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[RP] « Parle si tu as des mots plus forts que le silence...

Lililith
... ou garde le silence. »
Euripide, Fragments.

Cela faisait déjà un bout de temps que la mini-Corleone ne pipait plus mot. Elle avait fini par trouver une tablette de cire, c'était plus pratique - mais moins amusant - que de dessiner au charbon sur les tables. Enfin, « trouver ». Elle écrivait donc dessus, ne faisant pas de phrases complètes, se jouant de son silence, préférant regarder les Grands s’empêtrer dans leurs mots qui ne faisaient que dire du vide. Ils se débrouillaient comme ils pouvaient, mais elle ne disait plus rien. Le plus souvent, elle dessinait, parce qu’écrire lui faisait craindre de faillir à sa promesse : après tout, les lettres faisaient des mots…

Le couteau avait été rangé à la taille, précieusement, comme chaque soir. L’entraînement avait été intensif ; Nizam s’était décidé à la battre. Peut-être pour récupérer sa dague ? Comme pour le narguer, c’est elle qu’elle avait utilisé. Elle avait cru avoir le dessus à un moment, mais le Grand était bien trop fort pour elle et l’avait mise hors-jeu peu de temps après le début du combat. Rageusement, elle s’était relevée et avait fait face. Au bout de plusieurs fois où elle s’était retrouvée à terre, elle avait fini par abandonner.

Et maintenant, elle s’était un peu éloignée du campement. Oh, pas beaucoup, parce que bientôt serait l’heure d’écouter les directives de ‘Joy. Elle avait sifflé son chat - seul bruit qui sortait encore de sa bouche avec ses rares rires – et ils s’étaient installés, lui assis, elle en tailleur, autour de la dague qu’elle venait de planter dans le sol. Bref moment de solitude, d’intimité entre deux êtres qui se confrontaient à tout instant au silence.

Les Grands ne comprenaient pas. Et elle ne voulait pas leur expliquer. L’Étoile serra la tablette à s’en faire mal les doigts. Sa manière à elle de crier. Et cela faisait autant de bien. Puis elle s’allongea, levant la tête vers le ciel et l’observant. Le ciel aussi était silencieux... Aucun oiseau. Peut-être qu’ils avaient froid ? Peut-être qu’ils avaient peur d’eux ? Quoi de plus normal, après tout…



Ils étaient Corleone.

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Aevil.
« Celui qui ne comprend pas ton silence n'arrivera jamais à comprendre tes mots.»
- Elbert Hubbard




Il l'avait promis, était là, discret, invisible. Laissait les Corleone agir, réagir, survivre et évoluer ensemble. Loin de lui. Il n'était rien d'autre que les yeux de la Matriarche. Rien d'autre que les bras protecteur d'une enfant murée dans le silence. La souffrance. Chacun à sa manière laissait évacuer la perte trop douloureuse. Car sans elle, il n'était rien. Ce frère aimé, utile, n'existait plus. Pourtant il avait promis. Apprendre à connaître son fils, surveiller la famille, puis la protéger, l'Etoile. Petite Prunelle évoluant dans le murmure. Juste l'ombre d'une Âme qui a perdu toute son innocence. L'Etoile n'est plus une enfant, juste une jeune fille ayant grandi trop brutalement. Ce choc, il tentait de l'atténuer, parfois. Restait près d'elle, se tenait présent pour les moments où elle avait besoin de quelqu'un. Mais était-ce utile ?

Loin du campement, l'Enfant et le Chat se tenaient dans l'herbe. Le Silence les entourait, comme si la nature elle-même savait qu'elle ne parlait plus, que plus un son ne sortirait de cette voix pourtant si agréable. Car qu'y avait-il de plus chantant que la voix d'une enfant heureuse ? L'était-elle, seulement ? Le Balafré s'approcha doucement du duo, cherchant à ne pas rompre l'harmonie les entourant. Il finit par s'allonger à côté de la petite, regardant le même ciel, vide.


