Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] « Le mensonge et le silence arrangent bien ...

Amadheus

                                      ... des drames de famille. »
                                      Jusqu'à que certain y foutent les pieds.
                                      de Tristan Bernard



    - L’ont posera les affiches.

    Voix douce, éraillé, linéaire mais ferme, ainsi Ann’ avait parlé. Cela eu pour effet de faire taire les protestations et autre idée inénarrable. Certes, à mes yeux, celle-là n’en valait pas une autre mais aucune de celle émise ne me semblait plus raisonnable, alors pourquoi se fatiguer à protester. Je soupirais sans discrétion et observait les miens, rassemblée autour de la matriarche. Six. Nous sommes six têtes brunes, présidé par une septième, à se chamailler comme des enfants pour connaitre l’art et la manière d’en faire venir une huitième. Six têtes brunes et trois groupes distincts, divisé par les avis contraire quant à la nécessité de tout cela.

    Il y a les heureux. Et mon regard tomba sur Ioen dont l’enthousiasme n’avait n’égale que celui de l’hirondelle que cette affaire semblait détourner un peu de ces tourments actuels. Cela avait au moins se mérite, je devais le reconnaitre. Ensuite viennent les neutres, puis les réticents dont je fais partie sans m’en cacher.

    Quant, quelques instants auparavant, j’eu émis mes interrogation sur la nécessité de cette recherche et de ces retrouvailles, l’on m’avait seulement répondu ceux-ci.


    - Mais c’est notre sœur, ‘Dheus !

    Hum oui, c’est bien ce qu’il parait. Pourtant, je me trouvais incapable de la visualiser ainsi. Au choix, j’aurais préféré retrouver Selice, la petite volée, dont la disparition nous avez tous s’y ébranlé à l’époque. Je m’étais tue, bien-sûr, car je savais pertinemment ne pas être le seul à l’avoir à l’esprit. Mais comme bien des histoires dans la famille, celle-ci restait l’un des tabous suprêmes. Je soupirais de nouveau.

    - « Et sait-on au moins à quoi elle ressemble ? A-t-on un portrait quelconque d’elle ? Un signe pouvant mettre de la reconnaitre sans demi-mesure ? »

    Silence et papier qui se froisse. Patiemment, j’attendis comme chacun qu’Annchen eu trouvé ce qu’elle cherchait. Lentement, elle entreprit sa lecture d’une voix toujours égale.

    - Nous lui avons conservé le prénom de Roschen auquel votre mère, paix à son âme, semblait tant tenir. Pauvre gosse. C’est une jeune fille, en âge d’être une femme désormais, qui ne nous a jamais causé le moindre tord Nous n’avons pas tous cette chance. et dont nous avons longuement regretté le départ, Et moi l’arrivée. bien que sa joie de se bâtir une vie hors de nos murs nous confirmait la sagesse de sa décision. Dommage. La douceur de ces traits n’est que le reflet parfait de la douceur de son caractère et la clarté de ces yeux comme de sa chevelure, celle de la pureté de son tempérament.

    Silence.
    Que je rompis, faussement allègre.


    - « En sommes notre sœur est une sainte, aux cheveux et aux yeux clair. Suis-je le seul à ne pas me sentir plus avancé dans la manière de la trouver ? »

    Les observant une nouvelle fois un à un, je guettais leur attitude et réponse à venir.

_________________
« C'est un iceberg, celui-là, sept fois plus "con" que ce qu'on voit. »
de Jean-Marie Gourio
Edoran.
Humpf des affiches. Quelle idée, en temps normal, on usait de cette stratégie quand on recherchait des brigands et qu'on avait une description fiable. Celle qui fût lu à la fratrie, le laissa perplexe. Amadheus résuma d'ailleurs très bien sa pensée. Ils n'étaient pas plus avancé. Edoran appuyé contre un mur en retrait, regarda un à un tout les visages, certains semblaient déterminer qu'ils tenaient là le meilleur moyen, les autres comme Amadheus, n'était en rien convaincu par la méthode. Quant à lui ? Que dire, Annchen venait de trancher.

Il n'avait d'ailleurs pas prononcer un mot encore. Ils les avaient laissé émettre leurs idées, leurs arguments. Un petit brouhaha qui lui vrilla les tempes. Il se massa ces dernières et se redressa.


« C'est bien vous êtes plein de volonté de vous retrouver la re... dernière mais je pense que Amadheus a raison sur un point, avec une description aussi... légère, ça risque d’être compliqué de faire un portrait de Roschen ! D'ailleurs, vous songez aussi proposer une récompense ?! On croirait pister un malandrin.. »

Il trouve sincèrement cette idée ridicule. Aucuns d'entre eux, ne savait à quoi ressembler la jeune fille qui allait rechercher. Il jeta un coup d'oeil à Ioen qui s'apprétait à l'interrompre. Ce dernier referma aussitôt la bouche qu'il venait d'ouvrir, et Edoran put alors ajouter.

« J'aimerai pouvoir utiliser ma méthode, si tu le veux bien Annchen.. Je crois qu'on a plus de chances en jouant avec la discrétion ! »

Et c'était plus fiable, quoique plus long parfois. Il était presque certain de pouvoir compter sur Amadheus pour le soutenir et l'aider. Si Roschen se trouvait bien là où le prétendait la plus vieille des enfants, cela ne devait pas être trop difficile. Il n'y avait qu'à voir comment il était tombé sur Atropine leur nièce par hasard.
Eunice.
La Quatrième était là, se tenant debout, tout juste derrière son aînée qui assise, s'employait encore à convaincre chacun de la nécessité de retrouver Roschen tout en donnant ses dernières consignes.

Ah la Reniée ! Sujet favorable à de longues discussions. D'interminables conversations, mélanges de désaccords et de conciliations ; temps forts ou chacun avait pu faire part de son avis, de son ressenti. Mais qu'importait tout cela, personne ne pouvait renoncer à capituler face à l'ampleur de la détermination d'Annchen. Coûte que coûte, l'ordre était de rester unis.
Et à mesure de réflexion, Eunice avait fini par penser que, peut-être, ce refus d'admettre que Roschen ait pu faire partie intégrante de la fratrie puisse être une erreur qu'ils se devaient de réparer.

