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[RP] Agnus Dei

Anaon

↬ Anjou, bien plus tôt ↫


      Silence.

    Profané par les éclatements secs de la pluie sur le verre.
    Un point igné, repoussant les ombres dégoulinantes de ce jour sans soleil.

      Silence.

    La pipe est coincée entre ses lèvres. L'allumette ne vient pourtant pas en calciner l'herbe. Son travail commence. Elle se prépare à devenir un concept. Insaisissable. Ne rien laisser d'elle, aucune odeur, aucun parfum, aucune fragrance d'herbe brulée. C'est pourquoi elle n'allume pas sa pipe, passée aux lèvres pourtant dans un geste réflexe. Elle gonfle ses poumons du goût imaginaire qui apaise et concentre ses réflexions. Ses narines se tapissent un second temps de cette vague odeur de souffre qui marque encore plus son illusion. L'allumette se consume lentement dans sa main, recroquevillant le petit roseau soufré d'un arabesque tortueux et noirci. Quand la mèche incandescente vient lécher sa peau, elle écrase sans vergogne la flamme entre ses deux doigts nus. La douleur furtive lui fait à peine frémir un sourcil. Elle ne bouge pas.

    La pluie claque contre les carreaux dans son dos. Assise sur une chaise, la sicaire a braquée ses azurites sur la porte en face d'elle. Elle a passé une jambe par-dessus la tête du chien allongé pour le tenir au calme dans son giron. Elle attend. Elle guète l'ondée qui s'amenuise. Le fracas s'assourdir. Puis cette porte voisine qui s'ouvre et se referme dans un feutré qui est un ouragan à la surface de son esprit. Elle se tient immobile. Nul état d'âme ne doit jouer. Nul empressement ne doit la corrompre. Mentalement, elle compte, les marches qui grincent à peine sous le poids qui les descend de l'autre côté de la cloison. Elle compte, les enjambées qui le sépare de l'entrée de l'auberge. Le temps qu'il faut, pour ouvrir la porte et la refermer. Elle attend. Puis lentement la mercenaire se lève et se tourne vers la fenêtre. En contrebas, elle voit une silhouette se faufiler dans les ruelles. Un point se forme dans sa poitrine. Dévoré par un sang-froid qui ne doit souffrir d'aucun écueil. Il est temps.

    La balafrée gagne sa porte, imitée par la molosse qui la suit. Elle y pose l'oreille. Puis elle pousse le battant pour n'ouvrir qu'un interstice où elle glisse son regard. Rien. La silhouette sort dans le corridor, refermant sa chambre avec autant de silence qu'elle l'a ouverte. Ses pas s'approchent de la porte voisine contre le bois de laquelle elle pose à nouveau l'esgourde. L'œil en parcoure ensuite l'encadrement, soutenu d'un doigt qui longe minutieusement la découpe à la recherche de ces subterfuges stupides mais redoutables qui trahissent les intrusions indésirables. Sans un mot, elle sort de la poche de son manteau un large fil de fer replié. La tige s'emboîte dans la serrure. Les prunelles d'un bleu sombres surveillent les entours alors qu'elle joue du panneton improvisé dans la rainure. L'attention s'intéresse au canin qui serait le premier à réagir si un inopportun faisait mine de se dévoiler. L'Anaon n'est pas une professionnelle du crochetage. Mais l'avantage de ces vieilles serrures à garniture...

    Clap.

    … C'est qu'elles sont d'une facilité déconcertante à déjouer quand on sait comment s'y prendre. La balafrée observe un temps de latence. Aucune réaction derrière le battant. Quittant à peine le couloir des yeux, l'intruse entrouvre la porte, laissant son chien s'y engouffrer le premier. La truffe revient bien vite se montrer par l'embrasure, lui confirmant que la pièce est vide. Sans attendre, la mercenaire s'y faufile à son tour.

    Le pêne retourne dans sa gâche dans un claquement léger, isolant à nouveau la chambre du couloir. Par précaution, la sicaire recommence à nouveau son inspection le long du chambranle, avant de se tourner vers le ventre de la pièce où elle se fige.

