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[RP] Le passé est un prologue*

Soren
    « Chacun de nous a son passé renfermé en lui comme les pages d'un vieux livre qu'il connaît par coeur, mais dont ses amis pourront seulement lire le titre. »
              Virgina Woolf


Chateau de Gorron. La dernière fois que j'ai mis les pieds ici, j'y accompagnai une jeune fille à peine nubile : Audrey de la Huchaudière. Ça remonte à... loin. Quand on a perdu une partie de sa mémoire et donc de sa vie comme c'est mon cas, le temps s'écoule à une vitesse toute relative. Des évènements qui ont eu lieu il y a plus de deux ans me semblent s'être déroulés hier. D'autres que l'on me conte ça et là me sont totalement inconnus et farfelus. Il parait que j'ai été conseiller comtal en Périgord. Totalement inconcevable pour moi et pourtant confirmé par plusieurs personnes. Il parait que j'ai aimé et je n'en n'ai aucun souvenir. Pire, je me serais marié! Moi, celui qui est opposé au mariage depuis que mon oncle avait tenté de m'y contraindre. Tout ça et bien d'autres choses sont passés à la trappe après cet accident dont je ne sais rien. Deux ans de ma vie au putel! Deux ans d'ombres, de néant. Une part de moi-même broyée, déchiquetée en petites éclisses et disséminée ensuite au gré du vent pour que l'on n'en parle plus. Une perte définitive. Le plus étrange dans tout ça, c'est d'arriver à douter de tout, de se dire que la personne en face me connait personnellement alors qu'elle est une totale inconnue pour moi. C'est arrivé à Sarlat. C'est désagréable.

Mais en ce moment, cette perte de mémoire est accessoire. En moi, j'ai accepté d'en faire le deuil parce que retrouver l'usage de mes jambes me parait plus important encore. Sans elles je ne suis plus rien. Ni dans le présent. Ni dans le futur. Sans ma mémoire, j'ai perdu mon passé. Je puis encore construire mon avenir. La dernière fois que j'ai foulé ce chemin, j'assurai la protection d'une personne. Aujourd'hui, c'est une autre qui doit assurer ma protection et même me porter. Ne pas pouvoir se déplacer à notre époque signifie ne pas pouvoir vivre. J'ai besoin de quelqu'un pour me déposer dans un bain et m'en sortir, pour m'amener manger en taverne, et même pour aller aux latrines. Combattre m'est impossible. Monter à cheval également. Faudra t-il aussi que j'appelle Nestor le jour où j'aurais envie d'une femme et que je me laisse chevaucher sans réagir? Enfin...ou presque? Mon porteur a ses limites. Sa force n'est pas inépuisable. La chaise que Soeur Marie-Clarence m'a confectionné à Sainte-Illinda aussi. En ce moment, je suis un poids pour ceux qui m'entoure. Utilité proche du zéro absolu.


- Vous me porterez jusqu'à la salle d'audience de la Vicomtesse, Nestor. Ensuite, esquivez-vous. Je vous ferais appeler par un serviteur lorsque mon entretien sera terminé.

A Mayenne, j'ai rencontré celle qui m'avait aidé lors de mon départ forcé de Laval. Ici, je remonte un peu plus loin dans mes souvenirs. A peine quelques semaines plus loin. J'ai rencontré la vicomtesse Erraa de la Huchaudière par hasard dans une taverne de la ville. Je ne savais qui elle était. Elle ne se doutait pas que j'escortais sa propre fille venue la rencontrer. Est-ce parce que je l'avais fait danser les yeux fermés sur une table qu'elle me donna une gifle quelques jours plus tard? Ou alors parce qu'elle avait dévoilé le secret de son chignon à l'homme qui rêvait de sa propre fille? Telle mère, telle fille. Une première gifle de Loh. sans explication. Une deuxième d'Erraa. Toujours sans explication. Voilà ce que je retiens des retrouvailles d'Audrey de la Huchaudière avec sa mère Erraa. J'avais parcouru la moitié du royaume, de Compiègne à Laval pour la mener ici et tout cela pour recevoir deux gifles sans aucune explication...

Au garde qui se tenait-là, j'explique le but de ma visite.


- Annoncez je vous prie Søren Eriksen...Et évitez de préciser que seule la partie du haut est fonctionnelle je vous prie.

