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[RP] Le bon, la brute, et les oranges.

Gabriele.
    « Mais tous les murs de leurs prisons
     Ne peuvent enfermer l'horizon
    Si l'esprit voit plus loin
    L'avenir nous appartient »
    - 1789 -


Deux jours que je la cherchais partout. Ne plus la voir m'inquiétait, même si je n'en montrais rien. J'avais cherché dans tous les coins, retourné tout le campement, et tous les rades que j'avais trouvé, dans l'espoir d'y apercevoir la chevelure de feu de ma frangine pyromane. En vain. J'avais questionné tous les membres du Clan croisés, aucun n'était capable de me dire où trouver la meneuse. Une meneuse disparue, c'est quand même le comble. Et si ses quintes de toux l'avaient laissé agonisante dans un fossé ? Je suis certain que depuis deux jours, elle n'a pas pris ses tisanes. J'espère qu'elle est morte, car sinon c'est moi qui la tue ! Elle est futée, disparaître pour ne pas se soigner. Mais cette fois, elle entendrait parler du pays. Pour un peu elle va nous faire une pneumonie et nous claquer dans les pattes. Tout ça par fierté, ne pas vouloir avouer qu'elle est peut-être un peu diminuée et qu'elle a besoin de repos.
Ça commence à bien faire ces gens qui disparaissent sans prévenir. Je vais finir par tous les attacher pour les empêcher de se carapater à la première occasion.

Dernier espoir : le Balafré. Si lui ne sait pas où elle est, c'est que nous l'avons perdu pour de bon. Lorsqu'enfin il sort de son trou, je le rejoins pour parler sérieusement, prémices de nos pour-léchages d'oreilles mutuels. J'ai enfin une réponse à ma question existentielle et ô combien importante, et je grogne. En prison ? Mais qui a eu l'idée de la mettre en prison ?! Même un idiot sait qu'une geôle n'est pas un endroit pour un malade. C'est froid, humide, plein de germes en tout genre. A tous les coups, elle allait clamser. On aurait l'air malin, tiens !
Rapidement, ma décision est prise, et j'en fais part à Nizam. Si lui a pu lui faire passer un peu de nourriture, et ses tisanes, je veux pouvoir m'assurer que la maladie n'a pas empiré, et qu'elle va bien. Pas que je ne fasse pas confiance aux dires du Balafré, mais je préfère m'assurer par moi-même des choses, surtout que si elle a besoin de plantes aux effets plus puissants, je suis le seul en mesure de m'en rendre compte, avec mon père et Gaïa en balade. D'ailleurs, les deux là, je les retiens. On n'a pas idée quand même. Et si je tombe malade, moi, qui me soignera ?


« - Pssssst ! »

Caché dans une ruelle, j'essaie d'attirer l'attention du garde devant la prison. J'ai déjà établi un plan, et je compte bien le mettre en application. C'est peut-être pas aussi subtile que si j'avais soudoyé l'un des clampins montant la garde, mais c'est bien plus amusant.
Le voilà qui vient vers moi, attiré par le bruit. Je n'utiliserai pas de lame, ce serait un coup à salir ce que je comptais ensuite utiliser. Piquer des habits de garde pour me faire passer pour l'un d'eux. Voilà de quoi m'assurer un accès journalier à la geôle. Il passe le coin de ma rue. Je l'attrape en passant un bras autour de son cou, l'autre main venant se plaquer contre sa bouche pour l'empêcher de donner l'alerte. Je savais bien que les heures passées à m'entraîner finiraient par payer. J'ai gagné en force, à présent je suis plus que largement capable de maîtriser un homme de la trempe de ce soldat.
Mes yeux se ferment un instant, je compte les secondes et les pulsations, pour savoir quand relâcher ma prise. Je ne vais pas m’embarrasser d'un garde à moitié mort. Je le veux clamsé. Pour de bon. Cinq, quatre, trois...
La résistance faiblit, défaille.
Deux.
Il lâche mon bras.
Un.
Il est mort.

Je relâche mon étreinte sur son cou, et l'attire jusqu'au canal qui jouxte l'endroit. Avec le courant, le corps mettrait au moins plusieurs jours avant d'être retrouvé. Je défais son cadavre de ses atours et balance le corps du bout du talon pour nourrir les poissons.
Maintenant...
Que c'est moche, cet uniforme. Sans déconner, c'est si dur de faire des habits qui ressemblent un peu à quelque chose ? Les français n'ont décidément aucun goût vestimentaire. Même les habits de pouilleux en Italie ont plus de classe que ça. M'enfin, on fera avec. Je passe donc le triste uniforme, et tâche de baisser la tête en passant la porte de la prison afin de ne pas attirer l'attention. Les geôles semblent bien remplies, et mon regard s'attarde un peu sur les présents, avec un léger étonnement. Finalement, ma frangine n'est pas la seule à s'être foutue dans ce sale pétrin. Juju et son épouse en cloque faisaient aussi partie des prisonniers. Je leur laisse à chacun un morceau de viande séchée, et un fruit, les derniers de la saison en plus, histoire qu'ils crèvent pas de faim avant de sortir de là, puis je me rapproche de la dernière cellule, devant laquelle pionce le garde en faction, celui que Nizam avait sans doute dû soudoyer.
Du bout du talon, je le réveille, et j'essaie d'effacer toute trace de mon accent italien de ma voix avant d'ordonner:


«  - Va te reposer plus loin. Elle a besoin de quelqu'un qui pionce pas pour la surveiller, t'imagines pas ce que ça peut faire ce genre de créature. Tu l'as vu un peu ? On dirait un démon. Allez, bouge de là. Je m'en occupe. »

Le ton ne laisse pas place à la réplique. Le temps pour lui de sortir de la pièce et je tourne le visage vers la silhouette pas franchement en bon état de ma sœur. La prison ne lui réussit pas vraiment au teint, on dirait.

