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[RP] Pomme de rain'ette et pomme dapi ! Ma raine à moi

Spirit_a.
[Languedoc, Novembre 1461]

La môme avait fêté ses 7 ans clouée au lit, et dans un état qui faisait douter son père - entre autre - de sa vie future. Sa faiblesse et sa fragilité lui avait fait frôlé la faucheuse. Elle n'était plus qu'un tas d'os, d'une pâleur à faire peur. Mais elle était toujours bien vivante. Remise sur pied, on lui avait dit qu'elle aurait le droit de manger tout ce qu'elle voudrait jusqu'à ce qu'elle retrouve son poids d'antan. Ce à quoi elle ne manquerait pas de profiter. Elle avait le droit depuis quelques jours de quitter son lit et de faire quelques pas dans la chambre. On lui avait apporté des missives d'amis, qu'elle avait lu avec plaisir et auxquelles elle avait répondu. Jusqu'à ce que se fasse jour dans son esprit un cruel manque qui lui fit appeler son père en criant.

PAPA !! j'ai pas eu de missives de 'Line dis ? Ni toi ? T'as de ses nouvelles ? Elle devient quoi ? J'veux la voir !

Oui oui, tout ça en une seule et même phrase, en un seul souffle. Spirit dans toute sa splendeur. Et ses 'je veux' de princesse avait pour excuse sa longue convalescence, et l'inquiétude de son père qui lui cédait tout - plus encore que d'habitude - et c'était pas peu dire ! Il nuança tout de même l'envie spiritienne en lui conseillant de lui écrire. Maintenant qu'elle savait manier la plume et déchiffrer ses signes étranges que formaient l'alphabet autant qu'elle s'en serve non ? Son père la plaça devant un bout de parchemin, avec plume et encrier - transformer son paternel en serviteur c'était beau nan ? tout le monde a le droit de rêver après tout.

Ainsi installée, la blondinette fixait sa plume d'un air absent. Lanceline de Valdesti. La jeune femme la plus gentille qu'elle avait sans doute connu. Sa sauveuse à elle. Celle qui avait accepté d'être sa marraine devant le Très-Haut. En somme une femme tellement importante dans la vie et dans le cœur de la môme que la distance, la séparation et le silence qui s'en suivait la rendait étonnamment triste et inquiète. Et si 'Line ne l'aimait plus ? Et si elle l'avait oublié ? Et si quelque chose lui était arrivé ? Et si et si et si... Finalement, la gamine, soudainement grave et sérieuse se pencha sur le parchemin, et trempant plume dans l'encrier entreprit la rédaction d'une des missives qui lui tenait le plus à cœur. L'écriture était celle, appliquée mais encore incertaine d'une jeune demoiselle venant d'apprendre à se servir d'une plume et à retracer les signes complexes de l'alphabet. Avec quelques fautes d'orthographes disséminées de ci de là parce que bon... elle ne pouvait pas tout savoir encore la pauvre gamine.




De Spirit Von Zweischneidig Kenway
A Lanceline de Valdesti

Ma raine,

ça commence à faire longtemps maintenant. Je n'ai pas pu assister à ton mariage et je suis désolée. Je te demande pardon. J'ai été très malade. Papa dit que je suis trop fragile. Il dit aussi qu'il a eu très peur. Mais ça va mieux. Et comme ça fait longtemps et que tu me manques, et bin, je m'inquiète un peu. J'espère que tu vas bien ma 'Line. Tu sais, je pense très fort à toi, et j'ai toujours le dessin des trois ronds que tu m'avais donné quand j'étais toute seule avec toi. Et les rubans aussi. Mais y'a personne pour me coiffer et je sais pas faire toute seule.