C'est le nom sous lequel la Vicomtesse me connaissait : Søren Eriksen. Depuis mon réveil à Sarlat au couvent des Cordeliers, j'ai du mal à ajouter le MacFadyen. Et pourtant, il semble bien que c'est ainsi que l'on m'appelait dans cette période de néant : Søren MacFadyen Eriksen.

Qu'est-ce que je suis venu chercher ici? Une résurgence du passé? Un simple bonjour? Ou...un évocation des souvenirs communs? Je n'étais pas présent lorsque Audrey est morte. Elle m'a rejeté de sa vie avant. Un mal pour un bien sans doute. Je ne puis le dire. Mes souvenirs s'arrêtent quelques semaines après cette séparation. Je ne suis même pas sur que la vicomtesse va me reconnaître. Après tout, je n'ai jamais failli devenir son gendre. Audrey m'avait signifié qu'Erraa cherchait à conclure un mariage avantageux pour sa fille. Et moi...Eh bien, la Hérauderie française ne reconnaissait pas les titres danois. Loh, Erraa...Souvenirs, souvenirs...


* William Shakespeare

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Erraa
« La vie est un voyageur qui laisse traîner son manteau derrière lui, pour effacer ses traces. »
Louis Aragon

Sauf que le manteau n'efface pas les traces les plus profondes. Seulement celles qui restent superficielles. Joseph, le chef des gardes, qui marchait à pas rapides vers la vicomtesse aurait pu se dire une chose pareille. Søren Eriksen, ce nom lui était vaguement familier mais impossible de se souvenir. Cela l' embêtait au garde, son travail était de protéger la maîtresse des lieux et introduire un homme, même diminué, en sachant qu'on le connait mais sans savoir si c'est bon ou mauvais n' était pas très professionnel. C'est donc bon gré mal gré qu'il se présenta devant la châtelaine qui lisait, comme à son habitude, un ouvrage sur l' économie qu'elle avait déjà lu au moins cent fois. Toquant discrètement à la porte, il entra sans attendre de réponse.

Depuis qu'elle n' avait plus rien à faire de ces journées, celles ci passaient doucement. Toujours flanquée de sa chienne, la brune lisait, cousait, se promenait et s' ennuyait profondément. L' ennuie aidant, les conversations avec Marie étaient plus fréquentes, plus intenses, plus passionnées. Les personnes qui vivaient au château s' y habituaient, n' ayant pas vraiment le choix et ne s' interrogeaient plus en entrant dans une pièce de voir la vicomtesse seule alors qu'une seconde auparavant, ils auraient juré l' avoir entendu en grande conversation avec quelqu'un. Certains d' entre eux, comme Margueritte, commençaient même discrètement à chercher une autre place pour le cas où la Gorron deviendrait totalement folle et que les médecins la feraient placer dans un hospice. Place-t-on vraiment une noble dame dans un endroit comme celui là ? Ils n' en savaient rien. Voila pourquoi tous prenaient soin de la délirante. Des fois que le testament comporterait une ligne pour eux. Après tout, elle n' avait pas d' enfant alors pourquoi se refuser de rêver un peu ?

Erraa ne s'offusqua pas de l' entrée de Joseph. Elle savait que quelques fois, elle parlait à Marie à voix haute et se doutait de l' effet qu'une personne qui soliloque peut avoir sur les autres. Ce dont elle ne se doutait en revanche pas, c'est qu'en réalité, toutes les conversation étaient à voix haute et que forcément, l' effet était démultiplié. Cependant mis à part les discussions oniriques avec une petite voix qui venait de l' intérieur de sa tête, la châtelaine se sentait parfaitement saine d' esprit. La santé physique était une autre paire de manche. D'ordinaire, la vicomtesse n' était déjà pas bien épaisse mais ces derniers temps, tous ses os saillaient sous la peau et les maladies en profitaient pour s'en donner à cœur joie. Confortablement assise près de la cheminée, Kestal, sa chienne, en guise bouillotte sur les pieds malgré que le printemps était déjà bien avancé et que les température soient douces, Marie avait déserté la place depuis le matin, Joseph fut accueilli avec un sourire chaleureux. Habituée qu'elle était au silence et à la solitude, la simple entrée de son garde lui réchauffa le coeur.

