Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] "Un, Deux, Trois...

Anaon
      ... nous irons au bois."

    *

    Les doigts se poissent dans une texture pareille à du goudron liquide. Les paumes blanches se recouvrent d'une couleur de suie qu'elles recueillent en couche épaisse, se levant ensuite, pour épouser les joues. La peau s'enduit de la teinte noire, comme un masque opaque qui brouille la clarté de ses traits. Le menton disparaît sous l'anthracite, les joues, ses balafres lissées par la matière. Le cou se recouvre, puis le nez re-sculpté, jusqu'aux pommettes que les doigts retracent d'une large bande sombre. Puis les mains retournent se gorger dans la coupelle fuligineuse.

    Non... L'Anaon ne se prépare pas pour quelques rituels occultes ou des hérésies dignes d'un Sabbat. Elle se pare, pour honorer une demande qui aujourd'hui approche l'accomplissement. Les mains à nouveau pleines continuent leur office. Le haut de ses cheveux a été tiré en arrière, retenu sur son crâne par une maigre fibule. Elle recouvre de teinture ses racines et le blanc de son front, ne laissant sur son visage qu'une bande de chair encore visible, là où passent ses deux iris bleus, pareils à deux gemmes au milieu du charbon. Elle peaufine son masque avec application, peignant jusqu'à ses oreilles et la totalité de sa nuque, et durant cet étrange cérémonial, l'esprit consciencieux se remémore les moindres jalons de son plan minutieusement préparé.

    Il lui avait fallu du temps, comme elle n'en avait jamais pris, pour mettre sur pied une telle préméditation. Outre les habituelles recherches d'informations, il avait fallu se faire patience pour trouver l'Idée, la Trame qui serait comme le rubis que l'on sertit sur une bague déjà trop belle. Le plus, qui ferait toute la différence, le plateau d'argent à servir à son commanditaire. La sicaire n'avait pas voulu faire dans le banal. Pour cette fois, le classique et l'expéditif ne lui convenait pas. La demande qui lui avait été faite, avait été à ce point empreinte de sacrée, que çà aurait été sacrilège que de l'accomplir de la plus banale des manières. Non, il fallait une réponse à la hauteur de l'entrevue. Alors elle avait attendu, réfléchi, décortiqué, fouillé. Trouvé.

    Le regard dans le vide, l'attention en proie à des pensées des plus sérieuses, la balafrée passe ses deux mains le long de son crâne, avant de les plonger dans une bassine et d'en ôter la suie. Maintenant, tout est près, ou presque, la mercenaire s'est évertuée à mettre en place les éléments de son stratège avec une précision des plus chirurgicales. Une application d'orfèvre. Il ne faut dès l'instant plus perdre de temps, garder la tête froide et les idées claires. Les derniers détails sont encore à installer pour atteindre la perfection. La sicaire doit désormais enchainer ses actions avec une assiduité digne d'un maître d'orchestre.

    Les mains nues sont gantées, parachevant le noir complet dont elle s'est enveloppée, de la tête jusqu'au pied. Toute trace de son passage dans cette chambre disparaitra, de l'eau croupie au moindre plis sur le lit. Le regard accroche un moment le long arc roulé dans son barda. Ce sera pourtant l'arbalète qui pèsera de son poids entre ses doigts. Il est l'heure maintenant. La nuit est tombée, crachant son voile d'ombre qui a chassé une après-midi sale et son horizon grisaille. La chambre est vidée, Visgrade est sellé, près au départ.

    Pour décor à son histoire, l'Anaon a choisi un petit village qui borde une route de passage, tout de pierre bâti. Un hameau pittoresque, sans rempart, dont les murs des maisons extérieures se disputent l'orée de la forêt qui leur chatouille les pans. Un petit grain de solitude perdu dans un écrin d'inquiétante verdure. Pas de mairie, pas de maréchaussée, deux gardes dépêchés par un seigneur pour servir de police de temps à autre. Le simulacre d'une chapelle en guise de maison de prière. Autant dire, un lieu-dit sans vague où l'on ne s'arrêterait uniquement pour se faire oublier où trouver le gîte le temps d'une nuit.

    Mais dans ce petit coin de calme, tout est désormais lancé. Tout est près. Ça y a est, il est l'heure. Dès lors, la vengeance de sa commanditaire s'apprête à s'exaucer.

