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[RP] Et vogue la galère

Domdom
" Les bateaux ne partent pas que des ports, ils s'en vont poussés par un rêve " *

[Le vingt-et-neuvième jour du onzième mois de l'an de grâce 1462 (soit un peu moins de 30 ans avant Christophe Colomb): On embarque ]



Accoudé au bastingage de « la Narbonesa »,l’encapuché regardait le port de Narbonne d’un air songeur, tout en se massant machinalement la bosse qu’il s’était faite au front en se prenant les pieds dans un cordage, lors de l’embarquement.
Le voyage vers Alexandrie commençait bien.

Ce projet,ils avaient été sur le point d’ abandonner, avec sa rousse, tant ils avaient eu de difficultés à le mettre en place, lorsqu’ils avaient reçu une missive quasiment miraculeuse, comme tombée du ciel, un mois auparavant.
Une proposition d’embarquement à partir de Narbonne d’un capitaine de navire dénommé Jefflebarde.
Cette offre avait été accueillie par de grands cris de joie par les deux amants, qui aussitôt avaient entamé un pas de danse joyeuse devant les yeux ébahis des autres usagers de la taverne dans laquelle ils étaient attablés, à ce moment précis.

Epoque bénie pour le couple, qui avait appris peu de temps auparavant le début de grossesse de Bellha.
Ce voyage tant désiré, en plus de la naissance d’un premier enfant : la rousse Bellha flottait dans une sorte de nappe de bonheur ouatée dans laquelle elle se délectait.
Le brun, un peu moins.

L’annonce de la venue d’un héritier l’avait renvoyé vers sa culpabilité de papa ayant laissé ses enfants à Epinal, sous la garde d’Alexandrine, leur nourrice, mais aussi vers la souffrance de ne pas avoir de nouvelles de sa dernière née , Eolia Luna, qu’il n’avait pas revue depuis sa rupture avec Satine, il y avait plus de six mois.

Domdom savait que la brune lorraine, la mère de sa petite Princesse Lune, avait eu le même idée que lui et voguait elle aussi, en ce moment, sur la mer du Milieu.
Qu’avait elle fait de leur fille ? A qui l’avait elle confiée ?
Il était impensable que Satine ait eu la folie d’embarquer leur petit merveille vers une aventure aussi hasardeuse qu’un voyage vers Alexandrie.

Quant au voyage vers l’Egypte, c’était plus le rêve de la vie de Bellha, qu’une aspiration du brun lui-même, qui l’avait entraîné dans la fièvre des préparatifs.
Personnellement, Domdom n’était pas attiré plus que ça par les splendeurs de cette Perle de l’orient que tout le monde décrivait avec de petits étoiles dans les yeux, ni par l’idée de passer un mois sur un navire, d’ailleurs.
Aimant par-dessus tout sentir la terre ferme sous ses pieds, il n’avait pas particulièrement d’inclination pour la navigation (même s’il aimait passer des heures à admirer le combat des vagues contre les rochers et sable des plages) et était malade dès qu’il mettait les pieds sur un bateau.


* Erik Orsenna
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Bellha
D’aussi loin qu’elle se souvenait, Bellha avait toujours rêvé de voyager. Parcourir le monde et se laisser imprégner de ses splendeurs, apprendre en découvrant de nouvelles cultures, grandir en s’ouvrant aux autres. Laisser sa trace et s’enrichir aux contacts des autres. Son frère avait eu tôt la piqûre et avait rejoint une vie d’aventure marine en prenant la mer et à son retour, la jeune femme se souvenait combien elle trépignait d’impatience en tapant du pied devant la porte, mourant d’envie de revoir son frère et de l’entendre lui raconter de nouvelles histoires sur le voyage qu’il venait de faire. Ce qu’il avait vu, ce qu’il avait vécus, les gens avec qui ils avaient discuté et les échanges effectués sur les différents marchés visités. Mais jamais il n’avait parlé de l’Orient et de ses richesses.

Un soir, alors qu’elle travaillait à la Magyare, un visiteur étranger lui avait vanté les beautés d’une contrée lointaine qu’il avait appelé Alexandrie. Les odeurs, les coutumes, les couleurs, tout y semblait si différent. La belle rouquine avait écouté l’homme lui raconter son voyage pendant des heures, il lui avait même offert une petite gravure représentant un coucher de soleil d’Alexandrie et le récit de l’homme avait fait son petit bonhomme de chemin dans la tête de Bellha à un point tel qu’elle avait quitté la taverne la tête remplis d’images et surtout, un but, un rêve !

Mais si rêver était à sa portée, partir lui était plus difficile. Il avait fallu des semaines, voire des mois avant que son rêve prenne un semblant de forme. Elle avait d’abord quitté la Savoie, sa vie douillette et son échoppe de tisserande pour suivre Domdom, un encapuchonné chasseur d’étoile qui traînait sans son baluchon des contes et légendes. C’est blottit dans ses bras, devant un feu de camp qu’elle appréciait le mieux les récits de son compagnon de voyage qui, petit à petit, devînt son amant, puis l’homme qui lui avait ravi son cœur et de qui elle était éperdument éprise.

Ils en avaient parcouru des kilomètres à pied, allant ici et là selon le gré de leur envie, puis Alexandrie avait ressurgit dans l’esprit de la jeune femme avant de devenir un projet viable. Elle ne comptait plus les embuches. Les capitaines qui ne semblaient plus se souvenir du départ, des changements de date, des annulations, des fausses informations, des gens qui se sont joints à eux puis qui ont quitté le navire avant même le départ. Jusqu’au jour ou Dom l’avait surprise avec la lettre contenant enfin la bonne nouvelle.

Assise sur le pont de La Narbonèsa, Bellha observait discrètement Dom qui se tenait dos à elle et qui semblait perdu dans ses songes. Elle caressait distraitement son ventre, habitude qui lui était venu très vite, presque au moment où elle avait appris qu’elle portait un enfant. Sans même s’en rendre compte, chaque fois qu’elle avait une main libre, elle la posait sur son ventre, comme pour protégé l’Héritier Monderaines qui grandissait en elle. D’un simple effleurement de la main, elle témoignait tout son amour et son engagement à ce petit être qui la liait à cet homme pour le restant de leur vie.

