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[RP] Puisque la mort est inévitable, oublions-là.*

Gabriele.
    « Des jours qui ne ressemblent qu'à l'ombre des nuits
    Des silences qui résonnent à l'âme comme un cri
    Quand les paupières n'ont même plus la force des orages
    Quand porté par les flots je ne vois plus rivage »
    **

Des étincelles. Je vois des flammes, des flammes partout. Que se passe-t-il ? Suis-je mort ? Je ne ressens plus mon corps. Ici, tout semble presque doux. Il fait chaud, il fait froid. Je ne sais plus. Les serpentines enflammées lèchent ma peau pourtant sans la brûler. Je suis une entité, plus tout à fait moi, pas vraiment un autre non plus. Je flotte...Ou bien est-ce que je glisse ?
Où suis-je ?

Ici, ailleurs. Partout. Nulle part...Vaporeux, je m'avance dans un monde que je ne connais pas. Au fond de moi, ce sentiment d'inconnu, mais quelque part, je me sens rassuré. Je ne suis pas seul. Ectoplasme aux relents de forme humaine, je la vois, sa chevelure blonde et son air fier, son œil tatoué qui fait écho au mien. Est-elle venue m'accueillir en Enfer ? C'est étrange...Je devais la retrouver, car tout homme est voué à mourir, mais je n'étais pas censé venir ici seul. Je me souviens des serments échangés, de ces quelques mots qui pourtant n'ont de sens que pour Elle et moi. Nous devions mourir ensemble, et pourtant elle m'a abandonné. Je ne devais pas mourir pour les protéger, et pourtant je suis ici, face à la Matriarche qui m'a plus d'une fois donné la force de me relever pour continuer. Son sourire est doux, j'ai envie de la rejoindre pour veiller sur le Clan en devenant réellement un ange.

« - Mi manchi... »

Elle ne me répond pas, mais son sourire s'élargit. Elle m'ouvre les bras, et je m'y refuge, comme un enfant retrouvant le contact apaisant de sa mère. Je me sens jeune, d'un coup. Incroyablement jeune. Je réalise que le poids des années s'est dissipé, je me sens libéré, presque comme si je pouvais voler. Les ailes tatouées dans mon dos étaient peut-être juste un avant goût.
Dans les bras de ma tante, je ne suis qu'un bambin, à peine plus âgé que Romeo, et je me complets de retrouver sa douceur, sa force, et la lumière qui se dégage d'elle. Elle est la chaleur dans un paysage glacial. Elle est le souffle frais dans un désert aride. Je sais qu'à ses côtés, il n'y a plus de souffrance ni de malchance. Il n'y a que le confort d'une nouvelle vie à parler italien, à observer d'un sourire bienveillant notre monde qui continue de tourner. Une simplicité que je n'avais plus connu depuis mon enfance à me laisser porter par quelque chose de plus grand que moi. A juste attendre...
A subir.


    « S'il te plaît prends ma main
    Ne te fais plus attendre
    Il est temps de s'étreindre
    Il est temps de s'éteindre »**


Corleone ne subit pas. Un regard en arrière et c'est tout ceux que j'ai laissé que j'aperçois. Mes frères et sœurs, mon père, mes cousines, et surtout...Ma femme et mon fils. Si tout a toujours été compliqué, ils sont tous mon évidence. J'avais oublié que le tatouage de mon dos n'est que pour eux. Qui suis-je pour prétendre abandonner si facilement ? L'étreinte se dégage, ma tante me repousse doucement d'un sourire bienveillant. Ce n'est pas encore l'heure...Je ne sais plus où je suis. Perdu entre deux mondes. Les deux s'éloignent à chaque seconde de moi, et j'ai l'impression que pour réussir à rejoindre l'un ou l'autre, l'effort demandé sera inhumain. Mes jambes me paraissent peser un monde entier à elles seules, profondément ancrées dans le sol inexistant sous elles. Mes deux univers se sont tant éloignés à présent que je ne les distingue même plus. Dans quelle direction dois-je me tourner pour espérer pouvoir retrouver l'un ou l'autre ?

Il est temps d'errer un peu.


    « Au travers les tempêtes
    Moi je cherche le jour
    Moi je cherche la flamme
    Qui viendra m’éclairer
    L’âme »
    **


Plus bas, sur terre, là où les choses ne se sont pas arrêtées...Un champ de bataille. Une terre dévastée et tout ça pour un seul homme. Dire que je ne m'y attendais pas aurait été mentir. Après tout je ne les avais pas laissé en arrière pour rien. Je voulais m'assurer que la route serait libre, et c'est pour cette raison que j'y étais allé seul, assumant la responsabilité du groupe qui m'a été confié.
Je ne m'attendais malgré tout pas à un tel accueil.
Une armée entière rien que pour moi. En arrivant devant elle, il était déjà trop tard. Ils m'attendaient, épée au poing, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ils m'avaient encerclé. J'avais sifflé entre mes dents, me faisant aussi menaçant que possible, mais tellement dérisoire face à cette force qui s'apprêtait à s'abattre sur moi. Un ras-de-marée humain entièrement dévoué à mon funeste sort. Les légendes au moins ne raconteraient pas l'histoire d'un homme désoeuvré priant pour qu'on l'épargne.
Le Cerbère s'était dressé de toute sa rage, lame au clair, pour tenter de défaire un adversaire présent en trop grand nombre. J'avais fait mon possible pour rendre coup pour coup, et profitais de ma hauteur pour garder une allonge considérable. Plusieurs adversaires furent défaits avant que la vague humaine ne m'engloutisse.

Du reste, je ne me souviens de rien. Le premier choc à la tête avait dû m'entailler assez profondément le cuir chevelu pour que je perde connaissance pratiquement sur le coup et rejoigne le sol pour gorger la terre de mon sang. Une autre blessure sérieuse à la cuisse saignait assez pour être inquiétante. Pas de médecin sur place...du moins, pas un qui soit en état de pratiquer des soins, et la vie qui s'écoule lentement de moi. Les soldats me laissent ainsi, pour mort, à la vue de tous pour que chacun puisse voir ce qu'il en coûte de croiser la puissante armée tourangelle, qui avait fait montre de sa toute-puissance contre une seule personne.
Des contusions sur tout le corps, des entailles peu profondes réparties sur l'ensemble de ma peau, je semble en effet plus mort que vif.
Mais quelque part, faiblement, continue de briller l'étincelle de vie.
Je ne sais pas qui a pris la peine de s'arrêter sur son chemin pour venir vérifier si j'avais ou non bien rejoint les Enfers. Un religieux peut-être, ou bien un homme simplement bienveillant, toujours est-il qu'il réussit à arrêter l'hémorragie de ma tête et de ma cuisse, et qu'il me chargea dans sa charrette, aux côtés de ses marchandises. C'est à Saint-Aignan qu'il s'arrêta, et dans cette ville également qu'il prit connaissance d'un morceau de parchemin que je gardais dans la doublure de mon gilet de cuir, parchemin pour le coup tâché de sang, mais où quelques noms étaient encore lisibles.

Puisque j'étais toujours inconscient, il prit le parti d'écrire à ces personnes, pour qui sait découvrir mon identité, ou à défaut, pouvoir prévenir mes proches de l'endroit où je me trouvais.