    La sicaire se plie à un mutisme violent. Une chambre, banale. Qui prend pourtant pour elle des allures de sacré méprisable. Malgré tout le poids de ce constat, la balafrée n'a pas le temps de s'émouvoir. Les prunelles fouillent pour trouver par où commencer, jetant leur dévolu sur un sac devant lequel elle s'agenouille. Elle fait sauter les attaches, dégageant le rabat pour plonger la main dans les entrailles de tissus. Des vêtements pliés, que les mains intruses poussent avec une précaution folle. Que cherche-t-elle ? Elle ne sait trop. Un indice. Une piste. Le fragment d'une preuve qui pourrait la mettre sur la voie de ce qu'elle convoite si ardemment depuis tellement longtemps. Ses mains se faufile sous le linge, à la recherche d'une pochette cachée, d'un objet ou de quoi que ce soit d'autre. Fenrir en profite pour venir renifler à son tour cette odeur inconnue, se voyant bien vite rappeler à l'ordre par un claquement de doigts et un index autoritaire qui le renvoie immédiatement se poster derrière la porte. Mieux vaut ne pas laisser l'odeur du chien imprégner quoi ce soit. Les azurites plongent à nouveau dans le sac. Ce sont ces chemises qu'il porte, ces braies qu'il met. Ces bouts de tissus anodins ont pour elle des airs de reliques haïssables. Tout cela se rapporte à Lui. A la fois elle en est ivre... Et s'en brûle les doigts de dégoût. Les dents se serrent. Il n'y a rien qui l'intéresse ici. La sicaire prend le temps de refermer minutieusement le sac, pour le laisser à l'identique de son état trouvé. Puis elle se redresse, cherchant ailleurs.

    Autres sacoches. Tiroirs de la petite table. La sicaire tâtonne la paillasse en quête d'un objet caché dans la matelassure quand un grognement de son chien la fige dans son mouvement. Le molosse montre les crocs. L'échine de la sicaire se tire alors qu'elle tend l'esgourde. Complainte des marches. Puis une porte qui claque. La balafrée se détend. Sans doute la première ou la seconde chambre desservie par le couloir. L'inquisitrice continue son investigation vaine jusqu'à poser les yeux sur une table qu'elle n'a pas encore inspecté.

    Sur le plateau brun aux bois usés, un petit carré jaunâtre se détache dans la lumière tremblotante hachée par la pluie mourante. D'un bord qui se relève, la sicaire peut voir quelques lettres d'encre courir sur le vélin vaguement replié. Un mot reçu, où peut-être pas encore envoyé. L'Anaon s'en approche lentement. Ce peut être rien. Ce peut être tout. Les doigts se saisissent du mot qu'ils déplient.

      Les prunelles luisent.


Musique : " Before The Storm ", Hitman Blood Money, composée par Jesper Kid.
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       | © Image Avatar : Eve Ventrue | © Image Signature : Cristina Otero | Anaon se prononce "Anaonne" |
Phileas.




Paris, Hiver 1463


Les lèvres gercées épongent le nectar de la corne d'abondance. La saison du flocon est la plus détestée pour le roublard, préférant les douceurs estivales des terres natales, si un jour on lui laisse le temps d'y refaire un tour. Au moins, l'Illuminée – comme se plaisent à surnommer la populace parisienne – fournit toutes les couvertures les plus salvatrices à ce froid détestable... Et plus si affinités.

Le grec, lui, se complait à son ivrognerie habituelle, le coude haut et fier, seul à sa tablée personnelle, offerte généreusement par le propriétaire, bénissant chacun de ses piliers de taverne à sa manière. L'Ours Soiffard est un peu la Tanière du quinquagénaire ; Grisonnant et rotant avec joie son menu trésor en bourse à coup d'houblon et d'hydromel, se laissant même parfois aller à la folie d'un pichet d'hypocras, pour peu qu'il puisse rentrer sur ses rotules en décadence. Son petit coin de paradis, son pain béni, son orgueil en bouteille, sa seule occasion de noyer son inquiétude en paix, avec l'unique condition d'y mettre le prix. Les maisons de passe ne l'ont que trop lassé, surtout maintenant qu'une certaine mode s'est installée chez la noblesse ou la bourgeoisie de venir laisser aller leur espièglerie aux seins des Miracles. Et puis, là au moins a-t-il assez d'énergie pour boire jusqu'à la dernière goutte le met pour lequel il a allégé sa fortune...