À quoi pensait-il, là, debout et accoudé au bastingage de La Narbonèsa ? Bellha se leva et s’avança vers lui. Sans mot dire, elle passa un bras autour de sa taille et vînt l’enlacer tout en se blottissant contre lui.


Merci… Merci d’être l’homme que tu es... mais surtout merci de faire partit de ma vie…

Puis, se hissant sur la pointe des pieds, elle l’embrassa tendrement, tout doucement…
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Domdom
" Il y a trois sortes d'hommes : les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer " *


[ Dimanche 30 novembre 1462 (soit à peu près 1793 ans après la fondation d'Alexandrie)  : deuxième jour de voyage ]

Le bateau avait quitté le port de Narbonne la veille, en début de soirée, profitant d'un changement de vent et entamé sa course à travers la mer du Milieu, voiles bien enflées,porté par un vent ami.
Les amarres larguées , à peine quitté le port, le conteur avait déjà ressenti une boule dans ses entrailles, comme un poing lui rentrant dans l’estomac, ainsi qu'un goût âcre dans la gorge.
Décidément, l'élément halieutique n'était vraiment pas sa tasse de tisane.
Cette boule ne le lâcherait pas pendant les deux semaines de traversée qu’avait prévues le capitaine Jeff, mais le brun était parvenu à l’oublier un peu, pris par l'excitation du voyage , la découverte du navire et les manoeuvres de départ que le capitaine avait expliqué à son équipage quasi novice.
Les gestes étaient encore bien maladroits et tout le monde confondait les diverses voiles et cordages les uns avec les autres, mais l'envie de bien faire était là.

Un vent portant et régulier les avait bien aidés, soulageant cet équipage hétéroclite de manœuvres compliquées et éreintantes. Pourvu que ça dure !
Leur première nuit à bord s'était bien déroulée et Domdom avait pu passer une nuit assez calme dans la cabine qu'il partageait avec Bellha, enlacé avec sa rousse,mis à part le quart qu'il avait passé à la proue du navire,fouetté p ar le vent marin,tentant de scruter les ténèbres de la nuit.

La journée du dimanche avait été occupée par les manœuvres habituelles, la découverte de « La Narbonesa », cogue de guerre que les apprentis matelots exploraient avec des mines de gosses excités par l'aventure et par la pêche.
Un petit tour au mess afin d'aller boire une bonne chopine, également, mais le grand brun n'y avait croisé personne, ni Mathys et Verowil de Montestier, qui partageaint leurs péregrinations depuis quelques semaines, ni les autres compagnons de traversée,que le grand brun connaissait peu, voire pas du tout.
Pas même sa Flamboyante, qui était partie faire une bonne siste dans leur cabine, fatiguée par le travail à bord et amoindrie par sa grossesse.

En ce deuxième jour de voyage, « La Narbonesa » et son équipage filaient bon train sud est , laissant les côtes de France et leur soucis derrière eux.


* Aristote
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Domdom
" On peut affronter la brise, mais il vaut mieux s'affaler dans la tempête " *



[Premier jour de décembre 1462 , un lundi (quelques 407 ans avant l'ouverture du canal de Suez) : troisième jour de voyage ]



Les bonnes choses ne durent qu'un temps, tout le monde le sait .
Surtout en navigation maritime , domaine où le mot « certitude » n'existe pas
C'est en arrivant en haut de l'escalier qui monte de la cambuse vers le pont principal que le brun les remarqua pour la première fois.
Il devait être un peu avant midi.
Loin à l'horizon au départ, puis se rapprochant à toute vitesse , la nuée gris anthracite fondait sur le ciel turquoise qu'ils avaient eu depuis le départ.
Le vent était tombé d'un coup, laissant les voiles orphelines.
Les oiseaux de mer avaient déserté les parages depuis quelques temps déjà, signe annonciateur qui ne trompe pas un marin chevronné.
Puis la voix du capitaine avait retenti : tempête en vue, à proue tribord !

Aussitôt , le pont de La Narbonesa s'était transformé en une véritable fourmilière, chacun s'attachant à affaler les voiles, les attacher au mât, arrimer solidement tout ce qu'on pouvait.

Mais les éléments sont plus forts que les hommes : un fort coup de vent annonciateur du reste balaya le pont, gonflant les vagues, qui venaient heurter la coque du bateau comme de magistrales gifles, faisant danser le voilier comme un bouchon sur l'eau.

Et puis le reste vint, comme sorti de la bouche de l'enfer : le mariage infernal des paquets d'eau descendus du ciel à ceux venant de la mer, le ciel d'un noir d'encre , comme si la nuit avait étendu son drap noir en plein jour.

Tout cela accompagné par le bruit du tonnerre en des roulements de tambour gigantesques qui déchiraient les tympans des pauvres petites âmes qui couraient en tout sens pour sauver ce qui pouvait l'être, secoués, projetés contre le bastingage ou l'escalier du pont supérieur, par des furies hurlantes et déchainées ne leur laissant aucun répit.

Il n'y avait plus rien à faire, à part se mettre à l'abri de la colère céleste en priant tous les dieux qui pouvaient exister d'épargner ce frêle esquif et ses occupants.

C'est un encapuché lessivé par les tonnes d'eau qui lui étaient tombé dessus, les jambes flageolantes, sentant un flot de nausée remonter vers la gorge, qui s'affala comme un sac de farine sur la couchette de sa cabine .

Allongé sur sa couche, ballotté en tous sens par la sinistre copulation du roulis et du tangage, il haletait fébrilement, secoué par des spasmes qui lui essoraient le corps comme une vulgaire serpillère.

Bellha n'eut pas le temps de lui amener un seau qu'il se vidait déjà les tripes en un geyser de miasmes, liquide gluant et odorant qui empuantit vite l'atmosphère de leur cabine.