Citation:
A Daeneryss C.
D'un humble représentant de la Foi,

    Je vous écris ce jour afin de vous transmettre une funeste nouvelle. Un homme dont j'ignore l'identité, mais qui présente un tatouage remarquable autour de l'oeil, a été laissé pour mort sur la route entre Chinon et Lôches. Il portait sur lui une liste où votre nom était présent. J'imagine que cela signifie que vous êtes importante pour lui, d'autant que j'ai vu un autre tatouage de votre prénom sur lui.
    Cet homme a subi de multiples blessures et je ne suis pas sûr que mes maigres connaissances suffisent à le sauver. Il est, depuis que je l'ai retrouvé, inconscient, et entre la vie et la mort. Il a perdu beaucoup de sang, je ne suis pas sûr d'être intervenu à temps. Je crains qu'il ne faille vous attendre à sa perte.


Il fallait que vous le sachiez.
Rédigé à Saint-Aignan, Auberge du Berry Libre.


Citation:
A Arsène C.
D'un humble représentant de la Foi,

    Noires ailes, noires nouvelles dit-on. Navré de n'avoir que ce corbeau à vous envoyer. Mes autres volatiles de transmission épistolaire sont déjà occupés. J'ai retrouvé sur la route entre Chinon et Lôches un homme portant un tatouage remarquable autour de l'oeil gauche. Celui-ci a de toute évidence subi une attaque de l'armée sur place.
    Je crains pour sa vie. Les maigres soins que j'ai pu lui apporter n'auront pas suffit à le sortir de l'inconscience. Il a perdu beaucoup de sang. Je ne sais si cet homme était un criminel ou non, mais personne n'a le droit de mourir sans que les siens ne soient au courant, heureusement il portait sur lui une note où votre nom était présent.


Voilà qui est fait.
Rédigé à Saint-Aignan, Auberge du Berry Libre.

Citation:

A Lili et Azurine C.
D'un humble représentant de la Foi,

    Vos deux noms étaient présents ensemble sur un mot que j'ai retrouvé. Il était porté par un homme laissé pour mort. Un homme tatoué. Il a perdu beaucoup de sang et je crains pour ses jours. Je pense qu'il n'y survivra pas.
    Il me semblait important de prévenir ses proches, et j'imagine que cette liste les réunit. Rassurez-vous, s'il meurt, il aura une cérémonie lui permettant d'absoudre ses péchés et de monter au Paradis Solaire.


Rédigé à Saint-Aignan, Auberge du Berry Libre.



Citation:
A Amalio C.
D'un humble représentant de la Foi,

    J'ai un homme tatoué chez moi. Il portait sur lui une note où votre nom était présent. Cheveux sombre, tatouage autour de l'oeil gauche, peau halée, sûrement pas du coin. Toujours est-il que vous devez le connaître et qu'il est entre la vie et la mort, dans une auberge du Berry où je l'ai ramené. Plutôt mort que vif, d'ailleurs. Il n'a toujours pas repris connaissance depuis que je l'y ai ramené.
    Je lui administrerai les derniers sacrements lorsqu'il expirera, soyez en assuré.
    Vous devez être un de ses proches.


Je vous souhaite de garder courage dans cette épreuve.
Rédigé à Saint-Aignan, Auberge du Berry Libre.


Ainsi, la liste s'achevait. Ou du moins l'étrange homme avait-il écris à toutes les personnes dont il avait pu déchiffrer les noms à travers le carmin. Le pessimisme n'était pas de trop, à en juger mon état végétatif, et l'étendue de mes blessures.


*Stendhal
**Saez
_________________

Pour toute réclamation, merci de vous adresser à LJD Tigist
Lililith
Where innocences burn in flames
A million mile from home, I'm walking ahead
I'm frozen to the bones, I am
A soldier on my own, I don't know the way

    Où des innocences brûlent dans les flammes
    A un million de kilomètres de chez moi, j'avance
    Je suis glacé jusqu'aux os, je le suis
    Un soldat livré à lui-même, je ne connais pas le chemin

L'enfant sait déjà qu'elle ne retrouvera jamais son chat. Et Éther n'en est même pas une pâle imitation. Un bête chaton, sans défenses, dont l'Étoile finit par se désintéresser, un court instant, pour mieux revenir sur lui par la suite. On lui a accordé la même chance, à elle de faire de même, fut-ce sur des animaux. Elle court et l'oblige à suivre le rythme. La chienne de Nizam aide aussi. L'enfant se dépense, se mutile en serrant le cuir dans ses dents, s'est rasé les cheveux. Le roux reviendra, ou pas. Elle n'a plus les moyens ni le devoir de faire comme elle souhaite. La Famiglia d'abord, c'est ce qu'on lui a répété. Elle est venue chercher Azurine, la tirer hors des barreaux par le rêve, lui montrant qu'elle ne l'oublie pas, cette sœur qui n'en est pas vraiment une.

Lili lance son arme au loin, court au plus vite pour la rattraper, plonge, roule, la ramasse enfin. Elle se relève aussitôt, bondit, ferme les yeux et se croit encerclée. Aussitôt, elle se bat contre ceux qui l'assaillent, sans savoir qu'ailleurs, au même moment, l'Ange se bat également. Elle repousse les hommes d'air, elle les écule pour les tuer un à un, prenant le temps de savourer chaque goutte versée. L'homme n'a plus d'importance. Elle reste là, finalement, pantelante, le souffle court, et tombe à genoux. On vient de lui envoyer une lance dans le flanc. Celui-là même qui porte déjà la marque d'une précédente bataille. L'Étoile descend ses prunelles jusqu'à voir le bois la transpercer de part en part, et la tache rouge qui grandit. Là-bas, sa mère hurle et court pour l'approcher. Elle vient serrer celle qu'elle a eu tant de mal à mettre au monde contre elle, persuadée que c'est sa dernière heure. Lili lève les yeux vers elle et la voit pleurer. Elle veut lui dire de n'en rien faire, mais aucun mot ne s'échappe de ses lèvres entrouvertes. La Minusculissme aimerait se redresser mais sa mère la maintient contre elle. Elle se laisse aller lentement, retrouvant cette odeur particulière de plantes fraîchement cueillies et du bois composant la maison où elles vivaient. L'odeur de la pluie sur la forêt. En un instant, la fillette est transportée ailleurs. Son rêve l'emmène loin, alors que son corps est toujours à genoux dans le sol humide de la plaine. Elle s'est peut-être blessée en tombant sur l'arme mais ne l'a pas sentie. Elle est sortie victorieuse du combat et c'est tout ce qui compte. La lance envoyée après n'est qu'une traîtrise manœuvre pour lui faire comprendre leur dépit.

Lili reste là, serrée contre cette femme qui est morte depuis longtemps déjà, alors qu'elle ignore tout de son père ; recueillie par Jeanne, vite aimée des blésiens, surtout par Nina, partie dans le sillage de la guerre qui grondait. Reconnue comme la fille de Rodrielle, sa fierté, alors qu'elle ne l'est pas. Erwelyn comme trame de fond à tout cela. Mais elle ne meurt pas, non. C'est trop tôt et ce n'est qu'un rêve. Quand elle ouvre à nouveau les yeux, les ombres ont disparu. Elle croit voir Pandou s'approcher d'elle, vainqueur lui aussi, mais non, c'est Éther qui ne songe qu'à se cacher, apeuré par ses grands gestes. Elle soupire avant de se relever tant bien que mal, disant adieu à sa mère, et à la prochaine fois. La Forme, ce ne sera pas pour aujourd'hui.

Elle rencontre Azurine en rentrant, Azurine qui a la même mine défaite qu'elle mais pour une autre raison. Qui lui présente une lettre que l'enfant déchiffre avec quelques difficultés. Elle lit les mots, les relit, mais ne les comprend pas. Et puis tout percute.