Pourtant, ces derniers jours, Phileas a décidé de couper quelques temps les ponts avec sa muse de générosité. Besoin d'un esprit clair, de se rabibocher avec l'expérience, d'un éclat de lucidité dans les actions à venir. Non pas qu'il ne refuse la gratuité d'une choppe de temps en temps, le vice ayant lentement mais surement grignoté les pans de sa volonté, mais au moins assez pour se faire entendre, et faire preuve de logique. Le genre d'exploits plutôt peu courants après une gueule de bois, faut avouer.

Le germain allait enfin faire ses paquetages.

Des années qu'il lui avait rétorqué le sens de ses choix... Ce foutu blondinet. Et il avait fallu tant d'années de cachette et de sursis pour enfin comprendre que ce n'était pas sa place. Encore moins son rôle. Cinquante balais de bons et loyaux services de ruelle pour finir en gardien de la paix de « famille ». Le vieux grigou n'est pas stupide, tout cela finira mal ; Peu importe l'épilogue, ses mises en garde, les ficelles qu'il ait pu inculqué, et surtout le dénouement de ce dangereux jeu de piste du hibou et de l'hermine.

Voilà depuis plusieurs jours qu'il guette la porte de la taverne chérie, espérant qu'un éclopé ou une putain ne fasse son entrée... Ou pire encore. Laissons les dés décider.

C'est amusant vous ne trouvez pas ? Lorsqu'une simple lettre vient à décider de changer non pas un chemin, mais le carrefour de certains. Le pouvoir de l'encre décide quelques destins. Ça donne soif, ce petit rappel des leçons qu'on apprend à tout âge... Un dernier godet qu'il s'enfile sans une once de gêne, la philosophie conchiée dans une gorgée.

Le lourd bois de l'entrée grimace soudainement l'arrivée du hasard, et les yeux européens se plissent d'avance à distinguer la silhouette, avant qu'un soupir de vient s'échapper des lippes masculines. Le grec a toujours eu la guigne. Il n'en faut d'ailleurs pas plus pour que la carcasse se décide à quitter cette position trop engageante à la réflexion, les fourmis dans les jambes, la bile bouillonnante au ventre.

Ainsi s'efface le grognon des effluves éthérées d'alcool et d'herbes à pipe, l'esprit tout à trouver une ruelle où déglutir un des poisons qui finira par avoir raison de sa peau creusée par les années. Un instant de calme et de douleur qui rappelle à l'ordre le radoteur. Le souci de s'affaler sur la paille douillette du logis s'en fait immédiatement ressentir, tant et si bien qu'il s'offre le luxe d'une promenade vaporeuse, une fois la dégoûtante affaire réglée. Le pas n'est point pressé, bien que le souffle soit lourd, le corps trop habitué aux excès s'avançant tout de même avec dignité. Le pavé a été foulé bien trop de fois pour qu'il puisse oublier sa propre maisonnée.

L'instinct, par contre, a été trop refoulé par Dionysos pour être acéré...

Banqueroute.




Musique : Into Perp Walk tirée du jeu Silent Hill Downpour, composée par Daniel Licht.
Anaon

      "Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis.
      Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis..."

        Agneau de Dieu qui enlèves le péché du monde, prends pitié de nous.


      *
      Les flocons meurent dans la nuit noire. Des taches de cendre blanche, sur l'encre du décor. Comme de minuscules plumes pâles, qui ballottent, puis s'échouent dans une langueur mortifère. Le voile blanc enchâsse les rues dans le silence. Une chape de plomb, impalpable, mais prégnante, qui étouffe tout. Du moindre bruit, à la plus infime once de chaleur. L'apanage de la mort. Une fumerolle grisâtre se libère parmi la chute, se délite vers la gibbeuse voilée par les nuages lourds de neige qui se vident de leurs pluches hiémales. Première règle, ne jamais laisser de trace. Aucun cliquètement qui prendrait des allures de gimmick. Aucun timbre de voix qui grave les pensées. Aucun parfum entêtant qui reste collé à l'âme. Aucune odeur... Les lèvres se referment pourtant autour de la pipe. Ce soir les règles ne font plus sens.

    « Chaque instant passé loin de tes prédictions est une lourde épée de damoclès. Ils savent ô combien j'ai prié pour qu'une seule et simple fois tu ne finisses par ne plus avoir raison. J'espère que tu te marre bien grassement derrière ce qu'il te reste de choppe à l'Ours Soiffard ; Puis-je avoir l'honneur de prédire la somme exacte de ta Note... »

    L'enseigne délabrée est figée sur ses gongs par un carcan de givre. Une brise légère viendrait souffler qu'elle ne profanerait même pas le silence d'un seul grincement. Les fenêtres filtrent une lueur jaunâtre, encrassée par la salissure des vitres. Et la silhouette qu'elle est, reste obombrée par l'encorbellement d'une façade opposée.