Madame, Søren Eriksen désire vous entretenir.

Le sourire de la brune s' agrandit et le garde se détendit un peu. Visiblement, son instinct ne lui avait pas trop manquait quand il avait pris la décision de prévenir sa maîtresse sans poser plus de question. Il salua respectueusement et repartit chapeauter les autres gardes.

Søren Eriksen... Tellement de souvenirs resurgirent à la simple évocation de ce nom. La danse sur la table, les confidences, Audrey... Erraa se leva d' un bon, manquant de marcher sur Kestal qui la suivit comme son ombre, se précipita dans les escaliers pour descendre dans l' entrée où ils étaient tous les trois à leur première venue ici. Elle n' aurait pas su retrouver le nom de la jeune fille qui les accompagnait mais elle s'en fichait.
Arrivée au rez de chaussée, une petite moue de déception se peignit sur son visage car elle s' attendait à le voir au même endroit. Une seconde pour réfléchir à la direction à prendre et Margueritte qui sortit au même moment de la salle d' audience avec un plateau vide la sauva d'une honteuse recherche dans son propre château. Décidément, il lui fallait retrouver une vie sociale convenable. Elle s' était mis en retrait bien trop longtemps et ce n' est pas Marie qui la contredirait sur ça. D' ailleurs, la peste ne dit rien et laissa Erraa seule pour ces retrouvailles.
La Gorron ouvrit la porte avec un peu plus d'empressement que la politesse et la pondération ne l' aurait voulu mais tant pis. Elle était heureuse de revoir cet homme qu'elle appréciait et qui était le seul encore en vie à la relier à sa fille disparue. Et par delà sa fille, à Raisin, à sa mère, à une époque où la vie s'écoulait doucement, heureuse et promettait mil bonheurs.

Mon ami danois ! Quelle magnifique surprise vous me faite là ! Soyez le bienvenue à Gorron

Elle l' aurait presque pris dans ses bras, oubliant la retenue et le fait que finalement, ils n' étaient pas si intime que ça tellement la joie la submergeait mais la position assise de son hôte la freina un tantinet. Pas grave, il se lèvera bien pour la saluer et là... Ben elle improvisera.
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Seurn


    « Aux années perdues à tenter de ressembler
    A tous les murs que je n'aurais pas su briser
    A tout c'que j'ai pas vu tout près, juste à côté
    Tout c'que j'aurais mieux fait d'ignorer
    A nos actes manqués »


Nestor n'est pas du genre à pouvoir se faire passer pour mon garde corps. Il manque singulièrement de prestance pour cela. Après tout, on ne peut pas transformer aisément un simple bucheron guyennois en arme à tuer. Ecuyer? Trop vieux! Confident? L'homme est trop laconique pour cela. Zef le trouve d'ailleurs froid comme la mort. Je me demande bien ce que la comtesse de Gorron doit penser de mon accompagnateur. Disons qu'elle a plus l'habitude de me voir mieux accompagner.

- Vicomtesse de Gorron, mes hommages! J'espère que je ne vous importune pas trop. Je n'ai pas perturbé votre cours de danse au moins? Ni le travail assidu de votre coiffeuse?

Pas de gifle? Les habitudes se perdent en Maine. Quand aux miennes, elles sont préservées, bien mieux que la mémoire: un hochement de tête et un baise-main à la danoise plus tard, il ne me reste plus qu'à initier les présentations, le séant toujours confortablement installé.

- Voici Nestor, fier bucheron de Guyenne et accessoirement mon porteur attitré! Ne prenez pas ma posture actuelle pour de l'outrecuidance excessive, un manque de respect ou l'envie de ne pas poser mes yeux sur vos pieds, mais voyez-vous mes jambes sont quelques peu rebelles ces temps-ci. Elles acceptent autant de m’obéir que l'huile de se mélanger au vin aigre. si vous n'y voyez point d'inconvénient, je vais le libérer de ses obligations afin que nous puissions deviser du passé en toute liberté. Je demanderai à l'un de vos serviteurs de le rappeler lorsque vous serez lasse de ma présence.

L'homme s'inclina et s'esquiva sans ajouter plus de mots que cela. Zef aurait apprécié à sa juste mesure. Mon regard se reporta ensuite sur mon ex future belle-mère.