On est en Languedoc pour l'instant. Parce qu'on m'a dit que l'air du sud c'était bien pour moi. Je sais pas trop pourquoi mais c'é pas grave. Je m'ennuie un petit peu. J'espère que tu oras cette missive et pis que tu me répondras. Parce que si tu me réponds pas ça veut dire que tu m'en veux, et j'espère que tu m'en veux pas. Parce que je serais très criste parce que moi je t'aime très beaucoup. Et j'aimerais beaucoup te revoir aussi. Faudra vraiment que je me fasse baptiser aussi, et j'espère que tu veux toujours bien être ma ma raine et Arnaut mon pa rein parce que j'en veux pas d'autres ! J'espère vous allez bien tous les deux !

J'attend de tes nouvelles. Et papa aussi. Parce qu'il t'aime bien lui aussi en vrai, même si il aime pas cro le dire.
Gros bisous ma 'Line. Mais pas de bisous à Arnaut parce qu'il aime pas cro ça !
Ta Spirit.


La missive pliée avait été remise à son père qui s'était chargée d'aller la porter à qui devrait l'emporter. Il ne restait plus qu'à la mioche d'attendre la réponse. Et au vu de sa patience légendaire, son père serait ravie de recevoir cette fameuse réponse également. Réponse qui mettrait fin au "alors ? elle a répondu ? ah..." incessant et répétitif. Au moins un par heure, sinon, ce n'est pas drôle. Impatience, impatience...
_________________
Lanceline
[Novembre, Bordeaux.]

Il aurait pu pleuvoir. Mais non. Le temps restait désespérément gris et maussade. Mais de pluie, pas la moindre goutte d'eau. La Blonde soupira, avant de se détacher de la fenêtre. Il faisait lourd, froid, mais rien ne tombait du ciel. Un peu comme s'il refusait, comme elle, de véritablement pleurer la mort d'Arnaut.

Lanceline demeurait à Bordeaux, errant comme une coquille vide dépourvue du bernard l'ermite qui l'habitait. Les seules fois où elle semblait s'éveiller quelque peu, c'est quand son fils réclamait son attention pour lui apporter un quelconque objet, ou autre chose du genre. Alors elle souriait, un peu, attendrie, avant de retomber dans sa léthargie. Il semblait désappointé, et elle ne s'en rendait pas vraiment compte. « Vous savoir distante, ne serait-ce que d'un demi-pied, me tue », lui avait-il dit un jour. Et pourtant, elle ne s'était éloignée que le temps de donner naissance à leur fils. La Blonde cherchait, désorientée, où elle avait fauté. Mais elle ne trouvait pas. Bien évidemment qu'elle ne trouvait pas, puisque c'était là la malédiction qui entrait en jeu. Et nul ne pouvait la contourner. Même pas cet homme qui s'était cru plus fort puisque le Très-Haut était avec lui.

Sa dextre se serra, comme à chaque fois qu'elle était en colère. Elle pinça les lèvres, se retint pourtant de crier toute sa détresse de veuve qu'elle était désormais. Gabriel était là, et elle devait être forte. Pour lui.


- Madame...

Même Suzane avait cessé de l'appeler « Mam'zelle ». Comme si elle respectait un temps sa condition d'épouse éplorée.

- Oui, Suzane.

Même son ton d'ordinaire si chantant s'était fait terne. L'histoire se refaisait, mais jamais de la même manière.

- Madame, vous avez reçu une lettre.
- Je n'en veux pas.
- Madame...


La servante fit un pas vers sa maîtresse, hésitant à dire ce qu'elle aimerait exprimer. Puis elle se lança tout de même, parce que c'était Suzane et qu'elle n'avait pas la langue dans sa poche :

- Madame, vous couper du monde n'est pas une bonne chose. Les gens veulent de vos nouvelles, et...
- Bon. Donne.


La Valdesti tendit sa dextre d'un geste las, dépliant la lettre. Elle la parcourut rapidement, avant de prendre la peine de le lire vraiment : les mots n'avaient pas atteint son cerveau, n'avaient aucun sens.
Était-ce possible que Spirit pense encore à elle ? Était-ce possible que, surtout, la vie semble avoir continué comme si rien ne s'était passé ? Peut-être était-ce là le plus grand drame de la Balafrée : hormis elle, peu avaient été touchés de la mort de son brun. La vie suivait son chemin paisiblement, se contentant d'en écarter ceux qui n'avaient plus rien à y faire.

