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[RP] Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne.

Cyrinea

[Le cri de l'âme...lame]

En nage, poussiéreuse, la Sirène regagna l’Auberge de l’Ichtus Arlésien. Des bruits dans la chambre voisine, obscènes car étrangers, finirent de la mettre à terre. Elle se frotta le visage, se lissa les cheveux vers l’arrière, paumes bien à plat, et resta ainsi, sans bouger. La chevauchée avait été longue, harassante, désespérée, puisqu’elle ne L’avait pas trouvé.

Un mot. Le matin. L’avertissant qu’Il voulait s’éteindre, quelques temps, quelques semaines, quelques mois peut-être.

Elle se maudit. Se maudissait depuis des heures et ça n’y changerait rien.

Elle se leva, s’attabla, prit plume et vélin.

Mon amour,

Les heures s’étirent depuis l’aube, depuis cette première missive que je vous fis parvenir et dont je savais déjà qu’elle resterait lettre morte. Je vous ai cherché partout, battant la campagne, les auberges, les ruelles, les bouges, ai interrogé, menacé, promis récompense. Nul ne vous connait, nul ne vous a vu.

J’ai dépêché Berthelot. Nous nous sommes croisés aux écuries, aussi bredouilles et inquiets l’un que l’autre.

Je sais aujourd’hui ce mal qui vous a rongé car il me ronge à mon tour. Et pourtant…quelques heures seulement nous séparent et je n’ose même imaginer le fil des minutes qui à l’infini pourrait se dérouler, tant cette idée me vrille le ventre.

Vous êtes mon souffle et ma lumière, et j’ai peur de ce que je pourrais devenir. Cette souffrance tragique, hargneuse, mauvaise que je ne connais que trop bien.

Mon âme n’est qu’un énorme cri vers vous et j’ai décidé, pour une fois, de ne pas respecter votre silence ni ce besoin de vous éteindre qui vous étreint.

Pourquoi ne sommes-nous pas parvenus à trouver ce que Deux peut être ?

Pourquoi cette paralysie à inventer alors qu’un amour puissant nous pousse toujours l’un vers l’autre ?

Je vous offre mon amour sans faille et jamais ne faillirai. Je renouvelle ces vœux auxquels j’espère que vous croyez encore, auxquels je sais que vous croyez même si nous ne savons pas leur donner corps.

Je vous attends, vous attendrai, vous chercherai, vous harcèlerai de missives. Le temps qu’il faudra. La vie est longue et vous êtes mon seul horizon.

Cyrinea.

Vôtre.

Elle siffla Alex, le lévrier offert par sa vassale, lui attacha la missive autour du cou et l’exhorta à atteindra sa cible après lui avoir fait sentir une chemise du Duc.

Va, va, va trouver ton Maître !

Elle referma la porte et plongea dans un sommeil sans rêves.
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Cyrinea

[Soleil noir]

Une langue humide l’avait réveillée et, dans son demi-sommeil, elle avait tendu les bras pour ne rencontrer qu’un corps velu, beaucoup trop velu. Une grimace, elle se retourne, se souvient, comme un coup de poing.

Tu l’as trouvé ? Dis-moi que tu l’as trouvé !

Elle bondit, tâte le cou. Regarde, cherche, même si elle connait déjà la réponse. Nulle missive du Duc attachée au tour du coup d’Alex mais la sienne, encore scellée. Satané chien, capable de courir plus vite qu’un félin mais pas fichu de retrouver son maître ! Un pigeon. Elle ne pourrait le suivre mais au moins il délivrerait le message.

A côté, des rires d’enfant. Hugues.

Elle se lève comme une automate, s’asperge le visage, lisse la robe qu’elle n’a même pas ôtée, arrange quelques mèches et va chercher son fils.

Déambule. La mairie, vérifier la date du résultat des élections, la Grande Halle d’Arles, écouter ce qui se dit, s’informer, et tourner la tête en, tous sens, espérant, de cet espoir qui avoisine le désespoir.

Elle court. Pose Hugues sur le lit avec un cheval de bois vers lequel il avait tendu une main émerveillée au marché, s’arme elle aussi : une plume, un vélin.

Mon Taiseux,

Le soleil ce matin irradie la ville et c’est un soleil noir chargé de mélancolie. Les heures sans vous se déploient et n’ont de sens que pour elles-mêmes parce qu’il faut bien que le temps passe. Pour moi, il s’est arrêté.

Comment vous portez-vous ? Où êtes-vous ? A quoi pensez-vous ? Que mangez-vous ? Est-ce que nous vous manquons autant que vous vous nous manquez ? Avez-vous froid la nuit autant que moi qui ne m’assoupit qu’à grand peine dans un coin de notre couche en me disant que vous n’êtes que sorti et allez bientôt me rejoindre ?

Mes pas ne sont qu’errance dans cette ville qui m’est inconnue, où je vous cherche, partout, et croit vous voir, partout. Mirages de l’amour…

Il a séché cette nuit contre mon cœur.

Cyrinea.