- Et comment va le sieur Cobra? Traine t-il toujours dans vos jupons? Dites, vous savez que vous devriez changer de cuisinière. La nourriture qu'elle vous concocte me semble largement insuffisante...à moins que la famine ne sévisse en Maine? Entre votre silhouette famélique et mes jambes mortes, je crains fort que la danse ne soit point de la partie pour cette entrevue, n'est-ce pas?

Ça, c'est la søren's touch typique lorsque je n'étais pas à l'aise. Sortir les plaisanteries les plus grosses pour focaliser l'attention ailleurs, ne pas se laisser aller par des coulées de sentimentalisme qui ne servent qu’à ressasser de vieux souvenirs difficiles à aborder. Entre nous, il y avait Loh. Une fille. Une amoureuse. Une morte. Je n'ai jamais su ce qui l'a emporté. Le dernier souvenir que j'ai d'elle, c'est cette demande de sa part de me voir quitter Laval. Une demande qui sonnait pour moi comme les prémisses d'une séparation définitive. La dernière image que je garde d'elle est celle d'une fille défigurée par la colère, une âme torturée.

- Oui…Un accident dont j’ignore à ce jour les détails. En Périgord-Angoumois où je vivais, certains ont même prétendu que j’étais mort. Figurez-vous que des sarladaises ont prétendu être venues à mes funérailles! Ils sont rapides en affaire là-bas n’est-ce pas? L’annonce de mon décès fut, comme vous pouvez le constater, fort prématurée. Un soir, j’ai ré-ouvert les yeux au couvent des cordeliers de Sarlat. Une femme que je ne connaissais pas a prétendu être ma soeur. Elle a pris soin de moi le temps qu’il a fallu pour que je retrouve mes forces et sorte en public. Enfermé dans un couvent! Moi? Vous imaginez cela? Vicomtesse… Il faut aussi que je vous dise: j’ai perdu toute trace de de ma vie en Périgord-Angoumois. Les personnes que j’ai pu croiser me disent que cela fait environ deux ans de vie dont je n’ai plus rien. Plus de nom, plus de visage, plus d’expériences, plus d’histoires… On a même prétendu que moi, le mercenaire, j’ai occupé maintes fois des postes comtaux. Vous rendez-vous compte? Moi! Conseiller comtal! Il y a de quoi se gausser n’est-ce pas? Et pourtant…plusieurs personnes m’ont confirmé les mêmes faits. A croire que certains aiment abuser des personnes précaires…ou que j’ai grandement changé! Et vous? Que vous est-il donc arrivé depuis que nous nous sommes quittés? Ah! Et avant que j’oublie, je vous ai amené un petit présent…

…dans le sac! Ce même sac qui me glisse des mains au moment où je veux l’ouvrir. Toujours dans ce sac qui chute de la table et dont le contenu se répand sur le sol dallé de la salle d’audience. Et de ce contenu, face vers le haut, autant en évidence qu’une verrue sur le nez d’une sorcière, émergent du fatras deux toiles représentant une femme à moitié dénudée dans une posture pour le moins suggestive. J’en reste éberlué. Il y a des moments dans la vie où l’on se sent si maladroit, si stupide, si…incompris d’avance. Des moments où l’on a envie de se dire « Non! Ça n’est pas ce que vous croyez! Attendez, je vais vous expliquer! ». Des moments où le regard trahit sans même le vouloir une pensée qui à l’origine était tout à fait sincère et qui ne peut se perdre que dans la confusion provoquée par des mots maladroits.
Erraa
[Qui aime bien, châtie bien]

Mais ? Mais... Non seulement il ne se lève pas mais en prime il la titille sur sa coiffure. Ca ne va pas ça, ça ne va pas du tout ! Et pourtant, la vicomtesse sourit de plus belle. Il est bon de se trouver devant une personne qui ne la pense pas définitivement folle. Une gifle ? Mheu nan, ça serait trop facile, il ne peut même pas se défendre. Par contre une joute verbale, là, oui ! Marie en est toute excitée par avance même si elle n' aura pas la parole. Elle pourra se vanter qu'elle, elle aurait fait mieux.

Ma coiffeuse connait son affaire et il ne lui faut pas plus de quelques minutes pour faire un travail admirable. N'oubliez vous donc jamais rien ?