En Italie, on faisait ça, aussi. Con mio père é le miei sorelle. Nous partions chasser puis prenions du temps, tous les quatre.
Mamma era così inquieta al nostro ritorno che gridava*


Un léger rire s'échappa de ses lèvres à ce souvenir. L'Italie, ses parents, Sharra et Rodrielle... Parler d'eux était tout aussi agréable que compliqué. Et puis, il avait encore beaucoup de mal à ne parler que français. Mais il savait que l'enfant comprenait leur langue natale, tant est si bien qu'il était persuadé que l'italien lui donnait un peu de réconfort. Comblait l'absence. Atténuait la douleur.

Il faudra y aller, un jour, là-bas. Ce serait si dommage de ne jamais voir nos terres.

Redonner l'espoir qu'un jour ils fouleront les pas de leurs ancêtres Corleone.



*Maman était si inquiète à notre retour qu'elle criait
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Lililith
Combien de temps était-elle restée là ?
Quelqu'un venait de les rejoindre. Elle n'avait pas bougé, ayant simplement perçu la présence de l'ombre qui venait de s'installer à ses côtés.
Les étoiles clignotaient. Mais plus elle.

La voix grave vint percer le silence avec douceur, comme on peut percer une bulle de savon. Lili l'écouta, bercée par le roulis régulier de la langue étrangère et pourtant connue. Elle ouvrit la bouche un instant, comme pour mieux capter tout ce qui l'entourait, et sourit un peu. Elle imaginait la scène. Un peu comme quand Jeanne ne la voyait pas revenir, quand elle était encore à la Bicoque des Orphelins à Blois.

Elle tourna légèrement la tête vers son oncle, l'observant. Les mots ne passeraient pas la barrière de ses lèvres. Alors elle se redressa, s'approchant de lui, frottant ses genoux sur la terre froide. L'hiver se précisait, même si dans son coeur il y était déjà alors même que l'été n'avait pas cédé sa place à l'automne.

L'Étoile grimpa sur Aevil, s'asseyant à califourchon sur son torse. Tentant de le voir malgré la pénombre, elle tendit ses petits doigts vers la cicatrice qu'il arborait au visage. Elle hésita puis l'effleura.

Oui, Lili avait beau ne plus parler, elle demeurait curieuse.

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Aevil.
Il n'avait pas réussi à lui faire décrocher un mot. Mais au moins, elle avait sourit, était passée par une émotion positive. La confiance entre eux s'installait doucement, coupant lentement la barrière invisible de l'inconnu. Et il trouvait que c'était un bon début, allait garder espoir qu'un jour elle lui parle, qu'il entende sa voix autrement que par le désespoir qu'elle avait eu à la mort de l'Italienne. Qu'il l'entende rire, un jour...

Aevil rouvrit les yeux en sentant la petite Etoile grimper sur son ventre. Il redressa sa tête, glissant ses mains derrière, puis lui sourit. La glace se brisait, lentement... Lorsqu'elle passa son doigt le long de sa cicatrise, ses yeux se fermèrent. Il comprenait la curiosité de l'enfant, qui devait avoir tant de questions. Et son rôle était de répondre à toutes.


Un petit souvenir de guerre. J'ai raté un contrat et j'ai failli en mourir, o perdere un occhio.

Il sourit tout de même, retirant une main de l'arrière de sa tête pour aller caresser les cheveux de l'Etoile, cachée dans la pénombre. Petite fille, que vas-tu faire ? Comment vas-tu grandir ?

Mêmes les meilleurs se font avoir, parfois. Mais on fera en sorte que ça ne t'arrive pas, à toi.

Comme une promesse...
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Lililith
Lili ne le lâchait pas des yeux. Elle eut un bref mouvement de tête, sans pour autant comprendre. Ses yeux posaient des questions qui resteraient silencieuses. Comment un Corleone pouvait-il manquer un contrat ? N'étaient-ils, eux aussi, que des hommes, après tout ? Comme pour confirmer, Aevil poursuivit :

Mêmes les meilleurs se font avoir, parfois. Mais on fera en sorte que ça ne t'arrive pas, à toi.

Elle l'observa tristement. Il était déjà trop tard. Lentement elle porta ses doigts jusqu'aux ourlets des deux chemises qu'elle avait superposé l'une sur l'autre, la noire sur la rose, les relevant lentement pour dévoiler son flanc gauche, barré par une cicatrice.

Il était déjà trop tard. Elle était déjà marquée de la cruauté des hommes. Celle-ci était plus grande encore : c'était un Petit-Grand qui lui avait infligé. Grimoald. Comme s'il avait souhaité se venger des coups infligés par Sebilia.