    Madame, vous m'avez demandé de l'inoubliable, venez, prenez place, ce soir je vous mène au théâtre ! Soyez aux premières loges ! J'ai réveillé pour vous mes instincts dramaturges. Parce que vous l'avez souhaité, je ne ferai pas dans la demie-mesure.
    Un nom a saigné, voilà ce que vous m'avez donné et je me vois offrir là la plus douce des catharsis. Von Frayner. Pour ce nom-là je ne ferais pas les choses à moitié.
    Madame, préparez-vous à ouvrir vos oreilles et à prêter l'épaule. Il aura bien des choses à se plaindre et à vous faire partager. Je graverai sa chair et je graverai son âme. Je serai sa séquelle et vous en jouirez, jusqu'à l'éternité.

    Madame, pour vous, préparez-vous à contempler...
    Il va arriver. Ça a commencé.


Musique : " Jack Splatter", dans "Alice Madness Returns" composé par Jason Taï
_________________

- Anaon à dire et à lire "Anaonne" -
Chlodwig_von_frayner
C'est la souffrance des ombres qui sont ici, qui peint sur mon visage cette pitié.*

Madame vous avez demandé de l'inoubliable, vous avez demandé une mise en scène macabre et terrifiante. Vous vouliez qu'il paye, oui madame, qu'il expie chacun de ses péchés, qu'il ressente dans sa chair chaque fois qu'il a osé lever la main sur vous, chaque vous qu'il a porté atteinte à votre intégrité. Vous voudriez qu'il ressente ce que vous avez ressentit à chaque fois qu'il vous a pris ce que vous étiez pourtant prête à lui donner par devoir. Et pourtant lui n'a jamais pensé qu'à déchaîner la souffrance... presque gratuitement, ou plutôt juste par plaisir. Pas le plaisir de se sentir puissant, non juste le plaisir de contempler votre visage marqué, votre dos meurtris, d'entendre vos cris pourtant retenus pour ne pas donner satisfaction. Oui madame vous vouliez qu'il paye cet homme... cet homme dont tout le monde sait pertinemment qu'il vous frappe (lorsqu'il est de bonne humeur) et que même vos propres amies n'arrivent pas à haïr. Von Frayner, un nom qui aujourd'hui serait grand et qu'il a pourtant connu si petit. Un nom qui porte en lui les stigmates des coups de sang et de folie, de la terreur et de l'adulation des foules... une histoire faite de panache et d'épées tirées, de sang, de larmes et de noirceur. En leurs yeux se cachent les scintillements d'une instabilité mentale et d'une perversité à faire pâlir les plus endurcies des soudards... Ils prennent ce qu'ils veulent sans jamais donner en échange. Tu vas payer Chlodwig... et tu l'auras bien mérité.

Il était fourbu, éreinté, fatigué. La route avait été longue, il avait du aller en ces terres lointaines de Franche Vicomté, où il avait pourtant juré de ne jamais remettre les pieds. Le chemin avait été mouvementé, comme à chaque fois qu'il se déplaçait en fait. Accomplir son devoir... des années qu'il le faisait, depuis sa plus tendre enfance. Les levées de ban s’enchaînaient et de ressemblaient presque toutes... pas celle là... pour une fois il n'avait pas eu à tirer l'épée. Il n'avait pas eu à faire couler ce liquide carmin qui le rendait fou et le menait aux pires extrémités... ou si peu. Dole était une ville de stupre et de débauche qu'il avait pourtant délaissé. Changeait il à ce point ? Se pouvait il qu'elle l'ait touché plus profondément qu'il n'aurait voulu se l'avouer ? Peut être ne voulait il pas sombrer à nouveau tout simplement, peut être qu'il avait besoin d'une bouée pour garder la tête hors de l'eau, pour se protéger de ses démons et de ses maux qui ruinaient sa vie et détruisaient sa santé mentale et le conduisait vers le chaos, vers une vie sans but autre que se repaître de la souffrance des autres et de la sienne dans une fuite en avant auto destructrice et théâtrale. Elle avait promis le théâtre ? Mais tout n'était que théâtre dans sa vie, une mise en scène permanente dont il n'était que l'un des multiple et navrant spectateur. N'agit que par devoir, la recherche du bonheur, la quête éperdue de tes envies, tout cela n'est pas pour toi. Tu n'es ici que pour faire ce pourquoi tu es né, vire ta vie faites de passages au firmament et de chutes infernales, et dans le feu d'une comète, te consumer pour laisser dans le ciel une trace indélébile. Un homme peut il vivre ainsi ? Un homme peut il supporter cette pression, ces doutes et ces atermoiements ? N'a-t-il d'autre choix que de finir par sombrer ? Lorsque l'on ne se repaît que de souffrance, lorsque l'on foule systématiquement aux pieds ses havres de paix... le chemin finit irrémédiablement par mener à l'enfer.