Aussi, avait-elle promis à celle qui au fil du temps s'était avérée être plus qu'une soeur ; une mère pour tous, de lui apporter son soutien et ce en toutes circonstances. Un soutien qu'elle eut sitôt fait, face aux réactions de chacun, de lui transmettre lorsque d'un geste sa main vint se poser sur l'une de ses épaules.
Le silence revenu après les interventions simultanées d'Amadheus et Edoran, la Rosenthals entreprit de le rompre à son tour.


    -" Allons ! Allons ! N'auriez-vous donc rien entendu de ce que vient de nous dire Ann' ? Ne nous est-il pas précisé que le prénom de la Reniée est resté inchangé ? Réfléchissez un peu ! Je doute qu'il y ait grand nombre de jeunes filles à avoir été baptisée de la sorte. Alors qu'importe que nous ayons peu d'éléments quant à sa description. Servons-nous de ce peu, et tachons donc d'interroger toutes celles dont le physique se rapprochera de ce que l'on sait, sans oublier d'évoquer le prénom de Roschen. Aurait-elle pu en changer, il est des réactions qui ne trompent pas. "

_________________
Ombe
Les derniers jours n'avaient été que souffrance, colère et déception, mais enfin, ils étaient à la maison. Blottie contre Ioen, qui avait le mérite de toujours rester égal à lui-même et de la soutenir dans sa défense de celle qu'elle nomme sa surprise, Ombe écoute sagement les autres.

Intolérante, elle ne comprend pas qu'on accepte plus facilement la fille – au premier abord désagréable au possible – d'une prostituée alors que leur ange de petite sœur n'attend qu'eux. Évidemment, si elle faisait plus d'efforts elle parviendrait à accepter les raisons d'Amadheus et d'Edoran mais elle ne veut pas essayer. Tout ce qu'elle veut c'est retrouver cette cadette qu'elle adore sans la connaître, car – phare éblouissant au milieu de la nuit – elle est la seule à lui offrir encore un peu d'optimisme.

    Les arguments se bousculent, les voix s'élèvent, les ordres claquent.
    Elle se tait.
    Les concessions se font. L'humour surgit. L'acceptation pointe le bout du nez.
    Elle se tait.

Dégoûtée par la nourriture, incapable de dormir plus d'une heure sans que les cauchemars la réveillent, elle ne se sent pas l'énergie d'alimenter le débat. Alors, tête basse, elle écrit dans son coin, indifférente d'apparence alors qu'elle ne perd pas une miette de ce qui se dit.


Voilà, lâche-t-elle finalement en poussant une affiche vers le centre de la table. Je suppose que nous pouvons commencer par placarder quelque chose ressemblant à ça... Ceci dit, n'hésitez pas à me dire si vous voyez des choses à ajouter.



_________________
Eunice.
Dévoilée aux yeux de tous, la Quatrième s'était aussitôt courbée par dessus l'épaule de son aînée pour découvrir l'affiche sur laquelle l'Hirondelle était restée penché de longues minutes. Main mise dessus, elle fit rapidement pivoter l'affiche en son sens pour en découvrir le contenu. Y avait-il alors quelque chose à rajouter ?

    -"Je pense que tu as tout dit."

Bien entendu, restait aux autres d'y aller de leurs propres commentaires.

Et les yeux restés figés sur l'affiche, la Rosenthals, songeuse, était en proie à se demander si le chemin de la réconciliation filiale qu'ils s'apprêtaient à parcourir ensemble n'allait pas être long ? Si certains s'imaginaient que tout puisse se dérouler avec simplicité, Eunice, quant à elle, avait cette tendance à pousser les choses plus loin, se préparant toujours à devoir faire face au pire.
Et qui sait comment les choses allaient se passer ? Roschen accepterait-elle seulement d'être liée à leur famille ? Rejetée comme elle avait pu l'être, deux options pouvaient se présenter :


La première : La Reniée acceptait directement la mise en relation et le lien familial qui les unirait, faisant d'elle une membre reconnue du clan Rosenthals ;

La seconde : Elle apprenait que l'on était à sa recherche et se refuserait totalement à entendre parler d'eux.

Mais quelqu'un, hormis elle, avait-il songé à cette possibilité ?


    -" Par contre, vous savez qu'elle aura surement l'occasion de découvrir elle-même cette affiche une fois que nous l'aurons placardée... Court silence le temps pour elle de relever les yeux sur chacun de ses proches. Avez-vous alors songé à la réaction qu'elle pourrait avoir en découvrant que la famille qui l'a jusqu'alors rejeté cherche à la retrouver ? "

_________________
Amadheus

    Patiemment, j’attendis mon tour. L’affiche fut inspectée par nos deux ainées, approuvée par elles avant de passer de main en main. Quand elle parvient au mienne, je ne pus empêcher ma bouche de se tordre dans un pli qui n’évoqué par la joie. En cause : La présentation. Le Rose, les fleurs, ce n’était guère à mon gout. Mais parfaitement à l’image de sa créatrice et cette pensée me fit sourire.


    - « Au moins, faites ainsi, elle n’effrayera personne … »


    Ça pouvait être un bon point ça, de ne pas être agressive. Et, alors que je tendais la première copie d’une longue lignée d’affiche à Edoran, je relevais le menton vers Numero Quatre. Sa remarque imposa le silence dans leur petite assemblée, le temps que chacun y aille de sa réflexion interne et personnel. Voulant vérifier un point avant d’émettre un avis, je quittais ma place et me rapprocha du détenteur de la Recherche et la relu encore une fois. Ne faisant, cette fois, plus attention au détail mais seulement aux termes.


    - « Encore faut-il qu’elle comprenne qui nous sommes. Pensez-vous que les sœurs lui aient dévoilé notre nom ? En ont-elles fait mention dans leur lettre ? Car autrement, rien ne lui dire dans cette affiche, ce que nous représentons pour elle et pourquoi nous la cherchons. »

    Un instant, je me grattais la joue, signe de réflexion.

