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[RP fermé] Heliosphère en épîtres caligineux

Zephyre
"Il se fit un soir. Il se fit un matin. Sixième jour." *


Elle, c'est l'aube du sixième mois qu'elle aurait voulu voir se lever. Mais en l'état actuel, seules les ténèbres épaisses dans lesquelles elle venait de sombrer s'avéraient être son univers. Un tourbillon l'avait happée. Et le trou noir s'ouvrait sous ses pieds. Béant. Luxovore. Ne restait de la lumière qui la portât jusque-là que... le néant. Et dans son esprit, le vide intersidéral. Le Chaos venait de trouver une nouvelle âme à avaler dans le crépuscule des sentiments unilatéral.

L'ondée orbitale en pluie diluvienne cessa enfin. Regard circulaire sur le théâtre des évènements. L'Etoile avait filé. Par sa faute. IL lui aurait pourtant décroché la Lune. Elle, froidement, gardant les pieds sur Terre, lui avait asséné le coup de grâce de la disgrâce. Pourquoi ?
Si un jour l'on vous offre de vous dévoiler l'un des plus grands mystères qui régissent le monde, celui de l'esprit féminin, faites-moi signe ! Je suis preneuse. Elle aussi d'ailleurs. Ne comprenant toujours pas ce qui la conduisit vers sa perte.

Hagarde, la Ventée, dont le souffle n'était plus que filet expiatoire d'une vie moribonde, s'aventura au dehors. Le Zef s'éleva. Une nuit, profonde, venait de s'abattre. Comme si le Ciel lui était tombé sur la tête. Quoiqu'en la matière, IL avait bien plus à réceptionner.

Errante de l'âme, un voile, lacté, opacifiant la visibilité, c'est sans savoir vers où ses pas se dirigeaient qu'elle alla. Quand les brumes s'emparent de vous, rien ne peut plus les transpercer. Le soleil viendrait, un jour. Un rai les pourfendrait. En attendant...
D'obscures pensées, troublées par le silence assourdissant des mouvements noctambules de la vie en latence d'un jour nouveau, la conduisirent jusqu'à la chambre... ce qui fut leur chambre. Il ne dormirait pas là ce soir. Il n'y dormirait plus jamais. La nuit serait longue, et la déserrance serait son lot pour un moment.

Le mantel jeté sans précaution aucune sur la couche, froide, vide, le coeur étreint, les entrailles pourrissant de l'intérieur, laissant les ultimes braises se consumer jusqu'à mourir comme ces astres qui s'éteignent avec dignité dans une débauche de couleurs et de chaleur annonciatrice de la glaciation à venir, la Tempête qui avait encore causé des ravages prit place à la table, comme tétanisée.

Ne lui restaient plus que les mots pour changer d'atmosphère. En chapelets ou en guirlandes. En corolle ou en atoll. Brillants au firmament. Ou mourant dans l'encre. Ne réclamant qu'à jaillir, naissant dans le feu de sa peine, pépinière fertile incandescente pour faconde dégénérescente.
Un sillage, étiré de la pointe d'une plume comme façonnée dans les forges vulcaines, et voici que s'élance le premier jet d'une longue salve. Avec pour seul récipiendaire un velin qui étouffera ses cris de détresse, sa souffrance... ou ses espoirs. Point de moitiés à l'horizon. Point d'ami(e)s. Une solitude voulue, et assumée.
Une perle de rosée s'écrase négligemment, balayée d'un revers, maculant le support d'un cratère impraticable. Elle s'enferme dans sa bulle la Ventée.






Bordeaux, le 16 février 1462


Cher Journal,

Page blanche quand je broie du noir. Hier soir j'ai créé un séisme.
Volontairement ? Non ! Enfin, si. Un peu.
Si je m'en veux ? Oui ! Enfin, non. Si peu.
Il fallait que ce soit dit. Même si je n'ai pas tout dit.
Tu me diras : "il faut toujours garder la tête haute et tourner ses yeux vers la lumière".
D'accord. Mais... elle s'éloigne la lumière, invariablement. La rotation sur son axe l'attire dans le lointain.
J'ai la tête en implosion, si tu savais. Mais toi, non, décidément, tu n'en puis rien deviner. Pas plus que tu ne peux comprendre les soubresauts qui ont pris possession de mon esprit depuis plusieurs jours, semaines, ce poison lancinant que sont les pensées pernicieuses qui s'insinuent quand le doute a creusé son sillon.
Qu'as-tu à ajouter ? Crois-tu me réconforter ?
Va au Diable ! Tu n'es qu'un bout de papier !




Geste rageur qui fit faire à l'ouvrage un vol plané. Atterrissage tout en brutalité sur le parquet. Il s'en fallut de peu qu'il ne côtoie le Phénix dont les cendres se répandaient dans l'âtre. Consternation pour constellations de mots perdus, épandus, éperdus.
Un main tremblante le ramasse au sol, avant de le porter à sa poitrine. Celle-là même dont elle L'a privé.
Et tandis qu'elle s'étend sur le lit abandonné, une voix résonne à ses oreilles :

Est-ce vraiment de cette vie-là dont vous rêvez ?



C'était un soir. Il y a moins d'une semaine. Et à Bazas... le BIG BANG venait d'éclater.






Genèse 1 : 31
Socrate_lediscret
« À la fin, j'imagine, ce sera le soleil, non ses vaines images (...) mais le soleil lui-même à sa vraie place, qu'il pourra voir et contempler tel qu'il est ». *


Il s'en est toujours très bien accommodé, au fond, de sa profonde caverne. Les tavernes, les tréfonds des tripots turpides, le Dieu Éthanol auquel il a toujours rendu un culte assidu aux dionysies courantes dans ces lieux si fréquentés - mal famés très tard en soirée. Le stupre c'est son apaisement & le travail le trop pénible tourment. Comme tout homme qui se respecte, il a beaucoup tiré la gueusaille en jupons, sous l'apparat des professions de foi publiques il est un peu athée, et l'athéisme se conçoit difficilement sans le libertinage. Le monde luxurieux, de la fainéantise, de l'acédie et de tous ces vices si véniels est une grotte où il fait bon vivre & demeurer. Lui-même a très bien conçu que les tribulations du genre n'étaient pas la manifestation la plus claire d'une justice claire, mais qui n'a jamais connu la jouissance et l'extase continuelle des sens ne peut saisir à quel point une faiblesse de conviction peut entraîner et surtout maintenir un individu au naturel nonchalant dans un univers si doucereux.

Cependant, d'aucuns - quelques trublions frustrés sans aucun doute - affirment que l'amour peut se vivre le plus heureusement possible dans la tranquillité d'une union passionnée entre deux êtres seuls, et sans risquer de faire sourdre la dégoulinante engeance libidineuse de la trop sévère syphilis & consœurs. Qu'une exaltation amoureuse vaut plus que cent orgies. Et beaucoup d'autres sornettes aux relents chimériques pour le vieux Socrate, mais le bon bougre n'est pas étranger aux incisions de la toute-puissante Raison qui semble lutter un peu pour ces arguments-là. Alors il a essayé, avec une Antigone pour sa taciturnité délicieuse, une Hélène pour sa grande beauté, et une Néera pour des raisons qui lui sont encore totalement inconnues. Étonnamment ça n'a pas fonctionné. Entre temps, il a perdu un peu le goût des luxures passagères, et il n'a qu'une obsession : trouver la donzelle d'une vie. Un retour prompt sur le passé, lui permit de comprendre la chose qu'il savait depuis toujours, il a déjà vu le soleil. Comme notre Socrate barbu est maladroit, il a donné à l'astre un coup si fort, que l'autre s'en est retourné par delà les monts d'Ouest, ceux d'Occident oui, il a cru qu'il avait occis une bonne fois pour toutes - occido a donné occident - ce fameux soleil, il crut qu'il ne viendrait plus de lui-même éclairer sa malheureuse existence.

Les faisceaux sont passés dans son antre - l'invitation - il a compris qu'il pourrait revoir celui qu'il avait tant attendu, et est remonté à la surface à tâtons, abandonnant pour un temps ses simulacres d'en-bas. Mais le soleil lui dit qu'il avait encore une révolution à faire - Socrate n'a pas compris que c'était menterie, que le soleil ne branle jamais rien & qu'ils auraient pu de suite se retrouver - et lui priait d'attendre qu'il reparaisse. Socrate l'impatient, saura t-il patienter sans se réfugier là où la vie coule & glissent les tourments comme une catharsis perpétuelle par le concours de la matière ? Sans l'astre chaleureux, il fait frisquet dehors, et la caverne abrite des intempéries et du temps peu clément. Finie la métaphore indigeste.


