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[RP] Déluge.

Axelle
La notification « RP fermé » étant à présent interdite, la seule cohérence du lieu et de l’action signifie que ce rp l’est pourtant, fermé . Merci à tous de le respecter et bonne lecture !



On l’aime parfois, elle hausse la voix
Elle nous bouscule
Elle ne donne plus de ses nouvelles en canicule
Puis elle revient comme un besoin
Par affection
Et elle nous chante sa grande chanson,
Inondation

Et tombe, et tombe, et tombe, tombe …
Et tombe, et tombe, et tombe …

Zaz – La Pluie


Montauban.

Longtemps, la Bestiole avait pensé ne jamais s’y sentir chez elle. Trop absente. Trop hantée par une ville accrochée à son roc montagneux. Mais la Durance ne cessait de couler, et la vie avec elle. Et en cette fin d’après midi d’octobre, la Gitane ne se souvenait pas s’être sentie aussi sereine depuis des mois, dans cette chambrée pourtant impersonnelle nichée sous les toits des Combes. Mais après avoir respiré tant de poussière, après avoir reniflé l’odeur du fer rougi si longtemps, rien ne lui paraissait plus douillet que l’odeur de cire des chandelles dégoulinantes installées dans chaque recoin de la pièce. Et encore plus depuis qu’Antoine et Alphonse avaient refermé le cocon sur leurs pas. Plus rien ne semblait pouvoir la toucher ni la blesser, ses seuls grognements n’étant destinés qu’à amuser la galerie et à donner le change, avare et pudique qu’elle était de cette douce et rare connivence avec l’Ami, l’Amant, le Confident, le Complice, le Père de son seul Trésor. Difficile de qualifier cet homme dont elle lâchait la main régulièrement pour mieux la serrer à chaque retour. Finalement, nul besoin n’était de se creuser la tête pour savoir qui il était pour elle. Il était Màćka*. Simplement. Un simple surnom donné et accepté en retour suffisait.

La journée passée à rattraper Antoine s’accrochant à chaque meuble à sa portée pour tenter de se relever sur ses petites jambes potelées, s’était doucement étirée dans une grisaille menaçante et lourde. Et les premières gouttes étaient tombées, lourdes et pleines, s’éclatant comme autant de petites billes de verre sur le carreau. Quelques instants avaient suffi pour que la pluie chante sa rengaine percutante au toit du haut édifice. Berceuse inattendue qui était venue à bout des paupières d’Antoine avec une facilité déconcertante quand Père et Mère pouvaient passer des heures à tenter ce prodige.

D’un pas ne pouvant s’empêcher de danser sur cette cadence improvisée, la Gitane approcha du petit carreau de la fenêtre, essuyant la buée le maculant du bout des doigts. Les pavés de la ruelle étroite s’enorgueillissaient à jouer les torrents, poussant la populace à se réfugier sous l'abri improvisé de leurs capes rabattues sur leurs caboches. Seul un môme téméraire tenait tête au déluge, sautant dans les flaques avec une jubilation éclatante. Un sourire amusé étira les lèvres Gitane, imaginant le Chat sous la saucée lui aussi. Après avoir dessiné un vague visage sur la buée qui déjà s’agglutinait au froid du verre, Axelle recula de quelques pas et s’étira en se massant la nuque, son regard s’accroché au coffret de bois brut rangé à coté de la cruche d’eau déposée à même la bassine de terre cuite ébréchée. S’approchant du guéridon, d’un geste posé, le clapotis de l’eau emplissant la bassine se mêla à l’orchestre tonitruant de la pluie telle une petite flute légère. Tournant le dos à la porte verrouillée, lent quand les pensées s’égaraient dans des rêveries désordonnées, le rouge de la robe bohémienne chuta sur la peau ambrée, s’accrochant d’un guingois désespéré aux hanches fines. Et sans y réfléchir davantage, la dextre brune fouilla dans le coffret pour y dénicher savon et gant de crin.



*chat en romani
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Alphonse_tabouret
Tout l'horizon n'est qu'un blême rideau ;
La vitre tinte et ruisselle de gouttes ;
Sur le pavé sonore et bleu des routes
Il saute et luit des étincelles d'eau.

"Pluie", Sully Prudhomme






Sous le déluge, le comptable marchait, les épaules relevées, la tête enfoncée au dedans, les mains dans les poches, contournant les flaques qui se formaient çà et là quand il ne pressait pourtant pas le pas pour se mettre à l’abri d’une façade protégée, dilué déjà, trop en tous les cas pour offrir aux cieux sombres le plaisir de le voir déguerpir.
Paris l’avait exténué, encore et toujours, exhumant un à un les trésors de patience dont il était capable, jusqu’à asservir tant l’âme que l’homme à son bureau et ses livres de comptes, l’éveillant, un matin d’octobre à une vérité qu’il avait trop longtemps nié pour ne plus la contempler, énorme, fatale, ses deux grands yeux ouverts le fixant sombrement, l’exhortant à trouver solution tout autant que refuge et orchestrant pour lui, dans l’heure, ce voyage aussi subit qu’immédiat à la recherche de sa guérisseuse d’âme. Elle portait bien des noms, la gitane, se parant des fragrances du Coquelicot, des accents de la Confidente, de la sensualité de la Maitresse, de la chaleur de l’Amie, ou encore du visage de la Mère de son précieux bâtard, mais il les résumait tous en un, éternel taiseux avare de mots dès lors qu’il n’était plus forcé à nourrir un auditoire et se contenter du silence inhérent aux chats que l’on ne domestique pas.
Ballerina (*).

Le sourire radieux de la gitane en saisissant l’enfant à peine le pied posé hors du coche avait étiré le sien, et rendormi le monstre qui l’avait poussé à arpenter les routes de la bruyante capitale à Montauban, convaincu que c’était bien là que se trouvait le refuge auquel ressourcer les avaries occasionnées par les multiples tempêtes, à la sensualité de cette bouche brune, à l’oreiller de ces seins potelés, à cette unique femme qui avait le droit d’enfouir ses doigts dans ses cheveux sans qu’il ne les en chasse d’un geste agacé. Pourtant, si l’Aphrodite avait été abandonnée pour à d’autres mains le temps de son escapade, l’appétit colossal du lupanar ne tolérait pas l’oubli et il avait fallu accuser réception des courriers, y répondre, valider les décisions et en proposer d’autres, travail d’habitude journalier condensé à la faveur d’une solitude obligatoire, délayant les heures de la journée jusqu’à ce que la première bougie ne soit allumée pour chasser la pénombre grandissante d’un ciel chargé d’ombres cotonneuses et n’extirpe l’animal de la méticuleuse concentration dans laquelle il s’était immergé par soucis d’efficacité.
Les Combes avaient beau ne pas être bien loin de l’endroit qu’il avait choisi pour exercer ses fonctions à distance, il ne lui avait pas fallu plus de quelques minutes sur le chemin du retour pour être trempé jusqu’aux os, laissant derrière lui au fur et à mesure des marches montées l’amenant au creux du nid aménagé par Axelle, l’empreinte nette de ses bottes boueuses, qu’il enleva une fois devant la porte visée, tant par soucis de point salir l’intérieur de la chambrée que par celui du silence au cas où Antoine aurait daigné les gratifier d’une sieste. Fouillant dans ses poches, le nez le chatouillant d’une série de gouttes dévalant les mèches de ses cheveux, il finit par extirper la clef confiée au sortir de l’étreinte matinale et, dans des gestes lents, la fit tourner jusqu’à la libérer sa sûreté d’un cliquetis noyé par les trombes d’eau éclaboussant le toit juste au-dessus de leurs têtes. S’il ne connaissait pas encore le lieu, il avait dès son entrée la veille, repéré, la première latte grinçante, et, chat soucieux de l’harmonie d’une maisonnée sans que sa présence ne la trouble, l’évita d’un pas léger en déposant le fardeau de ses bottes près de la porte, cherchant des yeux enfant et mère, trouvant l’un sagement endormi dans un petit berceau et l’autre à moitié dénudée, les hanches encore lovées à la corolle de sa robe rouge.