Cette salve aurait pu être bénéfique pour le conteur, mais que nenni : il se tordait toujours, les entrailles vrillés par le mal de mer , n'ayant plus rien à cracher , à part de la bile jaunâtre.

Il sentait des ruisseaux de sueur, nés aux tempes et aux omoplates, dévaler le long de son corps, se mélangeant à l'eau qui lui avait poissé ses vêtements contre sa peau.

Livide, complètement vidé de toute substance, grand brun se vouait aux gémonies : mais qu'est ce qu'il était venu faire dans cet infernal tourbillon ?
Mais il lui suffisait de tourner la tête vers Bellha , qui supportait nettement mieux la situation que lui, pour reprendre un peu de forces et d'espoir: le visage à l'ovale parfait de sa Flamboyante respirait la confiance en la vie, en eux deux.
Les émeraudes de ses yeux projetaient des petites lumières, fanaux que suivait le regard vitreux de l'homme malade.

Il sentit alors la main fuselée de sa douce rousse venir prendre la sienne et leurs doigts se croiser , ce qui eut pour effet de le rassurer quelque peu : c'était juste un très mauvais moment à passer , son ange gardien veillait sur lui.


* Stephen King
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Domdom
« Le bateau qui ne résiste pas à la première tempête n’est pas fait pour le voyage » *


[Le jour d'après ( précisément 1493 ans depuis la mort de la reine Cléopatre, à Alexandrie) : quatrième jour du voyage ]



La tempête avait soufflé tout l’après midi et une bonne partie de la soirée, assaillant le navire , livré à lui-même, ballotté en tous sens sous les terribles coups de boutoir.
Et puis le vent était tombé, d’un coup, aussi soudainement qu’il avait fondu sur La Narbonesa et les éléments en colère avaient poursuivi leur route vers des contrées plus septentrionales : les côtes de Provence et d’Italie.
Toujours allongé sur sa banquette, malade à ne pas pouvoir mettre un pied au sol, pris de nausée à chaque fois qu’il essayait de se relever , le grand brun avait assisté, impuissant au grand nettoyage par sa rousse d’amour de la cabine et de ses propres habits qu’il avait souillés lui-même.
Il se sentait si coupable et inutile , maudissant son corps d’être aussi sensible et faible , tout en souriant faiblement à cette femme merveilleuse qui nettoyait les immondices de son homme, comme elle l'aurait fait avec les langes de son bébé.

Le lendemain , à la première heure du jour, tous étaient sur le pont, à constater les dégâts occasionnés qu’on n’avait pas pu voir la nuit précédente, à la lanterne.
Rien de bien grave,heureusement .
La caraque de guerre était en bon état et la bourrasque de la veille de faible intensité, selon le commodore Jeff , qui avait dû en voir bien d’autres.
Encore bien nauséeux, le brun avait regardé les yeux exorbités le capitaine sortir cette phrase d’un air détaché.
Que devait être une « vraie » tempête, alors ?
Il aurait eu le temps de mourir mille fois en un tel cas.


Un peu plus tard, en compagnie de Mathys, ils avaient inspecté la cale de fond en comble, à la recherche d’éventuelles fuites .
Rien d'alarmant de ce côté là non plus : la coque avait été calfatée avec soin.
C’est un déplaçant une caisse dans la cale que Domdom fit une drôle de rencontre.
Ce furent d’abord deux billes brillant à la lueur de la lanterne que tenait Mathys, puis une forme velue avec une longue queue que put discerner le brun.
Les deux protagonistes se toisèrent pendant quelques secondes , surpris de se retrouver en tête à tête.
Trop tard pour le rongeur que le passeur d’histoires avait envoyé au paradis des rats d’un coup plat de pelle bien placé sur le crâne/

Les Alexandronautes avaient repris leurs occupations d’avant tempête, entre manœuvres, pêche (le capitaine avait organisé un concours pour stimuler les pêcheurs) et repos dans les cabines.
Quand il ne passait pas son temps avec Bellha , à pêcher, ou bien dans la cambuse, à boire de bonnes chopes, l’encapuché aimait à s'asseoir sur l'escalier reliant le pont principal au pont supérieur, à observer la mer, le ciel et le ligne d'horizon d'un air songeur.

Domdom était bien obligé de se rendre à l'évidence : la mer n'est pas un désert aquatique comme il le croyait au départ, lui, l'homme de la terre, mais un lieu de vie grouillant et formidable, pour qui prenait le temps de la regarder attentivement .
Enfin, quand elle le lui permettait, bien entendu.




* flûte , je ne sais plus qui a sorti cette lapalissade !
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Domdom
« La seule chose dont on peut être certain en mer, c'est que rien n'y est jamais certain, justement " *


[mercredi 3 décembre 1492 ( pas mal de temps après l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie) : cinquième jour du voyage ]


Aujourd'hui n'était pas un jour comme les autres.
A la longue,tous les jours finissent par se ressembler plus ou moins, sur un bateau, une fois la découverte et l'excitation du départ passés.
Il sont tous rythmés par les mêmes gestes, les mêmes code, les mêmes activités.
Peut être une façon de se rassurer face à l'insécurité,l'isolement et l'immensité de la mer.

Deux évènements avaient pourtant fait de ce mercredi un jour unique.
Le premier était un instant très personnel pour le brun, un moment marquant dans la vie d'un homme.
Il était en train de boire un coup dans la cambuse, sa dulcinée sur les genoux, les mains croisées sur le ventre joliment rebondi de sa douce rousse , lorsqu'il crut ressentir des coups venant de l'intérieur du ventre de Bellha.
Après un court instant de secpticisme, allant même se demnder s'il n'avait pas rêvé , il concentra à nouveau toute son attention sur le ventre de Bellha.
Et là, il eut la certitude que l'Heritier avait enfin bougé dans le confort douillet du ventre maternel.
Bellha lui avait assuré avoir déjà ressenti les coups, mais jamais en présence du futur papa.
Ce premier contact avec son enfant, il l'attendait impatiemment depuis des jours et aujourd'hui, il était remboursé au centuple .
Enfin un moment de bonheur dans cette traversée de la méditerranée qui ressemblait plus à un calvaire pour le conteur qu'à une croisière féérique.