L'Étoile baissa les yeux vers l'entaille désormais refermée. Mâchonnant ses mots entre ses dents, elle finit par relâcher les vêtements. Soupir corleonesque.

Et puis, lentement, elle glissa un peu vers les jambes de son oncle, refermant les siennes dessus, puis s'allongea sur lui, posa sa joue et ses deux mains sur son torse, alors que son chat venait se coller à eux. Elle resta ainsi, yeux grands ouverts.

Écoutant le silence.

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Enjoy
    ...Ils étaient Corleone.

    Faillibles également. Leurs grands airs, leurs gouailles. Ils crachent le venin comme le croyant récite le credo. Les affaires familiales sont nombreuses. Un véritable champ de ronces. Au début, l'italienne faisait partie des auteurs de ce galimatias. Chacun apportant un paragraphe supplémentaire pour désordonner l'ensemble du récit. Désormais les choses avaient changé inexorablement lui offrant un angle d'approche totalement différent. Désormais, elle devait prêter une oreille à chacun. Les écouter les uns, les autres jusqu'à oublier d'ouïr sa propre voix. Untel a une dent envers unetelle. Une apprécie une autre sauf qu'elle ne peut pas blairer la personne qui traîne avec la seconde. Les histoires s'amoncellent comme les cadavres dans un charnier. Les regards s'expriment alors à la place des paroles inexistantes.

    Ses onyx se déposent sur la scène. La muette et le sombre individu. Un duo des contraires. Une pensée fugace à cette vision. Au moins pendant qu'ils étaient ensembles, elle n'avait plus à s'en soucier. Ne plus s'occuper de la mioche. Sa conversation est aucunement dérangeante pensera un esprit ironique. Ceci n'était pas vraiment une raison pour la délaisser. Ou à la rigueur de cette chienne de vie.

    Dans ses mains, la Corleone détient deux fausses armes. Épées en bois. Il était temps de lui offrir sa première leçon. Peut être même que le ténébreux italien s'inviterait aux réjouissances. C'était un peu sa manière à elle de faire preuve de sentiments. La lionne étouffe les mots mielleux entre ses lèvres acidulées et préfère présenter la tendre rose à son épouse. Dans une intimité certaine. Loin des jugements. La faiblesse n'a pas réellement droit au chapitre dans son existence. Malgré tout, afin d'atténuer le deuil de la môme, elle se devait de lui faire une petite place sur ses genoux. Fredonner une douce mélodie. Hypnotiser les réflexions torturées de ce miroir difformant. Parce que malgré la différence d'âges, elles souffrent toutes les deux.


    'giorno... Il est venu l'heure de l'entraînement.

    Dextre tend l'imitation d'une lame. Tu vas me donner un coup de bâton, moufflette ?

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[Manque de temps IRL. Retour bientôt.]
Aevil.
Oui, il avait été trop tard. Il n'avait pas eu vent de cette attaque, de cette première blessure de guerre qu'avait reçue l'Etoile. Déjà, si jeune... La Tatouée n'avait pas renoncé à amener les enfants sur le champ de bataille, alors qu'elle les aimait tant. Il pensait encore à elle, oui, il rabâchait, mais son monde tournait autour de cette femme qu'il entendait encore : "ils doivent apprendre jeune, faire face à la réalité de la vie le plus tôt possible... comme toit, tu m'as appris". Aujourd'hui, il regrettait presque l'entraînement difficile qu'il avait donné, s'en voulait d'avoir amené une petite à avoir sa première entaille si jeune. La dextre caressa doucement la blessure.

Fais-en ta force, ragazzina.

Car ce n'allait pas être la seule qu'elle aurait. Pas en restant avec sa Famiglia...
Il l'aida alors à redescendre sa chemise sur son ventre, puis la laissa s'installer. Les bras masculins entourèrent alors ce petit corps fragile, ce petit bout d'âme déjà abîmé par la vie. Puis il soupira, les yeux dans le ciel. Il comprenait enfin pourquoi il était là, ce qu'il devait faire ; être avec elle, le plus souvent, pour se repentir de toutes ses absences passées. Elle avait besoin d'un pilier extérieur à ses connaissances, d'un mur.