    - « Peut-être le devrions nous y ajouter un commentaire quelconque destiné à piquer sa curiosité si, comme tu le penses Eunice, elle tombe elle-même sur l’affiche. Mais cela serait mentir, non ? »


    Et j’étais bien placé pour savoir qu’un mensonge, même pieu, pouvait tout gâché. J’avais pensé bien faire en masquant mon savoir auprès de la Belladonne, chacun ici en connaissait le résultat. Un soupire et je retournais à ma place.

    - « A mon sens, la laisser telle quelle est préférable. »

    A demi appuyé sur une table, les doigts croisés entre eux, j’attendis le verdict final.

_________________
« C'est un iceberg, celui-là, sept fois plus "con" que ce qu'on voit. »
de Jean-Marie Gourio
Eunice.
Leur frère disait juste, la Quatrième avait probablement parlé trop vite, pousser ses réflexions trop loin.

Elle s'éloigna alors d'Annchen, et à l'image d'Amadheus, vint trouver place de l'autre côté d'Edoran, reportant son attention sur l'affiche qu'il tenait entre ses mains.


    -" Tu as raison 'Dheus. Je le reconnais. Quand bien même il est fait allusion à notre nom au bas de cette affiche, il n'y a rien qui laisse entendre qu'elle y est rattaché. Après, je doute qu'au couvent il lui ait confié cette information. Ils nous en auraient tenus informés. Maintenant, si j'avais été à la place de la Reniée, et que j'avais à me retrouver devant telle affiche, il va de soi que je me serai de suite posée la question de savoir qui était à l'initiative de cette recherche et la première idée à laquelle j'aurai pensé aurait été la famille. Car qui, hormis la famille, aurait pu être aussi bien renseigné sur le prénom, le caractère et les aspects physique de la Reniée ? Qui d'autre, à part eux, le couvent aurait-il pu tenir informé de la sorte ? Qui, plus qu' Annchen aurait pu se soucier de vouloir la retrouver ?
    Mais je ne suis pas elle et elle n'est pas moi... Donc..."
    - Donc ?


C'est sur leur aînée à tous qu'Eunice releva les yeux lorsque cette dernière, de par son intervention, eut choisi de mettre un terme à toutes formes de délibération. Elle connaissait assez bien Annchen pour savoir que lorsqu'elle avait à couper la parole à quelqu'un, c'était pour faire part à son entourage qu'il ne servait plus à rien de parler, mais qu'il était plutôt temps d'agir.

    -" Je m'apprêtais à aller dans le sens d'Amadheus. Laissons-cette affiche telle qu'elle a été faite. "

    - Parfait ! Puisque nous sommes tous d'accord, à partir de maintenant, vous savez ce qu'il vous reste à faire. Faites autant d'affiches que nécessaire et posez-les partout où vous irez. Aucun endroit ne doit vous échapper.

_________________
Hadan
    L’indifférence vous parle-t-elle ? Ce sentiment qu’utilise un homme pour se protéger de tout ce qui pourrait le toucher, ou lui donner une once de sensation qu’il ne s’autorise pas. Lorenz était rempli d’indifférence. On ne savait pas forcément à quoi cela était lié. D’ailleurs, il était rare que l’on se pose la question. Lui-même avait appris à vivre avec.

    Il se tenait droit, et écoutait calmement la discussion bien trop agitée à son goût de ses frères et sœurs. Sa main était reliée à une laisse qui menait tout droit à Ernest. Ernest était son tableau, son œuvre d’art qu’aucun homme jusqu’à présent n’avait réussi à définir. C’était un paon. Il s’élevait devant vous, la tête redressé, et toisait du regard tous les malheureux qui lui offraient un franc sourire. Il était à l’image de son maître, c’était sans doute cela qui plaisait tant à notre Rosenthals. Quant aux couleurs… le peintre de cet animal méritait toutes les acclamations du Royaume.

    Cela faisait maintenant des jours que tout le monde en parlait, de la Reniée. L’excitation, le désarroi semblaient habiter sa famille. Il n’osait s’avouer que cela ne changerait rien à sa vie, à lui. Que de toute manière, retrouvée ou non, le soir même, il serait à nouveau chez lui, et reprendrait son quotidien, comme ci cela n’avait rien changé. Et il n’avait point si tort, cela ne changerait rien.

    Il guettait les rues, et son regard s’accrocha à une petite fourmi qui tentait de frayer son chemin entre ses poulaines. Il afficha enfin un large sourire, amusé par cette scène. Alors, il souleva un pied, pour l’aider, laissant ainsi la vie sauve à cette petite bestiole, malheureux d’apprendre qu’elle se fera surement écrasée par un ingrat qui n’aura pas pris le temps de la remarquer. Dieu, que le monde est injuste, pensa t’il. Puis, il rêvassa quelques minutes, se mettant à la place de cette fourmi qui devait vivre uniquement d’inquiétude, et de peur. Au moins, voyait-elle un intérêt à sa vie : réussir à survivre devait être si excitant, pour cette dernière.
    Enfin, notre brun parla.

    « Dîtes moi… N’avez-vous point émis l’hypothèse qu’il se pourrait que notre sœur ne veuille point nous retrouver ? »

    Il marqua une pause, les fixant, un à un.

    « Imaginez simplement qu’elle ait une famille, une demeure, et qu’elle soit lancée dans la vie. Je doute qu’une femme veuille retrouver sa famille qui l’a abandonnée au couvent. Ou alors, ne serait-ce que par curiosité, et dans ce cas, aussitôt retrouvée, nous la perdrons à nouveau. »

    C’était son message optimiste. Lorenz avait un don pour cela.

    « Quant à l’affiche, bien qu’à mon goût elle manque sincèrement de couleur, je la trouve tout à fait satisfaisante. Mais je crains qu’elle ne soit effrayée. A sa place, je le serai. Voyez plutôt : vous déambulez tranquillement dans les rues, le regard inspectant le ciel, vous demandant comment les oiseaux peuvent-ils voler si haut, et les envier de toutes vos forces, et puis, vous avez le malheur de baisser les yeux et de vous retrouver nez à nez avec une affiche qui porte votre nom avec écrit en large : « Recherchons ». Et soudain, vous avez le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal. Je fuirais, même innocent comme je suis. »

    Il pinça ses lèvres entre elles, ébouriffa ses cheveux d’une main, et plissa les yeux.