The sound of iron shocks is stuck in my head,
The thunder of the drums dictates
The rhythm of the falls, the number of dead

    Le son des armes qui s'entrechoquent est gravé dans mon esprit
    Le fracas des tambours dirige
    Le rythme des chutes, le nombre de morts
                Woodkid - Iron

Elle tombe une nouvelle fois. Il ne survivra pas. L'enfant se recroqueville, se ramasse sur elle-même, et dans cette coquille, prend sa tête entre ses doigts. Elle ferme les yeux le plus fort qu'elle peut. Et commence à fredonner une mélopée qui sort droit de son crâne. Celle qui la fera plus briller encore. Celle qui lui permettra de peut-être faire briller une étoile là-haut. Que Gabriele n'abandonne pas. Il doit voir la lumière, la laisser le guider comme elle en a désormais l'occasion. Qu'il oublie son rôle de protecteur pour n'être plus que le suiveur, et que celle qui se contente de survoler parmi tous devienne, l'espace d'un temps, mentor. Qu'il lui revienne.

Qu'il leur revienne.

_________________
Daeneryss
    Waitin' for the love of a travelin' soldier
    Our love will never end
    Waitin' for the soldier to come back again
    Never more to be alone when the letter said
    A soldier's coming home *


    Attendant l'amour d'un soldat voyageur
    Notre amour n'aura jamais de fin
    Attendant que le soldat revienne
    Jamais plus être seule
    Quand la lettre dira que le soldat revient à la maison


Un cauchemar. Encore un...
Plusieurs jours désormais que j'en fais. Ils hantent mon inconscient, me laissant ce goût de peur et d'amertume coincée en travers de la gorge lorsque j'ouvre les yeux. Et mes paupières sont si lourdes en ce moment. Il faut dire que mon état ne laisse rien au hasard. Car, dans la vie, il n'y a pas de hasards, que des rendez-vous. Et le dernier que nous avions fait nous avait laissé - Diego et moi - dans un sale état. Des jours déjà que je n'étais pas au mieux de ma forme, la grossesse me jouant des tours, m'offrant son lot quotidien de nausées et d'émotions. Et il y avait eu la disparition de Romeo... Mon ange blond, ma merveille. Pas une seule fois où son nom franchit la barrière de mes lèvres sans que je ne dusse chasser les perles salées qui inondent mes joues amaigries par le jeûne que je m'imposais. Chaque lever de soleil m'offrait un moment de répit, lorsque le jour naît dans l'horizon lointain, m'accordant une lueur pure et si dorée que je crois toujours apercevoir la chevelure enfantine qui m'a échappée des jours auparavant. Et je reste là, assise, genoux repliés contre ma poitrine, à regarder l'astre diurne prendre sa place dans la voûte céleste. Si court est le répit, si intense est la douleur qui s'en suit.

Nous avons avancé, reculé, fait du sur place pour le chercher, en vain. Jusqu'à faire cette rencontre en pleine broussaille. Lui, les jumeaux, et moi... Lui, les enfants dans les bras, moi incapable de me battre au corps à corps contre un homme de cette taille. Sombre idiote...
Désormais face à ce petit miroir, j'observe les teintes bleuies et verdâtres qui se dessinent sur mon visage, marquant surtout le côté gauche. Le menton avait été le plus abîmé, non pas par le coup reçu, mais bel et bien par l'atterrissage contraint et forcé sur le rocher voisin. Plus bas, ma jambe me lance. La gauche aussi... Je n'avais pas voulu que Diego regarde, sans doute aurait-il mieux fallu. Massant doucement ma cuisse, j'ose à peine regarder la teinte peu commune du derme. Une simple contusion ne fait pas tant souffrir d'ordinaire. Peut être que simplement du repos suffirait à calmer la douleur.
Le lit n'est pas loin, c'est même sans grimacer que j'arrive à le rejoindre jusqu'à un bruissement inhabituel, qui me fait froncer les sourcils.

Une lettre.
La, à même le sol, un courrier venait d'être glissé sous ma porte. Originale comme façon de faire, généralement les gens aimaient savoir à quoi ressemble les Corleone. Celui là n'est pas curieux sans doute, ou il m'a suffisamment repérée et surveillée pour ne plus avoir à satisfaire sa curiosité.
Et malgré la douleur et les coups reçus, je bondis. La lettre est sûrement de Gabriele. Sans doute me dit-il qu'il a retrouvé Romeo. Oui, il ne peut s'agir que de cela!
Hâtivement mes doigts déplient le courrier, me faisant plisser le nez lorsque je ne reconnais pas l'écriture de l'expéditeur. La lecture est rapide. Et douloureuse. Mes yeux parcourent encore ces lignes pour m'assurer que je lis bien, comme si le fait de relire pouvait changer les choses...


    Comme j'ai mal
    Je n'verrai plus comme j'ai mal
    Je n'saurai plus comme j'ai mal
    Je serai l'eau des nuages **


Je hurle... Recroquevillée sur moi-même, la lettre est chiffonnée dans un cri d'effroi et de douleur.
Je meurs. Là, ici, dans cette chambre d'auberge où rien n'a de sens ni de logique, là, à des lieues de celui a qui j'ai promis de mourir à ses côtés. La mort n'est rien à côté de la souffrance que je ressens. On vient de m'arracher le cœur, le mettre dans un étai d'acier pour le broyer avec force.
Je tremble. L'agonie vient, je la ressens envahir mon être. Ce n'est pas possible, il ne peut en être ainsi. Pas lui. Ce n'est pas le moment, la Faucheuse a de l'avance dans cette vie. La vie, la mort.. Nous. Unis.
Mais pas comme ça...


GABRIEEEEELLE...! GABRIEEEEELE... Gab..riele...

Hurler son nom comme s'il allait faire irruption dans cette chambre, m'entourer de ses bras puissants et me serrer en me murmurant des mots italiens que je ne comprendrais pas, mais dont j'aurais la certitude qu'ils sont l'ôde d'un amour plus que parfait. Comment ne pas ressentir cette vague de froid envahir mon corps, alors sur j'ai comme la sensation de ressentir la vie quitter le corps de mon époux. De la glace. Du sang.
Pourquoi je ne meurs pas vraiment... Pourquoi lui et moi non?!
Hurler ne sert à rien, il n'est pas là. Pleurer à m'en brûler les joues, à m'en griffer le visage. Sombre folie. Puissante agonie. Je martèle le sol de ma tête endolorie par la migraine, le choc de la nouvelle ne me permettant même plus de me lever.
Mon fils.
Mon mari.
Le destin se venge de mon égoïsme et s'en prend à Gabriele qui est ma moitié.

De tout temps, j'ai toujours suivi les lignes de notre destinée, partisane aveuglée de ce qu'il doit arriver, arrive. Mais aujourd'hui, la vie cherche à m'ôter la force. Il ne peut en être autrement. Il ne peut pas mourir, car je ne veux pas qu'il meure.
Il est ma vie. Je suis sa mort. Sans moi, il ne peut pas.


Gabriele....

Alors pourquoi ai-je si froid...?


* Dixie chicks - Travelin' soldier
** Mylene Farmer - Comme j'ai mal

_________________
Azurine
Whenever I wake up
I'm lost and always afraid
It's never the same place
I close my eyes to escape
The walls around me**


Chaque fois que je me réveille
Je suis perdue et toujours effrayée
Ce n'est jamais le même endroit
Je fermes mes yeux pour échapper
Aux murs autour de moi


    Jamais elle n’avait aimé auparavant.

