule et j'étais toujours extrêmement surveillée. Certainement plus que les prisonniers qui remplissaient les geôles de notre domaine. Père est un homme dur, et comme ces hommes là, il aime faire sa loi. Un garde, un chaperon... Mais jamais mes pas n'avaient résonné seuls sur les parvis du village. Je n'avais peut-être pas la notion de danger dans ma candeur.

Et c'est là que nous nous sommes rencontrés.

Un visage dur, révélateur de la réalité de la vie, et à la fois tendre. Je n'étais pas préparée à aimer, c'est pourtant ce qui est arrivé, car si c'était la première fois que mes yeux apercevaient cet homme, ce n'était guère la première fois que mon cœur battait pour cette âme. J'étais gauche face à lui, ne cessant de rougir et de replacer une mèche de ma longue chevelure chocolatée dès lors que ses yeux se posaient sur moi. Père ne fut pas dupe et un accord pour me courtiser fut vite conclu entre le patriarche et celui qui venait de forger la clé pour ouvrir mon cœur.

Les croisades. Une vie pour une autre. Voilà ce qui avait été arrangé.


- Si vous voulez ma Fille, forgeron, c'est que vous êtes prêt à risquer votre vie pour elle. Faites les Croisades en mon nom et je vous récompenserai.

J'avais regardé longuement de mes yeux d'ambre celui qui, pour que je devienne sa mie, était prêt à risquer sa vie.

Le tocsin avait sonné ce départ pour les braves, emmenant avec sa mélodie l'homme que je chéris autant que faire se peut. J'arpente les longs couloirs de notre domaine, je scrute l'horizon avec toujours cet espoir qui fait vibrer mon être de voir l'étendard de nos couleurs se hisser fièrement par le chevalier de mon cœur. Les guerres ne sont que plus cruelles au loin, les troupes ne pouvant s'y rendre rapidement, et l'ennemi ne fait jamais de prisonnier. Jamais.
Du balcon de ma chambre, torturant encore ce rideau de velours bordeau, je nourris l'espoir de le revoir.


- Dame Izabeau, un pli pour vous.
- Vient il du front ?
- Je ne sais Ma Dame...

Mes ambres quittent alors ce soleil couchant, qui m'offre sans doute ses plus beaux rayons pour la dernière fois. Ma main gauche s'empare de ce petit parchemin plié. Je n'ai pas souvent de courrier, je n'en ai jamais mais je connais parfaitement ces us de l'écriture et les sceaux assimilés.

    Noir. Celui là est noir...


Mes mains se mettent à trembler alors que mes doigts rompent la cire de manière bien maladroite. Ma gorge se serre quad mes yeux épousent l'écriture qui m'annonce la nouvelle la plus affreuse de mon existence.

IL n'est plus.

Je me sens defaillir sous le poids de mon corps que je ne supporte plus. Mes genoux heurtent le plancher dans un bruit sourd alors que les larmes glissent silencieusement sur l'arrondi de mes joues pales. Ce jour pour moi n'est autre que la fin de ma vie, et le début d'une autre. Dans un souffle, je lui avais promis : "A la vie, À la mort".
Demain, les cloches sonneront autant que les cors, car mon enveloppe corporelle se jettera par dessus ce balcon qui est ma prison. Je n'aurai pas peur quand la tête la première je me jetterai, je n'aurai pas mal lorsque les pavés je percuterai, car mon âme sera libérée et mon amour vers lui pourra de nouveau s'envoler.

      À la vie, À la mort.


    Je vous pleure Izabeau, allez retrouver le repos
    Dans ce pays d'où l'on ne revient pas.
    Votre âme sœur est partie, Votre Amour s'est enfuit
    Dans ce pays d'où l'on ne revient pas.
    Si triste est le destin des hommes, triste est le tocsin qui sonne
    Triste est la vie qu'elle mène, sans amour et sans bohème...*



* Je vous pleure - Cécile Corbel
Gabriele.
Il y a des histoires qui se racontent au présent.
Celle-ci se décline également au passé et au futur.