[Cahors, le 16 février 1462 - Dans une chambre de l'auberge municipale.]

La chambre est plutôt minable, le tout nécessaire pour y dormir sans trop d'invités humains & entomiques , et un guéridon entouré de trois vieilles chaises cannées en mauvais bois, Socrate est sur l'une d'entre elles, penché en avant sur la petite table, un opuscule de basse reliure, ouvert, la plume à la main. L'encre trace malicieusement son empreinte sur le vélin, c'est son carnet de voyage, auquel il accorde quelques minutes les soirs de peu d'occupation.



De Cahors, le 16 février 1462.

Cité ennuyeuse d'apostats incestueux !
Me revoilà dans la ville de tous les cauchemars, où l'ignorance a cédé depuis longtemps le pas aux pires vices qu'une inspection peut trouver chez les créatures du Très-Haut. Les femmes légères & les baiseurs de poules sont le lot constitutif de la ville des Cadurques. Et dire que voilà quelques mois encore, pour un effort plus assidu, j'aurais pu ruiner la ville et y la vouer aux flammes rédemptrices en partant ! La fièvre de haine me monte au chef, en voyant à travers de la première des tavernes, l'immonde Tiobbi à la face de hyène s'agiter comme en transe avec le vit des vagabonds rencontrés le jour en pleine gorge ! Pourtant je ne ferai rien, je n'enverrai pas un importun répandre mon fiel sur sa personne. Simplement par manque de volonté de destruction. Je m'enferme seul dans ma chambre, en me forçant à penser à autre chose.

Combien de choses sais-je sur elle, lesquelles j'ai découvertes à Sarlat, et que j'encèle comme des trésors à ne jamais faire découvrir aux autres. La maire, Cissou est une créature d'une valeur équivalente. Je n'en dirai point davantage. En revanche l'époux de cette dernière et moi, avons joué soixante parties de cartes cet après-midi, dont l'issue fut nulle, quoique j'eusse manqué de nombreuses fois de donner le triomphe à la sanction ramponnante. La cité a peu changé, je n'ai pu croiser mes amis Jihel & Isa qui ne se rendirent pas dans leur taverne je cuide, par l'expérience de vue. Nepourtant, je suis passé chez eux, et j'ai déposé un billet sur une table qu'ils trouveront en entrant. J'ai mis quelque chose de cela : "A mes amis Jihel & Isa que je n'ai point vus ce passant en Cahors, Socrate est passé par là". Quel texte innocemment agréable ! La halle n'est plus force vivante comme du temps de nos épreuves récentes. Le Lot est glacé et le ciel ombrageux, la végétation abîmée par les coups de l'hiver, je suis arrivé trop tard la matinée, pour entendre la douce mélodie des passereaux du littoral forestier. Par contre, la viande du repas était à vomir. Était-ce vraiment de la viande de bovin, ou plutôt un morceau d'une jambe du cul-de-jatte qui mendiait sur le trottoir ?

Il est bientôt l'heure de nous coucher aller. A qui donner la dernière pensée ? C'est indubitable, clair & distinct à mon esprit, je n'ai de volonté que la retrouver. Pourvu que cette guerre absurde vite finisse ! Ses lèvres, son corps nu, le timbre charmant de sa voix, et ses paroles si finies et à point tombées, sa conversation, elle tout entière. Angeline celle avec laquelle je voyage, est comme un marbre auquel le sourire difficilement s'arrache. Une prude & vertueuse. Je te ments, cher compagnon de papiers. J'ai fait la rencontre d'une donzelle avec laquelle j'ai failli coucher. Une gentille allumeuse. Elle veut, supplie que je reste encore un jorn ici, pour qu'elle me puisse accompagner jusqu'en Provence. Elle m'a même promis ses cuisses, si je demeurai ce temps qu'elle requiert. Ains je partirai. Je ne jure point que l'espérance que j'ai dû placer en le cœur de la récemment bordelaise ne sera pas vaine à terme, si le périple dure trop, si les circonstances le veulent, si je sens qu'elle m'échappe, mais une trahison si prompte gâcherait tout.

Il me faut maintenant aller me porter au sommeil, car les sentiers fatiguent mes vieilles jambes, et j'ai route demain. Quittons ma chère Guyenne. La délicieuse rose - la pure, la blanche - arborée sur mon torse belliqueux.


Puis se glissant dans ses draps, le vieux pileux s'endort, petite sieste avant un départ extrêmement matinal, avec dans le songe léger l'image décousue d'une chaste & lointaine Médée.


* La République, Livre VII, 514.

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Atala -
J'ai passé comme une fleur, j'ai séché comme l'herbe des champs.

- Comme tous les hommes, il avait acheté la vertu par l'infortune -
Zephyre
Je sais, Je sais....... je sais qu'on n'sait jamais.*


Nébulosité des orages de cerveau quand gronde le tonnerre du changement et que tombe la foudre sur tout ce en quoi l'on prêtait foi jusque là.

Ah ... les certitudes... qui vous nourrissent, qui vous pourrissent, vous empoisonnent.
Il y a celles qui flattent votre égo, celles qui vous confortent dans vos craintes, celles qui vous induisent en erreur, parfois même celles qui confirment un antagonisme de vie.
Et puis, il y a de ces acquis qui vous semblent être des vérités parce que surgis comme des évidences un beau matin et dont vous ne douteriez jamais tant ils prennent possession de votre âme, découverte sublimée de cette conviction que la révélation -quasi mystique- qui échue dans votre tête s'en trouvera pérennisée, telle une immortelle, par simple auto-persuasion du désir de durabilité.
Oui mais voilà, que reste-t-il de ces assurances, de ces espoirs qui nous ont porté, parfois fait grandir, quand le feu de la vie se met à les consumer, dans l'obscur dessein de nous affiner, nous apurer de l'inutile, faire percer l'insensé de la persistance d'une attitude, l'ineptie d'une promesse ?! Une vaine tentative pour se rattraper aux branches ? Un voile devant sa face pour se mentir à soi-même ? Une couche de chaux vernie pour masquer les fissures qui lézardent notre esprit des doutes qui jaillissent inévitablement et reparaissant inéluctablement malgré le cache-misère ?
Des cendres.
Que faire alors ?
Descendre.
Quitter la charrette en marche qui nous porte sur une voie qui n'est foncièrement pas la bonne de toute évidence, oser en concrétiser la décision par l'action alors même qu'elle continue d'avancer et la laisser aller.. sans nous. Quoiqu'il en coûte.
Et faire nôtres les certitudes qui sont devenues des vérités à être éprouvées par d'autres au cours des siècles tel "ne jamais dire "Fontaine, je ne boirai pas de ton eau"" par exemple.

Le Ciel et la Terre étaient témoins que des sentiments d'Absolu la Ventée en avait eu. Comme tout un chacun. Avec l'amour en fer de lance, celui avec un grand A. Celui dont on est persuadé qu'il sera plus fort que le précédent... mais qui s'étiole au fil de la vie qui érode jusqu'aux liens les plus solides devenus des fils ténus battus par les vents avant de s'envoler. Un leurre. Miroir aux alouettes pour esprits naïfs et dupes, se faisant prendre dans les rets de plus aguerris, ou se dévoyant en perdition.
En fait, plus elle avançait en âge, plus elle sombrait dans les turpitudes existentielles qui secouent sa vie en permanence et plus ces paroles prononcées par sa mère la prêtresse, reçues de ses aïeules -transmission orale d'une sagesse ancienne- en l'instant présent, après le séisme qu'elle avait déclenché voilà presque trois jours, revenaient résonner à ses oreilles comme une ritournelle oubliée mais qui se rappelle à vous au moment opportun : " Ma fille, écoute les Anciens et n'oublie jamais que la seule certitude que tu puisses jamais avoir dans ta vie c'est que "rien n'est jamais certain"**.
Que ce constat en ce jour était amer... mais ô combien véridique !

Délaissant sa réflexion menée au cours d'une promenade noctambule en solitaire comme il lui arrive souvent d'en avoir, ses noisettes attristées scrutant le firmament étoilé comme seul détenteur des réponses à toutes les questions qui s'en venaient la tarauder, la piquant comme un aiguillon, mouche du coche que l'on veut chasser désespérément d'un revers -sans succès- pour les oublier, le fruit de ses pensées la portant vers les hommes qui avaient jalonné son existence, pour faire d'elle ce qu'elle était devenue, elle se décida à gagner l'auberge blayaise où elle était parvenue sans encombres. Mais le sommeil la fuyait.

