[RP] Une résurrection réussie

Passé le moment d'indignation, Germaine avait une énorme envie de se marrer et les réactions des femelles Cobradèche la mirent dans un état proche de la Franche-Hilarité.
Se doutant bien que l'homme de la famille était un tantinet jaloux, elle trouva une solution au dilemme de son amie Hilde.

Pisque ton homme il est suce-pisseux, et qu'moi j'ai des doutes sul bien-fondé d'son don d'visagimse à l'aut', ben j'ai une idée. On va aller l'tester à l'auberge d'Robert, on verra bien comment qu'y s'en sort c't'oiseau !

Et se tournant vers Poum :

Tu viens aussi, toi ! Comme ça, si ça marche, y t'espliqu'ra toussa, pis y t'formera p'têt' pour qu'tu soyes visagière. Avec le bagout qu't'as, ça d'vrait pas êt' difficile nan ?

Allez, ralliez vous à mon fessier, on va tous à « La Force Forte »  l'auberge a ouvert aujourd'hui, c'est l'occase de s'faire payer un coup par Bob ! J'crois qu' c'est là qu'elle est partie Malicorne, vu qu'elle en a marre de moi et d'mes invités !
Elle va êt' contente de nous r'voir aussi vite !

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Quand on croit que chaque citrouille peut devenir papillon, il vaut mieux se garer. 
B. Fontaine

La moustache était parfaite.



Quand l'homme se lève et se dirige vers moi, je sens bien qu'il faudrait que je cesse de sourire comme une bécasse, qu'il faudrait que je prenne un air inspiré et dise quelque chose d'intelligent.
Mais je n'ai le temps de rien.
Ou plutôt, comme la scène se déroule au ralenti, j'ai tout le temps de bien me rendre compte qu'il fonce direct sur moi, d'un pas assuré. Je vois la moustache fristrouiller, l'oeil pétiller et briller d'une lueur malicieuse et je me dis que dans la seconde qui suit, l'hidalgo va mourir de sa belle mort, fauché dans la force de l'âge par l'estocade de mon Matador de mari qui est comme chacun le sait, un tantinet à cheval sur les questions de propriété.

Et lorsqu'il s'incline, à un pas de moi, le cheveux plaqué sur son crane, luisant de gomina médiévale (à base de suif de mouton et parfumé de violette si mes narines ne me trompent pas), je suis toujours en train de me remettre le chignon en place. La main qui m'éventait est capturée par la sienne et un délicieux frisson me traverse quand le souffle d'un baise main ô combien conventionnel mais terrrrriblement charmant vient effleurer ma peau.

Mesdames, sachez qu'un baise main réalisé dans les règles de l'art (et non pas à la façon des gougniafiers qui vous trempent de bave en vous bouffant la patte) est d'une sensualité insoutenable.
Quasi je défaille...
Surtout si c'est un inconnu qui vous en fait l'honneur.

Et cet homme là, tout en moustache, gomina et beaux atours, est un parfait inconnu, je t'assure Cobra !

Aussi lorsqu'il me dit avec un accent roulant :

Bonjour, M'dame Hildegarde deux i Cobradèche. J'suis Raoul.

mon coeur se fige, je blémis, mes yeux s'ouvrent avec stupeur et ma main est aussitôt retirée pour venir agripper mon col dans un réflexe protecteur.

Mon regard s'affole, va de Germaine à POum, de Malicorne à Cobra ; je tente même de trouver un soutien en Brad Pitt qui me regarde d'un air con en remuant la queue.

Que... Quoi ?! Mais Monsieur, d'où tenez vous mon nom ? Vous aurais je décliné mon identité sans m'en apercevoir, que vous sachiez jusqu'au détail de l'orthographicalcification de mon patronyme ?

C'est normal !

Raoul, esprit simple dans un corps simple, ne comprend pas la réaction de la belle brune.

Vot' nom ? Ben y m'est v'nu comme ça, sans réfléchir ! C'est pasque...