    « Vous me manquez, tout les deux.

    Ce foutu bras a enfin décidé de me lâcher la grappe, et gloire à ma petite étoile, je peux enfin lever une lame sans gémir.

    On ne cesse de prôner les bonnes résolutions, et de prêcher les changements... N'est-il pas le meilleur mois pour te soulager de ce service que je ne t'ai que trop mandé ? Mon ami, je ne saurais jamais remercier ton étrange efficacité, et surtout ta fidélité. Cette dernière qualité se fait trop rare à mon goût. »


    Les mots. Que sont les mots si ce n'est la plus grande arme du monde ? Les mots font douter. Les mots font aimer. Les mots expriment. Enjolivent. Scandalisent. Ils se disent, s'écrivent ou se miment. Ils scellent les alliances, ils contraignent et enchaînent. Ce sont les liens invisibles de nos promesses, des choses sans matière pourtant plus astreignant que des chaînes de fer. Les mots sont tout ce sur quoi se battit le monde. Des contrats. Des signatures. Des pamphlets. On y insuffle des valeurs. On y injecte du sens. Les muets, en ce temps, sont pris pour des imbéciles de ne pas pouvoir se servir de mots. Et les grands de ce monde sont ceux qui savent le mieux en user. Les mots.

    Les mots détruisent. Les mots trahissent. Les mots révèlent... Et ils condamnent.

    Phileas.

    Son seul crime sera d'avoir eu son nom associé à bien trop de mots.

    « Chacun ne décide que de combattre pour sa propre grandeur, ou est-ce juste son cul... Je n'ai que trop d'exemples à côtoyer. Que ne chaut la patience ou la mansuétude, le monde manque clairement de gens prêt à combattre pour des valeurs... Peut-être n'ai je pas été si différent, ou le suis-je encore, peu importe, l'avenir me le dira à la pointe de son poison. »

    L'ombre reste dans l'ouaté de ses retranchements, gonflant chacune de ses inspirations d'un goût âcre. Patience ne saurait se galvauder, malgré le froid gelant sa peau. L'humidité prenant aux bottes. La porte s'ouvre sur la carrure convoitée. Les pupilles noirs, puits sans fond dans leur corole cobalt, s'agrippent à la stature qui crève la monotonie des chapelets blancs. Aucun autre mouvement ne l'anime. Seul un battement de cœur plus hardi qu'un autre. L'homme s'enfonce dans une ruelle qui est encore à porter d'œil. Elle attend. Et c'est quand il décide de disparaître à sa vue que l'épeire se retire de son nid.

    « L'écorce de chêne est, effectivement, prompt à brûler, je ne te savais pas mestre des bouchons de liège ? Ou cette eau-de-vie Framboise a décidé de te confier une once supplémentaire de sagesse, alléluia.

    Mon apprentie... rature Corneille ne sera pas du voyage. Elle décide de continuer son ascension fougueuse, plus ou moins solitaire. Un (ex ?)-Lycan l'accompagne, jusqu'à la lassitude ou pire. Je ne sais plus trop quoi penser de cette femme. Si jamais une nouvelle cicatrice orne son visage, je ne la considérerais plus à mes côtés. Et si jamais à son retour, elle ne me montre plus une véritable envie d'apprendre, je n'en ferais pas moins. »


    Elle garde la distance. Elle a l'impression d'être une funambule. Sans peur du vide. Des risques de sa filature. Chaque pied prend soin de se poser dans une empreinte déjà formée, trouver le muet d'une neige déjà tassée, sans faire crisser l'immaculé qui recouvre tout d'un fin percale blanc. Et elle abandonne dans son sillage l'odeur de l'herbe à fumer, là où elle ne livre aucun son.

    « Je sais, je sais... Nouvelle génération. Bravo vieux briscard. Tu sais comme je haïs la grande force de nos enfants à mourir avant leurs parents... Et notre impuissance face à ce fléau, aussi. »

    Jouer des recoins. Des ombres, de la distance. Avancer sans se faire démasquer. Le regard planté dans son dos comme une écharde enfoncer entre les omoplates.