Sans pouvoir s'en empêcher, elle eut un sanglot. Spirit...

Un peu plus tard, elle prit la plume pour lui répondre à son tour.


Citation:
De moi, Lanceline de Bazaumont,
À toi, Spirit de Zweischneidig Kenway,


    Ma filleule.

    Comment pourrais-je en vouloir à une fillette comme toi ? Je suis sûre qu'Arnaut non plus ne t'en voudrait pas. Tu n'étais pas à notre mariage, mais ce n'est pas grave... J'espère simplement que tu es complètement remise aujourd'hui.
    Je suis heureuse que tu aies toujours mon dessin, et mes rubans. Si tu veux, je t'apprendrai à te coiffer avec, un jour.

    Je crois comprendre que c'est toi qui as écrit cette lettre. Je suis fière de toi, et de voir les progrès que tu as fait en peu de temps ! J'espère que Gabriel apprendra vite, lui aussi.
    J'imagine ta frimousse plissée. Qui est Gabriel ? Notre fils, à Arnaut et moi. Ce sera un beau jeune homme blond, aux yeux noirs, comme son papa. J'espère qu'il aura aussi un peu de son caractère. Pas beaucoup, juste ce qu'il faut d'impertinence et de confiance en soi. Un beau parleur, parce que cela plaît aux filles. Qu'il fasse des promesses, mais qu'il les tienne, sinon ce n'est pas drôle.

    Quant à ton baptême... Bien entendu que je veux toujours être ta marraine. Pour Arnaut, cela risque d'être un peu plus compliqué... Sauf si ton curé accepte les parrainages célestes. Le Très-Haut a décrété que son temps ici-bas était fini et l'a rappelé auprès de lui.
    Il te faudra donc trouver un autre parrain...

    Ne m'en veux pas d'être aussi brutale.

    Je t'embrasse, ainsi que ton père.

    Lanceline.


Elle n'aurait pas voulu être aussi crue. Mais la mort lui semblait bien étrange, à la suivre pas à pas, lui ôtant tous ceux qui lui étaient chers sans oser la toucher elle. Comme si elle craignait quelque chose, que la Blonde ignorait.

Elle rendit la lettre à Suzane qui alla la remettre au coursier.

Puis, elle se leva et alla auprès de son fils. S'accroupissant à sa hauteur, elle lui tendit les bras. Et, dans un joli sourire :


- Viens.

Elle voulait l'avoir contre elle et, enfin, passer un peu de temps avec lui. S'oublier dans la joie d'avoir quelqu'un à serrer dans ses bras.

L'aimer, tout simplement.

_________________
Spirit_a.
[Novembre, Languedoc]

Durant le temps que sa missive parvienne jusqu'à Bordeaux, la môme était sortie, et elle avait rencontré des enfants de son âge. Ou presque. Deux garçons qu'elle voyait de temps à autre, avec qui elle jouait, riait, retrouvait sa joie de vivre enfantine qui la caractérisait si bien. Cela permettait à son père de se reposer pendant ses absences, et de respirer aussi - puisque tous ceux qui ont supporté la gamine trois jours de suite dans leur vie savent à quel point elle peut être fatigante parfois. En somme la blondinette retrouvait le sourire, la joie, la bonne humeur, ses frères et ses sœurs ooooh ooooh et c'était le bonheur euur !

Elle rentra en début de soirée ce jour là. Son entrée à l'auberge, puis dans la chambre se fit, comme toujours, en courant et elle bondit sur son père pour l'embrasser, malgré ses joues rougies par le froid, et ses lèvres toutes froides. Puis la reposant, il lui offrit ce sourire qu'il n'adressait qu'à elle, et lâcha :


Tu vas être contente, tu as reçu du courrier.
Ouaiiis cro chouette ! C'qui ?
Et bien va voir. Elle est sur le bureau, là.