Les âmes voyagent et s'échangent au gré du temps qui passe. Certains pensent à une ligne qui n'a pas de fin, d'autres à une boucle qui permet aux personnes le désirant vraiment de toujours se retrouver. Ces deux âmes là reproduisent cette boucle à l'infini, sur une promesse qu'elles se sont faites un jour, à l'abri des oreilles indiscrètes : A la vie, à la mort.
Le cycle est parfait, notre amour également.
C'est une histoire qui commence au singulier et se poursuit au pluriel, dont on n'écrit jamais la fin. Cette femme m'est tombée dessus, au détour d'une rencontre dans une taverne quelconque du Royaume de France. Moi, le cruel Italien au nom célèbre pour les méfaits qui y sont associés, le coureur et manipulateur de ces dames, le froid et l'insensible, Gabriele Corleone, je suis tombé amoureux de cette femme à l'accent dur des provinces du Nord, au regard aussi bleu que la mer qui entoure sa patrie, le feu de ses cheveux réchauffant la pâleur de sa peau ; et cette mèche de neige, reflet d'une vie plus dure que de raison qui m'envoûte. Je l'aime.

J'ai eu toute ma vie, si courte soit-elle, l'habitude de prendre ce que je voulais obtenir. Je me suis toujours servi, j'ai conquis ces femmes comme l'on conquit des forteresses, les accumulant pour mieux pouvoir les délaisser ensuite. Elles, incapables de résister à tout ce que je suis, à mon regard, à mon accent, à mes paroles calculées.
Pourtant lorsque j'ai croisé ces yeux-là, mon âme s'est retrouvée enveloppée dans une chaleur que je pensais avoir oublié à force de jeu avec les sentiments d'autrui. Un regard, et je me suis souvenu que c'est elle que j'attendais ces quinze dernières années. Fenêtres de l'âme, je lui ai ouvert tout ce que je suis, ne comprenant pas tout de suite qu'elle savait déjà tout de moi.
Je ne suis pas un gladiateur, je suis encore moins chevalier, je ne sais pas ce que je serai demain, mais je sais qu'aujourd'hui, le mercenaire débutant à la beauté insolente vient de renaître pour Elle.
A la vie, à la mort...
Le cœur vient de connaître son premier battement.

Amants, nos corps s'embrasent pour s'unir, passion des plus beaux instants. Intensité de deux âmes qui se retrouvent après des siècles sans se toucher autrement qu'en pensées. Des siècles à rattraper. Je glisse à même son souffle, me nourris des tremblements de l'être. Je l'embrasse, je m'embrase.
Fusion.
Nous voilà un à nouveau.
Comment ai-je pu être séparé de mon Autre aussi longtemps ? Je me rends compte que je ne jamais vécu avant. Je n'ai jamais vécu vraiment.
Les jours se suivent, effacent le passé et tracent l'avenir. C'est avec elle que je veux être, aucune autre, tous mes sens se souviennent de nos âmes liées, presque éternelles.

Les âmes se retrouvent.


- A la vie, à la mort.

I have died everyday waiting for you
Darling don’t be afraid I have loved you
For a thousand years
I’ll love you for a thousand more
*

*Je suis mort chaque jour en t'attendant
Chérie n'ait pas peur je t'ai aimé
Depuis un millier d'années,
Je t'aimerai pour un millier de plus.

_________________
Daeneryss

    « Un avenir, cela se façonne, un avenir cela se veut. »
    Raymond Barre


Beaucoup pensent qu'on ne connaît pas l'avenir et qu'on ne peut raconter que le passé.
Comme les gens se trompent, et comme je les trouve bêtes...


Je m'appelle Daeneryss et je viens du Royaume du Nord. Enfin pour cette fois.

Cette histoire pourrait en faire sourire plus d'un. Et sous la mèche blanche qui me caractérise un peu, je souris moi aussi, car je ne connais personne pouvant se vanter de vivre le même amour que moi, que Nous. Un amour qui tourne en rond, mais qui ne nous lasse pas, bien au contraire. Une valse des temps nous emporte, nous envole lui et moi dans cette promesse que nous nous sommes faite il y a des siècles de ça, dans une vie que je ne me souviens pas tant nous en avons vécues.

Le temps.

