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[RP] ..." In Tenebris In Memoriam"...

Sandino
…C’est un homme d’âge mûr qui revient là où a commencé sa vie. Mûr et presque pourri lui aurait dit ses anciens compagnons de sang qui ne sont plus au monde depuis des années.

A ce qu’il en sait, il doit être l’unique soldat IT encore vivant. Si l’on considère qu’un humain vivant l’est dés lors qu’il se réveille après avoir dormi.

Revenir n’a pas été une décision facile, la cour il l’a quitté pour ne jamais y remettre les pieds et le présent lui prouve qu’il ne faut jamais dire jamais.

Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé de vivre au milieu du troupeau, donnant tout ce qu’il pouvait pour se faire une place et y étant parvenu au regard du commun.

Qui n’en serait pas satisfait ?

Lui assurément, et son souhait de faire le chemin à l’envers en témoigne. Revenir à la cour qu’il considérait perdue, cela ne pouvait être plus clair. Que venait-il y faire, lui-même n’en savait rien, il y revenait comme on va à Montfaucon voir au bout de leurs cravates de chanvre, osciller les pendus du jour.

Il allait renifler l’odeur de sa terre première, et s’il y trouvait son comptant de puanteur, faire grincer les dents et pourrir la vie de quelques uns, allait être son passe temps favori lors de ses séjours.

Des victimes potentielles il n’en manquait pas dans ce quartier, il ne le savait que trop, et cela ne pouvait pas avoir changé sur ce point. Du campagnard lourdaud à la damoiselle qui veut voir l’ombre du vice, tous, une fois franchie la frontière invisible qui sépare la cour des miracles du reste du monde, tombaient sous sa loi. La loi du plus fort, ou du plus tordu si la force lui fait défaut, et à ce jeu notre homme avait depuis si longtemps muselé sa rage, qu’avant même d’entrevoir la silhouette de sa première victime, il salivait à sa seule évocation.

Et quoi de mieux qu’un tord boyau où l’on trouve de l’alcool de potence et de la terrine à la langue de condamnés pour attirer d’éventuelles victimes. « La pochée » n’existant plus, sa tenancière cette vieille truie d’Ann, décomposée depuis des lunes, la place était libre.

C’est dans une ancienne boucherie en sous-bassement, que le vieux ténébreux a installé sa taverne. L’odeur de sang est encore prégnante, et plus encore, on ressent dans l’atmosphère un relent de mort.

Satisfait d’avoir trouvé pareil endroit, il n’a pas mis longtemps à y installer le minimum pour recevoir la clientèle, il lui a suffit de trouver le chef des voleurs de la cour des miracles et de lui payer l’écot. A partir de là, accès lui a été ouvert aux entrepôts où l’on trouve pour pas cher, tout et même ce qui n’y est pas encore. Passer commande faisant partie du marché.

De la ruelle, de part sa situation en contrebas, on ne voit rien de l’intérieur de l’estaminet. Le client est obligé d’y entrer quand bien même cela soit pour contrôler la présence d’un ami ou autres susceptibles de s’y trouver. Seule une enseigne indique la présence d’une taverne aux passants, on peut y lire « In Tenebris In Memoriam ». Sous l’enseigne débute une volée de marches couvertes.



Au bas de l’escalier, à droite, une porte de fer ajourée barre l’entrée de la taverne. Au-dessus de la porte, fraîchement gravé, le client ne va pas manquer de lire la sentence qui sonne quasiment comme une condamnation « La mort ne fait pas crédit ».

Une fois poussé un des lourds battants, qui ne se laisse pas manœuvrer sans émettre des couinements aigus, on pénètre dans un intérieur meublé de style hétéroclite, et pauvrement éclairé, sauf le seuil sur lequel tombe une lumière quasi céleste, tant l’espace grâce à une myriade de chandelles est plongé dans une lumière vive.

Quand le bruit du battant signale qu’on entre, le seuil révèle l’apparence de celui qui pénètre dans l’établissement, moyen pour le patron de contrôler le passage. La mise en lumière exposant le visiteur ébloui pour quelques instants, juste assez pour qu’il ne puisse aller plus loin, soit en prenant le risque de mourir sur place, soit en acceptant de faire demi-tour à la première demande du patron, si ce dernier ne trouve pas le nouvel arrivant à son goût.

Si la rusticité de l’accueil vaut celle de l’ameublement, sur les murs on peut voir quelques gravures accrochées dans l’ombre, et en plus petit nombre, des panneaux de bois colorés qui égayent un tant soit peu l’atmosphère générale, laquelle tient plus de la veillée mortuaire que de la réunion des veuves joyeuses.

Bien en vue sur le mur derrière le comptoir, une pancarte mentionne.




« En cas d’absence du patron, ne posez pas de question, buvez ou passez votre route… »



C’est cette pancarte qui va tenir lieu de dialogue entre Igor, l’employé qui va vivre dans la taverne et la faire tourner en l’absence du patron, et les clients.

Aussi arriéré que fort, Igor n’aura rien d’autre à répondre aux clients. Muet après qu’on lui eu coupé la langue, à toute demande il va désigner la pancarte de son gourdin clouté, et si la personne insiste il lâchera son chien lépreux qui n’a pas d’autre passion que de mordre les fâcheux, quitte à le rejoindre pour le seconder si l’animal rencontre une trop forte résistance.

Certain qu’Igor ne comprend qu’un mot sur dix, le dernier Tenebris ne s’en formalise pas, au contraire, outre la brutalité du personnage c’est au regard du peu de profondeur d’esprit et de l’absence de langue qu’il l’a choisi comme bras droit.