Ni une, ni deux, la môme bondit vers le bureau et s'empare du trésor du jour, l'ouvrant rapidement et attrapant en premier lieu le nom de l'expéditeur. A sa vue, le sourire s'agrandit davantage et la môme offre un énorme et joyeux

C'est 'Line !!

Et comme il s'agit de Lanceline de Valdesti, la môme grimpe sur la chaise, s'assoit correctement, pose le vélin à plat sur le bureau, et entame une lecture encore lente dû au manque d'expérience et de pratique. La lecture commençait bien. Si elle buttait quelque fois sur des mots un peu longs comme "complètement", 'Line la rassurait. Et elle était ravie de lire qu'elle ne lui en voulait pas. Les bonnes nouvelles s'enchaînaient. 'Line était devenue mère. Elle avait un petit garçon. Et puis, vint le moment crucial, et cruel. La môme n'avait pas compris l'euphémisme de "parrainages célestes" qui en soit était une expression un peu compliquée pour la demoiselle. Elle avait plissé les yeux, et prenant le papier dans ses mains l'avait rapproché de ses yeux. Puis... la missive lui tomba des mains et voleta jusqu'à retomber mollement sur le bureau, laissant une Spirit immobile, aux yeux grands ouverts, fixant le mur.

Non, ce n'était pas possible. Ce n'était pas vrai ! Arnaut ne pouvait pas être...


Mort...

Lanceline n'était pas une menteuse, et c'est la seule chose qui fit que l'enfant parvint à s'avouer vaincue. Arnaut était mort... Une larme roula sur la joue enfantine. Elle se souvenait de leur rencontre. Tonitruante rencontre. Arnaut n'aimait pas les enfants. Il aimait encore moins les petites filles. Arnaut, son assurance, ses vérités criantes et blessantes, son amour pour Lanceline, sa lente acceptation de la gamine. Arnaut le taureau. L'infatigable, l'invincible, le tempétueux Arnaut. La larme fit son trajet sur la joue, trembla vers le menton, et tomba sur le parchemin, venant flouer, effacer ces mots de malheur. Il n'était plus. Il était parti avant que la gamine n'ait réussi son défi, son pari. Il était une des rares personnes a lui montré une véritable méfiance, à lui montrer indifférence voir mépris. Pourtant la môme, piquée au vif s'était promis qu'un jour, elle arriverait à se faire aimer de lui. Elle avait échoué. Il était parti avant qu'elle n'ait le temps d'y parvenir. Tout comme Cillien, sa mère. Double échec. Une mort qui venait remué un couteau dans la plaie encore ouverte de la disparition maternelle. Une mort qui venait la priver d'un être qu'elle avait pris en affection. En admiration.

L'enfant délaissa le message porteur de tristesse, et se réfugia dans les bras de son père, dans lesquels elle passa la nuit. Elle avait besoin de ce contact, de sentir cette présence, pour lutter contre le vide qu'amenait toujours avec la Grande Faucheuse. Bien que jeune, l'enfant ne la connaissait que trop bien. Le lendemain matin, elle s'attela à la réponse. Elle n'eut pas ses réflexions d'adultes qui se demandent ce qu'ils peuvent dire en pareil circonstances. Elle écrivit, simplement, avec son cœur, et avec tout l'amour qu'elle portait à Lanceline, une brève missive.




De Spirit Von Zweischneidig Kenway,
A Lanceline de Bazaumont,

Ma 'Line,

Je suis désolée. ça m'a fait de la peine, alors je sais que tu dois être très triste. J'aimerai venir te voir, avec papa. Est-ce que tu veux bien ? On pourra t'aider peut-être. Faut pas rester seul dans ces moments là. Je le sais parce que quand mère est morte... j'étais contente d'avoir des amis avec moi.

Je suis quand même contente pour ton bébé. Et pis Gabriel c'est un vachement jouli prénom je trouve. Il doit être très beau. J'aimerais bien le voir aussi. J'adore cro les bébés ... ! Et pis faut que tu m'apprennes à me coiffer.