Il est celui qui est traitre à tout ceux qui ne savent pas l'utiliser à bon escient. Il ne joue pas contre nous, il est notre allié.
Je reconnais que cette fois fut un peu plus longue que les autres... J'ai du quitter les Royaumes Nordiques, manquer de me faire noyer par la femme de mon frère, traverser la France pour enfin entendre et reconnaître cet appel que lui seul sait me lancer. Celui du cœur. Une victoire du palpitant et de sa force à battre, il m'aura pourtant fallu aux alentours de vingt années pour trouver ma voie. Vingt ans... Qu'est-ce après tout à côté d'une vie à ses côtés ? Et même si la vie ne nous offrait que quelques instants, qu'une seconde, son sourire réchaufferait mon âme pour les temps à venir, jusqu'à ce que nous soyons ensemble.

Comme une évidence, je me suis arrêtée ici, comme un aimant je suis entrée dans cette taverne où un Corleone se trouvait. Pas n'importe lequel : Lui. C'est ainsi donc que tu es revenu Amour. Je te vois, je te souris, pour la première fois de cette vie là et je comprends enfin que désormais nos chemins ne formeront plus qu'un. Comme une âme vagabonde, je t'ai cherché, car cette fois c'était mon tour de te retrouver. Les siècles et les ères pourraient enterrer l'histoire de France et le monde entier, que notre amour continuerait de former cette entité que nous nous sommes construit.

    Tu me souris.
    Je fonds.
    Tu m'invites à m'approcher.
    Je sens la tête me tourner.
    Tu me frôles.
    Je m'embrase.


Dieu que tu es beau... Dieu que...


Je t'aime...

Les mots nous sont venus avec toujours cette même aisance, alors que je n'étais pas prête, selon cette vie, à rencontrer l'amour. Mais je connais la différence entre rencontrer et reconnaitre. Nous nous sommes toujours connus, et nous nous connaitrons encore.

La prochaine fois ...

A la Vie - A la Mort.

_________________
--Louis_
1789.
Révolution française.
Répression.
Violence.
Meurtre.

Nous sommes à Paris, centre de toutes les attentions. Une fois de plus, après notre dernière vie, nous nous sommes retrouvés, comme à chaque fois, nous nous sommes longtemps cherchés, et nous nous sommes reconnus. Pas de combat dans cette vie-là, sinon celui de réussir à rester en vie lorsque de toute part, on entend le Peuple mécontent gronder contre la Noblesse dont nous faisons partie.
Nous n'avons jamais cherché à faire de vagues, nous nous sommes beaucoup enrichis, il est vrai, par nos affaires luxuriantes, mais jamais sur le dos des Pauvres. Nous avons toujours été discrets, réservés, préférant restés juste tous les deux plutôt que nous mêler aux réceptions mondaines données chaque soir dans la Capitale, pour se faire voir. Notre demeure est belle, bien entendu, nous n'allions tout de même pas vivre dans la crasse pour se fondre dans la masse.
La guillotine ne fait pas de différence, elle se moque de savoir si la mort est méritée ou non, elle se contente de la dispenser. Couperet tranchant tous les espoirs d'une classe sociale.

Dans cette vie-ci, je me nomme Louis. Un prénom royal, pour mon plus grand malheur. Je suis de petite noblesse, un Seigneur comme l'on en trouve par centaines, récompensé pour son habilité à manier l'économie et à rendre service à la Maison du Lys. Je n'ai jamais rien fait d'exceptionnel dans ma vie, si ce n'est retrouver celle qui fait battre mon âme depuis la naissance de l'univers, et jusqu'à ce qu'il s'éteigne dans une explosion finale, célébration des sentiments que nous nous portons. J'ai tout fait pour que sa vie soit confortable, pour que nous ne soyons jamais séparés, mais le Peuple est en colère.
Il hurle, dans les rues de Paris.
Il brise tout ce qui peut l'être, et je sais que si on nous attrape, nous subirons le même sort que le Roi et sa Femme. Je refuse de les voir nous séparer, jouir de notre souffrance.
Nous avons fuis, longtemps, espérant secrètement pouvoir nous en sortir, pouvoir revenir simplement lorsque tout ça serait fini, mais les Hommes ont la tête dure, et la décision est irrémédiable.

Puisqu'on est condamné...