Un sourire égaya ses lèvres froides quand le velours des prunelles dévalait avec appétit les courbes offertes à sa vue, de l’épaule arrondie jusqu’à la naissance délicate des reins, cueillant d’une lèvre mordue de plaisir le spectacle d’une toilette qu’il ne comptait pas le moins du monde déranger.


(* Danseuse en flamand)

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Axelle
Les chats n’aiment pas l’eau. Les chats aiment jouer dit la coutume.

Si la Bestiole avait déjà bien des certitudes sur les gouts de ce Chat là, l’envie têtue de les infirmer ou de les confirmer étira un sourire espiègle à sa bouche alors que, malgré ses précautions, ce ne fut pas le bruit d’une latte récalcitrante qui trahit l’entrée du Félin, mais un courant d’air frais serpentant au sillon de son dos dénudé. Il n’avait pas encore l’habitude, il ne savait pas encore, Màćka, combien cette vue déclinante avait aiguisé l’oreille, mais la peau tout autant. Et même souvent, le museau se tendait pour renifler l’adversaire ou l’amant d’une nuit dont le nom était oublié au réveil. Valse de phéromones qu’elle apprenait à décortiquer avec une patience religieuse, découvrant le parfum brut du désir comme celui de la peur avec la même curiosité. Mais Alphonse, lui, ne sentait que bon.

Le sourire caché s’effila encore, égayant sa mémoire de le retrouver toujours lui, quand des mois et des mois de cela, à l’ombre de l’escalier grinçant de la Ruche, il avait pris les mêmes précautions pour aiguiser le jeu. Le jeu. Tout changeait, malgré les tempêtes que tous deux essuyaient et dont ils se relevaient branlants mais debout, toujours, quand les mains se liaient d’une promesse muette et pudique. Mais le jeu restait, insubmersible, liant le duo inqualifiable d’un délicat fil rouge au gout joliment nostalgique d’une rencontre pigmentée. Rien de triste pourtant dans ses souvenirs soigneusement rangés à l’ombre des boucles brunes, juste une douce pluie, frappant les carreaux, rappelant dans chaque clin d’œil de ses gouttes comme il était bon d’être à l’abri. Simplement.

A l’appel silencieux du jeu, elle répondrait. Entre eux, telles étaient les choses, limpides et sans faux semblant. Antoine lui-même, en était la preuve vivante. Qu’importait si leurs étreintes passionnées ou douces, parfois même brutales, suivaient leurs pas d’une nuée de soupirs, de gémissements ou de cris. Qu’importait si le Flamand connaissait chaque grain de sa peau ambrée sur le bout des doigts et de la langue, elle jouerait encore, toujours, sous les pattes de velours d’un chat amusé d’une pelote de laine rouge.

Délaissant le crin, la main gitane se fraya un chemin vers un simple ruban noir, joliment menteuse quand rien ne trahissait la présence silencieuse démasquée. Les bras danseurs se relevèrent lentement, poussant la fourberie à dévoiler, d’un léger déhanchement, le coup de crayon doucement rond de l’esquisse d’un sein faussement pudique. Déposé sur le haut du crane, le chignon incapable, laissa quelques mèches bouclées se dérouler au gré de leur envies libertaires. Etrangement quand seul le crin avait droit de cité à l’ombre de la solitude, ce fut le clapotis d’une éponge qui coula sur les épaules frissonnantes de la fraicheur de l’eau, étirant paresseusement ses gouttes jusqu’au creux du dos cambré pour y jouer de leurs reflets perlées.

Et tournant la tête, offrant le profil sans donner le regard pétillant de taquinerie, la voix rauque paumée au milieu du cristal de l’onde s’invita.

Màćka, m’en veux pas, mais j’m’réserve la toilette d’chat vu qu’t’as d'jà gouté au luxe d’une douche…
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Alphonse_tabouret
Il sut, à la manière des animaux qui n’ont pour eux que le royaume les accompagnants, qu’il était démasqué dès que le corps se mit en mouvement, mélodie subtile tout autant que joueuse, accordée uniquement aux yeux attentifs d’un spectateur ou d’un nouveau compétiteur…
Les aveux d’Axelle avaient longtemps erré entre ses tempes, reliquats d’amertume, de colère, de rage mêlant sans demi-mesure la cécité à la maltraitance et l’abandon de plus en plus certains des fusains dans lesquels ils s’étaient connus, pour des talents tout aussi délicats mais bien plus sanglants. L’impuissance surtout lui avait cisaillé le cœur, à commencer par celle du calvaire vécu à l’ombre d’une protection autre que la sienne, de son inutilité quand lui, avait eu besoin d’elle à chaque noyade pour gonfler d’air ses poumons asphyxiés, pour s’achever à l’inéluctable finalité qui se profilait dans cette chambre où ne trônaient plus ni l’odeur de la peinture, ni l’ordre anarchique des pigments qui avaient eu l’habitude de recouvrir des pans de mus entiers jusqu’à, dans leurs étreintes les plus aveuglées, incruster le plancher patiné d’une salle de travail. La souffrance de savoir la gitane privée de son art, lui qui n’en possédait aucun à l’exception de ces chiffres qu’il savait empiler jusqu’à les moudre en un seul, était un gouffre sans fond dont il peinait à errer aux abords, pris longtemps au piège d’une nostalgie qui l’avait gangrené jusqu’à la mélancolie, et refusant méfiant, d’y aventurer encore une patte de crainte de la voir happer par ce qui avait été. Parfois, aux frondaisons d’un passé encore brillant, le présent paraissait terne, fait de nuances à ce point subtiles qu’elles échappaient au palais encore embourbé des saveurs anciennes, ourlant l’âme d’une infinie patience à trouver en elle les chemins de nouvelles senteurs, et s’il ne doutait pas qu’elle avait en elle cette force, il devinait parfois, dans les esquisses tracées sur l’un de ses carnets de croquis, un temps nouveau d’où émergeaient les ruines de l’ancien.

Les yeux noirs suivirent avec indolence le parcours de l’eau jouant de ses reflets sur la peau suave, avant que le mouvement amenant le profil ne lui fasse remonter les prunelles gourmandes sur la bouche mouvante.