On pense fort à toi, tous les deux
On t'embrasse fort, ainsi que Gabriel.
Ta Spirit


Alors oui, Spirit renversait le problème. Oui, elle commençait par le problème et tentait de terminer sur une note plus positive. Oui c'était certainement très maladroit. Mais l'intention y était. Elle ne voulait pas laisser Lanceline seule. Et quoi que celle-ci puisse répondre, elle irait. Parce que Spirit c'était aussi un entêtement à faire plier de découragement un âne bâté ! La missive fut apporté aux personnes dont le métier était de s'occuper de ça. C'était parti pour un nouvel aller-retour pigeonnier. En espérant obtenir de meilleures nouvelles à la prochaine réponse...
_________________
Gabriel_de_valdesti
[Novembre, encore. Bordeaux, aussi.]

Assis sur la terre battue de la cour, Gabriel observait une fourmi. Et cela s’avérait une expérience fascinante. La bestiole portait une miette de pain qui faisait deux fois son volume. Le jeune enfant, du haut de ses quatre ans, n’arrivait pas à comprendre comment cela était possible. Lui avait pourtant essayé de porté de telles charges et le résultat c’était toujours avéré catastrophique.

L’enfant, perdu dans sa contemplation n’entendait plus la servante s’époumonant dans les couloirs de la demeure. Heureusement parce que sinon, il aurait pris peur et se serait caché. Car le petit homme était craintif.

Voyant un petit colibri lui passer devant le nez, il essaya de l'attraper avec insuccès, évidement. Tant pis, il voulait aller voir sa maman. Il cueillit une fleur, comme Suzanne le lui avait appris :


M'sieur Gabriel, vous voulez faire plaisir à M'dame Lanceline ? Cueillez-lui une fleur comme ceci.

Et elle lui montrait une pâquerette en rajoutant à voix basse ce qu'il n'avait pas encore réussi à décrypter :


Elle en a bien besoin la pauv' dame.

De quoi avait-elle besoin, qu'est-ce que cela voulait dire ? Il n'aimait pas du tout ce genre de remarques qui l'angoissaient à un point tel qu'il se mettait à pleurer.

Mais bref. Gabriel avait donc pris une fleurette et s'était infiltré jusqu'à sa mère, sans que personne ne l'ai vu. Elle était occupée à faire quelque chose pour les grands sur ce qu'elle appelait son bureau. Aussi il préféra juste lui tirer doucement sur la robe en lui tendant son présent. Et elle de sourire et de prendre son cadeau. Elle avait l'air triste. Il aurait voulu la consoler mais il se demandait si ce n'était pas de sa faute parce qu'il n'avait pas été très gentil avec la jeune fille qui s'occupait de lui. C'est pourquoi il ne se sentait pas à l'aise pour la consoler.

La laissant terminer son labeur, il se mit à jouer avec un petit cheval de bois, son jouet préféré. Quelques minutes plus tard, sans crier gare, Lanceline le prit dans ses bras.

Il ne voulait être nulle part ailleurs.

_________________
Lanceline
[Novembre, Bordeaux.]

Des jours avaient passé. La douleur était toujours là. La 3B -Belle, Blonde, Balafée- (d'ailleurs, on pouvait rajouter un quatrième B pour « Bazaumont ») ne dormait que peu. Quoi que cela ne changeait pas de d'habitude. Simplement, elle avait trouvé entre ses bras un peu de répit... Qui n'avait pas duré longtemps.

    « Is it hard, to go on ?
    Make them believe you are strong
    Don't close your eyes »

    Aaron, Endless Song.