    « Mhm, Ernest nous dit qu’il est d’accord avec nous. »

_________________
Eliance
[Quelques jours plus tard]

Le trajet s'est fait. Ni bon, ni mauvais. Un voyage, tout simplement, qui l'a ramené à Annecy. Si elle porte en horreur cette ville, la pensant coupable de la venue de la Tarte auprès de son Diego, Eliance y retourne avec le sourire pour retrouver Rose, une RIB, une de ces rencontres inoubliablement belles. Mais aucun nez de Rose ne pointe sa couleur dans les ruelles qu'elle arpente, dans les auberges qu'elle fréquente. Si elle n'est pas ici, c'est dont qu'elle est là.

Là, c'est à la Boutique des sourires. Rose lui en a parlé rapidement, une fois. Ce qui lui a permis de savoir où adresser la lettre qu'elle lui a envoyé. Mais la Meringue n'y a jamais mis un pied. Ne jamais dire jamais. La cause de sa venue est double. Revoir une amie, en premier lieu, et accessoirement, clouer une affiche sur sa devanture. Le sourire de Rose, elle en a besoin. Elle a besoin de cette bonne humeur. Elle a besoin d'oublier qu'elle a abandonné sa quasi-sœur pour tenter de s'occuper de ses propres tourments. Une grande première. Et qui mieux que Rose pour aider dans cette tâche si complexe.

Besançon lui est inconnu. Elle n'aime pas les grandes cités, leur préférant leurs homologues plus confinées aux tavernes conviviales. Trouver une boutique dans ces rues qui n'en finissent pas de se croiser et se décroiser n'est pas une mainte affaire. La Ménudière marche, tourne à droite, à gauche, traverse des places, déambule dans n'importe quel sens, sans aucune logique.
Ses pieds finissent pas s'arrêter près d'une fontaine. Un poing est posé sur une hanche, tandis que l'autre main vient frotter une cuisse entaillée par les liens qui l'ont ficelés au canasson trois nuits durant. L'oeil glisse sur les façades des maisons, cherchant un détail, un quelque chose qui se remarque.


Vinguette... j'suis d'jà passé par là ou bien...


La fontaine semble connue. Mais le reste... Rien ne se détache pour lui permettre de remarquer qu'elle tourne en rond depuis des heures déjà. Qui lui a dit s'être perdu dans la campagne parce qu'un arbre ressemble à un autre arbre ? Ombe. De ça, elle se souvient. Elle se souvient lui avoir répondu que les maisons se ressemblent tout autant. Et c'est là bien son drame. Un mur est un mur, tandis qu'un arbre est différent de son voisin. Toujours. De la mansarde de son enfance, elle a appris à observer ces arbres qui se dandinaient les jours de grand vent, chacun à leur manière, avec une grâce particulière. Mais une maison ne bouge pas, ne tremble pas. Une maison semble vide et Eliance ne parvient jamais à les reconnaître parmi d'autres.

Sa main chasse l'air devant elle, en même temps que ses pensées, et la marche reprend dans le sens opposé à plus tôt. Ses orteils commencent à être douloureux, ses talons frottent contre le cuir usé de ses bottes, les entailles de ses cuisses s'étirent un peu plus sous le pas vif. Elle trouve dans cette quête une paix intérieure, celle qu'elle recherche sur les chemins d'ordinaire. Elle marche encore des heures durant, l'esprit libéré, vide, léger. Son visage est la porte ouverte sur ce qu'il se déroule en son intérieur. Pas un sourire, mais pas une grimace non plus. Seulement une Meringue neutre au regard flou mais non angoissé, une Meringue vidée pour un temps de tout ce qu'elle est, et qui arpente les ruelles devant des marchands qui commencent à l'observer de travers, se demandant bien ce que fabrique cette roussi-blondasse enroulée dans sa cape sombre à passer plus de huit fois devant leur étale avec le même air décidé et dynamique.

Les prunelles claires glissent sur les façades tantôt en bois, tantôt en torchis, tantôt en pierres pour les plus riches demeures. Seuls eux se permettent une liberté de navigation constante d'un côté à l'autre de la rue. Ils balaient tout sur leur passage, évitant les gens, regardant au-dessus des têtes passantes, évitant les regards indifférents ou insistants. Et puis vient le moment où les yeux se figent, stoppent leur mouvement de va-et-vient pour se fixer sur quelque chose de précis. Les pieds, comme à l'écoute des pupilles, s'immobilisent enfin et Eliance reste quelques instants ainsi. Un moment nécessaire pour reprendre ses esprits. Un moment nécessaire pour se rendre compte que ses yeux ont fini par découvrir l'antre de la Souriante. Son visage se remplit d'émotions, lentement, avec des lèvres qui s'étirent doucement. Puis les pieds pivotent et prennent la direction de la boutique, franchissant les quelques pas de distance.

Avant d'entrer, l'affichette est sortie de la besace, déroulée, plaquée d'une main sur le bois de la boutique, tandis que l'autre est allé chercher un clou et un marteau dans la poche et le papier est cloué sans ménagement sur la devanture. Elle demandera la permission plus tard à Rose, si elle y songe.
À présent, elle peut se consacrer à elle et elle seule. Le panneau est lu, puis la porte poussée doucement.

J'ai comme qui dirait des choses à dire et d'autres à pleurer. C'bien ici ?

La voix se veut amusée, pourtant, aucun mensonge n'est proféré à ce moment donné. La Meringue a réellement besoin de causer et de pleurer, même si cette dernière action a été largement entamée pendant le voyage, à l'abri de sa capuche.
_________________
Rose_arum
Comment vendre des sourires quand on a perdu le sien ?