C'est vers le milieu de la matinée que survint l'autre événement, alors que Dom était occupé à pêcher (activité dont il revenait la plupart du temps bredouille d'ailleurs) par dessus la rembarde.
Au début, ce n'était qu'un point noir, à l'horizon, en poupe.
Mais plus le temps passait et plus le point semblait se rapprocher.
Au fur et à mesure, la forme du bateau qui les suivait se précisait : une caraque de guerre, comme la leur, qui semblait filer deux fois plus vite qu'eux.
Depuis le départ ,c'était la première fois qu'ils croisaient âme qui vive, à part les oiseaux de mer
Le passeur d'histoires ne put s'empêcher de se remémorer la drôle d'aventure qu'il avait vécu, la première (et seule jusque là) fois où il avait posé le pied sur un navire.
C'était à Uzès, lors de la remontée du Rhône.
Ils avaient été pris en chasse par une nave pirate qui les avait talonnés pendant deux jours, aucun port ne voulant leur ouvrir ses portes, de peur de faire entrer le loup dans la bergerie.
Et c'est finalement la chef de port de Lyon qui les avait sauvés, les autorisant à s'abriter dans le port.
Jamais le brun n'avait autant serré les fesses que pendant ces deux jours là, qui l'avaient tant traumatisé , qu'il ne voulait plus jamais monter sur un bateau .
Jusqu'à ce que le sourire de Bellha soit plus fort que cette peur irrationnelle.

La distance entre les deux navires se stabilisa alors, puis « La Narbonesa » reprit une bonne allure, après que le capitaine eut fait carguer la voile gênoise, plus puissante, mais plus fragile aussi.
Pari gagné : l'autre bateau abandonna la course , et disparut de l'horizon, au grand soulagement de tout l'équipage.



* Arturo Pérez Reverte
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Domdom
« Le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste espère qu'il va changer, le réaliste ajuste ses voiles " *

[Jeudi, quatrième jour de décembre 1462 ( donc 516 ans avant que l'interprète d' Alexandrie Alexandra  ne fasse mumuse avec sa prise électrique les pieds dans l'eau ) : sixième jour du voyage ]

Ils étaient deux, maintenant.
Lorsque le grand brun mit les pieds sur le pont , de bon matin, il s'aperçut que la caraque avait de la visite : deux bateaux l'entouraient étroitement.
Il pouvait voir parfaitement ce qui se passait sur le pont des deux visiteurs, mais ne perdit pas de temps, se ruant vers la cabine du capitaine en tambourinant : Commodore ...nous avons de la visite, deux caraques nous cernent
Et c'est un Jeff hirsute qui l'accueillit , nullement affolé, expliquant à Domdom que la rencontre avec autres bateaux était non seulement une bonne nouvelle , mais surtout prévue
La Narbonesa avait donc attendu toute la nuit, réduisant sa voilure aux maximum, que ses deux accompagnateurs n'arrivent.
Ainsi, les trois vaisseaux navigueraient de concert jusqu'au but du voyage.

Savoir qu'ils ne voyageraient pas seuls rassura le conteur, qui vivait avec la hantise d'être envoyé par le fond par quelque vaisseau pirate.
C'est le coeur plus léger qu'il remonta sur le pont, observer ce nouvel environnement : les voiles blanches qui claquaient dans le vent, les cris des matelots, avec, nouveauté, une côte en arrière plan ;

C'était la première fois depuis le début du voyage , soit cinq jours, que le brun apercevait une bande côtière, du bateau.
Sans doute la côté berbère que le brun avait pu observer sur les cartes maritimes étalées sur la table du poste de pilotage.

Ils devaient donc se situer entre l'ile de Sardegna et le pays de Carthage, extrêmité septentrionale de l'Afrique.
Demain, ils seraient sans doute au large de la Sicile.


* William Arthur Ward
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Domdom
« Comme il ne pouvait contrôler ni le vent, ni la femme, l'homme inventa les voiles " *


[Vendredi 5 , jour de poisson de décembre 1462 ( 336 ans avant le débarquement de Napoléon en Egypte ) : septième jour du voyage ]


Le passeur d'histoires ne put réprimer un rictus de douleur quand il sentit l'aiguille s'enfoncer à nouveau dans la peau de son bras.
A demi allongé sur sa couchette, une bouteille de gnôle à portée, il regardait Isarol, bosco et accessoirement médecin de bord ,lui recoudre la plaie qu'elle avait préalablement désinfectée.
Tout en se mordant la langue afin d'atténuer la douleur, il essayait de garder contenance en souriant tristement à Bellha, sa compagne et mère de son futur héritier, penchée au dessus de l'infirmière de fortune, inquiète de voir son homme dans cet état.

C'est en voulant éviter un retour de la bôme de la grand voile lui arrivant en pleine face, qu'il était tombé à la renverse, s'ouvrant tout l'intérieur de l'avant bras gauche sur un épissoir qui traînait sur le pont de La Narbonesa.
Vilaine blessure avec une plaie bien profonde , mais qui cicatriserait bien , car la coupure était franche.

Cependant , l'encapuché ne pouvait d'empêcher d'être inquiet.
Il avait vu tant et tant de gens se faire amputer des membres ou mourir de la gangrène à cause de blessures mal soignées, que ce genre d'issue lui avait traversé l'esprit.
Mais il devait bien faire confiance en Isa, n'ayant pas trop le choix, de toute façon .

Lui revenait aussi en mémoire le coup d'épée d'un royaliste qui lui avait cisaillé le bas du dos , lors de l'assaut contre le château de Dijon , quelques années auparavant.
Il n'avait dû son salut qu'à à la rapidité et l'habileté du barbier qui l'avait opéré tout aussitôt.
Décidément, les royalos continuaient de lui être néfastes.
N'était il pas sur un navire royaliste, commandé par un officier royaliste ?
S'il devait se blesser à chaque fois qu'il en croisait un sur sa route, il finirait en pièces détachées, le brun !