Des certitudes elle en avait eu oui. Toutes évaporées en fumée. Désormais ne perdureraient que les doutes. Ceux qui ne se réconfortent pas avec des mots, mais qui s'apaisent au fil du temps par des gestes, ceux qui se guérissent non par des promesses futiles, mais par leur réalisation dans les faits sans avoir besoin d'être réclamée.
Il ne lui en restait qu'une, qu'elle chérirait à compter de cet instant tel l'étendard brandit comme le signal flamboyant d'une position affermie : "Je ne sais rien !", laissant couler chaque jour pour ce qu'il devait être. Carpe diem.

Adossée au mur de pierrailles contre lequel la couche est appuyée, un coussin comme frontière et support entre les deux , son nécessaire d'écriture de voyage posé sur la tablette de nuit près d'elle, son journal ouvert sur ses cuisses couvertes, elle se laisse aller à divaguer après la longue route qu'elle a parcouru cette nuit et son errance à l'arrivée. Le stylet trouve sa place et noirci le parchemin





Blaye, le 18 février 1462


Cher Journal,

Quelle certitude avais-tu que je viendrai épancher mon coeur et le soulager de la peine qui me pèse en couchant mes lignes entre tes pages ? Toi non plus finalement tu n'en sais rien.
Qui sait quoi au juste ?
Oui, bon, tu as raison... autant ne pas poser la question au Barbichon, la réponse fuserait instantanément : "MOI ! Je sais tout, et j'ai raison de toute manière".
A quoi sert cette montagne de savoirs, et ce que tout le monde acquiert avec l'âge et le temps, dénommée Sagesse et Expérience, si en guise de conclusion l'on se retrouve à constater qu'on ne sait rien ?

Bartho était persuadé que.... So' est convaincu que... Et moi ?

Sais-tu ce que j'ai vu ce soir dans le ciel ? Mais non, pas le noir ! Seulement les astres lointains qui scintillent pour notre plus grand ravissement, nous pauvres hères ignares.
Et par moment, un signal lumineux plus intense vers l'Orient. Serait-ce un signe ?

J'ai besoin de temps en attendant... en attendant... non que le Ciel me tombe sur la tête, mais que le Soleil éblouissant dessille mes yeux, soulevant un coin de voile sous cet écran de fumée.

Mes amis me manquent et pourtant leur absence ne me pèse pas.
J'ai hâte, oui, je suis empressée de rejoindre J qui ne tardera plus. Je vais lui tordre le cou !!! A peine l'un partit qu'il s'arroge le droit de conseiller l'autre sur les tournures pour me plaire. Aaaaah maiiiiis.. il va voir de quel bois je me chauffe quand je le rejoindrai à Saintes !

Tu veux un secret, un vrai ? Il me manque, ils me manquent, Il me manque.

Sois sage. Moi je le suis. Lui... va savoir. Carpe Diem.



Le manuscrit refermé, la plume remisée dans son logement, les deux mains qui se croisent sur la couverture de cuir repoussé encore odorant aux motifs en arabesques qu'elle caresse machinalement de ses pulpes sensibles -et dont la patine ne sera jamais complètement définitive, la matière s'assouplissant, se polissant à l'usure régulière, augurant de toutes ces années de bons et loyaux services-, elle clôt les paupières, suffisamment pour se remémorer en paix ce que le vieux Loup et ami a semé comme graine dans son esprit, là-bas à Bazas, il y a tout juste quelques jours, lui assénant ce qu'elle devait percevoir depuis une "éternité"


Vous croyez que vous allez continuer de vous mentir à vous-même encore longtemps comme ça ?

Le doute venait de germer, travail de sape pour éluder les ... certitudes envolées.


"Si la certitude est plus apaisante, le doute est plus noble." ***





* Jean Gabin
** Pline l'Ancien
*** Salämah Müssa
Socrate_lediscret
« Tout est dans un flux continuel sur la terre : rien n'y garde une forme constante et arrêtée, et nos affections qui s'attachent aux choses extérieures passent et changent nécessairement comme elles (...) : il n'y a rien là de solide à quoi le cœur se puisse attacher ». *

La tourmente par introspection des cœurs volages, c'est en effet de ne pas trouver à quoi s'attacher durablement, avec une affection qui soit d'une force supérieure à celle que produit en le corps les ardeurs de passions conduisant souvent au vice & à la destruction de l'autre. Le mauvais amant est toujours sa propre victime. Si les préceptes de Lucrèce sont si méprisants envers la gent féminine, envers le tout autrui, c'est pour l'unique raison qu'à cause du caractère délétère observé chez l'autre, on ne trouve pas ce à quoi s'attacher par constat de laideur & par protection de soi-même, car il est indubitable que le vice procède du néant et tire tout ce qu'il rencontre vers ce dont il est issu, autrement dit qu'il porte le germe de l'anéantissement en lui.

La société est basée, selon les sagesses d'anciens, sur l'abandon des droits totaux que chacun a en puissance sur son prochain, c'est à dire de l'aptitude qu'a un homme à nier toute morale, tout commandement, toute prévision et à fondre sur son voisin pour lui imposer toute sa contrainte. L'abandon de ces droits est un affront fait à son corps, c'est à dire à l'amas de désirs & passions qui le meut, c'est en cela que l'on distingue la vertu du vice, la vertu est un affront fait à sa matière, et le vice la liberté de son concours. La vertu construit la société, le criminel quand il enfreint la loi pour trouver à satisfaire au-delà de ce que lui permet la loi la volonté corporelle premièrement ou secondairement menace ce qui lui garantit sa propre vie, il porte un coup à l'éternel monument de l'humanité : au corps social. Lorsqu'un quidam décide qu'il peut tuer & sévir selon son envie, car la loi imprégnée chez tous est celle du maintien de sa propre conservation, soit les voisins l'extermineront pour garantir leur propre existence, soit celui-ci plongera la multitude dans l'état de lutte de chacun contre chacun & de tous contre tous, qui annule la civilisation même.

Le couple perpétuel est simplement fondé sur la fidélité entre les conjoints, à Socrate les occasions de tromper ne manquent jamais, et il en va certainement de même pour sa Médée & le reste de l'espèce humaine normalement constituée & agissante. Point de mystère, la perniciosité du couple c'est le manque de constance dans les affections. Le vieux barbu n'a point été servi question stabilité cardiaque par mère-Nature. Tantôt transportant un fagot de charbonnettes sur les épaules, il s’effondre près du puits de sa masure bazadaise, le front suant, l’œil vide et les ongles raclant la pierre de l'édifice, à la recherche du souffle qu'il retrouve bientôt, tantôt c'est sa pensée vers des horizons coupables au profil plus courbe que rectiligne. Bienheureusement pour lui & ses compères, Socrate quoiqu'il soit toujours resté à la limite entre la tromperie consentante et le maintien de soi au sein de la législation conjugale, est toujours légèrement versé dans le vice. C'est que les femmes l'ont un peu déçu. L'autre fois, lors qu'il venait de concevoir des projets d'importance avec sa brune Antigone - productrice de sa Ô combien chérie progéniture - son ancien amant débarque, et la "à la fois" fille & sœur d'Oedipe de donner au barbu un spectacle d'orgueil repoussant. Tout fut fini le soir, quelqu'heures après. Pourquoi s'embêter avec de petits défauts & doutes quand à peu près la moitié des hommes sont des femmes, et que parmi ces femmes, il y a Zephyre ?


[Aurillac, le 22 février 1462 - Sur les rives de la Jordanne. ]

La Jordanne est un petit fleuve ridicule coulant au sein de cette ville montagneuse d'Aurillac où la plèbe parle encore la langue d'oc, résistant du haut de ses cols à l'invasion de l'idiome parisien & de ses dialectes satellitaires tolérés dans la vallée qui dessine son ombre. La cité perchée est en février à une température difficilement supportable pour un jobard venu du pays des Cadurques. Pendant près de cinq mois dans l'année, Aurillac est soumise aux intempéries les moins caressantes, les gelures sont le salaire des grandes peines que prennent les locaux pour y maintenir un si prolifique règne humain. C'est emmitouflé dans une grosse jaque débordante de laine, avec une grosse toile de jute par dessus, que le philosophe à deux deniers vagabonde, erre sur le rivage accessible d'une Jordanne timide en ce début de matinée.

Il jette un regard panoramique sur son environnement, pas un chat dans les rues, ce fait à peu près cinq jours qu'il est dans cette ville, cinq jours qu'il s'y emmerde sévèrement. Non pas qu'il sorte beaucoup, ça non, en ce moment le sire est faible et il craint les maladies portées par un manque de chaleur si incisif. Partout des arbres & des petites maisons en pierre qui se fondent dans le paysage, les chemins & le sol gris ne tolèrent pas encore la verdure, au loin, une auberge d'un étage qui semble si accueillante, l'intérieur éclairé et les nuées d'un feu annonçant forte bombance s'échappant par la cheminée happent la volonté de Socrate. Il reste encore là, à penser quelques instants, mais il fera quelques pas en avant, plus tard, s’assiéra à une table, après avoir commandé le menu du jour, un bouligou bien pesant qui lui ira droit à l'estomac, nonchalamment il prendra sa plume, son matériel à écrire en espérant que le gel n’indisposera pas le tout, il versera l'encre à nouveau sur les pages de son petit livre.