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Kronembourg

Arles. Ville Antique qui s'étire à perte de vue sous les premières percées du soleil de printemps. Grandeur des monuments qui émerveillent le visiteur, l'étourdissent, lui faisant presque oublier la puanteur de ses rues mal pavées ; arènes, théâtre, marché nocturne, nécropole démesurée, orgueil d'un pouvoir Romain tombant lentement, mais inexorablement en ruines, ici comme ailleurs.
Le cavalier tourne en rond dans un quartier secondaire, à la recherche d'un endroit où dormir. Derrière sa monture se traîne une charrette contenant le strict nécessaire à ses besoins du moment ; du pain, du maïs, quelques vélins vierges, une couverture, une timbale de vin. Sous le foulard noir un visage fermé regarde droit devant sans s'apercevoir que trois auberges ont déjà jonchées son parcours depuis le cercle qu'il dessine inlassablement. Insensible aux médisances inquiètes d'une petite foule ayant remarqué ses passages à répétition, il garde la mâchoire serrée mais un éclat furieux agite son regard anthracite. Il vient de lire une lettre. D'Elle.

Salon de Thé Al-Sultan

C'est une bourse contenant approximativement deux cent écus qui achève de convaincre le tenancier du salon de lui louer exceptionnellement une chambre pour la semaine. Ici personne n'est censé dormir et c'est bien la raison pour laquelle Stanislas se montre si insistant. On ne viendra pas le chercher dans un boui-boui Oriental.
Tandis que le personnel s'active pour lui transformer une vieille remise mansardée en local propre tout en haut de l'établissement, son regard se fixe sur la minuscule et unique lucarne de ce qui devient rapidement une chambre, d'où il peut apercevoir le phare de la ville.

Il me faudra une table d'écriture. De quoi prendre un bain. Du linge propre tous les jours. Un miroir et un rasoir. De quoi manger. Pas de pain Libanais.

Tant qu'à crever, autant crever soigné. Car c'est vers Sa dernière et Son avant-dernière lettre que reviennent ses yeux et que s'imprime sa détresse.
Beaucoup de questions.
Peu de réponses.
Aucun mot.
Une profusion de souffrances.

L'épouse du tenancier referme la porte derrière elle et Stanislas s'asseoit.
Silence. Plume et vélin.
Une prière.
Il faut que les mots jaillissent.

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Cyrinea

[Le cri]

Ce fut d’abord l’incompréhension, puis la douleur, puis la colère. Trois phrases comme des lames de rasoir.

A quoi d’autre s’attendait-elle ? A rien, puisque la peur l’avait saisie au ventre avant d’ouvrir la missive de Stanislas. Ensuite, elle en avait regardé la longueur, ne voulant pas en lire le sens, pour retarder l’impitoyable.

Coutre, très courte, trop courte. Elle entama la lecture avec une lenteur dont elle ne se savait même pas capable et ça lui avait explosé à la figure.

Claquement de porte, descente des escaliers, s’en envoyer quelques-uns dans le gosier. Finn, Dyvina…A l’intérieur elle se sentait mauvaise et lutta. Toute cette hargne, elle ne devait l’utiliser qu’à des fins positives et anéantir dans l’œuf les pulsions de destruction qui la rongeaient déjà. Mais il est plus facile de se détruire que de se battre.

Elle remonta dans la chambre, Xanthi à peine croisée, Ahed qui les avait écoutées sans doute sans comprendre, la mine triste et les yeux noirs, motivée par la seule urgence d’écrire.

Stanislas,

L’amour est égoïste et je l’ai certainement été plus que tout en évoquant ce froid qui m’étreint la nuit, sans vous à mes côtés. Ce cri que vous me dites est la plus grande douleur que je n’ai jamais éprouvée car elle n’est pas mienne, mais vôtre.

Je ne vous ai jamais senti aussi loin. Je ne me suis jamais sentie aussi près de vous perdre.

Je ne peux ni ne veux vous faire de vaines promesses. Mais j’ai bien conscience que celle que je suis ne vous rend pas heureux. Par moment, si, sans doute, mais seulement par moments. Nous avons si peur que la passion ne s’éteigne que nous avons peur de la passion elle-même et l’étouffons en son sein.

Dire cette passion devient vain car nous savons tous deux ce que nous éprouvons l’un pour l’autre. Il nous faut arriver à la vivre et anéantir les barrières, ne plus nous cacher derrière nos rires, ni derrière le silence.

Venez me hurler à m’en faire tomber à terre cette douleur qui vous éteint.

Mais de grâce, ne vous éteignez-pas.

Cyrinea.

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Kronembourg

Everything I cannot see ♫

Ce n'est que tard dans la nuit qu'il réceptionna la lettre, prêt à lire le pire, prêt à affronter le pire, baignant déjà dans ce pire depuis quelques jours comme un avant-goût de l'enfer lunaire. Comptant les heures comme autant de non-sens à leur lune de miel et Hugues qui lui manquait.
On lui fit porter un plateau composé des spécialités Orientales de l'établissement ; Tajine d'agneau aux pruneaux et aux amandes, accompagné de thé ... A la menthe. Bande de cons.
C'est étourdi par sa timbale de vin qu'il s'endormit sur la paillasse tout juste confortable qu'on lui avait préparé à la hâte, ayant pour dernière vision la lumière alternante du phare qui transperçait la lucarne toutes les vingt-deux secondes. Et demi.