Elle leva les yeux au plafond, avant de les reposer sur le bureau. La fleur avait fané. Tout se fanait en ce monde. Tout. Elle non plus n'échappait pas à la règle. Au moins avait-elle été épargnée de voir leur amour se flétrir petit à petit, perdant ses pétales comme la rose jour après jour. En cela, elle remerciait le ciel... La Blonde avait espéré être libre de cette malédiction, mais une fois de plus, elle avait pu déchirer ses illusions. Et quand bien même elle se disait que leur amour aurait duré toute la vie, même « au-delà », comme ils aimaient à le répéter, en quoi cela pouvait-il être une consolation ? La vie était faite pour que les hommes souffrent, rient, aiment, et meurent, enfin, exténués par cette longue course-poursuite après un temps qui s'échappait et qui n'était jamais récupéré.

- Ma Dame...
- Suzane ?
- Une lettre.


Elle tendit sa dextre, toujours assise, lissant machinalement sa robe de l'autre main.
« Arn... » Non. Ce n'était pas Arnaut. Ce ne serait plus jamais Arnaut. L'attente de ses lettres, de son retour était finie, à jamais.
Se mordillant la lettre, elle lut. Et répondit.


Citation:
De moi, Lanceline de Bazaumont,
À toi, Spirit.


    Salut.

    Je sais que tu es comme moi, et que si me rejoindre est ce que tu as décidé de faire, alors je ne pourrais pas te faire changer d'avis.
    Peut-être est-ce mieux, d'ailleurs. Après tout, tu sauras plus vite comment bien te coiffer, comme cela !

    Nous vous attendons donc.

    Sois prudente sur les routes.

    Lanceline.

Pas plus que cela. Spirit et Ernst seraient bien accueillis. Elle restait une bonne hôte de maison, ou du moins, essayait.

- Suzane. Arrange-toi pour que Spirit ait cela au plus vite.
- Oui, ma Dame.


La pauvre gouvernante se retrouvait avec beaucoup de travail sur les bras, beaucoup de domestiques étant partis aussitôt Arnaut mort. Comme s'ils craignaient ne plus pouvoir être payés... Relevant la tête, la mère sembla s'affoler un instant.

- Gabriel ! Où est mon enfant ?!

La nourrice accourait déjà pour présenter son fils à Lanceline. Qui se détendit. Il allait bien.

[Est-ce dur, de continuer ?
Fais-leur croire que tu es forte
Ne ferme pas tes yeux]

_________________
Lanceline
[Novembre, Bordeaux.]

La Balafrée venait de rentrer de promenade avec son jeune fils. Elle ne voulait pas passer autant de temps qu’avant dans les murs qui avaient vu la déchéance d’Arnaut. Elle l’avait laissé dans la cuisine, avec la nourrice qui s’occupait de le faire manger, et s’était dirigée dans sa chambre, ôtant la cape qui reposait sur ses épaules et la délaissant sur le grand lit.

- Ma Dame…

Elle s’était dirigée vers la fenêtre, regardant le vent emporter les feuilles qui jonchaient le sol. Suzane s’approcha de l’écritoire, imperturbable, et prit les quelques lettres qui y étaient.

- Vous avez du courrier, ma Dame. Le maire qui vous demande de la farine. Une lettre de Laguian. Une d’un inconnu. Et la dernière… D’un rhénan au nom impossible, ma Dame.

La Blonde tourna à demi la tête, s’approcha de la gouvernante et lui prit les lettres des mains. Les parcourant des yeux, elle commenta.

- Les paysans se plaignent du prix trop élevés du champart. Apparemment, il serait moins élevé dans d’autres seigneuries de Pardiac. Eh bien ! J’irai leur rappeler qui décide. Arnaut déteignait encore sur elle. … Et j’en profiterai pour ramener de la farine pour ce bon maire. Oh, tiens. L’on a cru que je pouvais fournir des pelles… Elle eut un sourire amusé, avant de reprendre. Amusant. Et…

Elle se tut. C’était bien le Von Zweischneidig. Quelques souvenirs lui vinrent immédiatement en tête, mais tous la ramenaient à Arnaut. Le « au revoir, messer von Valdesti », qu’elle lui avait dit avant de partir pour Eauze visiter sa sœur alitée. « Je trouve la situation étrange, tout de même… Arnaut est parti sans même me prévenir, et lui que je ne connais qu’à peine, me dit qu’il m’attendra… » … Et maintenant, elle était Lanceline de Bazaumont. Et son enfant, leur enfant, Gabriel Arnaut Parfait de Bazaumont…

Citation:
Très chère Lanceline,

J'ai longtemps hésité à vous écrire cette lettre. Sachez que je suis attristé par la disparition d'Arnaut. Bien que je fus jaloux de lui et des liens qui vous unissaient, je ne peux que regretter son décès.