D'Aurillac, le 23 février 1462.

On ne peut point reprocher à Aurillac l’ignominie qui caractérise les Cadurques simplement pource que ces pénultièmes préfèrent à ma société les doux attraits des méditations solitaires. De fait, je ne peux point également affirmer que les Auvergnates sont bien des laiderons.

Quelques rencontres ont été faites, Emy qu'anciennement je courtisais - une brunette un peu avenante - était en taverne. Je l'ai rejointe. Nous avons discuté & joué, puis je m'endormais, enfin j'ai glissé et ne l'ai plus vue. Nepourtant, elle dut partir pour la Provence, ma jaque, mon épée & et mon bouclier sont fin prêts pour donner de l'assaut sur ces détestables réformés. Elle m'accompagne donc jusqu'à demain, où je rejoins le véritable contingent militaire. Le départ était aujourd'hui, j'ai manqué le départ. Angeline à laquelle j'avais voilà peu affirmé : "Angine, l'départ est pour samedi" est partie pensé-je avant-hier à Limoges, sa ville favorite - elle ne m'a pas prévenu quant à son départ - pour revenir aujourd'hui. Ains je cuide apercevoir dans sa conduite de femme qui fait retirer mes bagages de sa charrette une quelqu'humeur boudeuse.

Le froid a gelé mes panards qui sont partiellement violets, et même après réchauffement devant le foyer, chaque mouvement m'arrache des douleurs d'un martyre du début de notre ère. Que faire ? J'espère trouver le courage de prendre la route, emportant avec moi deux pains bis & deux légumes pour une provision de trois jorns.

Quid reliquorum ? Soit, je pense à elle. Elle est pour dire vrai, la seule femme à laquelle j'attache mes réflexions, ce qui m'étonne moi-même. Elle m'a écrit une lettre gentille, j'hésite à lui répondre maintenant, ou plus tard. J'ai confiance & en même temps, je m'en méfie. Pourquoi se préoccuper tant d'une histoire dont le dénouement ne peut que se faire dans un avenir à terme médiocre - au sens de moyen ?

Le tout est déjà de me sortir vivant et plein de gloire de ces tribulations téméraires, mon dos m'est douloureux, lors que l'âne loué quatre lieues plus bas porte toutes mes charges, que ma vieille carcasse est mon unique faix. Que fais-je ? Je manderai encore activement sa venue, quand j'aurai trouvé le discours.


L'Auvergne, quelle contrée douce ! Des paysages à couper le souffle, une gastronomie & des autochtones gracieux, quoiqu'absents, le lieu de villégiature par excellence, un séjour avec un bain chaud dans une cuve sans amour ancillaire à l'auberge municipale, qui fit un bien fou à Socrate. Il préserve l'honneur qui lui échoit de ses propres serments en sortant physiquement & avant tout, moralement propre des jours derniers, et avec l'envie de ne pas présentement se salir.

* Rêveries du promeneur solitaire, cinquième promenade.

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Atala -
J'ai passé comme une fleur, j'ai séché comme l'herbe des champs.

- Comme tous les hommes, il avait acheté la vertu par l'infortune -
Zephyre
[La vie en rose...]


Vous êtes-vous jamais demandé : "Si ma perception de la vie et de ce qui m'entoure n'était que noir et blanc, est-ce que vivre une telle existence serait savoureux ? Mes sentiments, mes émotions, perdraient-ils en intensité ?"
Idée saugrenue j'en conviens aisément, d'autant qu'en général une telle réflexion se porte plus sur des personnes privées complètement de la vision que de la simple absence de couleurs. Mais voyez-vous, ce sont ces pensées qui venaient se nicher dans la tête de la Ventée, contemplant les présents dont elle avait été gratifiée quelques jours plus tôt et qu'elle mettait à sécher, tête en bas, liés par les tiges avec une fine cordelette, à un clou de sa chambrine ayant dû auparavant supporter un vestige de miroir à présent disparu.
Et, constat amer oblige, elle dû reconnaître que ... ne pas distinguer les nuances qui séparaient les roses -car c'est bien de ces fleurs dont il s'agit là- lui eut été d'un grand secours afin d'être préservée de bien des chagrins et questionnements, mais lui aurait subtilisé la joie de les différencier dans le langage que chacune traduisait, dévoilant avec délicatesse ce que les mots qui les accompagnaient rendaient avec puissance.

Le camaïeu qui se déployait à son regard, avec une élégance que la mort par sécheresse ne lui a pas ôtée, pas encore, porté par des pétales dont la formation en corolle révélait la grande beauté des variétés choisies, dénotant le soin méticuleux qui fut apporté à la recherche pour l'en gâter, la laissait presque.. sans voix.
De plissés en drapés audacieux, d'ourlures en secrets préservés chastement, tacites déclarations pourtant, l'émerveillement ressenti se mêlait à d'autres émotions, bien plus ambivalentes et non moins perturbatrices.

Alors oui, la finesse de la rose, elle la devait à l'amitié que lui octroyait un camarade de chicaneries cadurciennes, qui lui manquait parfois, et avec qui elle n'avait jamais rien envisagé de plus que des soirées à rire et à se chipoter. La royale bleue, curiosité évidente, lui fut remise lors d'une rencontre improbable en taverne ce jour même, après presque une semaine de mise en retrait volontaire de ces lieux de fête, la replongeant dans des souvenirs remontant à l'année précédente, et elle en fut touchée. La morgue de la jaune, couleur de soleil vaniteux, elle en remerciait sa moitié, sa mi-blonde, mi-paire presque jumelle qui était sur le chemin du retour et de la rédemption... comme il lui tardait de la serrer dans ses bras pour célébrer leurs liens si spéciaux, déliquescents depuis plusieurs mois. Mais se présentait alors à son regard empli de tendresse, d'amour, mais surtout de perplexité, une énigme en bicolore : la passion tempérée par la pureté et la chasteté. La rouge et la blanche. Etrange gémellité contrastante signée par la paire de chaque en sa possession désormais.

Des couleurs, des aveux, épistole légère mais criante de tourments, tracés par une plume qui se voulait anonyme mais dont les tournures et contours ne lui étaient pas totalement étrangers. Ses noisettes en avaient lu et relus les déliés avec la même ardeur qui serait déployée un jour à déchiffrer et faire connaître au monde entier les mystères hiéroglyphiques. Bien que prise de doutes sur le provenir de Qui, elle n'en demeurait pas moins persuadée de Qui n'était pas. Et cela la chagrinait. Profondément.

Ne parvenant point à dormir, ce sont des pas furtifs qui se glissèrent subrepticement dans la cuisine de l'auberge blayaise pour chercher de quoi apaiser un noeud dans l'estomac lancinant depuis des jours. Il était près de minuit quand l'aubergiste surgit de l'arrière salle en grognant, lui remettant un pli arrivé tout exprès à son intention et maudissant le porteur qui l'avait ainsi tiré de son repos salvateur avant d'y retourner.
L'ayant récupéré, oublieuse de la collation souhaitée, elle remonta et le décacheta en tremblant, reconnaissant le scel de cire qui emprisonnait le contenu.

Qui n'a jamais vu les écluses des cieux se déchirer pour déverser leur contenu en un torrent violent.. n'aura jamais vu les larmes qui se mirent à couler en l'instant.
La crue asséchée après des minutes qui semblèrent des heures, le poitrail oppressé par l'impétuosité de ce qui a jaillit si subitement, l'éclat se calmant à mesure, elle se rua sur son carnet devenu confident d'un soir, d'un moment pour laisser couler d'autres larmes, d'encre cette fois.







Blaye, le 23 février 1461

Mon Cher Journal,

Certes je remplis tes pages, je les noircis, les inonde de mots, pensées, soupirs et autres désirs qui se répandent jusqu'à ne plus laisser de clarté.
J'ai les yeux embués, enfumés, dessine-moi des besicles roses je t'en prie. Rien n'est clair, et rien n'est fait pour évaporer les nuées qui tombent sur mon esprit : nuages denses et lourds, orageux, qui masquent la lumière solaire qui s'éloigne et se perd.