    L’Amour, le vrai, avec un grand A, elle l’avait banni de sa vie et de son cœur. Héritage maternel sans qu’elle ne le sache réellement, signe particulier de la fière Famiglia Corleone : les sentiments ne sont pas les bienvenus… Jusqu’au jour fatidique où elle L’avait rencontré. Ange, descendu sur terre, ouvrit ses ailes pour l’accueillir et réchauffer son âme. Elle l’avait vu, avait appris à le connaître, l’apprivoiser, ils s’étaient confiés et son cœur s’était réveillé…

    « Quel est donc cet incalculable sentiment qui prive l’esprit du sommeil nécessaire à la vie ? »*

    On toqua à la porte de sa chambre miteuse. Le cœur du Corbeau s’emballa et réveilla le premier instinct de protection. Dague à la main, elle se redressa et pu enfin remarquer qu’aucun intrus n’avait pénétré sa chambre. L’importun n’était juste qu’un poli aubergiste qui attendait qu’on lui ouvre. Aucun signe sur son visage ne laissait présager une funeste nouvelle, pourtant, le Corbeau sentit son estomac se nouer. Oiseau de mauvais augure. Elle arracha la lettre des mains du coursier pour l’ouvrir.

    Tremblement.
    Chute.
    Ténèbres.


And I drift away
Inside the silence
Overtakes the pain
and in my dreams**



Et je dérive
A l'intérieur du silence
Il prend le pas sur la douleur
Et dans mes rêves


    Les mots gravés sur le papier lui brulèrent les yeux qui s’humidifiaient au rythme de sa lecture. Elle n’avait pas eu de nouvelles de Grabriele ces derniers jours mais ne s’en étaient pas réellement soucié, sachant le Déchu solitaire parfois. Cependant, elle ne pouvait croire en ce courrier qui lui annonçait le départ de celui qu’elle aimait. Pourquoi donc autant de mensonges ? L’Ange était immortel, invincible. Non, ce ne pouvait être vrai, elle ne pouvait pas se laisser aller dans un désespoir qui n’était pas fondé. Pas encore. L’italienne ravala donc ses larmes et repris ses esprits. Le nom de l’Etoile était inscrit sur ce parchemin ; elle devait lui en parler. Elle s’habilla, attrapa cape et lettre et rejoint l’Enfant.

    Elles se croisent rapidement. Les yeux du Corbeau plongent dans ceux qui ont perdu l’Innocence depuis si longtemps. Gabriele ne pouvait pas la laisser non plus. Il tenait trop à cette petite, à elles deux pour se laisser mourir. C’est avec ce dernier espoir qu’elle fit lire la lettre à sa petite sœur. Et la Chute est encore pire. Elle laisse l’Etoile tomber, retourner dans son cocon avant de la rejoindre et de la prendre dans ses bras. Ses caresses tentent de la rassurer… « Je suis là, ne t’inquiètes pas ». Elle fredonne en cœur avec sa sœur, lui laisse le temps de reprendre ses esprits avant de lui redresser le visage.


    « Il n’est pas encore mort. On y va. »

    La décision est prise, elles le rejoignent. Il est hors de question de le laisser partir, seul, aux mains d’un inconnu. Le Déchu avait toujours été là, elles le seraient à leur tour…

    La route était longue, comme l’attente de revoir celui qui avait pris son cœur. Mais il ne prendrait pas son âme. S’il mourrait, elle aussi. Mais ils ne le devaient pas. Elle serrait Lili contre elle, pour se rassurer autant que l’inverse, elle chuchotait à l’oreille de l’Enfant qu’elles arriveraient à temps, qu’elles lui parleraient, qu’elles devaient garder espoir.


    « Prega, Mia Stella, prega nostra Mamma. »

    Car elle était là, elle le surveillait, le protégeait. Le maintiendrai en vie jusqu’au bout. Rodrielle plus forte que la Mort. Elle y croyait…
    Elles trouvèrent enfin l’endroit où était allongé le Déchu. Son Ange. Quoiqu’on dise, il lui appartenait. Sans un mot, sans attendre, elle s’avança vers Lui d’un pas chancelant. Elle lui attrapa la main et, enfin, elle pleura. Les larmes coulaient comme ses mains tremblaient au contact de ce corps qui avait perdu sa chaleur. Qui la réchaufferait ?


    « Tu n’as aucun droit de mourir. Tu entends ? Aucun ! »

    Et si c’était le cas, je viendrai avec toi, Amore mio…


I feel Immortal
I am not scared
No, I am not scared
I feel immortal
When I am there
When I am there**


Je me sens immortelle
Je n'ai pas peur
Non, Je n'ai pas peur
Je me sens immortelle
Quand je suis ici
Quand je suis ici




*A. Camus, Le Mythe de Sisyphe
** Tarja Turunen, I Feel Immortal

_________________
Gabriele.


    « Il n'y a pas de fatalité extérieure. Mais il y a une fatalité intérieure : vient une minute où l'on se découvre vulnérable ; alors les fautes vous attirent comme un vertige. »*


Mon amour. M'entends-tu ? C'est toi que je cherche, avant tous les autres. C'est toi que je souhaite revoir une fois encore. Eterna. Tu m'avais promis de mourir avec moi. Tu es ma mort quand je suis ta vie, et l'inverse qui s'en suit. Nous avons toujours été cette complémentarité qui s'oppose dans un balais tournoyant. La musique ne s'arrête pas entre nous, il n'y que quelques trémolos, des pauses et des soupirs, dans notre partition aux airs de symphonie.
Quand tu as croisé mon chemin, tu as illuminé chacun de mes jours avec ton tendre sourire...Ce n'est pas un amour ordinaire. L'ordinaire de nous va pas. Nous ne jouons pas l'opéra, c'est le requiem qui nous fait vibrer.
Est-ce une tragédie ? Si les actes de notre vie en suivent le déroulement, en sommes-nous au dénouement ? Il y en a toujours un qui meurt, à la fin. Des larmes pour un drame, une lame - cette infâme...Pour nous arracher la perpétuité.


    « Let's walk down the road that has no end
    Steal away where only angels tread
    Heaven or hell or somewhere in between »**

    Marchons le long de la route sans fin
    Là où seuls les anges marchent
    Le paradis ou l'enfer ou quelque part entre les deux



Tant de fois je t'ai espéré. Je t'ai voulu comme on veut un Empire. J'ai voulu te conquérir pour te chérir, j'ai voulu que tu me donnes tout ce que je t'ai aimé. Et plus encore...En bon égoïste, je t'ai voulu uniquement pour moi, car j'ai cru que cette fois, tout irait bien. Que nous serions heureux, juste toi et moi.
Le destin n'aime pas l'allégresse. Peut-être suis-je trop exigent. Peut-être devrais-je me contenter de tout ce que j'ai déjà pu avoir et accepter que tu l'offres à d'autres. Tu es généreuse...Mais d'où te vient tout cet amour que tu puisses le partager avec d'autres ? J'ai toujours pensé être ton unique soleil, et pouvoir bâtir un Empire, juste pour ton sourire. D'où me vient alors ce sentiment d'échec ? Il est cuisant, douloureux, et dans les limbes de mon inconscience, c'est lui qui résonne comme une homélie funeste.
Ainsi donc, je n'ai pas réussi.
Tu n'es pas ma mort, tu es ma vie.


    « C'est la vie, c'est la mort
    You and me,
    Forever more. »**

    Toi et moi...
    Pour toujours et encore plus.