Il est interrompu par l'éruption germanique, qui le laisse pantois, deux minutes.
Mais il se rebiffe, le cave !

Chuis pas un gougnafier ! Si j'sais son nom, c'est normal !
J'ai ezzaminé son chignon qui s'écroule et j'm'ai dit "Raoul, Garde au chignon !" D' là, Hildegarde, c'était facile !
Nan mais tu t'fous d'ma gueule, tel que t'es là !
Nan nan mam'zelle Germaine ! J'oserai pas !
Comment qu't'as fait pour d'viner l'reste alors ? Esplique, gros malin !
Ben c'est normal, Deos y m'aide !
Nan, Deos y m'aide moi, pas toi !
Ah oui ? Alors espliquez moi comment qu'j'ai fait si c'est pas Deos qui m'a aidé !
Ben c'est l'sans nom qui t'souffle des conn'ries !
Ah nan ! La preuve, c'est que j'm'ai pas trompé, qu'c'est la pure vérité ! Les deux i, c'est pasque elle a deux pieds.
…
J'crois qu'tu t'fous vraiment d'ma tronche là !
Nan, c'est normal, c'est tell'ment esseptionnel que vous avez du mal à m'croire ! Pourtant vous avez bien fait des mirac' vous aussi !
Mirac' mon cul ! C'que tu fais c'est d'la sorcell'rie d'gougnafier !
Nan ! C'est juste que Deos y m'a donné un don.
Donner un don c'est redondant.
Nan ! Pas redondant ! Un don ! Le don du visagimse ! J'suis un visagier !

C'est le moment que choisit Malicorne pour participer à l'échange.

Un nové métie est nèchu  ! Vésaidgié !*

* Un nouveau métier est né ! Visagier !

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D'aucuns penseront qu'il n'y a rien que de banal dans une choucroute, c'est que ces « d'aucuns-là » n'ont aucun sens anthropologique.
Une chose ne vaut que par la manière dont on la voit.
Morgan Sportès

"......... ben y m'est v'nu comme ça, sans réfléchir ! C'est pasque...."

Combien de fois l'ai-je entendue celle là ?
Combien de prévosts, combien de douaniers, combien de séducteurs en herbe m'ont balancé ainsi mon nom à la figure ?

Des milliards.

Non, j'exagère, je vais faire modeste pour une fois. Des milliers...

Je jette un oeil vers Cobra et m'attends à ce qu'il me dise :

T'es pas crédible Amore, ils ne sont pas si nombreux puisque je veille... je surveille et je déconseille.

Erf... Ah oui...

Il est comme ça mon Serpent, toujours à casser mes rêves. Je grommèle et rectifie alors.

Bon, disons que j'en ai croisé huit.

Mais huit c'est déjà beaucoup si l'on pense aux dommages collatéraux que ces sorciers peuvent déclencher.
Aussi je laisse la Germaine avoiner le beau moustachu, tout en réprimant une larmiche quand même... Il a une si belle moustache.

Il est beau mais il se gène pas pour dire que mon chignon est bancal ! Et que mes guiboles ressemblent à des i ! Moi qui possède les mollets les plus jolis et les plus ronds du royaume et au-delà ! Mais quel toupet !

Non mais dites donc vous ?! Et mes genoux ? Vous les visagimsez aussi ????

Dans son pif que je vais lui mettre oui !

Et voilà que Poum s'y met ! Je savais que ce type là, me foutrait la panique dans la famille à m'appeler par mon nom ! Si Poum percute ainsi, malgré l'hypnose des mammelles de Germaine (putain, va quand même falloir me donner l'adresse de ton chirurgien...!), je gage que mon Cobra ne va pas tarder à me demander des comptes aussi. Va falloir faire preuve d'imagination les filles ! Moi je vous le dis !
Parce que comment justifier à mon époux qu'un type que je ne connais pas, m'apostrophe et me baisouille de si belle manière en me faisant monter le rouge aux joues.