Mais dans ma mélancolie, je vois la vie en roses, et pourtant bardée d'épines, je m'y abîme les paumes et le coeur.
La déception est à la hauteur des vides béants qui s'ouvrent sous mes pieds, autant que les joies sont décuplées jusqu'à atteindre les cimes les plus inaccessibles.
Attendais-je réellement quelque chose au fond ?
Comment faire la part ?
Je ne ris plus depuis une semaine, pas même jaune, je vois rouge dès qu'on me dit un mot de travers ou fond en larmes, j'ai une peur bleue de ce qui m'attend bien que je sache pertinemment que dans la vie tout n'est pas blanc ou noir mais nuancé de gris clair ou gris foncé. Ne devient pas vert de jalousie, ça te sied mal Cher Journal.

J'ai bien écris, pour m'assurer de ce que je sais déjà : elles ne sont siennes.
Mon âme connaît grand trouble et je m'enlise de plus en plus et sombre.
Mes voeux seront plus que respectés, terrée que je suis.




De la perception naissent les sensations puis les pensées n'est-il pas ? Et puis de là les raisonnements qui poussent à l'action.
Oui, il faudra bien qu'elle se positionne un jour, couleur d'arc-en-ciel, quand la lumière rayonnera à nouveau.

Alors, et vous ... vous voulez la voir comment la vie ? en couleurs ?

Zephyre
[C'est de la confiance que nait la trahison]


Perplexe. Ni atterrée, pas plus que mélancolique. Simplement... perplexe. Si peu surprise en fin de compte. Car au fond, n'est-ce pas ce à quoi elle s'attendait ?

La lumière s'était totalement estompée, la grisaille permanente surgit et dans son esprit l'orage avait grondé. En deux semaines, une missive. Et un mensonge. Enorme. Et la dissimulation de ses frasques, lui qui se complaisait auparavant à les lui conter. C'est d'autres qu'elle les tenait. Tout se sait toujours.
S'en sentait-elle trahie pour autant ? Après mûre réflexion, non. Le processus de trahison ne vient que lorsque l'on se sait être en totale confiance, que le mensonge est inexistant, c'est à dire que l'on ne cherche pas à induire en erreur l'être auquel l'on est censé accorder le plus de crédit dans son existence. Ce qui n'était pas le cas présentement. Frustrée alors ? Non plus. Presque amusée. Comme la réalisation de ce qui semblait être une évidence dès le départ.

Une goutte plus une goutte et voilà que le vase déborde. J avait bel et bien raison. Sa voix, la veille, lui apprenant ce qu'il avait découvert, résonnait toujours à ses oreilles "il n'est pas pour toi et je n'ai pas envie de te ramasser en larmes quand tu le comprendras". De fait, elle le savait, mais s'était laissée bercer d'illusions. Quoi de plus facile que se mentir à soi-même ? De larmes il n'y avait donc pas. Juste un soupir. Lassée la Ventée.
Dans ses veilles noctambules, l'impatience de savoir le retour plus que proche de sa moitié blonde la tenait un peu : il était temps qu'elle puisse enfin retrouver son amie après des mois de séparation. C'est le coeur presque léger qu'elle se confia à son journal







Bordeaux, le 2 mars 1462


Cher Journal,

Que te voilà chanceux de ne point avoir à te poser de questions sur la sincérité de tes mots que j'appose en ton sein !
Moi, je n'y crois plus. A la sincérité. Aux mots.
Il me manque ? Oui, mais je m'y ferai, je l'ai voulu.
Il me manque ? Oui et alors ?!
J'escomptais prendre la route Lundi pour l'en aller retrouver. Je pense que mon chemin bifurquera. Si deux semaines pour me recentrer c'est encore trop demander... autant ne pas imposer deux de plus à ce qu'il attende mon arrivée.
Dès que Bullette aura mis pieds à terre, nous partirons. Quitter cette terre de Guyenne que j'exècre plus que tout, prise en horreur depuis si longtemps.
Peu importe la destination finalement.
Mais loin.

Socrate_lediscret
« Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher ». *


Ayant rejoint l'armée à Aurillac voilà environ trois semaines de temps, le simulacre raté du maître de Platon a eu beaucoup à faire. Tout d'abord, voulant respecter son engagement à l'égard de sa lointaine ventée & de surcroît s'en tordre comme une baleine, il indiqua vilainement à la brigande qui l'attendait à Nîmes une mauvaise route, afin que cette dernière se perdre & sans le rejoindre. « Mmmmh. Je voudrais bien croire que vous êtes cachés derrière les buissons mais j'ai un doute là. Soit tu sais pas lire les instructions soit tu t'es foutu de moi mais au moins ça clôt le chapitre.... » Ce fut l'avant-dernière lettre qu'il reçut de la brune en sac de toile de jute. Il ne répondit ni à la dernière, ni à l'avant-dernière. Il se trouva très juste dans cette conduite, et fut immanquablement fier de lui. Il ne sut pas qu'à Arles, la petite tavernière Lys-Charlotte qu'il côtoyait fréquemment est la chair de la chair de la ci-devant crapule aux allures de femme pleine d'attraits.

La vie n'est jamais simple pour qui ne pense pas comme la vaste multitude. Le vieux Socrate a toujours eu du mal à rire de choses simples avec des gens simples, d'ailleurs le plus clair du temps, pour satisfaire à une certaine autonomie où cas où le corps social s’effondrerait, il ne rit qu'à ses propres plaisanteries, admire ses seules productions, n'acquiesce qu'à ses idées. Néanmoins l'on peut aisément trouver que ces caractères sont applicables à peu près tous les participants au genre humain, le barbu est simplement un peu trop « expansif » quant à ses perceptions. Pas de conciliation, principes de logique définis par Aristote : une proposition est en tous points soit vraie soit fausse, il n'y a pas de tierce issue, pas de demi-mesure, une personne est raisonnable ou elle ne l'est pas. La propension à diverger en opinions étant généralement forte, s'en suit que Socrate ne peine pas à se faire d'ennemis. Il y a un « ordre des choses », une harmonie constitutive qui est à la fois le bien, le beau et l'efficace, ce qui ne s'y conforme pas est malhonnête & peu digne de considération.

De là vient la fameuse histoire d'illustre Vestale, une donzelle de Provence aimable qui porte l'habit tout entier blanc. Qu'est-ce qu'une vestale ? On s'en souvient & Socrate aussi, une prêtresse à Vesta dans l'Europe antique, chez les Romains, mais aussi auparavant chez les Étrusques et sans doute quelques Grecs. La vestale est prise à un âge ténu, elle est vierge et ne rentre dans le civil que plusieurs décennies après son engagement originel. Dans les rues de la Ville, on se prosterne devant elle, quand elle passe. Entre autres, elle est le sacro-saint & ultime pilier de la morale religieuse dans une société peu vertueuse. Le vêtement est alors fort à propos. On fait la présentation, un homme lance une déplorable allusion : Vestale est aimable, quoiqu'elle a couché avec nombre d'hommes dans la ville. « Vous tenez plus de la ribaude que de la vestale. » Tout s'enchaîne, à une gifle féminine répond un viril ramponneau sur la face – déconfite – de la « bacchante selon racontars. » Puis un deuxième un peu plus tard, qui vaut au justicier de la cohérence sémantique une exclusion de taverne, du reste, chose très habituelle. Qui pouvait croire, qu'ajoutés à cela quelques autres torgnoles dans la hure, soufflets sur le beignet, tartes dans la trogne & rossées sur le museau d'autres jouvenceaux & jouvencelles de peu d'entendement manifeste quant aux véritables motifs de ces soins faciaux, la tribulation initiale deviendrait un incident diplomatique d'ampleur gênante ?


[Arles, le 10 mars 1462 – Au campement du Cerbère.]

Même rengaine, le barbu est attablé, et il réfléchit, les poils de sa plume chatouillant son fier duvet génien. Il s'est calmé les trois derniers jours, de façon très claire & visible. Les passions de sont déchaînées en gargote, contre ce pauvre homme, les réformés et curieusement, les partisans de la comtesse Gwenn plus encore ont réclamé sa tête sur le billot. Il avait pensé qu'en restant un peu quiet, on lui laisserait son précieux chef et qu'on s'en retournerait à d'autres délations ou occupations. Erreur de prévision, comme le prince avait pris état méditatif pour une semaine, un certain gros lourdaud vicomte de titre en charge de la régence militaire l'était allé trouver pour converser avec lui ès coups de fouet en place publique. Heureusement le véritable dirigeant a posé le terme de son songe fameux en ouvrant les paupières, et le barbu comme toujours échappera aux justes châtiments qu'on lui prescrivait.



D'Arles, le 10 mars 1462.