Assis dans la salle pour ce jour d’ouverture, Igor a pour mission d’observer pendant que son employeur va assurer le service. Ce dernier, assis derrière un amas de planches posé sur des tonneaux qui n’a du comptoir que le nom, lit un manuscrit qui lui tire parfois de brefs ricanements nerveux.

Sandino
...La pluie qui menaçait, s'est mise à tomber. Du fond de leur trou les deux hommes et le chien en ressentent déjà le pire des effets, l'humidité qui franchit toutes les frontières et s'insinue dans le corps de toutes choses. Dans la chair du bois mort, sur la pierre comme dans le corps des êtres vivants, elle s'invite sans attendre, faisant sa place quitte à bousculer l'ordre établi, lui soutirant à l'occasion des gémissements de dépit.

Le vieux Tenebris déteste ce climat humide qui le met à la torture. Mal à l'aise dans son fauteuil, il cherche une position qui l'aiderait à échapper aux douleurs insistantes réveillées par l'humidité ambiante, recherche vaine qu'il abandonne en jurant tout haut avant de se lever.

Faute de mieux, il marche de long en large dans la taverne, ne s'arrêtant que pour de brèves stations dos tourné à la cheminée où le feu épouse les bûches.

S'il déteste cette pluie qui semble creuser son dos pour se trouver un lit où couler, il raffole de la résignation maussade qui s'empare des habitants de la capitale les jours de pluie, certes elle le prive de la fanfaronnade agressive des conquérants de l'inutile qui croient bon venir à la cour pour montrer leur virilité. Mais pareils amuseurs viendront bien assez tôt, et leur briser les dents sur la margelle du puits le plus proche reste une activité des jours ensoleillés.

Le menton rentré dans la poitrine, il fait le dos le dos rond. Chauffe ce corps qui craque à la moindre saute d'humeur du climat, et s'abîme dans un rêve éveillé qui le mène dans les venelles du passé. Un jadis, que la pluie alors rendait plus beau encore qu'il ne l'était déjà.

Quand jeune criminel, à la faveur d'une pluie malfaisante, il allait faire la tournée des pendus sur la butte. Dégoulinants de pluie, ces sacs humains, la face violacée, semblaient sangloter de toutes leurs pores, la mort les gorgeait et eux sans cesse essoraient leurs membres, les orbites débarrassées de leurs yeux étant les seules à ne plus verser de larmes.

De ces visites aux cravatés, il rentrait toujours déçu, bien sur l'orage ou l'averse lui promettait des têtes à têtes sans les gêneurs habituels, les bouchers venus rallonger l'ordinaire, les maudites en quête de mandragore, les détrousseurs à la recherche d'une garde robe.

Seul durant ces moments là, hormis les corbeaux en ripaille, il l'était, toutefois il n'avait jamais réussi à mettre à profit ces moments d'intimité,avec parfois des connaissances, pour en apprendre plus sur la mort. Sujet sur lequel il dialoguait à bâtons rompus avec les occupants des gibets, lesquels ne donnaient que des réponses sans intérêt.

Pour autant, s'il rentrait frustré de ces dialogues, il en tirait toujours un regain de rage. Pas de constater que la justice était le plus souvent injuste, sur cela il n'avait pas d'avis, considérant l'idée de justice comme une traîtrise à la condition humaine, laquelle ne devait connaitre qu'une loi en la matière, celle du talion appliquée sur le champs et sans autre forme de procès.

Ce surplus rageur, il le devait au fait qu'à ses yeux, on manquait de respect à la mort en la reléguant comme la simple auxiliaire d'un pouvoir judiciaire ridicule. Le bras armé d'une institution nuisible, dont l'utilité n'existait que dans les cerveaux dégénérés des usurpateurs du pouvoir et de la masse soumise.

Pour lui la mort était une déesse, on lui devait respect et gratitude, elle seule régnait sur le tout et ne pouvait être considérée comme du personel de maison. Une bonne qui viendrait nettoyer les rognures d'ongles que l'humanité laissait à chacun de ses passages à Montfaucon.

Revenu de son songe éveillé, le vieux tape dans ses mains pour se réchauffer, et d'un signe de tête fait comprendre à Igor d'alimenter le feu qui s'épuise à entretenir la flamme d'un presque tas de cendre.


- je crois que nous n'aurons pas de visite pour ce premier jour, la pluie est néfaste au commerce, vas nous chercher de quoi faire un vin chaud et fêtons ça !! au néant sa part de gloire !! Fait-il à son homme lige qui n'a compris du propos de son maître que pluie et vin chaud.
Anaon


      La pluie ça fait chier. Plus encore celle de l'hiver qui n'est qu'un crachat de mélasse oscillant entre la flotte et les flocons. Une neige en bouillie qui salope les ruelles déjà croupies des immondices de l'existence humaine. Elle est comme une gamine, ou un soupirant devant sa dame quand le ciel se fait grâce de pleuvoir une volée immaculée qui drape tout d'un voile bien blanc. Souvent elle se fait marbre, quand à l'image d'une statue elle se tient immobile sur un muret ou du haut d'un parapet, laissant la pluie lui glisser sur le cuir et imbiber sa peau sans qu'elle ne s'émeuve d'un seul mouvement. Mais les épousailles des deux sont pour elle une ignominie qui ne devrait même pas exister aux yeux de la météo.