Et ouais, et c' était même pas une pique puisque la brune ne savait rien de l' amnésie partielle de son vis à vis. Elle salua le porteur officiel qui s' éclipsa en toute discrétion. Margueritte saurait surement quoi faire pour ne pas que le temps ne lui paraisse trop long. Les souvenirs ont tendances à prendre un peu de temps quand ils sont tirés de leur placard. Et parlant de souvenirs, les questions fusaient sans presque qu'elle n'est le temps de répondre. La Gorron profita de ne pouvoir parler pour servir une tasse de tisane et approcher des petits gâteaux, preuve que la cuisinière n' avait pas perdu la main et n 'était pour rien dans la nouvelle silhouette de sa maîtresse.

Cobra ne traînait pas dans mes jupons... Dessous au pire...Et la dernière fois que je l' ai vu, il se mariait avec une espèce d' énergumène qui est arrivée dans l' église avec une robe taché d'urine. C'était... peu ordinaire.
Quand à mon allure, ce n'est le fait que d'une maladie qui m' a tenue au lit durant de longues semaines.

Elle ne pu retenir un rire à l' évocation du couvent et la phrase sortit sans qu'elle ne l'est vraiment pensée. Surement un coup de Marie.

Audrey avait raison, vous êtes un homme à femme, Seurn Erksen !

Oui bon, c'était facile mais vraiment, elle n' avait pas pu s'empêcher. La vicomtesse allait se lancer dans un résumé de sa vie ces deux dernières années quand le sac se renversa. Evidemment, elle se baissa pour ramasser le sac et le contenu puisque le danois ne pouvait se déplacer mais son geste fut arrêté en plein élan quand ses yeux tombèrent sur les toiles.
Finalement, avec un grand sourire, elle les ramassa et les tendit à son ami.

Est ce avec ce genre de... Chose que vous testez si certaines parties de votre anatomie fonctionnent toujours ou sont définitivement mortes ? Allons, allons, il doit y avoir d' autres moyens plus agréables.

Petit sourire en coin de rigueur, pas du tout choquée la vicomtesse. Après tout, ce n' était pas elle sur l' image et il en fallait bien plus pour l' émouvoir. De plus, Marie s'en donnait à coeur joie dans une large palette de réflexion et Erraa avait bien du mal à ne pas rire.
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Seurn


    « L’art de peindre n’est que l’art d’exprimer l’invisible par le visible. »
        Eugène Fromentin


Je sais maintenant ce que doit ressentir un homme marié ou engagé, qui un soir dans sa demeure, voit subitement sa moitié entrer en coup de vent alors qu'il se trouve braies baissées, allongé et sur le lit et qu'une plantureuse brune est affalée sur lui, ses mains remontant haut sur ses cuisses masculines : "Non mais...ce n'est pas ce que tu crois! C'est mon médecin attitré. Elle fait pénétrer un baume dans mes jambes pour éviter qu'elles ne se dessèchent". Parfois les apparences ne sont pas de notre côté.

- Non mais, ce n'est pas ce que vous croyez! C'est mon médecin attitré!...

Dis comme ça, j'ai plutôt l'impression de m'enfoncer que de rester à la surface. Gorron a t-il été construit sur un sol marécageux ou c'est moi qui suis simplement trop lourd pour le sol mainois?

-... Et pour répondre à votre question, quand bien même j’aurais pu m’en passer, ces parties spéciales de mon anatomie, je sais déjà qu'elles fonctionnent! C’est déjà bien trop humiliant de se trainer au sol comme une vulgaire limace…même si je ne laisse pas encore de trainée humide derrière moi!

D'ailleurs, en période d'abstinence forcée, il aurait mieux fallut qu'elles ne fonctionnassent point ces parties spéciales. Cela aurait été plus facile à supporter! Mais ça n'est pas utile non plus d'entrer dans les détails, je risquerai de ne plus savoir comment m'en sortir... surtout en présence d'une femme qui aurait pu être ma belle-mère. Remarque...Est-ce qu'à l'époque, elle avait déjà un doute sur ma virilité? Est-ce pour cela qu'elle a œuvré à marier Loh à un homme mieux nanti plutôt qu'à moi? Après tout, ma noblesse danoise passée ne lui suffisait donc pas? D'habitude, avant un mariage, c'est la mère de l'époux qui regarde la choisie sous toutes ses coutures et qui s'assure qu'elle pourra honorer ses devoirs conjugaux et enfanter...et pas le contraire! En attendant, avant de m'égarer, mieux valait que je trouve le meilleur angle d’attaque pour lui expliquer simplement la présence de ces toiles dans mon sac! La prochaine fois, je m'assurerai qu'elles sont mieux fixées que cela.