Quand je vous dis que ça crée des dommages collatéraux, c'est pas des conneries hein !

Aussi, tout en écoutant les explications du bel hidalgo, je fais bouillir ma cervelle pour me tirer de ce mauvais pas, incline discrètement ma tête vers Poum, tords ma bouche pour que personne ne voit que je lui souffle :

Ecoute Poum... Pas la peine d'alerter ton père...

Tu penses, si jamais on doit se justifier à ce sujet, je suis mal ! Mais maaal !! Et le gonze encore pire !

Un coup d'oeil discret vers Cobra pour me rassurer... A t il vu, entendu...sentu ? Une goutte de sueur me dégouline dans le dos et un putain de frisson l'accompagne. Cette fois je suis cuite !!!! Le Serpent va s'en apercevoir !

Ce Monsieur affirme que c'est son métier et c'est confirmé par Malicorne qui dit que l'est néchu...
Ca va être très simple ! On va bien trouver en ville un blair........ un sire que personne ne connait ! Il n'y a qu'à le lui amener, qu'il le tate, lui baise la main, les pieds ou les oreilles et nous prouve qu'il sait y faire !

........ Dans le cas contraire..... je le livre à ton père..... et son sort sera scellé je le crains............
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J'ai eu la version écrite, voilà que face à moi, la version orale de celle qui devait évidemment être l'auteur de la lettre reçue : Malicorne Taillebois.

Derrière moi, la foule s'est comme figée dans le silence, chacun tentant de décrypter le sens de ses paroles. Nul doute que celle là aurait de l'avenir en politique, elle a déjà le débit anesthésique et le discours incertain de ceux qui noient le poisson.
Je compris qu'elle saluait les chattes, que Germaine était à moitié là à en préparer des masses sans tergiverser.
Je compris aussi qu'elle nous demandait si on avait faim, qu'elle me proposait un macho dans un train et que son père vendait des bottes.

Mmh... Enchantée damoiselle Taillebois...

Le principe étant que les hôtes se doivent d'un minimum de politesse vis à vis de leur hôte (vous suivez le jeu de mot hôtes/hôte ? moi j'adore...) surtout quand l'hôte était hôtesse, je ne vais pas tout de suite lui dire que je suis déjà pas mal pourvue question macho et que ma chatte va très bien, merci.

J'essaie de paraître rassurante car, il faut le savoir, Amigos, les Cobradèche ne sont pas les pires connaissances que Germaine risque de rameuter à Vesoul. Croyez moi, comme dirait mon époux, ça va chier des Pulles si la connerie lui prend.
Je rends donc son sourire à la Taillebois qui semble un peu emmerdée tout de même de notre venue et on lui emboite le pas vers l'intérieur de la maison, laissant les curieux, leurs femmes et les casseroles dehors.

Nous découvrons ce qui ressemble à un salon-salle-à-manger-chambre-salle-de-bains-cuisine-buanderie (que les parisiens appelleront pompeusement, plus tard, Appartement Cossu) plutôt croquignolet, gage de la qualité de l'hôtesse.
Cependant, une odeur persistante de chou et de saucisse de Morteau bouillie enveloppe l'atmosphère. Pas que ça pue, mais ça incommode pas mal, surtout à quatre heures de l'après midi, quand il fait froid dehors et qu'on peut pas ouvrir pour ventiler.

Par chance, la porte s'ouvre en grand sur la spectaculaire Germaine, la gorge palpitante, le sein aussi généreux que sur le portrait. J'ouvre des yeux grands comme des soucoupes, je remonte la machoire de Cobra pour qu'il ferme la bouche et laisse Poum raconter nos péripéties.
Les commères ont raison ! Germaine est devenue bombasse. Adios la silhouette sèche et le pli aigre au coin de la bouche. Terminado l'oeil à peine ouvert dans une fente méfiante. La Germaine cuvée 1463 fera l'affiche des calendriers au fond des charrettes des marchands ambulants !

Mais .... Mais.... Mais tu es resplendissaaaante !!!