    « Enfin bref, j'en oublie le plus important : veille sur lui ce dernier mois. Pas d'un œil habituel, Chardon a décidé de se réveiller. Et je ne t'ai pas écouté, Saumur sera mon tombeau, peu m'importe l'Anaon et ses liens. Je ne transmettrais rien en me cachant, même de livre en livre. L'Anjou est une terre riche en tout points. L'ennui leur est inconnu ou le pire ennemi. Et quel plaisir de côtoyer un semblant d'union face à un royaume de France qui n'a guère que ce nom mensonger, alors qu'il est à genoux. Ce sera exactement ce qu'il lui faudra... Je ferais mon affaire du sourire de l'ange. Tu n'as déjà que trop supporté. »

    Mon nom et ton nom, dans une seule et même lettre. Cette lettre qu'il n'a pas signé... Et que je terminerai de la seule et unique manière dont elle doit être achevée.

    « Promets-lui que les jours sans soleil seront de mauvais rêves, que sa frimousse se satisfera de la moindre bourrasque, et que ses mains jubileront sur les vendanges tardives... »

    Une façade se dessine et qui attire les pas de l'homme. La porte est poussée. Il y pénètre. Elle se referme.

    Pof.

    Les azurites se posent sur son pied qui s'est fiché entre la porte et le chambranle, empêchant la fermeture. Les doigts enroulés autour de sa pipe. Les lèvres toujours pincées sur la tige. L'Anaon relève les yeux. Sur l'interstice. Et le visage de l'homme qui s'y dévoile.

    « Caïn sera libre. »

      " Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, dona nobis pacem. "
        Agneau de Dieu qui enlèves le péché du monde, donne nous la paix.


Musique : " Secret Invasion ", Hitman Blood Money, composée par Jesper Kid.
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Phileas.




Une Porte Ouverte est une Invitation


La porte a une longue histoire. Autrefois inexistante, tant l'Homme s'amusait à inviter le Monde à s'épancher sur le moyen de briser sa routine de survie. Étrangement, l'affaire eût tant de succès auprès de ses artistes patriotes, les bêtes carnivores et le Vent que la bêtise humaine se mit à éluder la meilleure barricade qui puisse enfin inverser la vapeur.
Ainsi naquit le voile protecteur de l'intimité dans son plus grossier apparat, la toile et la peau pour seuls matériaux. De vent, il n'y eût moins, mais les voleurs s'infiltraient avec toujours autant de facilité, tout comme pour leurs amis assassins, la masse ou les crocs sanguinolents du manque de discernement.
Alors vît le jour que même la hache pouvait faire apparaitre un allié de poids. Le bois entoura la demeure, transformé en pieu par précaution, et lié à de nombreux frères droits et rugueux. Les bêtes sanguinaires se heurtèrent à cette haute invention, et finirent par se lasser de devoir attendre une ouverture pour aller chasser. Les plus malins compères mammifères toutefois, agiles de surcroit, eurent raison du stratagème, à force de grâce et de patience, car seule l'entrée était plus aisée à traverser par le haut. Et puis qu'importe si un toit fît un pied de nez, car l'écorce de la porte put toujours être déliée par un vicieux canif.
Poster un garde ? La belle affaire d'un doux graissage de patte, ou d'une mort rapide et silencieuse, avant que le reste ne disparaisse sans attendre. S'en était trop. Un illustre ingénieur s'offusqua de toutes ces insultes à son génie. Il travailla dur dans sa forge pour créer le baume à son cœur attristé : La serrure.
Oh bien entendu, il finît lui aussi par mourir de l'intelligence d'un rival.. Mais celui-ci s'accorda tout autant que les autres à admettre que son doux foyer était bien plus souvent à l'abri que le passé ne leur avait permis. Une clé pour une vie, une chevalière de fer dans un corps de chêne pour découvrir l'autel, l'essence de chacun...

Sauf que le grec ne se rappelle plus où son rubis était fourré depuis la cinquième choppe. Et ce n'est pas le genre de type à trainer avec un passe-partout. Sa soirée prend un tournant qui ne lui plait guère, alors en fier grognon, le grec se sent pousser l'élan d'un bélier, de l'épaule gauche, la force de l'âge désinhibé en l'âme. Cuisant échec. Le voilà endolori. Un flot d'insultes que je ne peux retranscrire s'ensuit, et le barbu s'oblige à six fois de retrouver l'unique sœur capable de lever le loquet. Le froid n'arrange d'ailleurs rien à son caractère fumeux, ses vieux os décidément inaptes à accepter la puissance d'un bal de larmes de cette Reine Blanche. De plus, une faible lueur émanant des fenêtres l'agace au plus haut point : il restent des tisons survivants. Un feu l'attend et une porte en bois est son ennemie.