Màćka, m’en veux pas, mais j’m’réserve la toilette d’chat vu qu’t’as d'jà gouté au luxe d’une douche…

Fais donc Ballerina, l’encouragea-t-il d’un sourire cachant encore les crocs pourtant affleurant, en ôtant avec lenteur, la veste détrempée qui l’avait à peine protégé dans les rues ruisselantes, la posant sans y attarder la moindre attention, sur le dossier d’une chaise à portée de main, ne se souciant pas une seconde de l’amoncellement de gouttes qui ne tarderait pas à dessiner une flaque sur le plancher abimé, où se reflèteraient, paresseuses, les lueurs des bougies aux flammes élancées. Je ne doute pas que le spectacle aura de quoi me réchauffer à défaut de me sécher, la taquina-t-il en déboutonnant sa chemise jusqu’à la faire choir derrière lui, approchant d’un pas vers elle, la peau frissonnante, l’œil pétillant, refusant d’interrompre la toilette sans pour autant résister à l’envie de s’approcher du corps élancé de la gitane.
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Axelle
« Je t’aime »

Une pincée de mots, une poignée de lettres. Rien de plus qu’une vérité aveuglante qui, défaillante à se taire, avait éclatée malgré les doigts furieux serrés sur sa gorge. Je t’aime, tonneau des Danaïdes où se puisait autant pour parler à un frère, qu’à un Ami, qu’à Celui dont le seul prénom résonnait le cœur sans que rien ne puisse en enrailler la ronde troublante. Je t’aime n’avait pas de nuances, collier de mots tristes et pauvres, maladroits à refléter les nuances fines et subtiles qu’ils portaient en eux. Elle avait osé la Gitane, les déterrer, sans même prendre garde de ce que le Chat pourrait, lui, piocher dans ce puits imprécis. Sans jamais même oser le lui demander. Ombre au tableau d’une entente parfaite, qu’elle rechignait à remettre sur le tapis, tant les justifications l’étranglaient dès lors que tout aurait pu être si simple. Dès lors qu’un simple baiser sur le front ou un sourire bienveillant avait été tout ce qu’elle demandait en retour. Mais rien n’avait été simple. Rien n’avait été lisible. Rien n’avait été paisible. En guise de sourire, c’est sa violence, sa colère, qu’elle avait récolté. Et si l’homme se tenant dans son dos, elle l’aimait toujours, avec cette naïveté enfantine, dénuée de jalousie et de la tyrannie de l’Amour, elle était convaincue que sans rien changer en apparence, tout avait basculé. Elle savait que deux vies se voyaient scindées par cette phrase trop spontanée pour celle qui ne savait pas se taire devant l’évidence.

Malgré leur complicité, la tache restait là, confuse et brouillonne de mots bannis. Du moins, ainsi le ressentait la danseuse qui malgré la confiance, avait appris la réserve et le silence des élans les plus impétueux. Et au fond d’elle, elle s’en voulait, furieusement, d’avoir brisé la nonchalance et la désinvolture des premiers temps.

Une vie avant. Une vie après. Quand pour ne pas s’embourber dans l’erreur, pour démontrer ce qu’elle ne pouvait expliquer de mots inaptes, pour éviter tous malentendus malencontreux quand le Griffé avait montré ses crocs féroces, elle avait préféré s’éloigner, laissant le Chat égrainer des « je t’aime » d’une nature bien différente à d’autres oreilles. Et certainement sa vue ne se serait pas enfuie sur les pavés parisiens en dispersant ses pigments aux quatre vents, qu’elle aurait fait de même, la Gitane, refusant que de Coquelicot vaporeux, elle finisse boulet embarrassant et inopportun.

Regrettait-elle parfois cet avant égaré ? Difficile à dire alors, qu’un à un, les rouages s’étaient patiemment mis en place. Petite araignée infatigable construisant la toile d’un équilibre neuf, où finalement, elle découvrait qu’aucune pièce n’était indispensable, mais avait le pouvoir de s’échanger. Lucide quand, ce qu’elle avait cru le support de sa vie, c’était fait la malle un soir de décembre dans le claquement sec d’une cape sur une blague à tabac. Elle avait survécu à ça, elle avait même changé la pièce. Même de ses filles perdues, elle avait changé la pièce. La douleur avait été vive, plus cruelle que la lame bourguignonne claquant sous son sein jusqu’à son dos, mais elle l’avait fait, et saurait le faire, encore. La gitane ne savait que cela, après la chute, il suffisait de regarder plus loin, et d’abandon, il n’y avait plus. Et le museau baissé sur l’éponge dégoulinante, c’était ce qu’elle faisait encore, regarder plus loin. Au travers des gouttes.

Oui, elle avait changé la Bestiole, malgré elle. Indubitablement. Fidèle, pourtant, mais selon ses propres codes, pour ne jamais plus se retrouver par terre, terrassée d’un abandon funeste.

Pourtant, les gestes ancrés dans des habitudes tenaces, alors que le souffle dans sa nuque trahissait toute la sensualité féline, c’est le crin qui râpa sa peau, rêche et brutal, jusqu’à la faire rougir, piétinant l’image voluptueusement licencieuse accrochée à chacun de ses pas dansants. Si les mots étaient fourbes, ils résonnaient pourtant dans le fracas du déluge, témoins qu’aucun autre regard que celui d’Alphonse était été autorisé à la voir, l’âme à vif, sans jeu, sans regard qui frise. Juste une femme qui, des mois et des mois durant, s’acharnait à se décrasser du poisseux de son passé avec une opiniâtreté implacable. Et qui y parvenant, persistait pour détacher le moindre lambeau récalcitrant.


T’réchauffer ? Demanda-t-elle d’une voix doucement rauque, contrastant avec le frottement du crin sur son bras. Alphonse, j’pense pas qu’une toilette y parvienne. Elle se tourna légèrement, interrogative d’un visage se penchant pour cueillir le regard noir. T’crois vraiment qu’j’ai pas vu ta mine ? T’crois vraiment qu’j’m’en veux pas d’pas pouvoir t’cacher qu’j’vais bien, qu’suis libre et qu’j’ai plus froid même quand il gèle quand tout crie qu’toi, t’vas mal ? Màćka, j’peins p’tet plus, mais j’suis pas encore aveugle.

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Alphonse_tabouret

Pas de velours et patte blanche, ainsi en était-il des apparats montrés à cette heure-ci quand chacun d’eux contrastait avec la pugnace gourmandise dansant dans les prunelles sombres devant l’appât doré exposé à bout d’éponge, trésor fait de douceur, de miel, et de chair, amalgame lascif entrainant dans son sillage les envies les plus badines et les plus féroces, joyau déniché au hasard d’un atelier de peinture, d’un deuil, d’une fuite et qui n’avait jamais, cessé, depuis, d’exciter une envie qui nourrissait ses veines. Il eut été difficile et pourtant simple, de poser un nom sur l’étrange relation tissée au fil des mois, et si la gitane s’y était essayée un an auparavant, le monstre sommeillant sous le pelage félin avait d’abord été le seul à l’entendre, affolé, furieux, écumant d’une rage née de la peur et de la méfiance, exorcisée par une violence qu’il gardait soigneusement assujettie à la conscience la plus froide, bannie de son propre corps par l’étourdissement de la colère dispensée à chaque coups de reins jusqu’à ce qu’au sol, roulé en boule, ne reste que l’évidence de la fracture.
Combien de temps lui avait-il fallu pour concevoir les faits dans leur pureté la plus claire? Aurait-il seulement saisi sans la cruauté de l’absence, sans l’inquiétude ou l’obligation à poser méticuleusement les évènements passés sous le prisme d’une vérité qu’il n’avait jamais su se cacher, lucide, trop, dès qu’il s’agissait de chercher dans ses gestes la compréhension jusqu’à la certitude d’être lui aussi humain sous l’enveloppe ? Et pourtant, nul regret même lors de ces heures froides de la disparition brusque du coquelicot qui avaient opacifié l’âme de n’avoir pas su cacher les travers les plus monstrueux sommeillant au fond de lui jusqu’à les expier dans une danse brutale. Lui redirait elle maintenant les mots ensorcelants, que ses gestes ne seraient plus les mêmes, pourtant mis à mal par son cœur amoureux rongé d’épines, échaudé par la sordide désinvolture d’Etienne à avoir déserté la couche comme l’âme, mais pansé, indéniablement, par la respiration sage de ce bâtard lové à son couffin, apprivoisé par la voix calme de la danseuse, point d’ancre immuable auquel se rattacher, récif abritant la crique d’un horizon bâti, jour après jour jusqu’à découvrir la sérénité de la grève.