Après avoir sifflé un bon gorgeon d'alcool, Domdom chercha le réconfort dans le regard émeraude de son aimée: il était près de partir dans les vapes, tant la douleur était forte et il s'accrochait au sourire de sa rousse comme un naufragé à sa planche de salut.

Quel voyage !
Après la bosse qu'il s'était faite le premier jour, la tempête qui l'avait cloué au lit, la nausée qui s'emparait de ses boyaux chaque fois que la mer devenait un peu forte, voilà qu'il se blessait au bras lors d'une manœuvre qui avait mal tourné.

Cette aventure maritime tournait vraiment à la galère.
Et dire ils n'étaient partis que depuis sept jours !
Qu'allait il encore lui arriver dans la dizaine jours qui le séparaient encore du but du voyage ?
Sans parler du retour...

Essayant de chasser ces mauvaises pensées qui lui minaient le moral, il tenta une note d'humour, alors que le quartier maitre Isarol finissait ses travaux de couture et lui bandait son bras bien serré: heureusement qu'il s'agit du bras gauche...je pourrai toujours continuer d'écrire et de lever des chopes !


* auteur inconnu mais ça aurait pu être de moi
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Domdom
« Ce sont les voiliers qui ont découvert le monde et ils charrient dans leur sillage bien des légendes » *

[ Samedi 6 décembre 1462 ( exactement 2675 ans que Ramses II est réduit à l'état de momie ) : huitième jour du voyage ]


L'encapuché s'était levé très tôt ce matin là . Il s'était laissé glisser acrobatiquement de sa couchette, protégeant son bras blessé en écharpe, laissant sa douce rousse dormir d'un sommeil étoilé.
Pour sa part, il avait peu dormi cette nuit, sa blessure le faisant encore souffrir

Il avait remarqué que les poissons semblaient plus nombreux de bon matin , impression confirmée par le capitaine Jeff.
Et comme Domdom tenait absolument à gagner le concours de pêche organisé pendant la traversée(surtout depuis qu'il n'avait plus qu'un bras valide), il était déjà sur le pont, dès le lever du jour, en compagnie du capitaine, resté au gouvernail, avec lequel il avait bavardé un peu, accoudé à la rambarde , à attendre que ça morde.

Le mer était étale, ce matin là, avec quelques vagues rebelles qui venaient de temps en temps mordre la coque de la caraque.
Le temps était doux, nettement plus doux qu'un mois de décembre dans les contrées bourguignonnes, lorraines ou comtoises, par exemple.

L'attention du grand brun fut soudain attirée par un remue ménage, dans l'eau, un peu plus loin à bâbord : de gros poissons , au nombre de trois, semblaient danser danss les vagues en poussant de petits cris brefs et gutturaux.
Domdom n'avait jamais vu de tels poissons et encore moins une telle scène.
D'abord inquiet de l'irruption soudaine de ces mastodontes qu'il voyait pour la première fois, il fut séduit peu à peu par la chorégraphie des trois acolytes, qui semblaient jouer ensemble en accompagnant le voilier.

Le commodore, toujours au gouvernail lui avait lâché d'une voix forte : ce sont des dauphins...certains disent qu'ils sont à l'origine des légendes ancestrales sur les sirènes
Dom avait déjà entendu parler de ces gros poissons, que l'on présentait souvent comme des monstres marins, mais il n'en avait jamais vu, et pour cause.

Il était littéralement fasciné par la grâce et la légèreté de ces gros boudins gris avec leur aileron dorsal et leur museau ressemblant à un bec, fendant les vagues en un magnifique ballet.

A un moment donné, un dauphin, sortit complètement de l'eau, fit une pirouette en l'air et retomba en une gerbe d'écume.
Le conteur l'avait admiré, émerveillé, avec des yeux d'enfant.
S'il avait eu les deux mains disponibles, il aurait certainement applaudi

Les trois magiciens des flots les avaient accompagnée encore quelques temps,avant de disparaitre d'un coup, laissant le bateau continuer sa route.
Domdom était resté longtemps, à scruter la surface de la mer, espérant que les trois danseurs des mers reviennent se donner en spectacle, mais hélas, il n'en fut rien.

Cet intermède enchanté fit grand bien au brun qui , jusque là, avait plutôt déchanté tout au long de son voyage sur la Méditerranée.

Et pour couronner le tout, il avait pêché un poisson, ce jour là.
C'était des dauphins porte bonheur !
De quoi rendre Bellha jalouse, elle qui ne réussissait à pêcher que de vieilles bottes ou des rames.
Au moins , elle pourrait ouvrir une échoppe à son retour, avec touts ce qu'elle pêchait, lui avait dit le brun, sur le ton de la plaisanterie.


* Olivier de Kersauson (philosophe à ses heures, con la plupart du temps )
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Domdom
«Day after day, day after day
We stuck, nor breath nor motion
As idle as a painted ship
Upon a painted ocean » *


[ dimanche 7 décembre 1462 (environ 335 ans avant la parution de « The Rime of the Ancient Mariner » de ST Coleridge ) : neuvième jour du voyage ]



Quelle stupéfaction en ce dimanche matin, lorsque le grand brun, son bras gauche toujours en écharpe, sa main droite bien nichée dans celle de sa Bellha d’amour, mit le nez dehors, sur le pont !
Un brouillard opaque, dense et glacial avait tout enveloppé , faisant de « La Narbonesa » un véritable vaisseau fantôme.
On ne voyait guère à plus de trois coudées devant soi dans cette atmosphère rendue encore plus glauque par les bruits lugubres de craquement de bois qui violaient ce silence ouaté de mort, de temps à autre.
Qu’avait il bien pu se passer pour que l’on se retrouve soudain dans cet environnement aussi irréel et sordide , cette impression de fin du monde ?
Plus de vent non plus faisant claquer les voiles : la caraque semblait encalminée au milieu de nulle part.