Par moi on va dans la cité dolente,

Par moi on va dans l'éternelle douleur,

Par moi on va chez les âmes perdues,*

Pourtant il en avait une raison de se réjouir, elle se trouvait en l'instant dans sa poche, éternel espoir de déposer un instant son fardeau. Un bout de parchemin griffoné, porteur d'une félicité pour les âmes égarées. Il venait de déposer son cheval entre les mains du tenancier d'une auberge miteuse et minable, d'un simple relais de voyageur comme on peut en trouver des dizaines sur les routes. Celui là est il seulement particulier ? Ou a-t-il le seul atout de se situer dans un coin un peu plus reculé ? Les choses n'étaient pas prévues, mais jamais rien n'était prévu. Un coin paumé comme tant d'autre, qui lui aussi a subit les outrages des guerres des années précédentes, profitant des rares moments de relative prospérité pour continuer à vivre tranquillement, sans se soucier du grand monde.

Il était vêtu comme tout voyageur... car oui lorsque l'on voyage avec si peu de compagnies, on essaye de pas avoir l'air trop riche, de pas se faire remarques... on fait profil bas. Surtout en ces temps de faillite généralisée du pouvoir central, où les défections se multipliaient, où l'on vivait en relative disette économique... car alors souvent les brigands pullulaient. Et pire, on ne prenait pas la peine de les chasser. Une mission rondement menée... un succès de plus... encore un qu'il ne retiendra pas et qui disparaîtra sous peu dans les méandres de sa mémoire. Aucune importance. L'instant présent importe seulement, cet instant où il cesse de vivre au travers de son passé, où la nostalgie disparaît et où l'espoir renait.

Il avait pénétré dans la... taverne... enfin... dans le truc crasseux où deux ivrognes trinquaient entre eux en se pochtronant pour fêter je ne sais quel pari débile l'un avait remporté. Si il était arrivé quelques instants plus tot, il aurait sans doute entendu que l'individu en question s'était improvisé dresseur de blattes et venait de les faire se produire dans une sorte de spectacle où l'une d'elle avait fait la roue. Et du coup ayant remporté la somme de deux cent écus à la suite de cet exploit, il s'était mis en tête d'en dépenser le moindre centimes jusqu'à finir par rouler sous la table en s'étouffant dans son vomi. Mais il était arrivé plus tard et donc ne pu connaître les raisons de cette soudaine envie de boire... et à vrai dire il s'en fichait royalement. Il portait de vieux vêtements de voyage un brin élimés sur lesquels il avait passé un manteau assez chaud. A sa ceinture pendait une épée batarde. De l'extérieur, n'eut été un certain port un brin altier, on aurait pu le prendre pour un de ces innombrables batards qui s'engage comme lame au service de n'importe quel pseudo seigneur, en quête de gloire et de batailles. D'argent, de femmes et de titres surtout.

Un le village...
Deux l'auberge...
Trois...

Une rapide discussion avec l'aubergiste pour l'informer qu'il est attendu... l'homme ne semble pas plus se poser de question que de savoir combien il va toucher dans l'histoire... Des pièces changent de main... Pourquoi se compliquer la vie lorsque l'on peut donner cinq écus de plus ? Ses pas craquent sur l'escalier en bois, mais il n'en a cure. Il est harassé et sait qu'il le sera bien plus demain matin. Ses yeux cherchent la poignée qui l'intéresse... et soudain, ses doigts se referment sur l'objet de sa quête... si fin... si... minuscule, et pourtant alors qu'il le porte à ses narines pour le humer, ses épaules semblent déjà plus légères, plus détendues. Et la main se referme sur la poignée...


(*Dante, La Divine Comédie)
_________________
Anaon
    Citation:
    Un, Deux, Trois...

    Un, si tu me retrouves dans le village de pierre qui jalonne ta route,
    Deux, à l'endroit seul où je pourrais attendre sous des draps de lin blanc,
    Trois, derrière la porte filer de roux,

    Un, Deux, Trois...
    Je serai à Toi.

    *

    Dans un coin d'ombre, comme une épeire retirée en ses fils, elle guète. L'auberge est face à elle, en lisière de forêt, étalant dans la nuit ses hauts flancs de roche grignotés par le lierre. Les arbres ne sont qu'à quelques mètres de ses pieds, comme de braves petits garde-fous, et c'est sous l'un d'eux que l'Anaon attend. Le village ne s'éclaire que de rares torchères, l'une indiquant son entée, d'autres piquant les ombres pour désigner l'enseigne de la pension. Et elle, point noir sur une toile noire ne craint pas de se faire voir. Le hameau est endormi, seules ses deux tâches de couleur se meuvent dans la nuit. Les azurites guettent dans la crainte de l'échec. Les mains gantées réaffirment doucement leur prise sur le bois de l'arbalète tandis que son visage se fait plus grave quand il calcule la probabilité de ses erreurs. La lettre envoyée à sa cible, a-t-elle été suffisamment convaincante pour duper l'amant ? A-t-elle assez bien étudier les mots de la surintendante... Si le premier leurre échoue, voilà qu'il faudra tout remettre en question.