Le sourire dessiné sur le visage se suspendit sans encore déserter les lèvres, teintant le regard d’une curiosité flottante en voyant le geste accompagnant le crin frottant la peau sans la moindre once de délicatesse, application rêche destinée à laver comme à gratter.


T’réchauffer ? Alphonse, j’pense pas qu’une toilette y parvienne…

Les mots l’interpellèrent sans pourtant écorner son observation, et la mélodie de la voix se substitua lentement au raclement incroyablement sonore de l’instrument à même la peau, diluant le sourire jusqu’à ce qu’il n’en reste rien. Si les réflexes du fauve l’amenaient à ne jamais dévoiler le tribut d’une expertise à même ses traits, en présence d’Axelle, cet héritage-là ne valait rien, les masques érigés par l’esclavage étant tombés à la cueillaison des confidences et des secrets dispensés par les routes prises ensembles. En présence de la danseuse, de cette maitresse mère, l’animal avait cédé le Factice pour le Vrai, privilège autant que fléau, offert à l’ombre rare des vérités dorées au soleil de l’éther.
Un pas de plus le rapprocha du ventre dénudé, la chaleur de la promiscuité chassant un instant le froid délayé par la pluie. La main lentement se tendit, jusqu’à s’apposer à celle maniant le crin sans aucune délicatesse, filin des doigts se juxtaposant sans heurt à ceux de la gitane, suspendant le mouvement quand il détachait à grand mal le regard de la peau où apparaissaient les premières rougeurs du traitement, pour cueillir les prunelles noires d’une gravité qu’il ne chercha pas à dissimuler, occultant pour l’heure, les vérités qu’elle avait énoncé le concernant, intrigué, tout autant que soucieux, l’onyx luisant d’une incompréhension voilé d’inquiétude, et demandant, à voix basse :

Que cherches-tu donc à faire partir en frottant comme cela ?

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Axelle
« Que cherches-tu donc à faire partir en frottant comme cela ? »

Si la main flamande amadoua sans peine la sienne pour taire le raclement compulsif saccageant sa peau, les paroles grossirent le martellement de la pluie, éclaboussant les méandres de la cervelle gitane d’une giboulée d’interrogations lovée au cœur d’une contrariété éphémère lui froissant les sourcils. Le Chat avait cette faculté de s’effacer pour retourner les questions contre le curieux qui s’y risquait. Animal indépendant qui choisissait toujours sur quel terrain il aventurait sa truffe pour, immanquablement retomber sur ses pattes. Pourtant, cette fois ci, la souple esquive ne fit que river davantage le malaise deviné sur des traits connus par cœur.


Mais au sein du cocon, rien n’était ni imposé ni réclamé, surtout pas les réponses quand la parcimonie partagée des mots célébrait les silences pudiques. Alors aussi vite froissés, les sourcils s’arrondirent singeant la bouche gavroche. Les amandes noires se posèrent sur le filin des mains liées, puis remontèrent stupidement chercher une réponse dans le regard d’Alphonse. Mais déterrée d’un limon d’habitudes dans lequel elle était engloutie depuis des mois, n’y trouva qu’une interrogation plus pleine encore. Les ignorantes et sottes prunelles chutèrent à nouveau sur cette peau qui, matin et soir, avait appris les étreintes rugueuses du crin.
J’sais pas… ânonna-t-elle, confrontée à ce rite qui s’était imposé sans même qu’elle n’en ait conscience. Confusément, le traitement infligé la soulageait quand la culpabilité et le gâchis ne trouvaient nul autre exutoire.

Il avait la force
Et l'âge de la neige éternelle
Dans son cœur de glace
J'ai planté mon décor
J'ai dansé
Sous la lumière artificielle
De son nom
Comme un dieu
Qu'on implore*.


Lentement les prunelles noires remontèrent vers le visage doucement inquiet. Parce ce que j’m’souviens encore des nuages d’son regard ? Se hasarda-t-elle, cherchant à débusquer une réponse logique à ce qui n’en avait plus dès lors que la fine alliance d’argent tressé avait été rangée avec une précaution studieuse, dénuée qu’elle était à présent d’un symbole qui n’avait finalement jamais existé. Parce que l’amour rend aveugle, qu’ça crève les yeux mais qu'faut voir quand même?

J'avais la faiblesse
Et l'art de me voiler la face
Fanatique
Habitée par un fantôme
J'ai creusé
Ma propre tombe
En sa paroisse
Prête à tout
Pour sauver mon royaume *


D’un pas encore, elle avança, et lentement, se hissa sur la pointe des pieds, laissant les peaux humides et fraiches de leurs ventres glisser l’une contre l’autre. L’étrange baiser éveillait une chaleur cachée mais connue sur le bout des doigts tant, malgré les jours passants, l’envie de lui était indocile à se taire. La main tatouée s’échappa un filin pour, aussi tendre que la lueur s’invitant dans le regard charbonneux, écarter une mèche lourde de pluie. Ou pour ne plus contempler c’regard là. Nez contre nez, les bouches se frôlaient sans se prendre, laissant les doigts bruns glisser sur les yeux jumeaux, les forçant sans heurt à abdiquer sous leur linceul fin. Et elle se hissa encore, sournoise à s’allonger pour briser la nuque flamande à son caprice. Caprice de deux baisers à peine posés sur les paupières closes, comme s’ils détenaient ce pouvoir magique auquel croient les mômes, de guérir leurs écorchures. Pour n’pas oublier. Les lèvres charlatanesques, perdues à la tempe féline égrainaient autant de vérités que de baisers soyeux. J’ai bu la tasse Alphonse, pour le lien d’un anneau qui n’existait qu’dans ma tête malade. Ce mariage, l’était tant condamné d’avance qu’même les curetons n’y ont pas cru. Nous ont laissé nous noyer dans notre pantomime. Belle plaisanterie, fallait la trouver hein? Màćka, j’ai jamais été mariée ailleurs qu’dans ma crédulité… Et le baiser fut volé, affamé de délayer cette ironie cinglante à la bouche du seul être capable de comprendre la férocité de la raillerie pour avoir tout vu, jusqu’à une main brisée. A l’orée de la bouche féline, les mots dont elle était pourtant si avare, dégoulinèrent encore, réguliers comme la pluie incessante. Entre ses mains, j’ai échoué, et suis la seule fautive. J’me suis enchainée toute seule alors que j’étais libre, toujours. Caresse animale, la tempe gitane vint se caler à sa jumelle brune, s’y appuyant, pour laisser suinter à l'oreille confidante un secret si fragile, si précieux qu’un seul éclat de voix un peu trop haut pouvait briser. J’veux plus ça. Pour pas m'reperdre. Pour pas l’perdre… Lui… L’Autre…

Lui, ce Pierrot lunaire, qui sans qu’elle n’y comprenne rien, sans même qu’elle ne lutte, par ses bégaiements et ses rougissements, par cette douceur ponctuée d’éclats ébahissants, s’était assis là, au milieu du marasme de son cœur pour laisser poindre l’éclaircie.