Un sentiment de vague appréhension avait envahi tout à chacun et les autres occupants de la caraque, ombres fantomatiques que l’encapuché et sa dulcinée avaient croisés, étaient restés claquemurés dans leur silence.
Même la chevelure flamboyante de sa déesse aquatique devenait atone, poissée d’humidité.

Dans une telle atmosphère, Domdom ne put s’empêcher de se remémorer la légende que lui avait racontée un jour un vieux loup de mer  sur un quai du port de Belley.
L’histoire d’une malédiction qui s’était abattue sur un navire et son équipage.

Sans s’en rendre vraiment compte, les mots du vieux capitaine lui revenaient en bouche, encore bien vivaces dans son esprit, comme si les années ne les avaient pas effacés.
Maintenant, il les répétait à sa compagne, chaudement emmitouflée, accoudée au bastingage, pelotonnée contre son homme






C’est l’histoire d’ un bateau , au milieu de l’océan , ayant quitté son port d’attache depuis fort longtemps déjà .
Les cales commencent à se vider des provisions embarquées.
Ils sont sur le retour , mais des vents contraires les ont fait dériver loin
Très loin vers les glaces et dans d’épais brouillards…
Les marins commencent à désespérer , quand soudain , un albatros , oiseau de bon augure dans le monde marin , se met à faire de grands cercles dans les airs, juste au dessus du bateau.
Puis il prend la direction du nord , comme s’il voulait guider l'équipage.
Le capitaine décide alors de le suivre.
Pendant un jour entier, la bateau file bon vent vers un horizon plus hospitalier.
Mais le soir, pris de boisson , le capitaine sort son arbalète et vise le volatile, par défi.
Hélas , un carreau en part et traverse le corps du bel oiseau qui s’abat , sans vie , sur le pont du bateau.
Plus tard , le bateau se met alors à dériver sans raison pendant plusieurs jours, puis à s’immobiliser, comme figé au milieu du brouillard .
Plus de vent dans les voiles et quasiment plus d’eau , ni de vivres .
Les jours passent, semblables les uns aux autres .
L’équipage , de plus en plus assoiffé , accuse maintenant ouvertement le capitaine d’être responsable de la situation , par son crime.
Et le capitaine, lui , ressent un poids, comme un joug pesant lui enserrer le cou
Comme si l’albatros y était suspendu

Un jour , apparait un vaisseau fantôme , semblant surgir de nulle part :
A son bord , une silhouette féminine , habillée d’une longue cape noire , faisant saillir davantage son visage squelettique,au teint livide et son regard exorbité.

Elle annonce à l'équipage d'une voix sépulcrale : "vous périrez tous pour la faute commise..."
"quant à toi , capitaine, tu connaitras un sort pire que la mort "
Et le vaisseau fantôme disparait, aussi mystérieusement qu’ il était arrivé
Le capitaine et ses matelots restent longtemps prostrés, sans aucune réaction.
Le navire reste encalminé dans une mer d’huile, seul , au milieu de l’océan.
Et le capitaine assiste , impuissant, à l’agonie de ses hommes, qui meurent de soif , de sa faute, l’un après l’autre.. .
Cela dura sept jours…
Le septième jour , le capitaine , rongé par la culpabilité , avait enfin compris
Il s’agenouilla et envoya une vibrante prière vers le ciel
Demandant à l'albatros de le pardonner pour son attitude ingrate.
Bras et visage tendus vers la voûte céleste , il jura de passer le reste du temps qui lui resterait à vivre , à raconter son histoire , de port en port , s’il en réchappait
Quelques instant après, il se sentit libéré de ce poids , qui ressemblait étrangement au corps de l’oiseau , qui l’oppressait ces derniers jours.

Le soir même, l’horizon s’obscurcit de gros nuages poussés par un bon vent , qui déversèrent une pluie providentielle.
Les voiles se gonflèrent et la nef reprit son chemin à vive allure

Les survivants étaient sauvés et purent rentrer au port quelques temps plus tard

On raconte beaucoup d’ histoires dans les tavernes des ports des Royaumes
Même celle d’un vieux marin un peu fou et repentant
Contant à qui veut l’entendre le récit de la malédiction d’un albatros…



le couple était resté longtemps ainsi, sans bouger, même après que le conteur eut fini le récit de cette terrible malédiction , comme si la brume qui les enveloppait de son voile humide les protégeait du monde extérieur.
Puis ils étaient redescendus dans leur cabine, leur cocon, afin de se consacrer entièrement au centre de leur monde actuel : le ventre bien rebondi de Bellha, abritant un petit locataire qui donnait parfois de ses nouvelles, par de petits coups donnés à la porte de son domaine si douillet, au grand plaisir de ses parents.




* «  Et jour après jour, jour après jour
Nous restions figés , sans bouger
Aussi figés qu’un bateau peint
Sur un océan peint »

Extrait du poème «The  Rime of the Ancient Mariner » de Samuel Taylor Coleridge (1897)

(que l’auteur, du fond de ses limbes, me pardonne de mon adaptation un peu légère de son oeuvre)
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Bellha
Quand elle avait rencontré Dom, elle l’avait mal jugé au départ. Faut dire qu’il ne montrait pas trop d’ouverture caché sous sa sempiternelle capuche. Mystérieux, peu bavard sauf lorsqu’il racontait une de ses histoires dont lui seul avait le secret, Dom avait tout de même su capter son attention d’un seul regard. Sans toutefois complètement se départir de sa carapace, Dom s’était ouvert à elle et la jeune rousse avait petit à petit apprivoisés les secrets qu’il dissimulait sous sa capuche.


Quoi qu’il en soit, rare étaient les fois où le beau conteur d’Étoiles avait parlé de son passé, ses conquêtes ou même de ses enfants. C’est au compte-goutte qu’elle avait appris qu’il avait eu quelques déboires par le passer, c’est en voyageant qu’elle avait fait la rencontrer de certains piliers de son passé, tel que sa sœur de cœur Colombe, ou la belle Nanane de qui elle s’était rapidement lié d’amitié, ou encore Mathys, qui voyageait d’ailleurs avec eux en compagnie de sa femme.