Une voix ou l'autre lui a déjà fait la remarque et maintenant qu'elle est seule, avachie sur la petite table de bois qui n'a de sa vie entendu que des malheurs et des sanglots, qui n'a senti se poser sur elle que des mains serrées de compassion et des verres et des verres et des verres de génépi, maintenant, elle écoute tourner dans sa tête, d'une oreille à l'autre, cette vérité accablante : comment vendre des sourires quand on a perdu le sien ? Depuis ces quelques jours où les pleurs ont remplacés les rires, elle n'a cessé de le rechercher, son sourire. Longtemps, en vain. Elle l'a cherché sous la forme d'une solution. L'oubli ne lui a jamais semblé en être une et puis, comment oublier lorsqu'on ressent le besoin profond de sentir l'arme du crime contre soi ? Des heures, des nuits entières passées dans les dossiers, les textes sacrés, sans trouver la moindre faille. Elle ne pourra tout avoir et elle le sait. C'est bien ce qui la déchire.

Bien sûr, dans cette épreuve, si certains de ses amis ne se rendent pas compte de ce qu'elle vit et l'enfoncent sans le vouloir dans sa tragédie, d'autres la comprennent, l'ont suivie au cours de cette histoire et surtout soutenue. Sianne, Ombe, Tilda, qui constituent à elles trois un vrai abri-anti-pleurs - ou un vrai mur de bières. Eliance, quant à elle, a été la seule à sauter de l'un à l'autre. Du soutien à l'adversité. Est-ce vraiment à cause de leur relation respective avec Sianne que la dispute s'est enclenchée ? Elles se sont quittées sans se dire au revoir, laissant Rose un peu plus seule et un peu plus triste.

Cette tristesse, cependant, ne tarde pas à se dissiper un peu. Ombe, dans son ingéniosité et son humanité naturelles, a trouvé le petit déclic que Rose attendait. Aujourd'hui, elle ne se souvient plus des mots. Elle se souvient seulement que c'est ainsi qu'elle s'est rappelé que chaque chose est belle, qu'il y a trop de beau autour de soi pour n'être que tristesse. Plus tard, de fil réflexif en aiguille révélatrice, elle a vu comme une évidence que cet Amour qui l'unit à Maelh leur permettra bien de tout surmonter et que la solution s'offrirait à eux, d'elle-même. Un jour. Seule la patience avait à faire, désormais.

Le soutien de ses amies et celui que lui apporte la présence de son père et de son bien-aimé sont à Rose essentiels, mais toujours, elle a besoin de s'exiler un peu. De se retrouver seule avec elle-même et son Amour de tout. À Annecy ? Le lac, le verger, les champs et même la proche forêt, ses quatre lieux de balades, lui font encore trop sentir son quotidien. Non, ce qu'il lui fait, c'est s'en aller un peu dans sa seconde ville, Besançon, retrouver la simplicité de son enfance, aller peut-être parler un peu aux Soeurs, écouter les malheurs des autres pour se distraire des siens.

La joue posée contre la table, elle pense, tente de visualiser un petit papillon à la fenêtre, un papillon comme celui qu'on lui associe, un qui serait elle à nouveau sans problème, sans cette lourdeur dans le coeur et dans la gorge. Et elle s'émerveille un peu - c'est mieux que rien - jusqu'à ce qu'on la sorte de sa contemplation à coups de marteau. Qui donc ose violenter ainsi sa pauvre petite boutique innocente ? De la propagande ! Si elle en avait eu la force elle se serait levée pour aller ronchonner, mais elle reste immobile et se contente d'un long soupir qui s'affaiblit encore lorsqu'elle entend la porte grincer. Ses yeux fermés pour accentuer son air las s'ouvrent alors pour découvrir un visage bien familier.


    E... Eliance ?

La surprise ne manque pas de se faire sentir dans sa voix et dans sa face qui se relève lentement. Ses jambes suivent. Elle se lève par politesse, par respect, par surprise. Elle reste ainsi immobile un infime moment qui lui semble une éternité, et se ressaisit enfin.

    Bien sûr, bien sûr. Entre. Oh, ma belle Eliance, je suis incapable de réconforter mes amis comme je réconforte mes clients, je ne sais si je pourrai t'être bien utile, mais j'essayerai... Est-ce Diego ?

« Encore ? » Voudrait-elle rajouter.

    Oh, je t'interromps, excuse-moi. Mais je n'aime pas beaucoup la propagande sur ma boutique, tu comprends, si les idées véhiculées ne sont pas les miennes, une fois, j'ai dû y retirer une affiche de recrutement pour l'armée ! Te rends-tu compte ?

Un léger sourire s'échappe. Une amitié sans sourire, c'est un peu trop triste, non ?

_________________
©
Eliance
La douce Rose a perdu sa joie. Son visage même s'est transformé pour ne laisser paraître que de la mélancolie et sans doute une pointe de désespoir. La voir ainsi est toujours étrange à qui connaît la Rose qui papillonne sans cesse, esquivant les soucis d'un léger déhanché, l'air de rien. Eliance en est toujours surprise. Elle l'a laissé inonder son épaule plusieurs fois, mais elle a aussi tenté de lui faire voir la cause de ses tourments sous un autre jour, sans une réelle réussite. Pour la Ménudière, un amour de cousinades n'est en rien incestueux, ou disons qu'elle considère ça moins pire qu'un véritable inceste entre frère et sœur comme son Diego en est l'adepte de temps à autre. Alors cousins... qu'est-ce qu'on s'en fiche !

Ajoutez à ça son agacement quant à la blonde qu'elle considère comme la catin de luxe d'Annecy et vous comprendrez les emportements que Eliance a pu faire subir à son amie Rose. Eliance ne déteste personne. Non. En chaque péquenot croisé, elle se débrouille toujours pour trouver une chose, parfois une seule, aussi infime soit-elle, qui lui fera dire qu'il est beau ou gentil ou digne d'intérêt. Alors les gens détestés se comptent sur... un pouce. Sianne est un pouce. Sa plus grande erreur ayant été de faire des avances à son Diego (certes avait-il décidé à ce moment-là de rompre sa relation conjugale avec la Meringue) et que la chose se sache. Et quand Eliance déteste, elle y met tout le poids du monde. Elle ne tolère plus d'entendre le nom de la blonde sans lancer une pique ou méchanceté, ce qui a évidemment déplu à Rose et a provoqué quelques remous.

Mais les agacements passés, les amies se retrouvent. Et devant la mine déconfite de Rose, Eliance ne peut qu'oublier ses propres ennuis. Elle va jusqu'à s'avancer vers la jeune femme, lui pose une main sur l'épaule et lui cogne deux bises, ce qui, pour ceux qui pratiquent la Meringue, est une grande épreuve et un réel investissement pour parvenir à donner de l'amitié physique en surpassant la frontière du dégoût.