Elle se recula, frissonnante d’un air froid sur son ventre privé du sien, doucement hagarde en cherchant le refuge du regard du Chat.


Ou p’tet simplement car j’ai jamais appris à faire autrement…

Et toi non plus Alphonse, tu n’sais pas faire autrement que de te blesser… Mais tu le caches mieux que moi, c’tout.

*Claire Diterzi – Entre ses mains.
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Alphonse_tabouret
J’sais pas…
Ainsi commença la litanie gitane, au rythme d’une pluie dense martelant le toit sous lequel ils étaient, tout autant que la campagne alentour, esquisses automnales qui avaient chassé les derniers jours d’été avec la rigueur de la fin d’année. S’il posait les questions, le chat n’attendait pas forcément les réponses, ainsi était le pacte tacite passé entre les deux enfants perdus, permettant à la fois tous les points d’interrogation et le silence en guise de discours, mise en forme personnel des avares de mots qui les targuait à la fois de tant d’importance et de tellement de futilité. Pourtant, la phrase se poursuivit, égrenant le long d’une ponctuation courbée, les possibles raison du traitement infligé, quand les regards sombres se liaient pour voir au-delà des frontières si fade du verbe.
Parce ce que j’m’souviens encore des nuages d’son regard ?
Parce que l’amour rend aveugle, qu’ça crève les yeux mais qu'faut voir quand même?

Aux doigts graciles venant chasser de son front un mèche brune, il glissa, instinctif, une main à la cambrure des reins déliée pour tendre le visage vers lui, respectant le discours en ne l’interrompant pas quand les lèvres troublantes venaient murmurer aux siennes.
Ou pour ne plus contempler c’regard là, poursuivit elle en le privant de la vue comme si l’ardeur des analytiques prunelles sombres pesaient de trop sur sa silhouette miel, abandonnant à l’égide de deux baisers, les pensées félines étirées dans ce noir nouveau. S’il savait la douleur de ce mari parti sans crier gare quand elle l’avait pourtant choisi avant même de se laisser emporter par la danse qu’il lui avait proposée, il n’avait jamais songé que la franchise qu’il posait sur elle avait pu écorner sa stabilité au point de la faire chanceler. Axelle était un tout dont il n’avait jamais songé à dissocier les facettes inextricablement mêlées les uns aux autres : danseuse, artiste, femme, mère, maitresse, victime, amie, combattante, sauveuse… chacune de ces personnalités avait fusionné pour la former toute entière, et pour la première fois depuis qu’il la connaissait, l’animal eut un doute sur la façon qu’il avait eu de la considérer au fil de ces mois passés au cocon de leurs liens et s’inquiétant d’avoir, par pure négligence, d’être responsable de cette peau morte dont elle se sentait couverte. Entrecoupés de baisers légers, qui, loin de décimer les volutes qui naissaient entre les tempes, les faisaient briller d’une lueur de plus en plus vive, les confidences se poursuivirent près de l’oreille :

J’ai bu la tasse Alphonse, pour le lien d’un anneau qui n’existait qu’dans ma tête malade. Ce mariage, l’était tant condamné d’avance qu’même les curetons n’y ont pas cru. Nous ont laissé nous noyer dans notre pantomime. Belle plaisanterie, fallait la trouver hein? Màćka, j’ai jamais été mariée ailleurs qu’dans ma crédulité… Sagement, les comètes restèrent sous le voile imposé au fil du baiser qui enhardit tendrement les bouches jointes avant qu’elles ne se scindent pour égrener la suite, petit Poucet attristé d’une réalité que lui renvoyait chaque caillou abandonné sur le chemin des aveux… Entre ses mains, j’ai échoué, et suis la seule fautive. J’me suis enchainée toute seule alors que j’étais libre, toujours.
Il garda le silence, créature méticuleuse qui absorbait chaque écho avant de laisser poindre une seule parole, les nerfs un instant à vif de la valse lointaine, à peine audible, de la poignante détresse qui serpentait dans l’enchainement des mots, jusque dans le secret qui aurait pourtant du allumer ses yeux d’un éclat coloré : J’veux plus ça. Pour pas m'reperdre. Pour pas l’perdre… Lui… L’Autre…
La chaleur des peaux mêlées s’étiola dans le mouvement de recul orchestré d’un pas, le regard charbonneux du Faune retrouvant l’ampleur de la contemplation en se rouvrant sur les mondes respectifs qu’elle venait de délimiter de nouveau, laissant un unique pont tendu entre eux au fil de leurs yeux sombres
Ou p’tet simplement car j’ai jamais appris à faire autrement…

Quelques secondes, le silence perdura, laissant le jeune homme sur une grève ravagée qu’il connaissait pour y avoir déjà erré, en d’autres temps, d’autres circonstances, mais aux oriflammes des mêmes démons. D’un pas, alors que la dextre venait chercher la senestre femelle, il attrapa le gant réservé à l’attention d’Antoine certainement, rapprochant de son pied nu un tabouret sur lequel il s’assit, donnant l’impulsion à gitane de venir prendre appui à sa cuisse en tirant doucement sa main vers lui.

Laisse-moi te montrer une autre façon de faire, veux-tu ?, demanda-t-il d’une voix calme, comme si le torrent de mots déversés plus tôt n’avait pas flétri l’onde calme qui zigzaguait à ses veines quand ils avaient déferlé sans qu’il ne puisse en interrompre le flux. Il plongea la main dans l’eau du bassin, imbibant le gant, et, lâchant la main gitane, amena un index dans le haut de sa nuque pour l’incliner en avant, y appliquant la douceur du tissu.
Tu as bu la tasse par amour, Ballerina … Il serra lentement l’étoffe pour laisser les premières rigoles couler à l’aléatoire de leur loisir. Ce n’est pas parce que ton mariage n’a pas existé aux yeux des autres qu’il n’a pas eu de légitimité… Il en avait pour toi, pour lui... N'est ce pas la seule chose qui compte dans le fond?... Il laissa glisser dans une caresse le gant sur l’épaule, poursuivant en suivant ses gestes des yeux… Tu y as cru… Comme moi... La pierre tombale de Quentin fleurit brièvement aux onyxs, se délitant au profit du visage de Ligny... comme d’autres avant et d’autres après nous … Mais ne serait-elle pas longue cette vie si nous ne croyions pas, de temps à temps, à la récidive, aussi angoissante soit elle ?
S'il avait toujours prôné le libertinage, jamais le chat ne s'était moqué de l'amour, seulement de ses carcans, épris, fatalement avant d'en mourir pour mieux y revivre...
Il replongea le gant dans l’eau, et répéta l’opération dans la même lenteur, se moquant que les gouttes finissent sur sa cuisse ou à la corolle rouge encore attachée aux hanches délicates et qui débordait du ventre jusqu’aux pieds menus de la danseuse.