La voix de la Mustélide le retira de ses rêveries. Tête fut tournée vers elle à qui il offrit un sourire caché dans l'ombre. La Grande, nouvelle. Celle qui allait devoir tout donner pour le bien de sa famille. Savait-elle la lourde tâche qui lui incombait ?


Andiamo, mia Stella.

Un murmure, pour l'encourager dans son expiation.
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Lililith
And who are you, the proud lord said,
that I must bow so low?
Only a cat of a different coat,
That’s all the truth I know.

[Et qui êtes-vous, dit le fier seigneur,
Pour que je doive m’incliner si bas ?
Rien qu’un chat d’une autre fourrure,
Et voilà ma vérité vraie.]

Combien de temps étaient-ils restés là ? Lui à la soulever au rythme de ses respirations, elle à les écouter, ignorant le froid, lui faisant un gigantesque pied-de-nez.

'giorno... Il est venu l'heure de l'entraînement.

Elle releva un peu la tête, n'ayant pas à bouger plus puisqu'ils n'étaient qu'entre eux. Elle regarda un instant Aevil qui l'encouragea, avant de se laisser glisser hors de son torse. La Minusculissime se redressa lentement, prenant le temps de s'étirer comme si elle venait de s'éveiller d'un long sommeil.

Lentement, elle marcha vers Enjoy. Posa sa main sur l'épée tendue. La fillette lorgna sur le bois, refermant ses petits doigts sur la garde. Fit quelques pas pour s'éloigner de la Mustélide, puis s'en rapprocher. L'Étoile leva son épée, avant de la rabaisser. Elle regarda le sol, les pieds de la Mustélide, puis remonta le long de son corps. Devant elle se tenait une des nouvelles têtes du clan. Devant elle se tenait une de celle à qui elle devait le plus le respect. Et pourtant, c'était celle vers laquelle elle se tournait le plus volontiers. À chercher à grimper sur ses genoux. À lui montrer qu'elle comptait. Parce qu'à sa manière, la fillette essayait d'être un trait d'union entre ceux de son Clan qu'elle voyait le plus. Plus tard, quelques nuits après, elle recevrait le foulard d'Alessandro pour empêcher un départ. Mais pour l'heure, elle se trouvait devant une Grande. Et elle savait qu'elle perdrait parce qu'elle n'avait pas assez d'expérience. Mais pourtant elle ne s'inclinerait pas aussi facilement, quand bien même elle était « une pièce rapportée ». La Minusculissime faisait tout pour leur faire oublier, et cela marchait relativement bien. Elle regarda fièrement Enjoy.

Enfin, elle lança son jouet qui n'était déjà plus qu'une extension de son bras.

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Enjoy
    Mia Stella.

    Combien de fois avait-elle pu ouïr cet épithète. L'innocence est un cristal de glace. Translucide, pur, le prisme lumineux le transperce presque. La candeur perdure, n'a pas conscience de la peur. Puis les jours se font et se défont. Le temps s'égraine nonchalamment ou avec empressement. Cet agrégat d'eau solidifiée se désagrège alors. La parole d'argent préfère le silence et son or. Sans le savoir, la petite gagne en importance du fait de son mutisme. Cet état de fait est bien déconcertant. Au milieu des voix, on ne remarque que celle qui s'est tue. Parce qu'on ne sait plus ce qu'elle pense, ni ce qu'elle vit. La Minusculissime se protège et décide pour se faire de concevoir sa propre prison de verre. La Corleone en a bien conscience, seulement que pouvait-elle y faire ?