Les jours ont passé. Dans mon état léthargique, ça me semble une infinité. Je n'ai toujours pas repris conscience et l'homme qui me veille semble désespérer. Sur mon visage blême, une barbe auburn prend place, désordonnée puisque je ne peux en prendre soin comme à mon habitude. Mes cheveux sont éparpillés autour de ma tête, loin d'être en bon ordre. La blessure de ma tête ne s'est pas infectée, malgré son aspect inquiétant, mais au milieu des mèches sombres, c'en est à présent une d'argent qui trône, subissant le traumatisme infligé par le coup reçu. Une mèche d'un blanc immaculé, pour briser les croyances. Pas de destin vraiment, rien qu'une coïncidence ?
Je suis en sommeil. Mon corps en inertie. L'esprit en ébullition. J'aimerais vous dire tout ce que vous ne pouvez pas voir ici-bas. Que les anges existent, qu'il y a un ensuite poursuivi d'un après. Que tout ça est bien réel, que nous n'en sommes qu'à une étape. Que je vous aime, même de là où je suis.
J'aimerais me réveiller en te serrant contre moi, Eterna, te chuchoter que ce n'est qu'un cauchemar et que bientôt, nous en sortirons, grandis. Un mauvais rêve, une blague divine que l'on a voulu nous jouer. Qu'il n'y a aucun amant, aucune souffrance. Que nous sommes nés pour nous aimer et non nous déchirer.
Tout ira bien...

Mon Etoile. Si tu savais comme je te vois briller. Tu es l'astre au firmament que je m'efforce de suivre pour retrouver ma route. Mais celle-ci est longue, et les routes sont traîtres. Un chemin en cache un autre, un dédale où tu demeures mon Fil d'Ariane, ma tendre Azurine. Vous avez toutes deux été mes guides dans un monde que je n'ai fais que survoler. Je ne sais pas s'il existe une sortie à ce labyrinthe-ci. Les maîtres du jeu pourraient bien m'avoir dupé une fois de plus...Les sérénades qu'ils me jouent ne ressemblent plus qu'au son des oraisons.
Ta main est froide. Elle l'a toujours été. Mais un jour prochain, tu verras...Elle se réchauffera.
Ne pleure pas. Corleone est fière. Corleone est forte. Mon cœur bat encore, et le tien aussi. Les pulsations du battant sont lentes, les blessures n'ont rien d'alléchantes, mais je vis. Je vis et je me bats malgré mes paupières closes. Ne perdez pas espoir, car l'ange Gabriel est toujours porteur d'un message...Celui-ci est limpide : Restez fortes.
Mes pensées s'évadent à nouveau. Vers l'épouse que je cherche désespérément.


    « I have died everyday waiting for you
    Darling don’t be afraid I have loved you
    For a thousand years
    I’ll love you for a thousand more »***

    Je suis mort chaque jours en t'attendant
    Chérie, n'aie pas peur, je t'ai aimé
    Depuis un millier d'années
    Je t'aimerai pour un millier de plus


Un pas de plus...


* Saint-Exupéry
** C'est la mort de Civil Wars
*** A thousand years de Christina Perri

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Pour toute réclamation, merci de vous adresser à LJD Tigist
Lililith
Azurine est là. Azurine qui endosse son rôle de grande sœur et l'aide à se relever lentement. L'Étoile n'a pas compté sans elle, et a bien fait. Leurs doigts s'emmêlent, et elles partent. Peu leur importe les directives. Gabriele, pour elles les filles de Rodrielle, est le Guide. Celui sans qui elles finiraient par se perdre dans leurs obscurités. Et ni l'une ni l'autre ne veut l'accepter. Aussi s'enfuient-elles en direction de l'inconnu, espérant trouver un Tatoué. Qui leur rappelait, ne serait-ce que par son symbole sur le visage, leur mère.

Elle retourne à son mutisme, délaissant chat et espoirs, repartant vers ce silence qu'elle avait tant chéri autre fois. Elle se tait, décidant que peut-être, il lui faudra se couper la langue pour ne plus enfreindre les promesses qu'elle se fait. L'Étoile peut briller en silence, pourvu qu'elle éclaire les autres. Enfin elles sont là, devant lui, aussi démunies que le jour de leur naissance, aussi perdues qu'un agneau à qui on a ôté sa mère.

Elle regarde Azurine s'avancer, elle demeure en retrait et s'assied à même le sol alors que la brune pleure. La Minusculissime ferme ses petits yeux et se remet à fredonner. Parce que la tristesse s'évacue mieux, et si elle ne veut plus parler, le chant n'y est pas inclus. Elle chante, espérant toucher le coeur de la Matriarche qui est là-haut à les veiller, espérant atteindre celui de l'homme allongé là-bas, qui n'attend qu'un souffle et un battement pour revenir vers elles. Elles décident de rester là, d'attendre, de le regarder se battre contre une chose sur laquelle elles n'ont aucune emprise, Corleone pourtant si fières.

C'est un premier jour sombre d'une longue série.

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Rodrielle
    « Les morts sont des invisibles, mais non des absents. » - Victor Hugo



La Tatouée est toujours là, invisible mais éternelle. Elle est le vent qui les dirige vers leur Destin, elle est la lune qui éclaire leur chemin. Personne ne la voit, mais en fermant les yeux, en se concentrant, chacun pourrait ressentir sa présence. L'italienne transmet sa force à ses Enfants de là-haut. Car, quoique l'on fasse, la Mort ne nous emporte jamais au purgatoire. Tout comme elle, Corleone ne connaîtra pas l'Enfer qu'ils font régner sur terre : parce que l'amour de la famille les sauve. Il suffit de les regarder de plus loin, de les observer avec le recul spectral pour voir qu'au fond de chacun d'eux se trouve la flamme humaine qu'ils renient tous. Rodrielle n'est pas dupe et voit à présent ce qu'elle-même refusait de voir lorsqu'elle était vivante.

Aujourd'hui, il y en a au moins un qui en a conscience. L'un de ses enfants, l'un de ses disciple. Le reflet de son âme est homme est s'est réveillé en Gabriele. Elle le surveille, l'observe, y découvre une fierté nouvelle et sincère. Comme son père, il joue son rôle de protecteur, Ange Corleone, toujours au service des siens. Mais, ce jour-là, elle l'observe avec inquiétude. Elle sent le danger, tente de le dissuader de partir seul sur les routes, craignant le pire. Et c'est avec peine et inquiétude qu'elle assiste, impuissante, à l'attaque.


    « Ne regarde ni en avant ni en arrière, regarde en toi-même, sans peur ni regret.
    Nul ne descend en soi tant qu'il demeure esclave du passé ou de l'avenir. »
    - Émile Michel Cioran


Elle est là. Pour lui. Ectoplasme à la rencontre de l'Ange. Immobile, elle l'attend. Ils se retrouvent dans cet espace neutre, blanc maculé. Non, bel ange, ce n'est pas l'Enfer. Le seul Purgatoire qui existe est celui que l'on se créé, que l'on fait subir à son âme. La Mort n'est pas si douloureuse, n'est pas si cruelle, pour peu que l'on parte avec l'esprit serein. Elle lui sourit, s'avance et reste quelques instant face à lui. Il est le reflet mortel de son âme immortelle. Le même tatouage orne son œil en hommage, et elle en est honorée. Puis, enfin, l'étreinte. De celle qui rassure, de celle qui regonfle de courage le plus humble des guerriers. De celle qui confirme sa présence, qui prouve qu'elle est toujours là pour eux, pour lui. « - Mi manchi... ». Toi aussi, vous aussi, vous me manquez. Chaque jour je regrette de vous avoir quitté, d'être partie. J'avais encore tant de chose à faire avec vous, à vivre. J'aurai aimé apprendre à te connaître plus, t'apprendre, à toi, ce que je sais, comme j'ai pu le faire avec ton père. Mais pourtant...

L'Ange se retourne et comprend. Il n'est pas l'heure. Il ne faut pas qu'il regrette ce départ précipité, il a encore tellement de choses à vivre, de missions à accomplir. Alors la Tatouée lui caresse le visage et s'éloigne. Elle reviendra...