Échouée, fautive... reprit il en suivant la ligne du bras, jusqu’au poignet qu’il frotta doucement… Quand cesseras-tu de te battre contre toi-même ? Quand accepteras-tu simplement que les choses ont une fin, parfois brutale, parfois douce, mais jamais facile… Si tu n’avais pas vécu ce regard-là, aurait-il la même saveur, ton Autre ?, demanda-t-il en modulant un sourire doux à ses lèvres, s’interrogeant brièvement sur le chanceux qui avait su faire palpiter ce cœur si sauvagement préservé en temps normal quand le sien étouffait lentement des résolutions laissées par l’absence silencieuse du Griffé. Le bras se déplia encore une fois, se posant à la gorge pour descendre avec une langueur volontaire à l’aube ses seins si joliment dressés par la température fraiche de cette fin de journée.
Quant à mon regard… Mon regard, Axelle, ne te juge jamais… Vois au-delà du regret que j’ai de te savoir plongée dans des voiles auxquels je ne peux rien, regarde mieux ce qui rend son ombre si opaque au point que tu t’y attaches tant… La dextre cueillit doucement la tête pour mêler les iris dans un temps brièvement suspendu. Il est parfois peut être soucieux, parfois inquiet, mais admiratif, toujours…, conclut-il en se penchant à sa bouche pour la cueillir d'un baiser simple, mais parfumé d'une épice qu'ils étaient seuls à maitriser
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Axelle
Docile sous l’index, la gitane baissa la tête, laissant l’eau dégouliner sur ses épaules, suivant distraitement des yeux le parcours sinueux que choisissaient les gouttes pour se perdre jusqu’à son ventre, s’amusant de les voir grossir, jusqu’à ce que trop lourdes, leurs courses se précipitent pour claquer sur les tissus gardiens du peu de pudeur que les amants s’autorisaient pour mieux la décimer ensuite. La voix d’Alphonse glissait lentement à ses oreilles attentives de chaque mot, délaissant les acrobaties de l’eau pour observer, curieuse et surprise, la douceur de l’éponge coulant agréablement à son poignet. Pourtant, l’attention studieuse vacilla dangereusement à l’orée d’une toilette délicieusement suave. Trop suave pour que les lèvres encore perlées de vérité résistent aux mordillements à peine capables de faire taire le soupir confus et coupable d’offrir furtivement plus de pouvoir à l’éponge.

Quant à mon regard… Mon regard, Axelle, ne te juge jamais… Vois au-delà du regret que j’ai de te savoir plongée dans des voiles auxquels je ne peux rien, regarde mieux ce qui rend son ombre si opaque au point que tu t’y attaches tant… Il est parfois peut être soucieux, parfois inquiet, mais admiratif, toujours.

Mais si le corps parlait son propre langage, si le baiser égaya sa bouche, les paroles d’Alphonse visaient bien plus profondément sous la peau ambrée et le museau s’abaissa de nouveau, pensif. Si, sous le regard du Chat, la Casas s’était souvent débarrassée de son encombrante fierté à cacher les blessures vives la lézardant, lui en avait fait souvent de même, mais toujours avec ce souci poignant de prendre soin d’elle, même lorsqu’il était à terre. Et c’était bien cela qu’il faisait encore, piquant la sensibilité gitane d’une émotion renversante. Se détachant des jeux d’eaux, le regard charbonneux se faufila sur le torse nu pour envelopper ce visage connu et reconnu. Et le cœur tzigane se serra d’un élan furieux de le serrer dans ses bras jusqu’à ce que les respirations peinent, avec ce même besoin impérieux que lorsque que ses mirettes se posaient sur Antoine endormi. Serrer et ne plus relâcher l’emprise, pour que rien, plus jamais, ne le fasse souffrir, et rester là, bouclier intraitable, quand il n’était qu’amalgame de coton et de soie d’un simple cocon.

Mais malgré l’envie tenaillant son ventre jusqu’à faire trop briller ses yeux, elle n’en fit rien, tant le coton était plus résistant que le fer ou la pierre, restant simplement à le regarder avant qu’un sourire tendre n’ourle ses lèvres. Immobile, perchée sur le genou félin, le sourire s’étira encore, finement, comme pour ne rien déranger des clapotis de l’eau sur le toit abritant les confidences. Je vais bien Alphonse. Avoua-t-elle le regard limpide quand sa main venait chercher celle du flamand pour y enlacer ses doigts. Et c’est que grâce à toi. A toi et à nul autre quand Lui ne fait que récolter ce que tu m’as aidé à reconstruire.

Ne l’as-tu compris Alphonse, toi seul était là pour penser ma main… et le reste, sans m’interroger, sans me juger, sans tenter de m’influencer, m’acceptant telle que je suis, telle que j’étais, sans jamais rien ne me demander en échange. Alphonse, voilà pourquoi si hier j’étais incapable de parler, aujourd’hui, à toi, je peux tout dire.


L’étreinte sur la main flamande se resserra. Ton regard Màćka, je le connais par cœur, j’en décèle chaque nuance, chaque lueur. Je ne trompe pas, ne te méprends pas. Les amandes s’égarèrent un instant sur le mur où l’ombre se jouait des gouttes ruisselantes sur le carreau avant de revenir cueillir le regard jumeau.

« Ne t’inquiète pas Axelle. Il ne souffrira pas. »


La promesse griffée résonnait intacte entre les tempes brunes. S’il te plait Alphonse, aujourd’hui, ne me protège pas. Elle déglutit avant de plisser doucement les yeux. Ne Le protège pas. Les doigts se dénouèrent, laissant libre la main brune de fureter aux abords des braies, longeant d’un index impie le renflement délicat qu’elles abritaient. Ou j’t’ promets d’t’torturer jusqu’à ce que tu cries grâce, ajouta t-elle dans un petit sourire travaillé à être espiègle. Torture, il y aurait, l’appétit insatiable des amants ne laissait aucun doute, mais le jeu était refuge et gardien de la liberté laissée de répondre ou de se taire, sans que ni l’un ni l’autre ne s’en offusque, tout comme il était garant d'une légèreté salvatrice.
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Alphonse_tabouret
Je vais bien Alphonse. Et c’est que grâce à toi. A toi et à nul autre quand Lui ne fait que récolter ce que tu m’as aidé à reconstruire. Les doigts liés les uns aux autres jouèrent de pressions, moyen de communication tout aussi efficace pour les deux taiseux se faisant face que les mots qui pourtant, aujourd’hui, s’attardaient à la cime d’un moment d’intimité comme ils n’avaient pas eu l’occasion d’en vivre depuis longtemps.

Tu te trompes Ballerina, la seule personne qui récolte ce que nous avons semé, c’est toi et toi seule. Lui tout au plus, profite des fragments qui t’échappent dans l’éther de tes danses, mais toi et toi seule, est celle qui s’abreuve à la source.


S’il te plait Alphonse, aujourd’hui, ne me protège pas. Ne Le protège pas… Le sourire du chat vint se nourrir à l’impertinence lumineuse de la gitane dont les doigts s’égaraient à l’aube de promesses épicées, jusqu’à germer à la parole : Ou j’t’ promets d’t’torturer jusqu’à ce que tu cries grâce.

Si le sujet abordé avait été autre, il l’aurait volontiers laissée mener l’interrogatoire avec toute l’imagination tortionnaire dont elle aurait pu être capable et l’insolente résistance qu’il y aurait opposé, mais mêler Etienne à la fièvre de leur intimité lui semblait rédhibitoire, vulgaire et s’il fut tenté d’esquiver l’objet de ce conseil, il s’en trouva incapable, le désir du mensonge étant depuis longtemps banni de la relation qu’ils avaient tissé.