    De prime abord, le poste suprême a l'air si tentant. Elle se souvient encore des longues nuits songeuses. Quand la Tatouée était encore ici bas. L'italienne se voyait faire ceci ou cela, à instaurer telle chose, engager telle personne. Plus libre. Sans compte à rendre. Sa déconvenue n'en fut que plus brutale. Mener, c'est en réalité tout le contraire. Le sacrifice ultime. A devoir délaisser son épouse, étouffer ses désirs, oublier jusqu'à sa propre personne. Si bien que la Lionne finit par se raccrocher à des bouées inespérées. Certaines qu'elle n'aurait jamais eu la présence d'esprit d'en quémander l'assistance. L'enfant en est une. Sa fierté l'enlise dans la boue des non-dits. Son assise sur ses genoux, les fredonnements rassurants qui en résultent, le souci de la préserver malgré tout. Même si c'est une céramique fêlée. La blondine est là. Toujours là. Le rôle de « Zia », pour ne pas dire Matriarche, lui incombe désormais. Son devoir est donc de sauvegarder ce qui peut l'être encore. Pauvre enfant quand on y pense. Une mère adoptive disparue, une mère naturelle absente et avec pour seul substitut une sulfureuse brune. Orpheline, elle aussi, au même âge voire bien plus jeune. Tout ce qui est implicite se traduit par le geste. L'attitude de la môme lui plait. Cette hargne, cette aspiration à la vengeance, la colère qui s'en dégage. Vouloir prouver quelque chose aussi. Un point commun à chaque Corleone avec leur ambition démesurée.

    Si l'une se farde d'une poudre courroucée lorgnant sur son épée en bois, jaugeant son vis-à-vis. L'autre attend la secousse du premier assaut. Ne pas la sous-estimer, non pas qu'elle craint quoique ce soit. Mais le respect est de mise. Même si la plupart des "mercenaires" émettront des railleries sur ce petit animal fragile, même si une majorité remettra une couche de moqueries sur l'orphelinat ambulant. Même si... La Zia s'en fout. Tout comme la rumeur naissante qui harangue la foule à coup d'exagérations. Le Clan se composerait d'une cinquantaine de membres, ils auraient été vu en même temps dans trois endroits totalement opposés pour éventrer des coffres. Et surtout ils arrivent à renseigner des gens qu'ils ne connaissent ni d'Adam, ni d’Ève. Voici les raisons de son indifférence car cette tête de blé, haute comme trois pommes, suit ce groupe de scribes. Spiritu Sanguis & Corleone ne sont rien d'autres que les écrivains de leur propre Histoire. Les tisseurs d'une légende, une qui a un passé enluminé dans les plus beaux livres d'or. Sa Minusculissime dépassera toujours d'un cran le toit de ce monde. Quelle grandeur pour une si petite personne.

    Le coup adverse est porté. La parade ne tarde pas à venir. La riposte suit son cours. Le faciès s'assombrit, sa position se raffermit. Dis-moi comment tu frappes et je te dirai qui tu es. Une des nôtres, il n'y a pas à en douter. Toutefois la rue n'est pas un cocon et donc les touches se succèdent. Tantôt légères et agiles, tantôt violentes mais précises. Il ne pleut que sur la plus mouillée. Son adversaire de neuf printemps. L'apprentissage à la dure débute enfin. Le principe est simple : Marche ou crève. C'est ainsi qu'on lui a enseigné, c'est ainsi qu'elle a saigné, c'est ainsi qu'elle transmet à son tour. Il vaut mieux subir en famille et briller en dehors. Que de se faire choyer, bien loin de la réalité et périr dans une ruelle. Faible ici, forte à l'extérieur. Ne plus rien craindre. Etre la mouflette qui, au réveil, met un pied au sol et fait trembler la Terre entière.


    T'arrêtes de causer ?! On entend que toi.

    Une manière comme une autre de la faire enrager. Toujours plus. Cogner, harceler. Lui faire du mal et ceci pour son bien.


*Zia = Tante/aînée, personne respectée.
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[Manque de temps IRL. Retour bientôt.]
Lililith
Elle morflait. Clairement, la fillette ramassait. Mais cela ne la gênait nullement. Elle acceptait volontiers les coups, les blessures, les railleries de certains qui ne comprenaient pas son silence. La Minusculissime gardait chaque coup de poignard précieusement, le chérissant, l’élevant à la plus haute place dans le podium de son cœur. La douleur lui permettait de ne pas sombrer dans l’oubli. Elle lui permettait de se rappeler le parfum de la Tatouée. Sa voix. Ses inflexions quand elle était en colère, ravie, quand elle savait que Fralis revenait. À terre. Une fois. Elle se releva d’un bond.

T'arrêtes de causer ?! On entend que toi.