Mais jamais, jamais Dom ne se laissait aller en confidences sur les femmes qu’il avait aimées, et les enfants nés de ses précédentes unions.


Il se tenait là, appuyé au bastingage, vérifiant ses lignes dans l’espoir d’avoir attrapé au moins un poisson. Et elle, non loin derrière, soufflant sur une plume de pigeon qui venait de lui chatouiller le bout du nez en tombant du ciel, comme par magie. La jeune femme savait que son bel encapuchonné ne prenait pas tout son temps à la pêche que pour le plaisir de la chose, mais bien aussi parce qu’il avait besoin de se petit moment, seul avec lui-même, a cogité sur ses petits souvenirs intimes.


Parfois il se retournait et lui décernait un petit clin d’œil satisfait et elle lui retournait un sourire charmeur sans pour autant s’approcher plus que ça, respectant un pacte non avoué. Une promesse solennelle de liberté chèrement acquise, dont elle n’aurait jamais voulu l’en privé. Elle le laissait vaquer à ses occupations, pour une fois que le sort ne s’acharnait pas contre lui, elle aurait bien égoïste de l’en empêcher.

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Domdom
«A vieille carte, nouvelle épave» *

[ lundi 8 décembre 1462 (cinq siècles et des poussières, avant qu’on sache qu’un lundi au soleil, c’est une chose qu’on n’aura jamais) : dixième jour du voyage ]


Le lendemain, le brouillard poisseux s’était évaporé comme un mauvais rêve qui disparaît au réveil.
Les deux navires escortant La Narbonesa étaient à nouveau présents, fidèles au poste, presque bord à bord, voguant sous un ciel bleu délavé par un pâle soleil d’hiver.
Encore heureux qu’il n’y avait pas eu de collision entre eux dans la purée de pois de la veille !

Les collisions ,c’était plutôt l’apanage de Domdom, ces derniers temps.
A croire que sa bonne étoile l’avait abandonné dès qu’il avait posé les pieds sur ce rafiot.
C’est en sortant de la cabine du bosco Isarol, qui venait de refaire le pansement à son bras, que l’encapuché se prit la porte de la cabine du commodore en pleine face, porte que le captain Jeff avait ouverte un peu trop vigoureusement.
Et Paf !
Le bras blessé n’avait rien pris, fort heureusement, mais c’est le nez du conteur qui éclata sous le choc.
Un beau flot vermillon en jaillit, vite endigué par les soins rapides du capitaine et du quartier maître.
Un peu plus tard, le grand brun sirotait un bon verre de gnôle bien revigorante, le nez en patate, discutant en nasillant un peu avec le commandant de bord dans sa cabine.

Le passeur d’histoires aimait cet endroit, sobre, mais chaleureusement agencé.
Surtout la table de travail du capitaine, avec toutes ces cartes maritimes et les instruments de navigation qui le jonchaient.
Le commodore Jeff lui avait conté mille et une anecdotes concernant les cartes maritimes, leur donnant une âme, avec une histoire qui leur était propre.
Domdom l'écoutait, les yeux brillants, se sentant invité privilégié de ce monde fascinant et mystérieux dont il n'aurait jamais soupçonné l'existence.

Il lui avait confié par exemple, que la première chose que faisaient les navigateurs espagnols et portugais, une fois rentrés de voyage ,était d’aller trouver les cartographes royaux, afin de les aider à mettre à jour les cartes existantes en fonction de leurs derniers calculs et observations.
Et ceci, avant même d’aller retrouver leur famille.
Ils appelaient ce genre de cartes des portulans

Il lui avait dit aussi que ces mêmes cartographes étaient condamnés à mort s’ils divulguaient à quiconque les informations confidentielles qu’ils manipulaient tous les jours, dans le cadre de leur activité.

Dom aimait se pencher sur ces parchemins aux enluminures un peu défraichies, suivre le ciselé des contours des côtes, les flèches signalant les différents sens des vents , les roses des vents ou angelots stylisés et les diverses autres indications ésotériques pour un béotien comme lui .
Il se répétait d'un air rêveur les noms des ports , des caps , des baies, écrits en caractères presque illisibles.
Ou bien, ces côtes et îles, dont il avait entendu parler dans les récits des anciens, le soir à la veillée : Malte, Libye, Chypre …une vraie invitation au voyage, à la découverte et à l’aventure !

Enfin, le captain lui avait expliqué que sans carte, l’accès au port d’Alexandrie serait très dangereux, du fait de la présence de hauts fonds qui pouvaient endommager les bas de coque des navires à chaque fois.
Chose qui arrivait souvent, du fait de la présence de bancs de sable qui bougeaient sans arrêt.
La mer est sans pitié pour qui lui manque de respect…
Ces paroles prenaient tout leur sens à la lumière de ces explications.

Malgré ses mutiples déboires depuis le départ, le rapport du brun avec la mer avait changé : elle commençait à l'envoûter petit à petit, que ce soit de ses somptueux atours de princesse, ou bien de ses colères de sorcière.



* Anne Aunime
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Domdom
«A l'avant du navire
Se tiendra notre mort
Si simplement
Que nous n'aurons pas peur
Nous devions mourir dans le port
Et nous voilà en pleine mer. » *



[ mardi, neuvième jour de décembre de l'an 1462 (donc 821 ans après la prise d'Alexandrie par les Arabes) : onzième jour du voyage ]



Branle-bas de combat !
Voile droit devant !
A fait du surplace durant deux quarts !