    Elle se plaque dans le premier trou qui passe à sa portée, dardant l'averse soudaine d'un œil noir et pestant sur le fourneau de sa pipe qui vient d'être noyé. Elle déteste ces redoux qui galvaudent l'hiver qu'elle adore tant. Et elle prie fortement pour que le Hiémal reprenne ses droits en crevant tout cela sous une croûte de verglas. Les azurites reviennent, dépitées, sur sa pipe tenue à bout de doigt. Elle la retourne et la secoue, faisant tomber sur le sol de petits tas d'herbes mi-cendreux mi-spongieux. Quel gâchis, vraiment ! L'index passe dans la cavité devenue froide, retirant les dernières traces organiques qui s'y sont collées. Un soupir contrarié fuse des lèvres féminines. Les prunelles contemplent un bref instant le niveau sur lequel se sont échoués les reliquats poisseux de son « fumage ». Toute une ribambelle de marches semblables dégringolent quelque part dans les profondeurs de la ruelle. Les pupilles accrochent la porte qui s'esquisse plus bas. Puis elle observe du sol au plafond l'entrée dans laquelle elle se trouve. Qu'est-ce que c'est que ce boyau ? Le dos se défait un peu du mur et le nez ose se tendre au-dehors. Juste au-dessus de l'embrasure, un panneau tangue piteusement comme un clochard claudiquant dans la bise. Tenebris in... Memoriam. Un sourcil se rehausse sur le front clair. Qu'est-ce ? Un nouveau bouge ? Un tripot ? L'attention revient au bas des marches. En tout cas pour le moment ça à un toit.

    Encore dans l'expectative, la mercenaire ose faire descendre ses bottes de quelques marches. Çà sent dans l'air. Un relent croûté de fer qui lui rappelle les quais de Seine au terreau embourbé par les viscères que l'on jette de ses boucheries. Un remugle de fressures mêlé à la moisissures ou de quelques chairs avariées restées coincées on ne sait trop où. Le genre typique d'odeur qui vous colle au palais.

    La pipe change à la main de la sicaire. Les doigts se referment sur le galbe du foyer alors que la tige du tuyau ressort entre son index et son majeur repliés. Une porte de fer lui fait maintenant face. Les azurites décortiquent l'inscription gravée. Voilà qui est prévenu. La femme inspecte le panneau dans son ensemble, persuadée qu'il y a quelques semaines encore, aucun établissement de cette sorte n'avait posé ces quartiers ici. C'est un atout certain de connaître tous les trous à rats des Miracles quand on est un rat soit-même. Et c'est pour cette raison que la sicaire ne recule pas. En plus de la pluie avouons-le.

    Une œillade furtive se perd dans l'entrebâillement, puis la main pousse la porte sur ses gonds rouillés. Les iris se rétractent violemment sous la lumière. La sicaire recule dans un réflexe, bras en défense, pestant intérieurement de la clarté soudaine. A la roublardise ! Les paupières clignent, habituant bien vite les rétines à ce contraste saisissant. Elle se rapproche d'un pied méfiant. Pour se figer dans la lueur.

    Les halos créés par les chandelles tombent sur ses épaules carapacées de cuir et d'une fourrure aux poils humides cerclant son col. La sicaire n'a en rien les fanfreluches classiques des femmes dignes de ce nom. Elle a troqué les robes pour l'apanage de ces donzelle travesties qui volent leur travail aux hommes. Les courbes pleines pourtant affichées sous ce manteau ont tout d'une femme. Tout comme ce visage qui, s'il n'est pas encore vraiment aux prises avec la vieillesse, n'est plus celui d'une jouvencelle. Les prunelles baignées par ce faisceau de lumière peinent à percer pendant un instant la pénombre environnante. Elle tend un peu son visage, dont les lèvres sont étirées par les lignes stigmatisées du sourire de l'ange, tentant de mettre une image concrète sur cette gargote qui sent le guêpier.

    La première constatation est surprenante. Le vide. L'attention chemine brièvement sur le mobilier austère pour s'attarder plus lourdement sur les deux seules personnes présentent. Le tenancier est dans le lot. Un vieux près d'une cheminée. Les prunelles vont de l'un à l'autre et de l'autre à l'un.

    Vaguement circonspecte devant le calme absolu de cette taverne, là où elle se serait habituellement tu, la balafrée n'arrive à lâcher qu'un pragmatique :

    _ Si c'est jour d'enterrement... J'pourrai repasser une autre fois...

Musique : "Subaphonic", d'Ez3kiel
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         © Images : Eve Ventrue & Vincent Munier - Anaon se prononce "Anaonne"
Sandino
…Alertés par les gémissements de la grille, bien après que le chien couché derrière le comptoir ait redressé les oreilles, les deux hommes ont rapidement tourné la tête dans la direction de l’entrée de la taverne.

La forme sombre qui s’est tout d’abord reculée sous les assauts de la lumière vive des flambeaux, est maintenant dans la salle. De sa place éloignée du seuil de l’entrée, à la vue de l’accoutrement et de la démarche, le vieux croit voir une des filles de Nestrecha l’espace d’un court instant.

- Tarka ? Fait-il tout bas avant de se ressaisir lorsque la femme qu’il devine sous l’habit du mercenaire, en se rapprochant apparaît plus clairement.

Prenant tout son temps pour la détailler, il s’attarde sur le visage et ce sourire qui lui a parût énigmatique au départ mais qui ne l’est plus. Sans aller plus avant dans la volonté de comprendre le pourquoi d’un pareil attribut, il juge la chose réussie. Il y retrouve ce sourire forcé qu’en toutes circonstances les femmes bien nées arborent, avec cependant un air sinistre qui l’emporte sur le cynisme apparent.

Sans répondre directement aux propos de la femme, d’un geste de la main il l’invite à rejoindre un coin de la salle, puis d’un signe de tête ordonne à Igor de servir à cette dernière une timbale de vin chaud. Ne la lâchant pas du regard, il tente de lire dans l’attitude de la combattante si sa présence est fortuite ou bien conditionnée par autre chose.