D'un pas souple et déterminé, elle chaloupe jusqu'au lit, nous offrant un arrière qui n'a rien à envier à l'avant et s'y laisse choir dans un mouvement qu'elle doit penser lascif mais qui manque encore un peu d'expérience. En un mot, elle s'y laisse tomber comme une merde, disons le clairement.

J'en profite pour glisser un pied dans l'entrebaillement de la porte pour maintenir une entrée d'air salvatrice.

Poum est intarrissable et va de Germaine à Malicorne, à croire qu'elle a oublié le tournoi de Genève 1462, les nichons malmenés et les côtes enfoncées et les griffures qui ont mis trois mois à cicatriser.

Pour ma part, je respire profondément, tentant de faire abstraction des cris de ma fille, du chien haletant, des haut le coeurs provoqués par le graillou et découvre deux hommes, installés au fond de la pièce où Malicorne s'affaire.

Poum ! Cesse ! Lache ce chien, tu vois bien qu'il y a du monde !

Peut on adopter un air détaché et inspiré dans de telles circonstances ?

Oui.

Je rajuste mon chignon d'un tapotement de la main, m'évente de l'autre et jette un regard désespéré vers la rue. Cela dure un instant puis je souris aux types. Je comprends le désarroi de Malicorne : la cour de Germaine est déjà dans la place !

Dussé-je vous flatter, roi du monde et des hommes, 
En priant "donnez-nous notre pine en ce jour",
Que vous n’en oublieriez comme un serpent la pomme 
Et me feriez croquer votre verge à son tour. *

Son passage à l'église avait émoustillé notre Germaine, allez savoir pourquoi, et elle se sentait toute moite. J'ai p'têt' la fièv', se disait-elle, vu qu'la licorne elle a mal de partout, elle a dû me r'filer sa maladie !
Pourtant, arrivée à la maison, une surprise de taille l'attendait : les Cobradèche au grand complet.

Hildegarde ! Ah ben j'vois qu't'as vêlé! T'es quand même mieux sans ton gros bide, faut bien l'dire !
...
Et toi, ma Poum ! Tes nichons se sont bien r'mis ?
...
Arghhhh ! Mais c'est quoi c'clébard ? Laisse mon mollet, sal'té d'carne !

Elle se vautra sur le lit de Malicorne en soupirant.

Ben j'vous jure, les Putois d'Vesoul, sont pas folichons... r'marquez, les Putois tout court...
T'nez, si qu'vous voulez, j'va faire la messe d'main à l'église de V'soul.
Pasque l'curé, c'est un diac' et y fait la messe quand il a l'temps, faut dire qu'il était roi d'Léthargie, et prince de mes couilles, alors hein, les ouailles il en a ranafout' !
Pis comme j'étais pastourelle à Cahors, même si que j'suis réformée, j'sais faire une messe.
Et pas de messe gnangnan hein ?
M'enfin, j'cause j'cause... et vous qu'est-ce vous dev'nez alors ?

* Chipé à Yannis Youlountas, de "Lourdes offenses" dans Poèmes ignobles.

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B. Fontaine

[Belley, pays des belettes, quelques jours avant le jour d'après]


Entre deux manches d'un tournoi de bâtons interminablement ennuyeux, je profite d'une après midi paresseuse, vautrée sur un baldaquin moelleux. Telle que vous me trouvez, Amigos, je compte les orteils de mon Serpent d'époux (si si, c'est possible) qui grogne parce qu'il est chatouilleux, puis de notre fiston Hipster, qui rit parce qu'il est chatouilleux.

Poum s'occupe dans la chambre mitoyenne. Je ne la vois pas, mais aux glapissements de notre chère fille et aux jappements que pousse notre chien, Brad Pitt, j'en déduis qu'il doivent encore jouer à quelque jeu que la morale réprouve.

Je n'irai pas voir, par pudeur...