    « La vie est un défi à relever, un bonheur à mériter, une aventure à tenter. » - Mère Teresa

Les jours passent mais rien ne change. Gabriel est toujours entre deux mondes, subissant les douleurs qui parcourent son corps. Les soins sont longs à faire effet. Il est là, sans l'être. L'âme n'est pas morte mais divague non loin de celle de l'Italienne qui finit par le retrouver. Ne pas le laisser seul dans cette épreuve. Elle prend place à ses côtés, le voit chercher, soucieux. Elle sourit.

« Ah ! L'amour ! »

Tellement de choses à en dire, tellement d'émotions à ressentir. Sentiment complexe qu'elle n'aura jamais eu le temps de comprendre. Aujourd'hui, elle l'observe ; c'est donc cela ? Quelque chose qui s'engouffre en nous, flamme incandescente, et nous transporte toujours trop loin, qui nous fait réaliser des actes que l'on ne soupçonnerait pas. L'Amour, plus fort que la Mort. Elle ne l'aura connu qu'au travers de ses enfants. Elle ne l'aura ressentit que grâce à ses enfants de sang, mais aussi de coeur. Aldaric, Elouan, Maledic... Puis ces deux-là, celles qui sont toujours présentes, qui s'unissent malgré les divergences qui pouvaient les éloigner. Elle est heureuse de les voir si liées. Enfin, elles ont une famille, grâce à Gabriele. Son regard se tourne une nouvelle fois vers son Autre et, enfin, la langue italienne se dénoue.

« Merci d'être là pour elles. Elles ont besoin de toi, toutes les deux. Dae aussi. Ferme les yeux et ressent. Ecoute ce que te disent ton coeur et ton instinct. On ne le comprend que lorsque l'on croit être perdu. Elles sont là, avec toi, pour toi. Elles t'aiment chacune à leur manière. Bats-toi, pour elles avant tout. Ne fais pas la même erreur que moi, ne passe pas à côté du bonheur que l'amour peut offrir, quelque soit sa forme. Corleone est fier mais Corleone est Famille, surtout. »

Sa main glisse sur le dos de l'Ange, suivant les lignes des ailes gravées sur sa peau. Elle sait qu'il n'a pas fait cela pour rien et il ne faut pas qu'il l'oublie.
« Ne tarde plus trop. La Mort n'est pas toujours aussi complaisante... Protège-les, tous. C'est ton rôle, ta mission. »

Et ne t'inquiètes pas, mon enfant, je serai toujours là, pour vous guider. Profites de ce moment ensemble pour me poser les questions que tu souhaites, je suis là pour y répondre, pour te guider. Mais sache que je serai toujours présente pour te fournir les réponses que tu attends, douloureuses ou non. La Famiglia est liée, même après la Mort. Rien ne les sépare.

« Et, s'il te plait, dis-leur que je les aime...»

Ad Vitam Aeternam...
Gabriele.
    «  Ce qui embellit le désert, c'est qu'il cache un puits quelque part. » *


Je ne comprends pas. Les jours passent mais je ne réussis pas à retrouver le chemin de mon enveloppe charnelle. Pourtant, il me semble que c'est ce que je veux...Et si finalement, j'avais envie de rester ici ? Les souffrances ne semblent pas m'atteindre, alors que mon corps continue d'agoniser, là-bas. L'image que je reflète dans ce monde-ci n'est que celle que l'on veut voir de moi. Impossible pour moi de me voir réellement, les souvenirs restent trop flous. Les seules images nettes que je peux me représenter sont celles de la Matriarche, de ses filles, de mon épouse...De ceux que j'ai pu aimer, en somme, pas le temps d'une nuit mais celui d'une vie. C'est de cette manière que je me souviens que cet endroit n'est qu'un passage, et qu'il ne peut qu'être éphémère, à la manière d'un tunnel dont on finit toujours par sortir pour retrouver la lumière. Celui-ci est incroyablement long. Je ne retrouve personne, même si je suis guidé par leurs sourires, et leurs prières muettes, les mélopées chuchotées qui m'appellent à revenir, qui résonnent dans ma tête en de vaines supplications : je suis perdu. Comment pourrais-je les retrouver alors que je ne trouve pas mon chemin ?
Lorsqu'on ne sait pas de quoi sera fait l'avenir, difficile de prendre la décision d'abandonner un cocon de bien-être et de douceur, de l'abandonner, Elle, pour revenir vers les vivants. Il y a quelque chose de tellement facile à rester ici...Bien plus simple que la vie. La vie est un combat permanent. J'ai, le temps d'un souffle, pris le temps de poser les armes pour revenir sur cette vie que j'ai vécu jusqu'à maintenant.

Une enfance et une adolescence dorées. On ne peut pas dire que j'ai eu une vie difficile. Enfant d'une directrice de maison close qui n'était pas la dernière des employées non plus, je pouvais aller et venir à ma guise, choyé par les autres courtisanes qui voyaient en moi non seulement une façon de bien se faire voir auprès de leur patronne, mais également un futur client potentiel, alors que ma beauté sautait aux yeux, déjà à l'époque. L'adolescence fut faite de défis. Je voulais voir jusqu'où les jeunes filles et les femmes accomplies étaient prêtes à aller dans l'espoir d'un moment avec moi. Ma mère ne voulait pas que je m'approche d'elles, connaissant bien la gente masculine, et voyant sûrement déjà en moi une réplique de mon père que je n'ai connu que plus tard.
Elle avait cru me contrôler en m'envoyant étudier dans une école à la fréquentation uniquement masculine. Freiner mes ardeurs et mes appétits décadents. Elle s'était lourdement trompée, à chaque nuit tombée, je m'évadais pour rejoindre l'une ou l'autre conquête qui ne manquait jamais de flâner dans les rues adjacentes à ladite école. J'avais ainsi doublement fait mon éducation, acquérant tant le savoir pouvant nourrir l'esprit que celui, plus étendu encore, qui nourrit le corps. Fatalement, j'avais commencé à m'intéresser au côté paternel de ma famille. Mamma n'avait pu me donner qu'un nom à ce sujet : Amalio Corleone. Une nouvelle quête. Une avec du sens, cette fois. La première.

J'ai retrouvé ma famille, en même temps que je me suis trouvé moi-même. Une famille étendue, crainte, respectée. Des personnes que j'ai parfois mis du temps à cerner, ou d'autres pour qui tout était évident. C'était le cas avec mon père et la Matriarche qui ont tous les deux été ceux que j'ai respecté dès la première rencontre. Il n'en a pas été de même pour les autres. Se retrouver propulsé dans le rôle de frère aîné – impliquant des responsabilités que je n'ai pas réussi à saisir immédiatement – a été une transition que j'ai eu du mal à effectuer. Voir dans des femmes non pas des conquêtes potentielles, mais des personnes de mon sang que je me devais de protéger. A présent la portée de cette tâche me saute aux yeux. Je ne suis pas uniquement le grand frère. Je suis à la fois guide et soutien, j'apporte mes connaissances et mes talents au service du Clan. Sans distinction. Puis j'ai rencontré l'amour, le vrai...celui que j'attends depuis plusieurs vies, car il est écrit que nous nous retrouverons dans chacune d'elles.
Je suis le Déchu et le Gardien. Le Cerbère ne garde-t-il pas la porte des Enfers, après tout ?
Ce Styx-ci me paraît infranchissable. J'ai beau marcher, marcher encore, j'en reviens toujours à mon point de départ. Existe-t-elle vraiment, cette sortie ? Est-ce que je ne suis pas vraiment mort, finalement ?