L'ordre du commodore avait claqué comme une voile dans le vent et chaque occupant de « La Narbonesa » s'était rué en cale ,là où se situait l'armurerie de bord.
Aidé de sa rousse d' amour , le grand brun avait enfilé un gambison en grimaçant de douleur lors du passage de son bras blessé dans la manche de la tenue protectrice.
Comme armement, il n'avait pris avec lui que sa Colinette (du nom de Colineau, troubadour Annecien qui la lui avait fourguée à vil prix) ,sa fidèle épée qui ne le quittait plus depuis de nombreuses années.
Avec un seul bras valide, il ne pourrait pas prendre Drag', son bouclier qui l'avait pourtant sauvé maintes fois, lorsqu'il combattait en Lotharingie.

Tous scrutaient l'horizon en voyant un navire inconnu fondre sur eux toutes voiles dehors.
Les trois bateaux se mirent en éventail, afin d'obliger le nouvel arrivant à les contourner .
La tension était palpable, car ils savaient qu'avec le peu de défense qu'ils avaient (avec un éclopé et deux femmes enceintes à bord qui plus est), ils n'auraient aucune chance s'il s'agissait de pirates qui tentaient de les arraisonner.

Armes en mains, ils purent assister, sans pouvoir intervenir, à la prise en chasse de la caraque qui se situait à bâbord par le bateau ennemi .

C'est complètement désemparés qu'ils observèrent le « Megalodon » , cible choisie par le navire ennemi, virer complètement de bord et faire voile vers le nord est, entrainant son poursuivant dans son sillage.

Domdom interpela le capitaine, lui demandant pourquoi eux mêmes ne prenaient pas en chasse le poursuivant, pensant qu'à trois contre un , ils seraient en position de force, mais ce dernier le rassura en lui affirmant que le capitaine dénommé Merer, qui dirigeait le « Megalodon » savait ce qu'il faisait.

Une fois les deux navires devenus des points minuscules à l'horizon, chacun reprit ses activités, gardant cependant son armement non loin, en cas de retour inopiné du vaisseau querelleur ou bien d'arrivée d'un éventuel complice.

Mais tout le monde semblait nerveux, éprouvé par cette rencontre qu'ils auraient préféré éviter, ayant maintes fois entendu parler de bateaux de voyageurs comme le leur , coulés par des pirates turcs en pleine Méditerrannée.

Décidément, après la tempête, les blessures, la grosse mer le rendant malade, c'était au tour d'éventuels pirates d'égayer son voyage vers la « Perle D'Orient «  qui se faisait tant désirer.


* Marie laure de Noailles
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Jefflebarde
Dès potron-jaquet Jeff sauta de sa branle ; s'étira et monta sur le pont.
L'immense phare n'avait pas bougé ; il dominait le port majestueusement.
Le soleil levant avait pointé depuis un moment déjà et le quartier du port si calme durant la nuit contrastait avec l'activité incessante des pécheurs qui allaient et venaient de-ci de-là les quais et leurs petites embarcations irisées


Une fois en bas de la passerelle, le Commodore fila droit vers la première habitation qu'il pensait être une taverne il manqua de se faire renverser par un chameau et donna une piecette au mandiant qui se tenait devant l'entrée et entra.

Jeff avait été surpris de l'enseigne, écrite en Anglois " Traveller's Stopping Place " mais une autre de style arabique à coté lui rappela qu'il était bien en Egypte.
" M'lèr in'irh" Plus tard dans la journée, quand il revînt au rendez-vous fixé avec ses compagnons des autres navires, le propriétaire lui donnera la signification toute simple " C'est bon ici "
Pour sûr que c'était bon, il salua en entrant mais le repaire était vide.


Salam alicoum ! Tout content de lui de répéter ce qu'on lui avait traduit un jour en croisant à Narbonne un voyageur.

Des tables basses, des coussins, des tapis, des tentures, un espèce de comptoir, mais pas âme qui vive icilieu.
Tant pis, Jeff s'en retourna sur son navire : une journée ne pouvait commencer pour lui sans avoir ingurgiter un bol de lait au miel et une belle miche à dévorer...

Une fois prêt à découvrir de plus près cette ville orientale, Jeff se rendit d'abord à la Grande Bibliothèque d'Alexandrie : érudit qu'il était il voulait voir_ de ses yeux voir..., la Fameuse qui gardait comme des trésors des livres anciens, très anciens...
Hélas, un molosse, armé jusqu'au crocs barrait l'accès à ce temple et il ne pu y pénétrer.
Jeff demanda à quelle heure ça ouvrait mais l'autre ni comprenait rien et Jeff pas mieux de ce que lui répondait le gardien des lieux.


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Shirine
C'est sourire aux lèvres que Shirine remonte sur La Narbonèsa en début d'après-midi. Accueillie par le Capitaine visiblement ravi qu'elle ait suivit les instructions dans l’optique de ne pas quitter trop tard le port d'Alexandrie.

Faut dire qu'elle en a profité, de la ville fabuleuse. Et elle sait qu'elle y reviendra un jour, à coup sur. Elle y a passé la journée de la veille, entièrement, à flâner dans les ruelles animées sous la douce chaleur égyptienne. Son seul regret fut de ne pouvoir passer la porte de la bibliothèque, la fameuse. Elle était pourtant étudiante, elle s'était habillée avec une tenue du coin qu'elle avait acheté exprès, elle avait laissé ses armes sur le bateau... Mais rien. Le chien de garde de l'entrée n'avait pas été disposé à la laisser entrer. Ils manquaient cruellement de manières et de politesse dans le coin.
Alors à la place, elle avait passé sa journée au souk et à aller ramasser des herbes médicinales. Elle avait espéré trouver quelques simples exotiques, mais rien de très dépaysant dans ses trouvailles...

Bref, même si la ville était sublime, elle manquait cruellement d'attraction pour retenir les gens plus de quelques jours...

De retour à bord, toujours aucune trace du courrier tant attendu. La rouquine ne comprend pas vraiment le message qu'Estuardo essaye de lui faire passer en ne lui répondant pas. Elle s'accoude au bastingage, dans un coin, admirant la sortie du port et le phare, puis l'horizon. Elle allait rentrer à Nîmes pour remettre quelques affaires en ordre puis repartir. A quoi bon rester quand l'amour ne peut plus vous retenir... ?

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