Cette échappée-ci serait la dernière. Nous n'avons plus le temps de fuir, nous n'avons plus nulle-part où aller. L'émotion enserre mon cœur alors que je t'étreins contre moi. Ce monde-ci ne mènera à rien...
La liberté n'a plus de sens ici. Mieux vaut mourir ensemble, leur rire au nez une dernière fois. Tu l'as senti, toi aussi, tu sais qu'ici c'est la fin de cette vie, la fin de cette époque.
Tu sais que notre dernier souffle, nous l'expirerons ensemble. Unis dans la vie, réunis dans la mort. Nos âmes enlacées se retrouveront.
Le cyanure. Poison qui s'instillera dans nos veines pour cesser de faire battre nos cœurs. Jusqu'à la prochaine fois...Ils frappent à la porte, elle ne tiendra pas longtemps. Le cyanure entre mes lèvres, je les scelle une fois encore aux tiennes, une dernière fois. On sera libres, on sera beaux, comme une étoile indestructible, dans l'immensité de l'univers. Ils ne pourront jamais nous retrouver...

Quel beau tableau, ce dernier souffle. Ce dernier regard que je plonge en toi. Nos âmes qui s'attachent pour ne pas se perdre. Vous ne nous aurez pas...personne ne nous aura. Jamais...

A la vie - à la mort.
--Marie_anne
1789.


Je n'aurais jamais cru dire ça un jour : J'ai peur...

La Révolution Française a envahit la ville de Paris, notre ville, mais surtout notre vie. Nous, mal nés de par notre bonne condition, payons aujourd'hui l'outrage de notre bonne naissance. Les pavés de Paris connaissent les piétinements incessants des hommes en colères, mais également des femmes et de leurs enfants. Même la prime jeunesse s'est mise à haïr la condition de l'homme, ne voyant là que vengeance à accomplir, oubliant par dessus tout que derrière le rang, il y a la vie.

La vie ? Non. La mort.

Les vies sont prises, autant que les tambours retentissent dans les rues humides de cette capitale, et je peux presque ressentir chaque coup, chaque tremblement de sol.
J'ai peur.

Toute notre vie, nous avons fait attention. A ne pas trop dépenser, à ne pas nous faire voir plus riches que nous ne le sommes, et surtout à faire attention à notre prochain. Les temps ont été durs, plus durs encore ces derniers temps, puisque les affaires royales n'ont guère arrangées les choses. L'argent a été jeté par les fenêtres. Pas étonnant que le peuple a faim, que les estomacs hurlent, que le tonnerre de rage gronde.

J'ai toujours aimé la France et ce qu'elle représente. Mais je t'ai toujours aimé beaucoup plus. Toi. Pour celui que tu es ici, à Paris. Pour ce Louis que tu es devenu, pour cette Marie-Anne que je suis. Les hommes et l'histoire se souviendront ils de nous ? Je l'ignore. J'en doute même. Mais je m'en moque un peu, puisque le temps a voulu qu'une fois encore nous nous retrouvions pour mieux nous aimer.
Cette fois encore, nous n'avons réussi à offrir à notre amour la descendance que nous avons toujours souhaité. Nous y sommes arrivés une fois. Une seule et unique fois...

Je suis accrochée à ce rideau, regardant les villageois investirent les rues, se rapprochant de notre domaine avec cette fureur, cette haine, ces torches... Nous connaissons le sort qu'ils nous réservent, et je ne veux pas finir ainsi. Et toi non plus. Jouet de leur satisfaction personnelle, je ne veux pas que nos corps soient mutilés pour leur offrir un divertissement. Non ! Jamais !
Tu me jettes un dernier regard avant de prendre ma main et mes yeux se ferment dans un hochement de tête, alors qu'une larme perle sur ma joue.

    Il est temps.


Je me détache, tu m'accompagnes. Tu as tout prévu et j'admire encore ton courage Amour.
Nous ne serons jamais à eux. Nous sommes un tout, indivisible, nous sommes l'Amour et faisons la nique à ceux qui oseraient croire que nous courberons le dos.
Nous y sommes. Les voilà. La porte les retient encore, mais elle ne tiendra pas longtemps.
A cet instant, nos regards se croisent. Dois-je te dire une dernière fois combien je t'aime ? Dois je te dire une dernière fois comme j'ai aimé t'aimer ? Dois je te dire une dernière fois que j'aspire déjà à ce renouveau qui nous est propre ? Non... Car ce n'est pas notre dernière fois. Ce n'est que la fin de ce temps, la fin de notre vie. Et le commencement de l'autre.