Je prends ma plume tard, compagnon de papier, car j'avais beaucoup à faire - non pas qu'on m'ait donné de grandes responsabilités.
Précisément, on a confié ma responsabilité à une névrosée des relations humaines, une certaine Claire obscure à l'esprit en effet peu lucide, qui vient me trouver quand je suis seul en taverne, et qui me réplique "Oubliez-moi" quand je prononce son prénom. Cette balancée des affections sociales m'en veut de lui avoir fait remarquer sa niaiserie relative, entendement gracieux par rapport à celui de blonde Jasme & ses loups à tête de dragon.

Quelles sont les rencontres ?

Angeline le glaçon est toujours là, quoiqu'il ne se passe rien & qui ne se soit jamais trop rien passé. Le vicomte "lourdaud" selon précisément les dires de la femme ci-devant a l'humeur ordurière & ses succès sont inexistants. Equemont chevalier du Salar, ou "Salaud du Salar", fut mon véritable rival ès insultes. Je ne puis pas certifier avoir triomphé de lui, mais la lutte a laissé place à une paix humoristique. On fabrique des sobriquets facilement sur son nom, et comme un malheur ne vient jamais seul, il est promis à la grosse Claire. Le prince paraît peu, il fera bien vite son retour. J'ai trouvé Vestale seule dans une taverne voilà deux sers, elle m'a tendu une épée et m'a prié de l'absoudre de l'existence. Elle a dit que j'avais brisé sa vie. Ho le traquenard grossier ! Même moi, je ne suis point tombé dedans. Gwenn la comtesse est une fille abominable & détestable, j'aimerai ne combattre que pour lui crever la face au surin. J'ai envoyé un sonnet en alexandrins par une inspiration soudaine, à la blonde Lize, j'ai trouvé son remerciement trop léger : j'ai exigé de reprendre ma production. Je changerai son nom, deux trois mots et l'enverrai à une autre à l'occasion, quand le vent soufflera dans d'autres barbes.

Enfin, on m'a donné immunité face à mes excès en taverne, on m'a même conseillé de m'attaquer aux "cons", autant dire à tous les Provençaux, je ne sais pas bien si j'en ai toujours le cœur. Rappelons-nous, Zephyre doit bientôt venir, et je voudrais l'accueillir dans une atmosphère où l'on ne me jetât point de caillasse à la face lors de mes vénérables saillies en ville.

Point de saillie en vue au demeurant, aussi étonnamment que ça puisse paraître, j'aurai ajouté quand l'Ire déboulera un mois de chasteté à celui qui le précède. Qu'en est-il d'elle ? Il suffit de la connaître un peu, pour savoir que quelques manques à son égard peuvent produire en elle cent manifestations d'humeur belliqueuse & vindicative, tout crouler. Si nous nous retrouvons, de là procédera sans doute la rupture finale.

Pourvu que tout fonctionne. Allons répondre à l'épistole dernière, Bulle amène aussi son vicieux derrière. L'arsenal s'emplit contre la fanfaronne. Je n'ai point de salaire, pauvre soldat, mes finances sont rudimentaires & l'or seul ne trompe pas.


Qu'elle ne le déçoive pas, cette grande plante à peine effarouchée, car il pourrait donner son nom à une mer - dans les fantasmes vestaliques par exemple.

* L'Albatros, Baudelaire.

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Atala -
J'ai passé comme une fleur, j'ai séché comme l'herbe des champs.

- Comme tous les hommes, il avait acheté la vertu par l'infortune -
Zephyre
[La solitude est un art.*]


Comment vous dépeindre ce qui est en train de façonner la vie de la Ventée ? Difficile.
A croire que le Grand Architecte, l'Ordonnateur de toutes choses, avait décidé que dans son existence ce serait le chaos le plus total en permanence, que ses choix produiraient une oeuvre... indéfinissable, incompréhensible au quidam, et que dans quelques siècles l'on classifierait, sans autre forme de procès et à défaut de pouvoir la mettre dans une case, d'abstraite. Arts majeurs.

Un sourire sur son visage, effet figuratif telle une délicate ciselure, illusion d'optique sur la couleur de son âme ; le pas hâtif, lourd, martelant le sol, imprimant son empreinte éphémère sur un support meuble ; la plume légère et envolée pour une correspondance empesée, tissant des liens encore flous suivant une trame indéfinie ; voilà qui composent ses seuls trésors, pièce d'orfèvrerie sans valeur aucune autre que celle qu'elle leur en donne. Arts mineurs.

Tout art se travaille. Et sa solitude, elle avait appris à la cultiver avec soin au fil des années, l'enrichissant de nouvelles facettes, la portant au pinacle de l'art de vivre. Vivre avec soi-même. Parce que l'on peut être seul et ne point l'être en son coeur et que l'on peut se trouver entouré d'une foule nombreuse et pourtant sentir le poids de la solitude s'abattre comme une chape de plomb qui vous isole du reste du monde.
Ainsi, c'est loin des rumeurs et de la frénésie des villes et des gens que La Bulle et la Tempête enfin calmée se laissaient emporter de par les sentes de traverse. Le silence régnant entre elles. Nécessaire. Bienfaiteur. Ou comment être seule... à deux. Vécus si parallèles que ça en devient effarant.

Lui, il avait choisi sa solitude, définitivement. Le soleil s'est couché. Pour de bon.
Mais autant sa vie fut flamboyante, brûlant de mille excès, autant sa fin fut terne, sans fards ostentatoires. Le rideau est tombé, pesamment, voilà près d'une semaine. Comme son corps, à une branche.

La brune se drape de sa solitude, nimbée de brumes vaporeuses, l'esprit enfumé par les nuages de ses pensées. L'orage s'éloigne. Que reste-t-il ? Un champs de ruines, à reconstruire, une vie... abstraite.






Non loin de Limoges, quelque part en campagne,
le 25 mars 1462


Mon Cher Journal,


Tu te sens délaissé toi aussi, l'impression de faire tapisserie ? Il faudra t'y faire, ainsi va la vie. J'ai beau sculpter mes mots dans tes pages, donner corps à mes émois malléables tel le potier faisant naître de la terre glaise une oeuvre, utile ou non, je me sens impuissante face à ce vide de tout, ce néant d'existence et de souffle de vie créateur, qu'est la mort.
J'émaille le velin de lettres qui au fond ne remplacent pas une présence, creusant un peu plus encore les sillons d'une solitude choisie et assumée. Peut-être, peut-être dis-je, éviterai-je ainsi de continuer à semer la mort.

Le vent solaire ne chuinte plus. Il est glacial. J'ai froid dans le coeur.








de Vilhem Ekelund
Zephyre
[De loin en loin…]


Connaissez-vous ces graines de fleurs à la fois résistantes et fragiles qui, bien que vivant dans les pires conditions tels que sols désertiques ou gelés, savent lorsque le bon moment est arrivé pour elles de germer, et de laisser leur charme opérer, tout en délicatesse, profitant d’une accalmie du temps après avoir patienté plusieurs mois, voire plusieurs années, terrées dans leur carcan protecteur ?

L’avènement du printemps aurait dû la trouver heureuse, éclatante, jubilant de l’éclosion de vie en feux d’artifice partout autour d’elle. Loin s’en faut ! Les turpitudes existentielles l’avaient rattrapée :

- La mort du philosophe en mars l’affectait toujours. L’Etre certes lui manquait parfois, leurs échanges épisodiques en prose, en vers, en verve également un peu ; sa gouaille et son sale caractère aussi par moment. Son égocentrisme… non. Mais au-delà de cela, sa mort la touchait beaucoup plus pour tout ce qu’elle représentait : un échec de plus, un cœur laminé, broyé, jusqu’à lui ôter le goût de vivre. Est-elle donc si cruelle, insensible ?
- Voir sa moitié tout aussi perdue dans sa remise en question d’elle-même, de sa vie, tentant de raccorder les fils ténus des liens l’unissant à son fils, la laissait sans mots : quand un aveugle guide un aveugle, les deux vont-ils tomber dans un trou ? Entre elles, point besoin de longs discours avec les années passant, simplement une présence apaisante. Mais était-ce suffisant ? Ne passait-elle pas aussi à côté de son amie ?
- Une incompréhension, des reproches, un ton qui monte par lettres et voilà qu’elle a envoyé en exil sa gamine, la laissant découvrir la vie par elle-même puisque rien ne semble lui convenir. Un crève-cœur indispensable. Enfin… veut-elle s’en persuader. Des mots reçus, acides. Finalement, que vaut-il mieux : sa taiserie ou la parole libérée ?
- Le vide. Le vide immense dans son cœur, dans sa vie. L’inquiétude qui la ronge. Où est-il ? Que fait-il ? Pas un jour depuis plus de trois mois sans qu’une pensée -au moins- ne file vers lui. Bartho. L’Amour rejeté sciemment, l’Ami perdu. Et son silence. Plus imperméable qu’une chape de plomb, plus lourd qu’un linceul de marbre. Mais quand les lettres tombent, et le masque des émotions avec, elle se sent transpercée de bien des douleurs.