Il est hilare d'ironie.

Heureusement que cette ballade aux côtés des flocons finit par lui faire rappeler qu'il porte au coup le Graal... C'est donc gêné et peu fier que le quinquagénaire rentre en sa demeure, un long soupir de plaisir suivant au déclic de la "palladine". Le grisonnant ne se donne pas la peine de claquer cette dernière, empressé de raviver les braises, bien qu'il trouve tout de même le temps étrangement long à ce que la poignée ne lui susurre la fermeture. Pof ?...
Peu lui chaut, le tisonnier est sa première idée, et aussi vient-il s'en emparer, s'agenouillant près de l'âtre, tout à l’œuvre pour se réchauffer convenablement.

Ce n'est qu'après le doux retour des flammes que le doute revient au galop. Pof n'est pas clac, ou clic. La sécurité est assiégée par un étranger auquel il fait dos ? Putain de vieillesse... Le voilà parano à son tour ? Autant s'en assurer, sans se tourner, arme de paysan en main :


Si vous vouliez vous chauffez, suffisait de demander.


Musique : In The Ravine tirée du jeu Silent Hill Downpour, composée par Daniel Licht.
Anaon


      *
      La porte s'anime sur quelques centimètres, rebondissant mollement sur le pied qui lui fait obstacle. Les azurites figées sur la raie noire de l'ouverture s'aiguisent de surprise de voir la masse y disparaître. Est-il donc à ce point négligent ? Trop imprudent. Dangereusement confiant, peut-être, pour ne pas vérifier que sa serrure a bien claqué dans sa gâche. Paris serait-elle a ce point devenue sénile, que l'on ne se méfie même plus de ses ténèbres ? Antichambre de tous les crimes, décatie et décrépie. Ankylosée dans un trop plein de mollesse qui gâte jusqu'à sa mère-prudence.

    Étonnée, la femme ne pourrait pourtant s'en offusquer. Le sésame lui est ouvert, avec la docilité d'une paire de cuisses putassières. Une dernière volute de fumée pâle se faufile par l'interstice. Lentement, la botte ouvre le passage, laissant entrer la silhouette de noir parée. Petit point d'or sanglant qui crépite derrière la montagne sombre, biseautant un liseré sur la forme humaine qui en obstrue la vue. Les prunelles en détaillent le contour avant d'embrasser bien vaguement le décor.

    « Si vous vouliez vous chauffer, suffisait de demander. »

    Une voix. Un frémissement à la surface de son esprit. Électrique, presque. Les pupilles reviennent au dos qui lui fait face. Instant de latence. Le sang se gèle aux tempes. L'impassible a fait son nid. Elle est dans l'antre et le cœur, dans l'intimité même, le cocon du chez soi. Le terrier rassurant qui nous dorlote des images familières et quotidiennes. Son fauteuil, son feu, son lit. Sa maison à l'image de son crâne, remplie de souvenirs, de mémoires qui s'affichent, de sens symbolisés sous les courbures d'un objet. Un chez-soi avoue tout ce que l'on ne dit pas. Ses manies, ses goûts, ses lubies. Il y a une dimension autre, quand on pénètre chez quelqu'un au lieu de l'alpaguer en pleine rue. Une émotion de jouissance et de puissance, qui flatte les déviances des psychopathes qui aiment autant pénétrer l'âme que pourfende les chairs. Comme un viol mental, subtil et pourtant tellement intrusif. Un premier goût de victoire et de profanation, qui ne naît pourtant aucunement. Ni à son palais, ni à ses entrailles, ni à son esprit.

    Elle n'éprouve rien. Rien que la concentration glaciale du fauve face à sa proie. Ne se vouer qu'à l'instant présent, pragmatique, cruellement chirurgical, aseptisé de ressentis, sans songer au festin qui viendra après le premier coup de mâchoires. Une abstraction du monde et de la moindre émotion. Lentement, le talon vient repousser la porte derrière elle.

    Clac.