Ce poison que tu nous offres n'est autre que la libération de nos âmes pour vivre mieux.

Ici je veux fixer mon éternel demeure, et soustraire au joug d’adverses étoiles cette chaire lasse du monde. Mes yeux un dernier regard, Mes bras un dernier baiser, tes lèvres, portes de l’âme humaine scellées d’un baiser légitime notre éternel pacte avec le sépulcre. *

Je le sens déjà agir... Fidèle apothicaire, tu ne t'es pas moqué de nous. Tu nous libères, Louis et moi.


Ainsi... Sur un baiser... Nous mourons... *

A bientôt mon Aimé. Que les cieux nous aident pour la prochaine fois...

    A la Vie - A la Mort.



* Extrait et légère modification de " Roméo et Juliette" - Shakespeare
Drora
[1943]


    Sur les ruines d'un champs de bataille
    Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
    Si j'avais été Allemand *


Là-bas retentissent les bruits de canons et les échos du front. Là, où des milliers de gens donnent leurs vies pour la guerre, pour la France, l'Allemagne, les Juifs... De cette domination d'un Reich, d'un Führer, toute une population se voit aujourd'hui traquée et abolie par une rage que je ne comprends pas. Hommes, femmes et enfants, peu importe leur classe, sont damnés. Parce qu'ils sont juifs. Soumis et exterminés par une étoile qui, contrairement à bien des astres, se voit éclairer le couloir de la mort au lieu de faire briller bien des vies. Le monde sombre dans la folie d'une guerre qui ne semble pas prendre fin, bien au contraire, s'éternisant par les camps de la mort. Les âmes des malheureux iront - je l'espère - au paradis pour avoir réussit à endurer ces souffrances infâmes. Mais quand on ignore tout des potentiels agissements... La mort est effrayante. L'ignorance encore plus.

Mon nom est Drora Joachim. Et je suis juive. Contrainte et forcée à vivre dans la peur quotidienne, pour ne pas vivre dans la souffrance ou affronter la mort. Pas encore. Pas tout de suite, car je suis persuadée que la vie vaut cette fois la peine d'être vécue. À l'aube de mes 17 ans, je n'ai que peu vécu, et pourtant je ne me soumets pas et je ne me soumettrais jamais.
Fille de pauvres, je n'ai toujours connu que la force des sentiments pour vivre dignement. L'amour dans sa puissance a toujours été pour moi le berceau de mon existence. Sans doute est-ce comme ça que ce jour d'octobre lorsque j'entrais dans ce seul endroit encore autorisé pour les Juifs, que par mégarde nos regards s'étaient croisés. Un nez droit, aquilin, des yeux d'un bleu givré aussi dur que la glace en plein hiver, une blondeur claire, très claire, et une stature imposante. Un arien. Mais pas seulement... Un soldat arien. Cet uniforme aux couleurs du troisième Reich, ces couleurs associées à une mort certaine pour la condamnée que je suis. Tôt ou tard, la tombe me recueillera et avec elle, la terre. Je prie pour que mes cendres soient un jour dispersées au gré du vent et ainsi rejoindre mes ancêtres dans cette ultime Liberté.

Je ne comprends pas l'allemand, mais je devine au ton employé qu'il n'est pas en colère malgré l'étoile saillant mon chandail abîmé et troué, puisqu'il ne semble pas aboyer comme tous les autres de son espèce. Éviter son regard une nouvelle fois me permettra de conserver la vie, et c'est perturbée que j'en oublie la moitié des commissions minables que j'étais venue chercher pour espérer ne pas mourir de faim. Mon pas est rapide pour fuir l'endroit infesté et infecté par l'Arien. J'ai peur, car je ressens le poids des azurs sur ma fine corpulence. Baissant la tête, mes cheveux sombres, ondulés et en désordre cachent mon visage pour mieux dissimuler ce trouble, et mes yeux sombres déjà emplis de larmes. La mort est proche et je ne veux pas mourir...
Étrangement, et contre toute attente, il m'ouvre la porte pour me laisser fuir, mais aussi me prendre en chasse. Son pas s'enclenche derrière le mien, se fait plus vif et accélère lorsque je me mets à courir pour fuir.
Il me veut.