Les oeuvres reviennent prendre leur place initiale. Inutile de me presser, ça me permet de réfléchir, trouver les bons mots. Et puis, ça m'évite de la regarder droit dans les yeux. Lorsque la parole reprend sa place, le ton est posé, sérieux. Il contraste avec le badinage précédent parce qu'il me fait revenir vers des souvenirs plus difficiles à évoquer.


- Au couvent des cordeliers de Sarlat, j'ai laissé deux ans de ma vie partie en fumée et ma mobilité. Autant dire ma liberté. Si perdre ses souvenirs est difficile à assumer, être privé de la capacité de se mouvoir, de faire ce que l'on désire et d'être encore utile l'est plus encore. Vous avez l'impression d'être un mort à qui le Très-Haut a refusé le repos au paradis. Imaginez un eunuque qui ressentirait encore l'appel du désir et qui ne peut le satisfaire, un politicien qui convoite une couronne sans jamais avoir une chance de l'obtenir, un joueur de soule condamné irrémédiablement au banc des remplaçants, un amateur de vin qui ne le digère pas. Notre époque n’est pas faite pour cela! C'est ce que je ressentais en quittant le couvent oui. C'est la raison pour laquelle j'avais besoin de réfléchir. Le prieuré de Ste-Illinda était le lieu idéal, à la fois assez proche et assez loin de Bergerac. Un lieu où personne ne me connaissait et où je pourrais retrouver un certain équilibre. Avant d’y partir, je suis passé une dernière fois à Sarlat. Un coup de tête. On m'avait dit que ma mère y tenait une taverne. C'était une erreur. J'y ai perdu mon temps...ou presque.

Un bref sourire se dessine au coin des lèvres. Le destin me fait vraiment de drôles de pied de nez parfois. La plupart du temps, ils sont noirs, négatifs et cruels. D'autres fois, ils sont rubis, sentent le vin et ont des bouclettes qui virevoltent dans tous les sens. Un vent qui souffle le chaud et le froid et qui parfois se transforme en tornade, ravageant tout sur son passage.

- J'y ai croisé un médecin. Toutes les auberges de la ville étant pleines, elle m'a laissé la clé de sa chambre... en échange de quelques lettres. Moi qui n’aie aucun talent à coucher sur un vélin, vous comprenez aisément que j'ai bien plus gagné dans cet échange de bons procédés. Une correspondance s'est établie. Une amitié a pris racine. Elle a décidé que j'étais un cas médical qui l'intéressait. Elle a fabriqué un onguent pour éviter que mes jambes ne dépérissent trop rapidement et puis un jour, elle a débarqué à Ste-Illinda: elle voulait tester un soin expérimental. C'est la raison de ma présence ici d'ailleurs. Depuis ce temps, j'ai rejoint son petit groupe dans cet objectif. Le temps a fait son œuvre. La confiance s'est installée de part et d'autre. Elle a ma vie entre ses mains, au travers de son histoire de raie qui est capable de réveiller les morts...Une drôle d'idée à laquelle j’accroche une bonne partie de mes espoirs. Un soir, je l'ai sentie inquiète, perturbée. Elle voulait me confier ces toiles...ceux-là même qui se sont déroulées sous vos yeux... et sous les miens également. Elle m'a expliqué être la victime d'un homme qui avait pris plaisir à les lui envoyer. Pourquoi? Je n'en sais rien. Elle m'a dit qu'elle n'avait jamais posé, que le peintre devait la connaître et avait laissé son imagination faire le reste. Elle me les a confiées pour qu'elles soient en sécurité, que personne ne tombe dessus par hasard...