C'est à ce moment là qu'un commis frappe à la porte.
Et comme nous avions commandé du jambon et un Pinot noir d'Alsace, je l'invite à entrer sans plus attendre.

Entre donc mon commis joli ! Pose le plateau sur le guéridon au pied du lit et sers nous un verre sans plus tarder, nous brunchons à la romaine, étalés sur l'édredon...

Le commis pousse la porte mais à la place du jambon et du pinard, c'est un pli qu'il nous remet.


Ma Dame... Le plateau suis n'ayez crainte, cependant c'est une lettre en provenance de Vesoul.
Vesoul ?
Vesoul.
Tu connais du monde à Vesoul, Amore ?
Nope.

Je me redresse tant bien que mal dans ce lit tellement mou qu'on le dirait à eau et tente de cacher ma curiosité derrière un air farouche.
Le bras est tendu vers le commis pour qu'il me remette le pli.

Fais péter la lettre et ramène le jambon !

La lettre est décachetée et je dois m'y reprendre à deux fois pour en comprendre le sens.

Foutre Dieu ! Mais quel putois peut écrire avec une orthographe aussi pourrie ? Encore un coup de nos adversaires de tournoi ? On tente de nous effrayer par un moyen déloyal ?

Bonjoure madame ile de garde troizi,

je vou join une lètre de madame Jermène car elle è tro féniante pour lanvoyé elle mème. An plusse elle abite ché moi a Vesoul. Come di mon père, sé pa une sinécure.

Sinié Malicorne Taillebois

Est joint à la présente une seconde lettre et un portrait de son auteur qui n'est autre que.......


Germaine ????!!!!!
Cobra ! POum ! Regardez moi ça ! Germaine est vivante !!!

D'un coup de cul, je rebondis du lit et tire le rideau qui occulte la fenêtre et fais entrer le soleil. Cobra s'est emparé du portrait et a les yeux qui lui sortent de la tête.

Haann !!! T'as vu les obus ????!!!!

Je manque de tomber à la renverse ! Moi qui avait dédié ma victoire contre l'immonde Yohanna à Genève à la Landru défunte, voilà que les Dieux m'avaient entendue et la ramenaient à nous !
Non mais, Amigos, je vous montre pas la lettre, vous la connaissez déjà. Par contre le portrait, on s'en lasse pas.

J'vous le remontre :





Loué soit le poulet ! Que l'on brûle des cierges ! Que l'on viole des vierges ! Germaine est vivante !

Inutile de vous dire, Amigos, que le tournoi de bâton est vite expédié. Bim ! Bam ! Boum ! On envoie Poum voler dans les plumes du Boulvay-le-mauvais ; elle lui colle une rouste en deux temps, trois mouvements et on met les voiles direction... Vesoul.

T'as voulu voir Vesoul ? On ira voir Vesoul ! En route mauvaise troupe ! Ensuite on ira à Paris !

Aussitôt, le Serpent s'insurge.

Ah non ! Je te le dis, je n'irai pas plus loin !
Mais je te préviens, j'irai pas à Paris. D'ailleurs, j'ai horreur de tous les flons flons de la valse musette et de l'accordéon.


Soit.




[Vesoul donc.]


Bonjour madame. Je cherche une borgne.
Malicorne c'est son prénom. Taillebois son patronyme. Elle a une orthographe de chien.
Quoi ? Un signe distinctif complémentaire ? Vous me prenez pour une saucisse ?
Ah oui, elle loge Germaine Landru, reconnaissable à ses ob...

Salope ! Trainée ! Coureuse de remparts ! Elle nous pique tous nos hommes ! C'est une plaie ! s'il vous plait, emportez laaaaa... On n'en peut pluuuus...
on vous paiera.


Et bien Amore ! Je crois que nous sommes arrivés.

Autant vous dire que c'est une petite foule qui nous accompagne jusqu'à la maison de Malicorne Taillebois. Les hommes devant, leurs femmes pas loin derrière, armées de rouleaux à patisserie, de casseroles, de poissons pourris, bref, d'accessoires contondants.