Oublions Diego, va. Je viens te voir toi. Je t'ai assez bassiné avec mes ennuis pour t'en rabattre encore les oreilles en ce moment.

Comment formuler que la phrase première était censée être teintée d'humour et devait amener le sourire et une bonne humeur dans la boutique ? Ça ne sera pas dit. Eliance ne veut pas renvoyer Rose dans sa tristesse.


T'en fais pas pour l'affiche. C'pas d'la propagande. Enfin, pas du genre de l'armée ou d'un truc comme ça.
J'ai des amis qui cherchent désespérément une sœur qu'ils ont pas vu depuis des années. Je me suis dit qu'avec le monde qui passe dans ta boutique, peut-être l'un d'eux pourrait les aider.

Tu pourras l'enl'ver si tu veux... mais elle est jolie, tu sais, y a du rose dessus !
Va voir si tu me crois pas !


L'argument fatal est lancé avec un sourire franc. La main quitte enfin l'épaule amicale pour retomber au bout du bras de la Ménudière. Une affiche rose placardée dans la boutique aux sourires de Rose, rien d'alarmant pour Eliance qui remercie intérieurement Ombe d'avoir apposé une couleur si atroce à l'affiche de recherche.
_________________
Rose_arum
Une main se pose sur son épaule, enveloppée dans une délicatesse qui fait du bien à Rose dont les pensées manquent de douceur. Des lèvres suivent contre ses joues et lui arrache un sourire de tendresse. Puis des mots qui tendent à prolonger le sourire, à lui prouver qu'on s'inquiète pour elle. Ce n'est peut-être pas le but d'Eliance qui les prononce, mais c'est ce que Rose aime entendre, qu'elle n'est pas aussi seule qu'elle le croit encore. À peine sourit-elle qu'elle se sent déjà mieux, qu'elle sent les cailloux dans son ventre, dans son coeur et dans sa gorge de changer en plumes. Un petit peu. Parce que ce serait trop facile si ça marchait entièrement. Pourtant, pour Rose, un sourire peut et doit tout changer, mais entrevoir la possibilité de se sentir plus légère, n'est-ce pas déjà tout changer ?

Plus légère, alors, elle se laisse entraîner dans cette discussion qu'elle a amorcée, ça parle affiche, propagande, famille... Famille. Un élan de tristesse fait son chemin dans les canaux lacrymaux de la Rose, mais elle n'y cède pas. Elle a trop espéré des brins d'espoirs de la bouche des autres dans sa vie pour ignorer le moindre de ceux-ci qui passerait devant elle, encore moins devant sa boutique. Ils cherchent désespérément ? On peut y entendre le désespoir et la perte de temps. Rose y entend seulement qu'ils cherchent malgré celui-ci, plus loin que celui-ci et c'est donc qu'il leur reste de l'espoir. Qui est-elle pour limiter leurs chances de retrouver cette Surprise, comme elle en a déjà à plusieurs reprises entendu parler à Annecy ? Non, elle n'empêchera rien et mieux, si elle peut aider, oublier un peu ses problèmes en offrant le bonheur aux autres - parce que finalement, c'est aussi un peu ça le concept de la boutique des sourires - elle ne se fera pas prier. Ajoutons à cela que l'identité des chercheurs titille la logique de Rose qui considère la possibilité qu'il s'agisse des Rosenthals qui, bien qu'elle n'en connaisse que la moitié, sont chers à Rose. Après tout, des amis d'Eliance qui cherchent une soeur, il ne doit pas y avoir un régiment. La mention de la couleur de l'affiche achève de laisser deviner un rire sortir d'entre les lèvres de Rose qui admire la légèreté que parvient à adopter Eliance face à la morbide amie dont elle a l'air ce jour-ci.


    « Bien, bien, laisse-moi voir ça. »

Se prenant au jeu, elle rejoint donc, de son pas insouciant retrouvé, l'entrée de sa chère boutique pour poser ses mirettes sur l'affiche, en effet, rosie. Elle parle encore sans lire, ses yeux vaguement attentifs et toujours concentrés sur le déplacement qu'elle vient de faire et sur la distance qu'elle partage avec Eliance.

    « S'agit-il des Rosen... »

Elle ne terminera pas sa phrase. Elle ne la terminera pas parce qu'elle est en état de choc et que la seule chose que son corps puisse faire à cet instant, c'est déglutir. Et encore. Difficilement. L'affiche est truffée de mots, vraiment. Elle n'en a vu qu'un. Elle n'en voit toujours qu'un. Plus qu'un. Celui qu'on trouverait le mieux protégé parmi tous les autres, si l'identité était une grande salle remplie de coffres. Le coffre central, mais le plus petit. L'introuvable mais le doré. Celui qu'on ne voit pas mais qu'on s'arrache. Roschen. Roschen c'est son enfance au couvent. Roschen, c'est son passé, celui qu'elle ignore et qu'elle s'imagine, de temps à autre, régulièrement, même, mais seule, celui que Caton vient d'éclairer d'une lumière sombre. Mais Roschen, c'est avant tout son secret. Celui qu'elle partage avec Caton. Uniquement. Parce qu'il est sa famille. Alors que fait-il sur cet avis de recherche oppressant ? Qui a volé son prénom pour l'écraser sur du papier, pour l'afficher aux yeux de tous ?

Sa tête tourne. Elle va tomber mais se rattrape - se cogne plutôt - au cadre de porte auquel elle s'agrippe. Elle le tient fermement pour ne pas défaillir parce qu'elle veut savoir. Elle doit la lire du premier au dernier mot, elle le veut et c'est difficile pour son pauvre petit esprit fragile parce qu'elle sait, oh oui, elle sait pertinemment ce qu'elle peut comprendre dans cette affiche. Été 1447. C'est elle. Couvent Saint Agathe. C'est elle. Besançon. C'est elle. C'est elle. C'est trop d'elle. Elle n'y parvient plus, désormais, et ses yeux tournent à leur tour. Elle ne veut qu'attraper un mot, encore. Rosenthals. Elle le fait. Et elle peut tomber.