    Il est là. Ce « clac » qui rassure. Qui scelle la réclusion rassurante. Retournant sa pipe, elle la secoue pour faire choir au sol le reste d'herbes calcinées, sans plus de précaution. Les doigts se referment autour du galbe du fourneau chaud, laissant la tige se dresser entre l'index et son majeur. Un pas s'avance, talon frôlant le sol dans un calme qui ne trahit en rien le coup de sang à venir. Les prunelles ne quittent pas les épaules de l'homme. Une main se lève dans l'ombre, la pulpe frôle le dossier d'une chaise qu'elle a devinée. La poigne s'y referme.

    Une onde calme... Elle n'est là que pour qu'on en crève la tranquillité.
    D'un geste, la main soulève la chaise, l'envoyant sur ce Phileas qu'elle découvre plus intimement.

    Surprise.


Musique : "Bus to Nowhere ", Silent Hill Downpour, composée par Daniel Licht.
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Phileas.




La Politesse


Musique : Suivre le post précédent celui-ci !

On a souvent remarqué ô combien Chronos adorait nous voir nous auto-congratulé d'avoir saisi les flots du temps. Un mouchoir d'hommes traitant des voies du Ciel comme s'ils y avaient déjà eu une place... Une conscience Supérieure. Dans notre jargon, on appelle cela des fous, ou les boulassés. Le souci du grec, c'est qu'en plus de faire partie de la seconde classe, il n'a pas non plus suivi de longs cours dans la thématique des chiffres. Alors compter le nombre de grains de sable qui s'écoulent entre sa question et une fermeture de porte rassurante...

Il ne lui reste qu'un arrière goût de bile au creux de sa bouche.

Mais aussi une dérangeante pensée : deviendrait-il assez gâteux pour commencer à discuter, à voix haute, avec ses doutes ? Phileas en crache de dégoût. La vieillesse est un douloureux naufrage, en tout sens. Plus jeune, il agissait avant de réfléchir. Ça ne lui a pas souvent réussi, mais c'était sa marque de fabrique la plus juste à son égard. Il en fallait bien des comme lui. Fi du pensif embrouillé par mille solutions ; Un gaillard d'action, confiant de son propre instinct, prêt à se jeter dans les flammes si un coup d'épaule suffisait à régler rapidement un problème.

Comme si c'était hier, hein blondinet...

Tout ces sens là ont tant changé. Et ce n'est certes pas la boisson qui va arranger le tumulte. Si déjà le corps ne répond plus à ses maigres attentes, ses réflexes semblent le trahir à une sauce qui lui déplait crescendo. Agenouillé dans sa tourbe spirituelle, le bourru vogue entre malaise et réconfort, la garde bien trop basse et la patte "armée" bien trop fébrile. Distinguer une odeur d'herbe à pipe particulière serait lui demander l'impossible après en avoir inhalé toute une sainte soirée, sans compter ses habits imbibés...

Choc des générations.

Le bois vieilli vient écarter les derniers pans de brume, pour étaler la lumière de la raison un très court instant, suivie de très près par un assourdissant cri d'un frère d'écoute blessé. Cette chaise avait fait son temps de toute manière, mais c'est une bien triste fin, pour se voir jeter telle une traitresse...
Il n'y a plus de respect pour l'immobilier du vieux citoyen. La politesse est rendue en plusieurs insultes, édulcorées par sa langue natale ou non. Une manière bien au quinquagénaire d'accueillir le danger en sa maisonnée. De doutes d'ailleurs, il en a de moins en moins, mais des questions cela...


En voilà des foutues manières... On ne peut même plus décuver en paix chez soi.

Ce qui est clair, c'est que l'autre ne souhaite pas sa mort. Ou du moins s'en abstient-il.


Je ne suis qu'un pauvre vieillard, foutez le camp de chez moi, je n'ai rien à marchander avec ceux qui me martèlent la tronche en guise de présentation.

Ce qui l'est moins, c'est sa vision, ainsi que sa position... Et puis, le roublard n'est pas dupe. Il n'est clairement pas en état de se défendre, si ce n'est qu'en crachant ses dents. Alors, il patiente, genoux à terre, comme ses avants-bras, le dos courbé, profitant du moindre instant de répit pour que cesse la désagréable symphonie dans sa caboche. Avec un peu de chance, le bourreau n'a pas sa langue coupée, et peut être finira-t-il par accepter de se découvrir.

Patience. Vaine récompense de l'âge...
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