Tout est possible à la cour, un tavernier qui voit dans l’ouverture de son tord boyaux une concurrence qu’il faut tuer dans l’œuf, une dette de sang contractée il y a des années que l’on veut lui faire payer.

Toutefois, suite à son observation, il se détend un peu. Rompue à la violence cela ne fait aucun doute, mais contractuelle du crime rien ne le laisse deviner. Néanmoins il faut rester méfiant. Si le métier des armes est chez l’homme une inclinaison naturelle, chez les femmes c’est plus que cela, ce qui les rend dangereuses, animées qu’elles sont par des sentiments plus profonds que le seul esprit guerrier. Le fait qu’elle ait choisi de s’installer à la place la moins exposée et la plus sure, témoigne qu’elle a l’habitude de fréquenter les lieux où règne le danger.

Fort de ces constats, le vieux tenancier d’un geste de la tête donne l’ordre à son aide d’aller s’asseoir derrière le comptoir. Obéissant, Igor traîne sa centaine de kilos passé jusqu’au comptoir qu’il contourne pour s’asseoir sur un tonneau seul capable de supporter son poids. De son coté face à l’âtre, le maître des lieux a tiré un fauteuil centenaire sur lequel il s’assoit en soupirant, à l’écoute de ce que raconte le silence de la cliente.
Euzus
    Les pas sont rapides mais bien trop maladroits, son sourire est large mais en rien des plus rassurants, ses vêtements eux, sont semblables à ceux d'un bouffon, un amuseur de foules, un cracheur de feu ou autre jongleur.
    - C'est ce que je suis OUI ! Non.. NON ! Ce n'était pas moi siiiiire, pitié !
    Les présentations seront faites en temps et en heure. Les genoux viennent tomber contre les pavés froids et humides des miracles, sa tête se lève vers le ciel alors que la pluie ne tarde déjà plus à inonder cette peau si blanche.
    - NON ! Rends-toi aux miracles qu'il a dit et aux miracles je me suis rendu, ma place n'est semble t-elle pas auprès des bourses pleines ! BOURSES PLEINES !
    L'on pourrait croire qu'il pleure, qu'il rit ou encore qu'il gémit, à croire que l'intrus se satisfait de toutes ses émotions passagères qui meurent aussi vite qu'elles ne sont apparues.

    Le poing se ferme et se lève soudainement vers le ciel. D'un bond, le voici debout et fiers, large sourire sur les lèvres laissant entrevoir une dentition plus ou moins irréprochable.
    - Alors c'est ICI ! Oui, ici.. Je retrouverai celui qui a réduit mon existence à.. OUI et je le tuerai et.. JE me soulagerai dans ses tripes oh OUI, oui..
    Pluie battante qui vient le frapper mais c'est à croire qu'il se délecte de la situation présente. Ses vêtements de bouffons si sombres soient-ils, le sont d'avantage à mesure que les gouttes ne viennent s'en imprégner.
    De nouveau, il reprend sa marche, les rues lui semblent désertes. Son sourire est dérangeant, son comportement l'est tout autant. Sans cesse, il semble changer d'avis sur ses intentions et ses envies, comme si tout défilait à grande vitesse dans son esprit.


    - La pluie, satanée chienne, j'te couperai la queue !
    Seule envie est désormais celle de se mettre à l'abri, chose qui en ces lieux est des plus aisées. Quelques pas de côté auront suffit à le protéger des gouttes. Enfin, le silence, ceci ne lui ressemble pas mai, il observe.
    Appuyé contre un mur fait de pierres, bras croisés, tête haute puis.. Tête basse. Tête haute à nouveau et regard posé sur le mur qui le supporte. Langue tirée hors de sa bouche et ce de toute sa longueur et.. Coup de langue bien peu délicat contre ce même mur afin qu'il ne reprenne sa position initiale.

    - Je sens comme.. Oui, c'est cela.. Hm Euzus n'a pas faim, c'est son corps qui quémande !

    Bien de ses réflexions n'ont parfois aucun sens, ça c'est un fait mais lui se comprend enfin, c'est ce que l'on pourrait penser à l'entendre. Fou ? Non, il ne l'est pas et mieux vaut ne pas éveiller ce soupçon en sa présence.
    Si bien qu'il pourrait reproduire les mêmes actes abominables qui ont fait de lui un bouffon bannit des beaux quartiers de la ville de Paris. Actes de violences sans nom sur le corps sans vie d'une gouvernante au service d'une riche famille..


    Enfin, il se décide à lâcher le mur, les jambes sont étirées alors qu'il manque de tomber en arrière, chute évitée de peu dans des escaliers que ses yeux n'ont de cesse de contempler à présent.
    Il se gratte la nuque, puis le menton et pour finir, l'entrejambes.

    - Oh mais.. Regardez tous, une nouvelle piste, un tournant dans cette existence mais, que faire..
    Il tourne sur lui même, fait des allés et retours en haut de ces escaliers tout en marmonnant.
    - Descendre, OUI ! OH NON.. C'est ce qu'ils veulent.. Mais ils ne m'auront pas ! Je peux descendre tout en restant.. ICI !
    Enfin, il rit, oh oui il rit et ceci ne semble plus vouloir s'arrêter.
    - Euzus devrait descendre MAIS, quand ?!

    Certains en ces lieux pourraient croire que toute folie a déjà atteint ses limites et pourtant, il ne faut pas perdre de vue le fait que la Cour des miracles accueille encore et toujours ces enfants qui lui sont destinés.

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Anaon


      Enterrement non, pantomime oui. Son regard ne cesse de couvrir l'un et l'autre sans qu'il ne se formalise des mirettes masculines qui l'examinent. Le bras qui se tend lui confirme qu'elle n'est pas arrivée au milieu d'un conciliabule ou autre colloque où elle aurait atterrie comme un pavé dans la marre. Sans un mot, les pas suivent le geste, la sicaire se rapproche d'une table, notant au passage que par cette invitation, le vieil homme se désigne comme véritable taulier de cette affaire.