Et il m'a eue.
Depuis ce jour d'automne, depuis ce regard troublant, Hanz est à mes côté et fait tout son possible pour leurrer le monde. Notre vie ne ressemble à aucune autre et chaque claquement des talons allemands me fait sursauter. J'ai souvent énormément de mal à soutenir son regard malgré l'amour que je lui porte. Un amour hors du commun, hors du temps. Un amour qui transporte, un amour éternel et sans limite. Mais cette fois, il est le dominant. Dans bien d'autres vies nous avons été meurtris, cette vie là ne déroge pas à la règle des amants maudits. Nous le serons toujours. Mais pour le temps que cela doit durer, je le regarde enfiler cet uniforme de mort, qui pourtant me faire vivre.
La barrière de la langue s'est vite envolée lorsque ses yeux m'ont fait comprendre qu'il voulait lier sa vie à la mienne autrement que par la mort. Aujourd'hui je l'aime, mais aussi demain. Et le jour d'après. Et le jour d'après ...


- Nehmen Sie das Mädchen ! Auschwitz für sie ! *

Je ne les ai pas vus entrer... Et pourtant la porte est belle et bien défoncée. Déjà les larmes coulent et inondent mes joues, brouillent mon regard noir qui cherche l'amour du regard. Pour un dernier regard...
Je tends la main, et hurle son nom comme une possédée, aliénée par l'hystérie d'une mort imminente. je suis terrorisée. Ces mains qui enserrent mes bras me font mal, mais la pire douleur reste celle de ces azurs en mal de nous.
Car il était devenu ma vie par delà cet uniforme.
Car les canons pouvaient hurler la mort, notre amour criait toujours plus fort. Et il criera encore.
Pour les siècles à venir, nous nous retrouverons...

A la Vie - A la Mort.


- Hanz....



* Né en 17 à Leidenstadt - JJ Goldman
** Emmenez-la! Auschwitz pour elle !
Hanz_
    « Soldat d'une foi, d'une caste
    Aurais-je eu la force envers et contre les miens
    De trahir tendre une main  »*


Au loin, le son d'un bombardement. Le monde est bercé au rythme de la blitzkrieg menée par le Führer. On s'endort en pensant à une nuit calme et paisible, on se réveille cerné de soldats allemands, de chars perfectionnés rasant tout sur leur passage, sans aucun égard pour les vies et les bâtiments dévastés. La technologie allemande est mille fois plus avancée que celles des belligérants. Les Etats-Unis mis à part. Tous les plus brillants chercheurs ont été soit réquisitionnés par l'Allemagne, soit exilés à l'autre bout du monde.
Peu sont ceux qui osent l'affronter et lui dire non.
Cet homme a su s'imposer. Profiter d'une situation de crise pour s'installer à la plus haute des places, et instaurer ses règles, sa Loi. Son idéologie. Nous l'avons voulu, c'est nous qui l'avons mis sur ce piédestal. Nous, le peuple Allemand. Il nous a fait tant et tant de promesses. Nous l'avons cru. Nous l'avons espéré. Toute civilisation a besoin d'un sauveur, et nous pensions – à tort – qu'il serait le nôtre. Il nous a permis d'avoir du pain, du travail. « Arbeit und Brot » comme on pouvait lire sur tous les slogans martelés à notre vue par la propagande diffusée par le Reich.

Je m'appelle Hanz Hohenwald. J'ai vingt ans, et je fais partie de cette jeunesse dorée choyée par le Führer. Une jeunesse bombardée de messages subliminaux afin de nous formater à penser de la même façon que lui. Je l'avoue. Je n'ai jamais eu à me plaindre, toute la souffrance du pays ne m'atteint pas vraiment, moi qui suis l'exemple parfait de l'idéal arien. D'une beauté glaciale mais redoutable, je possède en sus un excellent sens de la stratégie et du commandement, ce qui m'a permis de m'élever rapidement à une place de sous-officier dans l'armée. Mes capacités et mon incroyable haine vis à vis des Juifs, et des autres minorités méprisées par notre Gouvernement. Un parfait petit soldat.
Je n'ai de loin pas été le dernier à les faire souffrir. A procéder à des arrestations, à des fouilles minutieuses de foyers allemands soupçonnés d'abriter les porteurs de l'étoile à six branches. Je suis la fierté de ma famille, allemande depuis des siècles. Seulement voilà, je ne m'attendais pas à faire une rencontre qui bouleverserait ma vie ainsi que la vision de mes actes, envoyant à la mort des centaines de personnes sans une once de pitié.