Son corps s'écroule comme un tas de plumes qui redevient rocher. Ses yeux se ferment mais elle reste consciente, elle ne veut pas manquer la moindre seconde de cet instant. Elle ferme seulement les yeux et inspire. Expire. Est-ce vraiment possible ? Que ces gens qu'elle a aimé, qu'elle a tenu dans ses bras, contre lesquels elle a ri et pleuré, qu'elle a même désiré, Edora, Hadan, Ombe mais aussi ces gens si froids, Eunice, Amadheus, qu'ils soient tous là pour elle et qu'ils soient ses frères, ses soeurs ? Qu'elle soit la petite Surprise ?

Son souffle comme son corps de pierre se dérèglent, une larme coule sur sa joue mais elle ne sait plus de quelle émotion elle vient. Peut-on pleurer de choc ?

Ses paupières lourdes se soulèvent par un long effort et son regard se pose sur Eliance. Eliance, ne pas l'oublier, ne pas l'affoler, lui demander son soutien. La bouche entrouverte, elle semble vouloir parler mais le choc est encore fort et n'en sort qu'un silence. Puis enfin, quelques mots.


    « Je ne m'appelle pas... Pas vraiment... Rose... Eliance... »

Elle ne fera guère plus, elle en est incapable. Mais elle regarde son amie et espère, de tout son être, que son effort suffira à lui faire comprendre ce qu'il vient de se passer, juste sous ses yeux, sans qu'elle puisse n'en saisir quoi que ce soit.
_________________
©
Eliance
L'argument fait mouche puisque la Rose n'arrache pas l'affiche et va même la consulter avec une certaine gaieté retrouvée qui transperce dans ce que Eliance croit percevoir comme un rire. Si Rose vend des sourires, les deux femmes ne sont pas si différentes, dans le fond. Certains se sont par exemple arrêtés sur une physionomie relativement proche, malgré les quelques années d'écart, mais c'est bien l'espoir et leur légèreté constante qui frappe le plus chez elles, comme une sorte d'habit revêtu chaque matin pour affronter le vaste monde effrayant qui les entoure. Ainsi, Eliance inverse les rôles et offre à son amie quelque sourire à revendre, pour ce jour particulier où elle a perdu le sien.

La constater redevenir un peu elle-même est donc bienheureux pour la Ménudière. Les prunelles claires suivent l'amie partie inspecter l'affiche, avec une lueure somme toute amusée d'imaginer une Rose devant une affiche rose. Mais la satisfaction n'est que de courte durée et Eliance assiste à une funèbre décomposition florale dans les règles de l'art. Les pétales frémissent, puis s'immobilisent, tendus comme apeurés par un prédateur brouteur ; les couleurs s'étiolent pour finir fades à effrayer un bourdon ; la tige tangue dangereusement, comme assommée par un vent trop fort ou une botte maladroite ; et dans un sursaut, tout s'est écroulé à terre, tige, pétales, pollen, offrant au sol un parterre nouveau.

Eliance s'est précipitée vers la fleur évanouie sans bien chercher à comprendre. La tête a été prise délicatement et posée sur le jupon ménudiérien. Dans ces instants-là, tout est si rapide que la pensée s'envole pour n'offrir que des instincts bruts. Une main est passée sur la chevelure florale, tandis que de doux sons se voulant rassurant viennent rompre le silence pesant de la boutique.


Rose... Rose...


La fleur immobile jusque-là se ranime peu à peu. Une goutte de rosée perle lentement sur le teint pâle, les pétales se rouvrent lentement. La Ménudière redouble d'attention, berçant la fleur comme on bercerait un enfant couché sur les jupons de sa mère. Eliance a cet instinct maternel à vif qui transperce dans de rares occasions et qu'elle se contente d'enterrer d'ordinaire pour ne pas ameuter des souvenirs trop douloureux. La rosée est séchée délictement d'un doigt tandis que les esgourdes perçoivent des mots venant de la fleur ranimée.
Dans un premier temps, les mots sont ignorés, trop hachés pour être compris.

Chuuut... Dis pas n'importe quoi. T'es tombée, mais c'pas grave...


Et puis, les mots résonnent dans la caboche ménudiérienne d'une manière entêtante, comme ces mauvaise comptines qu'on rabâche toute une journée durant. Ils sont répétés, machinalement.

Pas vraiment ton nom... Rose...

Enfin, Rose...


Les yeux se relèvent sur l'affiche toujours clouée au mur. L'instinct encore a frappé et Eliance est happée par ce même mot qui a mis la fleur dans tous ces états.


Ro... se ?


Les prunelles se sont rabaissées vers l'amie tandis que les lèvres s'entrouvrent pour former un air ahuri sur le pâle visage ménudierien. Eliance regarde Rose, mais ce sont bien deux prénoms qui hurlent de plus en plus forts dans sa caboche.

Non... C'toi ?!!!

Elle aurait donc une énième Rosenthals dans les bras ? Impossible ! La Reniée, comme la nomme Amadheus, ne ressemble en rien à Rose. Du moins, en rien par rapport à la manière dont Eliance se l'est imaginée.Lui revient aussitôt en mémoire l'enfance passée dans un couvent de Besançon et Eliance fait un va-et-vient incessant entre l'affiche Roschen et son amie Rose, comme pour comparer l'une et l'autre.

Délicate... Chevelure claire...
Vinguette... ça craint...

_________________
Ombe

      Tu n'as pas encore tout vu ma belle
      Et le monde s'entraîne à se jouer de toi,
      Oui mais tu vois...
      Si tu tombes, je tombe avec toi.
      Si tu t'endors, je veille.

      Mick est tout seul - Si tu tombes


L'hiver est là et c'est vêtue d'un vieux mantel d'homme en cuir, une écharpe bleu nouée autour du cou, qu'Ombe arpente les rues de Besançon. La ville de son enfance n'a guère changé depuis qu'elle est partie six ans plus tôt et, à chaque boutique où elle dépose l'une de ses affiches, elle est obligée de s'arrêter pour bavarder, les gens reconnaissant l'air des Rosenthals dans ses traits.