Je n'ai pu vous écrire plus tôt car Spirit et moi sortons depuis d'un sanatorium languedocien dans lequel nous nous étions reclus. Spirit avait une santé bien trop fragile pour que nous continuions à voyager. Je me suis aperçu que, moi-même, j'avais besoin d'une longue période de repos.
Ensuite, j'ai hésité à vous écrire car j'ai jugé les sentiments que je nourris pour vous trop inappropriés. Vous avez perdu un être cher et il me semblait inopportun de vous encombrer l'esprit avec mes sentiments personnels. Je prends, malgré tout, la plume pour vous annoncer notre venue prochaine à Bordeaux. A vrai dire, nous devrions être là d'ici à vendredi.

Celui qui se languit de vous,

Ernst von Z.


Elle se passa la langue sur ses lèvres, se donnant le temps de réfléchir, avant de lever ses noisettes sur Suzane qui restait là, incertaine.

- Va me chercher Gabriel.

Elle aurait dû se douter, bien évidemment, que si sa filleule venait, elle entraînerait son père dans son sillage. Agen et sa taverne au comptoir sculpté d’un « Line »…
Jalousie d’un homme pour un mort. L’histoire semblait se répéter… La Valdesti eut un sourire amer. Elle se mordilla la lèvre inférieure, réprimant ses larmes.


- Maman, maman !

Elle jeta la lettre sur son bureau, et s’accroupit pour serrer son fils contre elle, avant de se relever. Elle prit le temps de lui expliquer que bientôt, une amie à elle viendrait, accompagnée de son père. Que cette amie était sa filleule, un peu comme si c’était sa fille devant le Très-Haut. Chose étonnamment abstraite pour un tout petit, mais la Balafrée avait eu à cœur de l’initier un peu aux choses de la religion. Il ne pouvait, ne devait pas refaire les mêmes erreurs qu’elle. Il aimerait et apprendrait à composer avec ce Très-Haut, n’oubliant jamais qu’il existait.

Et puis elle avait joué avec lui, avec ses chevaux de bois, le laissant gagner sa guerre puis parader comme un chef fier de lui. Elle eut un sourire attendri, se demandant si Félix-Auguste avait fait de même lorsque la guerre avait cessé. Si Arnaut avait eu cette attitude arrogante. Assurément il l’avait eue, mais pas seulement pour la guerre ; pour les autres victoires qu’il avait pu avoir, sur elle, sur les autres, sur le temps…


- Laisser faire le temps…

« Si vous laissez faire le temps , il vous faudra m’épouser. » C’était plus ou moins ce qu’il lui avait dit. Elle avait ri, amère, comme elle riait maintenant – les rares fois où elle riait encore. À laisser faire le temps, voilà ce qu’elle avait gagné : un fils et un veuvage.
Elle avait songé à faire appel à la Corleone, mais Gabriel était la seule chose pour laquelle elle restait sur ses deux jambes. L’enfant avait droit à sa mère.

Plus tard, alors que Gabriel était couché, elle se décida à répondre.


Citation:
Je vous attends.

Lanceline.


C’était bref. Mais elle ne savait pas trop ce qu’elle devait dire, ou faire.

    Quatre mots sur un rouleau,
    Ce qu’elle a laissé
    Quatre c’est autant de trop,
    Elle sait compter…
    Quatre vents sur un passé
    Ses rêves dispersés
    Mais qu’aurait donc cet autre qu’il n’avait ?

    Libre adaptation de Quatre mots sur un piano, P. Fiori, J-J Goldman et C. Ricol.

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