Ses premières pensées encore embrumées au réveil furent pour elle. Comme une réalité qui vous saute au visage lorsque vous pensez que tout va bien durant quelques secondes et que la lucidité vous rattrape. Stanislas connaissait Cyrinea certainement mieux que personne. Il vivait heure par heure leur séparation dans sa peau à elle comme dans la sienne et savait que d'ici peu, à force de non-sens, elle échapperait à toute logique et tout retour à la raison. Que ne lui avait-elle pas raconté sur ces hommes qu'elle avait quitté en plein amour et ces univers sur lesquels elle savait tirer un trait, sur ses brigandages après la mort de Balock.
La fausse paix qu'il tentait vainement de construire par leur éloignement lui parut, pour ces premières heures du jour, aussi absurde qu'illusoire. On ne peut trouver la paix lorsque l'on fait souffrir ceux que l'on aime au point d'entrer dans leur peau et vivre leur souffrance. C'était bien là la différence avec avant. Stanislas n'était plus seul, Cyrinea vivait en lui, autour de lui, par delà les heures et les distances. Tout juste venait-il de discerner cette notion toute nouvelle. Et même s'il cherchait encore les bons souvenirs que tous les deux pourraient raconter à Hugues lorsqu'il serait en âge de les comprendre, il rédigea d'une main fébrile.

Cyrinea,

Ce froid qui vous étreint la nuit me mord heure après heure. Il n'est pas égoïste loin s'en faut de me faire comprendre que ma présence vous manque. Votre lettre m'a bouleversé. Sans elle je me serais probablement endormi longtemps.

Aucune promesse ne pourra se substituer au tangible d'un quotidien que nous partageons peut-être mal. Je n'ai pas besoin de certitudes pour avancer à vos côtés sinon celle de vous savoir heureuse. Je ne veux pas que vous changiez, surtout pas ; Vous êtes telle que je vous désire. C'est le regard que je pose sur vous qui le doit. C'est pourquoi j'ai ressenti le besoin de me dépassionner de vous afin de devenir l'homme que vous attendez. Plus calme, moins exigent. Appréciant les moments simples pour ce qu'il peuvent faire de ma vie un enfer en disparaissant.

Nos mécanismes de défense sont différents. Vous posez des barrières et je me tais. Mais notre souffrance est la même.
La seule évidence que j'en retire, c'est que je ne peux pas vivre sans vous.
Vous êtes tout ce que je ne peux pas voir.

Stanislas.

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Cyrinea

Isn’t it love ♫

C’est Hugues qui l’avait réveillée d’un lourd sommeil qui s’était emparée d’elle, terrassée par la fatigue, après avoir en vain tenté de le trouver une bonne partie de la nuit. Elle n’avait eu d’autre alternative que d’aller chercher son fils pour le coucher à ses côtés, juste entendre une respiration, tenir sa petite main dans la sienne, un petit bout de Lui pour pallier à la douleur de l’absence.

Son doigt était tendu vers un pigeon posé sur une petite table jouxtant le lit.

La veille, elle en avait reçu plusieurs. Et ressenti pareillement son cœur cesser de battre, son ventre ployer sous le coup d’une émotion trop forte pour supporter sans ciller la déception que ce ne fût pas une des Siennes.

Elle détacha le vélin, le regarda longuement avant de l’ouvrir, en une muette prière.

Elle eut alors le sentiment que tout son corps se soulageait de l’atroce lourdeur qu’elle n’avait même pas eu conscience de porter tant elle était faite de sa souffrance à Lui et non à elle. Un poids qui disparait et qui rend une part de sa légèreté à l’existence. Elle se rua sur son fils, le couvrit de baisers chatouilleux qui éclatèrent dans des rires cristallins, se leva d’un bond et répondit dans l’urgence de son désir de Lui.

Mon cher Amour,

Je vous écris alors que votre fils rit encore des baisers bruyants qu’a occasionné votre lettre sur son petit ventre sans défense. La nuit fut brève et j’ai eu besoin de son contact pour ne plus être hantée par les souvenirs inscrits dans ma peau de votre corps sur le mien. Je vous ai caressé jusqu’à ce qu’un brin de lucidité me fasse entrevoir que mes mains n’étreignaient que le vide si bien qu’elles ont dû chercher un semblant de paix dans le contact de ce petit bout de vous.

Je ne veux pas que vous niiez une part de vous-même Stanislas. Je comprends ce besoin de vous dépassionner mais vous êtes celui dont j’ai besoin, tel que Deos vous a fait. C’est Vous que j’attends et nul autre, c’est Vous qui me rendez heureux et le calme serait bâti de non-dits dans une acceptation tacite des barrières et du silence.

Ces verres que nous avons brisés dans la fébrilité de retrouvailles, il nous faut les briser chaque jour.

Je vous attendrai, ce soir, à l’auberge de l’Ichtus Arlésien.

Cyrinea.

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