Étienne a disparu cet été, commença-t-il sobrement, plantant patiemment les quelques mots qui poseraient le décor des semences à venir. J’ignorais même qu’il était encore en vie le jour où la prévôté est passée à l’Aphrodite… Je n’en ai pas eu depuis non plus… Il suspendit le flot d’une lente inspiration avant de reprendre, contemplant brièvement les chemins qu’il avait arpenté au fil d’une solitude mauvaise durant des semaines. J’ai été furieux, en rage, au désespoir…, égrena-t-il d’un ton de voix égale, le deuil de cette colère ayant depuis fait place au gel d’une raison pragmatique tout autant que déterminée… Et puis, au début de l’automne, je me suis demandé si je vivais pour lui ou pour moi… D’un mouvement, il l’invita à se lever, regagnant lentement les hauteurs de sa stature pour poursuivre, sans quitter ses yeux noirs : La réponse m’a causé une belle blessure d’orgueil, fit-il dans l’accent d’un sourire où se laçait l’écume d’une amertume amusée… et permis d’en tirer quelques leçons… Sentence sans appel, ainsi était apparue la vérité aux yeux du chat, transi pour toujours de cet Autre imbuvable, mais déterminé à retrouver une liberté offerte, réflexe d’esclave qui réapprenait à marcher sans collier au cou. Je n’appartiens qu’à moi.
Il épargnerait à sa maitresse les méandres des réflexions qui l’avaient poussé à la froide et amicale raison, mais l’ordonnance valait dans sa simplicité, tous les mots du monde. S’il aimait le Griffé avec toute la démesure de sa passion, il avait fait le choix de ne plus rien attendre de Lui, de ne plus rien donner qui Le différencie des autres, en convalescence encore de cet abus de pouvoir que de Ligny avait osé en lui déchirant le cœur d’une absence aussi têtue que silencieuse
Les mains s’aventurèrent aux hanches, poussant de l’index la corolle rouge à subir les affres de l’apesanteur, la gourmandise s’éveillant dans l’œil à la découverte enfin totale du corps gitan, suites de courbes et de miel offertes à l’appétit qui, s’il était sensible au sel, savait néanmoins reconnaitre que certaines femmes avaient pour elles une lascivité si savamment distillée à la chair, qu’il eut été sot de ne pas y tenir un festin. La senestre serra le gant jusqu’à l’essorer le long du cou, suivant du regard la course du minuscule filet d’eau glisser entre les seins, s’agenouillant à hauteur du nombril pour le recueillir de la langue avant qu’il ne disparaisse au ventre, relevant un visage badin vers elle quand les doigts suivaient l’arrondi des cuisses pour s’y poser en étoiles :

Si je te dis que j’ai bien d’autres secrets que je protège, me torturas-tu quand même ou n’était-ce réservé qu’à ce sujet-là ?, demanda-t-il à mi-voix, le museau dessiné d’une expression faune
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Axelle
Les mots tombèrent doucement, les uns après les autres. Les doigts noués à ceux de Chat, la réalité prenait une forme qu’elle ne connaissait que trop bien, le cœur serré et tout à la fois admirative du calme avec lequel Alphonse énonçait les faits et leurs conséquences. Ce serait-il agit d’un autre que lui que l’implacable logique n’aurait pu être énoncée plus clairement. Docile quand seuls les mots captaient son attention, elle se leva à l’invitation, et quand il se tut, le tableau esquissé de quelques explications emplissait une toile entière. Elle ne dit rien. Souvenir d’une promesse tacite et réciproque de ne pas s’immiscer dans le territoire de l’autre, mais surtout, car pour l’avoir vécu, la Casas savait sur le bout des doigts que rien ne pouvait répondre au vide que le silence. Compagnon de blessures, Alphonse le savait aussi.

Si raisonnable et dans le même temps tellement fou, qu’Alphonse ne cessait en sourdine de la faire trembler. Et si ce n’était pas de plaisir et d’un attachement poignant, c’était de peur. On avait beau la dire damnée, on avait beau la dire maudite, si une menace trop réelle planait au dessus d’une tête, ce n’était certes pas au dessus de la sienne. Alphonse le savait. Etienne le savait. Axelle le savait. Et depuis la naissance d’Antoine, l’épée de Damoclès s’alourdissait encore, oscillant, tranquillement dangereuse, au dessus de la tête du flamand, mais aussi de celle de l’enfançon adoré.

La gitane n’avait pas oublié cette soirée aveugle, où raisonnable une fois de plus, les projets flamands avaient été dévoilés. Elle se souvenait aussi de la colère qui l’avait ébranlée à la simple pensée qu’une autre qu’elle puisse veiller à la sécurité son fils à sa place. Si elle avait compris les raisons, si elle savait pertinemment son impuissance à ce moment là, si les paroles félines avaient cherché à la rassurer, un gout amer depuis lors lui était resté dans la bouche, craignant à chaque instant que la nouvelle ne tombe et lui arrache une partie de ce qu’elle avait de plus cher. Une partie que, même souvent maladroitement, elle aspirait de tout son être à devenir. Mais depuis, tout avait changé pour elle, et si l’idée était saugrenue après tant et tant de conversations sur le sujet, tiraillés qu’ils avaient été tout deux, elle était la plus simple. La plus facile. La plus commode. La plus crédible. La plus implacable.


L’eau fraiche ruisselant à nouveau à sa peau la tira de ses pensées qui, peut-être, n’avaient jamais été si claires, se découvrant stupéfaite d’être nue, alors qu’Alphonse semblait entamer une toilette de chat des plus alléchantes. Bien sûr qu’elle s’y serait corrompue, tant le bout de cette langue savait dénicher ses failles les plus secrètes. Tant ce sourire badin relevé vers elle, promettait les jeux les plus interdits et délictueux. Pourtant, si le défi proposé ne manqua pas de lui arracher un soupir déjà tout acquis, ce fut sur le berceau que les mirettes noires se posèrent pensivement.


Si je te dis que j’ai bien d’autres secrets que je protège, me torturas-tu quand même ou n’était-ce réservé qu’à ce sujet-là ?

Le temps s’étira entre les gouttes de pluie dont le battement semblait s’assagir sur le toit, n’offrant qu’un profil quand le ventre gitan frissonnait pourtant du souffle le narguant. Sans quitter le petit berceau des yeux, la main brune se posa sur l’épaule féline, y dessinant les volutes de caresses éthérées. Flânant dans le cou, elles se firent plus envieuses sans même y penser tant cette peau attirait la convoitise de la pulpe de ses doigts. Et se fut au menton seulement qu’elles s’assagirent quand d’une simple pression, elle aurait pu s’offrir aux crocs faunes. Comme cela aurait été facile. Comme cela aurait été affolant une fois de plus. Mais comme cela aurait saccagé le dessein envisagé. La main fine releva le visage choyé encore davantage vers elle, sans pourtant encore détacher son regard du berceau.


J’ai une torture encore plus impensable pour toi Màćka.

Enfin les boucles noires s’agitèrent et dans le regard faune, elle déposa la sincérité sans fard du sien.

Épouse-moi.
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Alphonse_tabouret
J’ai une torture encore plus impensable pour toi Màćka.
Suspendu à ces doigts longilignes qui maintenant son visage vers elle, il écoutait, lisait dans le regard noir posé sur lui, l’incandescence de la résolution, un instant étonné que les lettres gravées dedans soient d’une telle intensité quand le parfum de sa peau flottait, léger, en une fragrance délicate à son nez.
Épouse-moi.