    Elle longe le mur, délaissant soigneusement le coin pour choisir la table voisine. Si à l'accoutumée des tavernes banales, elle aime les angles comme une épeire aime se retirer dans son nid d'ombre, elle ne souhaite pas avoir ici la place de l'acculée. Le dos s'applique pourtant à prendre place dossier face au mur, laissant la cloison adjacente non loin sur sa gauche, avec l'entrée tout au bout. Lentement, la pipe vide est posée sur le bois du plateau. Les azurites suivent le tavernier et le gobelet qu'il place sous son nez. Dans un réflexe, elle tâte du bout des phalanges son manteau, vérifiant la place de quelques écus parmis les autres disséminés un peu partout sur elle. Les rondelles ne viennent pourtant pas claquer maintenant sur la table. Homme éloigné, elle lève la main, redessinant consciencieusement de la pulpe d'un doigt le rebord de la timbale. Pouce et index se frottent l'un à l'autre. Puis ils viennent s'alanguir contre le corps pris en coupe, appréciant la chaleur distillée par les flancs de métal chauffés par le vin chaud. Le verre est levé, portant le bouquet fumeux aux narines féminines. Une œillade à l'homme sur sa droite, et à sa cheminée qui lui crache à la figure sa lueur roussâtre.

    Les regards de guingois sont de mises aux Miracle. La méfiance est une aide à la survie et la paranoïa est une preuve d'intelligence. La balafrée ne s'offusque en rien quand on la dévisage. Avec sa dégaine atypique, s'en est devenu une habitude. Un soupçonneux à la Cours est un homme avisé.
    Portant à nouveau ses iris bien bleus sur son verre elle ne peut pour autant s'empêcher de répondre d'une voix bien basse :

    _J'mange pas les vieux. Ils sont souvent bien trop carnes.


    Voilà qui est confirmé. Les lèvres goûtent au vin. Il y a presque une satisfaction jouissive bien dissimulée de faire remarquer l'âge d'un autre qu'elle-même. Dans ce pays de jeunes qui ne font pas de vieux os, c'est elle que l'on traite de vieille. Voir alors qu'il existe encore quelques personnes pour la qualifier de gamine à quelque chose de terriblement rassurant.

    Le bord du verre s'appuie sur sa lèvre sans que le vin n'y coule. Les prunelles décortiquent l'image du gars derrière son comptoir. Et alors qu'elle contemple cette masse, la balafrée se fait sans doute la réflexion la plus déplacée qui soit. L'expérience a prouvé qu'elle était un véritable attrape-colosse. Si elle n'a rien d'une gourgandine, la femme a cependant la fâcheuse faculté d'éveiller chez ces montagnes des envies bien peu désintéressées. Elle espère néanmoins sincèrement que celui-là ne sera pas le prochain à lui faire part de ses ardeurs...

    Les lippes s'apprêtent à se bénir d'une autre rasade quand un brouhaha la coupe dans son élan. Amas de son étouffés. Les azurites se braquent sur l'entrée. Plus rien. Puis à nouveau des petits bruits sourds, comme ceux d'une grosse souris sautant sur le pavé. On dirait que quelqu'un descend les marches. Ou les remonte. Ça semble ne pas se décider. Infime froncement de sourcils sur le front de la mercenaire. Soudain des éclats fusent, rebondissant sur la pierre des murs qui en gâtent la véritable intonation. Prunelles s'acèrent. Le vin emplie à nouveau son palais, ne détournant en rien l'attention qui attend de voir quel est le mariole qui s'amuse à croupir dans les escaliers.

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         © Images : Eve Ventrue & Vincent Munier - Anaon se prononce "Anaonne"
Sandino
…A ceux qui ne vont pas manquer de le questionner sur la raison de ce retour soudain à ses racines, le vieux gitan promis à devenir le roi de sa communauté ne trouvera jamais les mots pour l’expliquer.

Pourtant tout est là, dans cette atmosphère indescriptible qui se construit, qui s’épaissit du poids de l’altérité. Cette nouvelle strate que l’autre impose par sa seule présence. Ici vivre fait sens, la tension gouverne les corps et les esprits, la confiance qui ailleurs se distribue comme une douceur n’est plus de mise, on s’épie, on se soupèse, et déjà on essaye de détecter chez l’autre une faille au cas où.

A la cour exister ne suffit pas pour être vivant. Seul l’instinct de vie, la part animale refoulée dans l’autre monde fait ici la loi première « Tuer ou mourir » On doit s’économiser, pas de paroles superflues, de politesse due, les conventions sont toutes autres et chacun est renvoyé à lui-même.

Ravi de trouver dans l’ambiance du moment une bonne raison d’être là, le vieux esquisse un sourire aux flammes et leur jette une bûche virginale qu’elles s’empressent de lécher, préliminaires qui durent et promettent un bel embrasement.

La cliente savoure sa boisson et l’observe à la dérobée, tout comme lui le fait. C’est le langage de la cour où biaiser n’est pas une offense, la brutale franchise ne rapportant le plus souvent rien de bon à celui qui s’y adonne.

S’étant bien gardé d’engager la conversation, le Ténébreux se contente de tisonner les cendres, quand sans crier gare, la femme fait un commentaire laconique sur la dureté des chairs que consacre l’âge avancé.


- c’est que tu n’as jamais eu faim gadji. Fait-il tout aussi brièvement sans quitter le feu du regard.