Sa plume, une fois de plus, restera suspendue dans le vide, éteinte, tétanisée, comme morte bien que virevoltante à la recherche des mots de maux qui lui échappent encore et encore pour répondre à qui de droit. Seul son journal, délaissé lui aussi, aura droit à quelques lignes, entre deux voyages, deux rires de façades, ou deux crises de larmes.







Mayenne,
Le 24 mai 1462

Mon cher journal,

Qui a dit que la Ventée ne manquait pas d’air ?
Pourtant… oui pourtant… j’étouffe, je m’étrangle, je m’asphyxie !!!
De ma gangue tumorale je tente en vain de m’extirper.
Que peux-tu comprendre toi à tout ça ?
Il est ma planche de salut. Il est mon chemin de croix. Il est ma rédemption. Il est mon ami.
Un souffle de vie… Lui.




Quelques arabesques de plus sur un petit bout de vélin, en pleine nuit. Un appel au secours. Comme une bouteille à la mer.
Une réponse, préoccupée et empressée. S’en suivra un blanc de l’Aérée de deux jours.
Jusqu’à la crise. LA crise. Celle qu’il a piquée en pleine taverne ce soir-là, à Mayenne, leur nouveau pied à terre à la petite tribu. Les émotions passées, une promenade pour un cheminement commun. Quand les vies se lient, les langues se délient.
La pluie tombe, la graine germe... la fleur se découvre et s'ouvre. Embellie.



Soren
Quelqu'un m'a dit un jour que les plaisanteries les plus courtes étaient souvent les meilleures. Eh bien, il faut croire que ce soir j'ai étiré un peu trop la sauce. Une pluie drue s'est abattue sur la ville mainoise de Mayenne lorsque je sors de l'Antre du Démon, la taverne de Mel. Les trombes d'eau ont raviné les rues de la ville, rendant la route totalement impraticable avec cette chaise que Marie-Clarence m'a fabriqué à Ste-Illinda.

- Nestooooor! Nestooooor!

Pour ceux qui ne le savent pas encore, Nestor, c'est mon porteur! Je l'ai embauché en Guyenne et depuis il m'accompagne sur le chemin qui mène à la guérison de mes jambes. Je sais, vous allez me dire que vous ne comprenez un traitre mot de tout ce que je viens de dire. Ça n'est pas grave. Vous apprendrez tout ça au fur et à mesure. Là, je n'ai pas trop le temps de m'étendre sur le sujet: non seulement il pleut mais en plus il faut que je rattrape mon erreur avec Zephyre. Lorsque le puissant bucheron de Guyenne pointe enfin le bout de son museau, mes vêtements sont gorgés d'eau. Des gouttes dégoulinent de ma piteuse chevelure plaquée sur le front. Elles viennent s'échouer sur la pointe de mon menton, de mon nez, sur le lobe de mes oreilles.

- On part à la recherche de Zephyre! Elle a claqué la porte de la taverne, en proie visiblement à la colère.

Le reste, il n'a pas besoin de le comprendre. Je le paie pour ses bras, pas pour m'écouter. Dans le ciel, les nuages sont gris et bas. La pluie n'a visiblement rien de passager. Les rues ont été désertées par la population. Même le marché a fermé ses portes. Mayenne s'est recroquevillée sur elle-même. Les maisons ont volets clos. Au détour d'une ruelle, un chien la queue basse, le poil détrempé semble faire amende honorable de se retrouver dehors en pareille situation. Temps gris. Temps de chien! Nestor a finalement sorti la carriole, attelé le cheval. Où a t-elle bien pu aller? A tout hasard, nous passons au manoir de Meltreize. Rien. La maison dont elle vient de faire l'acquisition en s'installant à Mayenne? Rien. La rivière? Le cheval hennit lorsque nous y arrivons. Il doit lui aussi avoir envie de rentrer, de se mettre à l'abri, au chaud. La pluie a fait baisser drastiquement la température extérieure. Le canasson a les naseaux dilatés, de la buée s'en dégagent même. D'un coup d'épaule, Nestor attire mon attention. Il pointe un endroit où le couvert végétal crée un abri naturel contre les éléments. Signe de tête affirmatif. Aucun mot n'est échangé entre nous afin qu'il me transporte jusqu'à elle. Adossé à un vieil arbre biscornu, je regarde Nestor rejoindre la carriole et quitter les lieux. Il sait qu'elle ne désire pas sa présence lorsque nous devisons elle et moi. Cette fois, il n'attend même pas qu'elle lui donne son écot.

L'endroit est bercé par le clapotis des gouttes de pluie qui frappe la surface de la rivière. Mes vêtements sont trempés. Sa houppelande doit l'être tout autant. Elle va attraper froid. De là où je suis, les expressions de son visage me sont cachées. Ses frisettes ont pris l'eau elles aussi. Une goutte de pluie vient terminer son parcours le long de sa nuque en disparaissant subitement à l'abri sous son vêtement. Je n'ai jamais été quelqu'un qui a le verbe facile. Trouver les mots justes n'est pas ma force. Je n'aurais pas dû emboiter le pas de Perceval. Il n'est qu'un enfant. Moi pas. J'aurais dû comprendre que cette histoire de dessin d'elle sortant de la rivière l'aurait touché. J'aurais du penser aussi qu'elle viendrait ici retrouver la sérénité ou passer sa colère. Tout cela n'était que plaisanterie, badinerie, sans intention de blesser. Juste rire et passer du bon temps. J'ai oublié le lien qu'elle pouvait faire entre ces dessins d'elle nue sortant de l'eau et les cartes peintes qu'elle m'a confiées. Pour ainsi dire, je les avais presque complètement oubliées. Elles sont dans mon sac, à l'abri, sans que quiconque ne puisse y avoir accès. Oui, je l'ai blessé et je n'aime pas ça. J'ai l'impression d'avoir trahi sa confiance. Je me sens comme ce chien que nous avons croisé dans la rue tout à l'heure.

Le silence devient pesant. Cela ne fait pas de doute pour moi, elle a conscience de ma présence même si elle n'a pas jeté le moindre coup d'oeil dans ma direction. J'en suis sur. Ne pas lui adresser la parole désormais, ça serait faire preuve de lâcheté. Depuis combien de temps ne t'es-tu pas pris une gifle par une dame danois? Ta période d'invincibilité risque de se terminer bientôt tu sais? Parle-lui. Dis-lui n'importe quoi! Ce que te passe par la tête. Qu'importe les mots. Elle saura lire au delà de ceux-ci. Montre-lui juste...Enfin débrouille-toi!


- Zephyre, je...

Zephyre oui… et non Zef...

- ...Enfin... vous allez prendre froid.
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Zephyre


QU'IL AILLE AU DIABLE VAUVERT SI CA LE CHANTE !!!
QU'IL AILLE SE PENDRE SI CA L'ENCHANTE !!!
QU'Il AILLE VOIR AILLEURS QUE JE DECHANTE !!!

JE JE ... espèce de folle que je suis... avoir fait pénétrer le ver dans la pomme.

Une fois de plus an Avel.. ca t'apprendra à baisser la garde, à faire confiance....



Elle a couru Tempest, à l'aveuglette dans la nuit, un moment, la pluie de plus en plus drue lui ayant compliquée la tâche, alourdissant ses tissus encombrants. Ca vaut bien la peine de faire de la coquetterie quand elle est en ville tiens ! Elle finira par rester en braies.. comme à l'époque bordelaise.

Essoufflée, le cœur au bord du précipice, les yeux autant emplis d'eau que ce que le ciel déverse elle finit par parvenir à l'abri provisoire d'une touffeur feuillue. Détrempée. Pitoyable. Tout ça pour.. une farce. Mais ça.. elle ne le sait pas. La Donzelle, qui commence pourtant à tenir de la bouteille, ne voit que... l'effronterie, l'indécence, le mépris d'elle, de son intimité.. le v... de sa personne dans sa nudité. Nooon.. elle ne veut pas le dire. Ne pas y penser. Ne pas se sentir salie. Pas encore une fois. Il n'est qu'un enfant. Il n'est qu'un étranger. Ils ne peuvent pas savoir.

Noyée dans son désastre d'âme et par le déluge d'eau, recroquevillée au pied de l'arbre où elle se niche comme un oisillon tombé du nid, les sanglots longs qui agitent son corps en soubresauts réguliers alors qu'elle a la tête enfouie entre ses bras calés sur ses genoux se trouvent entrecoupés par une voix. Sa voix. Qu'il aille se faire...