Comment va-t-elle ? Bien, très bien. Mais où était-elle pendant si longtemps ? Ici, là, ailleurs. Oh et sait-elle que le fils du boulanger, celui dont elle avait repoussé les avances, est à présent marié à la fille de la couturière de la rue Iésus ? Elle est chanceuse cette petite, toutes les filles rêveraient d'épouser ce jeune homme là. Et ses adorables aînés alors, où sont-ils ? Ah, le petit Edoran était si serviable et doux et Hadan siiii intelligent.

Le tout prend un temps fou et la brunette, bien qu'exaspérée, se force à garder le sourire. D'abord, parce qu'Annecy ne l'a pas rendue à sa joie de vivre pour qu'elle se fâche si vite et surtout, parce que malgré l'enjeu de sa balade, elle ne perd pas espoir.

Sa sœur est là, peut-être tout près et elle va la retrouver malgré le temps perdu. Clouant une nouvelle affiche à la devanture de la boutique d'un menuisier, elle imagine les moments qu'elles n'ont pas pu vivre ensemble. Elle veut croire que si Roschen avait vécu avec eux, elles se seraient aimés plus que tout au monde. Qu'elles auraient partagé les éclats de rire, les vœux adressés aux étoiles et les premiers émois. Qu'elle aurait pu lui tresser les cheveux, sauter dans les flaques avec elle et lui apprendre à coudre. Qu'elle aurait pu sécher ses larmes, guérir ses genoux meurtris après une chute et toujours, toujours l'aider à se relever.

Et surtout, elle veut croire qu'il n'est pas trop tard et que si elle ne peut lui apprendre à coudre, elle pourra au moins l'accompagner dans les peines et les joies futures.

Rêveuse, elle tourne dans une nouvelle rue et aperçoit Rose qui vient de sortir d'une boutique. Ah, Rose... Le simple fait de la voir fait sourire la dixième. En cette jeune femme aussi douce que drôle, elle a trouvé un substitut à Roschen mais aussi et surtout une amie qui, déjà, est très chère à son cœur. Levant une main pour lui faire signe, elle la voit tomber dans les bras d'Eliance qui la suivait. Aussitôt, son cœur se serre et sans vraiment se rendre compte de ce qu'elle fait, elle lâche ses affiches que la bise mordante de l'hiver à tôt fait de semer aux quatre coins de la rue et court vers elle.


    Rose, Rose ! Fait-elle en se jetant à terre à ses côtés, n'ayant que le temps d'entendre les derniers mots d'Eliance alors qu'elle presse délicatement l'une des mains de la fleur.

C'toi ? Comment ça c'est elle ? Qu'est-elle ? Levant les yeux vers l'affiche, Ombe écarquille les yeux. Éberluée, elle relit les mots qu'elle a elle-même tracé sur un papier décoré de petites fleurs. Des roses... Elle avait dessiné des roses pour ne pas faire peur à sa petite sœur, mais se pourrait-il seulement qu'en guise de sœur, elle ait une Rose ? Ça serait trop beau, trop fou, trop surréaliste. La vie n'offre pas ce genre de surprise là et pourtant...

Caressant d'une main délicate le front pâle de l'évanouie, elle se penche vers elle pour murmurer quelques mots rassurants, sa voix d'habitude haute et clair, étranglée par une drôle d'émotion sur laquelle elle est incapable de mettre des mots.


    Rose, ma toute belle, ça va aller. Je suis là... Je...

Elle se tait et respire profondément avant de continuer, entre question et affirmation.

    Ta sœur est là ?

_________________
Rose_arum
Est-ce elle, Roschen... Zwölf ? A-t-elle droit à un numéro, elle aussi ? A-t-elle droit au nom de Rosenthals ? Qu'elle soit ou non la fille de sa mère, elle n'en sera jamais totalement une, pas autant qu'eux, les Rosenthals. Interdite de reconnaissance en tant que d'Acoma par les nouvelles lois lorraines dont elle ignore tout, douzième égarée d'une fratrie pourtant unie de légitimité sans elle, il semblerait qu'elle soit vouée à ne jamais avoir vraiment de famille. Mais, n'oublions pas que nous parlons de Rose. N'est-elle pas capable de toujours voir et s'emparer du bon côté des choses pour en amoindrir le mauvais ? Alors que cette problématique point à peine dans son esprit, elle sait déjà que dans cette famille, comme dans l'autre, elle saura surtout trouver le soutien indéfectible de ceux qui sont déjà ses amis.

L'est-elle, donc ? Oui. Mais il y a un pas entre le savoir et le dire, et lorsqu'Eliance lui pose la question centrale, la Roschen ne parvient pas à articuler le moindre mot. Tout est pourtant là : sa bouche s'est entrouverte, elle sait que c'est un simple « oui » qui doit s'en échapper, mais rien n'en sort. Pas même son souffle qui s'est arrêté quelque part au fond de sa gorge. Seuls ses yeux restent tout à fait vivants, ils s'adoucissent, sourient presque malgré la larme qui s'est maintenant cachée sous le menton.

Elle aurait peut-être pu se mettre à sourire, en refermant simplement l'ouverture que forment ses lèvres, mais une douce tornade brune s'abat sur elle. Ombe. Qui devient sa soeur. Sa grande soeur, comme elle en a souvent évoqué le désir. « Si on ne retrouve pas Roschen, on t'adopte ! » Combien de fois a-t-elle arraché un rire à Rose en disant cela ? Elle voudrait lui en adresser un, à nouveau, lorsqu'elle vient lui prendre la main, mais c'est plutôt son autre main qui agit en venant s'ajouter aux deux autres. À cet instant, les yeux dans les yeux, les mains dans les mains, elles sont deux soeurs. La plus âgée des deux semble s'inquiéter. La cadette s'en trouve émue, elle voudrait lui dire qu'il ne faut pas, qu'elle est heureuse, terriblement heureuse d'être qui elle est, d'être sa soeur. Mais tout est encore trop récent pour qu'elle en soit capable, et elle se contente de caresser, presque nerveusement, les doigts enfouis sous les siens, et de murmurer ces quelques mots :


    « Je sais... Je sais. Ma soeur... »

_________________
©
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)