Finn
À peine a-t-il posé la palme sur le quai du port d’Angers qu’il cachette la lettre péniblement rédigée durant la traversée. Tel le fils en rébellion revenant enfin au bercail après sa longue errance, l’ancien Craonnais la planque dans un coffre sous un amas de linge sale : destination Montsoreau.
Citation:Votre Archidisgracieuseté,
Dénéré,
Vous êtes parvenue à vos fins, je suis de retour.
J'ai bien médité votre dernier pli et, après mastication, digestion et re-mastication derrière, j'en conclue que je n'ai jamais cessé d'être Angevin. J’espère que vous êtes CONTENTE – vous me dégoûtez.
Il m'est arrivé d'attaquer l'Anjou une ou deux fois par le passé, comme vous savez. J'attaque, j'attaque, mais c'est la preuve que je me sens toujours obligé de revenir… et que j’ai sans doute hérité de ma Marraine cette difficulté à exprimer mes sentiments autrement que par cette fameuse tradition flamande du parpaing dans la gueule.
Car dans mon verre comme dans mon beurre, l'Anjou apporte le sel.
… Ou quelque chose comme ça.
J'aurais cependant une condition préalable à mon emménagement : j'aimerais que vous m’accordiez gra-tui-te-ment la jouissance d’un bout du rempart d'Angers ainsi que deux de ses tours afin que j'y accole mon hôtel familial ; il abritera les miens, notamment ma splendide Princesse bretonne (j'ai dû l’enlever de force, il me faut des murs épais pour la retenir). En contrepartie, je mettrai mes modestes ressources à disposition de l'Archiduché et de son indépendance. Sans limite de temps.
Ah, et je veux un canard aussi. Noir.
Ó Mórdha.
P.S. : Si vous osez divulguer le contenu de cette lettre, je vous crève comme une reyne de France.
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Calyce
Si elle s'était enfermée dans son bureau, à la base, c'était pour travailler. Motivée et tout. C'est qu'elle a un plan à fignoler niveau noblesse angevine. Sauf que, comme à chaque fois qu'elle a vraiment envie de bosser, quelque chose vient l'en empêcher. C'est ballot, hein. Là, le quelque chose se présente sous forme de gros tas de linge sale. Gné ? Est-ce là un message subliminal ? Invitation à la Guerre venant d'un de ces voisins ? Hum. La mimine archiducale de plonger courageusement dans le coffre pour faire s'envoler les vêtements dans la pièce. Là une paire de braies, là des bas...
-AaAAAAaah ! Ça shliiiIiiiiiIIiingue la mort, vot'Archigrâce... C't'un piège ! On cherche à vous faire attraper l'mal qui tue !
-Anh ! Sa maman en braies de guerre !...Balancez l'tout au feu !
Aussitôt ordonné, aussitôt fait.
Le coffre est soulevé puis renversé au dessus de la cheminé sous les yeux d'une Calyce qui se frotte les mains. Satisfaite de voir le complot royaliste partir en fumée.
-Hin hin hin...hein ?... POUCE ! Y a une lettre là ! Je veux lire !
- Mais madame, ça brûle...
-VITE !
...
-Ouf ouf ouf ! Ou quand le valet souffle sur sa main après avoir sauvé le courrier des flammes. Et puis il est de corvée lecture.
C'est pas la mort ! C'est pire : Ó Mórdha, le Retour.
Retour...définitif ?
Elle a réussi, elle, Calyce de Dénéré-Malines, à faire réfléchir quelqu'un. Le faire réfléchir LUI. C'est mieux qu'une victoire sur le Maine. C'est la plus belle chose qui lui soit arrivée dans la vie après sa première paire de poulaines, sa première lettre du Fou, sa rencontre avec Leandre, sa presque-adoption par Tiss et Finam...c'est é-mou-vant. Vlà, elle est émue. Tellement que la réponse faite à l'Irlangevin est courte.
Citation:
Ó Mórdha,
Tout ce que vous voudrez.
Angevinement,
Calyce.
Ps : Vous prendrez en charge les travaux sur votre partie des remparts, hein.
Pps : Vous me raconterez le crevage d'une Reyne de France pendant que vous viderez deux tonneaux de vins ? C'est pour vous laver de toute votre bretonnerie intérieure.
Ppps : Il vous faudra faire disparaitre le messager que je vous envoie. C'est lui qui m'a lu votre lettre.
Voilà. Pli confié au valet en sursis.
Et puis faudra trouver de quoi remplacer le linge devenu cendres... _________________