Toc Toc ! Ohé ! M'ame Germaine ! Montrez donc votre balcon à votre balcon ! C'est Hildegarde avec deux ii !!

Tandis que la gamine pleurnichait d'un oeil, abattue par le raisonnement Germanesque (une liaison dangereuse entre Germain et Roman), un pigeon se posait sur le rebord de la fenêtre.

C'est sûr'ment pour moi, t'as pas une tronche à r'cevoir du courrier !

Lecture faite, son oeil droit s'écarquilla tandis que le gauche se fit tendre.

Bah merdalor ! C'te vieille Arsenyk ! Comment qu'elle a su qu'j'étais là ?



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B. Fontaine

Fallait pas l'inviter

Sortez les dossiers lourds et compromettants
Ici on traîne dans la boue et après on pend
Les langues de bois, connais pas.
Faut qu'ça choque, qu'ça fourche, envenime, polémique et provoque
Qu'ça fasse des vagues, des étincelles, éclaboussures...
(MAP - Fallait pas nous inviter)

C'est avec soulagement que je m'éloigne de cette étrange femme, mille questions tourbillonnant dans ma jeune tête.
Je m'demande si c'est pas une créature du sans-nom, quand même... elle a de sacrées drôles de maînières !
Et puis, 49 ans, elle pourrait être ma grand'mère... mais la mienne est toute grélaie comme une véye cointche .
Il faudra que j'en parle au tiurie, ça m' fait paiyu tout ça... Mais je craibïn qu'elle est juste dâbate, ou qu'il lui est arrivé un trïnne-guigne et elle a perdu la mémoire, ça arrive... J' suis bien embêtée !

Heureusement, la proximité de la boucherie "Au Porc Segnant" me fait presser le pas et remettre à plus tard les réflexions sur mon "invitée".

Ensuite, je me rends à la mairie pour voter.
...
De retour chez moi, je vois la dame Landru qui se trémousse devant son reflet dans le carreau, engoncée dans mes habits du Dimanche, ses seins faisant mine de s'échapper du corsage à chaque mouvement.

Quant à moi, j'inspire un grand coup pour éviter de me mettre en colère et dépose mon panier sur la table.

- J'a pas eu de tchie , le botchie a pas de soiye ni de caircaisses à cause de la mairasse.
Mais j'ai rapporté du pain et de la cancoillotte. Et si vous voulez de la tchie, faudra tuer une pucenatte.
- Ouais ouais, c'est pas grave ! Mais tu pourrais pas parler normal'ment, j'ai du mal à t' suiv' moi ! C'est du parler d'putois ça !
- C'est comme ça qu'on parle chez moi ! Et vous, vous êtes vuldyaire !
- C'est ça, c'est ça, mijaurée ! me répond Germaine en riant, avant de me poser la question fatidique.
- Pour qui qu' t'as voté donc ?
- Pour le diacre, Hadrien Marcus ! réponds-je, énervée par autant de sans-gêne.

Et là, voyant la tête de Germaine, je subodore que je vais en prendre plein mon grade, sans savoir pourquoi.

grélaie = ridée
véye cointche = vieille poule
tiurie = curé
paiyu = peur
dâbat = simplet
trïnne-guigne = malheur
tchie, botchie = viande, boucher
soiye = seau
caircaisse = carcasse
pucenatte = poulette
vuldyaire = vulgaire

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Poule qui chante et coq qui danse méritent la potence.
Malicorne, dessinée par Lou-Diamant

Choucroute Blues

Je ne m'attends certes pas à ce concert d'imprécations de la part de cette dame nue à la seule mention de ma jolie ville et j'essaie de ne pas entendre ses groûechiertès.

J'ai envie de fuir à toutes jambes mais je me remémore le texte sur les vertus. Avoir de l'empathie et faire preuve de charité, c'est ainsi que je dois me conduire à l'égard de cette pauvre femme, qui a visiblement perdu l'esprit.