Mais revoilà l'esprit d'une mère. Pas complètement perdu. Je ferme les yeux et écoute ses paroles. Je ressens, je vois les images de celles qui m'attendent, qui s'inquiètent pour moi. Mon cœur est serré car je ne peux pas les réconforter d'ici. Corleone est Famille...Ça n'a jamais été si vrai. Chaque mot qu'elle m'assène n'est que vérité. Il est plus que temps de retourner auprès d'elles, pour ne plus jamais les quitter. La main fantôme dans mon dos me donne l'impulsion de reprendre ma marche. Mais avant tout, je me retourne vers Elle, dépose un tendre baiser sur sa joue en murmurant les remerciements que je n'ai jamais pu lui dire face à face. Elle comprendra. La promesse silencieuse de veiller sur ses enfants, sur le Clan tout entier, et de transmettre à ses filles le message glissé.
Je reprends la route. Le temps est long, il s'étire sous mes pas. Je suis incapable de dire depuis combien de temps je suis dans ce monde-ci. Pourtant devant moi se profile une scène étrange. Un lit vide, un fauteuil. Je reconnais la chevelure rousse qui dépasse. Je la reconnaîtrais entre toutes. J'accélère le pas, je la rejoins alors que je sens le palpitant bondir dans ma poitrine. Je suis juste derrière elle, alors qu'elle caresse doucement la couche vide, comme si je m'y trouvais. Je devrais m'y trouver. Est-ce mon inconscient qui me joue un tour ? Comment pourrait-elle être là, sinon ? Car je la sens vraiment ici, je retrouve la chaleur qu'elle dégage, et son parfum enivrant qui met tous mes sens en éveil. Ma place n'est pas ici, elle a raison, mais je suis perdu...Comment pourrais-je alors retrouver le monde réel, la retrouver elle, et mes raisons de vivre ?


    «Forget what we're told
    Before we get too old
    Show me a garden that's bursting into life»**

    Oublies ce que l'on nous dit
    Avant que l'on soit trop vieux
    Montre moi un jardin qui respire la vie


« - Depuis quand Corleone ne sait plus trouver son chemin ..? Où veux-tu aller ?
- Partout. Avec toi.
- Dis moi alors, ce que tu fais ici...? Qu'attends tu ? Que veux tu ? »

Tout en parlant, nos mains s'étaient jointes. Je la regardais, et elle faisait de même avec moi. L'animosité semble avoir quitté nos cœurs, tout comme la rancœur. Nous avons marché, le long d'un chemin qui se dessinait à mesure que s'égrainaient nos pas, un brouillard de songe nous enveloppant peu à peu. Je ne regarde pas les alentours. Je peux la suivre les yeux fermés car peu importe la destination, tant que nous sommes l'un et l'autre ensemble.

« - Retrouver les miens, dans leur totalité. Tout le Clan...Toi avec moi. Romeo, toi, et moi. Et tous les Corleone...Vous me manquez, vous me manquez atrocement.
- J'ai comme des doutes sur tes intentions... La vie n'est faite que de choix et les tiens semblent si flous... »

Sorti de nulle part, je me retrouve face à un miroir qui reflète une image floutée. Comme l'ondée dans laquelle on aurait jeté une pierre pour en dissiper l'image. Je me sens tel Narcisse qui ne parviendrait pas à se voir concrètement. Pourtant lorsque je serre un peu plus fort la main féminine dans la mienne, l'image devient nette. C'est ensemble que je me sens vraiment moi-même. Entier. Mon épouse pourtant me lâche la main pour me remettre face à moi-même en me posant les questions qui fâchent : Pourquoi suis-je si attaché à ce lieu alors que c'est lui qui m'empêche de retrouver les miens ?
Une autre image se dessine dans le miroir. Celle de la silhouette recroquevillée de ma femme qui semble plongée dans un profond désespoir. J'ai envie de la serrer contre moi, lui dire que tout ira bien. Je ne peux pas ici. J'essaie de retenir celle que j'ai finalement fait venir par moi-même, qui n'est pas vraiment là puisqu'elle est restée dans le monde réel, comme les autres.
Je ferme les yeux à nouveau, et toutes mes sensations se bouleversent. Le coton dans lequel je me trouvais se transforme en aiguilles qui s'enfoncent dans chaque partie de mon corps, du moins c'est ce qu'il me semble. La douleur reprend sa place dans ma vie, ou bien est-ce moi qui reprend vie dans la douleur. Je ne sais plus bien. J'essaie d'ouvrir les yeux mais je suis ébloui par la lumière ambiante. Ma tête me lance atrocement, et c'est sans parler des étoiles qui dansent devant mon regard.

Bienvenue chez les vivants...


« - Buongiorno... »

* Saint-Exupéry
** Chasing cars
Les dialogues avec Dae ont été réalisés à quatre mains.

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Pour toute réclamation, merci de vous adresser à LJD Tigist
Lililith
Lili gratte sur le sol. Pandou n'est pas là. Elle dessine. Mais pas son chat. Pas la Tatouée. Pas les yeux de Laell. Non. Elle dessine un ange. Celui qu'un soir Gabriele lui a montré. Les heures, les jours passent. Elle ne compte plus, elle attend. Un signe. Un souffle. Un son. Elle gratte sur le sol en terre battue de la chaumière, collée au feu, parce qu'elle n'a rien d'autre à faire et que ça l'occupe.

L'Étoile soupire, regarde l'ange un instant, songeant déjà à détruire son oeuvre d'un geste de la main.


« - Buongiorno... »

La Minusculissime cligne des yeux, approche son visage de la terre, se demandant si le portrait vient réellement de lui parler. À moins qu'elle ne se soit endormie... Il fait si chaud près du feu... Et puis elle percute. Cette voix, c'est celle de l'Ange. Alors l'enfant bondit sur ses pieds et se transporte vers lui.

- Gabriele !

C'est le premier mot qu'elle dit, et il est pour lui. Mieux : c'est lui. Elle le regarde, ses yeux brillants de toute la joie dont elle est capable. Cependant, elle reste à une distance respectable, n'osant pas briser ce qui les sépare encore. Elle attend, elle se tait, elle le regarde, se demandant s'il ne revient pas pour mieux partir.
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Arsene
    « What if I'm far from home ?
    Oh brother I will hear you call
    What if I loose it all ?
    Oh sister I will help you out
    Oh if the sky comes falling down, for you
    There's nothing in this world I would'nt do.* »


    Avicii – Hey Brother.


    [Au début de Novembre]


    Corleone siège fièrement sur un tabouret aux pieds instables, la mine haute et le menton fier, à la faveur de la pénombre d'un bouge anonyme et miteux, elle campe sur le trône improvisé et éphémère des parias et des marginaux. Souveraine avec pour attribut un godet d'étain ciselé prestement par un forgeron paresseux rempli d'une gnôle frelatée et de mauvaise qualité. De ses prunelles prasines suinte la lueur sauvage mais ensorcelante d'une animosité difficilement subjuguée, du frêle gabarit s'échappe l'aura malveillante d'un danger qu'on ne saurait percevoir aux premiers abords. Derrière sa silhouette aux épaules affaiblies, l'ombre du Cerbère se dresse avec une fierté palpable. L'orgueil gonflé et exacerbé par une gloire toujours grandissante, l'entité se fait plus exigeante et se prend à en demander plus. La bête à trois têtes plante ses crocs, se nourrissant des triomphes de ses représentations physiques, elle réclame et se joue de la Meneuse, martelant son crâne déjà maltraité par une vie de vagabondage et de mercenariat. L'affliction étend ses serres pour mieux s'insinuer dans les pensées de la jeune femme qu'elle gangrène petit à petit, le mal perfide s'enroule sournoisement autour d'une cervelle lasse de résister. Distillant entre les chairs molles de son encéphale une douleur diffuse et agaçante. Son sillon brûlant vrille ses tempes d'une souffrance lancinante. La douleur joue sournoisement avec les humeurs de la rousse, les nerfs irrités s'emballant à la moindre contrariété.