    Une inspiration se prend sous la ramure des arbres, de celle qu'on engloutit avant l'effort, avec la résignation de savoir que plus rien ne dépend de soi désormais. Et voilà pourtant, qu'à un moment, Épeire agite son intérêt dans sa toile d'obscurité. Dans son champ de vision un cavalier est entré. L'Anaon figée reste braquée sur cette apparition. Malgré les ténèbres latents, la silhouette accroche le blême d'une lune malade et les reflets mordorés d'une torche qui est non loin. Habit du voyage révèle son porteur sous les lueurs moribondes. Et la sicaire reconnaît alors la description fraîchement reçue du cavalier et de sa monture... Sous ses arbres, elle ne bouge pas et ne se permet aucune déconcentration. Silencieuse, désormais animée d'un intérêt vorace, ses prunelles suivent l'avancée du cavalier jusqu'à ce qu'il disparaisse. La vision se heurte à l'encoignure de l'auberge. Elle ne le voit pas y pénétrer.

    Voilà. Il est là.

    L'attention se porte ailleurs, et le visage noir se tourne sur les hauteurs de la battisse. Sur la fenêtre d'une chambre bien précise. Au matin même, la sicaire flanquée de jupon est allé réserver une nuit au nom d'une rousse flamboyante. Son choix a été coquet, elle a opté pour une chambre d'une modestie en tout point charmante, loin de la piètre paillasse de paille où l'on couche les gredins. Il lui fallait des pénates où un noble aurait pris ses quartier sans se sentir dans la crasse. Les poutres apparentes témoignent des ans, mais ne se s'alourdissent ni de poussières ni de saletés indésirables. Les plinthes ont été joliment cirées, la pièce embaume le propre aux légères teintes fleuries. Les meubles pratiques n'en sont pas moins bien entretenus et sur le lit trône un beau plaid vert sur lequel le roux se serait si bien assorti. On s'y serait couché sans crainte, comme on s'alanguirait dans les bras laiteux d'une amante. Un appel à la caresse. Une ode à la paresse. L'attention de la sicaire reste toujours figée sur cette fenêtre derrière laquelle elle a mis en place le reste de sa mise en scène.

    Derrière la porte à la poignée entourée de filin roux, point de femme comme le Frayner doit s'y attendre. Un chandelier allumé pour dévoiler la pièce et mordre de sa lumière les stratagèmes délicats. Sur le lit et son émeraude velouteux, une flasque pleine de liqueur est posée, régnant en silence sur un petit vélin replié. A ses côtés, échouée audacieusement, une rose... Mais une rose, sans corolle, parée de ses seules épines. Le calice nu n'a plus aucun pétale, et pourtant, ils ne sont pas loin. Comme de petites larmes cardinales échouées sur le bois, ils ont été égrainés en un chapelet précis. Petites tâches végétales chutent du plaid vert, se perdent sur le plancher, jusqu'au rebord de la fenêtre où ils s'alanguissent là, abandonnés. Cette fenêtre, où plus bas un visage peint de noir guète de deux iris sombres. L'Anaon compte le temps qui s'écoule depuis l'apparition du cavalier. L'instant où il s'adresse au tenancier. Les secondes où il passe dans l'escalier. La main se lève. Là... Là maintenant il doit être entré dans la chambre. Les doigts se replient sur une étoffe noire au-dessus de sa tête. Un regard embrasse furtivement les alentours. Puis, assurée qu'il n'y a personne, la mercenaire se lance. Le tissu est arraché, révélant d'un simple geste une lanterne pendouillant au bout d'une branche, crevant les ténèbres d'un éclat doré. Vivement, la balafrée se décale de quelques arbres pour ne pas rester dans son halo. Dos contre le bois, le visage se penche avec précaution. Suspens encore de savoir si poisson mordra à l'hameçon. Elle veut s'assurer que Frayner s'approchera de la fenêtre... Qu'il verra la lanterne.
    Ensuite... Ensuite il y aura tout un chemin à faire apparaître.

      Un, deux, trois, nous irons au bois...


Musique : " Silence Unbroken", dans Skyrim, composé par Jeremy Soule
_________________

- Anaon à dire et à lire "Anaonne" -
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)