Avec gentillesse, je lui tends ma cape dans laquelle elle s'enroule, me permettant ainsi de mieux la regarder sans avoir à rougir devant sa nudité.

- Vous êtes aiffaimèe ? Ah ça tombe bien : j'a préparé une trentaine de potats de mâtchô ! Devant son œil rond, je précise : Choucroute... Faut dire que j'a planté trop d' chôs...
- D'la choucroute ? Ben v'là ! D'la bouffe lorraine encore en plus ! On a décidé de m'emmerder jusqu'à l'os, pour sûr !
- Ah non ! C'est des chôs d'mon djaidgïn.... pas d' Lorraine. J'ira aitchetaie des indoyes à la boétcherie « Au Porc Saignant » et j'a quelques pétenaidges. Et deurmaint si vous voulez j'vous fera des brecéts.

Je la regarde en coin tandis qu'elle marche à mon côté. Elle ne dit plus rien, renfrognée.

C'est quoi vot' nom, maidaime ?

djaidgïn = jardin
indoye = saucisse
boétcherie = boucherie
pétenaidge = panais
deurmaint = demain
brecét = bricelet (gaufre)

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Poule qui chante et coq qui danse méritent la potence.
Malicorne, dessinée par Lou-Diamant

Rencontre du troisième type

Malgré la pluie drue et glacée qui semble ne plus devoir s'arrêter, je m'aventure au-delà des murailles de Vesoul pour m'installer dans mon abri de branchages au bord de la rivière.
Celle-ci semble furieuse, charriant dans ses eaux des branches, des cailloux qui, par leurs formes, titillent mon imagination.

À la poupée de chiffons qui ne quitte pas mon panier, je raconte l'histoire de la Dame verte *.

Tu sais, Marie, quand on descend la rivière de la Loue, jusqu'aux alentoués de Dole, face à l'immense forêt de Chaux, on arrive dains un yûe appelé « Bas de l'échprit  » handaie par la Daime Voidge.

Si tu la vos passer dains ton djaidgïn , ou si tu la rencontres au détour d'un tch'mïn , alors tu peux être chure que dains les jours qui suivent, un déseûdge se produira.

Ne secoue pas la caboche, c'est la pure vérité !

Elle a des compaignes, rétropes de superbes tuniques voidges, comme elle.
Ces daimes viennent au-devant des hannes qui traversent le bos, les entraînent grâce à d'invincibles coyènneries en des yûes écartés et secrets.

Le charme ne dure djemaîs , car ces bâtès si aimâbyes, si graiciouses, se transforment bientôt en mégères mâlimèes et pourchassent leurs dupes avec autant de gregnance qu'elles ont employé de douçou à les attirer.

Un bruit mou se fait entendre non loin de ma cabane et, curieuse, je sors la tête pour voir ce qu'il en est. À ma grande stupéfaction, une femme entièrement nue est là vautrée sur la rive, qui, m'apercevant, se redresse.

Bordel à cul ! D'où que j'suis rendue ?
La Daime Voidge! m’écrie-je sans réfléchir, sentant mes poils se hérisser.
Daime Voidge mon cul ! Comment qu'tu causes, andouille ?
…

Vexée mais restant polie, je lui réponds calmement, malgré la peur qui me tenaille :

Je suis pos une aindoéye, je suis Malicorne Taillebois et vous êtes tout près de Vesoullle !

Alentoué = alentour
yûe = endroit, lieu
échprit = esprit
handaie = fréquenté
Daime Voidge = Dame Verte
djaidgïn = jardin
déseûdge = désastre
rétrope = vêtu
hanne = homme
coyènnerie = agacerie
bâtè = beauté
mâlimè = acariâtre
gregnance = fureur
douçou = douceur

* Tiré de « Croyances et Traditions Populaires recueillies dans la Franche-Comté... » de Désiré Monnier & Vingtrinier
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Poule qui chante et coq qui danse méritent la potence.
Malicorne, dessinée par Lou-Diamant