La mercenaire n’a pas relevé, tournée qu’elle était en direction du comptoir où se tient Igor, lequel tend l’oreille en direction de l’escalier d’où provient des bruits que tous les occupants de la taverne entendent maintenant.

- Igor ! Fait le vieux d’une voix ferme, accompagnant le prénom d’un geste en direction des escaliers.
Euzus
    - Miracles, miracles, miracles MAIS.. Oui !
    C'est soudainement, qu'il se retourne sur lui même, faisant face aux marches qui mènent plus loin, en contrebas. Lentement, il se frotte le menton, sourcils froncés et sourire inquiet sur le coin des lèvres. Le bouffon semble douter et contrairement à son habitude, ce sentiment perdure quelques instants.
    Ses yeux se ferment et ses doigts viennent se poser contre son front, comme s'il réfléchissait à quelque chose de plus ou moins important. Puis enfin..

    - Non, c'est impossible ! Pourquoi n'y aurait-il pas de vin aux miracles, n'aurions-nous le droit qu'à de la bière, aussi chaude que ma propre PISSE ?!
    Son esprit, une nouvelle fois n'a pas manqué de divaguer mais au moins, le voici face à un dilemme, une interrogation à laquelle il pourra apporter une réponse et ce il l'espérait, avec hâte. Son indexe pointe enfin les profondeurs, cette gorge qui s'enfonce puis, un premier pas est fait et, un second.

    Son indexe ne bouge pas, toujours pointé vers l'avant, son visage lui laisse apparaître un sentiment de curiosité nouvelle. Mais enfin, le bout de son doigt vint à la rencontre du porte qui le stoppa net dans sa course. Porte à laquelle il vient tout aussi rapidement plaquer tout son corps.
    - C'est le moment.. De danser mes frères..
    Puis il pousse vers l'intérieur, la porte elle, s'ouvre lentement dans un grincement dont il ne prête guère attention mais déjà, la lumière à l'intérieur l'aveugle, le forçant à se cacher le visage de ses deux mains.
    - Les cieux, j'y suis arrivé gniahahahah !
    Puis peu à peu, ses yeux s'habituent à celle-ci alors que face à lui, se profile une masse énorme de chair et d'os mais le bouffon ne prend pas peur pour autant.
    - Beh c'est qu'il est pas rassurant thééé !
    Des mots qui s'échappent de sa bouche un peu trop hâtivement visiblement. Le fou ne quitte néanmoins pas des yeux la brute face à lui puis, il finit par la contourner tout en prenant ses distances. Un tour sur lui même avant de reprendre sa route avant de s'arrêter face aux deux autres personnes présentes en ces lieux.

    Sa main vient empoigner son couvre chef qui soulève légèrement, faisant ainsi retentit les quelques grelots qui le composent.
    - Un plaisir les amis, ahah, tout à fait..
    Et c'est finalement sur un tabouret que son fessier finit par se retrouver. Tournant le dos à toute l'assemblée, mains posées sur la tablée, les doigts tapent, sans cesse. Ses jambes tremblent, comme s'il était impatient de..
    - Pourrais-je avoir.. Du VIN ?!
    Dit-il tout en pointant le plafond du doigt comme pour faire connaître sa nouvelle présence en ces lieux qui n'a sans doute pas manqué de passer inaperçu aux yeux de tous.

    Et déjà..
    - Non Euzus, pourquoi voudrais-tu y mettre tes doigts, toi qui est munit de.. Au diable mais pourquoi l'avoir usé ainsi..
    Nerveusement, il gratte le bois de la tablée, ses yeux eux, n'ont de cesse de regarder les moindres détails qui l'entourent.
    - Usé mais coriace..
    Il rit, une nouvelle fois mais pour le coup, bien plus discrètement que lorsqu'il se trouvait encore à l'extérieur de ces lieux.

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Sandino
…Igor est fort, il suffit de le regarder pour s’en convaincre. Des bras dont la grosseur rivalise avec les guibolles d’un homme normalement constitué, un torse de cheval, deux troncs en guise de jambes, l’homme en impose au premier coup d’œil. Ajouté à cela, un collier de cuir clouté qui lui enserre le cou et deux manchons du même cuir clouté ajustés sur ses avant-bras pour le protéger des lames, Igor fait peur.

Pour autant il est lent, et celle lenteur il la doit à trois facteurs. Le premier sa masse corporelle, le second son manque cruel de jugeote et trois le fait que le même jour qui l’a vu perdre sa langue, l’a vu aussi y laisser ses bijoux de famille en remboursement d’un impayé due par son Père aujourd’hui mort et enterré.

Devenu eunuque, c’est une partie de sa vitalité qui s’est envolée, le laissant plus mou encore qu’auparavant. Raison pour laquelle, le temps pour lui de faire taire le chien couché sous la table de découpe servant de bureau en tapant du plat de la main sur sa surface balafrée, puis de se mettre en route en direction de l’escalier, il est trop tard. L’homme est entré.

Levé de son siège plus lestement que laisse supposer son âge, le vieux gitan, tisonnier en main observe le manège du nouvel entrant. Ce dernier, virevoltant, a contourné le continent mouvant qu’est Igor, puis suivant une trajectoire incertaine, proche de la pantomime, s’est finalement posé sur un tabouret, dos tourné à la cheminée, le tout en saluant et réclamant du vin.

Tout comme il est évident qu’Igor est fort, l’homme qui vient d’entrer est un fol juge le tenancier. Affublé d’un couvre-chef défraîchi, il a tout du bouffon dégénéré.


- Misto !* de la viande fraîche ! Fait-il à la mercenaire sans la regarder, accompagnant ses paroles d’un sourire mauvais.

Ensuite d’une voix forte il s’adresse à l’eunuque.


- rapporte !!