Le silence qui suivit enroula le couple dans une bulle d’air, les coupant un instant de la pluie, de la pièce et même d’Antoine, amenant à fleurir dans cette parenthèse, la dislocation des mondes.
Il la revoyait, monter dans ce coche pour s’arracher à Paris, à lui, et honorer un serment en lequel elle croyait… Créature abimée guidée par cette même force qui l’avait éloignée, la main en charpie, le regard terne, elle était revenue, presque hébétée de se trouver devant lui sans un mot, sans une explication… Elles avaient été si nombreuses, les épreuves, tant pour elle, que pour lui, soumis au chantage, à l’obligation , avant d’en être exempté au fil d’un dernier rebondissement qui avait achevé de le rendre libre, seul, sans plus de monstres à juger pour ses égarement, sans plus de famille à maudire pour s’expliquer la boue des chemins empruntés, sans plus personne à aimer jusqu’au sacrifice…
Le deuil, la solitude, le départ vers d’autres horizons, l’un comme l’autre avait boité sur cette route interminable avant de réapprendre à respirer sans sentir à ses poumons, les entraves des regrets et chaque souvenir dansa à cet instant entre les tempes brunes, mélangeant les cris, les rires, les pleurs, et les visages bravés, délaissés ou répudiés qui les avaient amené là.

Chaotique, le destin entremêlait les doigts d’une raison partagée et dont ils connaissaient les poids, les affres, et les devoirs… Le mariage n’était en aucun cas affaire d’amour, mais de conciliations, alors s’enchainer l’un à l’autre, créer cette indispensable façade à sa vie vacillante et donner à cette mère déchirée le loisir d’oublier au travers d’un sourire d’enfant, la douleur de l’échec, n’était-ce pas finalement, la chose la plus logique et la plus censée qui leur était donnée ? A qui d'autre, si ce n'était à elle?...
Qu’importaient les raisons qui les avaient rendu frileux l’un comme l’autre devant cette perspective, seul comptait ce qu’ils étaient capables d’en faire, non pas pour eux, mais pour cet autre, le bâtard, l’héritier, le poupon dormant sagement à quelques mètres d’eux qui avait bouleversé leur monde dans l’indifférence pourtant menaçante de celui les entourant.

Femme cruelle... , admit il enfin, retardant le sourire quand la lueur malicieuse de l’onyx s’éveillait, bougeant la tête pour venir attraper entre ses dents le doigt qui lui maintenant le menton et le mordiller avant de reporter sur elle, cette fois ci, un visage définitivement peint d’un accent espiègle, reprenant, volontairement emprunté en usant du pronom. Chercheriez-vous, Demoiselle, à me soumettre une torture à hauteur de mon endurance ? Il délaissa sa proie en se relevant, les corps s’effleurant à peine d’un courant de chaleur dans l’air froid autour d’eux, se penchant sur sa maitresse jusqu’à frôler son nez pour la taquiner d'une expression tendrement insolente : N’est-ce pas d’ailleurs à mes parents que vous devriez faire votre demande ?... Le sourire disparut, au profit d’une moue faussement pensive en faisant dodeliner sa tête comme soumis à la réflexion, comédien… Tout bien considéré, c’est inutile, admit il en retrouvant au fil des siens, les miroirs sombres posés sur lui, poursuivant sa badinerie : Ils vous diraient non et ne me donneraient que plus envie de vous dire oui… Il déposa un baiser léger à ses lèvres avant de conclure, un ton plus bas, à la manière d'une confidence : Autant vous dire oui de suite…
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Axelle
Cela aurait dû être ardu. Ce fut facile. Elle aurait dû trembler d’inquiétude en s’aventurant sur ce terrain miné, elle n’était que tranquillement déterminée. Elle aurait dû crouler sous les souvenirs, il n’en vint aucun. Elle attendait, simplement, pleine de cette force vive que lui insufflait un être minuscule, aux poings pas plus gros que des figues.

« Femme cruelle... »

Il ne fallut pas davantage que ces quelques mots délicieusement soulignés par la lueur malicieuse vacillant dans le regard félin pour comprendre la réponse qui se préparait. Si la Gitane fut soulagée de voir un avenir clair se dessiner devant ses mirettes attentives, le merci qui déjà se faufilait vers ses lèvres, était tout destiné à l’absence de questions. Alphonse avait compris. Tout. Sans qu’elle ne doive se justifier. Et si ce mariage ne serait que façade, il n’en faisait pas moins éclater la complicité les deux Amis avec une flamboyance rare qui n’admettait pas le doute et soutenait la compréhension tacite des besoins de l’autre. Comme le silence ne suffisait pas à signer le contrat, la plaisanterie s’y noua, rayant d’une seule biffure les restants d’amertume s’accrochant aux deux Amants devant ces quelques syllabes. Mariage. Certains se mariaient par amour. D’autres par intérêt. Eux se mariaient pour l’Amour d’un enfant, et certainement, n’excitait-il pas de raison ni plus belle, ni plus valable.

« Chercheriez-vous, Demoiselle, à me soumettre une torture à hauteur de mon endurance ? N’est-ce pas d’ailleurs à mes parents que vous devriez faire votre demande ?.... Tout bien considéré, c’est inutile. Ils vous diraient non et ne me donneraient que plus envie de vous dire oui… »

Si l’espièglerie toute teintée d’ironie envers un passé que chacun jetait aux orties chatouillait la bouche gitane d’un rire franc, elle se retint, peinant néanmoins à museler un gloussement retenu menaçant de crever le masque comédien, qu’en réponse à celui d’Alphonse, elle s’appliquait à endosser.

«Autant vous dire oui de suite… »


Sous le baiser confident, les lèvres écarlates, sournoises de pouvoir se cacher, laissèrent éclater un sourire solaire. Etre mère, sans plus de compromis. Enfin. Resplendissante, à cet instant, nul doute qu’elle l’était. Mais farouche à s’engoncer dans la pantomime qu’ils s’apprêtaient à jouer, la Casas à son tour, voulut démontrer l’étendue de ses talents d’actrice. A peine eut-elle reculé, que le sourire étincelant s’était déjà mué en une moue contrite d’enfant gâtée. Mais, mais Messire… Comme vos parents seraient injustes de me refuser votre main, quand pour vous, j’ai revêtu mes plus beaux atours, lâcha-t-elle en baissant un regard corrompu sur sa peau tout juste vêtue de gouttelettes d’eau et d’une perle nichée entre ses seins. Elle remonta un museau faussement pénitent, déposant son regard sur le visage d’Alphonse où des mèches brunes restaient prisonnières de la pluie. Si faute de goût il y a dans la mise de l’un d’entre nous, ce n’est assurément pas du fait de mon choix mais bien du votre. Toute aussi révoltée que la gitane feignait de l’être, une boucle noire se rebella et s’échappant de l’approximatif chignon, dégringola sur son front mat. Virgule blanche, un sourire frondeur s’afficha aux lippes de l’intrigante alors que sous la maltraitance d’une dextre douce et habile, le ceinturon de cuir cliqueta. Me voilà donc dans l’obligation d’y remédier sur le champ. Et sournoises, alors que la jambe danseuse s’enroulait à celle du félin, les paumes des mains téméraires chassèrent ce vilain tissu qui osait encore s’ériger entre les deux Amants. Glissant ses lèvres impénitentes à l’orée de l’oreille enviée, l’étrange fiancée murmura, doucement provocante Alors autant vous dire de suite les tortures à venir…
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