    Les doigts s'aventurent avec une placidité délibérée mais doucereusement lente sur le bois fatigué d'un comptoir usé jusqu'à sa quintessence. Comme une coureuse de rempart, il fut lutiné et ciré chaque jour durant et pourtant, contre toute attente, il se dresse toujours bravement dans le recoin de ce bouge miteux exhalant luxure et humidité. Le derme fin et fragile d'une main flirte avec les veinures avant de fondre avec la rapidité d'une dextre agile mais entraînée vers le gobelet. Les griffes se resserrent autour de leur proie et bientôt le goût aigre du fer envahi le grenat d'une lèvre fissurée en son milieu. Le liquide s'écoule dans un goutte à goutte affolé et les papilles savourent les nuances pourtant déjà connues d'une gnôle dont la qualité est discutable et pourtant, elles savent s'en contenter. L'alcool glisse imperceptiblement jusqu'à la gorge à la blancheur immaculée avant de se perdre dans les tréfonds de ses veines pour se mêler à ce carmin chaud, bouillonnant de vie et de nervosité. Face aux sinoples brouillées, un parchemin scellé par un sceau de cire rouge attend avec la patience des objets inanimés que la Frêle décide de lui accorder un peu de son attention limitée. Les pouces reprennent leur chemin jusqu'à pouvoir frôler le papier aux grains fins et les iris s'irritent à déchiffrer la toile arachnéenne des mots tracés.

    Le teint déjà blafard se liquéfie au fur et à mesure et l'air sérieux chasse la moindre émotion pour reprendre place sur le siège des émotions. Le masque de froideur s'installe sur le minois tacheté qui ne souhaite pourtant que s'écrouler. L'angoisse s'engouffre par une fissure pour mieux camper au sein du carcan diaphane décuplant sa respiration habituellement lente et agitant les pommettes d'un tic d'inquiétude. Cette chair apparentée dont elle n'a jamais réellement voulu se fait mourante et dans l'esprit fissuré, l'événement agite chacune de ses parcelles. A force de patience, la présence de ce sang commun a su se faire importante et Corleone ne peut ignorer les siens en difficulté. Prestement, les doigts agrippent un fusain et retournent le parchemin. Ils tracent l'esquisse d'une arantèle à l'écriture régulière et stricte.



    Citation:
    A cet humble représentant de la Foi,
    De Arsène C.


    Cet homme est mon frère, il se nomme Gabriele. Vous, qui êtes croyant et même représentant de Foi, ne pouvez ignorer qu'il porte un prénom aux consonances fortement religieuses et par conséquent quoiqu'il ait pu faire, ses actes sont rachetés par celui-ci. Je ne met pas en doute vos capacités en médecine, cependant, je préfère que vous consultiez un médecin un tant soit peu réputé pour tenter d'arranger et allonger la vie de cet homme. C'est pourquoi, je vous envoie de quoi payer les honoraires prévus. Je n'ai, malheureusement, pas la possibilité de rejoindre ce comté et encore moins cette ville, c'est pourquoi je m'en remet à vous.

    Je vous remercie de ce que vous avez déjà fait,
    Que Déos vous accompagne.

    Arsène.


    La lettre sommaire est cachetée à la va-vite puis déposée au creux de la paume d'un messager réputé le plus rapide de la région. Une bourse d'écus sonnants et trébuchants tinte à la ceinture de celui-ci, prête à être échangée.



*« Qu'adviendra-t-il si je suis loin de mon foyer,
Oh, mon frère, je t'entendrai appeler.
Qu'adviendra-t-il si je perds tout ?
Oh, ma soeur, je t'aiderai à t'en sortir.
Oh, si le ciel s'écroule, pour toi,
Il n'y a rien en ce monde que je ne ferais pas. »

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Azurine
    Elle n'avait pas quitté le fauteuil de la chambre depuis plusieurs jours, n'osant pas s'éloigner de la chambre plus de temps qu'elle n'en était obligée pour rester auprès de l'Ange. Ses yeux, cernés, n'avaient que rarement quitté ce Déchu des yeux, captant le moindre mouvement, le moindre geste qui prouverait qu'il était sorti d'affaire. Pourtant, rien n'avait réellement changé depuis leur arrivée. Leur hôte continuait à prodiguer les soins nécessaires au rétablissement de Gabriele qui n'avait donné que peu de signes de vie. Et Azurine avait décidé de rester à son chevet quoiqu'il arrive ; la simple idée de s'éloigner de cet homme lui déchirait le coeur, la faisait mourir à petit feu. Elle tenait le coup pour Lili, mais se sentait faiblir pour partager la souffrance du Déchu... Même si ce rôle n'était pas le sien.

    Elle savait au fond d'elle que le coeur et l'âme de Gabriele était soudé à tout jamais à ceux de Daeneryss, qu'ils étaient certainement faits l'un pour l'autre malgré la distance qui les séparaient. Pourtant, la brune ne pouvait s'empêcher de penser à l'Ange comme l'homme qu'elle aimait sincèrement. Amour impossible, interdit mais qu'elle ne pouvait empêcher, Cet amour qu'elle éprouvait pour son cousin la faisait souffrir, physiquement et moralement, mais cette souffrance la faisait se sentir vivante, encore capable de sentiment. Elle n'avait pas le droit mais elle rêvait, le coeur serré, à cette place dans ses bras qu'il lui offrait et qu'elle dégustait simplement. Qu'importe la douleur, pourvu qu'il y ait l'ivresse, pourrait-elle dire. Elle était ivre de lui, de son odeur, de ses caresses fraternelles, de son sourire. Ange mortel mais si délectable...

    « - Buongiorno... »

    Sa voix avait résonné comme dans un rêve. Azurine s'était assoupie, ne pouvant plus résister à la fatigue qui l'assaillait. Elle avait rêvé de beaucoup de chose, de sa famille, son frère, sa mère, de Lili, de Gabriele, de cette course interminable vers son identité. Tout était sombre, le couloir avait été étroit, et la voix de Gabriele l'amenait vers la lumière. La Mort était-elle là pour elle, à son tour ? Non, elle n'avait pas froid, du moins pas comme cela. Ce n'est que le cri de Lili qui la réveilla et lui fit comprendre qu'il ne s'agissait plus d'un rêve. Le Corbeau se redressa, regarda la couche et ne sut comment réagir. Depuis des jours elle attendait ce moment, se demandait s'il allait se sortir des ténèbres. Aujourd'hui, il revenait à eux. A Elles.

    Alors elle suit Lili, se lève et pose ses deux mains sur les épaules de sa petite soeur, lien physique entre le rêve et la réalité. Ses yeux ne quittaient pas Gabriele des yeux mais aucun son n'était encore sorti de sa bouche, attendant comme l'Etoile de voir s'il s'agissait bien d'un retour total à la vie. Elle attendit encore quelques minutes avant de s'avancer, entrainant Lili dans ses pas, puis de s'accroupir à côté de l'Ange. Sa main froide vint se poser sur le front du ressuscité et, enfin, Azurine retrouva la parole.


    « Amore mio... Ci sei mancato »

    Elle lui déposa un baiser au coin des lèvres puis se recula pour le laisser revenir. Les prochains soins et les prochains jours allaient être décisifs.
    Quant à Azurine, son coeur battait à nouveau.

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