Le jour de cette rencontre, nous avions passé la matinée à visiter l'un des camps de transit où étaient parqués les Juifs en attendant d'être emmenés en train vers les camps d'extermination. Il régnait dans ces bâtiments une odeur de mort, une odeur de peur. Les Juifs sont entassés à la manière d'animaux destinés à l'abattoir. Pire que ça. Il n'y a même pas d'animalité dans le traitement qu'on leur réserve. Ils ne sont que des déchets voués à être recyclés. Nous récupérerons tous leurs effets avant de les assassiner. Nous nous enrichirions à leurs dépends.
C'est malsain. Même pour un homme comme moi. Je ressens le besoin de me vider l'esprit, de me changer les idées. Je me décide donc à aller faire quelques courses dans une boutique du coin. L'une des seules que la nuisance peut encore fréquenter, malgré les prix exorbitants de la nourriture, même la plus basique qui soit. Les gens me dévisagent discrètement. Je sais que tous les regards sont portés sur moi.
La faute à l'uniforme...
C'est à cet instant, je crois, qu'elle est entrée dans le magasin, et que le temps s'est arrêté. Mon regard de glace s'est posé sur elle, et j'ai compris que tout venait de changer. A tout jamais.

Il y a des rencontres qui doivent arriver. Le destin les a finement préparé pour nous. Celle-ci m'a renversé, elle m'a retourné le cœur et l'esprit, et si mon expression ne change pas d'un iota, c'est tout mon être qui brûle de l'avoir trouvé. Elle. La seule pour laquelle je peux renier toutes mes certitudes. Tous mes engagements, ma fidélité à mon Führer, toutes ces années de formatage, viennent d'être détruits par le simple regard d'une jeune juive en proie à la pire des terreurs : celle que je représentais à ses yeux.
Je la veux.
Je lui ouvrais la porte pour la laisser reprendre sa liberté, mais seulement pour la lui arracher quelques ruelles plus loin. Non pas pour la livrer à mes supérieurs comme je l'aurais fait habituellement, mais pour la lier à la mienne. Cet amour troublant nous a fauché tous les deux. Nous voilà prisonniers volontaires, l'un de l'autre. Cette femme m'a changé.
Me voici à tout faire pour la protéger de mes semblables. La barrière de la langue n'est pas un frein, nous nous comprenons sans elle. Je la veille comme on veillerait sur le plus précieux des trésors. Elle est mon été en plein hiver.

Mais ils l'ont trouvé. Ils ont défoncé la porte de mon appartement de fonction pour venir la débusquer. Les Nazis ont des yeux partout. Ils ne font confiance à personne, pas même aux leurs. Ils ont voulu nous séparer, ils nous ont arraché l'un à l'autre tandis qu'elle hurlait des supplications qui ne mèneraient à rien. Impossible de négocier avec ces hommes là.
Je tente de me débattre, leur ordonne de me lâcher, de ne pas la prendre. Elle est innocente, elle n'a rien fait.
...Comme ces centaines d'innocents que j'ai mené à la Mort. Dans un dernier sursaut, je parviens à tirer mon arme à feu. Il y a trop d'allemands pour que nous puissions nous en sortir. Alors la détonation retentit, la fumée s'échappe du canon de l'arme en une volute légère. Ce serait presque poétique...Je viens de tuer mon Autre pour qu'elle échappe au sort funeste que j'ai moi-même infligé à tant et tant d'innocents.
Je m'excuse de vous avoir jugé, d'avoir pensé que la couleur des yeux ou des cheveux pouvaient déterminer notre place dans la société.
Je m'excuse d'avoir cru en Lui qui nous a mené sur le chemin du Mal, nous laissant perdre notre humanité.
Je m'excuse de vous avoir tué. Je m'excuse, meine Liebe, de t'avoir mené à cette condamnation. Tu es morte, mais tu l'as été dans la liberté. Tu n'as pas été enchainée.

Le canon se retourne vers moi. Nouvelle détonation.
Pardon.
A la vie...à la mort.


* Jean-Jacques Goldman
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