Ordre simple qu’Igor exécute prestement, mettant à profit sa force et son allonge exceptionnelle pour soulever l’homme par le col et le ramener devant son maître, sans que le client ait eu le loisir de poser les pieds au sol.

- t’es qui gadjo, la fée clochette ? Demande le vieux qui du bout du tisonnier fait tinter les grelots.

L’homme roule des yeux et semble prendre un malin plaisir à être malmené, il bouge les jambes et montre du doigt le plafond sans pouvoir parler, à demi-étranglé par la poigne du colosse qui ne faiblit pas.

A la bonne heure commente intérieurement le patriarche des Romané, qui voit dans la venue de cet homme décadent le signe que la cour génère encore des miracles. Qu’il soit un danger, ce diable sorti de sa boite, c’est certain. Bien plus encore que la femme d’armes qui observe la scène de sa place, arborant ce sourire de façade derrière lequel elle dissimule ses sentiments sur la situation.


- Assis ! Fait-il à l’intention de son aide en lui indiquant de l’index, le coin le plus éloigné et le plus lumineux de la salle.

Le bouffon toujours au bout du bras, Igor se dirige à la place indiquée où il dépose délicatement son colis et s’assoit face à lui, ouvrant alors grande la bouche en direction de son vis-à-vis pour lui exprimer sa satisfaction de pouvoir partager un verre avec lui. Trou énorme et noir qui laisse entrevoir tout au fond un reste de langue qui y repose.

Cette fois c’est le patron qui fait le service, sur la table du duo il dépose une cruche de vin, deux timbales et avant de retourner se vautrer dans son fauteuil près du feu, il averti l’homme qui le regarde.


- ici c’est chez moi, n’y fais jamais d’histoire.


misto= trés bien en langue ROM
Sandino
...L'humidité de l'air a changé d'odeur, il neige, le vieux en est certain, son nez, son corps le certifient. Dans l'âtre les dernières bûches sifflent un air de bois encore vert, la température est descendue dans la taverne ce qui ne semble déranger personne sauf le tenancier.

La mercenaire n'en finit pas de siroter son vin qui doit être maintenant bien tiède, des échanges du bouffon et de l'eunuque géant on ne perçoit pas grand chose et pour cause le second est muet quant au premier il paraît là puis ailleurs, suivant un rythme connu de lui seul.

Une cavalcade dans l'escalier résonne soudain, deux sifflets brefs se font entendre devant la grille, puis un main d'enfant jette un parchemin à travers et se retire en criant " message!!"

Le gitan se lève de son fauteuil avec cette fois moins de promptitude qu'à l'entrée du bouffon. Seule la tension le rajeuni, lui redonne cet nervosité propice à la survie en milieu hostile. Prenant tout son temps il va jusqu'au seuil de la taverne, ramasse le message et reviens s'asseoir, non sans avoir au préalable lancé un regard en direction de la femme qui n'a plus dit un mot depuis son commentaire sur la qualité des chairs en fonction de l'âge.

Après avoir pris connaissance du contenu du message il le jette au feu et se lève à nouveau pour cette fois rejoindre la mercenaire.


- j'aurai peut-être besoin de tes services, tu es libre ? Lui fait-il tout de go.

Impassible derrière son sourire sardonique, la femme ne répond pas et le vieux sait trés bien pourquoi. Elle désire en savoir plus

- rien de compliqué, trois personnes dans une chambre, un couple et une ribaude, l'homme et celle qui serait sa femme ne sont pas habitants des miracles, la troisième je ne sais pas, ils portent des masques à l'extérieur m'a t'on rapporté, le sang ne devrait pas couler mais sait on jamais, je te laisse y réfléchir.

Sans plus attendre, le patron de la taverne se porte jusqu'à la table à découpe y griffonne un message qu'il jette à son tour de l'autre
coté de la grille en sifflant deux fois à l'intention du messager qui attend sans bruit en haut des escaliers. Messager qui appartient à une bande d'enfants que le bohémien finance et a juré de protéger en échange de leur concours quotidien, le plus dur ayant été d'en trouver un capable de lire et écrire correctement.
Anaon

      *
      La réplique du taulier a fusé, lovée dans son esgourde, sans froisser l'esprit trop appliqué à épier ce que l'escalier a à cracher. Quand le nom claque, les prunelles se rivent au colosse en mouvance. Des aboiements de chien là-bas. Elle a beau en avoir un, et pas des moindres, la mercenaire éprouve une certaine répulsion pour ces cabots des miracles, souvent bien plus vérolés que leur pouilleux de propriétaires. Prunelles reviennent à la porte quand la bestiole arrêtent de japper. Un bruit étouffé. Un grincement. Et dans l'ouverture une silhouette se recroqueville sous la lumière. Les paupières féminines se plissent. Et il ne faut pas longtemps pour comprendre que quelque chose cloche dans le tableau dévoilé à leur contemplation.

    La timbale s'est à nouveau appuyée sur ses lèvres. Curieuse créature qui se présente. Il a un côté funambule. Et des airs de disloqué. Mais quand le bonhomme termine sa volte pour se figer face à elle, un frisson inexplicable lui remonte la colonne. Des gueules cassées, elle en a vu à Paris. Des créatures rabougries, gibbeuses, boiteuses ou atrophiées. Des visages grêlés, des peaux bouffées par les abcès ou déformées pas d'improbables protubérances, posées çà et là par le Hasard, comme un sculpteur négligeant qui aurait oublié de dégrossir toutes les enlevures de sa création. Du laid, du beau. Même des chairs putréfiées ou roides que l'on récupère pour en percer les arcanes à la manière d'un Vésale. Elle en a vu des trognes la sicaire, mais alors que le zig aux allures de bouffon se plie à une brève salutation qui fait cliqueter ses breloques, l'Anaon avouerait bien volontiers que des visages comme celui-là, elle n'en a jamais vu.