Que personne ne tombe dessus par hasard n'est-ce pas?
Erraa
C'est pas ce que vous croyez ! Ha oui ? Vraiment ? En général, quand cette phrase est dite c'est que c'est exactement ce que l' on croit et la vicomtesse continue de sourire alors que Marie se déchaîne à l' intérieur, lui envoyant des images toutes plus perverses les unes que les autres. Son médecin, allons donc ! Comme si elle allait gober un truc pareil.
Et puis le sourire s' éteint lentement à mesure que le danois explique sa situation et son amnésie.

Je suis navrée pour vous. C'est une histoire bien triste.

Et puis le sourire revient avec d' autres images que Marie lui envoie. Elle ne parle pas, elle sait qu'elle n' aurait pas de réponse. Alors elle invente des scènes et elle les envoie dans le cerveau de la brune... Qui est aussi le sien un peu quand même. Sur la première elle peut voir son ami assis à se morfondre devant une table, à la lueur d'une chandelle. Sur la deuxième l'homme qui était là il y a un instant, comment s'appelait il déjà ? Nestor, oui voila ! Sur la seconde, donc, Nestor tient un nécessaire d' écriture à coté de son maître. Et enfin, sur la troisième, elle peut y voir un noble danois incapable de se servir de ses membres inférieurs et qui passe le temps comme il peut en dessinant sur le vélin qu'on veut bien lui apporter. Un enfant dessinerait sa maison, son chien, ses parents, une prairie. Un adulte a d'autres pensées en tête. Et le résultat de ces heures passées devant une feuille blanche, la Gorron l' a devant elle. Voila ce qui arrive quand on laisse un homme seul devant une page vierge avec son imagination et une femme médecin qui lui rend visite quotidiennement. Sans compter cette phrase qui veut tout dire "C'est pas ce que vous croyez !".

Nouvelle image envoyée par la Peste. Cette fois, le "médecin personnel" qui a une raie miraculeuse, est remplacé sur la carte érotique par la vicomtesse. Et là, c'est beaucoup moins amusant. Quoi que... Elle n' est pas pudique, m' enfin l' idée de masses d' hommes qui pourraient voir cette reproduction plus ou moins fidèle ne l' enchante pas plus que ça. Quitte à se faire admirer, autant que ce soit en vrai.

Une raie miraculeuse d'un médecin femme qui soigne un infirme ? Je comprends bien que vous sachiez que vos jambes soient les seules à ne pas fonctionner... M'enfin ça n' a pas l'air très efficace comme méthode.

Ha ben avec la brune faut préciser aussi. C'est pas forcément la raie manta ou la raie papillon qui lui vient de suite en tête...

Un anonyme hein... Hum... C'est ennuyeux pour elle. Mais elle a quand même tenu à vous les montrer. Vous devez être proches... Pourquoi ne pas simplement les détruire si personne ne doit les voir ?

Oui elle avait du mal avec le concept de sécurité pour un homme qui ne pouvait plus se déplacer seul. Et Marie lui envoyait image sur image. Un moyen de communication bien plus efficace que la parole finalement et elle commençait à le comprendre, la Peste. Les idées implantées dans la tête de la Gorron prenait mieux racine sous cette forme là. Mais pour le moment, Marie était amusée alors les images était joyeusement lubriques et pas encore tout à fait paranoïaques. Ca viendra, le temps vient à bout de tout.
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Seurn


    « Un véritable ami est quelqu'un qui peut faire confiance à tous vos secrets. »


Toute cette histoire avait débuté une nuit, après une soirée plaisante en taverne. Je n'avais ni porteur, ni chaise et comme c'est arrivé quelques fois depuis, c'est Zephyre qui a insisté pour me porter sur son dos. Il faut dire que le poids de mes jambes a considérablement diminué qu'elles ne supportent plus rien du tout. Depuis cette rencontre à Sarlat, la confiance entre nous s'est installée petit à petit, jour après jour, lettres après lettres. Ce soir là, à la charriote, je l'ai senti inquiète, perturbée. Elle a sorti de son sac ces deux cartes peintes et comme ce jour à Gorron, ceux-ci lui ont glissé des doigts et se sont retournées, offertes à mes yeux. Elle a rougi, j'ai détourné le regard. Et elle a insisté pour m'expliquer leur origine, précisant qu'elle n'avait pas posé pour leur exécution. Ce qui la rendait soucieuse? Le fait que le fils d'Albunéa, Perceval, puisse tomber par hasard sur ces oeuvres. Voilà pourquoi elle s'en était ouverte cette nuit-là. Parce qu'elle me faisait assez confiance à moi pour ça, moi l'amnésique paralytique. Avait-elle placé sa confiance à la juste place? Certes pas dans les mains d'une personne mal intentionnée! Mais ce jour, la maladresse avait peut-être trahi cette confiance.