«  - T'as une sale tronche, sorella. »

Mais je suis quand même content de te voir.
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Pour toute réclamation, merci de vous adresser à LJD Tigist
Jurgen.
"Willkommen in der Dunkelheit
In der Dunkelheit
In der Einsamkeit
In der Traurigkeit
Für die Ewigkeit
"


Ils avaient alors attaqué en pleine journée. Ils étaient venus les chercher contre toute attente, et Jurgen n'avait su protéger sa femme et son fils -il en était sûr - à naître. L'action fut déchirante, et il avait bien tenté de se débattre, mais ils avaient été trop nombreux. peut être avaient-ils été informés de qui il s'agissait? Spiritu Sangui, Corleone et Trompe la Mort. Puisque ceux-ci commençaient, grace à cette collaboration, à se faire un nom, il leur fallait retrouver la prudence qui avait longtemps été leur lot quotidien, sur les ports. mais ici, on n'était pas sur les ports. Il n'y avait pas d'échappatoire: c'était le coeur du pays tant détesté.

Sa femme fut rapidement séparée de lui, et, si elle tentait elle aussi de se débattre à coup de bottes, elle restait une femme fine, mince, et par dessus le marché, enceinte. Si elle avait ses propres technique de combats, violentes contre toute attente, face à plusieurs, on ne lui laissait aucune chance. Et Jurgen, un bras sous le cou, vociférait, les yeux injectés de haine, de stupeur et d'inquiétude. Alors jamais il n'avait éprouvé de pareille chose, et les geôles qu'on leur promettaient parurent alors douces comparées à la vision de sa femme maintenue.

Il était impuissant, et on les jeta en prison. Dans les geôles humides et sombre, on ne voyait guère grand chose. Quelques rayons de soleil, tout au plus, passaient entre les barreaux qui donnaient sur une cours, ou peut être une rue. (Ils semblaient être dans une cave, de toutes façons, et il n'y avait rien de rassurant là dedans.) Mais ce n'était pas suffisant pour y voir grand chose, et si quelques torches étaient allumées, elle ne réchauffaient pas plus la pièce. Il s'était jeté contre les barreaux, toujours en hurlant. Et qu'espérait-il, au juste? Que l'on vienne les libérer sous prétexte que Darria était enceinte, et Arsène malade? Ils seraient prêt à n'importe quoi pour se débarrasser d'eux, et même d'une graine qui pourrait s'avérer, dans quinze ans, bien dangereuse. Combien de temps passeraient-ils là? Des jours? des semaines, ou des mois? Peut être des années... Et peut être même que Lars verrait le jour dans ces geôles humides qui ne promettaient que la mort... Et peut être même, les bourreaux viendraient le noyer, cet enfant encore innocent, dont le seul crime est le sang de son père qui coule en partie dans ses petites veines.

Et les heures passèrent, où Jurgen épuisé et insulté finit par glisser le long du mur de pierre, las. Une profonde tristesse l'envahit après la rage. Et la douleur battait ses tempes. Il avait beau réfléchir, il n'y avait aucun moyen de s'échapper. Lorsqu'on leur apportait leur pitance -tout juste du pain rassi que l'on avait su donner aux chevaux, et de l'eau en petite quantité, Jurgen la laissait à sa femme, qui devait de toute évidence manger pour deux. Et au bout d'une journée, il ne semblait pas encore amaigri, mais son ventre le faisait souffrir de la faim. Et lorsqu'il devait uriner, il ne se privait pas de le faire à travers les barreaux, auprès d'un garde qui pionçait la plus part du temps lorsqu'il n'était pas réveillé par les supplications ou les cris.

Il n'avait même pas sa cape pour prétendre réchauffer sa femme. mais d'autres pas se firent bientôt entendre, et le visage de Gabriele apparu entre deux ombres des barreaux. Et sans un mot, des fruits fermes et de la viande séchée furent déposés. Alors Jurgen s'en empara, sans mot dire afin de ne pas éveiller les soupçons, et éplucha les deux oranges. Il coupa la sienne en trois parties à peu près égales, et en confia les deux tiers à Darria. La viande, il la dévora entière, la famine étant trop puissante, bien que sa générosité n'avait alors aucune limite, quand il s'agissait de sa propre famille.


-Iss, Liebe.*


"Bienvenue dans l'obscurité
Dans l'obscurité
Dans la solitude
Dans la tristesse
Pour l'éternité
"
Rammstein, Wiener Blut.

*Manges, mon Amour.

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