Qu'est-ce que ça peut bien vous faire ? Et que faites-vous là d'abord ? Vous comptiez attendre derrière l'arbre, voir si je quittais le tout pour me mettre au sec ? Dites-le moi, que j'accède à votre désir immédiatement. A vous rincer l'œil au moins vous n'aurez pas besoin de passer par les dessins d'un enfant ou les peinturluries d'un malandrin obsédé ! Vous voulez une invitation pour mon prochain bain ? Comme ça vous serez aux premières loges et gratuitement en plus, sans avoir besoin de soudoyer un gamin !!!


Son timbre est glacial. Les mots sont assénés aussi durement que tombe la pluie. Furieuse elle est ! Tant et si bien que lorsqu'elle relève la tête vers lui, les yeux gonflés, les prunelles explosées par les veineaux sanguins, le regard qu'elle lui lance ne laisserait de lui que des cendres si les dieux lui en avaient accordé le pouvoir.
Comment a-t-il osé ? Pourquoi a-t-il fait ça ?


Soren
- Vous allez prendre froid...

« Helsingør, Danemark... quelques années auparavant. »

Elle s'était retournée, les yeux emplies de larmes qu'elle contenait à grand peine, ses blonds cheveux laissés désormais libres par les peignes qui trainaient au sol. Le teint blanc de ses joues se dissolvait dans le rouge né des sentiments intenses qu'elle venait de vivre. Le collier en sautoir fait de perles de nacre gisait sur la petite table près d'elle, laissant vierge le l'esquisse de décolleté qu'elle exhibait avec fierté il y a peu. Elle était jeune. Elle devait avoir eu sa première floraison dans l'année qui venait de s'écouler. Elle était jolie. Séduisante? Non. A cet âge là, les jeunes femmes ne pouvaient pas encore être séduisantes. Son regard exprimait un mélange de déception, de colère et d'incompréhension qu'elle n'arrivait visiblement pas à manifester par des mots. Elle m'aurait transpercé de part en part si ses émeraudes avaient pu lancer des flèches et nul doute qu'elle aurait plongé la pointe dans un poison lent auparavant.

- Votre pardon?

Si le fond de l’air était frais, son ton à elle était glacial.

- Le printemps est encore fragile et le soleil a de la peine à réchauffer l'air et la terre. Vous allez prendre froid ainsi vêtue à mirer le paysage sur ce balcon.

- Froid? Vous souciez-vous de ma santé maintenant?

Ça évidemment, il fallait s'y attendre... Avec ce qui s’était passé tout à l’heure dans la salle de réception…

- Soyez assurée que la décision dont je vous ai fait part il y a peu est tout à fait impersonnelle et n'a rien à voir avec vous ma dame.

Évidemment, ce n'était pas ce qu'elle voulait entendre. Savoir parler à une dame, fut-elle à peine nubile, est une qualité... que je n'ai pas. Personne ne m'a jamais appris. Certains vous diront qu'il n'y en n'a pas besoin, qu'elle est intrinsèque en chacun des hommes. Je n'y crois pas. Un homme ne peut pas comprendre comment raisonne une femme alors comment pourrait-il même appréhender ce qu'elle ressent? Peu importait tout ce que je pouvais lui dire pour expliquer ma décision, elle n'en n'avait cure. Son esprit s'était déjà accoutumé à l'idée du mariage. Elle avait peut-être même déjà dressé une liste de convives pour les noces, discuté du choix de ses toilettes avec ses dames de compagnies, posé des questions sur le déroulement de la première nuit. Si elle était un brin romantique, elle avait même dû s'empourprer à l'évocation du premier baiser. Ma phrase avait raté la cible. Pire en réalité, elle ne pouvait l'atteindre car je n'avais aucune idée de sa localisation.

- Peu me chaut vos raisons!...

Pas de formule de politesse, aucune utilisation de mes titres ni de mon nom. Une phrase impersonnelle, froide, distante. Une phrase en parfaite harmonie avec sa physionomie et avec le ton de sa voix...S'attendait-elle même à ma visite? La désirait-elle? Et moi? Pourquoi étais-je venu finalement? Parce que Père me l'avait demandé? Parce que j'estimais que je lui devais quelque chose à lui? À elle? Parce que je voulais atténuer les conséquences négatives de mes paroles auprès d'elle et de sa famille?

- Vous m'avez humiliée! Devant ma famille, devant votre famille et devant toute la cour de votre père! Vous n'avez eu aucune considération pour ce que je pouvais ressentir. Seul vous inquiétait le fait de faire entendre votre point de vue. J'ai un instant cru que vous n'étiez qu'un malveuilleur. Je crois désormais que vous êtes pire qu'eux parce que vous n'avez même pas conscience du mal que vous faites! Que je vous plaise n'a ici aucune importance. Vous comme moi savons que tout ceci est facultatif, qu'au mieux cela aurait pu être un agréable hasard! Croyez-vous donc que je suis femme à tomber en pâmoison devant votre beauté? Vos talents de guerriers ou d’amants?

Elle avait raison. Au fond de moi, je le savais. Une alliance. Voilà ce que mon père désirait: une alliance entre deux familles. La relation entre elle et moi se serait établie au fil du temps, petit à petit, comme l'on monte les murailles d'un château: pierre après pierre, soir après soir. Ignorance, amitié, amour? Peu importait non? Si les liens ne se tissaient pas, j'aurais fait comme la plupart des seigneurs qui m'ont précédé: j'aurais pris maitresse. Amour d'un côté, plaisir de l'autre et elle pour épouse. Si j'étais chanceux, j'aurais combiné les deux premiers aspects auprès de la même femme. Tout ceci n'était même pas immoral, c'était le sens commun dans notre société, la façon dont on renforçait le pouvoir familial. Elle, elle l'avait compris et elle l'avait accepté. Moi pas. Par mes paroles, j'avais refusé tout ce système, ces convenances, cette manière tacite de mettre sa vie personnelle au profit d'une cause plus grande: celle de la famille. Je voulais d'autres valeurs, une autre philosophie de vie et surtout, j'avais besoin de m'opposer à mon père. Elle s'était trouvée sur le chemin entre moi et lui, victime du duel que j'avais décidé d'engager. Non, décidément, je crois que je ne saurais jamais parler aux dames.



« Mayenne, Maine, Royaume de France ... de nos jours. »

Il parait que les femmes aiment les traits d'humour.

- A vous de choisir...Je suis venu parce que j'aime la pluie, sentir les gouttes d'eau qui dégoulinent le long de mon corps. Ou bien...

Il parait que les femmes aiment qu'on leur vienne en aide.

- Je suis venu pour vous aider à retrouver votre chemin une fois la nuit tombée et pour vous éviter de vous faire agresser dans les rues de la ville...Ou encore...

Il parait que les femmes aiment qu'on leur donne raison.

- Je suis venu pour m'excuser et pour vous dire que je n'aurais pas dû prolonger la plaisanterie du gamin...

Il parait que les femmes aiment les hommes simples...

- Je suis venu pour parler. D'amie à ami. Pour dissiper les malentendus. Parce que je crois que c'est important.

...et qui ne pensent pas simplement qu'à eux... mais aussi un peu à elles

- Je suis venu pour vous, de mon plein gré, sans que personne ni aucune règle de politesse ou de savoir-vivre ne m'y oblige.

Décidément, rien ne change et ne changera jamais. Parler aux femmes est aussi compliqué pour moi que d'apprendre à nager à un paralysé des jambes. Je n'arrive même pas encore à comprendre comment elle peut se mettre dans un état pareil pour une simple plaisanterie. Parfois, elle est mordante, n'hésite pas à taquiner et à tancer ses interlocuteurs... Amicalement certes mais avec une pointe d'ironie qui se fait bien sentir. Et parfois, comme ce soir, elle a la sensibilité à fleur de peau. Le chemin qui mène à son esprit est parsemé de racines et de pierres glissantes sous la pluie. Tisser des liens avec elle n'est guère aisé. Rares sont ceux qui ont dû la découvrir pour ce qu'elle est réellement derrière ses masques dont elle s'affuble volontiers. En même temps, si cela était si facile, où serait l'intérêt? Et puis, ne suis-je pas moi aussi, quelqu'un d'indomptable, difficile à comprendre, à aborder? Je ne sais pas pourquoi mais une phrase me revient en tête subitement : "tu es dangereux parce que tu es imprévisible". Aviez-vous prévu ma venue Zephyre? Pensiez-vous que j'allais vous laisser seule avec votre courroux?
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