Elle ne causait pas. Elle préférait le silence parce qu’il était plus assourdissant que si elle hurlait. Parce que justement, on ne l’entendait plus. Sans aucune expression, elle regarda ‘Joy. Et puis tout à coup elle laissa tout exploser. Sa rancœur. Des trois mères qu’elle avait eue, deux étaient mortes, arrachées par des hommes, la troisième était absente. Et la fillette, depuis la mort de la deuxième, cherchait désespérément au plus profond d’elle-même où elle avait oublié de faire quelque chose. Une scène lui revint en mémoire. En taverne, un portier qui venait de lui mettre une raclée. Et Arsène qui avait fini par s’agenouiller devant elle pour la relever : « ce n’est pas de ta faute ». Bien sûr que si. Elle avait hoché la tête. Elle avait échoué, mais le tout était de trouver où. Et ce n’était pas facile. Alors la fillette se repliait sur elle-même comme pour mieux empêcher les souvenirs de s’enfuir, afin de les inspecter un à un pour trouver celui qui lui donnerait la réponse.

Rage.

Elle frappa la Mustélide sans aucun remord. Elle ne causait pas, n’en déplaise aux autres. Elle, ce silence finissait par la charmer, il avait ce côté mystérieux, tentant. Elle s’y plongeait volontiers, renfermant tout ce qu’elle aurait pu dire aux autres. Tombée à terre, elle y resta, tentant en vain de faire trébucher son adversaire. Elle n’aimait pas écrire sur sa tablette, mais il fallait bien un semblant de civilité avec les autres. Elle était sur ses deux jambes, touchée à nouveau par la Grande. Grognement. Écrire. Nina lui avait d’ailleurs écrit. Mais elle n’avait pas répondu. Pas encore. Pourtant, elle était ravie d’avoir des nouvelles de l’adulte. Il fallait qu’elle réponde. Elle devait. Parce que Nina était la Première. Son seul lien avec le Passé. Pour cela, et pour l’amitié étrange qui liait les deux êtres, la fillette devait garder le lien.

De nouveau son expression s’était faite neutre. Elle regarda à droite, attaqua à gauche. Parade stupide qui porta toutefois ses fruits, lui permettant d’atteindre la meneuse. Elle venait de perdre une bataille, mais pas la guerre, et l’Étoile le savait très bien. C’est pourquoi elle était sur ses gardes quand l’autre riposta. Acharnement sur une fillette de neuf ans, mais celle-ci lui rendait bien. Avec plaisir, même.

La terre avait mauvais goût. Quelques-uns s’étaient rassemblés comme pour assister à cet étrange ballet où les danseuses n’avaient rien en commun, sinon leur nom, sinon leur Famiglia. C’est-à-dire, Tout. L’enfant grogna. Cracha. Siffla pour ordonner à son chat, qui s’était déjà tassé, de ne pas intervenir. Elle ne maîtrisait pas la situation, mais laisser échapper sa haine et sa souffrance en recevant des coups et en en distribuant quelques-uns lui faisait le plus grand bien.
Son épée lui échappa des mains, elle la reprit.
Le choix était simple : Marche ou Crève. Elle avait choisi. Sa volonté n’était pas de se laisser enterrer au fond du trou duquel on aurait pu la croire. Elle était allègrement passé par-dessus.
L’Étoile se figea un instant, regardant ‘Joy. Une question lui traversa l’esprit, mais elle l’écarta. L’heure n’était pas à la discussion. L’heure était au combat. Elle pivota, la Mustélide s’étant mise à tourner autour d’elle comme un chat autour de sa souris. Elle était prise au piège et elle le savait. Mais elle demeurait la tête haute. Parce qu’elle était Corleone…

… Lili n’abandonnerait pas si facilement.

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Enjoy
    La terre a toujours mauvais goût. Âpre. La pitance poussiéreuse des affamés, les lambeaux d'une vie regrettée. Alors il n'est jamais profitable de s'y coucher, de s'y mêler, d'en absorber les sucs indélicats. Le grain craquant sous la gencive, le souvenir nauséeux de la forfaiture. Et sous sa fine couche de glaise gisent les défunts défaits par la Camarde victorieuse. Elle ripaille comme pas deux car, que son ouvrage soit bon ou mauvais, elle gagne à tous les coups. Les hommes ne sont que ses marionnettes maladroites. Ils croient détenir avec conviction le tracé de leur destin. Mais en réalité, dès la naissance, ils ne font que subir. La place parmi leurs semblables est une cause aléatoire, le nom dont ils sont affublés en est la conséquence. Cuillère en bois ou en argent, les repas suivent leur condition. Ils grandissent, gambadent et se dénichent, tels de vulgaires limiers, quelques improbables ambitions. Un os à ronger. Et une existence bien morne parsemée de-ci, de-là de timides coups d'éclat. Prisonnier, un jour. Victime pour toujours. La fatigue les harcèle de son fouet stressant. Le compte des années devient de plus en plus rapide à effectuer. Le sablier abandonne au temps les dernières heures. Puis voici le cabot d'une chienne de vie hurlant à la mort. Le cortège s'en suit afin de perpétuer à jamais le ballet menant au tombeau.