- Comtesse, vous m'avez connu fringant, vous invitant à danser sur une table. J'ai traversé la moitié du royaume pour mener votre fille ici. Je suis un homme d'action, pas un de ceux qui s'abime les yeux dans de vieux livres sans intérêt. Ces jambes décaties, c'est un peu comme si on coupait les mains à un peintre. Il me faut les retrouver. C'est une question de survie. Vivre miséreux, grabataire, à me trainer par terre au moindre problème, ne pas être autonome dans une grande partie de mes activités quotidiennes, ne pas pouvoir prendre les armes pour défendre ma famille et mes terres, cela je ne puis le concevoir. Zephyre,mon médecin, a d'abord cru qu'un onguent de sa facture aurait pu être le remède miracle. Mis à part me faire masser par une nonne qui ne devait jamais avoir préalablement touché les jambes d'un homme, cela n'a servi à rien. Et puis, un jour, dans le port de la Rochelle, elle a vu le résultat d'un homme qui s'est fait touché par l'une de ces raies. L'homme avait subi un choc à réveiller les morts! C'est là qu'elle a l'idée de ce traitement Erraa. Alors oui, je mets mon salut dans un poisson...parce que je n'ai pas d'autres choix, parce que je refuse la fatalité.

Sauter du coq à l'âne. Des cartes peintes au raison qui me poussent à partir avec Zef à la pêche aux raies en Bretagne. Qu'importe si la conversation était décousue, je sais qu'Erraa ne me jugera pas là-dessus.

- Mais pour en revenir aux peintures comtesse, je ne sais pourquoi Zephyre n'a pas voulu les détruire. Je sais qu'elle les possède depuis longtemps. Vous savez, le soir où elle me les a donné, ce n'était pas le bon moment pour l'accabler de questions. Et puis le sujet est délicat, je ne voulais pas passer non plus pour un... impertinent. Vous savez, je ne la connais que depuis Février 1462. Nous avons échangé quelques lettres pendant une période de deux mois. Et puis, elle et sa famille sont venus me chercher au prieuré de Ste-Illinda, où je m'étais mis en retrait des vicissitudes de la vie séculière. Depuis, nous avons passé quelques soirées ensemble, assez pour bâtir une confiance. une amitié.

Assez aussi pour échanger des confidences réciproques sur notre vie passée. Assez pour se confier l'un à l'autre quand surviennent des moments plus difficiles à vivre. Assez pour envisager de se saouler ensemble et être comateux pendant trois jours de suite. Assez pour qu'elle me pense inverti.

- Dites-moi comtesse, vous devez avoir bon nombre de relations un peu partout n'est ça pas? Pourrais-je vous demander deux services et une bonne chope de bière sans noisette?

Si seulement Gorron pouvait ne pas acheter sa bière à Mayenne...

- Le premier service.... Pourrais-je vous demander de vous renseigner sur un certain Coguin? Il serait de la famille d'une personne nommée Nevgerel. Zef me dit qu'ils habiteraient du côté des Flandres. Coguin serait un artiste-peintre, celui qui est à l'auteur des peintures que vous avez vu. Je souhaiterais en savoir plus sur eux, sur leur manies, leurs forces, leurs faiblesses, qui ils fréquentent...

Le deuxième service est disons....plus personnel... un petit problème d'humeurs masculines à régler. Je m'en suis ouvert à la chancelière du Maine qui m'a dit qu'il n'y avait point de maisons closes sur le sol mainois. J'avoue que cela m'a fort étonné... Enfin...comment dire? Connaitriez-vous une professionnelle qui pourrait satisfaire à ...hum...mon hygiène masculine?


Demander ça à celle qui aurait pu être ma belle-mère, c'est peut-être un peu osé. En même temps, ce n'est pas non plus comme si Audrey était encore celle à laquelle j'aspirais. D'ailleurs, même si cela avait le cas, je me demande si Erraa n'aurait pas préféré que je choisisse cette alternative plutôt que de prendre la virginité de sa fille.
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