    Déviant. C'est le premier mot qui lui vient quand elle contemple ce faciès. Des détraqués, elle en a connu. Mais aucun n'avait autant la perversité burinée à même ses traits comme le vicieux semble plaqué à la face de cette figure des Miracles. Il a les manières d'un drôle, d'un drôle qui dérange. Dérangeant. C'est cela oui. Avec son regard perçant rehaussé d'un sourire bien trop impeccable. La balafrée n'est pas une femme sensible, non. Et pourtant, elle avouerait sans rougir qu'au premier regard, celui-là lui colle un sacré froid dans le dos. Sur son visage immuable, rien ne semble pour autant se trahir, rien qu'une fixité absolue de ses pupilles résolument braquées sur ce nouveau guignol.

    Le malsain a toujours son lot de fascination. Au même titre que la violence attire ou que la Camarde séduit. Ambivalence. Alors pour les azurs mercenaires, ce petit bonhomme à tout d'un théâtre. Muettement, elle le décortique dans ses moindres gestes, sourcils passablement froncés, pupilles pleines d'intérêt et de méfiance. On a oublié d'allumer ses bougies à tous les étages, y'a pas à dire, et pourtant, allez comprendre pourquoi, il l'amuse. A le voir cependant, on ne saurait dire si c'est un sourire ou bien un rictus qu'il faudrait afficher. Qu'est-ce qu'il lui inspire ? Tant de choses confuses qu'elle ne saurait trancher. Sympathie et mépris. Pitié.
    Curiosité malsaine.

    Le taulier, lui, semble avoir choisi ses ressentis. Les azurites accrochent le tisonnier brandi comme arme et contemplent la scène qui se déroule devant elle sans émettre une seule réaction. Elle guète l'agitation du coin de l'œil, laissant ses lippes revenir à son vin. Elle note au passage, qu'avec ce vieux-là, mieux vaut ne pas trop déconner. Bon à savoir, quand pour une fois, on a pas envie de chercher des noises.

    C'est quand le calme semble revenir que l'ouïe s'ébroue encore d'un autre déboulement. Ça claque encore sur les marches. C'est fou comme la pluie attire les rats dans les trous. Cette fois-là pourtant, point de nouveau arrivant, un simple carré jauni glissant par les interstices. La mercenaire suit le tenancier sans plus s'y intéresser, jusqu'à ce qu'elle le voit venir vers elle. Elle ne tourne pas la tête, le dardant du coin de l'œil. Le gobelet quitte calmement sa bouche. Le cul de métal retrouve la table. Et dextre se pose, à plat, prête...

    « J'aurai peut-être besoin de tes services, tu es libre ? »


    La mercenaire ne bouge pas. Elle s'en surprend cependant. L'homme lui expose les faits. Elle, elle s'intrigue de le voir l'embaucher au débotté. Paranoïa s'interroge sur la démarche, cherche le traquenard ou l'entourloupe. Opportunisme liste les intérêts qu'elle aurait a accepter pareille requête.

    Latence. La pulpe des doigts frôle lentement la table nervurée. Le taulier est déjà reparti.

    _ Je pourrai bien être libre, en effet. Mais j'ai pas vraiment pour habitude de travailler simplement pour la gloire ou pour le plaisir...


    Iris d'un bleu bien sombre qui se relèvent sur l'homme. Quelle va en être sa réaction ?


Musique : "Yubâba, la vieille du bain public", dans "Le Voyage de Chihiro", composée par Joe Hisaishi.
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         © Images : Eve Ventrue & Vincent Munier - Anaon se prononce "Anaonne"
Sandino
A quelques pas de la mercenaire, occupé à fouiller l’intérieur d’un coffre à la recherche de sa miséricorde de Tolède, le vieux feint la surprise quand en réponse à sa proposition elle lui a précisé ne pas travailler pour la gloire.

- Ha bon !! S’étonne t’il sans interrompre sa fouille.

- Mais bien sur, suis-je bête, j’oubliais que tu avais le palais délicat, hors de question que je paye de ma personne, plus comestible le vioque. Poursuit il d’un air sérieux avant d’éclater de rire franchement au bout d’un moment.

Sa miséricorde retrouvée enveloppée dans un chiffon au fond du coffre, il l’accroche au bout de la chaîne d’argent qu’il porte au cou, embrasse la fine lame puis la glisse sous sa chemise, frissonnant au contact du métal froid sur sa peau. Toujours d’humeur badine, il reprend place sur le fauteuil près du feu qu’il a tourné de façon à être face à la mercenaire.

Imperturbable, cette dernière, son rictus énigmatique aux lèvres, l’observe sans sourciller d’un regard bleuté qui s’assombrit lorsque la lueur des flammes baisse. Décidément se dit le gitan, cette gadji est pas commune. Elle paraît lointaine et mélancolique. Une fille de Saturne juge t’il en plongeant son regard dans le fond marin des yeux de la mercenaire.

Au-delà de son visage marqué, de sa tenue de mercenaire, choses somme toute normales à la cour des miracles où les singuliers, les différents se réunissent, elle donne le sentiment, et c’est ce qui la rend peu ordinaire au regard des autres habitués, d’être déplacée dans un tel lieu et totalement en phase avec. A la voir, on se dit qu’elle est là, faute de trouver ailleurs une atmosphère à son goût.

Perplexe, le vieux étudie le moindre détail de ce qu’elle laisse voir, tout fait sens à ses yeux et les symboles lui permettent d’interpréter ce qui est caché.


- 30 écus pour ta peine, tu en dis quoi ? Lui dit-il sans préambule.
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