    Peu encourageant...

    Et elle ? Elle est là, rageant contre la Terre entière. Parce que le Monde lui retire ce qu'elle aime. En veut-elle sûrement aux sentiments eux-mêmes. Ces derniers contrits de plaider coupables. Ils ont été crées pour la faire souffrir. Comme tout un chacun. On peut, pour certains, ne pas ressentir la douleur ou bien la maquiller sous une fierté inadéquate. Mais les émotions mouvantes, tortueuses, pernicieuses qui malmènent de l'intérieur. Ce sont des harpies increvables. Les neurones affairés n'arrivent même pas à les faire taire. Les cogitations incessantes continuent d'hanter l'esprit. Jusqu'à ce que la volonté abdique. Ce jour-là, les pas deviennent lourds, les épaules se chargent d'un fardeau, le poids de la tristesse. D'aucuns chercheront à muer ce malheur entêtant sous le silence, peu arriveront à respecter ce vœu sans jamais le briser. Ou si peu. La plupart feront partager cette mélancolie. Hélas, tous omettent qu'un jour, il est vital de savoir se relever. Cela prend du temps, parfois une éternité mais le jeu en vaut toujours la chandelle.

    Et toi ? Lili Corleone, que viens-tu exprimer via cet acharnement ? Portes-tu des coups ? Ou bien le fruit de ton affliction ? Tu n'es pas encore résignée, on le sent. Tu fais bien.

    Tantôt les esquives fonctionnent, tantôt non. La fluette fillette est agile. Un torrent de violence. Les postures se font faces, se séparent, s'approchent et s'éloignent. Danseuses habiles dont les ombres graciles ne susurrent que l'entrechoquement des bâtons entre eux. Une, tombe. L'autre fulmine de se faire avoir. Les réflexions issues de ce combat juvénile s'ordonnent lentement. Ne serait-ce pas lui offrir un plaisir incomparable que sa défaite ? Encore faut-il la saupoudrer, avec intelligence, d'une once de mise en scène. Que cela soit suffisamment probable afin que la blondine ne se rende compte de rien. Le visage de la Corleone se crispe légèrement, ses lippes s'étirent dans un sourire narquois. L'envie d'ajouter à ceci, une réplique acerbe se fait sentir avant d'être évacuée. Le bois frappe à deux reprises les jambes de la Lionne. Celle-ci feint la douleur et se courbe afin de porter une main à l'endroit touché. La Minusculissime parachève son assaut en visant la tête de sa pauvre victime. L'italienne pare au dernier moment tout en réprimant un sourire de satisfaction. Elle se couche pour lui offrir la victoire. En réalité, la confrontation physique n'a jamais vraiment eu lieu. Par contre ce fut le plus grand discours des orateurs mutiques.


    Je m'avoue vaincue...

    Elle se relève prenant un air rassurant afin d'endormir son vis à vis. Et se rapproche avec une innocence certaine comme pour la félicité. La fameuse congratulation des duellistes. Ou bien lui apprend-t-elle une toute autre chose : la méfiance. La Corleone s'appuie doucement sur l'épaule de l'enfant triomphante avant de lui asséner un croche-patte. La manœuvre est vile. Mais pour survivre, quelque part, il faut l'être. Tous les gagnants le sont, ils évitent juste de le crier sur les toits. Et redorent une vérité pas vraiment glorieuse avec des boniments bien sentis.

    ...ou non. Le jour où cela arrive, cela signifiera que mon corps sera bouffé par les vers. Fais-en de même.

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[Manque de temps IRL. Retour bientôt.]
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